Approches cognitivo-comportementales
1. Introduction et terminologie de base
Tout au plus pouvait-on déduire ce qui pouvait se produire dans la boite noire en
faisant varier certains stimuli puis en en maintenant d’autres constants et en observant les
variations des outputs.
Par la suite, avec le développement des sciences cognitives, il est devenu possible
d’appliquer la méthode scientifique au « psychisme » grâce aux développements de
nouveaux outils – électroencéphalogramme d’abord, scanner et PetScan ensuite – et à de
nouveaux modèles tentant de cerner comment le cerveau traite l’information : perception,
attention, mémorisation, langage, raisonnement et traitement des émotions.
197
Les modèles thérapeutiques ont donc intégré ces nouveaux éléments et la thérapie
comportementale est devenue thérapie cognitivo-comportementale.
Comportement
Un comportement correspond à une manière agir ou de réagir d’un être humain dans
certaines circonstances. Tout comportement – normal ou inadapté – résulte d’un
apprentissage.
Il découle d’interactions entre l’individu et son environnement. Le comportement est
conditionné sous l’effet, en amont de signaux déclencheur (stimuli) et en aval de
conséquences positives qui renforcent (renforcements positifs) ou inhibe (renforcements
négatifs) la réponse de l’individu. Dans cette perspective, un trouble psychopathologique
se traduit par des comportements déviants ou inadaptés par rapport aux conditions
actuelles de l’environnement. La psychothérapie comportementale vise donc à mettre en
œuvre de nouveaux apprentissages (conditionnement) et/ou à faire disparaître les
comportements symptômes gênants (extinction).
Cognition
198
du stimulus inconditionnel. On dit alors que la salivation est devenue une réponse
conditionnée. Autrement dit, on a conditionné le chien de telle sorte qu’il salive dès qu’il
entend le son d’une cloche.
Selon cette théorie, l’homme effectue des apprentissages similaires, par exemple
lorsque qu’il est exposé à certains stimuli.
199
En début d’expérience, on abandonne de la nourriture dans la cage. Ensuite on retire la
nourriture et on dispose un levier qui délivre une boulette de nourriture à chaque pression.
Au début, le rat appuie sur le levier par inadvertance. Ensuite, il continue à se comporter
comme d’habitude jusqu’au moment où il accroche à nouveau le levier.
Progressivement, le rat commence à appuyer délibérément sur le levier. Dans cette
expérience, la nourriture joue le rôle de renforçateur. Il a appris un comportement, qui n’a
rien de naturel ou d’inné, par conditionnement opérant
Lois de l’apprentissage
Renforcement
200
engendre une récompense. Le rat apprendra rapidement à n’appuyer sur la pédale qu’à la
condition que celle-ci soit d’une autre couleur que le rouge.
Extinction : si un comportement n'est plus renforcé ou puni, le comportement finit par
disparaître. Par exemple, si on ne distribue plus de récompense après l’appui sur la pédale,
le rat finit par abandonner un comportement devenu « stérile ».
Apprentissages complexes
Façonnement
Guidances
Chaînage
201
Imitation – identification - Intériorisation
Les sciences cognitives visent à étudier la manière dont l’homme pense et appréhende
le monde. A cette fin, l’homme se construit un système de croyances dont certaines
viennent perturber l’équilibre mental.
Albert Ellis élabore la « thérapie rationnelle-émotive début des années 50. Elle vise à
modifier les croyances erronées qui perturbent le patient. Il propose des exercices de
rationalisation en se focalisant sur le présent au lieu de revenir sur le passé et les causes du
trouble !
Apprentissages vicariants
Bandura (1977) intègre la dimension sociale dans les apprentissages. Pour lui, certains
apprentissages se base s’acquièrent par l’observation et l’imitation de modèles
(apprentissages vicariants). Egalement appelé apprentissage par observation, il consiste en
la modification de l'acquisition d'une réponse par l'individu observateur, suite à
l'observation d'un individu pris comme modèle.
202
A ce titre, l’apprentissage vicariant se distingue de l’observation par imitation en ce
que l’observateur n’effectue pas la séquence comportementale (imitation) et ne reçoit
aucune « récompense ». Le sujet vicariant apprend uniquement en observant le
comportement et la « récompense » qui en résulte.
Pour Bandura, les humains ne répondent pas seulement à des stimuli, ils les
interprètent (1980) Cette théorie stipule que « le fonctionnement humain est le produit
d’une interaction dynamique et permanente entre des cognitions, des comportements et des
circonstances environnementales (causalité triadique réciproque).
Efficacité personnelle
L’efficacité personnelle renvoie aux jugements que les personnes font à propos de leur
capacité à organiser et réaliser des ensembles d’actions requises pour atteindre des types de
performances attendus mais aussi aux croyances à propos de leurs capacités à mobiliser la
motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un
contrôle sur les événements de la vie.
Si l’efficacité personnelle attendue n’est pas adéquate, un trouble psychopathologique
peut survenir. Par exemple, la personne dépressive a un sentiment d'auto-efficacité très
affaibli. A l’opposé, une personne en phase maniaque aura un d'auto-efficacité exagéré et
s’engagera dans des actions déraisonnables et/ou en surestimant ses capacités et ses
ressources.
En psychothérapie, le meilleur moyen de progresser consiste à développer un sentiment
d’efficacité personnelle, c’est-à-dire de vivre des expériences qu’on maîtrise et réussit.
203
Sociologie cognitive
Souvent associé au courant comportementaliste, Bandura s’en est pourtant écarté pour
fonder la sociologie cognitive.
A l’origine, les sociologues percevaient l’individu comme un automate social. Il était
soumis à un ensemble de représentations collectives et de croyances dont la fonction était
de souder le groupe mais dont un des effets était de le mystifier et le garder prisonnier.
Dans cette perspective, la pensée ne sert pas à connaître mais à croire.
Proposé par Harold GARFINKEL1, le concept d’ethnométhode renvoie à l’ensemble
des savoir-faire ordinaires qui gouvernent nos façons d’être et de faire : comment se
comporter en homme ou en femme ; en membre loyal de telle famille ; en digne
représentant de sa corporation professionnelle, etc. Ces savoir-faire sont si ordinaires
qu’on n’y prête plus attention au point qu’ils apparaissent comme naturels alors qu’ils sont
le résultat d’un long apprentissage intériorisé. Les ethnométhodes ne sont pas éloignées
des habitus de BOURDIEU2. La sociologie cognitive s’inscrit dans le sillage de ce
concept tout en se centrant davantage sur le rôle du langage en tant que régulateur des
mécanismes de décision et de la communication dans les interactions quotidiennes.
Schéma
Au cours de son existence, chaque individu développe des schémas. Un schéma est une
façon stable de percevoir l’expérience (attention & perception) et de traiter l’information
tant sur le plan cognitif qu’émotionnel. Ces schémas déclenchent des stratégies
comportementales qui peuvent être adaptées ou non. Un schéma se présente comme une
« mémoire » constituée de sensations corporelles, d’émotions et de cognitions.
1
Cité par WEINBERG (2001)
2
Cité par WEINBERG (2001)
3
Cité par COTTRAUX et BLACKBURN, (2001)
204
Plus prosaïquement, le concept de schéma recouvre la façon dont nous évaluons les
événements, ce que nous ressentons et comment nous réagissons. Un schéma est constitué
de croyances qui peuvent être implicites ou explicites. Dans ce dernier cas, l’individu
pense et agit comme s’il se formulait des énoncés du type : «Les gens sont des
adversaires » (cf. ci-dessous). Dans le cas où il s’agit de croyances implicites, le modèle
prévoit néanmoins qu’il est possible de les rendre explicites.
Schémas dysfonctionnels
Les schémas deviennent dysfonctionnels dès lors qu’ils apparaissent comme inadaptés
au contexte, excessifs, rigides, sans exception, définitifs ou non maîtrisés. Ils prennent la
forme de croyances péremptoires.
Selon BECK, les schémas sont constitués de croyances conditionnelles (par exemple,
«Si je n’essaie pas de toujours faire plaisir aux gens, ils ne m’aimeront pas ») et
inconditionnelles (par exemple, «Je ne suis pas assez bien pour qu’on m’aime »).
Stratégies
Par stratégie, il faut entendre l’ensemble des comportements stéréotypés qui résultent
des schémas. Une stratégie peut devenir dysfonctionnelle pour les mêmes raisons que les
schémas. Beck et Freeman (1990) ont détaillé les principales stratégies liées aux
principaux troubles de la personnalité décrits dans le DSM.
Les schémas dysfonctionnels peuvent être activés par certains événements de vie.
Lorsque ce processus se répète, l’expérience vient confirmer un schéma dysfonctionnel qui
peut se trouver de la sorte renforcé.
205
Trouble Schéma Stratégie
Paranoïaque Les gens sont des
adversaires potentiels Etre sur ses gardes/attaque
Certains schémas devenus actifs bloquent les autres schémas (même si ceux-ci sont
fonctionnels) et deviennent dès lors prépondérants.
Les schémas engendrent des biais liés à l’attention sélective, de la fausse perception et
des erreurs cognitives. Par exemple, chez les déprimés, les situations sont vues comme
systématiquement négatives.
L’Attention sélective consiste à centrer volontairement ses mécanismes de perception
sur un stimulus particulier et de traiter cette information en négligeant les stimuli pertinents
et/ou en accordant trop d’attention aux stimuli non pertinents. Par exemple, les anxieux
sont perpétuellement à l’affut d’indices susceptibles d’annoncer une agression, une
rupture, une difficulté. Des faits anodins peuvent alors prendre des proportions exagérées
alors que d’autres indices suggérant que la situation évolue normalement, voire
favorablement sont négligés.
La perception consiste en la prise de conscience de soi et des objets environnants à
partir des données sensorielles. Sous l’emprise de certains schéma, la perception peut être
altérée et conduire à des phénomènes d’illusion, voire d’hallucination. Une hallucination
est une perception sans objet (par exemple, entendre des voix alors qu’il n’y a personne
dans la pièce) alors que l’illusion part bien d’un « objet » réel, mais dont la perception est
distordue.
Les erreurs cognitives se présente sous la forme d’erreur de jugement. Ces erreurs
cognitives se manifestent également sous la forme de « pensées automatiques ». Celles-ci
surgissent de façon rapide et apparaissent au sujet comme inéluctables.
Les erreurs cognitives plus courantes sont :
- Les inférences arbitraires : conclusion arbitraire déduite à partir d’éléments
manquants.
- L’abstraction sélective : la personne se focalise sur un détail qu’il a détaché
de son cadre général.
- La surgénéralisation : une conclusion générale est déduite sur la base d’un
seul fait.
206
- L’amplification ou la minimisation : l’importance relative d’un évènement
précis est mal évaluée. L’aspect négatif est amplifié, l’aspect positif est
minimisé.
- La personnification : la personne a tendance à s’attribuer les évènements
extérieurs alors que les évènements existants soutiennent le contraire.
- La pensée dichotomique : la personne a tendance à penser de façon absolue,
de type tout ou rien (noir / blanc par exemple).
Les travaux de Ellis et de Beck, ainsi que les apports de sciences cognitives,
déboucheront plus tard sur une meilleure compréhension dont le cerveau traite
l’information (schéma ci-dessous).
In Disner, S.G., Beevers, C. G., Haigh, E. A. P. & Beck A. T. (2011), Neural mechanisms of the cognitive
model of depression. Nature Reviews Neuroscience 12, 467-477.
Distorsion cognitive
Une distorsion cognitive est une conclusion sans preuve que tire un individu à partir
d’une expérience donnée. Cette conclusion résulte d’un traitement incorrect des
informations par la personne et gouverne les réponses comportementale du sujet.
Il peut s’agir d’une conclusion à partir d’un détail, sur-généralisation, maximalisation
du négatif, personnalisation, etc.
Le travail thérapeutique consiste en un effort de restructuration cognitive qui conduit à
prendre conscience des distorsions de notre mental et le poids de nos croyances.
Plus généralement, le travail consiste en :
-apprendre aux sujets à observer leurs propres cognitions, émotions et solutions. Les
sujets sont incités à utiliser des fiches d'auto enregistrement des pensées, des
émotions et des situations (Cf. ci-dessous);
-aider le sujet à mettre en question ses systèmes irrationnels de pensée. Des
techniques de questionnement et de recherche de pensées alternatives, divergentes
sont apprises aux sujets;
-proposer au sujet des tâches d'exposition et de prévention de la réponse
stéréotypées.
207
Nous reproduisons ci-après la liste des principales formes de distorsion cognitive.
208
209
3.4. Les travaux de YOUNG
YOUNG4 s’est formé auprès de BECK avant de poursuivre ses propres recherches.
Bien qu’assez proche des conceptions de son maître, YOUNG formule des propositions
originales.
YOUNG insiste davantage sur l’origine infantile des schémas. Les schémas sont des
« éléments organisés à partir des expériences et des réactions du passé, qui forment un
ensemble de connaissances relativement cohérent et durable, capable de guider les
perceptions et les évaluations subséquentes ». Les schémas ont été développés pendant
l’enfance et servent à façonner les expériences faites plus tard.
Comme chez BECK, ils se présentent comme des vérités absolues, difficiles à modifier
et ils ont tendance, sous la pression de la répétition des expériences, à se perpétuer
(Schémas Précoces Inadaptés ou SPI).
4
Cité par COTTRAUX et BLACKBURN, (2001).
210
physique et psychologique d'une personne (Lazarus et Folkman, 1984). Ceux en donnent la
définition suivante : «l’ensemble des efforts cognitifs et com- portementaux, constamment
changeants, (déployés) pour gérer des exigences spécifiques internes et/ou externes qui
sont évaluées (par la personne) comme consommant ou excédant ses ressources ».
Au sens large, le coping renvoie à l’ensemble des stratégies d’ajustement de l’individu
alors que dans un sens plus restreint, il concerne surtout les réactions à des variations de
l’environnement évaluées comme menaçantes.
Terminologie
Stratégies et ressources
Face aux défis de l’existence, les individus mobilisent des stratégies très diverses.
Généralement, plus les difficultés sont importantes, plus ils déploieront de nombreuses
stratégies. Souvent, nous avons constaté que c’était moins la nature de la stratégie que sa
finalité et son coût qui décidaient de sa valeur « adaptative ».
Ainsi, une stratégie se révèle « adaptée » lorsqu’elle contribue au bien-être, à l’ «
affirmation de soi », au sentiment de maîtrise de soi et lorsqu’elle permet au jeune de
protéger son intégrité physique et psychologique à moindre coût. On dira en effet qu’une
stratégie à un coût important lorsqu’elle gêne le développement psychologique du jeune et
qu’elle altère profondément sa qualité de vie. Ce calcul est évidemment une affaire
d’appréciation personnelle et s’évalue au cas par cas.
Par ailleurs, certaines stratégies sont en soi inadaptées. Celles-ci visent souvent à
protéger autrui au détriment de sa propre personne. Elles n’en sont pas moins délétères. Par
exemple : détourner la violence sur soi chez les enfants dans le cadre des violences
conjugales, prendre un rôle actif dans les triangulations dans le cadre des séparations
parentales, dénier la réalité, etc. In fine, ces stratégies font bien plus de mal que de bien. Il
convient de les combattre.
Il peut arriver que certaines stratégies, inadapté ou moins souhaitables dans l’absolu,
soient en fin de compte appropriées dans un contexte précis. Les stratégies d’évitement par
exemple. Elles permettent en effet aux jeunes de se protéger momentanément (par
exemple, en dissimulant leur vécu ou en fuyant, par la pensée ou en sortant avec des amis
afin de s’extraire de la vie de famille lorsque le climat devient trop lourd).
D’autres stratégies permettent également de faire face aux événements stressants.
Cependant, la persistance du stress est nuisible et usante. Ainsi, ces mêmes comportements
211
d’évitement qui peuvent protéger à court terme risquent aussi de favoriser le repli sur soi à
plus long terme et de couper le jeune d’éventuelles ressources environnementales. Certains
rôles, lorsqu’ils persistent, peuvent réduire considérablement son autonomie et entraver
son développement et sa socialisation. Le « coût » en devient alors prohibitif.
Réponses ou stratégies ?
Nous devons ici relever d’autres mécanismes. Ceux-ci ne sont pas, du moins au départ,
des stratégies mais des « réponses » (somatiques ou comportementales) face au stress :
attitudes provocantes, agressivité, tentative de suicide, divers troubles internalisés comme
la dépression. À ce stade, ces réponses ne sont pas mobilisées de façon consciente.
Cependant, en fonction des réactions de l’entourage et du rapport coût/bénéfice que le
l’individu « mesure », ces réponses peuvent parfois se muer en stratégies.
Les bénéfices attendus peuvent être : attirer l’attention sur soi, se protéger, tirer certains
avantages, reprendre du contrôle sur les adultes ou encore leur faire payer une « dette »
symbolique. Dans l’esprit de certains jeunes, l’inadéquation de certains parents peut
parfois, légitimer ce type de stratégie. Ce qui nous permet de souligner un aspect trop
souvent occulté : Les individus ne sont pas nécessairement que « victimes » et peuvent
parfois contribuer activement à certains dysfonctionnements.
A côté des modèles psychothérapeutiques complexes que certains d’entre vous auront
l’opportunité d’étudier en master (psychologie clinique), il existe des modèles
d’intervention plus simples, adaptés à des situations cliniques pas trop complexes et qui se
fondent sur l’optimisation des stratégies de coping.
Dans les milieux précaires, les ressources manquent cruellemment. Il serait alors vain,
voir cruel, d’optimiser les stratégies de coping sans se préoccuper des ressources. Les
interventions psychologiques doivent alors se doubler d’interventions sociales.
212
On observera que ce qui permet à une personnes de s’adapter dépend non seulement de
ses capacités objectives, mais aussi de les perceptions subjectives de ses capacités : elle
peut disposer de bonnes stratégies mais avoir un faible sentiment d'auto-efficacité qui
l’empêche de mobiliser ces stratégies ou qui l’incite à ne pas s’engager ou à adoper une
autre stratégie moins appropriée.
Il peut alors en résulter est sentiment de détresse psychologique aigu !
L’appraisal-coping model
1. l’évaluation de pertinence : à quel point cet événement est-il pertinent pour moi
? est-ce qu’il va m’affecter directement ou mon groupe de référence social ?
(automatique et inconscient). Ce processus implique que le sujet soit capable de
percevoir des variations de l’environnement, càd de son attention. Or, ces
capacités varient d’un individu à l’autre. Certaines pathologies présentent des
particularités attentionnelles : les autistes et les schizophrènes semblent présenter
des perturbations de l’attention. A l’opposé, les personnes phobiques ont des
seuils d’attention plus bas et sont hypersensibles.
213
2. l’évaluation des implications : quelles sont les implications ou les conséquences
de cet événement et à quel point affectera-t-il mon bien-être et mes buts
immédiats ou à plus long terme ? (automatique et inconscient). La personne se
demande si la situation est agréable ou désagréable et si elle facilite ou contrarie
l’accès à ses ressources (chez l’animal : la nourriture et la reproduction; en outre,
chez l’homme, ses buts, ses valeurs, ses intérêts) ? Les pathologies suivantes sont
vraisemblablement concernées à ce niveau : psychopathie, conduites à risque.
4. La « troisième vague »
Les TCC traitent des problèmes comportementaux actuels des personnes. En outre,
elles ciblent essentiellement les symptômes et visent à faire disparaître la plainte. Dans
cette perspective, les TCC se démarquent de la psychanalyse en évitant de considérer le
passé et l’histoire du sujet comme des déterminants essentiels de leurs difficultés. Le
comportement problématique est analysé en détails en recherchant ses facteurs explicatifs
actuels qui déclenchent, modulent et maintiennent le comportement.
214
5.1. Liens entre diagnostics et traitements spécifiques
Troubles de la personnalité
215
Le traitement s’adapte donc à l’individu et varie donc d’un sujet à l’autre même pour un
trouble identique.
Chaque trouble est caractérisé par une émotion centrale encombrante ! Encombrante
parce qu’elle est exacerbée (l’intensité est disproportionnée) et envahissante (l’émotion en
question monopolisé les pensées à l’exclusion d’autres émotions). Il importe donc de
travailler à la fois sur l’intensité (ramener les choses à de plus justes proportions) et la
diversité (exposer le patient à d’autres émotions multiples et positives).
Troubles alimentaires
Le schéma ci-dessous décrit les paramètres auxquels on est attentif dans les TCC. Ainsi
des facteurs individuels – adolescence, par exemple – et familiaux – préoccupations
particulières autour de la nourriture ou de l’apparence physique – peuvent inciter le jeune
à porter une attention accrue à son aspect physique.
Ces facteurs individuels peuvent aussi traduire une vulnérabilité génétique, laquelle été
démontrée au travers d’études sur de jumeaux homozygotes.
Le fonctionnement familial joue également un rôle important : relations
interpersonnelles, place de chacun dans le système, accès à l’autonomie, règles et rôles
familiaux, etc.
La société propose des modèles qui présentent la minceur comme un critère de beauté et
associe de façon arbitraire le surpoids à des traits psychologiques comme la faiblesse
d’esprit, le manque de maîtrise, etc. La société valorise par ailleurs la course aux
performances et à la réussite qu’elle associé à la jeunesse, la beauté et la minceur.
Une fois la pathologie engagée, d’autres processus peuvent venir atténuer, ou au
contraire, aggraver la situation.
Un analyse approfondie de ces processus permet d’adopter le traitement en mettant
l’accent sur les paramètres qui semblent jouer un rôle plus particulier dans chaque cas
spécifique.
A cette fin, l’analyse fonctionnelle constitue un outil essentiel dans les TCC.
216
Analyse fonctionnelle
217
Une autre méthtode – SORC – vise à analyser les situations problème en s’appuyant
sur le modèle représenté dans la figure ci-dessous.
S : Repas collectifs, manger devant les autres. Exemple : être invité au restaurant.
O : angoisse, mains moites, tremblements au moment de porter les aliments à la bouche.
Pensée : les gens vont voir que je suis fragile, vont se moquer ou penser que je suis
faible.
R : crise d’angoisse
C : Ne plus accepter d’invitation
Dans cet exemple, « Ne plus accepter d’invitation » est une réponse d’évitement. Cette
réponse permet certes d’éviter la crise d’angoisse, mais elle a aussi comme conséquence
plus lointainte de ne pas permettre à la personne de « tester » sa croyance « les gens vont
voir que je suis fragile,… » ce qui va avoir poour effet de renforcer sa croyance.
Le rôle du thérapeute est d'aider le patient à atteindre les buts réalistes que le patient
s'est lui-même fixé (cf. section suivante).
Le thérapeute adopte une attitude :
- Collaboratif : il détermine les objectifs en concertation avec le patient ;
- Intéractive : le thérapeute pose des questions, répond à celles du patient;
- Didactique : usage d’un langage simple, explique les stratégies thérapeutiques
utilisées, etc
218
Le thérapeute agit avec le patient comme s’ils étaient deux chercheurs en train de
formuler des hypothèses et tentant des les vérifier ensemble en concevant et réalisant des
expériences.
L’objectif thérapeutique est précis et établi en accord entre le sujet et son thérapeute.
Le patient apprend à se prendre en charge. Par exemple : limiter la fréquence, la durée,
l’intensité du symptôme. Exemple : augmenter les contacts sociaux d’un déprimé.
L’environnement familial est souvent intégré au traitement. Le rôle éventuel des
proches dans le maintien du problème est analyse. Dans certains cas, la famille bénéficie
d’information à propos de la pathologie (psychoéducation).
219
6. La troisième vague – L’émotion
Anxiété et habituation
Il importe ici de savoir que toute crise d’angoisse finit par s’éteindre (point J de la cours
C1 sur le grahique ci-dessous) d’elle-même, même si aucune intervention n’a lieu. En
d’autres termes, quelle que soit la situation anxiogène ou la personne, on observe tôt ou
tard un phénème d’habituation.
220
Si une personne confrontée à des crises d’angoisse décide de faire disparaître celle-ci
par une réponse d’évitement, certes la crise s’estompera plus vite, mais elle n’apprendra
pas à gérer la crise. Soit, l’anticipation de la crise suivante provoquera une crise plus
intense, soit la personne évitera de s’exposer à la situation problème, ce qui rendra sa vie
plus misérable et accentuera davantage les anticipations catastrophiques.
Dès lors, la solution devient évidente : il faut enrayer les réponses d’évitement et, au
contraire, encourager l’exposition à la source anxiogène. Cette technique dit
« d’exposition » a pour effet de résorber le temps nécessaire pour que l’habituation
s’installe. D’exposition en exposition (C2 puis C3 puis C4), ce temps se réduit de plus en
plus.
Principes généraux
Pour Hayes (2004)5, cette approche repose sur des principes empiriques et accorde une
attention particulière au contexte des phénomènes psychologiques. Elle s'intéresse
davantage à leur fonction qu'à leur contenu et vise à transmettre des stratégies de fondés
sur des changements contextuels et expérientiels plus que l'élimination de problème précis.
Parmi ces approches, citons : MBCT : Mindfulness-based cognitive therapy – Thérapie
Cognitive Basée en Mindfulness, MCT : Meta-cognitive therapy – Thérapie Méta-
cognitive, MI : Motivational Interviewing – Entretien Motivationnel ou encore ACT :
Acceptance and commitment therapy – Thérapie d’Acceptation et d’Engagement.
L’objectif vise à modifier le contexte afin de soit de flexibiliser les schémas et les
stratégies, soit de créer de nouvelles compétences. En effet, contrairement aux vagues
précédentes, les approches de troisième vague mettent l’accent sur la construction de
compétences : réguler ses émotions, faire face aux pensées d’une manière différente,
5
Hayes, S. C. (2004). Acceptance and Commitment Therapy and the new behavior therapies:
Mindfulness, acceptance and relationship. In S. C. Hayes, V. M. Follette, & M. Linehan
(Eds.), Mindfulness and acceptance: Expanding the cognitive behavioral tradition (pp. 1-29).
New York: Guilford.
221
modifier son attention, etc. Il s’agit donc moins de s’attacher à un syndrome et un
symptôme que proposer de nouveaux apprentissages, des nouvelles compétences et
d’augmenter de la flexibilité psychologique.
222
individuelle. En particulier, la pauvreté et la maladie seraient la conséquences
de mauvais choix délibérés posé par l’individu. Dès lors, Dalrymple trouve
illogique que la société ait à supporter la conséquence de ces mauvais choix.
Tout citoyen – a plus forte raison les malades – est individuellement
responsable de tout ce qui lui arrive ! Une conséquence logique consiste alors
pour la communauté est de renvoyer aux individus à leur propre responsabilité.
Dalrymple est source d’inspiration (et est souvent l’invité) de nombreux
politiciens évoluant dans les cercles ultra-libéraux, voire ceux de l’extrême
droite.
- Kinderman ne s’inscrit pas dans ces dérives, mais ses théories, en minimisant le
rôle des facteurs sociaux et environnementaux, pourraient être facilement
récupéré par certains politiciens irréfléchis ou véreux.
7. Brève discussion
Il paraît clair que l’approche TCC se fonde sur l’hypothèse que tout individu dispose
de capacités intellectuelles et de prise de recul suffisantes pour analyse ses comportements,
ses pensées et ses émotions. C’est un pari humaniste qui paraît sain à la base mais qui
semble parfois trop idéaliste. Cliniquement, ceci n’est pas donné à tout le monde.
En outre, il ne suffit pas d’avoir la capacité de prendre du recul. Encore faut-il le
vouloir. A ce propos, les TCC semblent faire l’impasse sur cette part inconsciente du
psychisme. Sans qu’il soit nécessaire d’admettre l’hypothèse de l’Inconscient freudien, il
est assez évident qu’un part importante des motivation de l’être humain échappe à son
entendement. Certes, il existe des méthodes qui permettent la résurgence d’un matériel
psychique oublié – songeons ici à ces savoirs procéduraux intérioriés -, celles-ci semblent
néanmoins inefficaces lorsque le matériel en question touche à des conflits, des frustrations
ou des traumas précoces.
Pour conclure, les modèles d’analyse lient tout symptôme à une situation délenchante
comptenporaine du symptôme (SORC). De ce fait, elle dénie, dans moins dans sa praxis,
toute possiblité que le symptôme puisse avoir une origine lointaine et une signfication plus
profonde. Une des critiques qui en découle est que les TCC s’acharnent à faire disparaître
le symptôme sans se demander si ce dernier ne véhicule pas une signfication qu’il serait
utile de mettre en évidence.
Dès lors, on peut se demander où se situe l’efficacité ?
S’agit-il de faire disparaître le symptôme rapidement et de produire une amélioration à
court terme et dans ce cas, les TCC sont en effet efficaces. Mais, bon nombre de patients
ayant suivi un tel traitement avec succès admettent aussi assez souvent qu’ils ont le
sentiment que la rechute est possible et qu’ils continuent à lutter contre le symptôme,
même si le combat est très atténué.
S’agit-il plutôt de faire disparaître cette crainte et cette lutte de façon radicale et
définitive ? En ce cas, on se posera davantage la question d’une autre forme thérapie, par
exemple, une thérapie psychanalytique ou systémique.
223
Annexe I
Schémas spécifiques au troubles de la personnalité
224