Approches humanistes
La perspective humaniste regroupe des penseurs autour de l’idée centrale que l’être
humain constitue la valeur suprême de toute chose. Cette idée a émergé dès la Renaissance
avec des personnages tels que Erasme ou Montaigne ou des artistes comme Leonard de Vinci.
En tant que courant thérapeutique, l’approche humaniste envisage l’être humain non
comme un être mû par de simples pulsions ou par des stimuli, mais comme un être libre,
conscient de ses choix et doté de compétences. Par conséquent, la thérapie s'appuie sur
l'expérience consciente du client.
L’approche humaniste envisage la nature humaine comme fondamentalement bonne et
orientée à maintenir des relations significatives de bonne qualité dans l’intérêt de soi et
d’autrui. Elle vise à accompagner les personnes dans leur quête de sens. L’anxiété naît de
choix – passés ou à venir - qui ne peuvent être posés de façon authentique et responsable.
En ce sens, le courant humaniste peut également être envisagé comme une perspective
ontologique qui transverse d’autres courants. Ainsi, il est possible de distinguer le courant
humaniste fera davantage appel aux ressources internes positives actuelles et conscientes de
l’individu.
1. Historique et fondements
1.1.Précuseurs
La notion de pulsion de vie des psychanalystes telle qu’énoncée par Sigmund Freud
constitue la première formulation de la notion de compétence. Cependant, la pulsion de vie
peut s’avérer parfois brutale, violente et nécessite un lent travail de socialisation. Pour Freud
et ses disciples, le Ça est premier et se présente comme un réservoir pulsionnel. Or la pulsion
apparaît comme une force brute, une énergie qui ne demande qu’à se libérer, quelles que
soient les conséquences. Le «Moi» n’émerge qu’au terme d’une confrontation avec la réalité,
laquelle exige que la pulsion soit sinon sublimée, à tout le moins contenue ou réprimée.
Par contre, avec Hartman avec son concept de «Moi autonome», on découvre cette fois la
notion de « force positive de croissance ». Chez Hartman, au contraire de Freud, un moi
archaïque (et sain) est présent dès la naissance. Cette idée présuppose que la pulsion n’est pas
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première à l’inverse de ce que clament la plupart des psychanalystes. On distingue bien ici
une des sources fondamentales de réticence des psychanalystes à l’égard de la résilience.
Néanmoins, dans les faits, bon nombre de psychanalystes travaillent avec la notion de «
parties saines » du moi. De quoi s’agit-il ? L’idée est que, même dans les pathologies les plus
sévères, le psychisme n’est jamais totalement détruit. Le « Moi » peut être conçu comme un
« peau » qui à la fois enveloppe le psychisme, le protège des agressions de l’extérieur et
trouve des compromis entre la réalité et les pulsions inconscientes. Chez Freud, cette « peau
» n’existe pas à la naissance et se forme progressivement au fur et à mesure que le ça se
confronte à la réalité. Chez Hartman, au contraire, le bébé vient au monde d’emblée avec un
proto-moi qui fonctionne bien. En conclusion, le concept de compétence fait débat chez les
psychanalystes.
1.2.Carl Rogers
On ne peut bien comprendre la pensée de Carl Rogers que si l’on prend en compte son
parcours personnel et le contexte de la société américaine au début du XXème siècle.
Carl Rogers a été élevé dans une famille marquée par la religion. Sa formation initiale en
agronomie et son éducation religieuse expliquent, du moins en partie, la foi de cet auteur dans
les capacités positives de l’homme.
Carl Rogers
L’homme de foi pense quant à lui qu’il importe de s’aimer les uns les autres (regard positif
inconditionnel).
Sa formation d’agronome permet également d’expliquer le postulat de compétence sous-
jacent à son système théorique. En effet, telle une graine qui porte en elle toutes les
potentialités de la plante et qui croît de façon naturelle et spontanée, l’homme serait doté
d’une tendance naturelle à développer son soi. Il a juste besoin d’un « terrain » favorable à sa
croissance.
Sa formation en théologie le conduit à étudier les travaux d’Husserl pour qui le monde réel
ne peut être inféré que sur base de perceptions et ceux de Kierkegaard pour qui notre
implication dans le monde donne sens à notre existence. Il s’intéresse plus généralement à la
phénoménologie en tant qu’étude des données immédiates de la conscience. . Son intérêt pour
la philosophie Zen implique qu’il fait sienne l’idée que chacun doit trouver sa propre réponse
dans la vie.
L’existentialisme sera quant à elle fondatrice d’une triple exigence :
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Sur base de ces prémices, Carl Rogers développe à la fois une théorie de la personnalité –
normale et pathologique - et une méthode thérapeutique.
Développement normal
Comme tous les êtres vivants, l’homme possède en lui-même les ressources de sa propre
croissance. Ceci n’est toutefois possible que si certaines conditions de base sont réunies :
organiques, psychologiques, sociales et même spirituelles.
Ceci n’exclut pas que certaines personnes puissent se comporter de façon nuisible pour
eux-mêmes et pour autrui. Mais, dans la perspective humaniste, ces comportements
constituent des réponses secondaires témoignant d’une inadéquation à faire face à des
situations de souffrances. Les forces positives d’auto-actualisation sont par contre premières.
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C’est l’expérience qui fonde la « réalité » du sujet. Le terme « réalité » est ici mis entre
guillemets car il s’agit ici de la représentation que le sujet se forge à partir de son expérience
et non de ce que l’on pourrait nommer la réalité objective.
Le sujet attribue une valeur positive à son expérience lorsqu’il perçoit que celle-ci
augmente ses ressources et une valeur négative lorsque c’est l’inverse.
L’expérience de soi, ou image de soi, n’échappe pas à cette règle. En particulier, le niveau
d’estime de soi dépend de la balance entre les expériences positives et négatives. L’état de
plénitude est atteint lorsque les premières l’emportent alors que la dépression et l’anxiété
guettent lorsque les secondes dominent. On retrouve ici une idée qui dérive assez bien du
RHP (Ressource Holding Power) et de SAPH (Social Attention Holding Power) développés
au chapitre 4, bien que Rogers ne se soit pas appuyé sur l’éthologie pour élaborer son modèle.
Le « moi » se constitue à partir de ces diverses expériences. Il s’agit donc d’une structure
mouvante, susceptible d’évoluer.
Lorsque la personne vit un accord entre le moi et l’expérience, on dit alors qu’il y a
congruence. Cet état permet à son tour une ouverture accrue à l’expérience et une confiance
croissante de l’individu en ses potentialités. Ce qui accroît encore la congruence. Bien que
Rogers ne l’ait pas explicitement formulé, on observe ici un cercle vertueux ou encore ce
qu’en systémique on nomme une boucle de rétroaction positive.
Tout se passe comme si l’individu disposait d’un système d’évaluation interne qui lui
permet d’attribuer une valence positive ou négative aux expériences. Sont positives celles qui
vont dans le sens de la préservation, ou mieux, de l’enrichissement. Sont négatives celles qui
s’orientent en sens inverse.
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4° Nous avons besoin de personnes de référence pour nous aider à mener pleinement nos
expériences
Parmi le champ phénoménal des expériences, l’expérience de « Soi » - qui se réfère à tout
ce qui se rapporte à lui-même et à son identité – contribue à l’édification du « moi ». Cette
configuration expérientielle a comme caractéristique d’être en perpétuelle mutation et
potentiellement disponible à la conscience. Ce qui implique un effort plus ou moins soutenu
de conscientisation des états internes. Le « moi » est aussi la source du système d’évaluation
interne et, in fine, de la conscience d’exister et d’agir (régulation des comportements).
En synthèse, le « Soi » émerge sous l’action conjuguée de la force d’auto-actualisation, des
expériences et de l’action de l’Autre significatif.
Le système d’évaluation interne détermine également le niveau d’estime de Soi.
Développement pathogène
6° Il peut arriver que l’on sacrifie notre ouverture à l’expérience afin de gagner l’amour
des autres (aliénation)
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Lorsque l’expérience propre devient moins importante que les valeurs imposées par autrui,
le processus d’auto-actualisation est entravé. L’estime de soi peut être envisagée comme un
capital plus ou moins élevé que l’individu thésaurise en fonction des expériences.
L’enfant dépend quant à lui de personnes de référence susceptibles de satisfaire non
seulement son besoin de sécurité – comme les théories de l’attachement le soulignent – mais
aussi son besoin de considération.
Si l’entourage ne satisfait pas son besoin de considération, l’enfant risque de renoncer ou
d’altérer ses expériences afin d’enrayer le déficit de considération. En particulier, il risque de
nier ses perceptions – ce qui, à l’extrême, le condamne à l’extrême à halluciner – ou de
distordre ses processus pensées – ce qui alors, le condamne à l’extrême à délirer – afin de
préserver la considération de ses référents.
À cette fin, il introjecte les valeurs des personnes de référence, même si ces valeurs
contredisent sa propre expérience. Ou encore, les personnes de références invalident,
disqualifient l’expérience du sujet, en indiquant à ce dernier qu’il a mal perçu celle-ci et/ou
qu’il n’a pas éprouvé l’émotion adéquate et/ou qu’il pense de travers.
9° Lorsque les autres acceptent notre « réalité » au lieu de nous imposer la leur, nous
arrivons plus facilement à accepter notre « réalité »
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1° La non-directivité
Principe général : ne pas chercher à prendre le contrôle de l'autre. Le thérapeute doit, par
son attitude, faire sentir qu’il a la certitude que le patient possède en lui-même des ressources
psychologiques. Pour que cette force actualisante puisse émerger, l'individu doit se
représenter dans un climat susceptible de lui permettre d’exprimer ses propres ressources.
La non-directivité consiste à laisser parler le sujet avec attention et bienveillance.
L’intervenant évite d'interrompre le patient en s'abstenant de toute interprétation. Il permet
au client de faire son propre cheminement. Celui-ci fait alors une expérience dés-
aliénante au sein même de la rencontre avec l’intervenant.
Plus particulièrement, les attitudes suivantes conduisent à ce résultat :
2° La compréhension empathique
3° La congurence
La congruence résulte de l'accord entre ce que l'on est réellement et ce que l'on manifeste.
Il s’agit de réagir non seulement de façon professionnelle, mais aussi en tant qu’humain ;
càd être authentique ; càd que l’expérience de Soi que l’on donne à vivre aux autres
correspond effectivement à ce que l’on est (le Soi) réellement ; càd on ne « joue » pas.
Pour permettre au client de s'exprimer sans résistance, l’intervenant se présente tel qu'il est,
avec une sincérité absolue. Ceci ne signifie toutefois pas qu’il faut transformer la séance en un
atelier d’expression où l’intervenant s’épanche et se confie au client. L’intervention est
centrée sur le client.
L’intervenant ne le critique pas, ne juge pas et accepte le client tel qu'il est (celui-ci ne doit
pas se sentir rejeté). Il fait preuve de neutralité. Il respecte les valeurs morales, sociales,
religieuses ou philosophiques. L’intervenant ne cherche pas à transmettre ses propres valeurs
ou croyances ni ses façons d’agir. Cette attitude ne peut toutefois pas passer pour une forme
d'indifférence ou de passivité étant donné les efforts empathiques de l’intervenant.
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6° Techniques
Comme L’être humain est considéré comme un être libre et conscient de ses choix, la
thérapie consiste à l’aider à accroître cette conscience via un travail d’instrospection.
L'introspection consiste pour une personne à décrire ses expériences négatives - souvenirs,
espoirs, craintes, émotions - mas aussi positives (joies, réussites, etc.). Le rôle du thérapeute
si limite à accompagner le patient dans ce travail d’introspection sans jamais l’orienter ou le
diriger (non-directivité).
La reformulation : tout au plus le thérapeute peut reprendre le matériel formulé par le
patient en le reformulant aussi fidèlement que possible sans aucune tentative d’interprétation.
Du reste, toute interprétation est vouée à l’échec car, comme nous l’avons vu, l’expérience
humaine n’est accessible qu’à l’individu qui fait l’expérience. La reformulation réveille et
encourage le processus d’auto-actualisation.
7° Evolution
La thérapie humaniste mise donc sur les compétences du sujet (infra). Ce dernier a en
outre la faculté d’accéder à ses expériences internes. Les notions d’inconscient et de
refoulement n’existent donc pas.
Le rôle du thérapeute est double :
- accompagnateur dans le travail qui consiste à explorer et examiner ses expériences et
ses compétences.
- facilitateur dans l’amplification et l’actualisation des compétences.
Définitions complémentaires
Une fois n’est pas coutume, on trouve sur le site de Wikipédia1 une définition intéressante
du concept d’empathie : « Dans les sciences humaines, l'empathie désigne une attitude envers autrui
-
1 Ce site peut fournir des informations pertinentes, mais souvent aussi erronées ou incomplètes. L’internaute
devra toujours faire preuve d’un grand sens critique, notamment en recoupant les informations proposées par ce
site avec d’autres sources fiables.2 op. cit., p.14.3 Une brève histoire de tout, Éditions de Mortagne,
1997.
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caractérisée par un effort objectif et rationnel de compréhension intellectuelle des ressentis de l'autre. Excluant
particulièrement tout entraînement affectif personnel (sympathie, antipathie) et tout jugement moral. L'empathie
se différencie de la contagion émotionnelle dans laquelle une personne éprouve le même état affectif qu'une
autre sans conserver la distance qu'on observe dans l'empathie. Les théories modernes distinguent aussi
l'empathie de la sympathie qui consiste aussi à comprendre les affections d'une autre personne mais qui comporte
en plus une dimension affective : alors que l'empathie repose sur une capacité d'imagination, la sympathie repose
plus sur la proximité affective avec celui ou celle qui en est l'objet. Certains chercheurs préfèrent parler
d'empathie cognitive pour insister sur le fait que l'empathie repose sur un mécanisme cognitif neutre sans lien
avec la relation qu'on entretient avec la personne qui en est l'objet. De nombreuses définitions sont proposées
pour l'empathie, souvent confondue avec la sympathie. L'empathie implique un processus de recul intellectuel
qui vise la compréhension des états émotionnels des autres, tandis que la sympathie est un comportement réflexe,
de type réactif. »
L’empathie semble apparaître comme une aptitude ancrée dans le comportement humain,
voire dans son système nerveux. En effet, certains neurones semblent s’activer
indifféremment lorsqu'un individu exécute une action ou lorsque celui-ci en observe un autre
en train d’exécuter une même action (Voir document vidéo présenté au cours).
Ceci suggère que l’empathie est, en principe,« câblée » au plus profond de la nature
humaine de sorte que l’on pourrait presque affirmer qu’on ne peut pas ne pas ressentir ce que
ressent l’autre. Autrement formulé, l’empathie serait une caractéristique ontologique
essentielle (ce qui nous rend humains).
Ce qui nous aide à bien comprendre toute l’horreur et le dégoût soulevés par certains
comportements criminels qui nous font vivre dans une certaine mesure (comme par
procuration), même si nous ne sommes qu’observateur, ce que les victimes vivent elles-
mêmes. Une autre preuve, plus sympathique celle-ci, réside dans nos capacités
d’identification aux personnages d’un film lorsque celui-ci vit des expériences
particulièrement intenses.
Cette capacité à nous représenter ce que vit l’autre renvoie sans doute à une autre notion :
la théorie de l’esprit.
4. Abraham Maslow
Abraham Maslow (1908 - 1970) est considéré avec Carl Rogers comme un des fondateurs
de l'approche humaniste.
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La satisfaction d'un besoin ne peut être réalisée que si les besoins de niveau inférieur sont
eux-mêmes satisfaits. Inversement, une personne satisfaite à un niveau cherche ensuite à
satisfaire les besoins d'ordre supérieur. Par conséquent, si une personne rencontre des
difficultés à un niveau, il faut toujours se demander si les besoins du niveaux inférieurs sont
satisfaits.
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L’approche humaniste postule que tout abord de la personne humaine doit s’envisager à
partir de ses compétences et non de ses déficits.
Le concept de « compétence »
Les définitions données par le dictionnaire Larousse au concept de compétence sont les
suivantes :
- Aptitude d'une autorité à effectuer certains actes.
- Aptitude d'une juridiction à instruire et à juger une affaire.
- Capacité reconnue en telle ou telle matière en raison de connaissances possédées et
qui donne le droit d'en juger : avoir des compétences en physique.
Ces définitions renvoient toutes à la notion d’autorité, ce qui semble a priori assez éloigné
de l’usage qui est fait du concept de compétence en psychothérapie. L’examen de la littérature
permet d’identifier deux approches du concept de compétence dans le champ de la santé
mentale.
Soit on se réfère à des aptitudes très concrètes – que l’on peut nommer « instrumentales ».
Dans cette approche, la compétence d’un individu est comparable à un répertoire d’aptitudes à
la fois dénombrables et mesurables. Par exemple : être capable de laver son linge, de se
déplacer seul, prendre des initiatives, etc. C’est cette notion qui est généralement retenue dans
les approches psychoéducatives et comportementales.
Soit on se réfère à une notion plus globale proche de l’idée d’autoguérison. Dans cette
perspective, le concept de compétence s’appuie sur l’idée que l’être humain possède en lui les
ressources et les capacités pour se développer et, lorsque cela est nécessaire, pour faire face à
l’adversité ou à la maladie.
Dans l’absolu, il paraît impossible de dire qu’une approche est meilleure que l’autre. Il
semble que la compétence recouvre ces deux définitions. Cependant, dans le contexte des
approches thérapeutiques humanistes, c’est la seconde acception qui domine.Il s’agit de
mettre davantage l’accent sur ce que le patient réussit déjà plutôt que de dresser un inventaire
ou d’initier un programme d’entraînement des compétences instrumentales.
thérapeute doit utiliser le symptôme et non le combattre. Il y a donc ici un parti pris qui va se
révéler essentiel pour la suite : c’est l’hypothèse de l’existence de capacités d’autoguérison et
de compétences insuffisamment exploitées, mais présentes d’emblée. Ce postulat de
compétence apparaît néanmoins comme une propriété de l’individu. Comme la suite de ce
travail va le montrer, le modèle systémique envisage la problématique sous l’angle groupal.
La théorie des systèmes définit la famille comme un ensemble d’individus en interaction,
orientée vers une série de finalités. Des propriétés nouvelles, inconnues au niveau des
individus, émergent du fait des interactions entre ceux-ci (propriété émergente). Ce qui
explique pourquoi tout système doit être observé globalement sans isoler ses éléments. Par
ailleurs, tout système vivant a comme propriété essentielle de maintenir un équilibre entre ses
finalités et son environnement (homéostasie). Certains mécanismes homéostatiques peuvent
être interprétés comme un processus participant au rétablissement d’un équilibre rompu.
Ainsi, tout système vivant réagit lorsqu’il subit une perturbation. Par exemple, le corps
humain sécrète des anticorps lorsqu’un virus fait effraction. Lorsque la peau est gravement
brûlée, de nouvelles peaux sont créées. Des observations cliniques suggéraient que,
paradoxalement, les symptômes semblaient contribuer à l’équilibre de la famille. Pour rendre
compte de cette forme d’équilibre, les premiers systémiciens se sont référés à la notion
d’homéostasie. À partir des années 90, le champ systémique s’appuie davantage sur l’étude
des systèmes vivants pour penser les systèmes humains. Ainsi, les systémiciens ont décrit un
processus d’auto-création et d’auto-conservation à l’oeuvre dans tout système vivant et
observent que, suite à une perturbation de l’environnement, les systèmes sont capables d’auto-
organisation, ce qui renvoie à l’idée de l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure
qui ne résulte pas d’un programme codé. Il s’agit en fait de cette faculté de s’auto-réparer,
voire d’évoluer vers des formes plus complexes, c’est-à-dire présentant un niveau
d’organisation supérieur à l’état antérieur.
Psychologie positive
À l’appui de ces postulats, ces auteurs citent une longue liste d’études. En voici deux à
titre d’exemple. Fredericks (1988) s’est intéressé aux enfants présentant des troubles du
comportement. Il a observé qu’en augmentant de 25% à 75% le nombre d’interactions
positives avec l’enfant, les problèmes s’estompaient de façon naturelle. McGee & al. (1987)
ont observé que les personnes qui s’automutilent le plus ou qui frappent, n’ont pas crée de
liens de réciprocité avec leurs intervenants.
Parmi les concepts émergeants, notons celui de « salutogenèse ». Il s’agit d’une approche
qui décrit comment se crée la santé. On s’inscrit ici dans une démarche opposée à l’approche
classique qui décrit quant à elle comment se crée la maladie. Ainsi, au lieu de se demander
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L’OMS définit la qualité de vie comme « la perception qu’a un individu de sa place dans
l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en
relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large
champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état
psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles
et sa relation avec les spécificités de son environnement’ . Formulée de façon plus
synthétique, la qualité de vie renvoie à la perception qu’a un individu de son état physique,
psychologique, économique, social et environnemental.
La qualité de la vie est une préoccupation importante en matière de politique sociale et de
services. Le concept s’est d’abord développé dans le cadre des services aux personnes avec
un handicap mental avant de s’étendre à la psychiatrie, puis à la population générale (Keith &
Schalock, 1993).
L’OMS rappelle par ailleurs que « Les troubles mentaux et du comportement perturbent
profondément la vie des personnes touchées et de leur famille. Certes, le malheur et la
souffrance ne se mesurent pas, mais on peut par exemple se faire une idée de l'impact de ces
troubles grâce aux instruments servant à apprécier la qualité de la vie (…) La méthode
consiste à recueillir l'avis de l'intéressé sur plusieurs aspects de sa vie afin d'évaluer les
conséquences néfastes des symptômes et des troubles’ .
En ce qui concerne la mesure, il existe deux approches, l'une objective et l'autre subjective.
L'approche objective consiste à évaluer des indicateurs externes, comme le niveau de vie, la
santé, l'éducation, la sécurité et l'environnement. Ces évaluations visent essentiellement à
déterminer les politiques les plus appropriées en matière de développement humain.
L'approche subjective se focalise sur la manière dont la personne perçoit ses expériences
de vie. Dans cette perspective, on s’intéresse dans ce cas de façon plus spécifique au bien être
physique et matériel, des relations sociales, ou encore aux loisirs. Ces évaluations visent
surtout à améliorer la qualité de service de structures d’aide et de soin (Keith & Schalock,
1993).
La première approche est surtout utilisée dans le cadre d’études à très large échelle, comme
celles menées par l’OMS, portant sur des populations générales alors que la seconde est
souvent préférée par les intervenants travaillant directement auprès de populations sensibles.
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Woodill & al. (2000) s’inscrivent dans la seconde mouvance et proposent la définition
suivante : « La QDV est le degré de satisfaction que la personne ressent quant aux possibilités
importantes de sa vie.
Goode & Hogg (2000) proposent trois concepts de base permettant de cerner le concept de
qualité de vie : le sentiment général de bien-être, l’occasion d’atteindre les limites de son
potentiel et un sentiment de participation sociale positive.
Schalock (1996) propose quant à lui huit dimensions susceptibles de refléter la qualité de
vie subjective de la personne : le bien-être émotionnel (image de soi positive, absence de
stress), les relations interpersonnelles (liens positifs avec la famille, les pairs, etc.), le bien-
être matériel, le développement personnel (sentiment de compétence et possibilités de
progresser), le bien-être physique, l’autodétermination (autonomie et possibilité de faire des
choix et d’avoir des buts personnels), l’inclusion sociale (intégration et participation à la vie
sociale) et les droits (citoyenneté et respect).
Évolution du concept
L’examen de la littérature indique que l’on est passé d’une vision statique et individuelle
du concept de qualité de vie (propriété du patient) à une vision dynamique et écosystémique
où la qualité de vie devient un processus qui s’élabore en interaction avec d’autres personnes :
pairs, famille, aidants, etc. (Mattez, 2005).
Enfin, il est intéressant de noter que la notion de qualité de vie s’inscrit dans la perspective
de la psychologie positive et de la notion de compétence telle que décrite ci-dessus. Ainsi,
Holm & al. (2000) soulignent le passage « d’une perspective centrée sur le manque de
maîtrise ou de compétence sociale de la personne (…) à une perspective centrée sur les
ressources (…) » .
Le concept de résilience
Le concept de résilience est né d’un constat : l’adversité peut connaître des issues
différentes tantôt malheureuses, tantôt plus heureuses. Ce constat a été confirmé par les
travaux de Rutter qui nota dans une population d’enfants à risque que, quelle que soit la
combinaison des facteurs de risque et leur intensité, celle-ci n’engendrait pas plus de 50%
d’évolution défavorable (Rutter, 1987; 2002).
Ces observations ont légitimement engendré un grand de nombre de recherches visant à
décrire ce processus. Diverses formes d’adversité ont été envisagées : catastrophes naturelles,
conditions socio-économiques gravement détériorées, états de guerre, violences sociales ou
familiales, abus sexuels, maladies physiques ou mentales, etc.
Néanmoins, le survol de la littérature révèle que le concept de résilience a été peu étudié
dans le contexte des troubles psychotiques. Pourtant, cette pathologie affecte non seulement le
patient mais aussi son entourage - famille, voisinage, collègues, personnel soignant - de
manière considérable.
Au niveau de la famille, la psychose constitue une épreuve redoutable qui, sans une aide
appropriée, érode plus ou moins rapidement les ressources internes du système. Toutefois,
toutes les familles ne sont pas égales et certaines parviennent mieux que d’autres à maintenir,
voire à reconstruire un nouveau développement. Quels sont les facteurs susceptibles de
protéger, ou au contraire d’aggraver, les dysfonctionnements familiaux ? Et surtout, quel est
le processus ?
Au niveau institutionnel, la psychose confronte les équipes soignantes à des attitudes et des
interventions particulièrement complexes qui, lorsqu’elles demeurent impensés, « attaquent »
Texte provisoire – Diffusion interdite
Comment penser le concept de résilience dans les familles avec un membre psychotique ?
Et quel rôle le personnel soignant joue-t-il dans ce processus ? Trois situations cliniques vont
nous aider à illustrer notre propos. Voici la première situation.
Définition provisoire
La résilience apparaît comme un concept plus large. En effet, s’il décrit aussi la capacité de
l'individu à faire face à un stress intense, il intègre également la possibilité de fonctionnement
de progrès (Mangham, 1995). Cyrulnik (1999, 2000) va plus loin en évoquant la possibilité
d’un néo-développement après une «agonie psychique». Michel Delage nous dit que le
concept de résilience comprend trois idées. Le premier renvoie à la notion d’élasticité, c’est à
dire à la capacité à encaisser un choc existentiel sans s’effondrer. La seconde recèle la notion
de dégagement, à savoir la capacité à ne pas être organisé, du moins exclusivement, par le
trauma. La troisième, est relative au concept de transformation, à savoir la capacité du
système à complexifier son organisation. Ainsi définie, la résilience semble s’appliquer à des
situations où il a eu situations traumatiques.
2
op. cit., p.14.3 Une brève histoire de tout, Éditions de Mortagne, 1997.
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l’idée que le trauma n’est en rien altéré par l’écoulement du temps. Au contraire, il semble
toujours agir comme si l’expérience était vécue au temps présent.
L’expérience traumatique semble affecter un certain nombre de croyances de base. Ces
croyances constituent la base d’une théorie du monde chez chaque individu et sont
indispensables pour rendre l’existence tolérable, voire agréable. Citons par exemple :
sentiment de sécurité (le monde est fondamentalement bienveillant) ou le sentiment de
cohérence (le monde a un sens).
Enfin, l’expérience traumatique semble avoir tendance à la répétition en boucle. Ce
caractère est sans doute la conséquence de son caractère a-temporel et irreprésentable. La
menace est constante et jamais contenue.
Par adversité, on entend généralement tout événement naturel ou social qui rend
« vulnérable » l’intégrité de l’individu et de son écosystème. Il est fréquent que l’on évoque
la notion de «risque». Par exemple, les enfants exposés à des facteurs de risque conduisant à
la délinquance. Ces situations ne sont donc généralement pas «traumatiques», mais elles
engendrent un stress élevé et augment la probabilité de trajectoires conduisant au risque en
question.
Dans la littérature sur la résilience, l’adversité peut renvoyer tantôt à des situations de
stress, tantôt à des situations traumatiques de telle sorte qu’une certaine confusion règne.
Fossion et Linkowski (2007) indiquent qu’il existerait une charge de stress optimale. Un
existence trop protégée (absence de stress) ou au contraire trop exposée (charge de stress trop
lourde) conduirait à des capacités de résilience moins importantes.
La notion de résilience dans les familles sera abordé dans le chapitre consacré aux
approches familiales et systémiques.
Ken Wilber, après avoir entamé puis abandonné des études médecine, obtient une licence
en chimie et en biologie. Ayant perdu ses illusions à propos de la science, il s’intéresse aux
données de la psychologie occidentale (Piaget, Maslow) mais aussi à la littérature orientale,
au Tao Te Ching, le bouddhisme et l’hindouisme
Il identifie de la sorte neuf structures fondamentales de la conscience allant du prérationnel
(inconscient) au transrationnel (superconscient)3. L’homme se développe en progressant de
niveau en niveaux :
- physico-sensoriel (stade prérationnel) : (avant : l'organisme physique) « la sensation
et la perception » ; de 0 à 3 mois ;
- fantasmatique-émotionnel : « les impulsions et les images » ; de 1 à 6 mois
- mental-représentionnel : « les symboles et les concepts » ; de 6 mois à 2 ans
- mental règle/rôle : « règles concrètes » ; de 6 à 8 ans
- formel-réflexif : pensée abstraite ; de 11 à 15 ans
- logique-visionnaire : pensée visuelle ; 21 ans
- psychique (ici commencent « les stades plus élevés ou transpersonnels ») :
«mysticisme de la nature »
- subtil : « mysticisme du divin » ; 28 ans
- causal : « mysticisme sans forme » (et après « non duel » : « mysticisme non duel »);
35 ans.
Le travail de Wilber n’est pas scientifique. Tout au plus peut-on y voir le travail d’un
« essayiste » ou d’un philosophe. A prendre ou à laisser. Mais nous le citons néanmoins pour
deux raisons :
a) Son parcours est typique de la crise des valeurs qui a frappé l’occident dans les années
60-70. Face aux désillusions de la jeunesse confronté à la société moderne (Guerre du
Vietnam, société de consommation), certains ont cherché refuge dans la philosophie
(notamment, l’existentialisme), l’idéologie politique (Marxisme) ou la « sagesse »
orientale. Wilber s’inscrit clairement dans ce courant de pensée. Les expériences sur le
LSD et le mouvement hippie est aussi représentative de ce mouvement. La conclusion
de ces mouvements est que la conscience de l’homme est aussi touchée par des
questions qui dépasse sa simple personne : la nature, le monde, l’au-delà (ou le néant).
b) Si la réponse de Wilber doit être abordée avec prudence, il pose néanmoins une
question existentielle qui n’est pas tranchée et qui hante nos contemporains, y compris
dans nos consultations : notre vie se réduit-elle à la réalisation de projets matérialistes
(société de consommation) et à se conformer au moule social qui nous est proposé ?
Cette option ne conduit-elle pas le monde et la planète vers sa destruction ? Ne peut-
on envisager d’autres buts et d’autres façon de vivre plus harmonieux ? Ces questions,
(ré)émergentes dans un monde post-Hiroshima, n’ont-elles pas pris une nouvelle
dimension plus concrète, plus inquiètante, plus immédiate de nos jours ? Et de ce fait,
ne voit-on pas émerger de nouvelles angoisses, mais aussi de nouvelles formes de
consciences qui dépasse le simple individu ?
7. BREVE DISCUSSION
Humanisme et Psychanalyse
La perspective humaniste propose des postulats et des techniques qui sont très contrastées
avec le courant analytique.
Psychanalyse Humanisme
Primat de l’inconscient Primat du conscient
Pulsion Besoin
Conflit intrapsychiques capacité d’auto-actualisation
Prise de conscience possible partiellement Prise de conscience possible totalement
Sublimation de la pulsion Liberté et auto-détermination
Principes et attitudes de base du thérapeute peuvent être actuellement rangés parmi les
« facteurs communs » à toutes les thérapies.