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ITEM 248 : HYPOTHYROÏDIES (de l’enfant*)

Objectifs pédagogiques

-Diagnostiquer une hypothyroïdie


-Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Auteur : Maithé TAUBER

Référent : Professeur Maithé TAUBER (tauber.mt@chu-toulouse.fr)

Version 2008

Points importants
-l’hypothyroidie congénitale est due le plus souvent à une anomalie de développement de la glande
thyroïde

-l’hypothyroïdie congénitale touche 1/3 500 à 1/4 000 naissances. La fréquence est plus faible dans
certaines populations (1/2 000 en Espagne

-le sex ratio est de 2 filles/1 garçon.

-le dépistage néonatal systématique existe en France (1974) et dans la majorité des pays européens

- le traitement doit être mis en place précocement et adapté très finement sur le dosage de la T4L et de la
TSH

- l’enjeu est la croissance et surtout le développement psychomoteur

- les autres causes d’hypothyroïdie ne sont pas différentes de celles de l’adulte

*Ce chapitre ne traite que ce qui concerne l’enfant

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PLAN

1 SIGNES CLINIQUES
1-1 Les hypothyroïdies à révélation précoce :
1-2 Les formes à révélation tardive

2 LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES

3 LES ETIOLOGIES
3-1 Hypothyroïdies congénitales permanentes
3-1-1 Primaires
3-1-2 Périphériques
3-2 Hypothyroïdies congénitales transitoires

4 DEPISTAGE NEONATAL SYSTEMATIQUE

5 TRAITEMENT

6 EVOLUTION

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1 SIGNES CLINIQUES

Le tableau clinique est discret à la naissance sauf dans le cas où la mère est également
hypothyroïdienne, et n’a pas le temps d’évoluer dans les pays où le diagnostic néonatal
systématique est effectué au 3ème jour de vie. Malheureusement, un grand nombre de pays ne font
pas à l’heure actuelle ce dépistage et pour cette raison, il est toujours utile de connaître les signes
cliniques de l’hypothyroïdie congénitale

1-1 Les hypothyroïdies à révélation précoce :

Le diagnostic est rarement évoqué devant les petits signes retrouvés des la naissance :

- taille de naissance inférieure à la normale contrastant avec un poids normal ou élevé,


-persistance du lanugo, hirsutisme dorso-lombaire,
-cerne bleuâtre périlabial et périnarinaire,
-élargissement des fontanelles antérieure et postérieure,
-ictère néonatal prolongé (durée supérieure à 8 jours).

Le tableau clinique devient évident au cours des deux ou trois premiers mois :

- les troubles digestifs avec anorexie et constipation opiniâtre,


-la macroglossie entraînant des troubles de la succion, des difficultés respiratoires associant une
respiration nasale bruyante
- raucité du cri par infiltration myxoedémateuse des cordes vocales et du larynx,
- hypotonie musculaire abdominale avec une hernie ombilicale,
- fontanelle antérieure très large.
Le comportement anormal de l'enfant, trop sage, qui ne pleure pas, dort trop bien, s'endort lorsqu'il
tète, n’inquiète que rarement l’entourage. Il en résulte une stagnation pondérale et surtout staturale.

A la fin du troisième mois se trouve réalisé le tableau du myxoedème congénital précoce


associant :

- retard statural dysharmonieux avec brachyskélie et poids excessif pour la taille,


- dysmorphie faciale par immaturité de l’étage moyen avec faciès infiltré et macroglossie, lèvres
entrouvertes, nez ensellé à la base et épaissi à son extrémité
- abdomen distendu,
- anomalies cutanées avec peau sèche, épaissie et infiltrée, peu colorée.
- retard des acquisitions psychomotrices .Ce tableau est désormais historique « crétinisme
hypothyroidien »dans les pays de plus en plus nombreux qui ont mis en place un programme de
dépistage néonatal.

Signes présents chez les enfants dépistés dans les premiers jours de vie :

-fontanelle postérieure large (61 %), hernie ombilicale (52 %), ictère physiologique prolongé (42 %),
constipation (37,7 %), marbrures cutanées (30,8 %), macroglossie (29 %), somnolence (27,6 %),
faciès typique (23 %), hypotonie (21 %), troubles de la succion (18,6 %), hypothermie (12 %), œdème
(11 %).

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1-2 Les formes à révélation tardive
Il peut exister des formes à révélation tardive qui correspondent le plus souvent aux ectopies
thyroïdiennes dont le volume est initialement compatible avec une croissance normale ou
subnormale, mais qui s’épuisent progressivement. Le tableau peut être celui d’une hypothyroïdie
franche mais, le plus souvent, les signes d’insuffisance thyroïdienne sont discrets et/ou isolés. Le
signe essentiel est le retard statural à vitesse de croissance ralentie, classiquement
dysharmonieux, avec brachyskélie et hypertrophie de certaines masses musculaires, mollets en
particulier. Plus rares sont une baisse de rendement scolaire, une frilosité et une constipation
récentes, une dépilation et une infiltration discrètes.

2 LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Ce sont ceux que l’on realise lors d’un dépistage néonatal lorsque le nouveau-né arrive à l’hôpital
vers le 6 ème jour de vie environ

-Radiologiques :. Le retard de la maturation osseuse est pratiquement constant et


intense : les points fémoraux inférieurs et tibiaux supérieurs normalement présents chez le nouveau-
né à terme sont absents ou fragmentés. Cette dysgénésie épiphysaire est pratiquement
pathognomonique. Bilatérale et symétrique, elle affecte les points d’ossification des extrémités
fertiles des os longs, et surtout les petits os du carpe et du tarse (cuboide avec aspect en cocarde ).
Ce sont les seules radio demandées aujourd’hui chez les nouveaux nés dépistés.

Autres signes radiologiques : Les signes cranio-faciaux associent un retard de fermeture des
fontanelles et des sutures, avec persistance des os wormiens, un aspect ballonisé de la selle turcique,
une densification exagérée des os de la voûte et de la base réalisant de face l’aspect «en lunette »
par densification des rebords orbitaires. Les signes vertébraux sont représentés par l’élargissement
intervertébral, l’hypoplasie et la déformation des corps vertébraux, ovoïdes, au niveau de D12, L1
ou L2.

-Biologiques : à on réalise le dosage de T3 libre, T4 libre, TSH ultrasensible. On récupère le


résultat en urgence le jour même.

- L’imagerie :
- L’échographie thyroïdienne qui précise la présence ou absence de glande en
position normale cervicale.
- La scintigraphie thyroïdienne au Technetium permet à la fois d’obtenir une
imagerie et une fonctionnalité de la glande. C’est le seul examen qui permet de
diagnostiquer les ectopies thyroïdiennes.

- Autres examens :
- Iodémie, si l’on pense à un excès ou une carence en iode
- Anticorps si l’on pense à une pathologie immunitaire maternelle
- Thyroglobuline en présence d’un goitre important

3 LES ETIOLOGIES

3-1 Hypothyroïdies congénitales permanentes


3-1-1 Primaires
- Dysgénésies (ectopie, agénésie, hypoplasie, hémiagénésie ) 85 % des formes dysgénétiques
sont dues à une anomalie de développement de la glande thyroïde, dans 1/3 des cas il s’agit d’une
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athyréose, dans 2/3 des cas d’une ectopie (glande ectopique sublinguale, sous maxillaire). On sait
aujourd’hui qu’il existe des formes familiales (2 %), et que ces malformations congénitales sont
associées dans 9 % des cas. Les gènes impliqués sont Pax 8, TTF-1, TTF-2 (TTF pour facteur de
transcription thyroïdien).
- Troubles de l’hormonosynthèse (mutations thyroglobuline, transporteur d’iode/sodium,
thyroperoxidase) 10 à 15 % des hypothyroidies congénitales sont dues à des troubles de
l’hormonosynthèse : la thyroïde est en place mais non fonctionnelle, son volume est normal ou
augmenté. Il s’agit souvent de cas familiaux, la transmission est souvent autosomique récessive
(tableau 1) ou à des mutations du récepteur de la TSH
-Résistance à la TSH (mutations récepteur TSH, pseudo-hypoparathyoïdie)
-Causes centrales :
- Syndrome d’interruption de la tige hypophysaire
- Mutations inactivatrices du récepteur de TRH, de facteurs de transcription hypophysaire
(Pit-1, Pro-Pit 1, LHX 3, HESX-1).

3-1-2 Périphériques
- Résistance aux hormones thyroïdiennes (mutation TRß)
- Anomalie du transport des hormones thyroïdiennes (mutation MCT8)

Tableau 1 : Etiologies des troubles de l’hormonosynthèse

Défaut de captation de l’iode: symporteur du sodium/iode


Défaut d’oxydation et d’organification : mutations de la TPO (Pendrine)
Mutations du gène Pendrine : syndrome de Pendred
Défaut de couplage : mutations de la TPO
Anomalies de laTg : mutations du gène de la Tg
Défaut de la protéolyse et sécrétion de T4
Défaut de désiodinase : mutations du gène de la désiodinase

3-2 Hypothyroïdies congénitales transitoires

-Carence en iode sévère: Une hypothyroïdie même légère chez une femme enceinte
résultera en une atteinte du potentiel psycho-intellectuel de son enfant et ce en l’absence chez celui-
ci d’un dysfonctionnement thyroïdien. Une surveillance systématique de l’hypothyroïdie et de la
présence des auto-anticorps antithyroïdiens doit être faite avant et pendant la grossesse : il est
important de se rappeler que trois à vingt-cinq pour mille de toutes les femmes enceintes sont ou
deviennent hypothyroïdiennes ; ceci est le plus souvent dû à des problèmes d’auto-immunité
antithyroïdienne. L’apport en iode chez la femme enceinte devrait atteindre un minimum de 200
µg/jour.
-Traitement maternel par antithyroïdiens
-Passage transplacentaire d’anticorps contre le récepteur de TSH
-Mutations hétérozygotes inactivatrices de THOX2

Bilan complémentaire à 12 ou 24 mois.

- Si le diagnostic étiologique est incertain ou si l’on a interrompu le traitement : T4 libre


TSH ± TRH / anticorps
Scintigraphie ± test perchlorate

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4 DEPISTAGE NEONATAL SYSTEMATIQUE

Le dépistage est réalisé, en France depuis 1974 de manière systématique de la manière


suivante :
- prélèvement au 2ème ou 3ème jour de vie par microponction au talon du nouveau-né de
quelques gouttes de sang déposées sur un papier buvard.

- envoi par la poste, du papier buvard, au centre régional de dépistage. Il existe en France
23 centres de dépistage permettant une couverture complète du territoire.

- dosage de la TSH par élution du sang sur le papier buvard

- convocation du nouveau-né si le taux de TSH est supérieur à 20 µU/ml et examens


complémentaires

Ce dépistage est gratuit et a permis une couverture totale à 100 % de toutes les naissances en
France.

5 TRAITEMENT

-il s’agit d’une opothérapie substitutive avec la LT4 : L Thyroxine : 10-15 mcg/kg/j
-sous forme de gouttes : suspension, instable à garder à 4°C
-puis sous forme de comprimés : Levothyrox* dès que l’enfant peut les prendre
-surveillance clinique et biologique tous les 15 jours pendant les 2 premiers mois, puis 3 mois,
4 mois, 6 mois, 9 mois, 12 mois et tous les 6 mois par la suite jusqu’à la fin de la croissance.
Puis ces patients sont suivis par des endocrinologues comme d’autres patients
hypothyroïdiens.

6 EVOLUTION
Les enfants ont un développement statural et psychomoteur satisfaisant. Des études sur le
long terme sont en cours. L’évolution est corrélée à la précocité de la mise en route du traitement et
à la posologie initiale.

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