« State capture » ou les risques de l’incapacité des
Etats des pays émergents à détenir le contrôle des flux financiers illicites.
Le cas de l’Afrique du Sud est emblématique à ce sujet, où l'ancien président Jacob
Zuma, avec les Gupta, a construit un « réseau mafieux » particulièrement sophistiqué pour « piller » les fonds de l’État sud-africain pour ses propres intérêts.
Il faut un un contexte politique particulier pour que se réalise « la prise
de contrôle de l'État » ou « state capture », où un système mafieux s’installe au cœur de l’Etat et le soumette à ses seuls intérêts.
En Afrique du Sud, le scandale a mis en évidence l'influence de la famille
Gupta, qui a infiltré l'État pendant la présidence de Jacob Zuma afin de rafler de juteux contrats en association avec l'un des fils du Chef de l’Etat. C’est en 2016 que la médiatrice de la République Thuli Madonsela avait rendu public un rapport accablant -« State Capture Report » , révélant un vaste système de corruption au plus haut niveau de l'État. C’est ce rapport qui fera basculer la présidence de Jacob Zuma et qui conduira à sa démission – destitution. Les témoignages sur la « state capture » atteste qu’il s’agit d’système tentaculaire aux ramifications quasi indescriptibles, qui opère tel un cancer et qui a pour conséquence ultime de mettre à genoux l'économie du pays, de saper les fondements de la société et surtout qui a fragilisé les jeunes démocraties des pays émergents. Le state capture, loin d'être un slogan politico-cosmétique, est bien une réalité à laquelle les pays en transition peuvent être confrontés à des degrés divers. Le cas sud-africain a quant à lui atteint son paroxysme, tant le système orchestré par une minorité d'individus, dont Jacob Zuma, a impliqué les plus hauts sommets de toutes les sphères institutionnelle, politique, économique, voire sociale de la société sud-africaine.
Selon la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international
(FMI), les premiers cas de state capture ont été identifiés dans les pays d'Europe de l'Est au début des années 2000. Le state capture est décrit par l'ONG Transparence internationale comme « une des formes de corruption la plus pernicieuse où les entreprises, les institutions ainsi que les individus puissants utilisent la corruption, telle que l'achat de lois, d'amendements, de décrets ou de jugements ainsi que des contributions à des partis politiques, des candidats pour influencer et « dessiner » la politique, l'environnement juridique et économique d'un pays pour leurs propres intérêts ». Par conséquent, selon la chercheuse Anne Lugon-Moulin, dans un tel contexte, tous les types d'institutions sont soumis à la « capture » : les institutions, judiciaires, gouvernementales, les agences de réglementations, les entreprises publiques et les ministères dont elles dépendent. Les leaders politiques de très haut rang sont eux-mêmes (de gré ou contraints) impliqués dans ce vaste système de corruption au profit de groupes d'intérêts. Le state capture ainsi que c’est souvent le cas dans les pays émergents, consiste en la mise en place au cœur même de son gouvernement, d'un État dans l'État (deep state). C’est cette organisation qui permet à un groupe mafieux, au sein d'une entité informelle d'agir secrètement et d’orienter à son profit, toutes les décisions du gouvernement au-delà et même en violation du pouvoir légal. Et bien entendu, tout ceci ne peut fonctionner qu’avec la bénédiction d'un chef d'État censé être le garant des institutions et le protecteur de la démocratie et de l’Etat.