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L'UNION AFRICAINE
ET LA SÉCESSION DU SUD-SOUDAN
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Umberto Tavolato
9. Voir en particulier A. sarjoh bah, Dilemmas of Regional Peacemaking : The Dynamics of the AU’s
Response to Darfur, new York, Center on International Cooperation/new York university, 2010 ;
K. nerland, « building a Regional Peacekeeping Capacity : The Challenges facing the African union
in darfur », in R. sharamo et b. Mesfin (dir.), Regional Security in the Post-Cold War Horn of Africa,
Pretoria, Institute for security studies, 2011, p. 407-435 ; s. Appiah-Mensah, « Au’s Critical Assign-
ment in darfur : Challenges and Constraints », African Security Review, vol. 14, n° 2, 2005, p. 7-22 ;
h. boshoff, « The African union Mission in sudan », African Security Review, vol. 14, n° 3, 2005,
p. 57-60.
10. Voir par exemple A. natsios, « Waltz With bashir : Why the Arrest Warrant Against sudan’s
President will serve neither Peace nor Justice », Foreign Affairs, 23 mars 2009 ; P. Akhavan, « Are
International Criminal Tribunals a disincentive to Peace ? Reconciling Judicial Romanticism with
Political Realism », Human Rights Quarterly, vol. 31, n° 3, 2009, p. 624-654 ; K. A. Rodman, « darfur
and the Limits of Legal deterrance », Human Rights Quarterly, vol. 30, n° 3, 2008, p. 529-560 ;
M. Mamdani, Saviors and Survivors : Darfur, Politics, and the War on Terror, new York, Pantheon
books, 2009 ; A. de Waal et J. flint, « Case Closed : A Prosecutor Without borders », World Affairs,
vol. 171, n° 4, 2009, p. 23-38 ; d. Akande, M. du Plessis et C. C. Jalloh, An African Expert Study on the
African Union Concerns about Article 16 of the Rome Statute of the ICC, Pretoria, Institute for security
studies, 2010, disponible sur <iss.co.za>.
11. umberto Tavolato a été conseiller politique auprès du représentant spécial de l’union euro-
péenne au soudan de 2004 à 2008. depuis 2009, il est Premier secrétaire à la délégation de l’union
européenne auprès de l’union africaine. L’analyse et les opinions formulées dans cet article sont
uniquement les siennes et ne doivent en aucun cas être comprises comme reflétant la position
officielle de l’union européenne.
le Dossier
104 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
Le rôle de leader assumé par l’uA dans le processus de paix nord-sud n’est
pas le premier engagement de l’organisation dans le pays mais résulte bien
d’un engagement diplomatique progressif et de long terme au soudan. Les
pays africains sont les premiers à fournir le cadre qui permet la signature
du CPA, sous le patronage de l’Autorité intergouvernementale pour le déve-
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12. Voir T. Jeptoo seii, « The Intergovernmental Authority on development (Igad) and the sudanese
Peace Process », in K. G. Adar, J. G. nyuot Yoh et e. Maloka, Sudan Peace Process : Challenges and
Future Prospects, Pretoria, Africa Institute of south Africa, 2004, p. 15-18.
13. L’Égypte a généralement été perçue comme étant opposée à toute remise en cause du statu quo
entre le nord et le sud-soudan, en grande partie du fait de sa dépendance aux eaux du bassin du
nil. Voir f. A. Kornegay, « Regional and International Implications of the sudanese Peace
Agreement », in K. G. Adar, J. G. nyuot Yoh et e. Maloka, Sudan Peace Process…, op. cit., p. 62.
14. Cette initiative est lancée à l’occasion du 9e sommet des chefs d’État de l’Igad à Khartoum. Voir
K. Abraham, Sudan : The Politics of War and Peace, Addis-Abeba, hadad, 2005, p. 409.
Politique africaine
105 En finir avec les frontières coloniales? L’Union africaine et la sécession du SudSoudan
par l’ancien président sud-africain, Thabo Mbeki, pour examiner les questions
de justice, de paix et de réconciliation dans cette région 25. un an plus tard,
après de longues consultations au soudan, le panel Mbeki soumet un rapport
dans lequel il accuse Khartoum d’entraver l’accès à la justice des citoyens
soudanais et de saper la crédibilité du système de justice pénale du pays. Le
panel recommande que Khartoum réponde au TPI par des moyens légaux,
que soit mis en place un système intégré de justice au darfour, et qu’un
règlement final au conflit soit recherché à travers un processus plus inclusif 26.
Le rapport déplaît à Khartoum qui, au lieu de le rejeter et de se mettre à dos
l’organisation continentale, choisit de retarder, jusqu’à ce jour, l’application
de ses recommandations.
en dépit de la réaction négative de Khartoum, le rapport Mbeki est adopté
avec enthousiasme au sommet extraordinaire pour la paix et la sécurité,
exclusivement dédié au soudan, qui réunit les chefs d’État de l’uA à Abuja
en octobre 2009 27. Il y est accueilli comme une contribution africaine majeure
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25. Communiqué de l’uA, 142e réunion du Conseil de paix et de sécurité, 21 juillet 2008.
26. Panel de haut niveau de l’uA pour le darfour, Darfur: The Quest for Peace, Justice and Reconciliation,
octobre 2009, disponible sur le site de l’uA : <africa-union.org>.
27. une décision confirmée ensuite lors de la 12e session ordinaire de l’Assemblée (Addis-Abeba,
3 février 2009).
28. déclaration du Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, au Conseil de paix et de sécurité de
l’uA, 207e réunion des chefs d’État et de gouvernement, Abuja, 29 octobre 2009.
29. Communiqué de l’uA, Conseil de paix et de sécurité, 207e réunion des chefs d’État et de gou-
vernement, Abuja, 29 octobre 2009.
le Dossier
108 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
30. Pour une analyse de la situation politique d’alors au soudan, voir International Crisis Group,
« sudan : Preventing Implosion », Briefing Afrique, n° 68, 17 décembre 2009.
31. Le MPLs, initialement opposé à l’initiative de l’uA, reviendra plus tard sur sa position (voir infra).
32. Voir d. helly (dir.), Post-2011 Scenarios in Sudan : What Role for the EU ?, Paris, Institut d’études
de sécurité de l’ue, 2009, p. 54-55.
33. Voir L. Cliffe, « Peace in the horn This Year ? », Review of African Political Economy, vol. 30, n° 97,
2003, p. 497-504.
34. b. bruton, « In the quicksands of somalia : Where doing Less helps More », Foreign Affairs,
vol. 88, n° 6, 2009, p. 79-94.
35. L’Éthiopie est élue à la présidence de l’Igad lors du 12e sommet ordinaire de l’organisation à
Addis-Abeba en juin 2008.
Politique africaine
109 En finir avec les frontières coloniales? L’Union africaine et la sécession du SudSoudan
36. L’Érythrée suspend sa participation à l’Igad en avril 2007 du fait de ses divergences sur la crise
somalienne : « eritrea suspends its Membership in Igad over somalia », Sudan Tribune, 22 avril 2007.
37. Communiqué de la 14e session extraordinaire de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement
de l’Igad sur le processus de paix au soudan, nairobi, 9 mars 2010.
38. « Kiir and Meles discuss sudanese elections », Sudan Tribune, 19 avril 2010.
39. Voir P. d. Williams, « from non-Intervention to non-Indifference: The Origins and development
of the African union’s security Culture », African Affairs, vol. 106, n° 423, 2007, p. 253-279.
40. Assemblée de l’uA, 14e session ordinaire, Addis-Abeba, 31 janvier-2 février 2010.
41. entretien avec un haut fonctionnaire de la Commission de l’uA, mai 2011.
42. selon les entretiens de l’auteur avec de hauts fonctionnaires de la Commission de l’uA,
la nomination du panel de haut niveau Mbeki est le fait du président de la Commission.
le Dossier
110 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
neuf pays pour la plupart fragiles, peut poser un réel défi à une large partie
du continent africain.
Obtenir le soutien des partenaires internationaux se révèle être une tâche
compliquée pour l’uA. Au darfour, ceux-ci ont soutenu le leadership de
l’uA avec enthousiasme à un moment où ils n’étaient pas prêts à intervenir
eux-mêmes. Mais le processus nord-sud est différent. Les États-unis, le
Royaume-uni et la norvège sont les garants historiques du CPA et, quand
l’uA commence à faire pression pour obtenir le rôle de leader du processus
de paix en 2009, leur réaction est réservée. d’autant plus que l’Onu, qui a
alors 10 000 soldats de maintien de la paix au soudan, espère légitimement
jouer un rôle prépondérant dans le processus 43. Ce manque d’enthousiasme
est visible lorsque Jean Ping se rend à new York en décembre 2009 pour
obtenir le soutien du Conseil de sécurité de l’Onu au rapport Mbeki, et
n’obtient du Conseil qu’un accueil favorable, au lieu de l’approbation sans
réserve espérée 44. Tandis que le rapport Mbeki se concentre essentiellement
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que béchir, un atout crucial qui renforce sa crédibilité en tant que médiateur
et augmente ses chances de succès. Cet avantage ainsi que le « partenariat
stratégique » de l’ue avec l’uA amènent la haute représentante de l’ue pour
les affaires étrangères, Catherine Ashton, à accorder son soutien – et l’assistance
financière et technique nécessaire – au panel Mbeki 48. L’architecture inter-
nationale du processus fait finalement consensus à la réunion internationale
organisée à l’initiative de Jean Ping au soudan en mai 2010, immédiatement
après les élections nationales tenues le mois précédent. Au cours de cette
réunion, tous les partenaires internationaux promettent de soutenir le forum
consultatif soudanais, placé sous l’égide de l’Onu et de l’uA et au sein duquel
toutes les initiatives de paix pour le soudan (y compris celle pour le darfour)
seront coordonnées 49. Cette décision procure au panel Mbeki la légitimité de
l’Onu pour jouer un rôle déterminant dans le processus qui mènera au
référendum et à la transition post-référendum, en coordination étroite avec
le représentant spécial de l’Onu, haile Menkerios.
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48. Voir le communiqué de la haute représentante de l’union pour les affaires étrangères,
23 mars 2010, disponible sur <consilium.europa.eu>.
49. Voir le communiqué de l’uA à l’issue de la réunion consultative sur le soudan, Addis-Abeba,
8 mai 2010.
50. Voir L. nathan, « Interests, Ideas and Ideology : south Africa’s Policy on darfur », African Affairs,
vol. 110, n° 438, 2010, p. 55-74.
le Dossier
112 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
51. Voir le communiqué de l’uA après la 201e réunion du Conseil de paix et de sécurité, 25 août 2009.
Politique africaine
113 En finir avec les frontières coloniales? L’Union africaine et la sécession du SudSoudan
darfour en octobre 2009 52, qui estime également que le conflit au Darfour
requiert un processus global négocié dans le contexte d’une transformation
démocratique du soudan. Les notes du panel Mbeki sont ainsi en accord avec
la vision d’un « nouveau soudan » embrassée par feu le leader historique du
MPLs, John Garang 53. L’appel de l’uA à l’unité du soudan s’accompagne donc
d’un appel à la transformation (ou démocratisation) de la scène politique
soudanaise grâce à une approche holistique. Mais, avec la disparition du
principal défenseur du « nouveau soudan », la sécession paraît de plus en
plus inévitable 54.
Avant d’être reconnue comme médiateur international dans le processus
nord-sud, l’uA doit faire face à l’opposition initiale des dirigeants du MPLs.
La diplomatie de l’OuA, à l’indépendance, avait établi une distinction claire
entre les mouvements de libération «légitimes» qui luttaient contre les régimes
minoritaires blancs et les rébellions « illégitimes » qui revendiquaient une
sécession ou des réformes en opposition à un État postcolonial 55. Là encore,
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52. Panel de haut niveau de l’uA pour le darfour, Darfur : The Quest for Peace…, doc. cit, p. 14.
53. Pour John Garang, l’objectif de la lutte armée soudanaise devait être la création d’un soudan
uni et démocratique, régi par une politique économique et un ordre constitutionnel respectueux
de sa diversité.
54. Voir A. natsios et M. Abramowitz, « sudan’s secession Crisis », Foreign Affairs, vol. 90, n° 1, 2011,
p. 19-26.
55. C. Clapham (dir.), African Guerrillas, Oxford, James Currey, 1998, p. 4.
56. entretien avec Arop deng Kuol, représentant du gouvernement sud-soudanais en Éthiopie et
auprès de l’uA, mai 2011. selon lui, qui représentait déjà en 1997 le MPLs à Addis-Abeba, la tentative
d’assassinat contre le président égyptien Moubarak la même année, soupçonnée d’avoir été orga-
nisée par le nouveau régime islamiste à Khartoum, a joué un rôle décisif dans la décision du
secrétaire général de l’OuA d’abandonner les positions doctrinales de l’organisation et d’accepter
de rencontrer Garang.
le Dossier
114 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
le référendum ait lieu en janvier 2011 et pour que le choix du peuple soudanais
soit accepté et respecté ». Il souligne également que « tout délai ou toute
manœuvre pour reporter le référendum » amènera le sud-soudan à déclarer
unilatéralement son indépendance et entraînera de nouveau le pays vers la
guerre. Le président Ping répond immédiatement en réitérant la position
officielle de l’UA : « Nous avons pris acte de l’importance du référendum.
Je tiens à vous assurer, vous et le président béchir, de la volonté et du désir
de tous d’en respecter les résultats. Voter lors du référendum est la prérogative
du sud-soudan, pas la nôtre » 60. L’échange est historique : pour la première
fois de l’histoire de l’Afrique postcoloniale, un mouvement africain utilise la
scène panafricaine de l’uA pour promouvoir son programme sécessionniste.
Les garanties de Jean Ping à propos du référendum – et les visites fréquentes
de Mbeki à Juba – amènent, deux mois plus tard, le secrétaire général Amoun
à approuver sans réserve le leadership de l’uA dans le processus. Les partis
signent par la suite le protocole d’accord de Mekelle, qui confirme que
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68. Résolution 1514(xv) de l’Assemblée générale des nations unies, « déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », new York, 14 décembre 1960, articles 5 et 6.
69. déclaration solennelle de l’Assemblée de l’uA sur le soudan, Addis-Abeba, 30-31 jan-
vier 2011.
70. Voir le communiqué de presse de l’uA, « Au Chairperson Receives first Vice President of sudan
and President of southern sudan salva Kiir », 31 janvier 2011.
le Dossier
118 SudSoudan. Conquérir l’indépendance, négocier l’État
partition d’un pays africain est possible lorsque la partie qui fait sécession et
celle dont elle se sépare acceptent toutes deux cette option par un accord
internationalement reconnu. dans un tel cas, l’organisation continentale ne
peut pas s’opposer à la partition sans remettre en cause sa doctrine fondatrice.
Au moment de la rédaction de cet article, nous ne savons pas encore si la
partition du Soudan sera pacifique ou si elle déclenchera de nouveaux
événements tragiques. Ceci dépendra en grande partie de la volonté des
deux parties de s’accorder sur les conditions précises de la partition – grâce,
notamment, aux dispositions post-référendaires proposées par le panel
Mbeki. bien que cet article se soit concentré sur l’examen du rôle de l’uA dans
le processus de partition du soudan, il est important de souligner, une fois
encore, que l’influence des médiations et des acteurs internationaux sur la
politique soudanaise a toujours été limitée. Les dynamiques internes, plutôt
que les acteurs externes, sont le principal facteur qui explique l’acceptation
par béchir des résultats du référendum sud-soudanais. Il est néanmoins
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71. R. Cockett, Sudan, Darfur and the Failure of an African State, new haven, Yale university Press,
2010, p. 233.
72. M. W. daly, Darfur Sorrow : A History of Destruction and Genocide, Cambridge, Cambridge
university Press, 2007, p. 295.
Politique africaine
119 En finir avec les frontières coloniales? L’Union africaine et la sécession du SudSoudan
Umberto Tavolato
Abstract
Breaking colonial borders ? The African Union’s role in the secession of South
Sudan
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