2) L’illusion du réel
a) Description et cadre spatio-temporel réalistes
Ainsi, les romanciers s’attachent à retranscrire sous forme romanesque
une expérience réelle, qu’elle soit ou non la leur et, par là, imitent le réel
dans la création de leurs personnages, comme dans l’élaboration de leur
intrigue. D’ailleurs, ils utilisent tout leur savoir-faire pour donner à leur
lecteur « l’illusion du vrai », notamment en inscrivant leurs personnages
dans un cadre spatio-temporel réaliste et précis. La première page
de L’Éducation sentimentale de Flaubert commence par la description
extrêmement précise d’un bateau, la Ville-de-Montereau : le lecteur voit
tout, jusqu’à la fumée qui s’échappe de la cheminée du bateau. Il entend
l’agitation qui règne sur le bateau qui s’apprête à partir. Il connaît
exactement le jour et même l’heure qu’il est, une date réelle qui s’inscrit
dans l’actualité du romancier. Les personnages sont décrits
minutieusement, jusqu’aux moindres détails. Ainsi, le romancier
présente-t-il un cadre qui s’inscrit dans une temporalité très précise.
Bien sûr, tous ces détails sont faux, puisqu’il s’agit d’une histoire
fictive. Si l’auteur s’ingénie à les retranscrire, c’est pour donner au
lecteur une impression de réel. Il parvient ainsi à produire une réalité,
qu’on pourrait qualifier de fictive, avec une extrême précision.
b) L’importance du style
En effet, le style est plus important, pour certains auteurs, que l’intrigue
; et Flaubert ira même jusqu’à dire qu’il a réussi à écrire un roman sur
rien : Un Cœur simple. Il s’agit de l’histoire d’une servante de province,
qui se prend de passion pour un perroquet. Il est vrai que l’histoire, ainsi
résumée, peut paraître peu palpitante. Et pourtant, Flaubert a écrit un
chef d’œuvre qui tire toute sa grandeur de l’alliance d’un style parfait et
d’une intrigue allégorique : la simplicité d’un cœur, plein de
dévouement, et qui ne reçoit aucun amour, aucune reconnaissance en
retour. Ainsi, les éléments de réel deviennent fiction, transformés par le
style. La réalité dans le roman est donc une utopie : le romancier n’est ni
historien, ni journaliste, il ne peut pas concurrencer l’état civil, mais
faire naître une œuvre d’art qui correspond à sa vision du monde,
retranscrite grâce à la puissance de son style.
Corrigé
Le roman implique donc nécessairement un rapport avec le réel car les
écrivains puisent leur inspiration dans la réalité et sont capables de créer
l’illusion du réel grâce à différentes techniques littéraires. L’écrivain
peut choisir de se rapprocher de l’univers réel ou au contraire, s’en
éloigner et inventer un monde imaginaire. Quoi qu’il en soit, on ne peut
dissocier le roman de la création artistique. Le romancier est avant tout «
un illusionniste » comme le dira Maupassant, qui met en scène, à sa
manière, selon son style et sa vision du monde un univers qui ressemble
au nôtre, sans jamais se confondre avec lui. C’est d’ailleurs là,
certainement, l’intérêt de la littérature : nous présenter une nouvelle
vision du monde qui nous touche et nous enrichit.