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Objectifs et consignes
Objectifs généraux :
Consignes :
Évaluation :
Remarque :
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I.
L’homme biologique
Partim : S. Hendrick
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Chapitre 1
Un mot sur le mot « théorie». Ce terme est souvent mal compris. Il est souvent teinté de
connotations négatives renvoyant à des notions telles que « abstrait », « impraticable »,
« irréaliste », « cérébral », voire « méprisant ». Il faut bannir ces représentations car, comme
Grégory Bateson l’affirmait, il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie !
1
On peut évidemment utiliser aussi des outils pour l‘écoute et l’observation, mais ceux-ci sont souvent peu
adaptés aux conditions réelles de la pratique clinique où il faut agir, prendre des décisions en même temps que
l’on écoute et que l’on observe.
2
Qui font l’objet d’autres cours.
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En effet, un théorie est avant tout un construction intellectuelle certes, mais qui est
méthodique et qui sert permet d'expliquer un grand nombre de faits ! Elle s’oppose donc à la
spéculation qui est aussi une construction intellectuelle, mais totalement subjective et
arbitraire et qui ne sert généralement qu’à confirmé des préjugés.
En outre, une « bonne » théorie permet de prendre décisions appropriées et d’entreprendre
des actions adaptées. Ce qui se traduit pour le psychologue clinicien par des évaluations
cliniques utiles et des interventions thérapeutiques efficaces !
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Dans la section précendente, nous avons déjà utilisé des termes techniques. Tachons de les
définit.
Psychopathologie
Psychiatrie
La psychopathologie est donc une notion à la fois plus restreinte que la notion de
"psychiatrie" puisqu'elle ne s'intéresse pas, comme elle, au traitement, et à la fois plus large,
puisqu'elle ne se limite pas à une lecture purement descriptive des maladies mentales
(sémiologie), mais tente d’expliquer leurs mécanismes (psychopathologie).
Sémiologie
Symptôme
- (Gr. sumptôma : coïncidence) Indice, présage. Méd. phénomène qui révèle un trouble
fonctionnel ou une lésion (LAROUSSE).
- On distingue parfois les symptômes positifs (manifestation de signes, exemple :
discours délirant) des symptômes négatifs (déficit, exemple : repli sur soi)
Syndrome
- (Gr. sundromê : concours )(LAROUSSE) Méd. Ensemble des symptômes qui
caractérisent une maladie.
- "(...) un groupement nosographique fondé sur la coexistence habituelle et la
subordination logique des symptômes; c'est un tout, une unité clinique dont les éléments sont
rapprochés entre eux par des liens d'affinité naturelle" DUPRE cité par POROT.
Le syndrome est un terme plus superficiel et plus prudent que le terme "maladie". Une
maladie est une entité relativement bien définie non seulement en ce qui concerne ses
symptômes mais aussi quant aux causes (étiologie), ses modes d'action, son traitement et/ou
son pronostic (exemple : tumeur du foie).
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Le syndrome est un constat descriptif qui définit un ensemble de symptômes plus ou moins
liés entre eux. Ainsi, si tout le monde s'accorde sur le fait qu'il existe bien un syndrome
schizophrénique, il n'est pas certain à 100% qu'il ne s'agisse que d'une maladie. C'est peut-
être une maladie ou peut-être plusieurs maladies liées entre elles (par exemple un trouble
fonctionnel du système nerveux qui rend vulnérable à des processus "psychotisants" de la
pensée ?) ou une maladie qui peut s’associer à un trouble psychique d’origine relationnelle.
Néanmoins, les symptômes sont des signes de quelque chose de caché. Qu'est-ce qui est
caché ? S'agit-il d'une "maladie" (approche médicale) et/ou de quelque chose qui est de l'ordre
du sujet et de son fonctionnement mental, voire social (approche psychologique) ? Les
symptômes nous renseignent-ils sur la personne ou plus précisément sur le caractère et la
personnalité de cette personne ?
La sémiologie soulève aussi la question du diagnostic :
Diagnostic
Le psychodiagnostic
- Évaluation des problématiques, mais aussi des ressources du sujet perçu dans sa totalité
psychique, familiale, relationnelle, sociale et culturelle.
- Le psychodiagnostic, au contraire du diagnostic psychopathologique, n'implique pas
nécessairement la notion de maladie (une problématique de couple n'est pas, a priori, une
"maladie").
Psychologie
- Étymologie : "psy" mental et "logos" discours, science.
- La psychologie étudie la vie mentale, ses conditions et ses manifestations.
- Au sens large, la psychologie s'intéresse donc aux processus "normaux" de la vie
mentale (Psychologie génétique : développement de l'enfant, psychologie sociale :
comportement des humains en groupe).
- La psychologie clinique est cette branche de la psychologie qui s’intéresse plus
particulièrement à la personne en souffrance psychique et/ou à la maladie mentale
(infra).
Caractère :
- (Gr.kharaktêr, signe gravé ) Manière habituelle de réagir, propre à un individu donné
(LAROUSSE)
- "Ensemble des dispositions congénitales qui forment le squelette mental d'un homme
(...) antérieures à l'histoire de l'individu et indépendantes du contenu de cette
histoire" (LE SENNE).
- « … l’ensemble des manières individuelles de sentir et de réagir qui distingue
l’individu de l’autre. Il s’agit d’une manière constante alors que l’humeur est une
disposition passagère » (GILLIERON, 1996, p.44).
Personnalité
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Structure de personnalité
- Une structure est une"manière dont les différentes parties d'un ensemble, concret ou
abstrait, sont disposées entre elles et sont solidaires, et ne prennent sens que par rapport à
l'ensemble" (LAROUSSE)
- Structure de la personnalité : la base idéale d'aménagement stable des éléments
métapsychologiques (BERGERET). Cet auteur apporte l'idée qu'il existe deux grandes
structures de personnalité, névrotique et psychotique, qui fonctionnent à l'état "normal" ou
"décompensé" (une structure psychotique peut donc être "saine") et un aménagement appelé
"Etat limite" qui n'est pas une structure, donc ni stable ni équilibrée et qui est par nature
"anormale".
- De ce point de vue, le « caractère » est une des manifestations visibles (dans les
relations interpersonnelles en particulier) de la structure de « personnalité » qui serait quant à
elle invisible (GILLIERON, 1996, p.44).
Biologie
Appareil Psychique
Entourage
Si les conditions concernant le port du titre de psychologue est aujourd’hui défini par le
législateur (Loi du 8 novembre 1993), celui-ci ne dit rien à propos des divers métiers exercés
par les psychologues. Or, ces métiers sont très divers et requièrent des formations souvent
très spécifiques.
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Cité par CHAMBON et MARIE-CARDINE, 1999
4
op. cit, p.7
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Parmi les réalisations les plus importantes de la FBP, on peut citer le code de
déontologie qui doit être respecté par les membres et va plus loin que les prescriptions
légales et la protection légale du titre de psychologue.
Les commissions de la FBP regroupent des experts des différents groupes linguistiques
et des associations membres de la fédération. Citons plus particulièrement la
Commission Ethique et Déontologie, la Commission Psychodiagnostic et la
Commission de la Psychologie Clinique.
La FBP est la seule fédération belge reconnue par la fédération européenne EFPA,
l’organisation de psychologues européens la plus importante. Malgré sa taille, la FBP
est une des associations les plus actives au sein de l’EFPA.
Depuis 2012, la FBP est également reconnue comme fédération professionnelle au sein
du Conseil Supérieur des Indépendants et des PME.
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Source : http://www.efpa.eu/about
Source : http://www.europsy-efpa.eu/about
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Clinique
On pourrait décrire la psychologie clinique comme le secteur qui utilise les connaissances
psychologiques pour assurer la prise en charge de clients ayant des problèmes de santé
mentale et de bien-être. Il peut s’agir de problèmes liés aux émotions tels que l’anxiété ou le
stress, de problèmes de comportement tels que les addictions, de problèmes relationnels ou de
troubles psychologiques plus spécifiques. Le but des psychologues cliniciens est d’assurer une
prise en charge des patients qui dans les cas où elle ne les guérit pas complètement leur
permet de mieux vivre.
Les psychologues cliniciens travaillent comme indépendants ou en équipe entre autres dans
les soins de première ligne, les soins ambulatoires, les institutions de soins.
Source : http://www.bfp-fbp.be/fr/node/98
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Source : http://www.europsy-efpa.eu/requirements
Ce document implique donc que pour exercer la psychologie, une année de stage supervisé
est nécessaires.
Si le législateur belge ne s’est pas encore prononcé sur ces propositions, la plupart des
employeurs belges qui ont recours aux services de psychologues cliniciens se réfèrent à ces
normes ou à des normes similaires.
En Europe, des pays comme la France, l’Allemagne, les Grande-Bretagne ou les Pays-Bas
se sont dotés d’une législation. En Belgique, on attend encore !!! Ce qui nuit évidemment à
la réputation et à la mobilité de nos diplômés.
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Une loi a été votée en 2014 et est entrée en application en septembre 2015. Elle
réglemente les professions de la psychologie clinique, de la psychothérapie et de
l’orthopédagogie.
Pour porter le titre de psychologue clinicien il faut être porteur d’un master en psychologie
ET avoir suivi une filière clinique en master (cours et stages dans le champs clinique). Le
termpe clinique dans la loi est toutefois assez large puisqu’il intègre à la fois la psychologie
clinique au sens strict, les psychologues de la santé et la neuropsychologie.
Sur le marché de l’emploi, le terme « psychologue clinicien » est toutefois plus restrictif
puisqu’il est « réservé » à ceux qui se sont spécialisés dans les troubles mentaux et la
souffrance psychique, la psychothérapie et qui s’inscrivent dans un des 4 grands courants :
psychanalyse, systémique, comportemental ou humaniste (que nous allons étudier).
Pour porter le titre de psychothérapeute, il faut être porteur d’un titre de Bachelier. De
plus, il faut être porteur d’un certificat attestant que l’on a suivi et réussi une liste de cours en
psychologie établie par le Roi (Arrêté Royal). Enfin, il faut avoir suivi une formation de 4 ans
dans un centre agréé dans un des 4 grands courants : psychanalyse, systémique,
comportemental ou humaniste. Ces formations impliquent en moyenne 15 jours de
formation/an et 600h de stage ou de pratique professionnelle annuelle.
Cerveau et psychisme
Psychologue (titre protégé en Belgique depuis 1993, 5 ans d’études universitaires) - loi du
8 novembre 1993 protégeant le titre de psychologue.
Psychologue de la santé. PEDINIELLI (s.d.) nous explique : « La Psychologie de la
Santé (Health Psychology) est une discipline récente officialisée en 1985 aux USA. Elle est
distincte de la psychologie clinique mais certains de ces aspects correspondent à celle-ci. Elle
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a pour objet l'étude des facteurs et des processus psychologiques jouant un rôle dans la
survenue, l'évolution des maladies somatiques. Elle s'intéresse notamment aux rapports entre
les déterminants physiques, sociaux et psychiques dans la pathogenèse multifactorielle des
maladies (hypothèse d'une interaction entre trois déterminants dans le maintien de la maladie
et affirmation de la nécessité de traitements interdisciplinaires). Elle contribue à promouvoir
des comportements et des modes de vie plus sains, la prévention et le traitement des affections
ainsi que l'amélioration de la prise en charge des patients. Les interventions des praticiens
peuvent porter sur la prévention (spécifique et non spécifique) avec des méthodes
d'intervention et d'évaluation, les comportements à risque, les changements d'habitudes de vie,
les stratégies de coping (adaptation), les systèmes de croyances (individuels et culturels), les
réactions à la maladie ».
Psychologue clinicien (titre protégé en Belgique depuis 2014) : psychologue (5 années
d’études universitaires) exerçant dans le champ de la santé physique et mentale et pratiquant
des activités de diagnostic, de psychothérapie et de prévention essentiellement dans le
domaine de la souffrance psychique.
En Belgique, on peut distinguer 3 champs cliniques distincts :
Le neuropsychologue :
A la différence du psychologue clincien qui s’intéresse souffrance psychique, le
neuropsychologue s’intéresse essentiellement à la souffrance cérébrale. Le
neuropsychologue s’occupe principalement des personnes souffrant de détérioration du
système nerveux : AVC (Accident Vasculaire Cérébrale), tramas craniens consécutifs à
des accident de voiture ou autres et maladies dégénératives du système nerveux
(démence, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson). Pour ces motifs, le
neuropsychologue couvre certains champs cliniques avec les médecins spécialisés en
neurologie.
Le psychologue de la santé :
Le psychologue de la santé : un psychologue clinicien (au sens légal), mais qui se
penche essentiellement sur les facteurs psychologiques mobilisé dans le cadre de
maladies somatiques : cancer, troubles cardiaque ou respiratoires, mucoviscidose, etc.
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Psychiatre (titre protégé, 5 ans après la médecine générale, surtout centrée sur la
psychopathologie et les traitements pharmacologiques). Docteur en médecine générale et
obstétrique + une licence en psychiatrie (5 ans)
Docteur : sans thèse (médecin) ou avec thèse (Ph.D.) = soutenance publique d’un travail
original de recherche
Psychanalyste (titre non protégé, ouvert à la plupart des diplômés de l’enseignement
supérieur, très spécifique, cursus de formation de durée et de qualité variable et très coûteuse).
Le psychanalyste étudie et applique les enseignements issues des travaux de Freud et de ses
successeurs. Cette approche accorde une importance fondamentale à l’Inconscient, aux
pulsions (essentiellement sexuelles), au vécu subjectif (fantasmes) et à l’histoire du sujet.
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La plupart des auteurs sont d’accord pour distinguer les pathologies fonctionnelles et les
pathologies organiques (apraxie, aphasie, Alzheimer, etc). À l’inverse des secondes, les
pathologies fonctionnelles ne seraient pas causées par des lésions organiques significatives.
Notons que ces deux premières tâches impliquent que le clinicien se réfère à des
classifications préexistantes des maladies et des syndromes mentaux. Certains se veulent
purement descriptifs et a-théoriques, comme le DSM IV. D’autres classifications s’appuient
sur des modèles théoriques du fonctionnement mental et relationnel (la psychanalyse, par
exemple).
Ces classifications et modèles feront l’objet d’une première présentation dans le cadre de
ce cours.
Le mot « psychothérapie » a été utilisé pour la première fois en 1891 par Hippolyte
BERNHEIM (1840-1919), avec son sens actuel, dans « Hypnotisme, suggestion,
psychothérapie. Études nouvelles ». Depuis lors, un certain nombre de définitions ont été
proposées.
Reprenons la définition de GUYOTAT (1978)5 donnée ci-dessus. La psychothérapie
comme « l’ensemble des moyens psychologiques qui peuvent être mis en œuvre dans un but
thérapeutique6 ».
Ces moyens s’inscrivent dans le cadre d’une relation avec un professionnel. En effet, le
processus relationnel n’a rien de spécifiquement thérapeutique bien qu’il présente déjà des
potentialités thérapeutiques. Ainsi, le simple fait de téléphoner à un ami suffit généralement à
apaiser des épisodes d’angoisse ou de tristesse.
Le professionnel apporte tout d’abord sa compétence (sa formation) et son expérience. Il
est en outre tenu à des règles déontologiques et un code éthique. Par ailleurs, parce qu’il
n’entretient aucun rapport personnel ou professionnel avec le patient ou son entourage, le
thérapeute peut prétendre à une certaine neutralité. Enfin, le processus relationnel tire des
forces nouvelles s’il s’inscrit dans un cadre (voir ci-dessous).
L’INSERM (2004) reprend la définition de GERIN (1984) en considérant la
psychothérapie comme un ensemble de « méthodes psychologiques dont le but est de soulager
une souffrance dans un cadre contractuel7». On retrouve ici la notion de moyen
5
Cité par CHAMBON et MARIE-CARDINE, 1999
6
op. cit, p.7
7
op. cit., p. 35
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Étudier les maladies mentales et/ou la souffrance psychique sur des populations plus
larges - EPIDEMIOLOGIE
Ce quatrième axe ne fait pas partie de l’objet de la psychologie clinique. Celle-ci doit
néanmois s’appuyer sur ces données pour fonder son action.
L’épidémiologie étudie la fréquence des maladies, leur répartition dans la société, les
facteurs de risque et les décès liés à cette maladie.
Dans ce cadre, quelques concepts sont importants :
8
op. cit., p. 57
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Facteurs de risque : Influences négatives dans la vie des personnes ou dans une
collectivité. Ils peuvent accroître l'incidence de la
pathologie.
Facteurs de protection : Influences positives dans la vie des personnes ou dans une
collectivité et qui peuvent améliorer la vie des personnes.
Ils peuvent diminuer le risque de pathologie.
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Dans l’état actuel des recherches, on élabore des modèles multivariés complexes qui
mettent l'accent sur les mécanismes sous-jacents de déployant au fil du temps. Par exemple, le
modèle qui guide les recherches de Taylor et de son équipe est représenté dans la figure. 1.
L'environnement précoce et les prédispositions génétiques sont des co-déterminants des
réponses neuronales au stress.
Ces réponses, de nature psychologique et sociale sont autant de ressources pour combattre
le stress aigus ou les affects négatifs chroniques.
Ceux-ci, à leur tour, vont avoir des effets sur les réponses neuroendocriniennes.
Ces facteurs affectent la santé mentale et physique.
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Nous ne nous étendrons pas sur les méthodes dans ce cours étant donné qu’il existe au sein
de cette Faculté un cours spécifique et très complet à ce sujet. Néanmoins, nous citerons pour
mémoire : l’entretien clinique, la méthode des tests et l’observation.
Entretien clinique
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conscience. Souvent aussi, les patients s’expriment par des métaphores qu’il importe de
comprendre.
On sera attentif au contenu du discours (vocabulaire utilisé, lapsus, oublis) et à sa forme
(débit, qualité formelle du discours). Progressivement, le clinicien cherchera à dégager des
thèmes récurrents qui nous informent sur la problématique centrale du patient.
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Dans ce type d'épreuve, on invite le patient à répondre à une série de questions. Chaque
question décrit une manière d'être ou de se comporter habituellement, une conception des
choses, etc. Ces questions cernent un nombre limité de traits de caractère, variable selon les
auteurs du test. Évidemment, plusieurs questions concernent un même trait et ces questions
sont présentées dans un ordre imprévisible.
Le sujet est invité à répondre aussi honnêtement et spontanément que possible. Les traits
sont regroupés autour de facteurs. Ces facteurs ont été identifiés à partir d'études statistiques
importantes et isolés à l'aide d'outils mathématiques complexes (analyse factorielle).
Le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI) constitue probablement le test le
plus répandu de ce genre, bien que ce dernier soit davantage focalisé sur des profils
pathologiques que sur des traits de personnalité.
La méthode de récolte des réponses de ces tests introduit des biais importants. Comment
peut-on être certain que le sujet joue le jeu et répond "honnêtement" ? De plus, ce genre de
test s'adresse à des personnes d'un niveau socioculturel suffisant : le langage utilisé dans les
questions reste trop abstrait pour certains patients. Enfin, malgré la rigueur scientifique de
cette approche, chaque fois qu'un auteur s'est attaché à construire un nouveau questionnaire, il
a abouti à une série de facteurs non identiques.
Le clinicien peut également chercher à se forger une idée sur le caractère du patient. Est-il
émotif ou au contraire flegmatique ? S’agit-il d’une personne hyperactive ou au contraire
inhibée ? Est-elle impulsive ou réfléchie ?
La typologie la plus célèbre est celle de JUNG. Celui-ci a été influencé par HEYMANS.
On connaît bien sûr l'opposition entre l'introversion (attitude essentiellement sous le contrôle
du Moi) et de l'extraversion (attitude essentiellement sous le contrôle du Monde). A ceci, il
ajoutera les bipôles : sentiment (fonde ses jugements sur l'acte subjectif d'acceptation ou de
rejet) - pensée (fonde ses jugements en établissant des relations conceptuelles)et sensation
(oriente la vie en fonction de réalités qui tombent sous le sens) - intuition (oriente la vie en
fonction de réalités internes).
L’observation
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consultation ou au sein d’une institution telle qu’un hôpital. Dans ce cadre, il est intéressant
d’observer comment le patient entre en contact avec le personnel soignant. Ainsi, ce patient
de 30 ans tente-t-il d’établir avec son infirmière de référence, plus âgée, une relation similaire
à celle qu’il avait avec sa propre mère ? Craint-il les soignants masculin comme il craignait
son père ? Etc.
Fonctionnement en miroir
Parce qu’ils participent à une vie communautaire, les patients vivant en institution sont
confrontés et réagissent à des phénomènes relationnels complexes. De nombreux auteurs
s’accordent sur l’idée que la dynamique de l'équipe affecte, et en même temps est affectée,
par la dynamique familiale.
MAISONDIEU suggère la possibilité d’une « contagion » en direction des équipes de
soins qui reproduira ensuite, de manière isomorphe, les transactions en cours dans la famille.
Sous le terme « contagion », on désigne le phénomène par lequel un patient en institution ou
un groupe familial en thérapie sont capables d'induire des modifications des jeux relationnels
au sein du système thérapeutique et à son insu. La manière dont la relation se définit entre un
patient - et sa famille - et un thérapeute constitue une préoccupation constante du champ
clinique. Elle a d’abord attiré l’attention de Freud avec les concepts de transfert et de contre-
transfert. Dès 1954, Santon et Schartz ont montré la relation existant entre l'excitation
pathologique des malades et les désaccords occultés des équipes. Le concept de « résonance »
d’Elkaim décrit des formes de « vibrations » psychologiques qui se produisent lors d’une
rencontre sous l’effet d’un élément commun. Pour Benoit et Roume (1986), des processus de
crise, de désignation, de rejet, similaires à ceux qui sont observés au sein de la famille se
développent à l’intérieur même des équipes de santé mentale. Hayez et al. constatent (1994)
que le patient est souvent amené inconsciemment à mettre en acte les processus familiaux
avec les membres de l’équipe. De fait, il devient un révélateur du manque de communication
au sein de l’équipe. Pour Siegi Hirsch, le patient institutionnalisé jouit du pouvoir de
« contaminer » le milieu institutionnel par son milieu familial et inversement.
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Clinique enfant
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Le petit enfant est souvent incapble de décrire ses plaintes sur le plan verbal. C’est
pourquoi ses symptômes seront davantage montrés que formulés. Ces symptômes se
manifesatent alors dans deux registres non verbaux : somatisation (troubles du sommeil,
troubles de l’alimentation), de l’agir (colères, agressivité, fugues) ou les deux à la fois
(Exemple : Hyperkinésie). On notera que ces symptômes sont liés aux tâches
développementales auxquelles l’enfant est précisément confrontés : maîtrise du corps, des
pulsions et des comportements, motricité, hygiène de vie, etc.
C’est aussi ce que l’on constate chez l’adolescent. La crise pubertaire le confronte la
sexualité et à la nécessisté de déplacer son centre de gravité de la famille vers les groupes de
pairs. Certains troubles sont spécifiques à l’adolescence : délinquance, toxicomanie,
anorexie, etc. A nouveau, ces symptômes sont liés aux tâches développementales auxquelles
l’adolescent est précisément confrontés. L’anorexie constitue un bon exemple puisqu’il
concerne à la fois l’image du corps, notamment en termes sexuels (l’anorexie gomme la
différenciation sexuelle) et le rapport à la famille (l’anorexie rend l’adolescent et sa famille
hyperdépendants).
L’allongement de l’espérence de vie expose l’humain à une expérience plus longue des
effets du vieillissement : diminution des performances corporelles en général (perte de
mobilité, douleurs articulaires, etc.), diminution de la performances des organes des sens
(surdité, cécité, …), détérioration de la fonction sexuel (perte de libido, impuissance,
problème de la prostate), désinsertion sociale (fin des activités professionnelles, diminution de
la vie social résultant de la perte de mobilité), détérioation cogntives, etc.
Ces mutations engendrent des troubles psychiques variés, principalement des troubles
dépressifs, surtout dans notre société qui laisse peu place et dévalorise les personnes âgées.
En conséquence, une clinique spécifique s’est développée et mérite une attention accrue.
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Ces contextes induisent des limites, et/ou des ressources nouvelles dans les stratégies
d’intervention.
Ambulatoire ou résidentiel
Ambulatoire résidentiel
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Le courant psychanalytique a toujours plaidé pour une causalité avant tout psychique.
L’hypothèse exogène implique que la psychose et la schizophrénie sont des « réponses » à
des circonstances du milieu humain qui rendent cette réaction hautement probable.
Les facteurs mis en avant ont évolué dans le temps. Les évoquer équivaut à faire
l’historique des recherches qui les concernent. Entre les années 40 et 65, la « mère du
schizophrène » a été souvent mise au banc des « accusés ».
Par exemple, Searles (1959, 1977) a décrit six manières, selon lui, pour rendre l’autre
fou (entendez « psychotique ») : 1° attirer l’attention de manière répétée sur des aires de la
personnalité du sujet qui sont conflictuelles, 2° stimuler sexuellement la personne dans des
situations où cette stimulation pourrait avoir des effets désastreux, 3° exposer la personne à
des séquences de stimulation et de frustration soit simultanées, soit en alternance très
rapide de sorte que toute réponse à un niveau sera qualifiée comme inadéquate et à côté de
l’autre niveau (et inversement), 4° traiter la personne à deux niveaux de relation n’ayant
absolument aucun rapport, 5° changer brusquement de résonance émotionnelle à propos
d’un même sujet ou, 6° changer brusquement de sujet en restant dans la même résonance
émotionnelle.
Cette hypothèse se fonde sur le caractère simultané de la pathologie psychotique et de
certains modes de fonctionnement relationnel. Toutefois, cette simultanéité ne garantit en
aucun cas le caractère causal du fonctionnement relationnel, ni la direction des causes
lorsque celles-ci existent. Ainsi, l’hypothèse que la « mère du schizophrènogène » est en
fait un construct bâti à partir de l’observation des effets de la progéniture malade sur la
mère et non l’inverse.
Il apparaît clair que ce modèle ne prend pas assez en compte les découvertes récentes de la
génétique.
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Les facteurs génétiques sont constitués par l’ensemble des traits présents avant le début de
la maladie et qui sont exclusivement attribuables au bagage génétique. La preuve de
l’effet de ces facteurs peut être directe (identification d’un gène responsable), par
exemple la trisomie 21 (enfants mongols), soit indirecte (pas de gène clairement
identifié, mais présence d’un risque plus élevé de maladie chez des individus
apparentés, cf. ci-dessous).
Les facteurs environnementaux. L’ensemble des traits non-attribuables au bagage
génétique, mais qui jouent néanmoins un rôle dans l’émergence de la pathologie.
Dans ce modèle, les facteurs environnementaux jouent un rôle secondaire. Les
facteurs suivants sont réputés intervenir dans l’émergence de la schizophrénie, sans
qu’il soit toutefois possible de mesurer avec précision le rôle – important/secondaire
ou indispensable/facultatif – de ces divers facteurs.
Physiques
- Déroulement de la grossesse et de l’accouchement
- Facteurs toxiques
- Facteurs viraux/ maladies
- Accidents divers
Relationnelles
- Dynamique familiale
- Facteurs de stress
- Facteurs de rechute (Emotions Exprimées)
- Contexte social, culturel et économique
Événements de vie (suicides, viols, maltraitances, attentats)
Stress (perte d’emploi, déménagement)
Familiaux (perturbations diverses, conflits, émotions exprimées …)
Sociaux (chômage, oppression, harcèlement)
Avec les progrès de la génétique, certains ont voulu promouvoir l’idée d’un déterminisme
génétique intégral. Ainsi, d’aucuns sont à la recherche du gène de la schizophrénie, de la
psychopathie, voire du mensonge.
Plus sérieusement, on a remarqué que le risque d’être atteint de schizophrénie augmente si
d’autres membres de la famille en sont atteints. Il y a donc une possibilité de transmission
génétique.
La cause de la schizophrénie demeure inconnue, mais on suppose généralement qu'il existe
un fondement organique. I1 existe des arguments importants en faveur d'une composante
génétique et quelques données selon lesquelles le risque d'apparition de la maladie augmente
en cas de souffrance néonatale ou d'infection virale au cours de la grossesse. Il n'y a aucune
preuve que des facteurs psychosociaux puissent « être cause » de la schizophrénie, sauf peut-
être chez des individus présentant des facteurs de risque.
Selon Frith (1996), aucune anomalie spécifique des cellules cérébrales n'a pu être identifiée
dans l'une ou l'autre des psychoses fonctionnelles, et leur distinction repose toujours sur la
symptomatologie, le profil évolutif et l'issue de la maladie, sans que ces distinctions ne soient
validées par un critère indépendant.
L’hypothèse d’un dysfonctionnement au niveau de la neurotransmission (voies
dopaminergiques) est étayée par l’efficacité des neuroleptiques dans le traitement des
symptômes positifs. Toutefois, l’effet de ceux-ci sur les symptômes négatifs est relativement
limité. Par ailleurs, les neuroleptiques eux-mêmes, peuvent modifier la sensibilité à la
dopamine des synapses. Les neuroleptiques ont donc été mis en cause dans l’émergence de
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ces symptômes. Les résultats des études explorant cette hypothèse sont contradictoires, mais
la balance penche pour l’instant en faveur des neuroleptiques.
Par ailleurs, chez certains schizophrènes, les lobes frontaux du cerveau constituent le
centre de commande des habiletés sociales et de planification chez l’humain. On a observé
chez ces schizophrènes un fonctionnement ralenti de cette région du cerveau.
L’idée de base est que la schizophrénie est d’abord une maladie d’origine génétique. Cette
idée paraît étayée lorsqu’on observe la prévalence dans différentes populations (Tableau ci-
dessous)
Tableau 1. Risque de développer la schizophrénie lorsqu’un proche est atteint. Source : Pierre Lalonde MD
Le modèle vulnérabilité-stress
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Les facteurs de vulnérabilité sont constitués par l’ensemble des traits présents avant le
début de la maladie ou du problème : bagage génétique, complications périnatales,
traumatismes précoces, antécédents familiaux et transgénérationnels, etc. Ces
facteurs n’entraînent pas obligatoirement la maladie, mais ils rendent celle-ci plus
probable et/ou provoquent des limitations plus ou moins importantes.
Les facteurs de stress sont constitués par l’ensemble des conditions qui déclenchent la
maladie : événements de vie tragiques (décès, divorces, échecs scolaires ou
professionnels, etc.), cycle de vie familial (naissances, passage de l’enfance à
l’adolescence ou de l’adolescence à l’âge adulte, échecs amoureux, etc.).
Les facteurs protection sont constitués par l’ensemble des conditions qui préservent le sujet
du déclenchement de la pathologie ou, à tout le moins, en atténuent les effets. Les
facteurs suivants sont réputés jouer un tel rôle :
Coping style personnel
Coping style familial
Environnement social immédiat
Prise de médicament
Contexte social et culturel (Exemple : les SZ récupèrent mieux dans les
sociétés traditionnelles que dans les sociétés « modernes »).
Ces données ont conduit certains chercheurs à élaborer un modèle dit de « Vulnérabilité-
stress » qui intègre à la fois les données génétiques et environnementales.
Épigenèse
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Texte provisoire – Diffusion interdite
9
Op. Cit., p. 24.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
avec des sujets schizophrènes ou bipolaires alors que ce n’est pas le cas en ce qui concerne
les troubles unipolaires (dépression) (Clarkin et al., 1990).
34
Chapitre 2
L’homme neurobiologique
Cette dichotomie est évidemment très réductrice. On est en mesure aujourd’hui de mieux
décrire comment l’expérience s’inscrit dans le système nerveux et comment celui-ci, en
retour, conditionne ce que nous percevons de l’expérience.
Dans ce chapitre, grâce aux progrès des neurosciences, nous allons montrer que la
psychologie clinique est enfin en mesure de valider un certain nombre de ses postulats
concernant l’émergence d’un symptôme et son traitement.
Texte provisoire – Diffusion interdite
Mac Lean (1973) formule une proposition concernant l'organisation de l'encéphale humain
qui s’inscrit dans la perspective de l’architecture en plans étagés, évoquée ci-dessus. Elle
s'inscrit dans une triade à la fois spatiale, temporelle et fonctionnelle et rend compte de la
longue évolution, de la lente ontogenèse et des interactions diverses qui caractérisent la mise
en place du SNC.
Selon cette hypothèse, l'encéphale adulte est constitué de trois cerveaux emboîtés
échafaudés à des phases successives du développement de l'individu, mais aussi apparus à des
époques différentes de l'évolution phylogénétique: le cerveau reptilien ou paléencéphale, le
cerveau paléo-mammalien ou paléocortex et le cerveau néo-mammalien ou néocortex.
32 32
Texte provisoire – Diffusion interdite
Ce cerveau est désormais « coiffé » par deux structures d'apparition plus récente qui ont
pris le relais d'une partie de ses fonctions tout en établissant avec lui des rapports étroits.
Le système nerveux végétatif est constitué de deux parties à action opposée: le système
nerveux orthosympathique et le système nerveux parasympathique. Ces deux systèmes sont
responsables des activités inconscientes de l'organisme, comme le rythme cardiaque, la
contraction des muscles lisses.
Le système parasympathique contrôle les activités involontaires des organes, glandes,
vaisseaux sanguins conjointement avec le système orthosympathique.
Il est responsable du ralentissement de la fréquence cardiaque (cardio-modérateur), de
l'augmentation des sécrétions digestives et de la motilité du tractus gastro-intestinal. Il
intervient dans certains phénomènes pathologiques, tels les évanouissements ou lipothymies
("malaise vagal"), ou d’autres phénomènes tels que colites, diarrhées, vomissements, larmes,
etc. Le neurotransmetteur (infra) principal de ce système est l'acétylcholine.
33 33
Texte provisoire – Diffusion interdite
La complémentarité est observable, par exemple lorsqu’un prédateur vient d’avaler une
proie (activation du système orthosympathique) et qu’il la régurgite immédiatement s’il se
sent menacé (activation du système parasympathique) afin de faire face au danger (priorité au
système orthosympathique).
Ceci peut nous aider à comprendre le sens de certains symptômes comme la nausée ou les
vomissements dans certains troubles psychologiques. Ainsi, l’individu, lorsqu’il a affaire à
un stress intense ou lorsqu’il est confronté à une image mentale ou un souvenir pénible, a
envie de vomir.
34 34
Texte provisoire – Diffusion interdite
Le cerveau paléo-mammalien est mis en place chez les premiers mammifères (fin de l'ère
secondaire). I1 est à l'origine de notre système limbique, dévolu à la mémoire et à la
commande des grands comportements instinctifs. C'est aussi le centre des émotions qui
déclenche les réactions d'alarme du stress. Ce système devient dominant dans le
comportement d’un enfant entre quelques semaines et 3 ans.
Le paléocortex correspond au système limbique (limbus: bordure), zone de l'écorce
cérébrale qui occupe, autour du corps calleux, une surface située de part et d'autre du sillon
qui sépare les hémisphères cérébraux. C'est le gyrus cingulaire. Mais le système limbique
comporte aussi, en position plus ventrale, un ensemble très complexe de structures comme
l'amygdale ou l'hippocampe...
35 35
Texte provisoire – Diffusion interdite
Ces régions sont formées, en surface, de trois à cinq couches de cellules nerveuses. La
fonction du système limbique est, avant tout, celle de cerveau des émotions et des
comportements qui s'y rattachent.
Le système limbique est en relation étroite avec le néocortex dans la région frontale, mais
il est également relié à l'hypothalamus et au tronc cérébral par de nombreux faisceaux.
36 36
Texte provisoire – Diffusion interdite
délirants. Ils sont utilisés dans le traitement des symptômes positifs (hallucinations, délires et
agitation psychomotrice) de la schizophrénie et des troubles bipolaires. Ils ont par contre
moins d’effet sur les symptômes négatifs (retrait social, émoussement affectif).
Les neuroleptiques ont la particularité de bloquer les récepteurs dopaminergiques
(récepteurs situés sur les neurones et spécialisés dans la captation de la dopamine).
Les neuroleptiques ont de nombreux effets indénsirables qui réduisent la compliance des
patients.
Ainsi, en bloquant les récepteurs dopaminergiques, les neuroleptiques empêchent le
fonctionnement normal des neurones et entraînent des symptômes semblables à ceux observés
dans la maladie de Parkinson (due à un manque de dopamine).
Les neuroleptiques provoque des dyskinésie aiguë (Contracture musculaire, plafonnement
des yeux, torticolis, impatience motrice (le patient éprouve le besoin de mimer la marche alors
qu’il est au repos) et des dyskinésie tardive (également considérée comme un effet indésirable
de type extra-pyramidal) qui se présentent sous la forme de mouvements de mâchonnements
et de protrusion de la langue répétitifs et incontrôlables. Ces dyskinésies génèrent un
phénomène de rejet qui aggrave l’isolement de la personne.
Ces symptômes disparaissent à la suspension du traitement neuroleptique. Plus
globalement, les neuroleptiques affectent en effet le système nerveux, en particulier le
faisceau extrapyramidal.
On distingue en fait le faisceau pyramidal du faisceau extrapyramidal
Le faisceau pyramidal est constitué des circuits nerveux qui transmettent les commandes
motrices volontaires du cortex cérébral jusqu'aux motoneurones et interneurones de la moelle
épinière.
Le faisceau extrapyramidal est constitué des circuits nerveux responsables notamment de
la motricité involontaire, des des réflexes et du contrôle de la posture.
Le syndrome pyramidal est l'ensemble des symptômes qui attestent d’une atteinte de la
partie centrale de la voie pyramidale : faiblesse motrice (marche, sensations de raideur,
troubles de la phonation et de la déglutition).
Le syndrome extrapyramidal s'observe au cours de la maladie de Parkinson ou comme
effet secondaire à la consommation de neuroleptiques. Ce syndrome se reconnaît à trois
signes : tremblement, hypokinésie (mouvements rares et lents) et hypertonie (rigidité, tonus
musculaire trop élevé). A l’examen, un hypertonie « plastique » est mise en évidence
lorsqu'un membre du corps garde la position qui lui est donnée.
Neurones miroirs
37 37
Texte provisoire – Diffusion interdite
Ces neurones miroirs nous aide aussi à comprendre comme les suggestions hypnotiques
agissent. En effet, le fait que activité neuronale soit identique en imaginant l’action que
lorsqu’on l’exécute explique le phénomène de « lévitation » et plus globalement démontre
l’effet des suggestions hypnotique sur le cerveau I
On connaît mieux aujourd’hui les mécanismes par lesquels des états somatiques sont
associés à nos perceptions (mémoire du corps). L’amygdale joue un rôle spécifique dans le
rôle de traduction des perceptions en émotions. Et l’on se rappelle que les émotions sont en
grande partie gérée par le même système qui régule la mémoire.
Mais par ailleurs, l’amygdale met également ces informations sensorielles en relation avec
le système neurovégétatif, lequel contrôle nos viscères et nos hormones. En un mot,
l’amygdale influence l’état somatique.
En résumé, perceptions, émotions, mémoire et contrôles viscéral et hormonal sont
étroitement connectés et interdépendants.
38 38
Texte provisoire – Diffusion interdite
Fondamentalement, ce système « vit » à la fois dans le présent et dans le passé compte tenu
de sa capacité de stockage et d’apprentissage.
Autres comportements :
- L’organisation en clan augmente les chances de survie. À partir de cela,
les notions de cohésion, de coopération et d’attachement (et, dès lors, de
séparation, de perte et de deuil) vont se développer. La famille et le couple
stables (augmentant le temps de parentage) apparaîtront ultérieurement
comme la conséquence de cet acquis.
- Les capacités de la mémoire vont s’étendre et améliorer les capacités
d’apprentissage.
39 39
Texte provisoire – Diffusion interdite
Remarque
Une idée courante est que l’homme répète la phylogenèse lors de son ontogenèse.
Autrement, l’embryon humain repasserait par tous les stades du développement des espèces
sur terre au cours de son développement intra-utérin. Il y aurait ainsi une phase poisson au
début, puis reptile et enfin mammifères.
40 40
Texte provisoire – Diffusion interdite
Cette théorie, bien que globalement correcte, n’est pas totalement exacte. L’embryon
humain passe par différents stades archaïques au sein desquels on perçoit la phylogenèse.
Mais en même temps, certaines évolutions sont court-circuitées. Le document qui suit
illustre cette nuance.
Enfin, mis en place progressivement au cours de l'ère tertiaire et subissant une croissance
inouïe chez les primates, le cerveau néo-mammalien est venu recouvrir les précédents en
formant le néocortex. I1 confère à l'homme de larges possibilités d'apprécier le milieu
extérieur, d'anticiper ses actes, bref, de « vivre en intelligence ».
Le néocortex est la partie la plus volumineuse et, semble-t-il, la plus importante de
l'encéphale humain. Il se plisse en formant de profonds sillons, qui délimitent des
circonvolutions. Sa surface est considérable (environ un quart de mètre carré) pour un
volume qui doit rester limité : un crâne trop gros rendrait toute naissance aléatoire. Ses
hémisphères sont séparés l'un de l'autre par le profond sillon interhémisphérique. Chacun
d'entre eux est partagé en plusieurs lobes de structure complexe.
On y distingue (figure ci-dessous) le lobe frontal à l'avant, le lobe occipital à l'arrière.
Entre les deux, se situe le lobe pariétal vers le haut, le lobe temporal vers le bas. Ce dernier
est séparé du précédent par la très profonde scissure de Sylvius. Le sillon de Rolando marque
la frontière entre la région frontale (pré-rolandique) et la région pariétale (post-rolandique).
Les principales modalités sensorielles (toucher, vue, audition...) sont représentées à la
surface du cortex par des aires de projection primaires où aboutissent les neurones afférents.
On peut préciser ces localisations par la technique des potentiels évoqués.
Ces régions sont connectées à la plupart des lobes cérébraux par des faisceaux blancs sous-
corticaux. Enfin, la région olfactive, relativement réduite chez l'homme, se situe sous le lobe
frontal. Il reste dans le néocortex de vastes zones non spécifiques, comme les lobes frontaux
et une partie des régions pariétale et temporale, mais aussi des aires associatives formées
d'une mosaïque de représentations de la surface sensible de chaque modalité sensorielle
(association des éléments de l'environnement présent et association de ces éléments entre eux
mais aussi avec l'expérience passée).
Fondamentalement, ce système « vit » à la fois le présent, le passé et le futur étant les
capacités d’anticipation et d’élaboration de stratégies comportementale en fonction d’un but.
Raisonner :
L'art de reconnaître, d'abstraire et de reformer des liens de causes à effets.
- Le monde est perçu et reconstruit, représenté, sous forme de rapports réciproques.
- Langage : associe un signe à une chose.
- Rapport au temps : passé, présent, futur
Associer (imagination) :
Créer des recoupements originaux qui n'existent nulle part ailleurs.
41 41
Texte provisoire – Diffusion interdite
Illustration 2.2. - Vidéo – Conscience de soi chez les singes et chez l’homme - Clip 04 -
psyclin chap 2 - miroir - copie.mp4
1
Chez les droitiers
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L'évolution a donc permis, à chaque étape majeure, de « faire du neuf avec du vieux » en
modernisant et réutilisant chaque portion de l'ancien édifice, quitte à modifier ou à
transformer les fonctions initiales en les intégrant dans des constructions nouvelles.
Il est clair que le développement de ces structures résulte avant tout de l'expression d'un
programme génétique qui prescrit l'organisation générale. Mais, c'est au cours du
développement embryonnaire que les cellules nerveuses s'influencent réciproquement pour
aboutir à la mise en place des constituants du SNC. Une troisième étape s'accomplit durant la
vie post-natale grâce aux échanges avec le milieu extérieur. Elle joue un rôle majeur dans
l'acquisition des fonctions psychiques.
La doctrine jacksonienne des dissolutions implique que les fonctions nerveuses se
développent progressivement et hiérarchiquement selon le même principe tant chez l'embryon
depuis la formation du tube neural que, après la naissance, dans l'organisation des fonctions
psychologiques les plus élevées : chaque fois qu'une nouvelle structure nerveuse arrive à
maturité, non seulement elle rend possible les fonctions qui lui sont propres, mais elle prend
sous son contrôle les structures nerveuses développées antérieurement. De la sorte, si un
processus pathologique atteint le système nerveux, il y aura deux conséquences : un
phénomène négatif de destruction, à cause de la perte de la fonction qui était possible grâce à
la structure nerveuse enlevée, et un phénomène positif de libération, car les fonctions
inférieures seront libérées du contrôle qui était exercé sur elles par la structure lésée.
Pour Jackson, l'action la plus volontaire (synonyme aussi de plus propositionnelle ou plus
symbolique) ne peut se réaliser sans être préparée par des processus plus automatiques (ou
moins volontaires, moins symboliques, moins propositionnels): c'est la contrepartie de
l'organisation des centres nerveux. En effet, les centres inférieurs peuvent fonctionner de
manière relativement autonome ; par contre, les centres ;supérieurs ne se mobilisent qu'à la
suite de l'excitation des centres subordonnés, dans l'ordre de leur subordination. Certaines
expériences d'actes manqués et de substitution de mots peuvent illustrer ce principe sur le
plan psychologique.
1.1.4. Commentaires
La théorie de Maclean a les inconvénients et les avantages de sa simplicité. Elle nous aide
à comprendre que l’organisation des comportements résulte d’une histoire à la fois
phylogénétique et ontogénétique et que cette histoire a sculpté notre cerveau. Elle nous aide
aussi à comprendre que nos comportements ont des motivations non-univoques et complexes.
Il importe de prendre en compte à la fois les facteurs biologiques et sociaux pour comprendre
nos comportements.
La théorie de Maclean est toutefois dépassée tant du fait des avancées des neurosciences
(voir section suivante de ce chapitre) que du fait qu’elle ne prend pas en compte la dimension
symbolique (voir seconde partie de ce cours).
Cependant, il demeure que le comportement humain est, en partie, gouverné par certaines
traces laissées dans le cerveau par l’évolution de l’espèce (phylogenèse). Ces traces prennent
la forme de comportements « fossiles » - par exemple, le besoin de marquer son territoire ou
certains déterminismes dans l’attraction sexuelle – qui sont liées aux deux structures les plus
anciennes du cerveau. Nous y reviendrons.
Auparavant, et pour relativiser la vision déterministe que le modèle de Maclean risquerait
d’engendrer, il nous faut examiner la thèse opposée : celle de la plasticité du cerveau, c’est-à-
43 43
Texte provisoire – Diffusion interdite
dire sa capacité à échapper au déterminisme. Ce qui ne signifie pas que le biologique ne joue
pas ici aussi un certain rôle.
Les chercheurs en embryologie nous apprennent que pour affirmer qu’un système est
vivant, celui-ci doit disposer de trois propriétés essentielles : une enveloppe, un métabolisme
et un processus informatif. Une cellule vivante constitue l’exemple plus simple.
Par conséquent, une famille, en tant que système vivant, présente également ces trois
propriétés.
1° Une séries d’enveloppes qui découpent les limites entre la famille et l’extérieur mais
aussi, en son sein, les limites entre les générations. Ces enveloppes garantissent l’intégrité du
système face à l’environnement, organisent les échanges nécessaires entre l’intérieur et
l’extérieur et assurent la cohérence et la cohésion interne.
2° Le métabolisme renvoie ici à la capacité plus ou moins grande de s’organiser afin
d’établir un équilibre entre ses finalités et les changements survenant dans l’environnement.
Nous avons indiqué ci-dessus les processus d’équilibration à l’oeuvre dans les systèmes
vivants.
3° Un processus informatif qui se traduit dans les familles par l’existence d’une mémoire
qui recèle un plus ou moins grand savoir sur l’histoire, les croyances et les règles de la famille
ainsi que les processus de communications.
Dans les familles confrontées à l’expérience psychotique, ces trois niveaux sont perturbés
simultanément : l’organisation est affectée (tantôt chaotique, tantôt hyper-rigide) et les
processus informatifs sont perturbés (perte de sens, oubli du passé, oubli des finalités du
système, doubles messages, double liens, brouillage des liens et des émotions). Mais, et ceci
constitue la spécificité de l’expérience psychotique, les enveloppes sont particulièrement
fragilisées. Ceci s’illustre au travers de nombreux symptômes : vécus d’intrusion, délire
d’influence, idées paranoïdes, vécu de morcellement corporel, clivage de la pensée,
perturbation des frontières internes et externes de la famille, etc.).
Les entretiens cliniques – individuels et familiaux - et le travail de l’équipe ont pour
fonction de porter un regard sur ces trois niveaux en relation avec l’expérience psychotique
dans le but d’aider la famille à se transformer.
44 44
Texte provisoire – Diffusion interdite
Les activités cérébrales respectent plusieurs rythmes dont il importe de tenir compte.
1.2.1. L'électro-encéphalographie
L'électro-encéphalographie (EEG) est une méthode simple et peu invasive qui mesure et
amplifie l'activité électrique du cerveau. La mesure s’effectue à partir d’électrodes placées
sur le cuir chevelu.
l'EEG est utilisé à des fins de diagnostic et de suivi des épilepsies, des troubles du
sommeil, des troubles de la conscience, de lésions cérébrales. C’est aussi un moyen d’établir
un état de mort cérébrale.
Le dispositif restitue le signal ondulatoire sur un graphique. Les activités électriques
cérébrales se traduisent visuellement par des courbes rythmiques de fréquences et d’intensités
variables. On distingue plusieurs types d’ondes correspondant à des états de vigilance
différents (Tableau ci-dessous)
Tableau 1
Ondes EEG
Alpha Béta Delta Thêta
Fréquences 8,5-12 Hz 12-45 Hz < 4Hz 4-8 Hz
état de conscience apaisé Alerte flottante flottante
très jeunes efts,
Age Adulte Adulte adultes eft, ado
Artéfacts Yeux fermés Yeux ouvert hypnose
Circonstances activités courantes méditation
Concentration,
anxiété lésions cérébrales rêveries diurnes
Eveil (cf. cycles
circadiens) Eveil somnolence somnolence
On notera que les états hypnotiques sont très bien objectivé à l’EEG comme ce sera le cas
au Pet-Scan.
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Sommeil léger
Sommeil profond
Sommeil paradoxal
L'activité EEG est rapide et les mouvements oculaires très importants alors qu'il existe une
atonie musculaire quasi totale. L'activité néocorticale est plus proche de celle de l'éveil que
celle du sommeil lent (rêves vifs). La respiration est irrégulière. Le cœur accéléré ou ralentit.
Le rythme ultradien est un rythme biologique se présentant avec une fréquence plus rapide
qu'un rythme circadien.
La nuit, le sommeil paradoxal survient toutes les 90 minutes chez l'homme.
Le jour, le niveau de conscience fluctue également selon des cycles naturels de plus ou
moins 90 minutes. Ces cycles ont pour fonction de permettre de décompresser par rapport aux
stress Le sujet passe alors d’un rythme Bêta à un rythme Alpha. C’est dans ce « creux »
qu’interviennent de légers états hypnotiques.
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Circadiens
Les rythmes circadiens sont liés aux mouvements de rotation de la terre et aux variations
lumineuses qui sont le fait des alternances jours/nuits (période d'environ 24 heures).
Alternance veille-sommeil, température centrale, métabolisme de base. L'organisme adopte
un rythme de vigilance différent de 24 heures (25 ± 2 h).
Les cycles Ultradiens ne sont pas sans conséquence pour les rythmes scolaires et l’étude,
la conduite automobile ou les activités thérapeutiques. Il convient de les respecter, ou mieux
encore de proposer des activités adaptées à chaque phase du cycle.
Ces rythmes ont d’autres influences encore comme en témoigne l’encadré ci-dessous.
La production hormonale
Certaines hormones sont associées de plus près à l'horloge biologique que d'autres. La mélatonine présente
un rythme circadien prononcé qui culmine pendant la nuit. Le cortisol affecte plusieurs fonctions du corps
incluant le métabolisme et la régulation du système immunitaire. Ses niveaux sont à leur maximum au lever le
matin et décroissent graduellement au cours de la journée pour atteindre un creux tôt dans la nuit.
Le système cardiovasculaire
Les crises cardiaques et les accidents cérébro-vasculaire (ACV) ont tendance à se produire d'avantage le
matin qu'à n'importe quelle autre période de la journée. La tension artérielle augmente le matin et reste élevée
jusqu'en fin d'après-midi; par la suite, elle diminue et atteint son niveau le plus bas au cours de la nuit.
La tolérance à la douleur
La tolérance à la douleur est plus élevée dans l'après-midi. Par exemple, les douleurs dentaires sont à leur
plus faible en fin d'après-midi.
Le cycle menstruel
Les femmes rapportent souvent des changements dans leur sommeil au cours de leur cycle menstruel avec
plus de perturbations juste avant les menstruations. La perturbation du sommeil est fréquente pendant cette
période chez celles qui souffrent de trouble dysphorique prémenstruel. De façon intéressante, des changements
dans le rythme circadien de la température corporelle surviennent durant le cycle menstruel et une perturbation
de la production de mélatonine pourrait survenir dans ce trouble. Ceci a poussé les scientifiques à investiguer les
bases biologiques de ces changements et la relation entre l'horloge biologique et le cycle menstruel.
La médication
Les scientifiques étudient la façon dont les rythmes circadiens affectent la prise de médicaments. Il a entre
autre été découvert qu'on peut administrer moins d'anesthésiants en après-midi pour le même effet qu'avec une
dose plus grande à un autre moment de la journée. Les différents tissus du corps humains ont leur propre horloge
circadienne, donc un médicament administré aux mêmes doses à différents moments de la journée peut donner
des effets différents. La chronothérapie harmonise les traitements avec les rythmes circadiens endogènes afin
d'atteindre une efficacité maximale et réduire les effets secondaires. Par exemple:
Médication pour l'hypertension artérielle : Puisque les individus présentent des augmentations importantes
du rythme cardiaque et de la tension artérielle dans les heures suivants l'éveil, ils sont plus susceptibles de subir
une crise cardiaque ou un ACV le matin. Un médicament pris au coucher se retrouve dans la circulation
sanguine des heures plus tard et sera le plus efficace au lever le matin au moment où la tension artérielle et le
rythme cardiaque augmentent précipitamment. Lorsque la tension artérielle baisse le soir, la concentration du
médicament diminue également.
Traitement pour le cancer : L'application de la chronothérapie à la chimiothérapie dans le traitement du
cancer permet d'administrer des médicaments à des moments de tolérance maximale avec une toxicité minimale.
D'autres conditions peuvent être abordées par la chronothérapie telles que l'asthme, la fièvre des foins et
l'arthrite rhumatoïde.
Source : ar Diane Boivin, M.D., Ph.D., directrice du Centre d'étude et de traitement des rythmes circadiens
(http://www.douglas.qc.ca/info/rythmes-circadiens-qu-est-ce-que-c-est).
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Avant d’aborder les effets des situations traumatiques sur le psychisme ainsi que les dégâts
éventuellement observable dans le système nerveux, il importe de rappeler comment la
mémoire, en particulier la mémoire à long terme, est organisée chez l’homme.
On distingue la mémoire implicite (essentiellement procédurale, inconsciente et non-
verbale : images, sensations et mémoire gestuelle) et la mémoire explicite ou déclarative
(essentiellement consciente et verbale).
La mémoire procédurale permet l'acquisition et l'utilisation de compétences motrices
comme faire du vélo, jouer du piano, etc.
La mémoire déclarative est responsable de la mémorisation de toutes les informations sous
forme verbale, c'est-à-dire celles que l'on peut exprimer avec notre langage. On distingue la
mémoire épisodique qui stocke des faits dans leur contexte, notre histoire personnelle (par
exemple, comment nous avons rencontré un(e) amie(s) ou encore où nous étions le 11
septembre 2001. La mémoire sémantique stocke des faits indépendamment des circonstances
dans lesquels ont les a acquis.
Néanmoins, des croisements sont possibles. Ainsi, il existe des automatismes pour les
informations verbales, autant qu'il existe des représentations mentales (images, sensations,
gestes) manipulables par la conscience et l'attention.
Ces processus mnésiques impliquent différents sous-systèmes du cerveau : la
reconnaissance de stimuli rencontrés récemment (cortex sensoriels) ; l’activation d’une
émotion implique l’amygdale ; la formation de nouvelles habitudes motrices mobilise le
neostriatum ; l’apprentissage de nouveaux comportements moteurs ou d’activités
coordonnées met en jeu le cervelet.
La figure ci-dessous résume les différents types de mémoire et les structures cervicales
mobilisées.
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Nous verrons plus loin qu’en cas de stress, le cerveau libère du cortisol. Or, le cortisol
intervient dans l’augmentation de la glycémie (libération de glucocorticoïde) lorsque
l’organisme en a besoin. C’est notamment le cas dans des situations stressantes où
l’organisme doit réagir. Cette réaction offre au corps les possibilités de répondre de façon
physique à une situation précise, par exemple : Un qui-vive défensif, la fuite, le combat.
Le cortisol est improprement appelé « hormone du stress ». Au contraire, à faible dose, et
pas son action sur l’hippocampe, elle combat les effets néfaste de l’excès d’adrénaline (liée
directement su stress)
Par contre, en présence trop importante et surtout de longue durée de ces deux substances
agissent de façon néfaste sur le corps en s'attaquant entre autre à des parties sensible du
cerveau tel que l'hypothalamus (compris dans le système limbique) et l’hippocampe. Or, ce
dernier joue lui-même un rôle de régulation du cortisol via l’axe HHS. En résumé, une boucle
de rétroaction positive s’instaure : trop de cortisol nuit à l’hippocampe et ce dernier, affaibli,
ne tempère plus la production de cortisol, et ainsi de suite.
Par conséquent, en cas de stress répétés ou de stress dépassant les capacités de l’individu,
l'excès de cortisol va bloquer la croissance de nouveaux neurones dans l'hippocampe, région
du cerveau connue pour agir sur l'humeur, mais aussi sur la mémoire épisodique.
Le cortisol va également gêner la communication entre les neurones en bloquant les
récepteurs stimulés par la sérotonine, molécule intervenant dans les troubles de l'humeur.
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Définitions
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Texte provisoire – Diffusion interdite
La méthylation de l'ADN
Un groupe méthyle CH3 (Me) est un radical chimique dérivé du méthane (CH4).
La méthylation est un processus réversible qui agit sur l’ADN (acide
désoxyribonucléique) : certaines bases nucléotidiques peuvent être modifiées par l'addition
d'un groupement méthyle.
La méthylation est un processus épigénétique puisqu’elle modifie l’expression du gène.
Par exemple, lorsque le promoteur d'un gène est méthylé, le gène en aval est réprimé et n'est
donc plus transcrit.
La méthylation peut en fait avoir des effets antagonistes selon son importance : une faible
méthylation favorise la transcription, mais une forte méthylation, au contraire, l'inhibe.
La méthylation peut agir au cours du développement de l’embryon sous l’effet de facteurs
environnementaux : sociaux, nutritionnels et toxicologiques.
La chaîne ADN s’enroule sur des structures appelées nucléosomes (structures vertes)
formées de cellules appelées histones.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
La méthylation (petits drapeaux sur le schéma2) modifie les histones, par exemple, en
modifiant l’espacement de la chromatine. Sur une chromatine lâche, des segments d’ADN,
auparavant masqués, deviennent accessibles au moment de la lecture de la chaîne, ce qui
modifie l’expression du gène.
Lors de l’embryogenèse, la nutrition, la prise de substance toxique ou des expériences de
stress traumatiques engendrent des phénomènes de méthylation.
Ce qui nous intéresse en psychologie clinique, c’est le processus de méthylation qui
explique et confirme comment des expériences traumatiques laissent des traces durables dans
le psychisme. Psychologie clinique et biologie sont en voie de réconciliation !
Applications
Les parents ne transmettent pas que leurs gènes à leurs enfants. Ils leur lèguent aussi, inscrite dans
leur patrimoine génétique, la trace d’événements importants qu’ils ont vécus au cours de leur
3
existence (…). A Överkalix, un petit village isolé du nord de la Suède, les responsables de la
paroisse ont de tout temps eu le sens des registres bien tenus. Depuis la fin du XIXe siècle, et jusqu’à
la fin du XXe, ils ont consigné avec soin les saisons de bonnes et de mauvaises récoltes. Une mine
d’informations pour le spécialiste suédois de médecine préventive Lars Olov Bygren et le généticien
2
D’après une présentation du Professeur P. Bustany du CHU de Caen.
3
Pour les amateurs de biologie, ce processus résulte de la méthylation de l'ADN qui agit sur les histones.
53
Texte provisoire – Diffusion interdite
britannique Marcus Pembrey, qui ont pu reconstituer les périodes de disette et celles marquées par
l’abondance.
Etudiant aussi l’état de santé de quelques familles du village sur trois générations, ils ont fait une
découverte étonnante. Ils ont constaté que, quand un grand-père avait connu, durant sa
préadolescence, un des rares hivers d’abondance et qu’il avait beaucoup mangé, cela influençait
l’espérance de vie de son fils et de son petit-fils! Ces derniers vivaient sensiblement moins longtemps
que les descendants des hommes qui, au même âge, avaient connu la famine car ils développent
quatre fois plus un diabète de type 2. Les mêmes effets se retrouvaient d’ailleurs dans les lignées
féminines…
Cette observation avait de quoi ébranler les esprits et bousculer quelques idées admises en génétique
classique. Elle apportait en effet une confirmation à ce que certains suspectaient déjà: les parents
peuvent transmettre autre chose que leurs gènes à leurs enfants. Le patrimoine qu’ils leur lèguent
porte aussi la trace de certains événements importants qu’ils ont vécus.
En termes scientifiques, ce phénomène porte désormais un nom: l’épigénétique. «En grec «epi»
signifie «sur» ou «dessus», explique Winship Herr qui enseigne cette nouvelle discipline au Centre
Intégratif de Génomique (CIG) de l’UNIL. L’épigénétique est donc ce qui se trouve au-dessus de la
génétique.» En d’autres termes, précise-t-il, cela recouvre la «façon dont chaque individu va employer
les gènes qu’il a hérités de ses parents».
«La génétique est à l’épigénétique ce que l’écriture d’un livre est à sa lecture.» On doit cette image,
devenue célèbre, à Thomas Jenuwein, le directeur du Max- Planck Institut of Immunologie, en
Allemagne. Une fois que le livre est écrit, explique le biologiste allemand, le texte (les gènes et
l’information stockée sous forme d’ADN) sera le même dans tous les exemplaires publiés. Mais cela
n’empêchera pas chaque lecteur de l’interpréter à sa façon et de ressentir des émotions ou d’entamer
des réflexions qui lui seront propres (…)
Cela signifie que, si tous les gènes sont présents au sein de la cellule, certains sont activés, ils
«s’expriment» comme disent les généticiens, alors que d’autres sont rendus partiellement ou
totalement silencieux, une machinerie cellulaire complexe servant d’interrupteur pour les mettre en
position «on» ou «off». Scientifiquement parlant, rappelle le professeur au CIG, l’épigénétique est
donc l’étude de «la régulation de l’expression des gènes» (…)
Au-delà de ses implications dans le domaine médical, l’épigénétique montre aussi que nos modes de
vie peuvent avoir des répercussions non seulement sur notre propre santé, mais aussi sur celle de
nos descendants. A commencer par l’alimentation qui, comme l’ont montré Lars Olov Bygren et
Marcus Pembrey, joue un grand rôle dans l’affaire. «C’est certain», commente Ivan Stamenkovic, qui
précise toutefois «qu’il s’agit de phénomènes assez subtils que l’on ne sait pas encore très bien
mesurer». Un niveau élevé de stress «pourrait aussi avoir un effet sur l’expression de différentes
catégories de gènes et altérer par exemple la réponse immune, qui a un effet inhibiteur sur le cancer,
4
souligne le pathologiste. La question est en suspens, mais il serait intéressant de l’étudier.»
4
D’après un texte d’Elisabeth Gordon -in Allez Savoir novembre 2010 - Epigénétique - Santé :
http://www3.unil.ch/wpmu/allezsavoir/ .
54
Texte provisoire – Diffusion interdite
La transmission chimique
5
Voir les cours de la Faculté dans ces disciplines.
55
Texte provisoire – Diffusion interdite
contracte les vaisseaux sanguins et augmente la fréquence cardiaque. Elle joue un rôle dans
les troubles de l'humeur comme la maniaco-dépression. En excès, elle est cause des crises
d'angoisse et de panique en l’absence d’élément déclencheur précis. Son déficit conduit au
détachement envers toutes choses communes.
La dopamine module l'humeur. Son excès joue un rôle dans l’émergence des phénomènes
délirants et les hallucinations. Un déficit dans certaines parties du cerveau entraîne la rigidité
musculaire typique de la maladie de Parkinson. Elle entre pour beaucoup dans l'émotion du
plaisir, du désir, de la récompense. Elle joue un rôle important dans la dépendance, la
toxicomanie, plaisir-désir récompense. Lorsqu’on détruit la terminaison dopaminergique
d’un rat, celui-ci s’obstine à visiter toujours le même compartiment. Placé dans une situation
nouvelle, il ne sait pas modifier sa stratégie et perd son « enthousiasme exploratif ». Il est
incapable d’un effort intentionnel (Vincent, 2002). Or, on retrouve ce même type d’inhibition
chez les patients psychotiques. La dopamine est aussi impliquée dans le contrôle du
mouvement et de la posture.
Le GABA (pour acide gamma-amino-butyrique) - inhibiteur - contribue au contrôle
moteur, à la vision et à plusieurs autres fonctions corticales. Il joue un rôle régulateur aussi
56
Texte provisoire – Diffusion interdite
dans l'anxiété. Une augmentation du niveau de GABA permet de traiter les crises d'épilepsie
et calme les tremblements des gens atteints de la maladie d'Huntington.
La sérotonine - encore appelée 5-hydroxytryptamine (5-HT) – intervient dans la
régulation de la température, le sommeil, l'appétit, la douleur et surtout l'humeur. La
dépression, le suicide, les comportements impulsifs et l'agressivité sont liés à des
déséquilibres de la sérotonine. En présence trop importante, elle s'attaque entre autres à
l'hypothalamus (compris dans le système limbique). La sérotonine déversée dans la fente
synaptique peut être recapturée par le neurone pré-synaptique grâce à un transporteur (SERT)
qui diminue ainsi la concentration de sérotonine synaptique. Cette recapture est inhibée par
une classe d'antidépresseurs - inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine - (Prozac).
Des travaux récents montrent qu’un gène particulier façonne les protéines - serotonine
transporter (SERT or 5-HTT) - qui transportent la sérotonine (5-HT). (Lech & al., 1996 ; cités
par Cyrulnik, 2006).
Selon les cas de figure, on aura des protéines capables de transporter beaucoup de
sérotonine (5-HTT long) ou des protéines qui en transportent moins (5-HTT – court). Or, on
se rappelle que la sérotonine joue un rôle important dans la régulation de l’humeur.
Pour reprendre une image de Cyrulnik, imaginons que « Julie la douce » et « Giuletta la
vive » soient des petits transporteurs de sérotonine. On comprendra alors aisément pourquoi
Giuletta risque de se sentir déprimée. Néanmoins, il se peut aussi que Giuletta arrive à
compenser la moindre attention de sa mère en développant un comportement social plus
élaboré que Julie. Celle-ci, bien entourée ou peut-être trop – pourrait ne pas élaborer un
comportement social satisfaisant.
Ces découvertes sont également consistantes avec ce que l’on sait du « tempérament ».
Par exemple, certaines personnes sont très émotives alors que d’autres peuvent faire preuve en
toute circonstance d’un flegme à toute épreuve. Certains sursautent au moindre signal
d’alarme alors que d’autres demeurent stoïques et concentrés.
Au début des années 60, on pensait que les facteurs environnementaux étaient
prépondérants. Ainsi, Sheldon et Gluck (1969) avaient établi une liste de facteurs
prédictifs dont les plus importants étaient : l'autorité du père, la surveillance de la mère,
l'affection du père, l'affection de la mère et la cohésion de la famille. On supposait aussi un
phénomène de transmission transgénérationnelle via la notion de « cycle de la violence » : les
enfants maltraités devenus adultes de muaient à leur tour leurs en parents qui maltraitant.
Par ailleurs, Rutter (1979) avait mis en évidence une série de facteurs de risque comme
57
Texte provisoire – Diffusion interdite
Dés les années 90, la génétique a fait des progrès immenses. A un point tel que d’aucuns
ont voulu balayer le rôle des facteurs environnementaux afin d’y substituer celui des facteurs
génétiques. Avec la découverte progressive des phénomènes épigéntiques, on observe
désormais la montée en puissance de modèles mixtes combinant les deux ordres de facteurs.
Ainsi, on a découvert que des enfants maltraités couraient moins de risques de développer
une dépression s'ils étaient porteurs d'un certain gène et s’ils avaient eu un « tuteur de
résilience », c’est-à-dure une relation suivie avec un adulte soutenant (Kaufman, 2004).
A partir de la même cohorte, Caspi & al. (2003) ont également montré que les enfants
maltraités porteurs du gène qui code la variante longue de l’enzyme transportant le serotonine
(5-HTT) étaient moins sujets aux épisodes dépressifs que les enfants porteurs de la forme du
gène codant la variante courte. Un allèle dit « court » produit une plus faible quantité de la
protéine, un allèle dit « long » une plus grande quantité.
La cohorte de Caspi se répartissait en trois groupes. Le premier, qui représente environ un
tiers du total, a deux allèles longs. Le second, qui en représente la moitié, a un allèle court et
un allèle long. Le troisième deux allèle courts. On a constaté que dans le groupe possédant
les deux allèles longs, même les enfants sévèrement maltraités ne développaient pas plus
d'épisodes dépressifs que la population générale.
Interaction gène x environnement
58
Texte provisoire – Diffusion interdite
négligence. Les autres, – groupe de contrôle -, vivaient dans des familles à faibles revenus
mais sans indice de mauvais traitement.
Deux types de données ont été récoltés : le présence de l’enzyme protecteur MAOA et la
qualité de leur relation avec l'adulte. Les enfants des deux groupes ont fait l'objet d'entretiens
approfondis, visant à évaluer la qualité de leur relation avec un adulte de référence.
1° S’agissant de la composante génétique, cette étude confirme celle de Caspi : les enfants
retirés à leur famille mais disposant des deux allèles longs (5HTT) n'étaient pas plus
déprimés, en moyenne, que les enfants du groupe de contrôle. Parmi les enfants retirés à leur
famille, ceux portant les deux allèles courts étaient plus dépressifs que les autres.
2° s’agissant de la qualité de la relation avec l'adulte il est ainsi apparu que certains enfants
du groupe de contrôle n'avaient, en réalité, qu'une relation très distendue avec leur principal
« soutien » tandis que des enfants retirés à leur famille pouvaient avoir une relation forte avec
un adulte, apparenté ou non. On a observé que la qualité relation avec l'adulte jouait un rôle
modérateur sur l’effet des gênes. Autrement, les enfants maltraités mais qui faisaient état
d’une bonne relation s’en sortaient mieux que les enfants du groupe de contrôle,
indépendamment de la chargé génétique.
On voit donc s'instaurer une combinatoire entre l'effet de l'allèle, celui des mauvais
traitements et celui du « tuteur de résilience ». Les enfants présentant des scores de
dépression les plus élevés sont ceux qui combinent les trois handicaps : maltraitance, 2 allèles
courts et pas de bonnes relations avec un adulte significatif.
A l’opposé, les scores de dépression les plus favorables sont ceux des enfants du groupe de
contrôle, c’est-à-dire ceux qui combient les facteurs de protection : pas de maltraitance, deux
allèles 5HTT longs et une bonne relation avec un « tuteur de résilience ».
Illustration - Ce que mes gènes disent de moi - ARTE Documentaire 2015– Document
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Le système hormonal
Une hormone est une molécule produite par le système endocrinien6 en réponse à une
stimulation. Elle régule l'activité des organes et modifie le comportement de l’individu.
Contrairement aux neurotransmetteurs, elle est capable d’agir à distance de son site de
production. Par ailleurs, alors que les neurotransmetteurs circulent au sein du système
nerveux, les hormones circulent essentiellement par le sang et la lymphe. Enfin, l’action des
hormones est lente, durable et globale alors que celle des neurotransmetteurs est plus
immédiate, plutôt discontinue et relativement localisée.
Les hormones ont en effet un grand pouvoir de diffusion soit du fait de leur aptitude à
traverser facilement les membranes biologiques (hormones stéroïdes), soit du fait de leur
capacité à s’associer à d’autres molécules réceptrices (hormones peptidiques).
Tout le monde connaît les glandes endocrines comme la thyroïde ou l’hypophyse. Ces
glandes émettent généralement plusieurs sortes d’hormones qui, une fois « lancées » dans
l’organisme, partent à la recherche d’une « cible », un récepteur. La rencontre entre la
molécule hormonale et son récepteur produit un effet.
6
Ensemble des organes qui possèdent une fonction de sécrétion.
59
Texte provisoire – Diffusion interdite
Certains troubles psychiques peuvent avoir une cause hormonale. Ainsi, l’hyperthyroïdie
peut provoquer des troubles de l'humeur, des troubles du sommeil et des troubles du
comportement alimentaire (prise ou perte de poids). En cas de doute, il y a lieu de renvoyer
vers un médecin, en particulier lorsque ces troubles sont accompagnés de troubles cardio-
vasculaires, digestifs, musculaires et/ou urinaires. Inversement, l’hypothyroïdie provoque
fatigue, troubles de la mémoire et/ou des problèmes de concentration.
Ainsi, l'ocytocine est une hormone peptidique synthétisée par l'hypothalamus et sécrétée
par l'hypophyse. L’injection d’ocytocine dans les ventricules cérébraux d’une rate vierge
provoque immédiatement des comportements maternels : nidification, regroupement de ratons
« étrangers », léchage des petits … On note également une diminution de l'agressivité et une
augmentation de la sociabilité. Chez l’homme, l'inhalation d'ocytocine permet d’augmenter
l’état de confiance vis-à-vis d'autrui. C’est pourquoi cette hormone est aussi considérée
comme l’hormone de la socialisation et de la coopération.
Ce sont souvent les mêmes substances qui interviennent dans les comportements et des
réponses métaboliques. Par exemple, la lulibérine déclenche un comportement sexuel, mais
intervient également dans la maturation des cellules sexuelles et leur éclosion. L'ocytocine
régule l’accouchement et le comportement maternel.
Enfin, la plupart des hormones remplissent des fonctions agonistes en antagonistes. Par
exemple, la vasopressine stimule ou facilite la lutte ou fuite alors que l'ocytocine induit
l’apaisement et la recherche du contact.
L’homme et la femme ont un fonctionnement hormonal sensiblement différent. Ainsi,
l’effet de l'ocytocine dure en moyenne deux fois plus longtemps chez la femme. Par contre,
les mâles sécrètent plus de testostérone que les femelles. Or, la testostérone est responsable du
comportement agressif. Ces deux exemples nous aident à mieux cerner les grandes tendances
comportementales observées chez les hommes ou les femmes.
Il serait toutefois hasardeux de penser que le système hormonal puisse, à lui seul, suffire à
organiser les comportements. Le système hormonal est simplement susceptible de stimuler ou
inhiber des tendances déjà présentes. Comme nous allons le montrer dans la seconde partie
de ce cours, la culture, l’éducation, la transmission des valeurs familiales, l’expérience
individuelle sont susceptibles de moduler, voire d’inverser, de façon significative ces
tendances comportementales.
Yehuda & al, 2005 ont mené une étude visant à établir le lien entre les symptômes de
PTSD chez des femmes enceintes exposées directement à l'effondrement du World Trade
Center le 11 Septembre 2001 et les niveaux de cortisol dans la salive de leurs enfants à l’âge
d’un an.
60
Texte provisoire – Diffusion interdite
Les résultats indiquent des niveaux de cortisol plus faibles ont été observés tant chez les
mères que chez les bébés comparativement à des mères qui n'ont pas développé le PTSD. Les
niveaux de cortisol plus faibles étaient les plus apparents chez les bébés nés de mères ayant
souffert d’un PTSD lorsque l’exposition aux faits s’est produite au cours du deuxième et du
troisième trimestre.
Une première idée clef est que l’on comprend mieux aujourd’hui comment le
fonctionnement psychique gouverne, du moins dans une certaine mesure, le fonctionnement
biologique. Ainsi Richardson (2002), souligne que les apports des et sciences du vivant, et
plus particulièrement de la psycho-neuro-immunologie nous semble plus intéressante.
Des travaux récents en ce domaine ont montré que des connections existaient entre le
cerveau et le système immunitaire. Des travaux subséquents ont ensuite montré que des
individus optimistes, ayant de l’espoir et engagés dans des projets signifiants disposaient de
défenses immunitaires élevées et, par conséquent, tombaient moins souvent malades.
Par contre, ceux qui se perçoivent comme déprimés, sans espoir et abandonnés
développent des défenses immunitaires plus faibles comme en témoignent de nombreux
paramètres biologiques observables tels que le nombre de macrophages, de lymphocytes, de
cellules T, de l’immunoglobiline A, des anticorps et de l’interféron.
61
Texte provisoire – Diffusion interdite
Seconde idée clef : on comprend mieux aujourd’hui comment l’expérience laisse des
traces plus ou moins durables dans le système nerveux.
Pour Ansermet et Magistretti, la notion d’épigenèse s’en trouve elle-même modifiée. En
effet, dans la conception classique, les données de l’expérience peuvent moduler l’expression
du génotype, de sorte que le phénotype s’en trouve infléchi. Dans cette conception,
l’expérience joue un rôle important, mais un rôle néanmoins secondaire par rapport au bagage
génétique.
Lorsqu’on observe des comportements humains, ceux-ci se donnent à voir dans un état qui
résulte toujours d’une interaction entre les contraintes génétiques et environnementales. Les
premières se marquent par le fait qu’un développement ne peut être infléchi dans n’importe
quelle direction. Mais les contraintes génétiques ne se manifestent pas sous forme de
structures toutes faites données dès le départ.
Dans cette nouvelle conception, la plasticité est elle-même génétiquement programmée, ce
qui fait dire aux auteurs que l’homme est génétiquement programmé pour ne pas être
génétiquement déterminé. La plasticité intervient dès lors à deux niveaux. Dans le génotype
puisque celui-ci la détermine et dans l’expérience qui réorganise le cerveau.
Les contraintes génétiques impliquent que le système nerveux peut être lui-même modifiés
par l’expérience de sorte que les contraintes génétiques - organiques et psychiques sont
susceptibles d’interagir de façon circulaire. Ceci nous aide à comprendre pourquoi, dans le
cas de la schizophrénie dont on connaît le poids de la génétique, certains porteurs « sains » ne
développent pas la schizophrénie et pourquoi d’autres la développent. Nous avons ainsi
montré comment certaines modalités de la communication familiale – en d’autres termes
l’expérience - pouvaient infléchir le déterminisme de cette maladie au travers d’un jeux
complexe de boucles de rétroaction.
Ansermet et Magistretti montrent de la sorte que neurosciences et psychanalyse, et nous
ajouterons neurosciences et psychologie clinique, trouvent un point d’articulation, voire un
point de rencontre, dans la notion de plasticité.
Neurotransmission et apprentissage
L’action électrique présynaptique peut donc être reconvertie soit directement en un signal
électrique – récepteurs ionotropes – soit en un signal chimique – récepteurs métabotropes.
62
Texte provisoire – Diffusion interdite
Dans ce dernier cas, ceux-ci activent des enzymes présentes dans la membrane qui sont
responsables de la formation de messagers secondaires.
Certains de ces messagers tantôt modifient la durée de l’activité des récepteurs ionotropes,
tantôt mobilisent des récepteurs ionotropes en réserve.
Que faut-il retenir de tout ceci ? Le mécanisme complexe décrit ci-dessus montre
clairement que l’activité synaptique est profondément affectée par l’expérience. La
modulation porte, au niveau présynaptique, sur la quantité de neurotransmetteurs libérés, et au
niveau postsynaptique sur l’activité et la densité des récepteurs. Ces modifications peuvent
affecter de manière durable, voire permanente le transfert d’information entre les neurones.
Sous certaines conditions, on peut également assister à une duplication des épines
dentritiques. Cette fois, c’est non seulement le fonctionnement du neurone qui est affecté,
mais aussi sa structure, càd sa complexité et son organisation spatiale. Cette duplication a
pour effet que la zone de réception postsynaptique – et donc l’efficacité de la transmission -
s’en trouve élargie. Sous certaines conditions, ces modifications peuvent devenir durables.
Neurogénèse et apprentissage
Mais les choses vont plus loin encore. On sait aujourd’hui que nous ne faisons pas que
perdre nos neurones. Nous en créons aussi. Ce phénomène est appelé : neurogénèse. Celui-
ci se produit sous l’effet de divers facteurs … dont l’un est l’apprentissage. En d’autres
termes, l’expérience psychique est susceptible de provoquer l’apparition de nouveaux
neurones.
Par ailleurs, les cellules gliales, notamment celles que l’on nomme les astrocytes peuvent,
sous l’action de l’activité des neurones, capter davantage de glucose afin de satisfaire le
surplus de besoin énergétique résultant de l’apprentissage. En retour, l’apprentissage modifie
l’action des cellules gliales.
Ce document montre que nos expériences, quelle que soit leur nature (motrice, sensorielle,
émotionnelle), s’inscrivent dans notre cerveau sous forme de circuits neuronaux. Avec le
temps et la répétition, ces circuits deviennent inconscients et automatiques. Ils deviennent
également plus rigides.
Des études expérimentales récentes sur le mécanisme de rechute de la dépression ont
montré que, lors d’un épisode dépressif, l’humeur négative est associée à des pensées
négatives, des sensations corporelles désagréables et des stratégies comportementales et
interactionnelles particulières (Segal, Teasdale & Williams, 2006).
Lorsque l’épisode est terminé et que l’humeur est revenue à la normale, les pensées
négatives et les sensations corporelles désagréables tendent à disparaître également.
63
Texte provisoire – Diffusion interdite
Cependant, durant l’épisode, l’individu a appris l’association entre ces divers symptômes. Il
se crée de la sorte une forme de « circuit dépressif ».
Lorsqu’un état d’humeur négatif surgit, les autres classes de symptômes ont tendance à
réapparaître plus ou moins selon la force avec laquelle cette association a été apprise. Lorsque
ceci se produit, l’humeur réactive les pensées et les sensations corporelles et, par effet
d’accumulation, une rechute devient probable. Les auteurs suggèrent même que les sensations
corporelles peuvent être perçues avant l’humeur triste. Néanmoins, cette perception peut
suffire à réactiver cette humeur dépressive, les pensées négatives, les sensations corporelles et
les stratégies interactionnelles associées.
Cette notion est également rappelée par Ansermet et Magistretti (2004) qui montrent, à
partir de la théorie des marqueurs somatiques d’Antonio Damasio, comment la réalité interne
est constituée à la fois de phénomènes psychiques et corporels. La trace laissée par
l’expérience dans le système nerveux est toujours associée à des états somatiques spécifiques.
Selon la théorie des marqueurs, la perception est associée à un état somatique de sorte que le
rappel de l’état somatique associé à une perception contribue à produire l’émotion, même en
l’absence de perception consciente.
Une odeur de parfum, similaire à celui d’un être cher mais oublié depuis 20 ans, ne peut-il
pas réveiller non seulement des souvenirs, des images, mais aussi des émotions et des
sensations corporelles intenses ?
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Texte provisoire – Diffusion interdite
associé à un événement traumatisant peut devenir une source d'anxiété, comme on peut
l’observer par exemple dans le syndrome post-traumatique (PTSD).
Les observations par imagerie indiquent que ces zones sont également impliquées dans la
dépression.
Chez les sujets dépressifs, le cortex préfrontal (principalement le gauche) est sous activé.
Or, cette zone est impliquée dans la planification de l’action et l’inhibition des réponses
automatiques. Chez ces mêmes sujets, le volume de l’hippocampe est sensiblement réduit par
rapport à des sujets de contrôle. Or, ce noyau est impliqué dans les activités d’apprentissage
et de mémoire, en particulier le conditionnement contextuel de la peur. En d’autres termes, le
dépressif présente des réactions anxieuses soit dont l’intensité est disproportionnée, soit
inappropriée au contexte. L’amygdale enfin opère la traduction des perceptions en émotions
et celles-ci en réponses somatiques.
Soins et caresses
Si on prive des ratons de soins maternels, ceux-ci deviennent anxieux. Or, cette anxiété
correspond à une baisse de production d’une protéine réceptrice aux glucocorticoïdes dans
l’hippocampe. Ceci a pour effet de détruire les neurones de l’hippocampe, d’où la réduction
de volume. Mais ceci, en retour, renforce la libération de cortisol et provoque ainsi
l’accélération de la perte des neurones. Par ailleurs, le cortisol, abondant chez les déprimés,
inhibe la neurogenèse, c’est-à-dire la création de neurones de remplacement (Mendlewicz et
Lostra, 2007 ; Mendlewicz et Braun, 2007). On assiste de la sorte à un double processus en
« boule-de-neige » qui contribue à aggraver la dépression.
Dans une publication récente, Meaney et son équipe7 ont montré que les caresses d’une
mère sont susceptibles d’activer des gènes responsables de la production de récepteurs
destinés à capturer les glucocorticoïdes en neutralisant leur action sur l’organisme. Or, ces
hormones, lorsqu’elles sont en excès, inhibent la croissance des neurones et réduisent leur
capacité à former de nouvelles connections. À long terme, cette action a des répercussions
sur l’hippocampe et, dès lors, sur le fonctionnement émotionnel et intellectuel de singes
privés de caresses maternelles.
Des études récentes ont permis d’étendre les conclusions à l’homme (Dudley & al., 2011).
Par exemple, des soins maternel de bonne qualité durant la petite enfance augment le nombre
de récepteur glucocorticoïde dans l’hippocampe8 et diminue la sensibilité de l’hippocampe
7
Liu, D., Diorio, J., Tannenbaum, B, Caldji, C., Francis, D., Freedman, A., Sharma, S. Pearson, D., Plotsky,
P.M. , Meaney, M.J. (1997), Maternal Care, Hippocampal Glucocorticoid Receptors, and Hypothalamic-
Pituitary-Adrenal Responses to Stress. In Science 12 September 1997:
Vol. 277. no. 5332, pp. 1659 - 1662
8
L'hippocampe. Celui-ci est impliqué dans le stockage et la remémoration de souvenirs. Ceci explique
pourquoi une émotion peut également être déclenchée par un souvenir.
65
Texte provisoire – Diffusion interdite
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Fig. Les deux trajectoires des perceptions visuelles. Au centre, le aires colliculus qui réorientent – flèches
rouges - une partie de l’information visuelle vers le thalamus (système limbique).
On comprend aussi que l’inconscient cognitif (il faudrait plutôt parler ici de « non-
conscience ») ne se confond pas avec l’Inconscient freudien. Celui-ci est constitué de traces
mnésiques fondées sur nos expériences personnelles.
Toutefois, ces traces mnésiques sont constituée :
a) De 30% d’informations non traitées par le cortex – donc la pensée consciente et
rationnelle - chez les individus adultes en bonnes santé (neurologique)
b) De près de 100% d’informations non traitées par le cortex pour la part des
informations qui ont été enregistrées durant la prime enfance, avant que les zones
corticales n’arrivent à maturité.
2.6. Conclusions
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L’expérience psychique laisse donc une trace dans le système nerveux sous forme de
« circuits » (Segal et al., 2006). Rappelons qu’il s’agit à la fois de circuits fonctionnels et
neuronaux qui relient perception – émotion – cognition et état somatique, en formant ainsi
l’expérience interne du sujet.
En outre, au-delà de l’expérience interne, il ne faut pas oublier que ces circuits comportent
également une composante relationnelle. Des patterns interactionnels répétitifs, des stratégies
relationnelles – on parlera aussi « d’habitudes » - viennent s’ancrer à l’expérience interne.
Le concept d’habitude a également été examiné par Charles Darwin. Comme
FEYEREISEN et de LANNOY (1985) le rappellent, Darwin a défini l’habitude comme une
association entre certains actes et un état d’esprit. Autrement dit, un acte utile dans un
contexte donné serait associé à un état d’esprit particulier. Une fois installée, la nécessité de
cette association se fait sentir dans des contextes où un état d’esprit similaire se manifeste.
Par exemple, une démangeaison peut pousser l’individu à se gratter la tête. Par la suite, ce
comportement émerge dans des situations d’embarras. On peut tenir le même raisonnement
avec des comportements comme : « se racler la gorge », « tousser » ou « se frotter les yeux ».
« Cette force de l’habitude pousse à reproduire des actes autrefois adaptés, mais qui ne le sont
plus nécessairement quand ils apparaissent aujourd’hui (…) »9.
Nous pensons que ce processus associatif ne concerne pas que les actes et les états d’esprit,
mais aussi les perceptions et les réponses somatiques. C’est pourquoi, par commodité, nous
parlerons de circuits EPICS : Emotion - Perception – Interaction – Cognition – Somatique
(Hendrick, 2007). Cet acronyme rappelle également l’idée que ces circuits conditionnent nos
patterns interactionnels (ou scénario de vie, ou transaction ou « jeu » ou « script » relationnel,
selon le modèle).
Ces circuits fonctionnent comme des structures coordonnées mises en relation sous l’effet
de l’expérience et de conditionnements divers. Le travail thérapeutique peut donc être
envisagé soit comme une forme de reconditionnement des circuits en question, soit comme la
mise en place de circuits alternatifs devant supplanter les anciens circuits, soit une
combinaison de ces deux stratégies.
9
op. cit., p. 13.
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Comme nous l’évoquions ci-dessus, Segal et al. (2006) estiment que lorsqu’un état
d’humeur négatif surgit, les autres classes de symptômes ont tendance à réapparaître plus ou
moins selon la force avec laquelle cette association a été apprise. Ces auteurs ont donc
formulé une hypothèse neuronale de la thèse de Darwin concernant les habitudes. Sans doute
que l’un n’exclut pas l’autre sans toutefois que l’on puisse confondre totalement ces deux
mécanismes.
Sur le plan pratique toutefois, cette nuance est secondaire. Ce qu’il importe ici de retenir,
c’est qu’un faisceau d’hypothèses converge vers l’idée qu’il est essentiel d’aborder les divers
registres de l’expérience – Emotion, perception, interaction, cognition, somatique – dans une
perspective associative et redondante.
Ces différentes modalités expérientielles constituent donc autant de portes d’entrée vers la
pathologie et son traitement puisqu’elles sont interdépendantes. Ainsi, le rappel de l’état
somatique réactive une ou plusieurs des autres modalités.
La théorie des circuits nous dicte le mode opératoire thérapeutique. Ainsi, dans le cas de la
dépression, la thérapie consiste à inhiber les EPICS dépressifs, à restaurer d’anciens circuits
plus « sains » et enfin, à instaurer de nouveaux circuits.
Le phobique, devenu hypervigilant par rapport à toute source de danger, est aussi à l’affût
de son propre corps. Il a développé des EPICS phobiques.
La composante neurobiologique des circuits est sans doute encore plus marquée dans des
pathologies comme les assuétudes ou la schizophrénie.
Dans ce chapitre, nous avons cherché à comprendre le lien entre le comportement humain
et le fonctionnement du système nerveux. Les déterminismes biologiques, physiologiques et
chimiques du comportement sont intimement intriqués.
Néanmoins, il ne faudrait pas réduire le psychisme à ces seuls déterminants. La vie en
société implique des fonctionnements psychiques, des comportements et des interactions qui
ne sont pas déductibles à partir du fonctionnement biologique.
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Chapitre 3
1. MODELES ANIMAUX
Dans quelle mesure le comportement animal peut nous apprendre quelque chose sur le
comportement humain ? Ouvrons quelques dossiers !
Eléphants
Les éléphants sont connus pour leur intelligence. Ils disposent d’une organisation social
complexe, adoptent des comportements qui évoque une conscience de la mort et font preuve
de grande capacité d’apprentissage.
Des observations récentes suggèrent qu’ils sont sensibles aux situations traumatiques et
qu’ils sont susceptible de développer des syndromes post-traumatiques, comme le document
ci-dessous le suggère :
The saying that elephants never forget has been given a chilling new twist by experts who believe
that a generation of pachyderms may be taking revenge on humans for the breakdown of elephant
society.
Elephants appear to be attacking human settlements as vengeance for years of abuse, the New
Scientist reported.
In Uganda, for example, elephant numbers have never been lower or food more plentiful, yet there
are reports of the creatures blocking roads and trampling through villages, apparently without cause
or motivation.
Scientists suspect that poaching during the 1970s and 1980s marked many of the animals with the
effects of stress, perhaps caused by being orphaned or witnessing the death of family members.
Many herds lost their matriarch and had to make do with inexperienced "teenage mothers".
Combined with a lack of older bulls, this appears to have created a generation of "teenage
delinquent" elephants.
Dr Joyce Poole, the research director at the Amboseli Elephant Research Project in Kenya, said:
"They are certainly intelligent enough and have good enough memories to take revenge.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
"Wildlife managers may feel that it is easier to just shoot so-called 'problem' elephants than face
people's wrath.
"So an elephant is shot without (people) realising the possible consequences on the remaining
family members and the very real possibility of stimulating a cycle of violence."
Dr Poole's study showed that a lack of older bulls to lead by example has created gangs of hyper-
aggressive young males.
Richard Lair, a researcher at the National Elephant Institute based in Thailand, said that there were
similar problems in India where villagers — particularly in West Bengal — live in fear of male
elephants, which the villagers claim attack the village for only one reason: to kill humans. "In
wilderness areas where wild elephants have no contact with human beings they are, by and large,
fairly tolerant," he said.
"The more human beings they see, the less tolerant they become."
Ce document est intéressant. De jeunes éléphants ayant vécu des situations traumatiques
devinennent « délinquants » au cours de leur adolescence – en Ouganda, en tuant le bétail de
villageois en guise de représailles suite à des attaques de ces mêmes villageois (ce qui dénote
une grande intelligence puisqu’ils ont fait le lien entre les villageois et le bétail), en Afrique
du Sud, en tuant des rinocéros femelles refusant leur avances sexuelles. Compte tenu du
mode de vie des éléphants, le rapport de cause à effet entre les situations traumatiques et les
comportemnts « pathologiques » semblent relativement évident.
Dans une meute de grands chiens, si l’un d’entre eux se met à aboyer et à courir, les autres
lui emboîtent le pas, par pure mimétisme. Chacun confortant l’autre, le phénomène s’amplifie
en boucle sans qu’il soit possible de le contrôler. C'est l'effet de meute.
On observe aussi ce phénomène chez l’homme : rumeur, embrigadement sectaire ou
idéologique (nazisme, communistes), emballement de foule, affolement en bourse, action de
marketing, messages internet, viol collectifs (« tournante »),etc… L’expression « hurler avec
les loups » est donc à peine une métaphore !
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Primatologie
L’étude de nos « cousins » directs, les grands primates, est susceptible de nous aider à
cerner l’« archéologie » de nos comportements.
Frans de WAAL (2005) a longuement étudié le comportement des grands primates, en
particulier celui des Chimpanzés et Bonobos.
Ces espèces ont des facultés que l’on croyait, jusqu’il y a peu, constituer une exclusivité
humaine : empathie, solidarité, capacité de former des coalitions, gestion des conflits … La
faculté de s’imaginer ce que l’autre pense et vit (théorie de l’esprit) ouvre la porte à
l’empathie, mais aussi à la cruauté. Un Chimpanzé ou un Bonobo sont parfaitement capables
de se représenter l’effet de leur comportement sur un congénère.
Chez l’homme, et en particulier chez les enfants, la « théorie de l'esprit » concerne l'aptitude à
comprendre que le point de vue de l'autre peut différer du sien.
En outre, les chimpanzés sont passés maîtres dans l’art de sceller des coalitions afin de
conquérir le pouvoir, et ce, sur des périodes de temps relativement durables. Ainsi, Frans de
WAAL montre comment « Yeroen » et « Nikkie », deux mâles chimpanzés, s’associent afin
de prendre le pouvoir et en fomentant un « assassinat politique » contre « Luit », le mâle alpha
du groupe.
Or, la soif de pouvoir et de privilèges se retrouve aussi chez l’homme. Les exemples
foisonnent dans les partis politiques, les conseils d’administration, les comités de direction,
etc. Dans la rue, de jeunes « mâles » rivalisent au moyen de grosses cylindrées, de chaînes
stéréo tonitruantes ou vêtements coûteux.
Les chimpanzés sont obsédés par le pouvoir compte tenu des immenses avantages
lorsqu’ils parviennent à le conquérir (nourritures, compagnes sexuelles, …) ou de l’intense
amertume (voire des dépressions) lorsqu’ils le perdent.
Dans cette conquête du pouvoir, les chimpanzés sont capables de mettre en oeuvre des
stratégies, par exemple, nouer des alliances et des « traités » avec certains congénères afin de
renforcer leur position sociale.
Le rang détermine aussi qui disséminera sa semence. Bâtis pour se battre, les chimpanzés
ont tendance à scruter et détecter les faiblesses de l’adversaire. Dans cet univers, il est donc
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Texte provisoire – Diffusion interdite
hors de question de paraître amoindri. Les mâles ont donc la propension de dissimuler leur
état affectif.
Faut-il dès lors s’étonner que chez l’homme, les « mâles » soient moins enclins à consulter
un « psy » que les « femelles » ? Faut-il être surpris si la taille et le confort d’un bureau
augmentent à mesure que l’on gravit les échelons de la hiérarchie. Dirigeants politiques ou
financiers, officiers supérieurs, ecclésiastiques de haut niveau, les stars, les familles royales
rivalisent de couleurs chatoyantes, de dorures et de bijoux. Ces attributs rappellent aux
individus situés en bas de la hiérarchie où se situe la place de chacun dans la hiérarchie.
Les rituels de préséances foisonnent chez les singes (séances d’épouillage et
d’allolustrage) comme chez l’homme (cérémonies protocolaires, cocktails mondains). Dans
le cas des cocktails mondains, Desmond Morris (1968) nous rappelle simplement que les
petits-fours ont remplacé les parasites alors que les compliments vestimentaires se substituent
aux séances d’allolustrage. Ces « séances d’allolustrage » ont souvent pour fonction de
rappeler les normes du groupe (en particulier la hiérarchie) – songez à certains repas de
famille – et apportent, en échange du respect de ces normes, calme et réconfort.
Chez l’homme comme chez les singes, les individus passent le plus clair de leur temps à
envoyer des signaux visant à affirmer leur position sociale. « Luit », le concurrent malheureux
de « Yeroen » et « Nikkie » aurait probablement sauvé sa vie, s’il avait fait acte de soumission
à temps. Nous verrons dans un autre cours que, chez l’homme, la communication vise tout
autant, sinon plus, à définir la relation (qui a le pouvoir) qu’à transmettre des informations.
Cette attitude a pour fonction de garantir une paix relative. En effet, plus la hiérarchie est
nette, moins il devient nécessaire d’entrer en conflit pour la renforcer. Une hiérarchie claire
garantit également la collaboration. C’est pourquoi, souligne de WAAL, l’armée ou une
grande entreprise a des hiérarchies définies avec précision. Dans ces structures, comme dans
une dictature, un refus d’obéissance est généralement sanctionné énergiquement. « Luit » en
sait quelque chose !
Les conflits et l’agressivité des Chimpanzés a failli conduire cette espèce à sa perte car ces
stratégies conduisent souvent à la destruction de clans entiers. Menace qui ne va pas sans
rappeler de sinistres souvenirs chez l’homme.
Les chimpanzés et les bonobos diffèrent quant à leurs stratégies de gestion des conflits : la
violence chez les premiers, la conciliation par la sexualité chez les seconds.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
C'est l'Allemand HEINROTH qui, au début du XXe siècle (1910), a proposé le terme
Pragung (ensuite traduit en anglais par inprinting) pour désigner le phénomène par lequel un
oisillon nidifuge prend, dans les heures qui suivent l'éclosion, l'empreinte des caractéristiques
de sa mère et en même temps de son espèce. LORENZ (1935, 1937) a aussi montré que
l'empreinte existait chez d'autres animaux, notamment les mammifères.
Lorenz
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Les oies de Lorenz : les oies se sont attachées à lui car c’est la première personne qu’elles ont vue, elles le
suivent donc partout
C'est au cours de la réaction de poursuite que le jeune canard, ou le jeune poussin, apprend
à reconnaître de façon sélective les caractéristiques de sa mère, que celle-ci soit la mère
biologique ou un individu (voire un objet) de substitution. Selon LORENZ et la plupart des
éthologues de l'école objectiviste, le jeune prend ainsi l'empreinte des caractéristiques
particulières et spécifiques de l'individu qu'il suit. En conséquence, à l'état adulte, il aurait
tendance à préférer les individus appartenant à la même espèce que sa « mère d'empreinte »,
que celle-ci soit la mère biologique, une femelle d'une autre espèce, un objet mobile, etc., en
particulier au moment des rapprochements sexuels.
C'est à propos de ce phénomène que les éthologues ont proposé le concept de période
critique. Ils désignent ainsi le moment particulier du développement, post-éclosion ou
postnatal selon les espèces (généralement les heures qui suivent l'éclosion chez les oiseaux, et
les semaines qui suivent la naissance chez les mammifères), au cours duquel le jeune prend
sélectivement l'empreinte du premier individu ou du premier objet mobile rencontré.
Ainsi était-il admis que, chez les canards, l'empreinte ne pouvait se réaliser qu'entre la 12e
et la 24e heure après 1'éclosion: c'est alors que le jeune prend l'empreinte sélective de la
forme, du plumage, des mouvements, des déplacements et des vocalisations de 1'individu qu'il
suit. Il prend en même temps 1'empreinte de ses futurs partenaires sexuels. On peut profiter de
cette période critique pour modifier les préférences que l'oiseau manifestera à l'âge adulte
pour ses partenaires sexuels. Par exemple, si on remplace la mère d'un canard colvert de
moins de 1 jour par une cane mandarin, le jeune prend l'empreinte de celle-ci. Devenu adulte,
le canard colvert choisira comme partenaire sexuel une cane mandarin plutôt qu'une cane
colvert. Les éthologues ont aussi distingué des périodes critiques chez de nombreuses espèces
de mammifères, au cours des semaines qui suivent la naissance.
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Un phénomène intéressant est celui de la double empreinte des animaux familiers, à leur
mère et à l'homme. C'est le cas notamment des chats et des chiens. On a montré que le chaton
prend l'empreinte de sa mère au cours de ses trois premières semaines de vie postnatale, puis
l'empreinte de l'homme au cours des quatre semaines suivantes. Or la qualité de l’empreinte à
l'homme dépend étroitement de la qualité de l'empreinte qu'il a prise de sa mère au cours des
trois premières semaines, et qu'il continue de développer pendant les quatre semaines
suivantes. Abandonné ou rejeté par sa mère pendant ces périodes critiques, le chaton présente
des difficultés à s'attacher aux êtres humains. On dispose là d'un exemple original
d'empreinte, puisque le jeune peut prendre l'empreinte de deux individus différents au moins,
et donc s'attacher à eux de façon non contradictoire. Un mémoire récent réalisé dans le
service de psychologie clinique a confirmé que l’animal pouvait, du moins partiellement,
remplacer un membre un humain absent et reprendre à son compte les besoins relationnels des
autres membres de la famille.
La double empreinte constitue le terrain sur lequel des liens d’attachement réciproques
peuvent se développer entre l’homme et les animaux. Ce type de lien peut s’avérer important
pour les enfants ou les personnes âgées ou avec certains patients pour lesquels un travail
thérapeutique médiatisé par l’animal peut constituer une piste utile (autistes, psychotiques,
handicapés mentaux, enfants souffrant de maladies somatiques chroniques).
S’occuper d’un animal domestique implique la permanence d’une pensée vivante pour le
bien être d’un être vivant qui dépend largement de nos bons soins. Elle implique également la
création et le maintien d’un lien et une responsabilisation du patient envers un être plus fragile
que lui. En échange, le patient peut bénéficier d’une forme d’affection inconditionnelle dans
le cadre d’une relation bien-traitante. Enfin, les soins exigent des capacités d’anticipation (les
vaccins, prévoir l’espace lorsque l’animal sera adulte).
Avec les psychotiques, l’animal peut mobiliser les parties du psychisme restées saines et
vivantes et contribue de la sorte au travail thérapeutique. Avec les délinquants, ce type de
travail permet de responsabiliser le jeune face à l’animal. Avec les personnes souffrant de
troubles de l’attachement, ce type de thérapie permet au patient de construire un lien dont la
réciprocité sera à la mesure de son investissement.
En conséquence, le premier lien affectif (la prise d'empreinte du jeune vis-à-vis d'un seul
individu) est considéré comme déterminant tous les autres liens qui s'établissent entre le jeune
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Texte provisoire – Diffusion interdite
et son environnement, en particulier les autres individus de la même espèce. Lorsque ce lien
est peu solide et superficiel, les autres liens le seraient aussi.
Dans une série d'expériences devenues célèbres, HARLOW a démontré la nécessité d'un
lien d'attachement entre le bébé Rhésus et la mère, ainsi que toutes les implications
qu'entraînait ce manque d'attachement.
Des jeunes singes Rhésus sont élevés dans un isolement social plus ou moins complet dès
la naissance. Quand l’isolement social est total pendant les trois premiers mois, on observe
après l'arrêt de l'isolement quelques lacunes dans le développement social, mais un
développement satisfaisant des fonctions cognitives. Quand l’isolement social dure plus de 6 à
12 mois, on observe une incapacité à tout développement social (pas de manipulations, ni de
jeux sexuels).
Quand on propose des mères artificielles à des bébés singes, ceux-ci préfèrent les mères
revêtues de chiffons doux aux mères en fils métalliques. Cette variable ne change pas, même
si les « mères» métalliques ont un biberon : pour HARLOW ceci signifie que le réconfort du
contact (prémisse de l'attachement ?) constitue une variable majeure dans le lien avec la mère,
supérieur même à l'apport de nourriture. Plusieurs variables secondaires ont été étudiées
(mère à bascule, mère stable, mère chauffée, mère froide) : parmi les « variables secondaires
», les bébés Rhésus préfèrent les mères à bascules et les mères chauffées, mais ces variables
changent avec le temps. Les bébés Rhésus séparés de leur mère mais élevés ensemble
présentent un meilleur comportement social que ceux qui sont maintenus en isolement. Les
femelles élevées en isolement total ont ultérieurement un comportement` très rejetant à l'égard
de leur propre bébé.
Un tel constat doit nous faire réfléchir si on travaille dans l’Aide à la Jeunesse et/ou avec
des familles négligentes ou maltraitantes. En principe, une mère ne peut donner comme soin
à son bébé que ce qu’elle a reçu elle-même comme soin lorsque celle-ci était petite. Cette
notion sera reprise ultérieurement par les systémiciens sous des concepts tels que
« transmission transgénérationnelle » ou « légitimité destructive » (Voir cours d’entretien
clinique).
Ces expériences montrent l'importance du besoin précoce d'attachement et les séquelles
durables, voire définitives, qu'une carence précoce d'attachement provoque chez le bébé
Rhésus. Il existe une période sensible au-delà de laquelle la récupération n’est plus possible.
Un contact corporel d’une certaine qualité joue donc un rôle essentiel dans l’attachement.
En revanche, cet attachement ne semble pas tributaire de la réduction de la faim et de la soif.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L’enfant a besoin d’une base de réconfort et de sécurité à partir de laquelle le jeune rhésus
peut explorer et prendre connaissance de son environnement.
Harlow constate les réactions de jeunes enfants à la séparation maternelle. Il a observé des
enfants de 13 à 32 mois isolé de leur mère et a constaté trois grandes phases consécutives à la
disparition de la mère.
1°) Phase de protestation lors de la séparation: l'enfant pleure, s’agite, cherche à
suivre ses parents, les appelle (surtout au coucher). Il est inconsolable, puis
après 2 à 3 jours, les manifestations bruyantes s’atténuent. )
2°) Phase de désespoir survient alors: l'enfant refuse de manger, d’être habillé, il
reste renfermé, inactif, ne demande plus rien à son entourage. Il semble dans
un état de grand deuil.
3°) Phase de détachement enfin: il ne refuse plus la présence des infirmiers,
accepte leurs soins, la nourriture, les jouets. Si à ce moment-là, l'enfant revoit
sa mère, il peut ne pas la reconnaître ou se détourner d'elle. Plus souvent il crie
ou pleure.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
LUMLEY (2007) propose de distinguer trois étapes entre le stade primate et le stade homo
sapiens : la période où il y a lieu de parler de singes anthropoïdes, celle des hominidés et celle
enfin où il est possible de considérer que l’on a affaire à des êtres humains.
Australopithecus afarensis
Lucy est considérée comme le premier anthropoïde réellement bipède (bien que cette
hypothèse soit actuellement contestée, voir l’encart ci-dessous). Ce constat est déduit de la
forme des empreintes sur le sol. La station debout a eu pour conséquence indiscutable la
libération des mains, rendant celles-ci disponibles pour la manipulation et, plus tard, la
fabrication des outils. Cette aptitude a probablement joué à son tour un rôle dans
l’organisation de la pensée. En effet, la fabrication d’outils implique des capacités
d’anticipation. Inversement, l’usage d’outils – même élémentaires – doit sans doute jouer un
rôle dans le développement des aptitudes cognitives. Ce processus circulaire a toutefois été
très long avant que les premières traces d’outils en pierre n’apparaissent. Il se peut que les
outils en bois – comme on l’observe chez certains singes actuellement – aient précédé les
outils en pierre, mais ceci demeure dans le domaine de la pure spéculation.
L’influence des activités manuelles sur la construction de la pensée est également une idée
spéculative. Toutefois, s’appuyant sur l’adage célèbre, l’ontogenèse rappelle la phylogenèse,
la psychologie développementale démontre une forme de circularité assez similaire chez
l’enfant entre les activités sensori-motrices et le développement de l’intelligence.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Théorie de l'East Side Story ... ou comment d'un ancêtre commun nous avons pu
aboutir aux premiers hominidés d'un côté et aux grands singes de l'autre ?
Yves Coppens a émis (en 1981) une hypothèse géologique et climatique pour expliquer cette
séparation. Il faut remonter 8 millions d'années en arrière. A cette époque vivent sur l'est du continent
Africain (boisé à l'époque) de grands singes hominoïdes... Cette région est alors géologiquement
instable du fait de la pression des plaques tectoniques. Une faille immense s'effondre du nord au
sud, partageant en deux notre population de grands singes : la Rift Valley. Cette barrière naturelle va
également avoir des conséquences sur le climat et la végétation. A l'est, la sécheresse s'installe et va
transformer la forêt en savane. Les grands singes habitués à une nourriture abondante et à un
environnement boisé, vont se retrouver dans un milieu où il faut faire parfois plusieurs kilomètres
pour trouver à manger. Pour ce faire, la bipédie est le moyen le plus pratique et rapide... De là
découlent également le développement du cerveau, la denture omnivore, l'apprentissage des outils et
la parole.. Obligés de s'adapter, les hominidés qui s'y trouvaient sont probablement nos ancêtres !
A l'ouest, pas de changement climatique.. la végétation est luxuriante et la nourriture abondante. Les
grands singes (panidés) qui se trouvent là n'ont pas besoin d'évoluer puisqu'ils trouvent suffisamment
de nourriture dans les arbres. L'usage de la bipédie n'est donc pas indispensable. Les ancêtres de nos
grands singes actuels sont certainement issus de cette population : plutôt arboricoles, ils utilisent
ponctuellement la bipédie.. Mais tous n'est pas aussi simple... Cette hypothèse, aussi séduisante
soit-elle, a été contrecarrée par les dernières découvertes de fossiles...Abel tout d'abord puis
Toumaî... En effet, si l'on suit le raisonnement, on ne doit pas trouver d'hominidés à l'ouest de la Rift
Valley. Or Toumaï a été découvert à plus de 2500 kilomètres à l'ouest de la fracture du Rift ! Certes
une écrasante majorité de nos ancêtres (plus de 3000) a été trouvée à l'est du Rift ; pour l'instant seuls
deux individus sont en contradiction avec la théorie... des individus isolés, perdus ? Yves Coppens
avait lui même déclaré, après la découverte d'Abel, que "si l'on exhume en Afrique occidentale des
spécimens beaucoup plus anciens, de 7 ou 8 millions d'années, il faudra bien changer le fusil
d'épaule"...1
2.1.2. Hominidés
Homo Habilis
Selon LUMLEY (2007), on peut parler d’Hominidé dès qu’apparaît l’aptitude à fabriquer
des outils. Ceux-ci apparaissent dès -2,5 millions d’années, On retrouve donc des outils en
pierre avec Homo Habilis. Avec celui-ci, des nouveautés apparaissent :
1
Article tiré de : http://www.hominides.com/html/dossiers/eastsidestotry.html. Voir aussi "La Recherche"
février 2003.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
b) Bascule occipitale
- On observe un élargissement de la boîte crânienne consécutif au
mouvement progressif de bascule occipitale (enroulement des crânes
vers la zone préfrontale). Ce mouvement de bascule provoque la
descente des voies aériennes supérieures et crée ainsi les conditions du
langage articulé.
- De façon générale, on assiste à une augmentation de la taille du cerveau
(>600cm3) qui permet l’apparition des zones de Broca et de Wernicke.
On se rappelle que ce sont précisément ces zones qui prennent en
charge le langage.
- Ceci autorise des progrès au niveau de la communication, de la
transmission des savoirs et la vie communautaire...
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Homo ergaster
Homo erectus
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L’homme de Tautavel
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Conséquences culturelles
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Chasses – cueillettes
A l’aube de la culture
Premières huttes :
- Abris pour façonner les outils et protéger le feu
- Début de l’architecture
- Maquillage : usage de coquillages probablement comme peinture de
chasse ou de guerre
Divers
- Répartition des tâches sexuées (les femmes, trop handicapées par les
grossesses et l’allaitement pour chasser), restent au campement,
entretiennent le foyer, cueillent, protègent et élèvent la progéniture.
- Proximité qui joue un rôle dans l’attachement.
- Néanmoins, pratique de la régulation des naissances par infanticide
(dont on retrouve encore le comportement fossile aujourd’hui chez
certaines personnes perturbées).
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Sédentarisation progressive
=> stabilisation du lien homme-femme
=> première famille nucléaire
=> stabilisation renforce les liens d’attachement
=> émergence du père
Anthropogenèse de la famille
Homo Sapiens Sapiens
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Nous venons de voir que : Libération des mains => manipulation et outils => organise la
pensée et inversement : la pensée organisée => manipulation et outils.
Le processus forme une boucle de rétroaction circulaire et positive (amplification). Sur base
du chapitre précédent, on peut traduire cette boucle comme suit : manipulations => création
de nouvelles connexions et de nouveaux réseaux de neurones => nouvelles manipulations plus
sophistiquées => création de nouvelles connexions ..., et ainsi de suite.
On retrouve ce « chemin » au niveau de l’ontogenèse (Cfr développement de l’intelligence
chez l’enfant selon Piaget, d’abord « sensori-moteur », puis « opération concrète » puis «
« opération formelle ». (L’ontogenèse semble ici encore répéter les étapes de la phylogenèse).
Ainsi, la première forme d’intelligence est sensori-motrice (importance des manipulations
d’objets et des sens). Plus l’enfant a d’opportunités de manipuler des objets et son
environnement, plus il exerce son intelligence ; et plus il exerce son intelligence, plus il
progresse dans ses capacités de manipulation des objets et de son environnement.
Mais aussi
- panne générale d’électricité dans des quartier paupérisés d’une grande ville.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Et si près de nous
- les conflits dans les embouteillages ou pour un stationnement
- l’ambiance dans les files d’attentes lorsqu’on sait « qu’il n’y en aura pas pour tout le
monde »
- Ceraines rivalités en politique (affaire Cools)
- les violences institutionnelles (nombreuses)
- l’atmosphère carcérale
- le harcèlement sexuel
- le raquette dans les écoles
- Les bandes de quartier
AGONIC HEDEONIC
300 millions d’années 30 millions d’années
Génome Culture
Valeurs : Valeurs :
-Domination/Soumission - Affiliation, approbation
-Hiérarchie, autorité, respect, honneur - égalitaire, (éthique relationnelle)
- Territoire, Hiérarchie, possession
- looser/winner
- RHP : Ressource Holding Power SAPH Social Attention Holding Power
Pouvoir Pouvoir
Rituels de domination et séduction Rituels d’attraction
Psychopathologie : Psychopathologie :
TBL de RANG Tbl ATTACH
- DEP = perte de rang DEP = perte de lien
- HYPO = pouvoir, domination
- ANX = angoisse d’être agressé ANX = angoisse de perte
- TBL PERS -TBL PERS
= (se) mettre à distance : = préserver le lien PHOB, TOC, HYST
PARA, SZ, EVIT, ANTISOC, DEPT ANOR,
Sado-masochisme, abus BDL
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Systèmes : Systèmes
Groupes armés, gang Syndicats, tribunaux, écoles, média
Bandes (Caïd), clans, mafia (« Parrain ») Association de consommateurs
Equipe de vente agressive (« manager ») La famille (idéalement)
Guetto, Favela, Certaines citées-Banlieu
Certaines communautés religieuses
Certaines familles
Certaines institutions
Faits de société :
- comportements sur la route : anonymat + rupture du symbolique (chacun est enfermé dans sa voiture)
- Certains comportements sexuels déviants : viols collectifs.
- Harcèlement sur lieu de travail.
- Raquettes à l’école.
- Certaines compétitions sportives, Le comportement de certains supporters dans les stades et aux alentours.
- Les récentes émeutes dans les banlieux françaises.
- Dans certaines familles prépondérance de l’agonic : => psychopathie, violence conjugale, maltraitance .
- Certaines zones de guerre en Afrique ou au Mexique (guerre entre l’Etat Mexicain et les cartels de la drogue).
- Le camp de Guantanamo.
RANG
Dominant
ATTACHEMENT
Affilié Rejeté
La balance nature/culture
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Texte provisoire – Diffusion interdite
En regard de ce lent processus, nous avons vu que les faits culturels n’ont émergés que très
tardivement (de l’ordre de -4000 à -400.000 ans selon ce qu’on entend par « fait culturel »)2.
En conséquence, la culture n’a pas eu le temps d’imprimer sur notre système nerveux une
marque suffisamment profonde pour infléchir les « trajectoires » comportementales
imprimées par des millions d’années.
En un mot, l’homme moderne est encore actuellement programmé pour se conduire comme
un chasseur-cueilleur (paléolithique) dans un monde moderne. Il est invité à se conduire
comme un être civilisé alors que ses programmes comportementaux vestigiaux (infra) le
pousse encore à chasser et faire la guerre. Il crée des modèles mathématiques et compose des
symphonies, mais est encore habité, voire submergé, par des « instincts », des « pulsions »,
des « habitus » qui viennent du fond des âges. Et cela le pousse encore souvent à se
comporter comme un être primitif pour amasser de l’argent, des biens et des terres pour
asseoir son pouvoir sur ses frères et les dominer, les asservir et pour se réserver des privilèges.
C’est là une idée qu’il faut avoir bien en tête pour tenter de comprendre l’homme moderne
et ses contradictions.
Conclusion
L’homme est un animal grégaire. Pendant des centaines de milliers d’années – voire des
millions -, il a appris à survivre et à s’organiser en groupe. Au cours d’un laps de temps aussi
long, il paraît inévitable que certaines structures comportementales vestigiales primitives
s’inscrivent dans le bagage phylogénétique de chaque individu.
Dès la naissance, le bébé – et les parents – disposent de dispositifs innés
(« compétences ») qui les poussent à signaler des états de besoin, à y répondre, à se
rapprocher. Ces comportements de soins mutuels se développent avec l’âge et se
différencient en même temps qu’ils se complexifient avec nos pairs, conjoints, aïeuls,
progéniture, etc.
Le fait qu’il existe des personnalités antisociales, psychopathiques ou perverses indique
toutefois que ces « compétences » exigent un environnement propice pour que celles-ci
s’expriment et se développent. Dés lors que les conditions sociales de précarisent et que le
cadre culturel se délite, des organisations « agoniques » ressurgissent et menace les individus,
les société, voire l’espère entière !
Il est dés lors inconcevable de penser la psychologie clinique en dehors des cadres
culturels et sociaux qui structurent en encadrent les comportements humains.
2
Quelques repères : maîtrise du feu – 0,4 moi ; premiers bijoux – 0,3 ; premières sépultures datées -0,1 ; trace
d’organisation sociale de type familial – 25000 ans ; agriculture et élevage – 8000 ans, écriture – 3500.
77
Texte provisoire – Diffusion interdite
Nous abordons dans cette section un courant de pensée fortement – d’aucuns diront peut
être « trop » - ancré dans les perspectives éthologique et anthropologique. Nous allons en
esquisser les contours avant d’en tirer les apports, mais aussi les limites.
Nous allons évoquer la théorie de l’évolution de Charles Darwin et il importe d’en rappeler
les principaux éléments.
La parution, en 1859, de l'ouvrage de Charles Darwin « L'Origine des espèces » apporte
pour la première fois, et de façon définitive, tant les preuves sont nombreuses, l’explication de
l’évolution morphologique et comportementale des espèces. Par exemple, comme expliquer
l'usage, chez le pinson, de brindilles ou d’épines pour l'extraction de larves hors des troncs
d’arbres ? Rien dans la structure du cerveau du pinson ne permet de prédire ce qu’il faut bien
nommer une aptitude à utiliser des outils.
Le processus de sélection naturelle tient en trois mécanismes : variation – filtrage –
amplification :
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Fait ou opinion ?
Les faits sont des informations vérifiables, quantifiables et/ou fondés sur des
raisonnements ou des procédés tels que toute personne qui les reproduits aboutit aux mêmes
conclusions et/ou observations. Par contre, une opinion est un jugement de valeur, une
appréciation subjective, soit non reproductible, soit fondée sur des raisonnements ou des
procédés tels que toute personne qui les reproduits aboutit à des conclusions et/ou
observations différentes, voire opposées. Les opinions se construisent souvent sur la base
d'éléments isolés et procèdent généralement par extrapolation des règles générales abusives.
Les théories cherchent au contraire à embrasser un maximum de faits connus (principe
d’exhaustivité) dans un schéma explicatif cohérent (principe de non-contradiction)
Les théories de Darwin ont été récemment contestées par des mouvements religieux
traditionalistes créationnistes.
Un des arguments des créationnistes est que les preuves avancées par les tenants des thèses
darwiniennes ne sont que des preuves indirectes et des inférences. Par exemple, la notion
d’évolution se fonde sur des analogies entre des squelettes, des datations – qui permettent
d’établir une chronologie et la notion d’adaptation qui permet d’estimer que telle structure est
mieux adaptée aux contraintes de l’environnement que d’autres. Mais, selon les
créationnistes, personne n’a pu observer directement l’évolution. Dès lors, les thèses de
Darwin ne seraient que des spéculations, donc des croyances, donc aussi tout aussi discutables
que les thèses créationnistes.
Si on acceptait un tel raisonnement, alors l’atome n’aurait été, pendant longtemps, qu’une
théorie peu fiable, puisque personne ne l’avait jamais observé. Les choses sont encore pires
s’agissant de la gravitation, qui est une force et donc par nature inobservable directement. Et
pourtant, la gravitation s’exprime de multiples manières qui sont mesurables.
La théorie de la gravitation explique les faits observés mieux que tout autre théorie.
« Mieux » signifie ici, avec un minimum de contradictions. En effet, lorsqu’une théorie
implique de nombreuses contradictions avec les faits observés et/ou n’explique que très
partiellement ceux-ci, alors cette théorie est considérée comme devant être rejetée.
79
Texte provisoire – Diffusion interdite
Cela signifie aussi que l’on s’attend à ce que la théorie soit revue et remplacée par une
théorie plus précise càd qui comprend encore moins de contradictions et explique davantage
les faits observés.
Les créationnistes partent donc du principe qu’il faut voir, pour croire. Cet « argument »,
appelons-le « argument scoptophile » est extrêmement naïf à plus d’un titre. En effet, pour
« voir », il faut des instruments adaptés. Et pour se laisser « voir », la nature impose que
l’humain change l’échelle de ses perceptions, que ce soit à l’échelle du temps ou de l’espace.
Par exemple, avec de simples yeux, on ne peut pas « voir » que la terre est ronde. Pour
voir que la terre est ronde, il faut envoyer un satellite dans l’espace qui la photographie.
Pourtant, on sait que la terre est ronde depuis l’Antiquité (voir encadré ci-dessous).
Ceci nous conduit à la seconde critique des thèses créationnistes. Celles-ci rejettent la
possibilité d’inférer une réalité inobservable à partir de faits indirects. Pourtant, lorsque je
regarde un chat bondir, je peux en inférer qu’il chasse une proie sans pour autant voir celle-ci.
De la chute d’une pomme ou de la rotation des planètes autour du soleil, on peut déduire
l’existence d’une force gravitationnelle centripète qui compense la force centrifuge induite par
le mouvement des planètes.
La troisième critique du créationnisme se confond avec celle que l’on adresse à toute forme
d’argument d’autorité. Pour les créationnistes, les thèses de Darwin sont fausses parce qu’elle
contredisent les textes sacrés. Autrement dit, si on suit ce raisonnement, on doit « croire » la
thèse créationnistes, simplement parce qu’une instance considérée comme supérieure – les
auteurs du texte, un prophète, voire Dieu, a établi une « vérité » toute faite une bonne fois
pour toutes. Cette « vérité » n’aurait donc pas besoin d’être démontrée puisqu’elle provient
d’une instance supérieure et se base non sur des arguments, mais sur une décision, un pouvoir
arbitraire. Mieux, ou pire, le simple fait de tenter d’argumenter est considéré comme une
faute, généralement passible de mort. Ce qui, évidemment, est très dissuasif. Le conflit entre
Galilée et le pape Paul V au début de XVIIe siècle constitue une illustration frappante de ce
type de logique.
Nous observons par ailleurs que les créationnistes confondent faits et opinons. Il est vrai
que ces opinons indiquent notre appartenance culturelle et fondent notre identité sociale. Ceci
explique sans doute pourquoi certains défendent leurs opinions avec bec et ongles et parfois
en recourant à la torture et au meurtre.
Parfois, l’argument d’autorité a des effets étonnants. La religion interdit de manger des
poissons sans écailles. Or, à première vue, l’esturgeon ne porte pas d’écailles. Lorsque les
dignitaires du régime théocratique iranien ont réalisé que ce poisson constituait un enjeu
économique considérable, la réhabilitation de cette espèce a été mise à l’ordre du jour. Des
« spécialistes » ont réexaminé la surface de l’esturgeon, ils ont découvert la présence
d’écailles microscopiques. Et l’espèce a été réhabilitée. Il faut dire que la pêche et la vente
du caviar constituent une source de revenu considérable.
De façon plus générale, on une idéologie est un système de croyances, d'opinions, de
convictions qui ne renvoient qui s’étaient mutuellement sans renvoyer à aucun faits probants
et/ou en usant de raisonnements erronés et/ou fondée sur des idées reçues. Une idéologie est
par essence irréfutable, donc non-scienfique3.
3
Une proposition scientifique n'est donc pas une proposition vérifiée, mais une proposition réfutable (ou
falsifiable) càd vérifiable par l'expérience ou l’observation. La proposition « Tous les cygnes sont blancs » est
une hypothèse scientifique car elle peut être réfutée par l’observation. Ainsi, si j'observe un cygne noir, cette
proposition est rejetée. Par contre, j’affirme que « Dieu existe », cette hypothèse n’est pas scientifique car il
n’existe aucun moyen de la tester ! Néanmoins, si cette proposition n’est pas scientifique, elle a du sens : elle
signifie que beaucoup de communautés humaines ne peuvent vivre sans l’idée de Dieu !
80
Texte provisoire – Diffusion interdite
La psychologie évolutionniste part du principe que nos comportements ont fait l’objet, au
cours de l’évolution de l’espèce, d’un processus de sélection de type Darwinien. En d’autres
termes, nos comportements actuels ont persisté parce qu’ils présentent une valeur de survie
pour l’espèce.
Un exemple nous est donné par l’étude des émotions chez l’homme. Par exemple, les
expressions faciales sont-elles universelles ?
Ekman pense avoir démontré que cette hypothèse était fondée. Il a en effet montré que les
membres d’une société isolée de Nouvelle-Guinée, les Papoux, étaient capables d’identifier et
de reproduire plusieurs expressions faciales des occidentaux. Par ailleurs, ils utilisent ces
mêmes expressions dans les mêmes circonstances que nous. Enfin, lorsque les chercheurs ont
montré les expressions faciales des Papoux à leurs étudiants américains, ceux-ci ont à leur
tour correctement identifié ces émotions. Cette étude plaide en faveur de l’idée que les
émotions sont universelles, et dès lors innées puisque les spécificités culturelles ne semblent
jouer aucun rôle.
L’étape suivante consiste à dire que si les émotions sont innées, c’est qu’elles résultent de
l’évolution de l’espèce et donc d’un processus de sélection naturelle. Les émotions ont donc
une fonction par rapport à l’environnement.
Par exemple, l’anxiété est liée à la sécrétion de l’adrénaline lors de la rencontre avec un
événement stressant. Or, on sait que cette hormone est mobilisée dans deux contextes
essentiels pour la survie : le combat ou la fuite. En effet, l’adrénaline prépare à l’action et
stimule la mémoire (utile afin de déterminer les expériences antécédentes relatives à
l’événement stressant en cause : vaut-il mieux combattre ou fuir ?). Ceci implique en retour
que les événements stressants sont les plus susceptibles d’être stockés en mémoire. Ce qui
donne ici un étayage neurobiologique de la théorie du trauma.
La plupart des émotions auraient donc une fonction de survie en ce qu’elle prépare à une
action spécifique : la peur conduirait à la fuite, la colère à l’attaque. Ce raisonnement est
moins clair en ce qui concerne la tristesse puisqu’elle ne voit pas une action spécifique se
dégager. Il s’agirait plutôt d’une émotion conduisant à la « non action ».
La psychologie évolutionniste admet que la culture joue également un rôle. Mais
uniquement au niveau de l’expression (ou non) de nos états internes. Ainsi, il est bien connu
que les Japonais se montrent souriants en toutes circonstances, même lorsqu’ils éprouvent de
la colère ou de la peur. Ceci est dicté par des règles sociales qui prescrivent aux Japonais de
ne jamais montrer leur véritable état émotionnel intérieur. Ceci n’est toutefois vrai que dans
des contextes publics. En privé, les Japonais éprouvent et expriment les mêmes émotions que
les occidentaux.
La plupart des humains passent une partie substantielle de leur existence à chercher,
séduire et conserver un partenaire sexuel. Du succès ou de l’échec de cette entreprise
résultent des conséquences importantes, parfois pathologiques (anxiété, dépression, violence,
meurtre, suicide). Il importe donc de comprendre ce volet essentiel du comportement humain.
L’attirance physique constitue un autre exemple de modulation culturelle. Ainsi, ce
qu’une culture trouve attirant ou repoussant peut changer du tout au tout dans une autre
81
Texte provisoire – Diffusion interdite
culture, ou dans une autre classe sociale au sein d’une même culture, ou d’une époque à
l’autre.
Ce qui ne varie pas, c’est le fait que les hommes sont naturellement attirés par les femmes
et inversement. Ce qui ne varie pas, non plus, selon les psychologues évolutionnistes, c’est la
règle qui gouverne la sélection du partenaire : choisir le partenaire le plus apte à remplir la
fonction soit maternelle, soit paternelle. De ce point de vue, on observe des critères différents
en fonction du sexe. Les hommes chercheraient avant tout des femmes aptes à porter la
progéniture alors que les femmes préféreraient des partenaires surtout aptes à l’aider à
protéger et élever la progéniture. Ceci expliquerait pourquoi les hommes accordent davantage
d’importance aux caractéristiques physiques (hanches larges, fesses développées, taille fine,
poitrine généreuse, …) et pourquoi les femmes préfèrent des partenaires stables et « gentils »
(càd protecteurs).
Néanmoins, hommes et femmes se rejoignent sur la nécessité de rechercher un partenaire
génétiquement compatible. De ce point de vue, il semble que l’on ait sous-estimé le rôle de
l’odeur dans ce processus. Il s’agit ici sans doute d’un indice assez convaincant de l’existence
de comportements fossiles chez l’homme.
Des expériences montrent que les humains sont capables de détecter, dans l’odeur de
transpiration de partenaires sexuels potentiels ceux qui seraient les plus génétiquement
compatibles, càd à percevoir le « complexes majeurs d'histocompatibilité » (Chez l'être
humain, l'antigène HLA).
4
Entre – 1.000.000 et – 12.000 ans.
82
Texte provisoire – Diffusion interdite
Ces arguments ne sont évidemment pas mutuellement exclusifs. Par ailleurs, on peut leur
opposer un autre :
Dans cette optique, les comportements en cause sont moins le résultat d’un processus
adaptatif que des vestiges des structures neuronales archaïques (supra). Par exemple,
l’homme moderne persiste dans certains comportements de marquage territorial (comme
déposer une veste ou un sac sur le siège à côté duquel il s’assoit) alors que ceux-ci sont
inutiles, voire contre-productifs en termes d’adaptation. En d’autres termes, les conséquences
d’un tel comportement ne sont plus adaptatives, voire sont nuisibles. Néanmoins, ces
comportements persistent. Une explication possible est qu’il s’agit là d’un schème
comportemental inné, génétiquement programmé, biologiquement « câblé » dans notre
système nerveux et auquel il est difficile de résister.
Un autre exemple peut être observé dans les restaurants. Après quelques bouchées, le
dîneur relève la tête et regarde autour de lui. On retrouve ce comportement chez les animaux,
y compris les animaux domestiques. La fonction d’un tel comportement est de se protéger
contre une attaque soudaine lors d’un moment où l’individu est plus vulnérable. Néanmoins ?
Demaret (1979) estime qu’il s’agit d’un comportement adaptatif au sens où celui-ci reprend
immédiatement son sens lors d’une guerre ou d’un conflit.
Certains comportements de sujets schizophrènes évoquent l’idée d’une régression au
niveau de schèmes comportementaux vestigiaux. Nous nous rappelons de ce patient
totalement inhibé et clinophile, ne sortant de sa chambre que pour se ravitailler en café. Il
utilisait des itinéraires compliqués destinés à minimiser tout risque de rencontre avec d’autres
personnes (patients ou soignants). Ses « sorties » sont par ailleurs minutieusement calculées
de telle sorte que les rencontres soient improbables.
On pourrait multiplier les exemples. Le comportement des navetteurs qui empruntent
journellement le même itinéraire, quel que soit l’état de la route et les risques
d’embouteillages, évoque les comportements territoriaux des mammifères. Ceux-ci suivent
invariablement le même itinéraire chaque jour, ce qui leur évite d’être surpris par des
prédateurs.
Les jeunes gens qui font vrombir leur moteur, hurler leur chaîne stéréo et exhibent les
chromes de leur moto devant les demoiselles rappellent le comportement des oiseaux lors des
parades nuptiales, lesquels se manifestent par des chants et l’exhibition de plumages colorés.
La chambre mal rangée et les vociférations de la chaîne stéréo de l’adolescent dissuadent
efficacement les parents « d’envahir » leur territoire. Le parfum des dames est censé
remplacer l’émission de phéromones, etc.
Les comportements « fossiles » peuvent aussi expliquer la persistance de structures
sociales archaïques. "Pourquoi les femmes des hommes riches sont belles". Telle est la
question que pose Philippe Gouillou. L’argent et l’accumulation de biens matériel sont des
signes de réussite sociale, donc d’abondance, ce qui constitue un avantage pour la survie de la
progéniture. Ainsi, les femmes, conditionnées depuis des millions d’années, à veiller sur la
préoccupation chercheraient encore aujourd’hui des partenaires qui font la démonstration de
leur capacité à garantir les meilleures conditions de vie. Ainsi, les hommes, conditionnés
depuis des millions d’années, à veiller à s’assurer une descendance et à transmettre un
patrimoine, seraient prêts à tout pour « réussir » dans cette entreprise. De nos jours, force est
de constater que ces préoccupations n’ont pas disparu. La thèse de Philippe Gouillou ne doit
toutefois pas à en déduire que le déterminisme biologique est absolu. Bien au contraire, la
culture a changé la donne et a libéré les hommes et les femmes de ces déterminismes. Mais
vous connaissez le proverbe : Chassez le naturel ; il revient au galop !
83
Texte provisoire – Diffusion interdite
Si la schizophrénie est un trouble en partie déterminé par des facteurs génétiques5 et dont
le déclenchement engendre incontestablement des déficits importants, on se demande alors
pourquoi les sujets porteurs de cette maladie n’ont pas fait les frais du mécanisme de sélection
naturelle ?
Pour expliquer cette anomalie, Heston (1966) a mené une étude sur l’évolution
psychologique d’enfants de mères schizophrènes, séparés de celles-ci à la naissance et placés
dans un foyer d’adoption. Si la moitié des enfants se sont avérés porteurs de troubles mentaux
divers, l’autre moitié a révélé une personnalité plus riche, plus créative qu’un groupe de
contrôle. Les porteurs « sains » disposeraient d’avantages déterminants et présentant une
valeur de survie telle que ces atouts les sauveraient de la disparition. Ce type d’observation a
été depuis plusieurs fois évoqué dans la littérature (Demaret, 1979, 1996). Les exemples de
célébrités ne manquent pas, songeons au mathématicien John Nash ou au pianiste Glenn
Gould. Enfin, bon nombre de cliniciens ont rapporté des observations similaires. En ce qui
nous concerne, nous avons acquis la même conviction.
Plus globalement, l’approche éthologique de la psychiatrie de Demaret (1979) nous
enseigne que des comportements apparemment aberrants ont toutes les chances de se
maintenir s’ils possèdent une valeur de survie. Or, bon nombre de schizophrènes que j’ai eu
l’occasion d’observer (et parfois de suivre pendant des années) donnent souvent l’impression
de traiter trop d’informations : ils sont attentifs au moindre bruit (hypervigilance), donnent du
sens à des choses qui n’en s’ont pas (hypersémiologie), accordent de l’importance à des faits
secondaires (hyper-amplification), construisent des théories complexes et étranges, font
preuve de créativité artistique débordante, semblent se perdre en conjectures en s’immergeant
dans leur monde interne. Ainsi, l’hypersémiologie, également observée chez les enfants qui
ont été maltraités ou chez les rescapés des camps de concentration, correspond à une position
d’attente anxieuse, de vigilance glacée qui constitue un comportement adaptatif dont la valeur
de survie est indiscutable.
L’hypersémiologie constitue aussi une réponse possible à l’hyposémiologie des milieux
perturbés sur le plan de la communication. La « communication deviance » étant une
perturbation liée à des problèmes d’attention conjointe, on peut imaginer qu’une réaction
possible soit de prêter encore davantage d’attention et de construire des représentations
perçues comme étant délirantes et paranoïaques par des observateurs externes.
Enfin, comme ceci ne va pas sans être accompagné d’angoisse et de souffrances intenses
pour le sujet, on peut s’attendre à un autre type d’attitude que nous qualifierons de défensive
et qui consiste à adopter une position de repli afin de se rendre imperméable à un afflux
excessif d’informations. Sur le plan cognitif, le sujet inhibe les voies des actions volontaires
(Frith, 1996) et, les voies émotives (émoussement des affects).
5
On sait aujourd’hui que la piste génétique n’est pas suffisante pour expliquer l’émergence de la schizophrénie.
L’étude des jumeaux indique une concordance allant de 15% à 69% selon les études, ce qui indique que des
facteurs environnementaux sont également à l’œuvre.
84
Texte provisoire – Diffusion interdite
ici l’utilité de cette approche puisque, dans le cadre de la psychiatrie fondée uniquement sur
les symptômes (et le DSM IV), cette distinction n’existe pas.
La psychologie évolutionniste présente toutefois quelques risques de dérives. La première
d’entre elles risque de nous conduire à penser que ce qui est le fruit de la sélection naturelle
doit représenter la « norme ». Ainsi, le processus de sélection naturelle se fonde sur le
principe de la loi du plus fort. On perçoit alors la dérive idéologique qui consisterait à
affirmer qu’il faut respecter les lois de la nature en consacrant la loi du plus fort en valeur à
respecter. N’est-ce pas ce à quoi nous assistons déjà dans une certaine conception de
l’économie ?
Cette dérive risque de se voir renforcée si l’on considère que la psychologie évolutionniste
renforce la perspective innéiste et génétique du comportement. Or, on sait que dans cette
approche, les notions d’éducation ou de psychothérapie perdent une bonne part de leur utilité.
Les psychologues évolutionnistes rétorquent qu’ils ne négligent pas l’impact de
l’environnement. Cependant, ce dernier sert essentiellement à ajuster et affiner des tendances
qui, elles, sont génétiquement prédéterminées. Or, ceci fait l’impasse sur une dimension
essentielle chez l’homme : le langage et le symbolique. Un symbole est une représentation
mentale qui remplace l’objet réel. En particulier, le psychique, espace symbolique par
définition, constitue une prise de distance par rapport à l’univers somatique – instinct,
fonctionnement neurobiologique, etc. De fait, l’homme a amplement démontré qu’il était
capable de prendre des dispositions manifestement dommageables tant à la survie de l’espèce
que celle des individus.
L’intérêt de la psychologie évolutionniste est de nous prémunir de la dérive inverse qui a
prévalu pendant des décennies et qui a consisté à nier le rôle important joué par la sphère
somatique. Cette dérive a tenté d’expliquer le psychisme comme une entité totalement
autonome par rapport aux contraintes génétiques, instinctuelles et neurobiologiques.
On ne combat pas un excès idéologique par l’excès idéologique contraire, mais par la
démarche scientifique. Celle-ci nous commande d’accorder sa place à chaque composante
susceptible d’expliquer le comportement humain.
On notera enfin que la psychologie évolutionniste conduit parfois à un raisonnement
simplificateur. Par exemple, si un comportement est universel, alors il est inné. Et s’il est
inné, alors il est génétiquement déterminé. Et s’il est génétiquement déterminé, ceci démontre
qu’il résulte d’un processus de sélection naturelle.
Or, aucun de ces postulats n’est vrai, du moins à 100%. Ainsi, faut-il déduire du fait que
tous les hommes savent rouler en bicyclette que le comportement « rouler bicyclette » est
génétiquement déterminé ?
Ou bien, tous les comportements innés sont-ils génétiquement déterminés. Ce qui est
génétique, ce ne sont pas des comportements, mais un ensemble de contraintes neuro-
développementales qui rendent possible ou impossible telle gamme de comportements. Par
exemple, le fait que nos émotions soient prises en charge par l’amygdale ou le cortex orbito-
frontal. Et ceci est un fait effectivement universel que partagent Ludwig Beethoven, Adolf
Hitler et tous les lecteurs de ce cours. Il ne s’agit pas pour autant de personnes gérant leurs
émotions d’une façon qui pourrait être tenue pour fort semblable.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Comparées aux sociétés de chimpanzés, les sociétés humaines sont infiniment plus
pacifiques. Il semble que, chez l’homme, les tyrans soient tôt ou tard éliminés, ce qui
représente, d’un point de vue évolutif, un avantage pour l’espèce.
Pour être plus précis, les tyrans contrecarrent une classe de comportement essentielle sur le
plan évolutif : la coopération.
La coopération existe à des degrés divers au sein de toutes les espèces vivantes. Certains
végétaux entretiennent des relations dites mutualiste. Le mutualisme est une interaction entre
plusieurs espèces, dans laquelle chacun tire profit de cette relation. Ce type de relation
implique entre les deux espèces associées une adaptation telle que l’une ne peut survivre et/ou
se reproduire sans l’autre.
L’exemple le connu concerne l’anémone de mer et le poisson clown. Ce poisson est
recouvert par d’un mucus qui lui permet de tolérer le venin produit par l’anémone. Le poisson
se dissimule à l’intérieur de l’anémone. En échange le poisson clown sert de leurre pour
attirer des proies de l’anémone et défend celle-ci contre ses prédateurs. Une fourmilière
repose également sur une organisation sociale de type coopératif.
87
Texte provisoire – Diffusion interdite
Cependant, la coopération a été perfectionnée à son plus haut niveau chez l’homme. Par
ailleurs, à l’inverse de ce qu’on observe dans le règne animal, l’homme coopère non
seulement dans l’intérêt de l’espèce, mais aussi dans celui des individus.
Les stratégies de coopération sont devenues de plus en plus sophistiquées à mesure que le
langage s’est développé. Langage et coopération constituent probablement les deux faces
d’une même pièce, les progrès dans un domaine contribuant aux progrès dans l’autre. La
construction de huttes, la chasse ou la domestication du feu sont des activités qui exigent une
coopération et l’usage d’un langage, même élémentaire (voir ci-dessous). Face aux
conditions de vie extrêmes (climat, prédateurs, gibiers difficile à capturer), l’homme ne doit
probablement ses chances de survie qu’à la coopération et au langage. Par ailleurs, le langage
semble avoir remplacé les séances d’épouillage chez les singes : renforçant les liens sociaux,
donc la coopération et l’attachement.
Enfin, le langage a sans doute permis de symboliser et de ritualiser la violence de telle
sorte que la violence réelle entre individus a été réduite et contrôlée. Le fait qu’il existe des
criminels ou des guerres indiquent néanmoins que cette violence n’est pas totalement
éradiquée et que la coopération ne constitue pas nécessairement le premier choix des hommes.
Mais, ces comportements déviants nuisent tôt ou tard à l’espèce.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
On se rappelle que Masset (1986) rejette les hypothèses évoquées ci-dessus en dénonçant
leur caractère purement spéculatif. Par contre, il estime que l’on peut tirer des conclusions
scientifiquement valides et robustes en analysant les contraintes objectives de
l’environnement qui ont nécessairement pesé sur nos ancêtres et qui pourraient constituer la
« structure fossile du comportement » (Supra). Nous exposons ci-dessous une synthèse de
l’exposé que l’auteur précité propose.
Singe Cercopithèque
Dans toutes les sociétés humaines et aussi longtemps que l’on puisse remonter dans le
temps, l’échange des femelles est gouverné par des règles relativement strictes, des festivités
et l’échange de biens. Il est assez aisé de percevoir dans ces rituels l’origine des cérémonies
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le contrôle de la fécondité
Le contrôle de la fécondité constitue un fait avéré. Les lions tuent parfois leur progéniture.
Les fous de bassan (espèce d’oiseau marin) limitent leur reproduction en fonction des rochers
disponibles sur certaines falaises et non en fonction de nombre de candidats à la reproduction.
Les adultes excédentaires sont ainsi privés de rapports sexuels.
Chez l’homme, lorsque la pression des prédateurs était forte, chaque femelle pouvait porter
jusqu’à douze petits au cours de son existence alors que le renouvellement des générations
n’en demanderait que deux. Les individus excédentaires étaient en fait décimés par les
maladies, les accidents et les prédateurs. En d’autres termes, la régulation des naissances
s’opérait de manière naturelle.
Mais entre -2 millions et -1,5 millions d’année,s le plus redoutable des prédateurs –
Dinofélis (littéralement : Félin terrible) – disparaît, ce qui lève la pression de la prédation.
Un calcul démographique rapide permet de calculer que, sans aucun mécanisme de
contrôle de la fécondité, la population actuelle de la terre devrait être près de 400 fois plus
importante.
Comme rien ne permet de penser que d’autres causes naturelles – guerres, épidémies,
catastrophes naturelles – soient devenues plus fréquentes après la disparition de Dinofélis, on
ne peut que conclure à une régulation « culturelle » des naissances.
Au registre des mesures possibles, on peut citer : les tabous sexuels qui limitent le nombre
de rapports sexuels possibles, le fait de retarder l’âge de procréation, la contraception,
l’avortement et l’infanticide.
Les singes qui ne se servent pas ou peu d’outils peuvent sans inconvénient répartir les
tâches de façon identique en fonction des sexes. Il semble que la division sexuelle du travail
soit un fait spécifique à l’espèce humaine.
Ce fait est connu de toutes les sociétés traditionnelles. Les tâches réservées aux hommes et
aux femmes ne sont pas nécessairement identiques selon les cultures. Ainsi, le tissage est
l’apanage des hommes chez les Indiens Pueblos alors qu’il s’agit d’une tâche réservée aux
femmes chez les Indiens Navahos.
Par contre, comme le propose Masset (1986), on est en droit de penser que les soins des
enfants les plus jeunes a toujours été l’attribut des femmes. De fait, il en est ainsi pour tous
les mammifères et toutes les sociétés humaines connues.
Ceci implique que les femmes ne pouvaient évidemment pas participer à la chasse, tâche
qui aurait exposé gravement la progéniture et aurait diminué les chances de succès des
chasseurs. Par ailleurs, la nécessité d’entretenir le feu en l’absence des chasseurs explique
sans doute l’origine de l’expression de la « femme au foyer ».
Ceci n’a rien de péjoratif pour la femme car cette situation expliquerait aussi pourquoi elles
ont des aptitudes verbales plus développées.
Non-astreintes au silence requis par la traque du gibier, confrontées aux tâches – en groupe
– de cueillettes et de collectes, les femmes se sont retrouvées dans des contextes qui les
encourageaient à communiquer. Par ailleurs, il faut probablement développer un langage bien
90
Texte provisoire – Diffusion interdite
plus nuancé pour décrire le monde à un enfant que pour chasser. On retrouve encore
actuellement cette différence entre hommes et femmes au niveau du langage. Confrontées à
une tâche d’association verbale, les femmes se montrent en moyenne supérieures aux
hommes. Par contre, confrontés à une tâche de lancé, les hommes se montrent supérieurs aux
femmes, non pas tant en raison de leur force que d’une aptitude à bloquer le poignet au
moment du lancé.
Avec un peu d’humour, on comprend peut-être aussi pourquoi les hommes apprécient plus
souvent les sports qui évoquent la poursuite d’une cible – football, basket, … - ou ceux qui
suggèrent la chasse.
Notons enfin que la division sexuelle du travail a probablement contribué à renforcer la
solidarité entre conjoints, chacun ne pouvant plus se passer de l’autre.
En conclusion, la longue durée de l’enfance chez l’homme et sa dépendance à sa mère
serait à l’origine de la division sexuelle du travail
De tous les primates, la femme est la seule à ne pas connaître de période spécifique de
« chaleur ». En d’autres termes, il n’y a pas de limite temporelle aux comportements de
reproduction.
Selon Masset, ceci a dû exacerber la rivalité tant entre mâles qu’entre femelles. Afin de
réguler la violence issue de cette situation, l’homme a donc été contraint d’inventer des règles
afin de contrôler les relations entre individus.
Une réponse possible est le couple monogame. L’officialisation du lien conjugal implique
– en principe – une abstinence à l’égard des autres partenaires potentiels. Ce rituel a pour
fonction d’apaiser les rivalités et de renforcer les liens entre « époux ». Nous savons
aujourd’hui que ce principe connaît de nombreuses exceptions. Mais à l’origine, la
transgression de la monogamie était souvent passible de peine de mort.
La monogamie a probablement contribué à renforcer les liens d’attachement entre
conjoints, chacun devenant plus disponible pour l’autre.
Conclusion
Il importe ici de ne tirer aucune conclusion définitive ni de justifier des choix moraux et
éthiques conservateurs, mais simplement de dresser un constat plausible de l’origine des
comportements humains
Que l’on se fonde sur des faisceaux de présomption ou sur des analyses plus étayées, nous
croisons la route de la notion de « structures fossiles » du comportement et des relations
sociales et familiales.
Ces « structures fossiles », sans constituer une contrainte incontournable et définitive,
doivent néanmoins encore peser sur les comportements de nos contemporains.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Troupeau et bancs
La première forme d’organisation sociale, hormis les colonies d’insectes -comme les
fourmis ou les abeilles – ou les bancs de poissons, est le troupeau.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
réglé sur base de règles de dominance (hiérarchie) provisoirement acceptée par les membres
du groupe aussi longtemps que le « dominant » ne donne pas de signes de faiblesse.
Comme chez tous les mammifères, l’unité primordiale est constituée de la mère et de son
petit. Mais celle-ci est provisoire. Ainsi, la lionne, le buffle ou l’ourse femelle chassent leurs
petits à la puberté.
Les sardines entreprennent encore de nos jours de grandes migrations en bancs. L’étude de
ces mouvements n’a pas permis de leur trouver une explication, une fonction. Ces migrations
ne donnent aucune source supplémentaire de nourriture, ne facilite en rien la reproduction.
Une des hypothèses avancées est qu’il s’agit d’un comportement fossile. À une époque
reculée, ces migrations avaient une fonction qui a disparu. La force de l’habitude ?
Primates
Les primates vivent également en troupe. À l’inverse des herbivores, les singes ont
davantage tendance à occuper un territoire précis, même si celui-ci peut également changer
en fonction des ressources disponibles.
Ces groupes sont structurés sur base de l’âge, du sexe et de la dominance, non de la
parenté. L’unité primordiale tend à devenir plus stable dans le temps. Chez les primates
supérieurs, des liens « affectifs » semblent unir la mère et sa progéniture au-delà de l’âge
adulte. Ceci est corrélé avec le fait que le système limbique chez les singes est bien plus
développé que chez les autres mammifères.
LUMLEY (2007) propose de distinguer trois étapes entre le stade primate et le stade homo
sapiens : la période où il y a lieu de parler de singes anthropoïdes, celle des hominidés et celle
enfin où il est possible de considérer que l’on a affaire à des êtres humains.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le discours explicite d'un sujet ne rend que partiellement compte de ce qu'il communique.
Donc, en clinique, il faut prendre en considération l'ensemble des réactions, en particulier la
mimique, le regard, la gestuelle et les silences.
Par ailleurs, certains comportements non-verbaux, dans certains contextes, peuvent receler
une signification en soi. Par exemple, un chasseur peut procéder à un examen visuel
approfondi d’une plaine afin d’y distinguer le gibier. Ceci entraîne le froncement des
sourcils. On suppose qu’ensuite deux mécanismes sont intervenus : association et
généralisation. L’association : le froncement des sourcils serait apparu en association lorsque
l’individu se retrouve dans un état d’esprit similaire. La généralisation : le froncement
apparaît dans toutes les situations dérangeantes.
Ces mécanismes expliqueraient d’autres comportements non-verbaux : se gratter le cuir
chevelu lorsqu’on est perplexe, tousser ou se frotter les yeux lorsqu’on est embarrassé, froncer
les sourcils lorsqu’on examine une idée ou un problème complexe, se croiser les bras pour
exprimer qu’on se met sur la défensive, etc.
On estime aujourd’hui que le langage gestuel constitue une des premières formes de
communication. Toutes les sociétés « primitives » accordent une importance primordiale à la
danse. Or, la danse est d’abord fondée sur le mimétisme. Chez les Indiens, ou sans doute
chez tous les chasseurs-cueilleurs – les hommes communiquaient par gestes, mimant tel gibier
en figurant ses cornes en plaçant les mains au-dessus de la tête, imitant tel comportement
caractéristique d’une espèce, etc. Mais la danse peut aussi évoquer des éléments abstraits :
esprits maléfiques ou protecteurs, mythes et légendes, etc. En ce sens, la danse est un langage
au sens où elle permet la représentation symbolique d’objets ou d’êtres absents. Elle permet
également d’évoquer le passé ou le futur, c’est-à-dire la capacité d’analyser les expériences,
d’anticiper l’avenir, de construire des stratégies (chasse, construction d’abris, fabrication
d’outils..). En un mot, il s’agit de « penser ».
Plus globalement, la gestuelle est particulièrement en situation de chasse ou de guerre. Le
fait que nous accompagnons nos paroles de gestes (illustrateurs, cfr ci-dessous) constitue sans
doute un vestige de ce passé gestuel. L’étape suivante, mais ceci nous éloigne de ce cours,
consistera à utiliser les grognements pour former un protolangage articulé, ancêtre des langues
humaines actuelles. Retenons ici que le langage gestuel constitue sans doute la forme de la
plus archaïque, donc inconsciente, communication humaine. C’est cette caractéristique
inconsciente qui intéresse ici le clinicien.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le regard
D’un point de vue éthologique, fixer une personne du regard peut prendre généralement
deux significations : on désire attirer l’attention de la personne et lui signifier que nous
voulons lui prêter attention ou lui manifester notre agressivité ou notre dominance.
Dans le premier cas, le comportement inverse – détourner le regard – signifie soit le
désintérêt, soit l’embarras ou la honte. Ceci est phénomène est bien connu des personnes qui
courtisent. Des coups d’oeils rapides, mais répétés de la « belle » constituent par contre un
message discret d’encouragement.
Dans le second cas, le comportement inverse, est adopté par la personne qui se sent
dominée ou qui souhaite manifester un comportement d’apaisement.
Les regards mutuels invitent généralement à un rapprochement physique ou une
collaboration. Par exemple, la mère et son bébé, deux amants, deux musiciens tâchant de se
coordonner, des membres d’une famille lors d’un entretien qui cherchent le soutien ou
l’approbation de l’un ou l’autre membre.
La dilatation des pupilles signale généralement une émotion intense : peur ou l’attraction
sexuelle.
D’un point de vue éthique, avec Lévinas, nous pensons que regarder une personne
implique déjà une responsabilité à son égard ("La rencontre de l’Autre m’engage, et cela je ne
peux le fuir",). Il suffit de songer à ces regards furtifs, mais lourds de sens que nous
adresssons aux passants dans la rue, aux clochards qui nous tendent la main, aux collègues, à
ceux que nous aimons …
Par notre regard, nous pouvons signifier à cette personne beaucoup de chose constructives
… ou toxiques : est-ce qu’elle existe à nos yeux ou sommes-nous indéfférents ? Est-ce que
nous l’acceptons ou nous la rejetons ? Est-ce que nous la respectons ou nous la méprison ?
Est-ce que nous l’aimons ou la haïssons ?
Les mimiques
C'est le moyen de communication le plus archaïque et qui existe depuis toutes les
premières semaines du bébé. La mimique est un moyen de communication volontaire destinée
au visage et au regard de la mère et bien sûr toutes les émotions s'y expriment traduisant
extérieurement les affects intérieurs, en particulier l'affection et l'agressivité.
Les postures
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Les gestes
Les illustrateurs
Comme leur nom l’indique, les illustrateurs illustrent le discours. Ils sont très variés : ils
peuvent mettre l’accent sur un mot ou une phrase, souligner la parole ou retracer le flot de la
pensée dans les airs. Les illustrateurs sont généralement employés pour faciliter une
explication difficile à traduire en mots.
Les illustrateurs signifient généralement un engagement appuyé dans l’effort pour
communiquer une idée. Alors qu’ils deviennent plus fréquents lorsque la personne est très
impliquée dans ce qu’elle dit, leur diminution peut parfois être considérée comme un indice
de mensonge.
Les auto-contacts
Les auto-contacts (appelés « manipulateurs » par Ekman) désignent tous les mouvements
où une partie du corps masse, frotte, tient, pince, gratte ou triture une autre partie. Leur durée
varie de quelques secondes à plusieurs minutes. Les gestes les plus brefs ont souvent un but
apparent : arranger les cheveux, nettoyer les oreilles, gratter une partie du corps. D’autres, en
particulier les plus longs, semblent dépourvus de sens : tordre et détordre les cheveux, se
frotter les doigts, tapoter du pied. Les auto-contacts sont parfois exécutés uniquement au
niveau du visage (mouvements de la langue contre la joue, dents qui mordent les lèvres). Les
auto-contacts sont généralement révélateurs d’un embrarras, voire d’une anxiété. Leur
apparition peut dans certains cas être considérée comme un indice de mensonge.
La synchronie interactionnelle
Le silence
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Texte provisoire – Diffusion interdite
être défensif, voire agressif mais également, profondément fusionnel, tout à fait heureux et
privilégié. Pour le clinicien, le silence de l'autre doit être bien géré, c'est-à-dire d'abord
respecté. Plus on est anxieux moins on supporte le silence de l'autre. Le silence en thérapie est
aussi un espace de projection facile, il doit toujours se replacer dans le sens le plus général de
la communication du sujet.
La communication chimique
Les phéromones sont des substances chimiques émises par la plupart des animaux au travers
de la peau ou de l’haleine et qui agissent comme des messagers entre les individus d'une
même espèce. Ces messages transmettent des informations relatives à l'attraction sexuelle, la
détection de menaces ou la location de sources de nourritures.
Le rôle des phéromones est bien connu chez les fourmis.
Chez l’homme, elles agissent en quantités infinitésimales, mais néanmoins de façon bien
plus active que l’on ne le pensait jusqu’il y a peu.
Les phéromones peuvent parfois trahir un état intense d’excitation sexuelle ou de peur
panique. Comme indiqué ci-dessus, les humains sont capables de détecter, dans l’odeur de
transpiration de partenaires sexuels potentiels ceux qui seraient les plus génétiquement
compatibles, (« complexes majeurs d'histocompatibilité »).
Il va de soi que la communication non-verbale joue, chez l’homme, un rôle secondaire par
rapport au langage articulé. Elle constitue néanmoins une source d’information importante
parce qu’elle est de nature plus inconsciente (donc plus authentique) et plus émotive, ce qui
ne peut laisser aucun clinicien indifférent.
Le code vestimentaire peut avoir une signification sociale. Il donne une indication quant
au rang social (col blanc et col bleu), sa culture, sa religion et/ou son occupation (exemple, la
blouse blanche du médecin). Dans le monde des entreprises, les vêtements rappellent souvent
les valeurs attachées à la fonction : Le tailleur et le chignon de la secrétaire de direction
soulignent la rigueur, le sérieux, l’efficacité et la discrétion liée à son poste. Le costume du
cadre souligne sa dominance et sa réussite. Bien que ces codes soient tacites, il semble que
tout le monde les respecte, soit en s’y soumettant, soir en les transgressant. Les adolescents
ou les punks utilisent des contre-codes afin d’affirmer leur identité et/ou leur rejet des codes
établis.
La cravate possède une valeur hautement sexuelle. Cette longue « queue » accroché au cou
de l’homme possède à l’évidence une signification phallique. Il est assez révélateur que dans
les scènes de séduction de certains films, une femme fatale attrape l’homme par la cravate
pour l’attirer à elle ! En Allemagne ou chez nous, dans les cantons de l’Est, pendant le
carnaval, les femmes s'arment de ciseaux pour couper les cravates des hommes dont la
fonction castratrice est à peine voilée (mais attention, elles n’ont droit à ce privilège qu’un
seul jour par an !). La cravate semble également être utilisée comme caractère sexuel
secondaire prenant la même fonction que la queue de certains oiseaux connus pour l’usage
qu’ils en font lors de leur parade nuptiale. La cravate est généralement un signe de
dominance. C’est pourquoi les cadres se doivent d’en porter une.
Les vêtements soulignent également l’appartenance sociale.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Chez les ouvriers et les employés, hormis dans certaines circonstances comme un marriage
ou un enterrement, le fait de porter une cravate n’est pas recommandée en dehors de ces
contextes. Elle risque alors de provoquer des réactions de rejet parce qu’elle véhicule des
valeurs qui ne sont pas les siennes. Les personnes à faibles revenu se doivent de choisir des
vêtements pratiques (faciles à laver), économiques, simples (sans prétention) et confortable.
Dans les classes dites « supérieures », les tissus sont coûteux, sophistiqués, peu pratiques,
autant de caractéristiques rappelant leur réussite et leur domination. Pour Bourdieu, l'objectif
des dominants est de légitimer leurs pratiques culturelles, d'imposer leurs choix comme étant
les meilleurs, comme étant à imiter. Ces pratiques permettent d’opérer la distinction entre les
leurs (ceux qui ont les mêmes pratiques et les mêmes codes) et les autres !
Ces codes permettent dès lors d'exclure ceux qui ont les mêmes codes. Toutefois, comme
la classe sociale immédiatement inférieur à la classe supérieur tend à imiter celle-ci, il importe
que les codes évoluent (mode) de manière que les dominés, pour les suivre, soient sans cette
obligés de s'affaiblir par un investissement précaire pour enfin lâcher prise (Plusieurs patients
nous on raconté que, enfant, ils ont été contraints de changer d’école simplement parce que
leurs parents étaient incapables de les habiller dans les mêmes et coûteuses marques de
vêtements que leurs condisciples. Des clivages sociaux, des mises à l’écart et des attitudes de
rejets et de mépris s’ensuivant, la vie au sein de l’école en était devenue intenable).
Le raisonnement tenu ci-dessus à propos des vêtements et de la cravate peut être tenu pour
d’autres pratiques : usage de la langue (relâche ou soutenu ?), activités sportives (football ou
golf ?), activités culturelles (doudou ou Concours Reine Elisabeth ?), habitudes alimentaires ?
(Pitta-frite ou foie gras truffé), lieux de loisir fréquentés (salle des fête ou club sélect ,).
Certes, il ne faut pas non plus tromber dans la caricature ! C’est évidemment l’esprit et non la
lettre qui importe ici !
6. PSYCHOPATHOLOGIE ET ETHOLOGIE
Éthologie
L’éthologie la science qui étudie le comportement « animal » dans son milieu naturel, càd
sans l’intervention d’artifices expérimentaux.
L'éthologie étudie l'animal dans son cadre de vie normal et non en laboratoire comme le
font les behavioristes et néo behavioristes.
L’éthologie humaine a pour projet d’une part de transposer la méthode appliquée à la
recherche animale et d’autre part d’établir les corrélats comportementaux entre l’homme et
l’animal.
L'éthologie évite en principe les interprétations comme en psychanalyse. Enfin, de par sa
définition même, elle vise à étudier comment les individus et les espèces résolvent les grands
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Texte provisoire – Diffusion interdite
problèmes vitaux qui se posent à eux : survivre dans son environnement (se nourrir, se
reproduire, cohabiter avec d’autres espèces et ceux de la même espèce, le cas échéant, vivre
en collectivité (territoires, hiérarchies, communication).
L'éthologie trouve de maintes applications en psychologie clinique comme en témoignent
les exemples qui vont suivre
Nous rappelions en introduction que les mouvements expressifs du corps peuvent être lus
comme un résidu de réactions instinctives héritées de nos ancêtres phylogénétiques. En
d’autres termes, le corps parle et ceci de façon d’autant plus authentique qu’il est moins
susceptible d’être contrôlé par la pensée.
Territoire
Le territoire au quotidien
Nous avons souligné ci-dessus l’importance du territoire pour la survie, tant chez l’animal
que chez l’homme. Chez ce dernier, on observe aussi des comportements de marquage de
territoire.
Par exemple, lorsqu’une personne s’installe dans un train, ou dans un fauteuil au cinéma, il
dispose son sac et son manteau de telle sorte que ceux-ci délimitent un espace vital autour de
lui. Les conflits entre voisins – et donc les conflits de territoire – occupent une bonne part du
temps des avocats et des magistrats. Les vols et les guerres constituent des faits très courants.
Le mobile consiste presque toujours à s’emparer du territoire d’autrui ainsi que des ressources
qui s’y trouvent : argent, femelles, métaux précieux, ressources énergétiques …
On comprend ainsi pourquoi l’homme passe autant de temps à
acheter/vendre/restaurer/aménager son lieu d’habitation puisque celui-ci lui offre un lieu pour
conserver ses « ressources », élever sa « progéniture » et se protéger contre les « prédateurs ».
Les travaux de Hall (1971, 1984) sur les distances interpersonnelles indiquent que la
notion de territoire suit des variations culturelles. Ainsi, chez les nords-européens, la
« bonne » distance entre deux personnes correspond à la longueur du bras alors que celle-ci
est inférieure dans les pays méditerranéens.
Les travaux sur la synchronie interactionnelle indiquent quant à eux que nous ne nous
comportons pas de la même façon selon que notre interlocuteur nous paraisse sympathique ou
antipathique.
Le territoire en psychopathologie
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le schizophrène a de tels problèmes de territoire, qu’il lui arrive de ne plus situer les
limites de son propre corps et de confondre ses limites avec les murs de sa propre chambre. Il
en résulte des vécus d’intrusion intolérables lorsque les infirmières pénètrent dans sa chambre.
Bon nombre d’hospitalisations de jeunes psychotiques se produisent également à un
moment du cycle de vie du système familial où la question de quitter le « territoire » familial
se pose. Bon nombre de psychotiques évoquent souvent aussi que, dans leurs familles
d’origine, les frontières entre les membres du système étaient poreuses alors que celles avec
l’extérieur étaient au contraire hermétiques ou infranchissables (frontières de caoutchouc de
Wynne).
Enfin, on s’interrogera sur l’effet, sur ces deux formes pathologiques, de l’hospitalisation
dès lors que l’on entrevoit celle-ci comme l’assignation d’un territoire. En vertu de ce qui
précède, il faudrait alors considérer l’hospitalisation comme flattant trop les tendances au repli
du schizophrène ou, à l’inverse, contrariant le besoin d’espace vital du maniaco-dépressif.
Par ailleurs, des individus méfiants et distants – traits caractéristiques des personnalités
paranoïaques ou schizoïde -bénéficient d’un avantage dans un environnement hostile.
Hiérarchie
La hiérarchie au quotidien
Selon Price & Stevens (1996), la plupart des animaux sont plus ou moins capables
d’estimer les ressources à leur disposition (RHP : Resource Holding Power). Avec
l’évolution, les primates et l’homme vont également intégrer dans leur « comptabilité » les
ressources sociales disponibles et plus précisément la « quantité » d’attention qu’ils sont
susceptibles d’obtenir de la part des autres membres du groupe (SAHP Social Attention
Holding Power) : faveurs sexuelles, dons de nourriture, protection du groupe et en particulier
des dominants, etc.
Ce capital augmente en fonction de la position sociale qu’occupe l’individu dans la
hiérarchie : plus sa position est élevée, plus son RHP et son SAHP augmentent et
inversement.
Les auteurs voient dans le SAPH le précurseur de l’estime de Soi. Dans cette perspective,
l’estime de Soi est une forme de « capital » qu’il importe de préserver, voire d’augmenter.
Lorsqu’un individu voit sa position sociale diminuer, ses ressources diminuent également.
Chez l’homme, mais aussi chez les primates, ce processus va de pair avec une perte de
l’estime de Soi, ce qui conduit à des réponses dépressives : comportements inhibés et soumis,
diminution des interactions sociales.
Ce n’est un secret pour personne que l’homme, comme le chimpanzé, passe le plus clair de
son temps à rivaliser pour conquérir des positions sociales dominantes : situations
professionnelles prestigieuses et rémunératrices, villas cossues, berlines de luxe, nourritures
sophistiquées et jolies femmes sont des notions qui vont de pair dans le chef de beaucoup
d’humains.
Ce qui se comprend aisément si on perçoit qu’un mâle dominant donne un maximum de
chance d’avoir une progéniture saine et correctement nourrie et protégée.
Cependant, nous verrons que chez les femmes, les critères de choix d’un partenaire
intègrent également l’« évaluation » de la « gentillesse » du partenaire (càd, le fait qu’il ne va
pas attaquer la progéniture ou elle-même) et sa « coopération » (son aptitude effective à
mettre ses ressources à la disposition de la progéniture).
On comprend dès lors pourquoi, chez l’homme, perdre son emploi ne signifie pas
simplement perdre un revenu.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
La hiérarchie en psychopathologie
Activités de substitution
On comprend dès lors que les conflits de territoire ou de hiérarchie soient nombreux. Ces
conflits risquent de compromettre la survie, non seulement de l’individu, mais aussi et surtout
de l’espèce. À cette fin, le processus de sélection naturelle a prévu les « comportements hors
de propos ».
Les animaux peuvent parfois adopter des comportements apparemment hors de propos.
Par exemple, deux coqs en pleine lutte se mettent à picorer le sol. Deux oiseaux rivaux se
mettent à lustrer leurs plumes, etc. Ce type de comportement peut apparaître comme étant
dysfonctionnel et l’animal semble « malade » ou « fou ».
Les activités de substitution se reconnaissent par leur caractère inapproprié au contexte
(hors propos) et/ou aussi par le fait que l’acte n’est pas mené à son terme ou au contraire est
mené à l’excès.
En réalité, celles-ci se déclenchent généralement dans des situations de conflit – lorsque les
tendances à fuir et à agresser sont égales -, d’intense frustration ou de sous stimulation. Dès
lors, ces comportements semblent avoir une fonction adaptative et d’apaisement.
Par exemple, sous l’effet d’un choc électrique, les rats de laboratoire finissent par
développer de nombreuses activités de substitution. Démunis d’une réponse adéquate, ils
tentent d’en créer une nouvelle en tentant diverses solutions.
On retrouve ce type de réponses chez l’homme, sous des formes banales comme se
caresser le menton, se gratter le crâne, pianoter, manipuler un crayon, etc. Ces
comportements sont généralement la manifestation d’une émotion intense liée à une situation
embarrassante, voire conflictuelle.
On retrouve ce type de réponses chez l’homme sous des formes nettement plus
pathologiques : tics, activités compulsives, conversions hystériques, grignotage (voire
boulimie), masturbation compulsive, automutilation. Les symptômes psychosomatiques
apparaissent comme des réponses endocrinologiques internes venant se substituer aux
réponses externes inhibées.
Les rituels obsessionnels constituent un exemple frappant. Les sujets TOC développent
souvent des activités de nettoyage, même lorsque celles-ci ne sont pas indiquées. Ce
comportement émerge aussi dans des situations de conflit, de frustration ou de sous
stimulation.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
S’appuyant sur ces données, les thérapeutes familiaux ont pris l’habitude d’être très
attentifs sur la façon dont les membres d’une famille s’installent dans le bureau de
consultation : qui s’assied près de qui ? Qui est éloigné de qui ? Etc. L’occupation du
territoire peut donc constituer une métaphore des distances interpersonnelles.
Ils observent également les phénomènes de synchronie interactionnelle : qui s’anime ou se
fige pendant qu’un autre parle ? La hiérarchie se manifeste quant au choix des fauteuils – qui
s’empare des plus confortables ou des plus élevés -, quant à l’ordre dans lequel ils entrent
dans le local de consultation et bien sûr qui prend la parole le premier ou qui « tient le
crachoir » le plus longtemps ?
Les comportements non-verbaux d’affiliation manifestent l’intention de communiquer :
s’adresser du regard ou en parole, se pencher vers, sourire à, manifestation d’approbation
(acquiescer de la tête, etc.), gestes illustrateur
Inversement, Les comportements non-verbaux de distanciation manifestent l’intention de
ne pas communiquer, voire les rejets : ignorer du regard ou regarder ailleurs, mouvement de
recul, manifestation d’agacement ou de désapprobation (mimiques, gestes).
SIMONEAU et MIKLOWITZ (1991) ont étudié les comportements d’affiliation et de
distanciation chez 18 patients schizophrènes et 18 patients bipolaires et leurs parents durant
une interaction de 10 minutes.
Les patients bipolaires et leurs parents ont fait preuve de comportements non-verbaux
« affiliatifs » ("gestes illustrateurs" ou " comportements prosociaux") pendant une durée plus
longue que dans le cas des patients schizophrènes et de leurs parents.
Inversement, les parents de patients schizophrènes et leurs parents ont des comportements
non-verbaux de distanciation (« regarder ailleurs ») pendant une durée plus longue que dans le
cas des patients bipolaires et de leurs parents.
TRONICK (1989) – bien connu pour ses expériences à propos du still face - avait déjà
suggéré que si l'enfant ne pouvait pas suffisamment influer sur le comportement de la
personne donneuse de soin, notamment au travers de signaux affectifs, celui-ci se tournait
alors vers d'autres stratégies de régulation autorientée comme regarder ailleurs pendant de
longues périodes, orienter le corps dans une direction opposée à l’interlocuteur, adopter des
comportements auto-apaisants tels que l'autocontacts ou comportements liés à la sphère
buccale.
Le comportement autorientée le plus extrême est sans doute l’automutilation, lequel en
institution peut être renforcé par le fait qu’il attire évidemment l’attention des soignants et
qu’il conduit à des soins alors que ceux-ci avaient cruellement fait défaut durant l’enfance.
Les travaux d’Albert SCHEFFLEN -que nous étudierons dans le module systémique -
constituent un apport précieux à l’observation clinique de patients psychiatriques et de leur
famille.
Introduction
Le fitness décrit la capacité d'un individu à se reproduire. C'est une mesure de la sélection
naturelle. On évalue la valeur sélective d'un individu par son nombre de descendants à la
génération suivante.
Le succès reproducteur dépend de plusieurs facteurs : ressources en nourriturres,
opportunités de reproduction, présence de prédateurs, l’agressivité, etc. Par exemple,
102
Texte provisoire – Diffusion interdite
l’agressivité permet la survie de l’espèce : Elle permet la répartition des individus sur les
ressources (territorialité). Sa ritualisation limite la mortalité : dans la plupart des espèces, les
combats sont autant que possible évités par l’intimidation – couleurs vives des poissons, de
certains grenouilles toxiques, de serpents venimeux, etc. Lorsque le combat se produit, celui-
ci est rarement mortel grâce à la ritualisation. Par exemple, chez certains canidés, le fait de
présenter une partie vulnérable constitue un acte de soumission qui apaise de dominant. Dans
d’autres espèce, certains mâles adopteront des postures de femelles prête à l’accouplement en
guise d’acte de soumission.
Éthologie et psychiatrie
L’archaïsme des fantasmes et des comportements des malades mentaux a amené FREUD à
lier les symptômes à des régressions ontogénétiques, autrement dit aux premiers stades de la
vie infantile.
Les éthologues ont cependant amené progressivement l’idée de certaines similarités entre
le comportement humain et animal, de sorte que la régression doit être également
appréhendée sous un angle phylogénétique, c’est-à-dire en termes de régression à des niveaux
de fonctionnement présents dans des formes animales non humaines.
Une question-clef qui revient fréquemment en éthologie concerne la valeur de survie d’un
comportement : quel avantage tel comportement a-t-il par rapport à un autre ou, tout
simplement, à l’absence de comportement spécifique dans une situation donnée. Si on tient
pour acquis la théorie de la sélection naturelle, on peut s’étonner que des maladies mentales
graves, comme la schizophrénie, n’aient pas disparu par simple sélection naturelle.
Nous allons explorer diverses explications possibles. L’une d’entre elles, qui nous paraît
essentielle, est que les gènes qui prédisposent à ces « maladies » constitueraient, dans certains
cas, un avantage plus qu’un inconvénient. On se situe ici bien évidemment au niveau de
l’espèce et non de l’individu pour lequel toute forme pathologique avérée est source de
souffrance et de handicap.
L’éthologie permet de penser que beaucoup de troubles psychiatriques sont probablement
des distorsions de conduites adaptatives. Ou encore, ces troubles nous révèlent des
« structures fossiles du comportement » (Demaret, 1979).
Examinons ceci de plus près en étudiant trois grands groupes psychopathologiques.
La schizophrénie est une maladie mentale, en partie déterminée par des facteurs génétiques.
Ce syndrome se caractérise par des symptômes tels que délire, hallucination, troubles de la
pensée et plus globalement par une perte de contact avec la réalité.
On a pu estimer que la schizophrénie devrait, si elle ne comportait que des désavantages,
être beaucoup moins fréquente qu’elle ne l’est (autour de 1%). Or, ce n’est pas le cas. Il doit
donc y avoir aussi des avantages. Demaret (1979) rapporte une étude de Heston (1966) qui a
suivi l’évolution psychologique d’enfants de mères schizophrènes séparés d’elles à la
naissance. Si 50% se sont avérés être porteurs de troubles mentaux (psychotiques ou non), les
autres 50% ont fait preuve d’une personnalité plus riche, de plus de créativité qu’un groupe de
contrôle. On suppose ainsi que les porteurs « sains » (détenteur du génotype qui ne s’exprime
pas totalement au niveau de phénotype) disposeraient de moyens de « survie » plus importants
que le commun des mortels.
103
Texte provisoire – Diffusion interdite
C’est un fait que plusieurs de nos patients pas trop « atteints » semblent disposer d’une
intuition, d’une sensibilité, parfois d’une intelligence émotionnelle hors du commun. Cette
observation est corroborée par des observations en psychologie cognitive qui décrivent les
schizophrènes comme étant incapables de filtrer adéquatement l’information provenant de
l’extérieur.
En un mot, le schizophrène serait victime de ses trop grandes capacités perceptives et
cognitives, ce qui le condamnerait à un repli défensif alors que les porteurs sains du génotype
seraient dotés d’aptitudes exceptionnelles.
Si le fait de se montrer distant et méfiant est généralement jugé sous un angle péjoratif
dans notre société occidentale et moderne, ces traits ont présenté (et peuvent présenter encore
actuellement) de nombreux avantageux dans les sociétés finalement assez brutales qui se sont
succédées dans l’histoire de l’humanité.
Certains auteurs comme Price et Steven (1996) voient dans la paranoïa un trait de caractère
fréquent chez les individus dominants. La fonction de la paranoïa serait de prévenir toute
manœuvre susceptible de réduire leur territoire et d’amoindrir leur position dans la hiérarchie.
Adolphe Hitler, Joseph Staline constituent des exemples célèbres et extrêmes, mais lorsqu’on
observe bien les mœurs de certains de nos dirigeants actuels, on constate que cette hypothèse
paraît plausible.
Le trouble maniaco-dépressif
Il s’agit d’une maladie nettement plus héréditaire que la schizophrénie. Elle se manifeste
par une alternance de périodes dépressives (tristesse, inhibition du comportement) et des
périodes maniaques (joie excessive, désinhibition comportementale, logorrhée).
Dans sa version non pathologique, la tendance maniaque se manifeste par un dynamisme
débordant et une très grande créativité. On a ainsi constaté que bon nombre d’artistes connus
étaient atteints d’un trouble maniaco-dépressif (Par exemple Robert Schumann, dont la
musique reflète ces alternances de façon remarquable).
En d’autres termes, et à nouveau, les détenteurs d’un tel génotype disposeraient de moyens
de « survie » plus importants.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
La psychopathie
Les psychopathes sont des individus qui agissent sans réfléchir et sans empathie, dans le
seul but d’assouvir leur instinct, au mépris des conséquences pour autrui. Ces individus
n’hésitent pas à « passer à l’acte » et à se montrer violents pour arriver à leurs fins et certains
deviennent des voleurs, des violeurs et/ou des meurtriers. Ce qui conduit bon nombre de
psychopathes en prison.
Cette tendance, dans sa version atténuée, produit des individus qui sont très portés à
l’action, à la recherche de sensations fortes et à la prise de risque. Peu enclins à la réflexion,
ils n’hésitent pas non plus à « passer à l’acte » mais dans un registre dont le caractère
antisocial est moins immédiatement apparent, comme la conduite automobile dangereuse.
Enfin, certains arrivent à canaliser (sublimer dirait Freud) leurs tendances dans des activités
socialisées : sauveteurs, para-commandos, etc.
À nouveau, on discerne bien la valeur de survie de tels comportements dans certains
contextes comme les guerres, les conflits et plus généralement les situations où il faut agir
vite.
105
Texte provisoire – Diffusion interdite
Schéma et stratégie sont donc des concepts intimement liés puis le second serait destiné à
donner une réponse adaptée au premier.
Les troubles de la personnalité constitueraient des traces de ces schémas et de ces
stratégies. Celles-ci, adaptées à une époque préhistorique, ne conviendraient plus à notre
époque moderne.
BECK se propose de relire la nomenclature des troubles de la personnalité du DSM de la
façon décrite dans le tableau ci-dessus.
On notera que ce tableau ne reprend pas les troubles de la personnalité Borderline. En
effet, BECK estime qu’il n’y a pas de schémas ou de stratégies typiques de ce trouble. Il
s’agit ici plutôt d’un déficit de l’égo sans contenu de pensée ou de stratégies standards.
Même si les idées de BECK sont dans le cas d’espèce assez spéculative, il faut toutefois
souligner que la thérapie cognitive est une approche effectivement très efficace dans le
traitement de la dépression et des troubles de la personnalité.
Par ailleurs, cette théorie explique pourquoi les troubles de la personnalité sont plus
résistants au traitement psychologique que d’autres syndromes. En effet, il s’agit de lutter
contre des tendances profondément ancrées dans l’instinct. Les méthodes « culturelles » -
comme – la psychothérapie - seraient donc au départ moins adaptées au traitement de ces
problèmes. Sauf si, comme BECK, on tient compte de ce facteur dans l’élaboration des
stratégies thérapeutiques.
7. CONCLUSION DU CHAPITRE
Dans ce chapitre, nous avons montré que le comportement ainsi que la vie mentale
(perceptions, émotions, cognitions) et relationnelle de l’être humain était le fruit d’une longue
évolution dont on retrouve les vestiges dans le comportement animal ou dans certaines
modalités psychopathologiques.
Le caractère universel de certains de ces comportements suggère qu’ils résultent d’une
forme de déterminisme neurobiologique. Mais pas uniquement, ces structures
comportementales ont également été façonnées sous la pression des contraintes de
l’environnement. La théorie de l’évolution suggère que la valeur de survie d’un
comportement détermine sa sélection.
Néanmoins, si cette théorie explique assez bien l’évolution jusqu’à l’émergence du
langage, elle « colle » de moins en moins aux faits lorsqu’on prend en considération les
capacités intellectuelles, émotionnelles et sociales de l’homme « symbolique ». D’autres
modèles sont nécessaires et font l’objet du chapitre suivant.
106
APPROCHES PSYCHODYNAMIQUES
S. Hendrick
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II.
L’homme symbolique
Partim : S. Hendrick
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Introduction
Dans les chapitres précédents, nous avons étudié la nature biologique, et parfois animale,
de l’homme. Il s’agit là de dimensions indispensables à la compréhension du comportement
et du psychisme humains.
Il serait toutefois réducteur de croire que l’homme se résume à ces dimensions. Comme
Boris Cyrulnik se plait à le rappeler souvent, le modèle animal est pertinent … uniquement
lorsqu’on cherche à comprendre les composantes biologiques de base du comportement. Il
devient obsolète et trompeur lorsqu’on aborde l’homme dans sa dimension culturelle.
Dès lors que l’homme s’est mis à parler, il a quitté le monde biologique pour entrer dans
celui du récit, de la narration, de la représentation. Il est sorti de la réponse immédiate à la
réponse différée. L’information, jusqu’alors, n’était qu’influx nerveux et bouleversements
chimiques, supports éphémères des données. Et voici qu’elle se transforme, qu’elle devient
durable, qu’elle devient récit, durable et transmissible.
La réponse chimique est immédiate. Un événement se produit et dans l’instant, la chimie
transforme le corps et le cerveau. Il en résulte une réponse comportementale. Fin de
l’histoire.
La réponse se médiatise par le langage. Il y a désormais un passé et un futur. Il a
maintenant ce qui est réel et ce qui est imaginaire, virtuel. Le langage permet d’anticiper, de
manipuler le réel et de le transformer en hypothèses, en scénarii variés, possibles mais non
nécessaires.
L’homme se libère de l’instant, du présent et des réponses préprogrammées pour entrer
dans la culture, détachée du biologique.
Les instincts étaient constitués de l’ensemble des réponses figées dans les circuits
neuronaux. Les voici remplacés par les pulsions, lesquelles sont filles de l’imaginaire qui
transforme, torsade, manipule, transcende l’instinct.
Dans les chapitres qui vont suivre, nous allons aborder les principaux modèles théorico-
cliniques qui permettent de penser comment l’homme « symbolique » se construit, et parfois
se détruit, au cours de son existence.
Ces modèles sont la psychanalyse, les théories de l’attachement, l’approche humaniste,
l’approche systémique et l’approche cognitivo-comportementale. Bien que relevant de cadres
épistémologiques fort différents, parfois incompatibles, ces différentes approches sont assez
complémentaires. Chacune semble éclairer ce qui a été laissé dans l’ombre par les autres.
L’homme symbolique est donc celui qui utilise le langage pour communiquer et pour (se)
penser. Un symbole langagier est un signe abstrait, généralement sonore ou écrit, qui
représente un objet concret. Ceci implique qu’il devient dès lors possible :
- d’évoquer « l’objet » absent du contexte, donc de se libérer du matériel pour prendre
de la distance avec le réel et entrer dans le monde des idées et du virtuel.
- de parler du passé (« objet » passé), donc de reconsidérer le sens de ce qui a été vécu.
- d’évoquer le futur (« objet » à venir), donc d’anticiper les conséquences de nos actes.
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En d’autres termes, on peut commencer à parler en termes d’idées et non plus d’objets
concrets. Et l’idée est plus facilement manipulable que l’objet réel : il est plus facile de parler
d’un « éléphant » dans votre salon que d’en faire apparaître un.
Par ailleurs, le symbole peut donner un sens à un objet qui n’en a pas (« chose »). Par
exemple, si je rencontre, une nouvelle personne inconnue, je peux la décrire, la comparer,
l’assimiler du connu.
Dès lors, les symboles langagiers permettent d’organiser nos perceptions et nos émotions
(souvent primitives) en un univers cohérent, prévisible et partageable avec d’autres.
Le symbole sort l’humain de l’arbitraire. Le langage est ordonné par des lois (syntaxe), et
donc ordonne aussi l’univers avec des lois. Il met de l’ordre. Et un ordre commun (même
langage pour tout le monde).
Cette aptitude est capitale, parce que le langage nous permet de nous détacher du monde
des objets concrets qui, à l’origine, constituaient l’unique cible de nos instincts : « objet à
manger », « objet à boire », « objet à copuler », « objet dont il faut se protéger », … Ce qui
libère de l’espace pour penser. Donc, le symbole, et plus encore le langage, nous aide à
quitter la réactivité émotionnelle immédiate pour ouvrir un espace intermédiaire.
Lorsque l’enfant apprend à parler, il parvient à mieux organiser sa pensée et ses émotions.
On se rappelle que la fonction symbolique se développe progressivement. Ainsi, le
nourrisson n'est pas capable de construire des structures symboliques. Il est par contre capable
d'intérioriser des séquences d'événements. À ce stade, l'enfant partage avec les animaux la
caractéristique de ne répondre qu'à des paramètres présents dans la réalité interne et externe.
Comme PIAGET l'a montré, l'intériorisation des schèmes d'action contribue à la construction
de la fonction symbolique. Dès lors, l'enfant est capable de réagir indépendamment des
éléments présents c'est-à-dire qu'il est capable de revenir sur des éléments passés ou
d'anticiper des éléments futurs.
Et surtout, l’enfant peut prendre de la distance avec ses instincts et, dès lors de les
discipliner, de s’en libérer pour en faire autre chose de les sublimer dans le cadre d’un
consensus social.
Mais avant d’aborder ce chapitre (et les suivants), lisez la section 4 (« Névrose – psychose
– perversion et vie quotidienne ») sans trop vous attarder sur le sens des mots particuliers pour
ne vous attacher qu’au sens global. Lisez ensuite le chapitre et relisez cette section 4.
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Chapitre 4
Approche psychanalytique
1. Historique
Les travaux de Freud vont marquer la fin de XIXème siècle et le début du XXème siècle.
Sigmund Freud est né à Freiberg le 6 mai 1856 dans une famille juive. Il entame des études
de médecine et s’intéresse d’abord à l’anatomophysiologie du système nerveux. Il épouse
Martha Bernays en 1886 avec qui il aura trois enfants. Dès sa jeunesse, il doit subir le mépris
et les brimades réservées aux juifs.
Il étudie la psychiatrie avec Theodor Meynert. Il obtient une bourse, et part étudier à Paris,
auprès du neurologue français Jean Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière. Freud y étudie
l'hystérie et le traitement par hypnose.
De retour à Vienne, il ouvre son propre cabinet de consultation et reçoit beaucoup. C’est
dans ce cadre qu’il crée progressivement la psychanalyse à force d’écoute et de réflexion. Il
publie « Etudes sur l'hystérie » avec Joseph Breuer (Le cas d'Anna O) et « l’interprétation des
rêves » (1900) et « Trois essais sur la théorie de la sexualité » en 1905.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Assis, de gauche à droite : Freud, Frenczi et Sachs. Debouts : Rank, Abraham, Eitingon et Jones
Plus grave pour l’époque : Freud prétend que les thèmes de la sexualité sont présents dès
l’enfance. C’est une idée insupportable pour les sociétés bourgeoises et bien pensantes de
l’époque.
En outre, il prétend qu’une bonne part de nos comportements échappe à notre conscience,
donc à un contrôle rationnel. Idée insupportable dans une époque de positivisme
triomphant où l’idée que la raison – marque de la « supériorité » de la race blanche dans le
monde, des classes aisées sur les classes prolétariennes et de l’homme sur la femme sous nos
latitudes - doit commander à l’émotion, perçue comme la marque des races « inférieures »,
des classes laborieuses et des femmes.
De plus, il prétend expliquer par l’histoire du sujet des symptômes et des comportements
qui auparavant n’étaient considérés que comme un signe de dégénérescence. Enfin, mais cet
aspect ne va émerger que progressivement, il prétend instaurer une forme de traitement
uniquement fondé sur la parole. Parallèlement, il élabore une théorie de l’appareil psychique.
La « Société psychologique du mercredi » puis la « Société psychanalytique de Vienne »
regroupe les premiers disciples de Freud (Voir photo ci-dessus).
La première guerre mondiale, avec son cortège d’horreurs, le marque profondément. Il
révise ses théories (seconde topique, pulsion de mort). Il quitte Vienne en 1938 pour fuir le
nazisme et s'installe en Angleterre où il décède en septembre 1939.
Freud va former des émules et de nombreux disciples: Jung, Abraham, Frenczi, Adler,
Klein, Anna Freud, Lacan, etc. Des schismes vont se produire conduisant à des querelles
parfois encore tenaces de nos jours. Certains de ces auteurs seront abordés dans d’autres
cours de la Faculté.
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Le comportement de l’homme est mû par des pulsions, dont la plus fondamentale est la
pulsion sexuelle !
1 infra
2 cf. Annexe II.
7
Texte provisoire – Diffusion interdite
c) point de vue topique concerne l'origine des forces en présence et la nature des relations
entre ces diverses instances. Ce point de vue topique impose chez l'enfant l'étude de la
différenciation progressive des diverses structures psychiques.
d) chez l'enfant nous ajoutons enfin le point de vue génétique : il met l'accent sur
l'évolution des instances psychiques et des conflits en fonction du niveau de développement
atteint par l'enfant. Le point de vue génétique s'articule avec la notion de stade.
On observe normalement une succession temporelle de ces stades mais à la manière d'un
emboîtement progressif : il n'y a pas d'hétérogénéité formelle d'un stade à l'autre, chaque
nouveau stade ne faisant qu'englober ou recouvrir le stade précédent qui reste toujours sous-
jacent et présent. Ceci oppose la notion de stade au sens psychanalytique et la notion de stade
au sens piagétien.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Au plan des processus psychiques on peut ainsi définir les processus primaires qui
caractérisent par un libre écoulement de l'énergie psychique en fonction de l'expression
immédiate des pulsions provenant du système conscient. A l'opposé, dans les processus
secondaires, l'énergie est liée, c'est-à-dire que la satisfaction peut être ajournée : ces
processus secondaires se caractérisent par la reconnaissance et l'investissement du temps, les
expériences mentales ayant pour but de trouver les moyens adéquats pour obtenir des
satisfactions nouvelles en tenant compte du principe de réalité.
Le passage aux processus secondaires par l'investissement des processus mentaux marque
aussi pour l'enfant une réduction de la tendance à l'agir. La mise en acte particulièrement
fréquente chez l’enfant est au début le moyen privilégié de décharge des tensions et des
pulsions libidinales, mais surtout agressives. Cette mise en acte par la compulsion de
répétition peut représenter une entrave à l’investissement de la pensée et des processus
secondaires. Il existe chez l’enfant une évolution progressive depuis la mise en acte normale
résultant de l'incapacité du jeune enfant à lier ses pulsions efficacement jusqu'au passage à
l'acte pathologique car entravant durablement l’investissement des processus secondaires.
Le terme « topique » vient Du grec « topos » qui signifie « lieu ». Freud essaie en effet de
proposer une cartographie de l'appareil psychique.
Dans une première formulation, Freud pose l’hypothèse de l’Inconscient en écoutant ses
patientes hystériques (cf. ci-dessous). Celles-ci évoquent des souvenirs dont la nature est
sexuelle. Ces souvenirs apparaissent comme « oubliés », mais ils resurgissent au niveau
conscient dans certaines circonstances, lorsqu’une parole libre est accordée. l’Inconscient est
donc cette zone où siègent les pulsions sexuelles.
Il découvre la technique du « divan » où le thérapeute s’efface totalement pour permettre
à cette parole d’advenir plus librement encore. Il propose la règle du « tout dire », sans aucune
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Texte provisoire – Diffusion interdite
censure, ni organisation, ce qui vient à l’esprit, telle que cela vient à l’esprit. Néanmoins,
Freud soupçonne l’existence d’une zone intermédiaire car des manifestations de l’Inconscient
surgissent, mais de manière masquée, codée : rêves, lapsus, symptômes. Il nomme cette zone,
Préconscient !
Entre l’Inconscient (Ics) et le Préconscient (Pcs), il y a une barrière qui empêche le
passage entre les deux zones (Schéma ci-dessous).
Dans ce schéma, la flèche centrale désigne la direction des processus psychiques (Ics vers
le Cs). La censure est représentée par le « X » entre Cs et Pcs. Cette censure fait
partiellement barrage, mais certaines pulsions font irruption dans le Pcs ou le Cs sous des
formes déguisées et altérées : rêves, lapsus, actes manqués, oublis, mots d’esprits ou
productions artistiques. Une autre forme déguisée est le « symptôme ». Les deux flèches plus
fines qui retournent vers l’inconscient correspondent au refoulement qui opère essentiellement
du Pcs vers l’Ics.
Au cours de ces séances, Freud réalise que ses patients résistent à la règle du « tout dire »
fonctionne avec difficulté. Les patients sont gênés : ils souffrent, mais ne savent quoi dire ! Il
en déduit que sa première topique ne suffit pas à expliquer ces freins et qu’une instance – le
Surmoi - en tant que telle intervient pour produire le refoulement. Il cartographie alors le
psychisme en distinguant trois zones, appelées « instances » : la Moi, le Ca et le Surmoi.
Le Ça infantile contient l’ensemble des tensions sexuelles et agressives qui s’organisent en
pulsions inconscientes : Le Ça est un réservoir pulsionnel. Ces pulsions sont plus ou moins
organisées et élaborées en fonction de la maturation de l’appareil psychique.
Le Ca est d’abord constitué de pulsions partielles, magmas de pulsions chaotiques
intriquées et animées par des mouvements tantôt agressifs, tantôt libidinaux. Les pulsions se
structurent progressivement en pulsions totales, résultat de l'activité de liaison du Moi, sous
l’action de la mère et de la culture, et aboutissent à des désintrications pulsionnelles qui
demeurent néanmoins fondamentalement inconscientes.
Le Surmoi émerge au décours du complexe œdipien par l'intériorisation des images et les
exigences parentales. Dans le cas où cette intériorisation est suffisamment modulée, les
limitations et règles imposées par le Surmoi ont une source de satisfaction par identification
aux images parentales. Le Surmoi plonge dans le Ça car, en tant qu'héritier du complexe
d'Œdipe, il a des relations intimes avec lui. L’'hypothèse d'un Surmoi précoce, archaïque n'a
été formulée qu'ultérieurement par M. Klein.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le Moi n'apparaît que progressivement, au contact de la réalité, d'abord sous la forme d'un
« pré-moi » au stade du narcissisme primaire; il s'organise et se dégage du narcissisme en
même temps que l'objet libidinal. Son rôle initial est d'établir un système défensif-adaptatif
entre la réalité externe et les exigences pulsionnelles. Le Moi est donc cette partie du « Ca »
qui devient consciente au contact de la réalité (« Wo es war soll ich werden »). Cette partie
qui devient consciente fonde notre « pensée ».
L’émergence d’une pulsion entraîne la quête d’un acte libérateur qui diminue les tensions
provoquées par la pulsion. Idéalement, cette quête demande du temps, ce qui libère un temps
(délai) pour penser. Or, la pensée est au centre des activités du « moi ».
Toutefois, ce délai implique qu’il faille être capable de supporter la frustration découlant
de la non satisfaction immédiate de la pulsion. Mais en contrepartie, ce délai permet au
« moi » de développer ses capacités à penser, voire à la créativité. Quelles sont les
conséquences si je donne satisfaction à la pulsion ? Quelle part de la pulsion est moralement
acceptable ? Puis-je satisfaire ma pulsion sans nuire à moi-même et à autrui ? Peut-être y-t-il
une possibilité de satisfaire ma pulsion si j’arrive à la négocier avec un partenaire ? Etc.
Ce délai est pourtant difficile à accepter. Certains individus ne supportent pas ce délai et
court-circuitent les processus de pensée au profit d’un passage à l’acte : agir pour satisfaire la
pulsion sans songer aux conséquences négatives. En conclusion, l’éducation passe par
l’apprentissage de l’acceptation qu’il existe un délai entre pulsion et satisfaction et
l’apprentissage que ce délai doit être mis à profit pour « penser ».
Une étude conduite Walter Mischel à Stanford suggère que l’apprentissage du délai est
important. Un marshmallow est offert à des enfants. Si l'enfant résiste quelques minutes à
l'envie de manger le marshmallow, il en obtient par la suite deux autres en guise de
récompense. Les résultats montrent que les enfants qui acceptent d’attendre (qui ont donc un
meilleur contrôle sur soi, soit encore un « moi fort ») est prédicteur d’une meilleure stabilité
11
Texte provisoire – Diffusion interdite
émotionnelle à l’âge adulte. Par contre, les enfants qui ne savent pas attendre (qui ont donc
un « moi faible») connaissent des destinées généralement plus difficiles.
Le délai entre pulsion et satisfaction est évidemment le pire ennemis de la société de
consommation qui préfère les « acheteurs complusifs » au clients réfléchis. C’est pourquoi le
marketing tend à abolir la possibilité de délai en usant d’argument de type : « Il n’y en aura
pas pour tout le monde » ou « Ce sont mes derniers exemplaires à prix réduit » ou encore
« Vous avez la réduction à condition d’acheter immédiatement »). On peut donc s’interroger
quant au caractère délétère de la société de consommation sur le développement
psychologique. Que penser de la société numérique qui conditionne actuellement les esprits à
exiger des « réponses » (apparentes) immédiates.
Pensée et société
Cette notion de « pensée » et de « délai » doit aussi nous aider à nous montrer circonspects
lorsqu’une instance quelconque nous pousse à prendre une décision immédiate sans prendre le
temps de réfléchir.
Une réunion où il faut prendre des décisions immédiates sans avoir eu le temps de prendre
connaissance des éléments du dossier est un indice de grave dysfonctionnement dans une
équipe ou dans une institution. L’absence de « procès verbal » fait perdre le fil de la pensée.
Un diagnostic psychopathologique fondé uniquement sur les signes de maladie (DSM),
sans anamnèse (ou si peu), sans échange approfondi avec le patient et sa famille (ou si peu),
sont autant de pratiques qui abolissent la pensée au profit d’une action (en fait, il faudrait
parle de « passage à l’acte ») – réputée plus efficace – mais qui n’est somme toute qu’une
forme de violence institutionnelle ou social.
Une « démocratie » qui invite à les citoyens à se rendre aux urnes sans avoir accès aux
éléments permettant de poser un choix éclairé et au terme d’un débat, est-elle encore une
démocratie ? Une justice « rapide » est-elle encore juste ? Et une institution psychiatrique qui
restreint ou interdit la concertation, les supervisions, les réunions – soit les espaces et le temps
pour penser – est-elle encore un lieu de soins ? Une société qui propose d’envahir les temps
de loisirs afin d’occuper les esprits avec des futilités n’empêche-t-elle pas les citoyens à se
conduire de façon réfléchie, critique et responsable au profit d’individus formatés, soumis,
irréfléchis ? Ne risquons-nous pas de somber dans ce que Aldous Huxley dénonçait déjà en
1933 dans son roman « A brave new world » : une forme de «dictature douce » où les
individus agissent sans penser dans une illusion de liberté. Le summum de la soumission à
l’autorité ne consiste-il pas à laisser à d’autres le soin de penser et de décider à notre place ?
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Au stade oral l'évolution de la relation d'objet est marquée par le passage du narcissisme
primaire au stade anaclitique de relation à l'objet partiel.
Peu à peu, avec la répétition des expériences, en particulier avec les expériences de
gratifications orales et de frustrations orales le premier objet partiel, le sein, commence à être
perçu : la relation est alors anaclitique au sens où l'enfant s'appuie sur les moments de
satisfaction pour former les premières traces de l'objet et qu'il perçoit à travers les moments de
frustration ses premiers affects.
Vers la fin de 1a première année la mère commence à être reconnue dans sa totalité, ce qui
introduit l'enfant dans le domaine de la relation d'objet total. Cette phase a été l'objet de
nombreux travaux ultérieurs: stade de l’angoisse de l’étranger de Spitz, position dépressive de
M. Klein. La notion d'étayage rend compte selon Freud de l'investissement affectif du sein
puis de la mère: en effet l'investissement affectif s'étaie sur les expériences de satisfaction qui
elles-mêmes s'étaient sur le besoin physiologique.
Le stade anal conduit l'enfant dans une série de couples dialectiques structurants :
expulsion-rétention, activité-passivité, soumission-opposition. A ce stade la relation s’établit
avec un objet total selon des modalités qui dépendent des relations établies entre 1'enfant et
ses matières fécales : le plaisir érotique pris à la rétention, la soumission et la passivité qui
s'opposent au plaisir agressif à contrôler, maîtriser, posséder. Le couple sadisme-masochisme
caractérise volontiers la relation d'objet à ce stade.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
d) Stade oedipien (5/6 ans) : 1'objet de la pulsion n'est plus le seul pénis mais le partenaire
privilégié du couple parental ; La source de la pulsion restant l’excitation sexuelle recherchée
dans la possession de ce partenaire. L'entrée dans ce stade œdipien se marque par la
reconnaissance de l'angoisse de castration ce qui amène le garçon à la crainte de perdre son
pénis et la fille au désir d'en acquérir un.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Chez la fille :
A l'égard de la mère la fille développe une haine jalouse, mais fortement chargée de
culpabilité d'autant que la mère reste source non négligeable d'une importante partie des
satisfactions pulsionnelles prégénitales.
e) Période de latence et adolescence. Elles n'ont pas été directement étudiées par Freud.
La période de latence est simplement considérée comme déclin du conflit œdipien, et
l'adolescence à l'opposé comme la reviviscence du même conflit marquée cependant par
l’accession pleine et entière à la génitalité.
Jusque l’oedipe, l’enfant vit une relation amoureuse avec sa mère qui semble éternelle et
sans borne.
Or, voici qu’un personnage – le père - semble venir capter l’attention et la tendresse de la
mère à son détriment. Expérience à la fois angoissante et inacceptable.
Passage d’une situation à deux, à une situation à trois. Le tiers, le père, est celui qui vient
contrarier un amour qui jusque là semblait, aux yeux de l’enfant, indestructible. La pulsion
est soudainement gouvernée par une règle, là où elle semblait n’avoir aucune borne. Bref,
l’enfant découvre que ses passions sont soumises à une « loi » dont il n’est pas maître :
l’interdit de l’inceste.
L’enfant expérimente de nouvelles émotions : la déception (vis-à-vis de la mère), la haine
(du père) qui peut aller jusqu’au meurtre. On retrouve ici tous les ingrédients du crime
passionnel tant décrit dans les romans.
C’est aussi la première expérience de rivalité : comment fait-on lorsqu’un autre vous
dispute l’amour d’un être cher ? Quelles sont les stratégies ? Qu’est-ce qui est possible ?
Qu’est-ce qui est interdit ? Expérience précieuse puisque, vivant en société, nous l’homme ne
cessera de répéter les situations de rivalité.
Enfin, c’est une expérience de « survie » : Comment apprendre à surmonter en investissant
ailleurs. Comment faire face à l’impuissance et l’abandon ? En faisant le deuil de l’amour de
la mère et au-delà le deuil du mythe de l’amour éternel et absolu, et en investissant ailleurs,
dans les pairs (amitiés), les activités sociales (école, travail), dans un autre amour.
En résumé, l’oedipe est une expérience à la fois douloureuse et enrichissante. Mais parce
qu’elle est la première, tous les enfants ne la surmontent pas totalement. Certains n’y
parviennent jamais. Selon l’issue de ce conflit, la personnalité va se structurer selon des
modes divers - névrose, perversion, psychose – ou ne pas se structurer du tout : état-limite.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L’homme biologique était, comme l’animal, soumis à la pulsion. Tout change avec la
pensée et le langage.
Pour Freud, le comportement humain est motivé par des pulsions (Trieb). De quoi s’agit-
il ? Pour tenter de comprendre cette notion, il faut d’abord examiner le comportement animal.
Chez celui-ci, le besoin est fondamental. Par exemple, lorsque le taux de sucre dans le
sang diminue, l’animal perçoit qu’il a faim et en même temps, l’instinct déclenche un
comportement de recherche d’aliment ou d’appel. Lorsque l’aliment est trouvé ou que la
mère intervient, l’animal mange et ceci rétablit l’équilibre biologique. Le comportement de
recherche s’éteint avec la disparition du besoin.
Chez l’homme, le besoin existe également, mais de par sa prématurité, l’instinct ne suffit
pas. Le besoin provoque certes aussi un comportement d’appel. Dans le cas du nourrisson, la
mère va elle aussi intervenir, mais dans le même temps, elle va interpréter le comportement
de l’enfant, càd lui donner un sens, une signification en liant l’énergie. Un sens qui est
élaboré par la culture. En d’autres termes, le comportement n’est plus l’unique réponse à
l’instinct. Une autre réponse émerge : le sens. La pulsion (Trieb) est étroitement liée à une
représentation (Triebrepräsentanz).
L’on voit ici que le sens est donné par la culture, via la mère. Par conséquent, le
psychisme de l’enfant fait rapidement « le plein » de significations associées à ses états
internes et, progressivement, il élabore – ou mentalise - des scénarios que l’on va appeler
« fantasmes » (voir ci-dessous) et qui peuplent l'appareil psychique. Ils expliquent de façon
imaginaire certaines expériences vécues comme intenses, pénibles, voire traumatiques. Ils
constituent une tentative de donner du sens à l’expérience. La pulsion est associée à la notion
de libido.
Dans la première topique, Freud distingue les pulsions sexuelles et les pulsions
d'autoconservation. Les premières sont régies par le principe de plaisir, qui vise à une
décharge immédiate et la réduction des tensions alors que les secondes sont soumises au
principe de réalité.
Considérez l’image ci-dessous. Avant de lui la suite, qu’évoquent ces grimaces selon
vous ?
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Texte provisoire – Diffusion interdite
peuvent nie se plaindre, ni même prendre conscience de leurs pulsions sexuelles, celles-ci font
effraction sous la forme d’un symptôme de « folie » !
Certes, dans nos contrées, ces formes semblent avoir disparues, sans doute du fait des
progrès de la libération de la femme des interdits sociétaux … notamment grâce à la
psychanalyse !
Madame Bovary de Flaubert illustre une autre forme d’hystérie qui finira par porter le nom
de sa victime : le bovarysme. Le bovarysme est une fuite dans l’imaginaire et le romanesque
face à l’incapacité de la personne de trouver une issue dans le réel à ses frustrations affectives
et sexuelles. L’imaginaire se traduit chez ces patients par des ambitions vaines et démesurées
et des mises en scènes inconsciemment dramatisées (théâtralisme de l’hystérique). Certes,
Emma Bovary ne devient pas « folle ». Mais, elle se suicide !
Le roman de Flaubert fait scandale à sa sortie. L'œuvre (comme « Les Fleurs du Mal » de
Charles Baudelaire) subira un procès pour immoralité. Voilà le climat de la société à
l’époque de Freud.
Freud fait donc lui aussi scandale car il dit trois choses qui choquent en cette fin de XIX
siècle :
1° L’homme n’est pas un être raisonnable guidé par la morale et l’intelligence, mais un
être qui lutte en permanence contre des pulsions, des instincts proches de ce qu’on observe
chez les animaux. Cette idée est dans l’air du temps puisque Charles Darwin ne dit rien
d’autre en filigrane de son évolution des espèces qui est publié en 1859 (théorie3 élaborée dès
1838, mais qu’il se garde bien de publier tant cette théorie aurait fait scandale et ruiné sa
carrière).
2° Pire, ces forces pulsionnelles sont de nature sexuelle ! On se rappelle qu’à l’époque, le
pays le plus puissant – L’Empire britannique – est gouverné par la reine Victoria qui s’érige
en garante des valeurs bourgeoises : travail, ordre et puritanisme.
3° Enfin, coup de grâce, les enfants ne sont pas épargnés puisque Freud nous dit que la
pulsion (sexuelle) est la force première du développement de l’Homme. L’enfant est même
qualifié de « pervers polymorphe », c'est-à-dire que sa quête de jouissance est au départ
détournée d’un but génital (puisqu’il passe d’abord par un stade oral, puis anal). L’oedipe
constitue un autre aspect du scandale : les enfants veulent « coucher » avec leur mère et
« tuer » leur père. Impossible à avaler à cette époque (pas facile encore de nos jours !).
Et pourtant, en hypnotisant d’abord ses patientes hystériques, en les écoutant par la suite
(càd, en leur donnant une place de sujet et en donnant du poids à ce qu’elles disent et ce
qu’elles pensent), Freud découvre qu’en mettant en mots leurs frustrations au travers de la
cure, non seulement on découvre que le symptôme a un sens, mais en ouvre que cette liberté
donnée à la parole et à la pensée réduit, voire fait disparaître les symptômes.
Cette découverte dérange encoure de nos jours ! Que le symptôme ait un sens et ne se
réduise pas à un simple désordre neurobiologique ne fait pas l’affaire de certains parmi ceux
qui prétendent découvrir et vendre des substances chimiques sensées guérir à elle seule la
souffrance psychique.
Dans la seconde topique, Freud distingue la pulsion de vie (éros) et la pulsion de mort
(thanatos).
Les pulsions peuvent être facilement rattachées à une zone érogène spécifique : pulsion
orale, anale ou génitale. De plus, elles peuvent être partielles ou totales.
La pulsion partielle fonctionne en rapport à une zone érogène spécifique et un objet lui-
même partielle.
3 Sa théorie sur la sélection naturelle ne sera finalement admise que vers 1930 et elle est encore de nos jours
« attaquée » par les intégristes de toutes les religions qui pensent que cette théorie remet en cause l’existence
d’un Dieu, créateur de l’Univers et de l’Homme qu’il place au-dessus de tout.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
L'objet partiel découle d’une relation avec un objet identifié à une partie du corps, en
particulier une zone érogène spécifique (oral, anal, etc). C'est comme si une personne était
identifiée à l'une de ses parties. L'objet partiel est donc objet d'une pulsion partielle. Dans la
vie sexuelle adulte, la fixation de certains hommes, lorsque celle-ci est exclusive, sur la
poitrine ou les fesses révèle un reliquat de pulsion partielle.
Le bébé, animé par une pulsion orale, vise un objet partiel : le sein. Derrière le sein, il n’y
a « personne ». Il y a juste une source de satisfaction qui sera « aimée » si la source est
satisfaisante ou « haïe » si elle fait défaut.
On peut parle de pulsion totale, à partir de l’instant où, d’une part les pulsions partielles
s’articulent entre-elles et d’autre part, elle s’orientent vers un objet total (le sein est lié à une
personne, différente de soi et qui est bien d’autres choses encore que le simple sein). L’objet
total est l'aboutissement de l'évolution psychosexuelle. Pour Freud, l'objet total implique la
reconnaissance de la différence des sexes et de la différence des générations. Nous verrons
ci-dessous la nuance apportée par Mélanie Klein.
La frustration des pulsions engendre une agressivité et qui s’exprime selon les modalités
qui sont propres à chacun des stades. Ainsi, l’agressivité au stade oral se manifeste par un
désir de mordre, de dévorer ; l’agressivité anale par un désir d’expulser, d’empoisonner avec
les excréments ; l’agressivité génitale par un désir de couper, de pénétrer.
Freud avait une conception « hydraulique » du fonctionnement de notre appareil
psychique ? Celui-ci serait peuplé d’expériences émotivo-sensorielles, appelées « affect » (A)
en soi, a priori dénuées de sens, et reliée à une réalité externe, les objets externes (Obj) que
l’appareil tente de relier à des représentations (R) qui peuvent devenir des Objets internes.
Ces liens sont porteurs d’une énergie libidinale qui doit en principe s’écouler librement. Par
exemple, le bébé éprouve des crampes qui découlent de la faim. Il ignore que c’est la fin et
encore moins ce qu’il faut faire pour y mettre un terme. Ce déséquilibre provoque une
angoisse intense (A) et le bébé pleure. La mère intervient alors et apaise la faim en donnant le
sein ou un substitut, par exemple un biberon (Obj). La faim s’apaise. Avec la répétition de
l’expérience, le bébé se construit une représentation (R) qu’il relie à l’affect (A) et à l’objet.
Nous reprendrons ce schéma plus loin.
Le passage aux processus secondaires par l'investissement des processus mentaux marque
aussi pour l'enfant une réduction de la tendance à l'agir. La mise en acte particulièrement
fréquente chez l’enfant est au début le moyen privilégié de décharge des tensions et des
pulsions libidinales, mais surtout agressives. Cette mise en acte par la compulsion de
répétition peut représenter une entrave à l’investissement de la pensée et des processus
secondaires.
Pour Freud, la (satisfaction de la) « pulsion » est première alors que l’objet et la relation
sont secondaires. Pour les théoriciens des « relations d’objet », Klein et surtout Fairbairn, la
relation d’objet prime sur la pulsion.
4Les trois sections suivantes sont constituées de textes largement inspirés de l’ouvrage de DE
AJURIAGUERRA J. et MARCELLI D. (1982), Abrégé de psychopathologie de l'enfant. Paris, Masson.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le passage aux processus secondaires par l'investissement des processus mentaux marque
aussi pour l'enfant une réduction de la tendance à l'agir. La mise en acte particulièrement
fréquente chez l’enfant est au début le moyen privilégié de décharge des tensions et des
pulsions libidinales, mais surtout agressives. Cette mise en acte par la compulsion de
répétition peut représenter une entrave à l’investissement de la pensée et des processus
secondaires.
2.7. Fantasmes
Le fantasme est l’expression mentale des pulsions. Il prend la forme agrégats d'images, de
sensations, d’affect et de schèmes d’actions (scénario).
De façon générale, tous les enfants cherchent à savoir quelque chose de leurs origines : sa
naissance, le lien unissant ses parents, le lien l’unissant à sa mère, sa place dans le lien
unissant la mère à son père (problématique oedipienne, cf. ci-dessous).
Freud a proposé que certains fantasmes - fantasmes originaires - sont particulièrement
fondamentaux. Ces fantasmes sont communs à tous les humains car ils proposent des
réponses à un certain nombre d’expériences communes5.
- Le fantasme de la séduction où l’enfant imagine avoir été séduit par l’un des
parents explique l’apparition des désirs sexuels et la différence des générations.
- Le fantasme de la scène originaire décrit un rapport sexuel entre les
parents, que le sujet interprète comme agression de la mère par le père.
- Le fantasme de castration explique la différence des sexes.
5 Raison pour laquelle cette notion est souvent rapprochée de celle « d’archétype » chez Jung.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
- Le réel est cette part de la réalité (expérience sensible) qu’appréhende notre psychisme
mais qui ne peut se constituer en savoir. Il est donc impossible de le décrire donc de
le dire (indicible). Il n’y en aurait du reste rien à dire ni à penser aussi longtemps que
ce réel ne nous perturberait pas, ce qui semble être le cas – lorsque tout va bien – lors
de la vie fœtale. Cependant, dès lors que des perturbations – par exemple, un
« manque » - se produisent, le réel s’impose alors à nous comme une énigme.
- Le symbolique s’inscrit dans le registre du langage et des symboles. Un symbole, c’est
quelque chose (un objet, une image, un mot, un son) qui représente quelque chose
d'autre. Il peut donc nous aider à penser le réel et en dire quelque chose.
Notons au passage qu’en tant que représentation, le symbole devient « pensable » et
qu’il devient alors possible de différer l’action pour se la représenter prélablement.
« Le sens étymologique du mot grec σ́υµϐολον, dérivé du verbe συµϐ́αλλω, « je
joins», définit un objet partagé en deux, la possession de chacune des deux parties
par deux individus différents leur permettant de se rejoindre et de se reconnaître »
(Encyclopædia Universalis). Le symbole est donc ce qui unit et permet la rencontre.
Le symbolique renvoie donc à la manière dont la culture organise les liens sociaux et
permet de penser notre place dans le monde en particulier face au manque et au réel.
Notons que son antonyme, « diable », du grec διάϐολος , est « ce qui divise » ou «
qui désunit » ou encore « qui détruit » … le sens et le lien.
Le symbole nous aide donc à relier des fragments du réel (en soi, incompréhensibles)
et à les partager avec d’autres. Ce qui implique toutefois que l’autre utilise les
mêmes symboles que moi. Ce partage implique dès lors des concessions car le
symbole ne rassemble que le plus petit dénominateur de sens commun, la plus petite
part d’expérience (du réel) commune. Une bonne part de notre expérience n’est donc
pas partageable. Le symbole est donc paradoxal car il permet à la fois le partage et
en même temps l’interdit parce que son principe même consiste à restreindre le sens
à peu de chose.
Mais ce plus petit dénominateur de sens commun est néanmoins suffisant pour
construire du lien et communiquer.
- L'imaginaire L’imaginaire permet de mettre en forme cette part de notre expérience qui
n’est pas partageable, mais qui peut néanmoins être pensée. Elle pourra
éventuellement resurgir dans les productions artistiques tout en se heurtant aux
limites même du symbole. Quelle est cette émotion que ce poème, cette peinture ou
cette symphonie déclenche chez l’interprète et son public ? Ce doit être la « même »
chose puisque nous vibrons tous en même temps face au même spectacle et pourtant
nous n’en savons rien. Quelle est cette émotion que je vis face à l’autre dont je me
sens amoureux ? Ce doit être la « même » chose puisque nous vibrons tous les deux
en même temps, mais en fait elle et moi n’en savons rien.
Cet imaginaire s’élabore néanmoins en lien avec la façon dont je m'identifie à l'autre,
la façon dont je me représente les relations duelles. Il s’appuie sur les relations que
nous entretenons avec les « autres » mais cet « autre » en tant qu’« image » de nous,
en qui nous pouvons nous reconnaître. L’imaginaire ne se confond donc pas
totalement avec ce qu’on nomme « imaginaire » dans le langage courant.
Et en fin de compte, il demeure toujours une part du réel qui ne pourra jamais être
mise en forme, que ce soit dans l’ordre symbolique imaginaire. Cette part
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Texte provisoire – Diffusion interdite
énigmatique est ce qui produit parfois ce sentiment d’étrangeté qui saisit le névrosé
de façon fugace et capture parfois pour toujours le psychotique. Comme par
exemple cette expérience surprenante lorsque nous prenons conscience du rapport
entre « être-là » et ne pas « d’être-là » : to be or note to be, that’s the question !
2.8. Narcissisme
Narcissisme et psychopathologie
Pour Freud (1914), « les hommes tombent malades quand, par suite d'obstacles extérieurs
ou d'une adaptation insuffisante, la satisfaction de leurs besoins érotiques leur est refusée dans
la réalité ».
Dans certains cas, pour l’individu, l’autre n’existe pas en tant que tel et il sombre dans un
repli autistique (Psychoses). Dans d’autres cas, l’autre existe, mais uniquement en tant
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Texte provisoire – Diffusion interdite
2.9. Identité
L’identité ne fait point partie des concepts de base en psychanalyse. Celle-ci évoque par
contre la notion d’identification. Le « moi » se constitue en grande partie par identification
aux autres. Les autres nous pousseraient à développer en nous des façons d’être identiques à
ce que nous observons chez autrui. Plus qu’imitation, le processus d’identification constitue
une réelle appropriation au point que nous finissons par croire que ces façons d’être relèvent
plus de notre nature propre que de l’autre.
L’identification serait ce « processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect,
une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le
modèle de celui-ci La personnalité se constitue et se différencie par une série d’identifications
» (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, 1967).
Pour Freud, si on « épluche » notre personnalité, on enlève les identifications comme on
enlève les pelures d’un oignon et on arrive au noyau de notre être. Le noyau de notre est non-
verbal et s’ancre dans les besoins physiologiques. La représentation ne vient qu’ensuite,
donnée par les interprétations de la mère. Par contre, pour Mélanie Klein, ces représentations
existeraient dès la naissance un proto-moi, un proto-noyaux capables de pulsions partielles et
de fantasmes archaïques.
Par contre, pour Lacan, si on pèle un oignon jusqu’au bout, on n'atteint aucun noyau : il ne
reste que le vide. Notre être est donc totalement « aliéné » (au sens qu’il n’est le produit que
de l’autre). Toutes les représentations ne viennent comme chez Freud, que secondairement
mais à l’opposé, il n’y a pas de noyau ou de pro-noyau, même bio-physiologique.
2.10. Angoisses
Angoisse de morcellement
Le stade oral débute par un sous-stade narcissique qui correspond à l’état de non-
différenciation mère-enfant; les seuls états reconnus sont 1'état de tension opposé à 1'état de
quiétude (absence de tension). La mère n'est pas perçue comme objet externe ni comme
source de satisfaction. La « relation » est de type fusionnel. Compte tenu de l’absence de
différenciation sujet/objet, les tensions déclenchent une angoisse de néantisation.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Peu à peu, avec la répétition des expériences, en particulier avec les expériences de
gratifications orales et de frustrations orales le premier objet partiel, le sein (« objet » qui
apaise), commence à être perçu. L’identité est encore perçue comme un agrégat fragile de
sensations corporelles et de fantasmes. Les tensions majeures sont interprétées comme une
angoisse de morcellement. Cette angoisse se caractérise par crainte de perdre le sentiment de
propre unité, un effondrement tant psychique que corporel.
Exemple, ce patient, dont l’épouse vient de le quitter, est pris d’une angoisse massive et envisage de la tuer
puis de mettre le feu à la maison commune. Il ne différencie pas la maison réelle et ce que celle-ci représente
pour lui (un cocon où il recevait ce qu’il n’avait pas reçu pendant son enfance et qu’il désire, par rage de
frutrastion, détruire puisqu’il l’a perdu). Plus en profondeur, il veut détruire sa mère qui n’a pas su l’aimer ! La
maison et l’épouse sont ici condensées6 dans l’image de la maison. Pour fuir ces représentations insupportable,
ce patient se réfugie tantôt dans des passages à l’acte violents (agir pour ne pas penser), tantôt dans des conduites
addictives (anesthésier la pensée). On n’observe pas de délire franc, ce qui semble exclure a priori une
psychose ! Pourtant, lors des entretiens, sa pensée semble décousue et entravée par des nombreux barrages7. Ses
émotions, de nature très archaïques – haine, avidité, sentiment d’être persécuté –, semblent s’adresser à des
objets partiels plus qu’à des personnes : la maison, des objets, le regard d’une infirmière, une parole isolée
entendue dans un couloir, etc. L’anamnèse révèle que la mère l’a abandonné après la naissance. Livré au seul
soin d’un père alcoolique, il a été placé dans une institution, puis une autre vers l’âge de 6 mois. Le tableau fait
donc songer à une psychose sans symptôme positif (sans délire, ni hallucination).
La dépression mélancolique ou dépression psychotique porte sur un vécu de perte lié
l’objet sexuel primordial – la mère - qu’il a perdue, qui l’a déçu à un moment précoce du
développement psychique. Le patient reporte alors sa libido sur son « moi » (retrait social) et
s’adresse à lui-même les reproches (idées de ruine) et l’agressivité qu’il nourrissait au départ à
l’égard de l’objet sexuel primordial.
Vers la fin de 1a première année, la mère commence à être reconnue dans sa totalité, ce qui
introduit l'enfant dans le domaine de la relation d'objet total. Cette phase a été l'objet de
nombreux travaux ultérieurs: stade de l’angoisse de l’étranger de Spitz, position dépressive de
M. Klein. La notion d'étayage rend compte selon Freud de l'investissement affectif du sein
puis de la mère: en effet l'investissement affectif s'étaie sur les expériences de satisfaction qui
elles-mêmes s'étaient sur le besoin physiologique. Dans ces conditions, les tensions majeures
progressent vers l’angoisse de perte d’objet. La relation est alors dite anaclitique au sens où
l'enfant s'appuie sur l’objet interne (monde intrapsychique) et réel (des personnes pour
surmonter ses tensions).
Le premier contact entre le patient et le psychothérapeute peut être envisagé comme un
espace d'étayage objectal. Le patient tend, en fonction de sa structure de personnalité à
rechercher de la part du thérapeute ce qu'il obtient habituellement de ses relations
interpersonnelles.
Julie consulte suite à une rupture sentimentale. L’anamnèse révèle que cette patiente a connu une longue
série d’échecs amoureux dont la structure invariante est la suivant : elle rencontre un homme, tombe amoureuse,
puis sombre rapidement dans des angoisses liées au fait qu’elle pense que son compagnon ne l’aime pas et va la
quitter. Elle tente de s’accrocher, mais tôt ou tard l’homme finit par partir. L’anamnèse révèle aussi une relation
conflictuelle avec son père. Celui-ci a quitté sa mère alors que Julie avait 3 ans ! Sa mère a alors fait une
dépression. La thérapie met progressivement une forme de « haine » déguisée en passion amoureuse à l’égard
des hommes.
La dépression anaclitique se différencie ici de la dépression mélancolique en ce que le
sujet est constitué en objet total. Il souffre néanmoins d’un sentiment d’incomplétude total
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Angoisse de castration
Au cours de la phase phallique, l'objet de la pulsion est le pénis. Il ne s’agit pas seulement
du pénis conçu comme un organe génital, mais du pénis conçu comme organe de puissance,
de complétude narcissique. Cet objet introduit l'enfant dans la dimension de l'angoisse de
castration. Le déni de la castration a pour but pour l'un comme pour l'autre sexe de protéger
l'enfant contre cette prise de conscience.
La possession du pénis est progressivement reliée à la possibilité pour l’enfant de posséder
la mère et d’entrer en rivalité avec le père. Par conséquent, la castration prend une dimension
relationnelle. Le fait d’être castré(e) est ce manque qui empêche le bonheur total, la
possession de la mère au cours de l’oedipe. Par la suite, l’enfant, puis l’adolescent et l’adulte
seront sans cesse en quête de la possession de ce qui manque pour atteindre le bonheur total.
Parcours qui, s’il se déroule bien, sera parsemé de deuils et de renoncement (on ne peut pas
tout avoir) et de projets et de sublimations (on ne peut néanmoins s’en approcher en
fournissant un « travail » : les études, une activité professionnelle, une activité artistique, un
engagement pour une cause, etc.).
Marcel est envoyé par son médecin pour une dépression. Marcel est en conflit avec son
chef de service. Il a longtemps occupé un poste à responsabilité dans un statut de type
« faisant fonction » sans avoir passé l’examen. Il a enfin passé et réussi l’examen, mais il a
fait récemment l’objet d’une évaluation négative et il risque une rétrogradation. Marcel pense
que son responsable, « très politisé », a été volontairement injuste afin de libérer le poste qu’il
occupe pour y placer un « poulain » plus docile. L’anamnèse révèle que lorsqu’il était enfant,
chacun de ses parents, toujours en conflit, le poussait à prendre parti contre l’autre parent.
La dépression névrotique renvoie donc à un vécu de « manque à avoir » et non de
manque à être comme dans la dépression mélancolique ou anaclitique. Elle se caractérise par
la notion de castration – thèmes de frustration, d’incomplétude, d’impuissance – et s’inscrit
dans un cadre oedipien, càd dans un cadre mettant trois personnes, perçues en tant qu’objet
total.
Angoisse et pulsion
Freud a évolué dans sa manière de penser le lien entre angoisse et pulsion. Dans ses
premiers écrits, il pensait que l’absence de satisfaction de la pulsion tranformait la tension
initiale en angoisse (pulsion => refoulement => angoisse).
Par la suite, il voit l’angoisse comme un signal d’alarme informant le « moi » que la
pulsion est interdite, ce qui provoque le refoulement (pulsion => angoisse => refoulement).
Comment, selon Freud, l’appareil psychique organise-t-il ses expériences ? Il propose une
l’idée que les pensées, au sens large (càd conscientes ou inconscientes, intellectuelles ou
émotives), sont reliées entre-elles dans une chaîne associative. Chaque individu construirait
sa propre chaîne selon son vécu, son histoire.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Avec le temps, des nœuds associatifs seraient élaborés à partir des expériences les plus
importantes. Plus importantes parce que culturellement essentielles (par exemple, l’oedipe)
ou parce que marquante : un traumatisme ou, au contraire, la réparation d’un traumatisme. On
peut encore se représenter la chaîne associative comme un réseau reliant des souvenirs de
toute nature : verbaux (mots, concepts) ou non verbaux (émotions, odeurs, schèmes moteurs,
etc.).
risquerait de biaiser la parole du patient qui risque alors d’infléchir sa pensée en fonction de
ce qu’il perçoit comme étant souhaitable de dire au clinicien pour satisfaire ce dernier.
À la longue, le clinicien, et le patient commencent à percevoir le déroulement de la chaîne
associative et les nœuds associatifs révélateurs de la personnalité, des conflits et, le cas
échéant, des traumatismes vécus par le sujet. Il importe de noter que dans la méthode des
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Texte provisoire – Diffusion interdite
2.12. Projection
Au cours de son histoire, l’homme fait des expériences et en conserve des traces dans sa
mémoire. Toutefois, avant l’émergence du langage - vers 18 mois – il s’agit d’une mémoire
avant tout sensorielle (et émotionnelle). Ce type de mémoire conserve donc les traces de nos
expériences précoces. Par ailleurs, on peu montrer que la façon dont nous percevons les
formes était probablement héritière de l’évolution de notre espèce. Ainsi, lorsque nous
regardons passer les nuages, il nous est relativement aisé d’y percevoir des visages, des
animaux, des cartes géographiques, etc. Cette aptitude semble avoir été acquise en des temps
primitifs, à une époque où, pour des raisons de survie, l’homme a dû apprendre à reconnaître
très vite si une forme représentait une menace, un prédateur ou une ressource (fruit, gibier) ou
même un visage ami ou ennemi.
Il tout à fait plausible que nos expériences infantiles précoces soient appréhendées à l’aune
de ce mécanisme et que ce dernier organise et structure la façon dont nous percevons,
stockons et rappelons nos premiers souvenirs. La façon dont nous percevons est
probablement tributaire de ces traces, de ces formes de connaissances archaïques, elles-
mêmes associées à des émotions fortes (On se rappelle ici que les zones du cerveau qui
prennent en charge la mémoire sont aussi celles qui prennent en charge les émotions). En un
mot nous percevons le présent en fonction de la façon dont nous avons appris à percevoir dans
le passé. C’est le principe de base de la projection.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Ce mécanisme, essentiellement basé sur la vision, est à l’œuvre lorsque nous contemplons
une peinture, un paysage et sans doute parfois lorsque nous dessinons ou peignons. L’accès à
la pensée symbolique, puis au langage vient ensuite déposer une seconde « couche »
d’information sous forme de symbole, d’archétypes, de stéréotypes qui, de part leur nature,
sont davantage influencé par la transmission de la culture et les expériences psychologiques
plus tardives comme la problématique oedipienne.
Il y aurait donc deux couches mnésiques.
La première couche, archaïque et pré-langagière (avant 18 mois), conserverait des
souvenirs sans mots constitué d’émotions brutes et de perceptions elles-mêmes organisées
autour de thématiques précoces : danger/securité ; connue/inconnue ; familier/effrayant ;
bon/mauvais ; moi/non-moi ; etc.
La seconde couche, s’appuierait sur des symboles et le langage et renverrait à des
expériences plus tardives (2 ans à 6 ans).
Pour Freud, la projection est un mécanisme psychologique où le sujet attribue chez l’autre
un matériel psychique (qualités ou défauts, sentiments, craintes ou désirs) qu’il méconnaît ou
refuse en lui parce que « insupportable ». Ce mécanisme est donc essentiellement défensif.
La notion de projection prend aussi ici une nouvelle signification car elle s’appuie sur les
notion économie, dynamique et topiques développés ci-dessus.
Toujours est-il que ce mécanisme de projection, relativement banal, est exploité dans les
méthodes projectives comme le Rorschach ou le TAT. On présente un matériel relativement
neutre – dans le Rorschach, il s’agit de taches d’encre qui ne sont, en soi porteuse d’aucune
signification – et que l’on présente au sujet en lui demandant de dire ce qu’il voit et ce que
cela signifie pour lui sans aucune restriction. Dans un premier temps, le clinicien note les
paroles du sujet, verbatim (telles quelles). Il recueille de la sorte les associations libres et
personnelles du sujet, ses chaînes associatives.
Parce que ce matériel est a-signifiant, et que la consigne contraint l’individu a lui en
attribué une ; ce dernier est contraint de convoquer les traces, essentiellement conservées dans
la mémoire et de les « projeter ». En outre, s’agissant du Rorschach, les tâches étant des
figures abstraites et arbitraires, les traces projetées sont essentiellement celles conservées dans
la première couche de la mémoire. Le Rorschach permettrait donc de mettre à jour les
expériences précoces de l’appareil psychique. Celles qui, si elles ont été mal négociées,
révèlent des perturbations de la personnalité qui renvoient à des troubles psychotiques. La
psychose est une trouble grave de la personnalité où la perception de la réalité et du « sois »
est profondément altérée. Par exemple : une difficulté à différencier ce qui est soi et ce qui ne
l’est pas (d’où les délires d’intrusion ou d’influence) ou encore à situer le siège de sa pensée
(d’où l’impression d’entendre voix). Lors de l’examen des réponses, on y sensible aussi à la
forme des perceptions (globale ou dans le détail), qu’aux contenus (humain, animal, abstrait),
la couleur et même à l’illusions de mouvement (kinestésie). Il s’agit donc bien de schèmes
perceptifs très rudimentaires et archaïques.
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Texte provisoire – Diffusion interdite
Le Thematic Apperception Test (TAT) est un test projectif qui consiste à montrer des
planches, dessins figuratifs représentant des situations sociales variées et ambiguës, et de
demander au sujet de raconter une histoire à partir de ces planches. Le TAT s’adresse donc à
la seconde couche mnésique que nous avons évoquée. Elle met potentiellement en scène la
problématique oedipienne et ses avatars (fonctionnements triangulaires, rivalité, l’ambiguïté
sexualité/agressivité, l’identité sexuelle, etc). La consigne renvoie elle-même aux capacités
narratives du sujet, càd aux capacités à se situer dans un contexte relationnel et temporel là
où le Rorschach ne convoque que la perception brute.
L’analyse des réponses vise à dégager à partir du contenu manifeste, le contenu latent qui
revèle les aspects inconscients du sujet.
Freud avait observé que ses patients réagissaient à son égard, comme ils l'avaient fait
autrefois à l’égard d’une autre personne, généralement une figure parentale, aimée ou crainte,
réelle et, ou imaginaire (imagos parentaux). Il décide de nommer ce phénomène « transfert »
(« übertragung », de "über" - par l'intermédiaire de - et de "tragung" -porter).
Le transfert désigne cet ensemble des réactions inconscientes du patient à l’égard du
clinicien héritées de son histoire. Le patient confond le thérapeute avec son propre père, sa
propre mère, un membre de sa famille, un personnage important etc. Laplanche et Pontalis le
définissent comme « le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent sur certains
objets dans le cadre d’un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre
de la relation analytique. Il s’agit là d’une répétition de prototypes infantiles vécue avec un
sentiment d’actualité marqué » (Vocabulaire de psychanalyse).
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3. Nosologie psychanalytique
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pas ego syntone, intégré par le moi comme dans un délire, par exemple);
b) le maintien d'un contact « raisonnable » avec la réalité sociale et objective.
Ces deux critères sont d'ailleurs liés: ne pas être halluciné, ne pas délirer, percevoir la
réalité commune, c'est être capable d'autocritique.
Par rapport au groupe des démences, le critère de délimitation essentiel est l'absence de
détérioration des fonctions intellectuelles et affectives. La distinction entre inhibition
fonctionnelle, donc névrotique, d'une fonction et sa détérioration définitive correspondant à
un processus lésionnel, est d'ailleurs cliniquement loin d'être toujours facile ».
Pour des auteurs comme Winnicott, les sujets « borderlines » - ou « Etats limites » -
présentent un état apparent d’allure névrotique, mais qui masque en fait des formes de
fonctionnement psychiques proches de ce qu’on observe chez les psychotiques. Selon
Bergeret, les « Etats limites », à l’inverse des psychotiques ou des névrosés, ne présentent pas
de structure de personnalité stable. Ils semblent osciller entre psychose et névrose sans jamais
trouver d’équilibre.
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b) Ce délai doit être mis à profit pour « penser » (avant l’agir et non à sa place)
et pour « négocier » avec les autres – donc les respecter - afin d’aboutir à
une satisfaction pulsionnelle suffisante.
Exemple 1 - Que faire, par exemple, d’un sentiment violent d’attirance sexuelle à l’égard
d’une autre personne ?
Il se peut que le psychotique, dans son indifférenciation, vive sa pulsion comme quelque
chose venant du dehors pour le persécuter et l’anéantir. Il fuira ou se mettra à « haïr » cette
personne ou même l’agresser.
Le borderline reliera sa pulsion à la nécessité de s’accrocher et de coller à l’autre (et il
pourra devenir violent s’il a, ne fût-ce que l’impression, que cet autre pourrait lui faire
défaut).
Le pervers tentera de « tromper » l’autre pour le soumettre à son désir. Il assouvira sa
pulsion en réduisant l’autre à l’état de simple objet. Il usera des mécanismes « d’emprise », il
sera manipulateur. Comme un pick-pocket, il va attirer l’attention de sa proie d’un côté, sur
une dimension qui la sensibilise, pour l’asservir d’un autre côté où il progressera furtivement.
Le névrosé « inachevé » se tourmentera ne pas pouvoir assouvir sa pulsion, oscillant entre
culpabilité s’il tente de l’assouvir et angoisse de castration, s’il n’y parvient pas. Il cherche
des compromis pour trouver un minimum de satisfaction sans trop de culpabilité. Par
exemple, en allant voir des prostituées, en consultant des sites pornographiques en recourant à
des fantasmes sexuels. C’est ce que le cinéma de Woody Allen met généralement en scène et
c’est pourquoi nous en rions tant (nous rions de nous même).
Le névrosé « achevé » (grâce à la psychothérapie ou a des rencontres opportunes) parvient
à jouir pleinement tout en demeurant dans le compromis et la négociation. Il maximise son
plaisir en le sublimant. Il va faire la cour à celui/celle dont il souhaite conquérir le cœur. Il
va accepter le délai et le mettre à profit pour apprendre à écouter l’autre, le reconnaître et se
donner à connaître. Il va écrire des poèmes, composer de la musique, prononcer des paroles
justes (car il a a investi du temps et de l’énergie à apprendre à connaître l’autre) qui vont droit
au cœur. Bref, l’autre est pris et reconnu en tant qu’être total et libre et il accepte de lui
donner le choix (et le prix à payer en cas d’échec), sans le tromper tant en faisant de son
mieux pour que la balance penche en notre faveur.
Exemple 2 - Que faire, par exemple, pour obtenir une promotion/emploi/avantage ? (Pour
la démonstration, posons la hiérarchie suivante : A>B>C. Exemple : Directeur, chef, employé
ou Directeur, enseignant, élève).
Laissons ici de côté le psychotique et le borderline qui sont en général rapidement dépassés
par ce genre de situation. La distinction qui nous intéresse ici ce situe entre entre le pervers et
le névrosé.
Si le névrosé tente de jouer globalement le jeux en respectant les règles – exhiber ses
qualités et masquer ses faiblesses - le pervers va tenter de tordre les règles. Il peut ainsi :
- Se rapprocher aussi souvent que possible de ceux qui ont du pouvoir A afin de tenter de
les séduire au lieu de faire valoir ses qualités ;
- Grossir artificiellement ses qualités et masquer frauduleusement ses défauts ;
- Initier ou participer à des coalitions (B1, B2 contre Bn) niées afin d’affaiblir les
concurrents « sérieux » (c’est un des principes de certains jeux télévisuels où les
médiocres s’associent pour faire tomber les « meilleurs ») ou user de triangulation
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Vous le constatez, inutile de visiter des prisons et des groupes mafieux pour rencontrer des
pervers. Ils sont nombreux et omniprésents. Surtout dans une société fondée sur l’argent et la
consommation et qui encourage :
- Le refus de la frustration ;
- L’abolition du délai au profit du passager à l’acte ;
- L’abolition de la pensée au profit d’activités stériles, futiles et abrutissantes;
- Les stratégies perverses et les coups tordus : peu importe les moyens, ce qui compte
c’est le résultat ; réussir. Et que le plus fort gagne.
Ces entités nosologiques seront étudiées en profondeur en master dans le cadre du cours
« Approche psychothérapeutiques psychodynamiques » dans le module de psychologie
clinique systémique et psychodynamique.
Selon Racamier (1979), sa présence s’exprime au début dans trois registres: dans la psyché
de la mère, en tant que substitut maternel, auprès de la mère, en tant personnage spécifique,
auprès de l’enfant.
Si la mère ne laisse pas de place au père dans son psychisme (par exemple, parce que son
propre père a été défaillant), elle insuffle la méfiance, le rejet, voire la haine du père. Si le
père se montre « absent » ou « déficient », il cautionne cette attitude ou encore il encourage
son épouse à surinvestir l’enfant entravant ainsi le processus de différenciation.
Par la suite, l’enfant découvre progressivement le père en tant que différent de la mère sur
le plan sexuel : voix différente, dialogue corporel et tonique différent, rapport au monde
différent. Par la suite, il comprend ce qui provoque les interruptions dans le contact avec sa
mère – contact qu’il voudrait permanent – c’est cet être différent sur le plan sexuel qu’est le
père. L’enfant – toujours en quête de sens – associe ensuite la différence des sexes et les
« absences » de la mère. Le sexe devient un atout dans la capacité de conserver ou de perdre
l’amour de la mère. Le père devient à la fois objet de désir (il faut obtenir de lui ce qui le
rend si attractif) et objet de haine en tant que rival. La voie de l’oedipe est alors ouverte.
Si le père ne prend pas sa place, il permet à la mère de maintenir un lien fusionnel avec
l’enfant. Il prend du retard dans son développement, ne s’autonomise pas, ne se différencie
pas. C’est un abus par inclusion. Ou bien encore, si la mère est négligente ou maltraitante, il
risque de ne pas faire barrage en atténuant ou en suppléant la mère.
Le père, s’il a mal résolu son propre conflit oedipien, va riposter aux attaques de son fils et
entrer dans le jeu de la rivalité. Il va se montrer dominateur, agressif et humiliant et
compromettre la résolution de l’oedipe de son fils. À l’égard de sa fille, il peut entrer dans le
jeu de la séduction et entretenir un climat incestueux sans nécessairement passer à l’acte. Sa
fille ne peut elle non plus la résolution de l’oedipe. C’est alors à la mère de faire barrage en
prenant sa place d’épouse. Faute de quoi, elle entre en collusion inconsciente avec le père.
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Par exemple, si celui-ci joue le jeu de la séduction avec sa fille et si la mère n’y fait pas
obstacle, le risque de passage à l’acte incestueux devient important. C’est un abus par
effraction.
En réalité, ce qui précède concerne plutôt le père « symbolique » que le père biologique.
La fonction « symbolique » - en tant que tiers régulateur – peut être joué par une autre femme
(grand-mère, compagne de la mère, sœur), un autre homme (beau-père, grand-père, oncle) et
ensuite n’importe quel homme ou femme. L’activité professionnelle ou les loisirs de la mère
– en tant qu’instance séparatrice – participe également de la fonction « symbolique » du père.
Par contre, le père biologique demeure irremplaçable dans deux registres. Le premier
dépend des liens d’attachement et d’affection qui se sont construits pendant les premières
années. Le second est lié à la question des origines. Comme nous allons le voir dans l’étude
des fantasmes ci-dessous, tous les enfants ont besoin de s’inscrire dans une double lignée –
paternelle et maternelle – quelle qu’ait été la qualité de chacune de ces lignées. Ce qui
explique pourquoi, tôt ou tard, les enfants abandonnés ou négligés éprouvent le besoin d’aller
à la rencontre de leurs parents biologiques.
Racamier (1979) a répertorié les diverses formes cliniques de frustration précoce et leurs
conséquences pathogènes : absence ou carence dans les soins, frustrations affectives : rejet
manifeste ou masqué de l’enfant, affectivité froide, maladresses répétées symptomatiques
(chutes, échaudages, …).
Ces frustrations peuvent être liées à des facteurs conjoncturels (dépression maternelle) ou
structurels (mère immature ou psychotique ou avec un trouble de la personnalité).
Ces frustrations peuvent aussi être corrigées et atténuées par l’entourage (facteurs de
protection). Le père, la famille élargie et par la suite un milieu social jouent un rôle
important, notamment en tant que soutien de la mère lorsque la difficulté est passagère, en
tant que substitut lorsque la difficulté est chronique.
Une vie sans aucune frustration est impossible. Lorsque ces frustrations demeurent à un
niveau gérable par le psychisme, le sujet a le temps d’élaborer des mécanismes de défense
(voir ci-dessous) qui ne le handicapent peu, voire pas du tout en cas de sublimation.
L’angoisse prédominante est l’angoisse de castration.
Par contre, si aucun mécanisme ne vient corriger les frustrations (absence de facteurs de
protection), l’évolution psychique est compromise et peut déboucher à son tour sur des
pathologies chroniques et des angoisses de perte d’objet (Voir Bergeret ci-dessous). La
gravité de ces pathologies dépend d’autres paramètres comme : la précocité des frustrations
(plus elles sont précoces, plus elles sont péjoratives), la durée et l’intensité des frustrations, la
présence d’autres éléments tels que des complications lors de la grossesse et/ou durant
l’accouchement, des facteurs de vulnérabilité à certaines maladies, des facteurs toxiques
(alcoolisme maternel, tabagisme, mauvaise alimentation, etc).
Des frustrations précoces intenses et répétées finissent par s’inscrire de manière
irréversible dans le développement biologique, en particulier au niveau du système nerveux.
C’est alors qu’il faut, selon nous, parler de trauma. L’intensité peut être telle qu’une agonie
psychique se déclare. Le terme « agonie » souligne cette idée que le psychisme est menacé
d’anéantissement. L’angoisse de morcellement (mort du Moi) prédomine (Voir Bergeret ci-
dessous).
Un trauma, plus intense que la frustration, est généralement lié à une expérience d’effroi.
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La sublimation est un mécanisme de défense qui a réussi. La pulsion est dérivée vers un
nouveau but non sexuel et socialement acceptable n'impliquant pas un renoncement de la
sexualité, mais sa maîtrise. La sublimation peut s'envisager selon deux points de vue
complémentaires qui rassemblent les différentes approches.
Le refoulement est une opération mentale qui, à l’instigation du Surmoi, vise à renvoyer
vers l’Inconscient un matériel psychique inacceptable pour le conscient.
9 http://www.aph-metaphore.com.fr/infirmier/borderline.html
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Les modalités du refoulement sont un des critères qui permettent de différencier les
différentes formes de névrose.
Les pulsions (les flèches noires) partent de l'inconscient (1) et doivent traverser le Moi (2)
pour atteindre leur objet (a).
Toutes ces pulsions ne sont pas acceptables et le Moi va devoir s'en protéger. Pour cela, il
utilise ici les mécanismes de défense normaux. Avec le refoulement, la pulsion ne traverse pas
le Moi, elle reste inconsciente. Grâce à la sublimation, le Moi détourne la pulsion
"inacceptable" de son objet initial (a) vers un objet mieux valorisé socialement et acceptable
par le Moi (a') »10.
Le matériel refoulé n'est pas détruit mais transformé et peut resurgir dans les rêves, les
actes manqués et les lapsus, les délires et les symptômes névrotiques. D'un point de vue
économique, le refoulement est une opération qui exige une dépense d'énergie (contre-
investissement) ; le névrosé éprouvera donc secondairement des symptômes déficitaires :
troubles de la mémoire, de l'attention, de la concentration intellectuelle, etc.
Dans le refoulement, la représentation R et l’affect qui lui est liée A (en relation avec
l’objet « obj ») sont repoussés dans l’inconscient. Mais, l’énergie du matériel ainsi refoulé
tente de s’écouler et émerge sous la forme d’un symptôme, d’un rêve, d’un lapsus, d’un acte
manqué ou d’une production artistique, voire plusieurs de ces formes en même temps.
La régression. - C'est le retour à des formes plus anciennes d'expression et de
comportement. Ainsi, en psychiatrie, on évoquera la régression foetale du catatonique
pelotonné sur sa couche. L'énurésie, l'encoprésie, le confinement au lit, l'abandon dans une
dépendance infantile à l'égard des autres sont des formes de régression. Dans le domaine
sexuel, la régression se manifeste par des choix d'objets prégénitaux (onanisme, perversions
sexuelles diverses... ).
La conversion : La défense est réalisée par transposition du conflit psychologique dans le
10 http://www.aph-metaphore.com.fr/infirmier/borderline.html
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domaine somatique.
Dans un premier temps, la représentation (R) est coupée de l’affect (A). Celui-ci, coupé de
sa signification (R), peut alors émerger sans danger sous forme d’un symptôme corporel :
paralysie, engourdissement, etc. Néanmoins, la nature de la conversion rappelle
indirectement la représentation. Par exemple, on devient « sourd » par ce qu’on cherche à
éviter à entendre une représentation dérangeante ou encore, la main qui permet des
masturbations compulsives se paralyse. La représentation (R) est quant à elle refoulée dans
l’inconscient.
Dans le cas de frustrations graves et répétées débouchant sur un vécu traumatique, ces
mécanismes de défense ne suffisent plus. Afin de faire face à l’angoisse de mort (crainte de
l’anéantissement du Moi), le sujet doit élaborer d’autres mécanismes, certes efficaces, mais
extrêmement coûteux : clivage, déni. Dans ce cours, nous nous limiterons au clivage.
Le clivage consiste à séparer le moi ou l'objet afin de faire coexister deux parties séparées
qui se méconnaissent. Le clivage se produit de telle sorte qu’une partie du moi continue à
prendre en compte la réalité, alors que l’autre partie se détache de la réalité. On comprend
dès lors que ce mécanisme est constant dans les psychoses, dans le trouble borderline et dans
certains troubles dissociatifs que l’on rencontre chez des personnes qui ont été violées ou
torturées. Le patient se voit lui-même ou autrui comme étant "tout bon" ou "tout mauvais". Il
échoue à faire cohabiter dans ses représentations les défauts et les qualités de chacun.
À l’état clivé, le psychisme risque de perdre le contact avec la réalité et se retrouve dans un
état de perte du sens (puisque chaque partie clivée n’a pas accès à l’information située dans
l’autre partie). Le délire et les hallucinations – symptômes apparents – constituent autant de
tentatives – vouées à l’échec - de récupération, de reconstruction du sens.
« Le trouble psychotique serait une pathologie narcissique. Le Moi est défectueux et il
n'est plus capable de se protéger efficacement des pulsions "archaïques" issues de
l'inconscient. L'état limite (borderline) est une situation intermédiaire, une partie du Moi est
11 http://www.aph-metaphore.com.fr/infirmier/borderline.html
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saine (la partie épaisse sur le schéma) et une autre partie (la partie fine) est défaillante et elle
se protège mal des pulsions (…). Sa fonction consiste à isoler la partie saine du Moi de la
partie défectueuse afin de la protéger d'un envahissement psychotique. L'inconvénient de ce
mécanisme de défense pathologique est qu'il fait perdre l'unité du Moi (…) Si l'objet d'une
pulsion inacceptable est en regard de la partie saine du Moi, celle-ci pourra être refoulée par
contre la partie défaillante du Moi la laissera passer. Dans ce dernier cas, le Moi utilisera des
mécanismes de défenses psychotiques (projection, idéalisation, identification).»12
Ce mécanisme explique aussi ce rapport « étrange » que le psychotique entretient avec son
propre corps et sa pensée : difficulté à situer la frontière entre soi et non-soi (avec parfois un
vécu d’effraction et de viol du corps, vécu d’intrusion de certaines pensées ou croyance en
l’aptitude de lire dans les pensées), difficulté à percevoir son psychisme comme le siège de
ses propres pensées, expériences corporelles inquiétantes (organes en putréfaction, vécu de
modification corporelle), vécu de persécution, transfert éclaté (sur plusieurs personnes ou
encore lorsque le patient reconstitue puis projette des morceaux de personnalité de sujets
différents sur l’infirmière ou le psy.
Malheureusement, il semble que dans les cas les plus graves, le clivage constitue un
processus irréversible.
12 http://www.aph-metaphore.com.fr/infirmier/borderline.html
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4. BREVE DISCUSSION
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- L’étayage fondamental repose, chez Freud, sur la satisfaction des besoins sexuels
(notions de pulsions et de stades). Ce qui l’oppose en particulier aux théories de
l’attachement qui proclament que les besoins sexuels sont secondaires par rapport
aux besoins d’attachement (infra). Mais aussi aux vues de Winnicott qui voit dans la
« préoccupation maternelle primaire » un besoin fondamental.
- La pathologie psychique trouve son origine dans le passé au travers des frustrations
précoces (par carence ou par excès) ou des traumatismes (abus, maltraitances) vécus.
Ces frustrations et/ou traumatismes laissent une trace.
- Cette trace dépend du stade où les frustrations et/ou les traumatismes ont été vécus.
Ceux-ci bloquent la vie psychique (fixation). Par exemple, un traumatisme important
se produit au stade oral (période où la différenciation soi/non soi s’élabore), le risque
de troubles identitaires est plus important que s’il se produit au stade anal.
- La vie psychique interne – gouvernée par les pulsions, les défenses et la vie
fantasmatique – est en rapport avec les premières expériences de la vie relationnelle.
- La pathologie mentale peut résulter d’expériences traumatiques par défaut (carences,
abus) ou par excès (empiètement).
- La psychanalyse ne se résume pas à Freud. Elle peut même remettre en question
certains aspects importants de la théorie initiale.
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ANNEXE I
La légende d'Oedipe13
Oedipe, fils de Jocaste et de Laïos, naît à Thèbes. Son père, le roi de la ville, l'abandonne à sa
naissance au sommet d'une colline, craignant la prédiction de l'oracle. Celui-ci avait prédit
qu'Oedipe tuerait son père et épouserait sa mère. L'enfant, les chevilles percées et attachées
par une corde à un arbre, provoque la pitié d'un berger qui le recueille et le confie à Polybe, le
roi de Corinthe, qui ne peut avoir d'enfants. La reine Péribée lui donne le nom d'Oedipe qui,
en grec, signifie "pieds gonflés".
Oedipe grandit à Corinthe jusqu'au jour où, poussé par la curiosité, il suit la route de Delphes
pour consulter l'oracle d'Apollon. Ce dernier ne lui révèle aucun secret sur ses origines et lui
annonce qu'il tuera son père et épousera sa mère. Croyant que Polybe et Péribée sont ses
véritables parents, il tente de fuir son destin. Sur son chemin, son cheval se fait tuer par le
cocher de Laïos et réagit en tuant les deux. Seul un serviteur réussit à se sauver.
En arrivant à Thèbes, Oedipe rencontre le Sphinx, monstre qui terrifie la ville. Il parvient à
résoudre les deux énigmes posées par le Sphinx et ce dernier, vaincu, se jette du haut d'un
précipice. Grâce à ses exploits, Oedipe est proclamé roi de la ville et épouse Jocaste. Ils
donnent naissance à quatre enfants.
Une épidémie, due selon l'oracle à la présence en ville du meurtrier de Laïos, s'abat sur la ville
de Thèbes. Oedipe part à la recherche du coupable mais Jocaste apprend du serviteur qui avait
pu s'enfuir que son mari est l'assassin. Jocaste, terrifiée à l'idée d'avoir épousé son fils,
s'étrangle avec un lacet. Quant à Oedipe, il s'arrache les yeux et fuit Thèbes pour trouver asile
à Athènes avec sa fille Antigone. Depuis la mort d'Oedipe, la ville est bénie par les dieux.
13 D’après http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/9899/jeu03/Oedipe.htm
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Chapitre 5
Théories de l’attachement
Les théories de l’attachement puisent leur fondement dans la rencontre d’un psychanalyste
– John BOWLBY – avec l’éthologie. L'éthologie étudie l'animal dans son cadre de vie
normal et non en laboratoire comme le font les béhavioristes et néo-béhavioristes.
Les fondateurs de l'éthologie sont K. LORENZ ET N. TINBERGEN. L’œuvre DE EIBL-
EIBESFELDT représente une indispensable introduction théorique pour qui veut se
familiariser plus à fond avec la méthodologie de travail en éthologie. Les notions d'empreinte
et de territoire sont essentielles. Pour plus de détails, on se référera à LORENZ (1984) ainsi
qu’au chapitre 4 de ce cours.
Héritages de l’éthologie
Nous avons vu au chapitre 3 que des éthologues comme LORENZ ou HARLOW avaient
apporté des contributions importantes dans la compréhension des mécanismes de base lors de
la construction du lien entre la mère et le bébé dans le monde animal.
Ainsi LORENZ a mis en évidence la notion d’« empreinte » pour désigner le phénomène
par lequel un oisillon prend, dans les heures qui suivent l'éclosion, intègre les caractéristiques
de sa mère et en même temps de son espèce et entame des comportement de « poursuite » à
l’égard de sa mère. Il a aussi mis en évidence des comportements d’appétence pour l’état de
repos, chez les oiseaux. Cette quête ne s’apaise qu’en présence d’une certaine configuration
de stimuli. Par exemple : beaucoup d’oiseaux vivant en milieu marécageux ne peuvent pas
trouver de repos tant qu’ils ne sont pas accroché à une tige, tournées vers le haut, dans un
endroit abrité. Par analogie, BOWLBY a observé des comportements d’appétence pour l’état
de repos, chez les bébés qu’il a associé au sentiment de sécurité.
De son côte, on se rappelle que HARLOW a démontré la nécessité d'un lien d'attachement
entre le bébé Rhésus et la mère, ainsi que toutes les implications qu'entraînait ce manque
d'attachement.
Héritages de la psychanalyse
Les théories de l'attachement prennent leur racine dès le début du 20ème siècle. Ainsi un
certain HERMANN, un contemporain de FERENZI, défend déjà l'idée de besoins primaires.
Le psychanalyste anglais FAIRBAIRN propose d'abandonner la théorie de la pulsion.
Anna FREUD constate quant à elle les effets terribles de la séparation durable. Aux Etats-
Unis un courant se développe et tend à dénoncer les effets de l'institutionnalisation. On
retrouve notamment à la tête de ce courant René SPITZ
L’examen des points de convergence et de divergence entre les théories de l’attachement et
la psychanalyse est très éclairant, mais dépasse le cadre du présent exposé. Retenons
toutefois que les psychanalystes estiment que l’étayage fondamental est lié à la satisfaction
des besoins biologiques et sexuels (et leur élaboration fantasmatique), les théoriciens de
l’attachement pensent que l’étayage fondamental est lié à la satisfaction des besoins
d’attachement et de tendresse.
Mais l'auteur réellement fondateur des théories de l'attachement est bien sûr John
BOWLBY. Celui-ci né en 1907 dans un milieu qu'il décrit comme aisé mais peu attentif sur le
plan affectif.
Au début, les travaux de BOWLBY ont été profondément marqués par les thèses de
DARWIN. Dans cette perspective, les théories de l'attachement, ou plus précisément les
systèmes d'attachement, procurent un avantage sélectif à l'espèce en ce qu'il garantit la
protection de la progéniture. De même chez l'humain, on observe une tendance à maintenir
une proximité entre la mère et l'enfant.
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John BOWLBY
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que ce rapport le rende célèbre, ses théories ont apporté une polémique avec les mouvements
féministes, avec les milieux hospitaliers et avec les collègues psychanalystes.
En 1946, BOWLBY travaille à la Tavistock Clinic à Londres au sein d’un orphelinat. Son
attention fut très vite attirée par le niveau anormalement élevé de mortalité chez les jeunes
enfants, en particulier entre 5 et 12 mois.
Les soins qu’ils recevaient ainsi que les conditions sanitaires de l’établissement étaient
pourtant satisfaisants. Il ne semblait donc pas y avoir de cause objective à cette surmortalité.
Spitz s’aperçut alors que la mort ne venait qu’achever un processus qui exprimait une
rupture de la communication de l’enfant avec son environnement : Cela commençait par des
problèmes de nutrition jusqu’à un refus complet d’alimentation. Le bébé devenait également
inexpressif, bougeait de moins en moins, avec une atonie du corps et du visage. Au bout de ce
cycle, l’enfant devenait si vulnérable que n’importe quelle maladie pouvait l’emporter. Spitz
parlera alors de syndrome d’hospitalisme pour désigner ce marasme psychique de l’enfant.
Cependant, ce syndrome ne touchait pas tous les bébés de la tranche d’âge observée. Ceux
qui étaient considérés par le personnel comme les plus « difficiles », les plus agités, donc ceux
qui sollicitaient le plus l’intervention des infirmières n’étaient pas touchés par ce syndrome.
C’était plutôt les bébés que l’on qualifie de « sages » qui étaient concernés.
Spitz en déduit alors que ce qui instituait la différence, c’était la fréquence des interactions
que le bébé avait avec les adultes qui s’occupaient de lui, et que ces interactions étaient vitales
aussi bien physiquement que psychiquement, apportant l’amour et la sécurité affective
nécessaire au développement de l’enfant. De là la formule de Spitz devenue célèbre : «
L’amour maternel est aussi important que le lait ».
Cette observation doit nous faire réfléchir face à des patients « difficiles ». De tels
comportements ont pour effet d’attirer l’attention du personnel soignant et d’accroître les
interactions le patients. « Mieux vaut une interaction conflictuelle que pas d’interaction du
tout » semble être le « leitmotiv » qui gouverne le comportement de tel patient ! ce type de
stratégie de « coping » sensé protéger la personne de l’abandon peut parfois produire l’effet
contraire : le rejet ! Ce « leitmotiv » est susceptible d’expliquer, du moins en partie, pourquoi
certaines femmes s’accrochent à un partenaire violent (Femmes battues) ou encore pourquoi
bon nombre des enfants maltraitants supportent en silence des parents violents !
Fonctions de l’attachement
Ces fonctions ont pour but d’assurer protection et réconfort à l’enfant, en particulier
lorsque celui-ci perçoit une menace. Cette menace peut être réelle ou simplement perçue
comme telle (un bruit soudain et inhabituel). Elle peut provenir du monde extérieur ou de
perceptions corporelles désagréables (faim, froid, coliques et bientôt de l’« imagerie »
mentale que l’enfant à propos de ses relations avec le monde).
Si les réponses de l’entourage sont appropriées, l’enfant, il développera un sentiment de
sécurité stable qui lui donneront le désir et la confiance pour explorer le monde. Au cours de
cette exploration, des surprises l’attendent, tantôt agréables, tantôt désagréables. Dans ce
second cas, l’enfant revient régulièrement vers la mère afin de restaurer un niveau de sécurité
puis il repart en exploration. Ce schème, répété un certain temps, conforte le bébé, renforce
sa sécurité de base et lui permet d’élargir son champ d’expérience et d’exploration.
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A
partir de
cette
C'est à Marie AINSWORTH une psychologue canadienne que l'on doit une prolongation
expérimentale des théories de BOWLBY.
En 1960, elle met au point une situation standardisée – La Strange Situation Procedure
(S.S.P.) est constituée de sept épisodes de 3 minutes. Cette étude a clairement mis en relation
les catégories d'attachement qui sont au nombre de trois à cette époque et le style de
maternage.
D'autres chercheurs tels que BRETHERTON ou SROUFE, qui sont élèves de
AINSWORTH, vont mener une série d'études qui montreront les corrélations de
l'attachement secure avec les relations au père et avec la capacité d'ajustement au milieu.
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La manière dont l’enfant se comporte au moment où il se trouve réuni à son parent montre
comment il a vécu les séparations et comment le parent arrive à l’apaiser. Cette procédure
permet de classer les enfants dans une des catégories suivantes :
A. secure (Fréquence : 60%)1
B. insecure/anxieux-évitant (15%)
C. insecure/anxieux-ambivalent (10%)
D. insecure/désorganisé-désorienté (Catégorie D) (15%)2
1
Fréquence relativement stable dans les pays occidentaux.
2
Cette catégorie ayant été mise en évidence ultérieurement, les sujets de cette catégorie ont été d’abord répartis
dans les 2 autres groupes insecures.
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Codage
Un enfant sécurisé (secure) fera confiance au parent, ne pensera pas qu’il est abandonné et
anticipera la scène où il se verra conforté. Même s’il marque quelque désappointement d’être
laissé seul, il sera rapidement réconforté par le retour du parent. On observe généralement les
comportements suivants : protestations lors des séparations (surtout la seconde) ; accueil
enjoué de la mère à son retour ; l’enfant reprend ses jeux après avoir été réconforté.
Un enfant insécurisé (insecure) se comportera de manière différente selon la nature de son
angoisse (types A, C ou D). On observe généralement les comportements suivants dans le
groupe B (évitant) : l’enfant semble peu affecté par la séparation ; il évite les contacts ; il
n’accueille pas sa mère au retour de celle-ci ; il se focalise sur son jeu. On sait pourtant que
ces enfants sont déjà aux prises avec un niveau de stress élevé dans les premiers mois de la
vie. En effet, Gunnar et al (1996) ont montré que les lignes de base de cortisol étaient plus
élevées chez des nourrissons exposés à l'insécurité, en particulier ceux du groupe B.
Dans le groupe C, l’enfant montre de la détresse lors des séparations (anxiété); il mélange
la recherche de contact et le rejet coléreux (ambivalence) ; il est difficile de le réconforter lors
des retrouvailles.
Le groupe D se manifeste par des comportements à la fois du groupe A et C, sans grande
cohérence (désorganisé) avec des attitudes bizarres et stéréotypées.
Validité et fidélité
La procédure exige une formation importante. À cette condition, la fiabilité interjuges est
bonne. La stabilité à court et moyen terme est également bonne. On considère aujourd’hui
que la Situation Etrange (S.S.P.) n’est peut-être pas aussi adaptée pour évaluer la relation
père-enfant que pour évaluer la relation mère-enfant (les pères prodigueraient la sécurité par
d’autres moyens).
3
https://saylordotorg.github.io/text_introduction-to-psychology/s10-growing-and-developing.html
166
Texte provisoire – Diffusion interdite
On s’est demandé si ce qui était mesuré n’était pas tant la sécurité d’attachement que la
capacité ou la volonté de l’enfant à contrôler son anxiété. Toutefois les corrélations trouvées
par AINSWORTH entre les comportements durant la S.S.P. et les comportements à la maison
ne plaident pas en faveur de cette hypothèse. La S.S.P. semble donc bien mesurer la sécurité
d’attachement.
Parents effrayants
167
Texte provisoire – Diffusion interdite
En l’absence de réconfort, de tuteur de résilience dirait Boris Cyrulnik, ces enfants doivent
affronter non seulement des sources externes de stress (bruits soudains, étrangers, …) mais
aussi internes (rage, colère et même la haine comme nous le verrons avec Mélanie Klein en
master).
Les enfants doivent alors faire face seuls à ces affects intenses et pénibles. Ils ont peur de
mourir ou d’être détruits et d’éclater en morceaux. Nous avons vu au chapitre 2 que dans ces
cas, ces expériences d’effroi abiment le système nerveux, en particulier, les hippocampes où
siège la mémoire épisodique. Il s’agit d’une donnée qui va être exploitée par Mary Main.
168
Texte provisoire – Diffusion interdite
Aux alentours des années 1982, une autre élève de AINSWORTH, Mary MAIN, qui est
basée à Berkeley en Californie, mène une étude sur quarante familles de niveau social moyen
et dont les enfants ont été suivis de la naissance jusqu'à l'âge de 6 ans. Elle met au point avec
son équipe un entretien structuré qu'elle utilise avec les mères, tandis qu'elle utilise la
situation étrange pour observer les relations mère-enfant. Avec son équipe, elle a ensuite
procédé à la transcription et au codage des entretiens avec les parents. Ils sont alors frappés
par la correspondance entre la classification de la sécurité de l'enfant et les récits des parents.
L’entretien structuré et la technique de codage qui va avec est appelé "Adult attachement
interview" (AAI). Des illustrations de ce questionnaire et du principe de codage seront
présentées au cours.
Cette procédure permet de classer les sujets dans une des catégories suivantes :
Il est frappant que cette répartition est a peu de choses près identique dans toute les culture
ce qui suggère qu’il s’agit d’une constante anthropologique.
Codage
Les sujets secures font des récits cohérents6 de leur passé (même difficile) et ont la
possibilité d’explorer librement leurs pensées. Ils ont accès à l’ensemble de leur souvenir ; ils
portent un regard objectif sur leurs relations, sans tenter de reformuler leur histoire selon un
modèle plus désirable, sans tenter d’idéaliser, de nier, de justifier ou minimiser les actes de
leurs parents. Ils identifient bien les incidences émotionnelles des expériences négatives sur
leur vécu actuel. Au niveau de la forme du discours, ces sujets respectent les principes de
GRICE7, en particulier le principe de coopération.
Les sujets insecures-détachés font des récits qui sont incohérents (les anecdotes racontées
contredisent les appréciations générales qu’ils formulent à l’égard de leur lien avec les figures
d’attachement). Les récits sont également très pauvres : ils évitent la discussion sur les
questions d’attachement ; ils évitent toute évaluation négative de leurs parents et de leur
enfance ou font des tentatives exagérées pour tenter de justifier les actes parentaux. Ils se
montrent souvent incapables de se souvenir. Et lorsque le souvenir persiste malgré les
défenses, les cognitions sont isolées des émotions ; le sujet semble désaffecté. Enfin, ils ne
peuvent mesurer l’impact de leurs expériences passées sur leur vécu actuel. Au niveau de la
forme du discours, ces sujets transgressent la maxime de quantité (discours pauvre, évasif) et
de qualité (récits qui ne s’appuient pas sur des événements probants).
Les sujets insecures-préoccupés font des récits très fournis mais « à côté du sujet »
(quantité excessive d’informations, digressions). À l’inverse des « détachés », ils semblent
envahis sur le plan émotionnel (tristesse profonde, colères mal contenues, irritation, manque
4
D’après van IJZENDOORN at al. (1986), cité par MILJKOVITCH (2001).
5
Cette catégorie ayant été mise en évidence ultérieurement, les sujets de cette catégorie ont été d’abord répartis
dans les 2 autres groupes insecures.
6
Entre mémoires sémantiques et épisodiques.
7
Cfr Annexe
169
Texte provisoire – Diffusion interdite
de recul) par leur histoire. Ils ne semblent pas encore dégagés de leurs relations, s’expriment
souvent de façon infantile, ont tendance à répéter les propos tenus jadis par les parents. Il leur
est difficile d’être autonome et de penser par eux-mêmes. Au niveau de la forme du discours,
ces sujets transgressent la maxime de pertinence (répondent à côté).
Les sujets désorganisés produisent des récits désorganisés tant sur le plan de la forme que
du contenu. Les repères temporels et spatiaux sont brouillés (le clinicien a lui-même des
difficultés pour rétablir la chronologie). Lorsqu’il évoque des événements traumatisants
mêmes anciens, le sujet semble revivre la situation comme si elle se produisait maintenant
(effet de persistance). Les souvenirs sont principalement constitués d’images sensorielles8.
Le sujet semble parfois perdre le contact avec la situation d’entretien.
L’utilisation de l’ Adult Attachment Interview dans des contextes cliniques a montré que
les expériences traumatiques et de perte est très commune dans les échantillons psychiatriques
(Steele & Steele, 2000). En particulier, le sujet “états-limites” sont fréquemment associés à
des interviews de type “unresolved and insecure-preoccupied interviews”. Les troubles
alimentaires sont liés à des interviews de type unresolved and insecure-dismissing interviews.
Les sujets suicidaires ont souvent des protocoles de type unresolved and ‘disorganised’
interviews. En psychologie légale, les prisonniers incarcérés à la suite de crimes présentent
une incidence élevée d’abus durant l’enfance une prévalence importante de profils insécures
(dismissal and/or preoccupation). L’AAI ne doit toutefois pas devenir un instrument de
diagnostic. Néanmoins, il peut être utile pour identifier des profils inter-personnels
particuliers parmi des sujets porteurs par ailleurs de symptômes identiques.
On trouvera en annexe III la synthèse des styles d’attachement lors de l’AAI/
8
. Dans certaines situations, cela peut aller jusqu’à des vécus hallucinatoires ou des phénomènes de
dépersonnalisation.
170
Texte provisoire – Diffusion interdite
Des équipes de plus en plus nombreuses effectuent des recherches sur le nourrisson et le
jeune enfant en s'inspirant des principes éthologiques. Ces études se centrent en général sur
les interactions mère-enfant ou entre enfants du même âge (observations dans les écoles
maternelles ou les crèches). L'accent est mis sur les comportements préverbaux de l'enfant, les
travaux récents cherchant à « décrypter » un véritable code de communication préverbale.
171
Texte provisoire – Diffusion interdite
inclinaison latérale de la tête...) et des séquences qui entraînent une rupture de lien, un recul,
une fuite ou une agression (ouverture de la bouche avec émission d'une vocalisation aiguë et
projection en avant d'un bras ou d'une jambe). En fonction de la fréquence d'occurrence de ces
conduites, Montagner décrit divers types comportementaux (leaders, dominants agressifs,
dominants fluctuants, dominés craintifs, dominés agressifs...) qui semblent en partie corrélés
au type d'attitude de la mère et changer avec l'attitude de cette dernière, du moins jusqu'à 3
ans. Toutefois cet essai de typologie n'est pas admis par certains auteurs.
Etudes des interactions sociales des enfants à la crèche. Analyse films image par image: 90
comportements (descriptions physiques = acte matériel qui indique les descriptions
fonctionnelles) – 6 catégories (descriptions fonctionnelles):
1. Offrandes
2. Sollicitations
3. Menaces
4. Actes de saisie
5. Agressions
6. Isolements
Le rôle du père étant mieux établi de nos jours, qu’en est-il des relations dans le cadre
triadique ?
Une méthode consiste à procéder à des mesures liées aux contenus des échanges non-
verbaux. Ce type de communication est effet moins susceptible de subir les biais liés à la
conscience d’être observé. (C’est pour cette raison que la communication non-verbale a attiré
l’attention des chercheurs s’intéressant au mensonge).
Le jeu trilogique de Lausanne développé par et son équipe (FIVAZ-DEPEURSINGE & al.
, 2001) constitue une illustration remarquable de ce type d’approche.
FIVAZ-DEPEURSINGE (2001) a développé un système d’observation et codage des
interactions parent-nourrisson (triangle primaire). Compte tenu de la grande spécificité de
cette approche, celle-ci sera abordée dans le cadre des travaux pratiques.
172
Texte provisoire – Diffusion interdite
173
Texte provisoire – Diffusion interdite
174
Texte provisoire – Diffusion interdite
175
Texte provisoire – Diffusion interdite
Existe-t-il un ou plusieurs modèles internes opérants par personne ? Si cela semble être le
cas chez le jeune enfant, cela est moins clair en ce qui concerne l'adulte. Selon MAIN chacun
développerait un état d'esprit général. Cela supposerait qu'un seul modèle de l'enfance soit
retenu. L'autre alternative consisterait à penser que différents modèles développés durant
l'enfance fusionnent en un seul mais dans ces conditions on pourrait alors se demander
comment un sentiment de soi pourrait émerger dans de telles circonstances.
Néanmoins c'est ce que propose CRITTENDEN (1990) qui suggère que nous disposons
d'un méta-modèle c’est-à-dire d'un modèle généralisé qui comprendrait en même temps
plusieurs sous-modèles, chacun spécifique à une relation donnée. Cette notion serait
compatible avec la notion de faux self chez WINNICOTT ou du clivage de la personnalité.
Nous avons vu que les M.I.O. étaient relativement stables durant la vie adulte en dehors de
la survenue d'événements particuliers. Il est donc plus que probable que ces M.I.O. vont
structurer et organiser les relations amicales et amoureuses de l'adulte.
Elles vont l'organiser lors du choix du partenaire et de la rencontre mais aussi dans la suite
de la construction ou de la non-construction de la relation de couple. Ainsi si lors de la
rencontre et des périodes dites de flirt c'est le système d'attachement qui est surtout activé, on
va observer si la relation se poursuit à un rééquilibrage entre le système d'attachement et le
système exploratoire.
Une autre forme d'équilibre doit également être trouvée entre les deux partenaires en tant
que chacun est à la fois donneur et receveur du soutien, d'attention, de sécurité et d'amour.
Un troisième d'équilibre doit être trouvé entre quatre systèmes de comportement à savoir la
reproduction, l'attachement, la sexualité et les soins parentaux. Bien souvent, les qualités du
partenaire idéal sont celles qui sont liées au partenaire qui saura réduire l'inconfort de l'autre
partenaire ou éventuellement qui respectera ses modalités défensives.
Un enfant secure est un enfant qui sait utiliser l’adulte comme base de réconfort pour
s’ouvrir au monde et aux autres. En ce sens, le concept d’attachement s’oppose à celui de
dépendance. Un enfant dépendant, au contraire, a sans cesse besoin de réconfort et il n’est
jamais satisfait de ce que l’adulte lui donne. Envahi par une éternelle quête de réconfort, il ne
peut mobiliser son énergie pour explorer, s’ouvrir au monde et aux autres.
Normal ou pathologique
Il serait hâtif de décréter que les enfants secures seraient normaux et que les enfants
insecures seraient anormaux. S’il est vrai que les personnes secures sont moins nombreuses
dans les groupes cliniques, les stratégies relationnelles de maximisation (insecure/anxieux) ou
de minimisation (insecure/détaché) constituent au contraire des adaptations réussies face à des
situations difficiles.
Le caractère « pathologique » est moins lié à l’appartenance à une catégorie qu’au prix que
l’enfant paie pour s’adapter. En d’autres termes, tout dépend de l’intensité et du coût des
176
Texte provisoire – Diffusion interdite
stratégies dites « insecure ». C’est pourquoi, dans la perspective clinique, une évaluation
dimensionnelle est préférable à une évaluation catégorielle.
4. Implications psychothérapeutiques
Le contexte d'une psychothérapie peut être assimilé à une situation où l’on établit une base
de sécurité suffisante. Il s'agit également d'une situation de séparation/retrouvaille. C'est donc
la discontinuité même des rencontres avec le psychothérapeute qui crée un contexte propice à
faire émerger les problématiques de séparation et de retrouvaille.
Ceci est important à noter dans la mesure où dans les contextes institutionnels, en présence
d'éducateurs ou d'infirmières, le dispositif de soins s'inscrit dans une continuité. Cette
continuité peut être rendue nécessaire pour certains patients. Néanmoins elle n'est pas la
panacée universelle et c'est dans de tels contextes que le travail du psychothérapeute peut
inscrire une forme de différenciation dans le dispositif de soins : la discontinuité dans la
continuité9.
Dans la perspective des théories de l'attachement, la place de la réalité c'est-à-dire des faits
réellement vécus par le client dans son enfance a beaucoup plus d'importance que dans
l'approche psychanalytique. Ceci est lié, nous l'avons vu, au fait que Freud a substitué la
théorie du fantasme à la théorie de la séduction.10
Le contexte de la psychothérapie est susceptible d'activer le système d'attachement dans la
mesure où il s'agit d'une rencontre d'une personne en recherche de soins et d'une personne
pourvoyeuse de soins. Cette situation surtout si la personne se présente en situation de
vulnérabilité, de crise, a toutes les chances de mobiliser chez l'un et chez l'autre les stratégies
d'attachement typique. Le patient peut alors faire une expérience de soins qu’il n'avait jamais
vécue jusqu'alors. C'est alors que l'on peut parler d'une expérience émotionnelle correctrice.
Le concept d'alliance thérapeutique largement développé en systémique peut être envisagé
ici comme un équivalent de la base de sécurité que le psychothérapeute établit avec le patient.
On peut parler d’une expérience relationnelle correctrice dans la mesure où le thérapeute
s’engage dans un mode relationnel différent de ceux affichés par les figures d'attachement
habituelles du patient. Il existe aussi un attachement du psychothérapeute au patient et qui
peut renvoyer au concept de contre-transfert.
Le thérapeute invite le patient à une forme d’auto-réflexion, d'exploration de son passé qui
devrait permettre une prise de distance par rapport à ses modes habituels de pensée et qui
devrait permettre l'établissement de nouveaux modèles internes opérants.
La relation avec le thérapeute peut aussi être assimilée à une forme de partenariat corrigée
quant au but (voir ce concept ci-dessus). Le thérapeute est en outre une sorte de compagnon
qui peut supporter et contenir les émotions intenses. Il est enfin comme la figure
d'attachement espérée, disponible, fiable. Pour certains patients, cette expérience de stabilité
peut être entièrement nouvelle et inconnue pour eux.
9
.En centre de jour, c’est l’inverse : on installe une continuité dans la discontinuité.
10
Pour un auteur comme Alice Miller la théorie du fantasme a fait beaucoup de dégâts et a largement contribué
à l'absence de reconnaissance des faits d'abus et de maltraitance sexuelle.
177
Texte provisoire – Diffusion interdite
Pour les spécialistes de théorie de l'attachement le travail thérapeutique est une co-
construction. En effet, ils travaillent avec le sujet à la construction d'une histoire cohérente de
sa propre vie. Il s'agit de l'acquisition d'une compétence narrative. Cette approche fait songer
à l'approche constructiviste et surtout constructionniste dans le champ des thérapies
systémiques. Ceci n’est pas le fruit du hasard dans la mesure où ces deux approches,
constructivisme/constructionnisme et théories de l'attachement, ont une base : l'influence du
philosophe GRICE (Cfr Annexe II).
DE SON COTE, BYNG-HALL a tenté la jonction entre théorie de l'attachement et
thérapie familiale. Il introduit notamment le concept de scripts familiaux. Il s'agit de
scénarios, de séquences interactionnelles où les schèmes d'attachement sont répétés. Il
propose un travail dont la philosophie consiste à réécrire avec la famille ces scripts familiaux.
Dans le même esprit, BYNG-HALL (1995)11 a mis au point le « Family Separation Test »
(F.S.T.). Ce test a l’avantage d’être facilement administrable durant une thérapie. Avant la
thérapie, on demande aux parents s’ils sont d’accord de participer à un test très simple. On
leur donne alors des instructions écrites. Les enfants ne sont pas avertis de ce qui va se
produire, comme dans la S.S.P, de telle sorte qu’ils peuvent supposer que ce sont leurs parents
qui prennent les décisions. Les parents doivent quitter la pièce à un signal donné par le
thérapeute et laisser seuls les enfants avec le thérapeute. Ils doivent revenir dans la salle au
bout de 6 minutes, en entrant ensemble et en restant côte à côte durant 5 secondes avant de
réagir naturellement.
Cette procédure permet de révéler :
1° des difficultés éventuelles en cas de séparation
2° les comportements de réconforts éventuels entre pairs durant la séparation
3° les comportements d’attachement éventuels envers le thérapeute
4° Quelle est la principale figure d’attachement de l’enfant lors du retour des parents
5° les indices quant à la nature de l’attachement qui lie chaque enfant à chaque parent
11
. in BYNG-HALL, 1995, p. 20.
178
Texte provisoire – Diffusion interdite
Dans la littérature, la notion de « caregiver » est associée aux parents, mais aussi aux
membres d’une équipe thérapeutique.
Relation parent-enfant
Dans ce cas, les parents sont les « caregivers ». La relation repose des « compétences
parentales » tels que : la capacité de percevoir les signaux de l’enfant, la capacité de les
interpréter correctement, la capacité y répondre adéquatement et rapidement.
On peut observer ces compétences en scrutant les regards réciproques, les expressions
faciales, les interactions verbales, le rythme des échanges, le dialogue tonique (toucher,
maintien postural, distance).
Dans un groupe de mère d’enfant de type insecure-désorganisée, Lyons-Ruth (2005) a
mis en évidence une diversité́ de profils de comportements de la mère et du nourrisson que
l’on peut distinguer deux groupes principaux.
Groupe impuissant/craintif
12
Ainsi, nous avons souvent observé que de nombreux patients psychotiques répétaient, dans leurs délires ou
dans des mises en scènes comportementales, des modèles familiaux intériorisés.
179
Texte provisoire – Diffusion interdite
Groupe hostile/auto-référentiel
Unthought Known
Ces stratégies désorganisées, y compris leurs composants défensifs et conflictuels, sont des
exemples de ce que Christopher Bollas a appelé le «Unthought Known». Je veux dire les
représentations non conscientes, implicites, procédurales des processus interactifs qui se
développent pendant la petite enfance, avant que le système mnésique explicite, associé avec
les images ou les symboles conscients, ne soit disponible (Lyons-Ruth, 1999).
Même dans notre échantillon très stressé et à bas revenu, les enfants dont les mères
manifestent des patterns de communication affective non perturbée ont un taux bas de
désorganisation de l’attachement. Les enfants dont les mères manifestent des patterns de
communication affective perturbée (hostile ou impuissant) ont un taux de désorganisation
jusqu’à 5 fois plus élevé.
Nous voyons ces deux profils maternels, hostile et impuissant, comme des positions
complémentaires dans un système dyadique, dans lequel l’un a besoin de dominer et l’autre se
sent impuissant à prendre des initiatives. Nous pensons ainsi qu’un modèle dyadique de
relation hostile-impuissant sous-tend la diversité des profils maternels.
En accord avec l’idée que les modèles dyadiques sont internalisés, nous voyons que beaucoup
de parents manifestent des patterns de comportements mixtes qui incluent aussi bien les
éléments hostile/ auto-reférentiel que les éléments impuissant/craintif de l’interaction avec
l’enfant. Ces relations très déséquilibrées de dominance-soumission conduisent à des réponses
contradictoires d’hostilité-impuissance envers l’enfant, réponses qui ont pour double effet de
rejeter et d’intensifier les comportements d’attachement de l’enfant. Ces combinaisons de
comportements contradictoires chez la mère suscitent en retour des comportements
contradictoires chez l’enfant, sous forme de comportements désorganisés vis-à-vis du parent.
180
Texte provisoire – Diffusion interdite
Accordage affectif
Stern dénomme « accordage affectif » le fait que l’imitation puisse traduire le passage
d’états internes de la mère au bébé et réciproquement, par la contagion d’affect.
Exemple :
Un nourrisson de 9 mois frappe de la main un jouet de consistance douce, d’abord avec une colère, puis,
progressivement, avec plaisir, exubérance, et humour. Il adopte un rythme régulier. La mère adopte ce même
rythme et dit « kaaaaaaa-bam, kaaaaaaa-bam », « bam » coïncidant avec le coup sur le jouet, et le « kaaaaaaa »
accompagnant le moment où le bras du bébé s’élève et reste suspendu en l’air, moment plein de suspense, avant
de frapper le jouet. Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’une simple imitation du comportement du bébé
par la mère. Celle-ci utilise une autre modalité (la voix, dans cet exemple) que celle par laquelle le nourrisson
s’exprime (le geste). L’« appariement » mère-nourrisson est intermodal ou transmodal.
L'accordage affectif prend des éléments discrets d'interactions et les introduit dans un
mouvement d'accordage presque musical par lequel les actions des deux sujets s'orientent
autour d'une action commune pour faire sentir une émotion ou une intention autre que
l'événement discret exprimé. En d’autres termes, il y a ici une mise en phase, une
syncrhonisation des états internes du bébé et de la mère.
Selon STERN, les conduites d’accordage peuvent être observées dès les premières
interactions mère-nourrisson. Mais c’est vers 9 mois environ que l’accordage affectif est
pleinement développé, car c’est vers cet âge que les bébés « découvrent qu’ils ont une psyché
et que d’autres personnes ont des psychés séparées ».
Par ailleurs, divers travaux en psychopathologie ont montré que la mère, lorsqu’elle
s’écarte trop du nourrisson – parce qu’elle est déprimée, par exemple – plonge ce dernier dans
un désarroi important. Les expériences basées sur le paradigme du « Still Face » indiquent
combien l’enfant est perturbé dans ce type de condition et à quel point il lutte pour rétablir le
contact avec sa mère et provoquer un réaccordage (STERN, 1997). On ne peut exclure que
certains enfants « moins expressifs » plongent leur mère dans un désarroi tel que celle-ci
n’arrive plus à prendre contact avec son bébé. À ce titre, il est concevable que mère et bébé
se façonnent mutuellement. Dans un tel contexte perturbé, on conçoit que la conjonction de
l’attention, compétence pré-requise à toute forme de communication, ne soit pas mise en
place correctement et hypothèque les échanges futurs entre l’enfant et son environnement.
Relation parent-personnel
Dans ce cas, le personnel peut être perçu par les patients comme des « caregivers ». La
relation repose des compétences similaires à celle énoncées ci-dessous. Cependant, dans ce
cas, il n’y a pas de relation de filiation entre caregivers et patients, mais on observe
fréquemment des mouvements similaires à ce que les psychanalyses appellent
« transfert/contre-transfert ».
Nous proposons la définition suivante du concept d’accordage, inspirée des travaux de
Daniel Stern (1989) et que nous avons adapté aux relations patients-personnel. L’accordage
est un type d’interaction fondé par une chaîne d’ajustements comportementaux et affectifs
allant du « donneur de soin» au « receveur de soins» et inversement. Cette interaction
aboutit à une expérience affective organisatrice de la pensée, des affects et des
comportements en cas de succès de l’ajustement (accordage) ou au contraire déstructurante
en cas d’échec de l’ajustement (désaccordage). L’accordage constitue le socle sur lequel un
espace intersubjectif peut se construire.
181
Texte provisoire – Diffusion interdite
Nous pensons que l’étude des relations précoces mère-enfant nous en apprend beaucoup à
propos des relations patient-personnel. Cette piste mérite d’être explorée de manière
approfondie.
Il semble de mieux en mieux établi que l’attachement désorganisé conduit plus souvent a
troubles psychopathologique à l’adolescence ou l’âge adulte.
Ces études suggèrent en outre que les difficultés mentales et émotionnelles peuvent
survenir plus tard dans la descendance de parents qui n’ont pourtant en aucune façon maltraité
leur enfant, voire de parents habituellement sensibles aux signaux de l'enfant et de la
communication (Hesse et Main, 1999).
Par contre, ce qui apparaît, c’est que des parents ayant eux-mêmes subi des conditions
difficiles pendant leur enfance, peuvent manifester des émotions et des comportements
subtilement effrayants. L’enfant est alors pris dans une situation paradoxale : la source de son
effroi (son ou ses parents) se trouve être aussi la source de réconfort Hesse et Main, 2000).
En outre, ce type de contexte rappelle en partie la notion de double contrainte décrite par
Bateson.
Enfin, la contenance du thérapeute, concept clé chez Winnicott, semble bien être une
réponse appropriée à ces patients qui viennent tester notre possible "effroi" à leur contact.
Lyons-Ruth (2005) a réévalué 50 des 70 nourrissons avec leurs parents à l’âge de 19 ans.
Elle avait à disposition plusieurs mesures indépendantes de la qualité des soins pendant les
18 premiers mois de la vie : présence de comportements hostiles-intrusifs vis-à-vis du
nourrisson (codés sur la base d’enregistrements vidéo d’interactions à la maison), mesure des
troubles de la communication de la mère avec l’enfant évaluée en laboratoire à 18 mois.
Toutes ces mesures étaient liées à l’incidence de symptômes borderline à l’âge de 19 ans.
L’auteur souligne à raison que « C’est la première fois que l’on peut confirmer la relation
entre la qualité des soins du nourrisson et des symptômes borderline à l’adolescence sur la
base d’une méthode prospective fondée sur l’observation plutôt que sur la base de rapports
rétrospectifs fournis par le sujet lui-même. Les résultats soulignent l’importance à long terme
des échecs précoces de la régulation intersubjective dans la relation affective parent-
nourrisson ».
Des études ont montré que 89 % des nourrissons abusés ou négligés manifestaient des
comportements d’attachement désorganisé vis-à-vis du parent (Carlson et al. , 1989). Il est
toutefois important de ne pas faire l’équation entre désorganisation et abus, puisque
approximativement 15% des nourrissons à bas risque manifestent néanmoins un attachement
désorganisé (van Ijzendoorn et al. , 1999).
Néanmoins, si on accepte l’idée que notre vie psychique et relationnelle est conditionnée
par nos expériences passées, certaines perturbations devraient conduire plus que d’autres à
des troubles de la personnalité.
182
Texte provisoire – Diffusion interdite
Koulomzin & al. (2002) ont observé des enfants de 4 mois en présence de leur mère. Il est
apparu que plusieurs comportements spécifiques constituaient de bons prédicteurs du style
d’attachement à l’âge d’un an.
Ces comportements spécifiques – Regards vers la mère, orientation de la tête vers la mère,
autocontacts et mises en bouche. Tronick (1989) avait déjà suggéré que si l'enfant ne pouvait
pas suffisamment influer sur le comportement de la personne donneuse de soin, au travers de
signaux affectifs, celui-ci se tournait alors vers d'autres stratégies de régulation, autorientée,
comme regarder ailleurs pendant de longues périodes, orienter le corps dans une direction
opposée à l’interlocuteur, adopter des comportements auto-apaisants tels que l'auto-contact ou
des comportements liés à la sphère buccale.
Conclusion
En conséquence, nous savons, d’une part que le style d’attachement à 12 mois est lié à des
perturbations de la relation à la mère à 4 mois Koulomzin & al. (2002). D’autre part, le style
d’attachement à 18 mois est lié l’incidence de symptômes borderline à l’âge de 19 ans
(Lyons-Ruth, 2005). Enfin, on sait que les nourrissons au prise avec un niveau de stress élevé
dans les premiers mois de la vie ont des lignes de base de cortisol plus élevées (Gunnar et al.,
1996).
183
Texte provisoire – Diffusion interdite
ANNEXE I
Aperçu du type de critère permettant de catégoriser les styles d’attachement
184
Texte provisoire – Diffusion interdite
185
Texte provisoire – Diffusion interdite
ANNEXE II
Apports de la philosophie du langage - Travaux de GRICE
GRICE (1979) ouvre sa réflexion sur la notion d’implication conversationnelle : le sens de ce qui est dit n’est
pas forcément immédiat et doit être inféré. Ainsi, si A est debout à côté d’une voiture immobilisée et que B
s’approche, l’échange suivant peut se dérouler :
Dans cet échange, B a inféré des propos de A qu’il cherchait où se procurer de l’essence.
Ce mécanisme est parfois sciemment utilisé pour amener des interlocuteurs à inférer une information sans
prendre la responsabilité de transmettre celle-ci.
Règle de conversation
Les règles qui gouvernent les transactions entre les humains – du moins celles qui requierent la collaboration
(transaction coopérative) – sont également implicites.
Pour GRICE (1979), la conversation n’est qu’une forme parmi d’autre de transaction coopérative (telle que
chercher à détecter une panne, pratiquer un sport collectif, etc.). Le principe de coopération, qui est au cœur de
ces transactions se décline en un certain nombre de règles que l’on peut regrouper en quatre catégories
principales : Quantité, Qualité, Relation et Modalité.
Chaque catégorie comprend une ou plusieurs règles qui, bien qu’implicites, sont généralement connues des
interlocuteurs. En fonction du contexte et des finalités de la conversation, ces interlocuteurs respecteront ou, au
contraire, transgresseront ces règles.
Si elles étaient explicitées et codifiées, ces règles seraient formulées comme suit :
Catégorie Quantité
« Que votre contribution contienne autant d’informations qui doit être fournie ». Cette première règle
constitue une qualité stylistique plus connue sous le terme de « précision ».
« Que votre contribution ne contienne pas plus d’information qu’il n’est requis ». Cette règle est également
bien connue sous le vocable « concision ».
Le non respect de cette seconde règle risque de conduire à des digressions - changements non concerté du
thème (ou glissements thématiques) – ou à la confusion (« De quoi parle-t-on) et à la perte du fil de la
conversation (perte de but13).
Catégorie Qualité
Catégorie Relation
« Parlez à propos » (be relevant), règle que nous qualifierons règle de pertinence. L’idée sous-jacente est que
chaque interlocuteur construit sa réponse en s’appuyant directement sur les propos qui viennent d’être énoncés
antécédemment. Les contributions des participants doivent s’imbriquer et dépendre l’une de l’autre.
Le non-respect de cette seconde règle risque, comme c’est le cas de la règle 2, de conduire à des digressions
et à la perte du fil de la conversation.
13
. Et on sait aujourd’hui, grâce aux travaux des psychologues cogniticiens que la perte de but constitue
précisément une des caractéristiques du fonctionnement mental de certains schizophrènes).
186
Texte provisoire – Diffusion interdite
Catégorie Modalité
Il existe d’autres catégories de règles (esthétique, sociales ou morales), par exemple : « Soyez polis ». Les
quatre catégories exposées ci-avant sont cependant plus essentielles lorsqu’on suppose que le but recherché est
l’efficacité maximale de l’échange d’information.
Ces règles sont ne pas enseignées systématiquement de manière explicite et, lorsque cela est le cas, cette
transmission s’effectue dans le cadre de niveau d’enseignement auquel la plupart des citoyens n’accèdent pas
(Art oratoire14, dissertation philosophique, etc.). Et cependant, la plupart des individus connaissent et maîtrisent
ces règles, même lorsque le niveau d’instruction est peu élevé. À ce titre, on peut estimer ici qu’il s’agit d’une
forme de « savoir » fondamentalement humain et qui puise ses racines dans des comportements
phylogénétiquement ancrés depuis très longtemps.
Celui qui transgresse ces règles s’expose généralement à des critiques. En effet, il existe une norme sociale –
elle aussi implicite – qui exige que ce système de règle soit respecté. Toutefois, la possibilité de les transgresser
est également admis : les contextes de « jeu » où l’on s’attend à ces transgressions : art dramatique (jeu avec les
quiproquos), discours politiques et diplomatiques, plaidoiries d’avocats, publicité ou, et ceci nous intéresse plus
directement, « jeux » familiaux et les communications pathologiques (Communication divergente).
Tout l’art réside dans le fait de transgresser la règle tout en faisant croire aux interlocuteurs qu’on l’a
respectée. La réussite de cette manœuvre confère à son instigateur un avantage sur les autres et, plus
généralement, un surcroît de pouvoir. Cet exercice, poussé à l’extrême, peut conduire à de graves perturbations
de la pensée et du comportement.
14
. le lecteur aura sans doute reconnu les trois grandes qualité du « style » parmi les règles énoncées ci-dessus :
clareté, Précision et concision.
187
Texte provisoire – Diffusion interdite
ANNEXE III
Styles d’attachement – Styles de discours lors de l’A.A.I.
§Secures
§
§Au niveau du fond
§récits cohérents de leur passé (même difficile), entre mémoires sémantiques et épisodiques.
§possibilité d’explorer librement leurs pensées
§ont accès à l’ensemble de leurs souvenirs
§portent un regard objectif sur leurs relations, sans tenter de reformuler leur histoire selon un
modèle plus désirable, sans tenter d’idéaliser, de nier, de justifier ou minimiser les actes de
leurs parents
§identifient bien les incidences émotionnelles des expériences négatives sur leur vécu actuel.
§Au niveau de la forme du discours
§respectent les maximes de GRICE, en particulier le principe de coopération
§Insecures-détachés
§
§Au niveau du fond
§récits incohérents (les anecdotes racontées contredisent les appréciations générales qu’ils
formulent à l’égard de leur lien avec les figures d’attachement)
§récits très pauvres : ils évitent la discussion sur les questions d’attachement ; ils évitent toute
évaluation négative de leurs parents et de leur enfance ou font des tentatives exagérées pour
tenter de justifier les actes parentaux.
§souvent incapables de se souvenir
§lorsque le souvenir persiste malgré les défenses, les cognitions sont isolées des émotions ; le
sujet semble désaffecté
§ne peuvent mesurer l’impact de leurs expériences passées sur leur vécu actuel.
§Au niveau de la forme du discours
§ces sujets transgressent la maxime de quantité (discours pauvre, évasif) et de qualité (récits
qui ne s’appuient pas sur des événements probants).
§Insecures-préoccupés
§
§Au niveau du fond
§font des récits très fournis mais « à côté du sujet » (quantité excessive d’informations,
digressions).
§À l’inverse des « détachés », ils semblent envahis sur le plan émotionnel (tristesse profonde,
colères mal contenues, irritation, manque de recul) par leur histoire.
§Ils ne semblent pas encore dégagés de leurs relations, s’expriment souvent de façon infantile,
ont tendance à répéter les propos tenus jadis par les parents. Il leur est difficile d’être
autonome et de penser par eux-mêmes
§Au niveau de la forme du discours
§transgressent la maxime de pertinence (répondent à côté)
188
Texte provisoire – Diffusion interdite
§Désorganisés
§
§Au niveau du fond
§produisent des récits désorganisés tant sur le plan de la forme que du contenu
§Les repères temporels et spatiaux sont brouillés (le clinicien a lui-même des difficultés pour
rétablir la chronologie)
§Lorsqu’il évoque des événements traumatisants mêmes anciens, le sujet semble revivre la
situation comme si elle se produisait maintenant (effet de persistance)
§Les souvenirs sont principalement constitués d’images sensorielles
§Dans certaines situations, cela peut aller jusquà des vécus hallucinatoires ou des phénomènes
de dépersonnalisation.
§Le sujet semble parfois perdre le contact avec la situation d’entretien
§Au niveau de la forme du discours
§transgressent toutes les maximes de GRICE
189
Chapitre 6
Approches humanistes
La perspective humaniste regroupe des penseurs autour de l’idée centrale que l’être
humain constitue la valeur suprême de toute chose. Cette idée a émergé dès la Renaissance
avec des personnages tels que Erasme ou Montaigne ou des artistes comme Leonard de Vinci.
En tant que courant thérapeutique, l’approche humaniste envisage l’être humain non
comme un être mû par de simples pulsions ou par des stimuli, mais comme un être libre,
conscient de ses choix et doté de compétences. Par conséquent, la thérapie s'appuie sur
l'expérience consciente du client.
L’approche humaniste envisage la nature humaine comme fondamentalement bonne et
orientée à maintenir des relations significatives de bonne qualité dans l’intérêt de soi et
d’autrui. Elle vise à accompagner les personnes dans leur quête de sens. L’anxiété naît de
choix – passés ou à venir - qui ne peuvent être posés de façon authentique et responsable.
En ce sens, le courant humaniste peut également être envisagé comme une perspective
ontologique qui transverse d’autres courants. Ainsi, il est possible de distinguer le courant
humaniste fera davantage appel aux ressources internes positives actuelles et conscientes de
l’individu.
1. Historique et fondements
1.1.Précuseurs
La notion de pulsion de vie des psychanalystes telle qu’énoncée par Sigmund Freud
constitue la première formulation de la notion de compétence. Cependant, la pulsion de vie
peut s’avérer parfois brutale, violente et nécessite un lent travail de socialisation. Pour Freud
et ses disciples, le Ça est premier et se présente comme un réservoir pulsionnel. Or la pulsion
apparaît comme une force brute, une énergie qui ne demande qu’à se libérer, quelles que
soient les conséquences. Le «Moi» n’émerge qu’au terme d’une confrontation avec la réalité,
laquelle exige que la pulsion soit sinon sublimée, à tout le moins contenue ou réprimée.
Par contre, avec Hartman avec son concept de «Moi autonome», on découvre cette fois la
notion de « force positive de croissance ». Chez Hartman, au contraire de Freud, un moi
archaïque (et sain) est présent dès la naissance. Cette idée présuppose que la pulsion n’est pas
Texte provisoire – Diffusion interdite
première à l’inverse de ce que clament la plupart des psychanalystes. On distingue bien ici
une des sources fondamentales de réticence des psychanalystes à l’égard de la résilience.
Néanmoins, dans les faits, bon nombre de psychanalystes travaillent avec la notion de «
parties saines » du moi. De quoi s’agit-il ? L’idée est que, même dans les pathologies les plus
sévères, le psychisme n’est jamais totalement détruit. Le « Moi » peut être conçu comme un
« peau » qui à la fois enveloppe le psychisme, le protège des agressions de l’extérieur et
trouve des compromis entre la réalité et les pulsions inconscientes. Chez Freud, cette « peau
» n’existe pas à la naissance et se forme progressivement au fur et à mesure que le ça se
confronte à la réalité. Chez Hartman, au contraire, le bébé vient au monde d’emblée avec un
proto-moi qui fonctionne bien. En conclusion, le concept de compétence fait débat chez les
psychanalystes.
1.2.Carl Rogers
On ne peut bien comprendre la pensée de Carl Rogers que si l’on prend en compte son
parcours personnel et le contexte de la société américaine au début du XXème siècle.
Carl Rogers a été élevé dans une famille marquée par la religion. Sa formation initiale en
agronomie et son éducation religieuse expliquent, du moins en partie, la foi de cet auteur dans
les capacités positives de l’homme.
Carl Rogers
L’homme de foi pense quant à lui qu’il importe de s’aimer les uns les autres (regard positif
inconditionnel).
Sa formation d’agronome permet également d’expliquer le postulat de compétence sous-
jacent à son système théorique. En effet, telle une graine qui porte en elle toutes les
potentialités de la plante et qui croît de façon naturelle et spontanée, l’homme serait doté
d’une tendance naturelle à développer son soi. Il a juste besoin d’un « terrain » favorable à sa
croissance.
Sa formation en théologie le conduit à étudier les travaux d’Husserl pour qui le monde réel
ne peut être inféré que sur base de perceptions et ceux de Kierkegaard pour qui notre
implication dans le monde donne sens à notre existence. Il s’intéresse plus généralement à la
phénoménologie en tant qu’étude des données immédiates de la conscience. . Son intérêt pour
la philosophie Zen implique qu’il fait sienne l’idée que chacun doit trouver sa propre réponse
dans la vie.
L’existentialisme sera quant à elle fondatrice d’une triple exigence :
Texte provisoire – Diffusion interdite
Sur base de ces prémices, Carl Rogers développe à la fois une théorie de la personnalité –
normale et pathologique - et une méthode thérapeutique.
Développement normal
Comme tous les êtres vivants, l’homme possède en lui-même les ressources de sa propre
croissance. Ceci n’est toutefois possible que si certaines conditions de base sont réunies :
organiques, psychologiques, sociales et même spirituelles.
Ceci n’exclut pas que certaines personnes puissent se comporter de façon nuisible pour
eux-mêmes et pour autrui. Mais, dans la perspective humaniste, ces comportements
constituent des réponses secondaires témoignant d’une inadéquation à faire face à des
situations de souffrances. Les forces positives d’auto-actualisation sont par contre premières.
Texte provisoire – Diffusion interdite
C’est l’expérience qui fonde la « réalité » du sujet. Le terme « réalité » est ici mis entre
guillemets car il s’agit ici de la représentation que le sujet se forge à partir de son expérience
et non de ce que l’on pourrait nommer la réalité objective.
Le sujet attribue une valeur positive à son expérience lorsqu’il perçoit que celle-ci
augmente ses ressources et une valeur négative lorsque c’est l’inverse.
L’expérience de soi, ou image de soi, n’échappe pas à cette règle. En particulier, le niveau
d’estime de soi dépend de la balance entre les expériences positives et négatives. L’état de
plénitude est atteint lorsque les premières l’emportent alors que la dépression et l’anxiété
guettent lorsque les secondes dominent. On retrouve ici une idée qui dérive assez bien du
RHP (Ressource Holding Power) et de SAPH (Social Attention Holding Power) développés
au chapitre 4, bien que Rogers ne se soit pas appuyé sur l’éthologie pour élaborer son modèle.
Le « moi » se constitue à partir de ces diverses expériences. Il s’agit donc d’une structure
mouvante, susceptible d’évoluer.
Lorsque la personne vit un accord entre le moi et l’expérience, on dit alors qu’il y a
congruence. Cet état permet à son tour une ouverture accrue à l’expérience et une confiance
croissante de l’individu en ses potentialités. Ce qui accroît encore la congruence. Bien que
Rogers ne l’ait pas explicitement formulé, on observe ici un cercle vertueux ou encore ce
qu’en systémique on nomme une boucle de rétroaction positive.
Tout se passe comme si l’individu disposait d’un système d’évaluation interne qui lui
permet d’attribuer une valence positive ou négative aux expériences. Sont positives celles qui
vont dans le sens de la préservation, ou mieux, de l’enrichissement. Sont négatives celles qui
s’orientent en sens inverse.
Texte provisoire – Diffusion interdite
4° Nous avons besoin de personnes de référence pour nous aider à mener pleinement nos
expériences
Parmi le champ phénoménal des expériences, l’expérience de « Soi » - qui se réfère à tout
ce qui se rapporte à lui-même et à son identité – contribue à l’édification du « moi ». Cette
configuration expérientielle a comme caractéristique d’être en perpétuelle mutation et
potentiellement disponible à la conscience. Ce qui implique un effort plus ou moins soutenu
de conscientisation des états internes. Le « moi » est aussi la source du système d’évaluation
interne et, in fine, de la conscience d’exister et d’agir (régulation des comportements).
En synthèse, le « Soi » émerge sous l’action conjuguée de la force d’auto-actualisation, des
expériences et de l’action de l’Autre significatif.
Le système d’évaluation interne détermine également le niveau d’estime de Soi.
Développement pathogène
6° Il peut arriver que l’on sacrifie notre ouverture à l’expérience afin de gagner l’amour
des autres (aliénation)
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Lorsque l’expérience propre devient moins importante que les valeurs imposées par autrui,
le processus d’auto-actualisation est entravé. L’estime de soi peut être envisagée comme un
capital plus ou moins élevé que l’individu thésaurise en fonction des expériences.
L’enfant dépend quant à lui de personnes de référence susceptibles de satisfaire non
seulement son besoin de sécurité – comme les théories de l’attachement le soulignent – mais
aussi son besoin de considération.
Si l’entourage ne satisfait pas son besoin de considération, l’enfant risque de renoncer ou
d’altérer ses expériences afin d’enrayer le déficit de considération. En particulier, il risque de
nier ses perceptions – ce qui, à l’extrême, le condamne à l’extrême à halluciner – ou de
distordre ses processus pensées – ce qui alors, le condamne à l’extrême à délirer – afin de
préserver la considération de ses référents.
À cette fin, il introjecte les valeurs des personnes de référence, même si ces valeurs
contredisent sa propre expérience. Ou encore, les personnes de références invalident,
disqualifient l’expérience du sujet, en indiquant à ce dernier qu’il a mal perçu celle-ci et/ou
qu’il n’a pas éprouvé l’émotion adéquate et/ou qu’il pense de travers.
9° Lorsque les autres acceptent notre « réalité » au lieu de nous imposer la leur, nous
arrivons plus facilement à accepter notre « réalité »
Texte provisoire – Diffusion interdite
1° La non-directivité
Principe général : ne pas chercher à prendre le contrôle de l'autre. Le thérapeute doit, par
son attitude, faire sentir qu’il a la certitude que le patient possède en lui-même des ressources
psychologiques. Pour que cette force actualisante puisse émerger, l'individu doit se
représenter dans un climat susceptible de lui permettre d’exprimer ses propres ressources.
La non-directivité consiste à laisser parler le sujet avec attention et bienveillance.
L’intervenant évite d'interrompre le patient en s'abstenant de toute interprétation. Il permet
au client de faire son propre cheminement. Celui-ci fait alors une expérience dés-
aliénante au sein même de la rencontre avec l’intervenant.
Plus particulièrement, les attitudes suivantes conduisent à ce résultat :
2° La compréhension empathique
3° La congurence
La congruence résulte de l'accord entre ce que l'on est réellement et ce que l'on manifeste.
Il s’agit de réagir non seulement de façon professionnelle, mais aussi en tant qu’humain ;
càd être authentique ; càd que l’expérience de Soi que l’on donne à vivre aux autres
correspond effectivement à ce que l’on est (le Soi) réellement ; càd on ne « joue » pas.
Pour permettre au client de s'exprimer sans résistance, l’intervenant se présente tel qu'il est,
avec une sincérité absolue. Ceci ne signifie toutefois pas qu’il faut transformer la séance en un
atelier d’expression où l’intervenant s’épanche et se confie au client. L’intervention est
centrée sur le client.
L’intervenant ne le critique pas, ne juge pas et accepte le client tel qu'il est (celui-ci ne doit
pas se sentir rejeté). Il fait preuve de neutralité. Il respecte les valeurs morales, sociales,
religieuses ou philosophiques. L’intervenant ne cherche pas à transmettre ses propres valeurs
ou croyances ni ses façons d’agir. Cette attitude ne peut toutefois pas passer pour une forme
d'indifférence ou de passivité étant donné les efforts empathiques de l’intervenant.
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6° Techniques
Comme L’être humain est considéré comme un être libre et conscient de ses choix, la
thérapie consiste à l’aider à accroître cette conscience via un travail d’instrospection.
L'introspection consiste pour une personne à décrire ses expériences négatives - souvenirs,
espoirs, craintes, émotions - mas aussi positives (joies, réussites, etc.). Le rôle du thérapeute
si limite à accompagner le patient dans ce travail d’introspection sans jamais l’orienter ou le
diriger (non-directivité).
La reformulation : tout au plus le thérapeute peut reprendre le matériel formulé par le
patient en le reformulant aussi fidèlement que possible sans aucune tentative d’interprétation.
Du reste, toute interprétation est vouée à l’échec car, comme nous l’avons vu, l’expérience
humaine n’est accessible qu’à l’individu qui fait l’expérience. La reformulation réveille et
encourage le processus d’auto-actualisation.
7° Evolution
La thérapie humaniste mise donc sur les compétences du sujet (infra). Ce dernier a en
outre la faculté d’accéder à ses expériences internes. Les notions d’inconscient et de
refoulement n’existent donc pas.
Le rôle du thérapeute est double :
- accompagnateur dans le travail qui consiste à explorer et examiner ses expériences et
ses compétences.
- facilitateur dans l’amplification et l’actualisation des compétences.
Définitions complémentaires
Une fois n’est pas coutume, on trouve sur le site de Wikipédia1 une définition intéressante
du concept d’empathie : « Dans les sciences humaines, l'empathie désigne une attitude envers autrui
-
1 Ce site peut fournir des informations pertinentes, mais souvent aussi erronées ou incomplètes. L’internaute
devra toujours faire preuve d’un grand sens critique, notamment en recoupant les informations proposées par ce
site avec d’autres sources fiables.2 op. cit., p.14.3 Une brève histoire de tout, Éditions de Mortagne,
1997.
Texte provisoire – Diffusion interdite
caractérisée par un effort objectif et rationnel de compréhension intellectuelle des ressentis de l'autre. Excluant
particulièrement tout entraînement affectif personnel (sympathie, antipathie) et tout jugement moral. L'empathie
se différencie de la contagion émotionnelle dans laquelle une personne éprouve le même état affectif qu'une
autre sans conserver la distance qu'on observe dans l'empathie. Les théories modernes distinguent aussi
l'empathie de la sympathie qui consiste aussi à comprendre les affections d'une autre personne mais qui comporte
en plus une dimension affective : alors que l'empathie repose sur une capacité d'imagination, la sympathie repose
plus sur la proximité affective avec celui ou celle qui en est l'objet. Certains chercheurs préfèrent parler
d'empathie cognitive pour insister sur le fait que l'empathie repose sur un mécanisme cognitif neutre sans lien
avec la relation qu'on entretient avec la personne qui en est l'objet. De nombreuses définitions sont proposées
pour l'empathie, souvent confondue avec la sympathie. L'empathie implique un processus de recul intellectuel
qui vise la compréhension des états émotionnels des autres, tandis que la sympathie est un comportement réflexe,
de type réactif. »
L’empathie semble apparaître comme une aptitude ancrée dans le comportement humain,
voire dans son système nerveux. En effet, certains neurones semblent s’activer
indifféremment lorsqu'un individu exécute une action ou lorsque celui-ci en observe un autre
en train d’exécuter une même action (Voir document vidéo présenté au cours).
Ceci suggère que l’empathie est, en principe,« câblée » au plus profond de la nature
humaine de sorte que l’on pourrait presque affirmer qu’on ne peut pas ne pas ressentir ce que
ressent l’autre. Autrement formulé, l’empathie serait une caractéristique ontologique
essentielle (ce qui nous rend humains).
Ce qui nous aide à bien comprendre toute l’horreur et le dégoût soulevés par certains
comportements criminels qui nous font vivre dans une certaine mesure (comme par
procuration), même si nous ne sommes qu’observateur, ce que les victimes vivent elles-
mêmes. Une autre preuve, plus sympathique celle-ci, réside dans nos capacités
d’identification aux personnages d’un film lorsque celui-ci vit des expériences
particulièrement intenses.
Cette capacité à nous représenter ce que vit l’autre renvoie sans doute à une autre notion :
la théorie de l’esprit.
4. Abraham Maslow
Abraham Maslow (1908 - 1970) est considéré avec Carl Rogers comme un des fondateurs
de l'approche humaniste.
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La satisfaction d'un besoin ne peut être réalisée que si les besoins de niveau inférieur sont
eux-mêmes satisfaits. Inversement, une personne satisfaite à un niveau cherche ensuite à
satisfaire les besoins d'ordre supérieur. Par conséquent, si une personne rencontre des
difficultés à un niveau, il faut toujours se demander si les besoins du niveaux inférieurs sont
satisfaits.
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L’approche humaniste postule que tout abord de la personne humaine doit s’envisager à
partir de ses compétences et non de ses déficits.
Le concept de « compétence »
Les définitions données par le dictionnaire Larousse au concept de compétence sont les
suivantes :
- Aptitude d'une autorité à effectuer certains actes.
- Aptitude d'une juridiction à instruire et à juger une affaire.
- Capacité reconnue en telle ou telle matière en raison de connaissances possédées et
qui donne le droit d'en juger : avoir des compétences en physique.
Ces définitions renvoient toutes à la notion d’autorité, ce qui semble a priori assez éloigné
de l’usage qui est fait du concept de compétence en psychothérapie. L’examen de la littérature
permet d’identifier deux approches du concept de compétence dans le champ de la santé
mentale.
Soit on se réfère à des aptitudes très concrètes – que l’on peut nommer « instrumentales ».
Dans cette approche, la compétence d’un individu est comparable à un répertoire d’aptitudes à
la fois dénombrables et mesurables. Par exemple : être capable de laver son linge, de se
déplacer seul, prendre des initiatives, etc. C’est cette notion qui est généralement retenue dans
les approches psychoéducatives et comportementales.
Soit on se réfère à une notion plus globale proche de l’idée d’autoguérison. Dans cette
perspective, le concept de compétence s’appuie sur l’idée que l’être humain possède en lui les
ressources et les capacités pour se développer et, lorsque cela est nécessaire, pour faire face à
l’adversité ou à la maladie.
Dans l’absolu, il paraît impossible de dire qu’une approche est meilleure que l’autre. Il
semble que la compétence recouvre ces deux définitions. Cependant, dans le contexte des
approches thérapeutiques humanistes, c’est la seconde acception qui domine.Il s’agit de
mettre davantage l’accent sur ce que le patient réussit déjà plutôt que de dresser un inventaire
ou d’initier un programme d’entraînement des compétences instrumentales.
thérapeute doit utiliser le symptôme et non le combattre. Il y a donc ici un parti pris qui va se
révéler essentiel pour la suite : c’est l’hypothèse de l’existence de capacités d’autoguérison et
de compétences insuffisamment exploitées, mais présentes d’emblée. Ce postulat de
compétence apparaît néanmoins comme une propriété de l’individu. Comme la suite de ce
travail va le montrer, le modèle systémique envisage la problématique sous l’angle groupal.
La théorie des systèmes définit la famille comme un ensemble d’individus en interaction,
orientée vers une série de finalités. Des propriétés nouvelles, inconnues au niveau des
individus, émergent du fait des interactions entre ceux-ci (propriété émergente). Ce qui
explique pourquoi tout système doit être observé globalement sans isoler ses éléments. Par
ailleurs, tout système vivant a comme propriété essentielle de maintenir un équilibre entre ses
finalités et son environnement (homéostasie). Certains mécanismes homéostatiques peuvent
être interprétés comme un processus participant au rétablissement d’un équilibre rompu.
Ainsi, tout système vivant réagit lorsqu’il subit une perturbation. Par exemple, le corps
humain sécrète des anticorps lorsqu’un virus fait effraction. Lorsque la peau est gravement
brûlée, de nouvelles peaux sont créées. Des observations cliniques suggéraient que,
paradoxalement, les symptômes semblaient contribuer à l’équilibre de la famille. Pour rendre
compte de cette forme d’équilibre, les premiers systémiciens se sont référés à la notion
d’homéostasie. À partir des années 90, le champ systémique s’appuie davantage sur l’étude
des systèmes vivants pour penser les systèmes humains. Ainsi, les systémiciens ont décrit un
processus d’auto-création et d’auto-conservation à l’oeuvre dans tout système vivant et
observent que, suite à une perturbation de l’environnement, les systèmes sont capables d’auto-
organisation, ce qui renvoie à l’idée de l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure
qui ne résulte pas d’un programme codé. Il s’agit en fait de cette faculté de s’auto-réparer,
voire d’évoluer vers des formes plus complexes, c’est-à-dire présentant un niveau
d’organisation supérieur à l’état antérieur.
Psychologie positive
À l’appui de ces postulats, ces auteurs citent une longue liste d’études. En voici deux à
titre d’exemple. Fredericks (1988) s’est intéressé aux enfants présentant des troubles du
comportement. Il a observé qu’en augmentant de 25% à 75% le nombre d’interactions
positives avec l’enfant, les problèmes s’estompaient de façon naturelle. McGee & al. (1987)
ont observé que les personnes qui s’automutilent le plus ou qui frappent, n’ont pas crée de
liens de réciprocité avec leurs intervenants.
Parmi les concepts émergeants, notons celui de « salutogenèse ». Il s’agit d’une approche
qui décrit comment se crée la santé. On s’inscrit ici dans une démarche opposée à l’approche
classique qui décrit quant à elle comment se crée la maladie. Ainsi, au lieu de se demander
Texte provisoire – Diffusion interdite
L’OMS définit la qualité de vie comme « la perception qu’a un individu de sa place dans
l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en
relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large
champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état
psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles
et sa relation avec les spécificités de son environnement’ . Formulée de façon plus
synthétique, la qualité de vie renvoie à la perception qu’a un individu de son état physique,
psychologique, économique, social et environnemental.
La qualité de la vie est une préoccupation importante en matière de politique sociale et de
services. Le concept s’est d’abord développé dans le cadre des services aux personnes avec
un handicap mental avant de s’étendre à la psychiatrie, puis à la population générale (Keith &
Schalock, 1993).
L’OMS rappelle par ailleurs que « Les troubles mentaux et du comportement perturbent
profondément la vie des personnes touchées et de leur famille. Certes, le malheur et la
souffrance ne se mesurent pas, mais on peut par exemple se faire une idée de l'impact de ces
troubles grâce aux instruments servant à apprécier la qualité de la vie (…) La méthode
consiste à recueillir l'avis de l'intéressé sur plusieurs aspects de sa vie afin d'évaluer les
conséquences néfastes des symptômes et des troubles’ .
En ce qui concerne la mesure, il existe deux approches, l'une objective et l'autre subjective.
L'approche objective consiste à évaluer des indicateurs externes, comme le niveau de vie, la
santé, l'éducation, la sécurité et l'environnement. Ces évaluations visent essentiellement à
déterminer les politiques les plus appropriées en matière de développement humain.
L'approche subjective se focalise sur la manière dont la personne perçoit ses expériences
de vie. Dans cette perspective, on s’intéresse dans ce cas de façon plus spécifique au bien être
physique et matériel, des relations sociales, ou encore aux loisirs. Ces évaluations visent
surtout à améliorer la qualité de service de structures d’aide et de soin (Keith & Schalock,
1993).
La première approche est surtout utilisée dans le cadre d’études à très large échelle, comme
celles menées par l’OMS, portant sur des populations générales alors que la seconde est
souvent préférée par les intervenants travaillant directement auprès de populations sensibles.
Texte provisoire – Diffusion interdite
Woodill & al. (2000) s’inscrivent dans la seconde mouvance et proposent la définition
suivante : « La QDV est le degré de satisfaction que la personne ressent quant aux possibilités
importantes de sa vie.
Goode & Hogg (2000) proposent trois concepts de base permettant de cerner le concept de
qualité de vie : le sentiment général de bien-être, l’occasion d’atteindre les limites de son
potentiel et un sentiment de participation sociale positive.
Schalock (1996) propose quant à lui huit dimensions susceptibles de refléter la qualité de
vie subjective de la personne : le bien-être émotionnel (image de soi positive, absence de
stress), les relations interpersonnelles (liens positifs avec la famille, les pairs, etc.), le bien-
être matériel, le développement personnel (sentiment de compétence et possibilités de
progresser), le bien-être physique, l’autodétermination (autonomie et possibilité de faire des
choix et d’avoir des buts personnels), l’inclusion sociale (intégration et participation à la vie
sociale) et les droits (citoyenneté et respect).
Évolution du concept
L’examen de la littérature indique que l’on est passé d’une vision statique et individuelle
du concept de qualité de vie (propriété du patient) à une vision dynamique et écosystémique
où la qualité de vie devient un processus qui s’élabore en interaction avec d’autres personnes :
pairs, famille, aidants, etc. (Mattez, 2005).
Enfin, il est intéressant de noter que la notion de qualité de vie s’inscrit dans la perspective
de la psychologie positive et de la notion de compétence telle que décrite ci-dessus. Ainsi,
Holm & al. (2000) soulignent le passage « d’une perspective centrée sur le manque de
maîtrise ou de compétence sociale de la personne (…) à une perspective centrée sur les
ressources (…) » .
Le concept de résilience
Le concept de résilience est né d’un constat : l’adversité peut connaître des issues
différentes tantôt malheureuses, tantôt plus heureuses. Ce constat a été confirmé par les
travaux de Rutter qui nota dans une population d’enfants à risque que, quelle que soit la
combinaison des facteurs de risque et leur intensité, celle-ci n’engendrait pas plus de 50%
d’évolution défavorable (Rutter, 1987; 2002).
Ces observations ont légitimement engendré un grand de nombre de recherches visant à
décrire ce processus. Diverses formes d’adversité ont été envisagées : catastrophes naturelles,
conditions socio-économiques gravement détériorées, états de guerre, violences sociales ou
familiales, abus sexuels, maladies physiques ou mentales, etc.
Néanmoins, le survol de la littérature révèle que le concept de résilience a été peu étudié
dans le contexte des troubles psychotiques. Pourtant, cette pathologie affecte non seulement le
patient mais aussi son entourage - famille, voisinage, collègues, personnel soignant - de
manière considérable.
Au niveau de la famille, la psychose constitue une épreuve redoutable qui, sans une aide
appropriée, érode plus ou moins rapidement les ressources internes du système. Toutefois,
toutes les familles ne sont pas égales et certaines parviennent mieux que d’autres à maintenir,
voire à reconstruire un nouveau développement. Quels sont les facteurs susceptibles de
protéger, ou au contraire d’aggraver, les dysfonctionnements familiaux ? Et surtout, quel est
le processus ?
Au niveau institutionnel, la psychose confronte les équipes soignantes à des attitudes et des
interventions particulièrement complexes qui, lorsqu’elles demeurent impensés, « attaquent »
Texte provisoire – Diffusion interdite
Comment penser le concept de résilience dans les familles avec un membre psychotique ?
Et quel rôle le personnel soignant joue-t-il dans ce processus ? Trois situations cliniques vont
nous aider à illustrer notre propos. Voici la première situation.
Définition provisoire
La résilience apparaît comme un concept plus large. En effet, s’il décrit aussi la capacité de
l'individu à faire face à un stress intense, il intègre également la possibilité de fonctionnement
de progrès (Mangham, 1995). Cyrulnik (1999, 2000) va plus loin en évoquant la possibilité
d’un néo-développement après une «agonie psychique». Michel Delage nous dit que le
concept de résilience comprend trois idées. Le premier renvoie à la notion d’élasticité, c’est à
dire à la capacité à encaisser un choc existentiel sans s’effondrer. La seconde recèle la notion
de dégagement, à savoir la capacité à ne pas être organisé, du moins exclusivement, par le
trauma. La troisième, est relative au concept de transformation, à savoir la capacité du
système à complexifier son organisation. Ainsi définie, la résilience semble s’appliquer à des
situations où il a eu situations traumatiques.
2
op. cit., p.14.3 Une brève histoire de tout, Éditions de Mortagne, 1997.
Texte provisoire – Diffusion interdite
l’idée que le trauma n’est en rien altéré par l’écoulement du temps. Au contraire, il semble
toujours agir comme si l’expérience était vécue au temps présent.
L’expérience traumatique semble affecter un certain nombre de croyances de base. Ces
croyances constituent la base d’une théorie du monde chez chaque individu et sont
indispensables pour rendre l’existence tolérable, voire agréable. Citons par exemple :
sentiment de sécurité (le monde est fondamentalement bienveillant) ou le sentiment de
cohérence (le monde a un sens).
Enfin, l’expérience traumatique semble avoir tendance à la répétition en boucle. Ce
caractère est sans doute la conséquence de son caractère a-temporel et irreprésentable. La
menace est constante et jamais contenue.
Par adversité, on entend généralement tout événement naturel ou social qui rend
« vulnérable » l’intégrité de l’individu et de son écosystème. Il est fréquent que l’on évoque
la notion de «risque». Par exemple, les enfants exposés à des facteurs de risque conduisant à
la délinquance. Ces situations ne sont donc généralement pas «traumatiques», mais elles
engendrent un stress élevé et augment la probabilité de trajectoires conduisant au risque en
question.
Dans la littérature sur la résilience, l’adversité peut renvoyer tantôt à des situations de
stress, tantôt à des situations traumatiques de telle sorte qu’une certaine confusion règne.
Fossion et Linkowski (2007) indiquent qu’il existerait une charge de stress optimale. Un
existence trop protégée (absence de stress) ou au contraire trop exposée (charge de stress trop
lourde) conduirait à des capacités de résilience moins importantes.
La notion de résilience dans les familles sera abordé dans le chapitre consacré aux
approches familiales et systémiques.
Ken Wilber, après avoir entamé puis abandonné des études médecine, obtient une licence
en chimie et en biologie. Ayant perdu ses illusions à propos de la science, il s’intéresse aux
données de la psychologie occidentale (Piaget, Maslow) mais aussi à la littérature orientale,
au Tao Te Ching, le bouddhisme et l’hindouisme
Il identifie de la sorte neuf structures fondamentales de la conscience allant du prérationnel
(inconscient) au transrationnel (superconscient)3. L’homme se développe en progressant de
niveau en niveaux :
- physico-sensoriel (stade prérationnel) : (avant : l'organisme physique) « la sensation
et la perception » ; de 0 à 3 mois ;
- fantasmatique-émotionnel : « les impulsions et les images » ; de 1 à 6 mois
- mental-représentionnel : « les symboles et les concepts » ; de 6 mois à 2 ans
- mental règle/rôle : « règles concrètes » ; de 6 à 8 ans
- formel-réflexif : pensée abstraite ; de 11 à 15 ans
- logique-visionnaire : pensée visuelle ; 21 ans
- psychique (ici commencent « les stades plus élevés ou transpersonnels ») :
«mysticisme de la nature »
- subtil : « mysticisme du divin » ; 28 ans
- causal : « mysticisme sans forme » (et après « non duel » : « mysticisme non duel »);
35 ans.
Le travail de Wilber n’est pas scientifique. Tout au plus peut-on y voir le travail d’un
« essayiste » ou d’un philosophe. A prendre ou à laisser. Mais nous le citons néanmoins pour
deux raisons :
a) Son parcours est typique de la crise des valeurs qui a frappé l’occident dans les années
60-70. Face aux désillusions de la jeunesse confronté à la société moderne (Guerre du
Vietnam, société de consommation), certains ont cherché refuge dans la philosophie
(notamment, l’existentialisme), l’idéologie politique (Marxisme) ou la « sagesse »
orientale. Wilber s’inscrit clairement dans ce courant de pensée. Les expériences sur le
LSD et le mouvement hippie est aussi représentative de ce mouvement. La conclusion
de ces mouvements est que la conscience de l’homme est aussi touchée par des
questions qui dépasse sa simple personne : la nature, le monde, l’au-delà (ou le néant).
b) Si la réponse de Wilber doit être abordée avec prudence, il pose néanmoins une
question existentielle qui n’est pas tranchée et qui hante nos contemporains, y compris
dans nos consultations : notre vie se réduit-elle à la réalisation de projets matérialistes
(société de consommation) et à se conformer au moule social qui nous est proposé ?
Cette option ne conduit-elle pas le monde et la planète vers sa destruction ? Ne peut-
on envisager d’autres buts et d’autres façon de vivre plus harmonieux ? Ces questions,
(ré)émergentes dans un monde post-Hiroshima, n’ont-elles pas pris une nouvelle
dimension plus concrète, plus inquiètante, plus immédiate de nos jours ? Et de ce fait,
ne voit-on pas émerger de nouvelles angoisses, mais aussi de nouvelles formes de
consciences qui dépasse le simple individu ?
7. BREVE DISCUSSION
Humanisme et Psychanalyse
La perspective humaniste propose des postulats et des techniques qui sont très contrastées
avec le courant analytique.
Psychanalyse Humanisme
Primat de l’inconscient Primat du conscient
Pulsion Besoin
Conflit intrapsychiques capacité d’auto-actualisation
Prise de conscience possible partiellement Prise de conscience possible totalement
Sublimation de la pulsion Liberté et auto-détermination
Principes et attitudes de base du thérapeute peuvent être actuellement rangés parmi les
« facteurs communs » à toutes les thérapies.
Chapitre 7
Approches cognitivo-comportementales
1. Introduction et terminologie de base
Tout au plus pouvait-on déduire ce qui pouvait se produire dans la boite noire en
faisant varier certains stimuli puis en en maintenant d’autres constants et en observant les
variations des outputs.
Par la suite, avec le développement des sciences cognitives, il est devenu possible
d’appliquer la méthode scientifique au « psychisme » grâce aux développements de
nouveaux outils – électroencéphalogramme d’abord, scanner et PetScan ensuite – et à de
nouveaux modèles tentant de cerner comment le cerveau traite l’information : perception,
attention, mémorisation, langage, raisonnement et traitement des émotions.
197
Les modèles thérapeutiques ont donc intégré ces nouveaux éléments et la thérapie
comportementale est devenue thérapie cognitivo-comportementale.
Comportement
Un comportement correspond à une manière agir ou de réagir d’un être humain dans
certaines circonstances. Tout comportement – normal ou inadapté – résulte d’un
apprentissage.
Il découle d’interactions entre l’individu et son environnement. Le comportement est
conditionné sous l’effet, en amont de signaux déclencheur (stimuli) et en aval de
conséquences positives qui renforcent (renforcements positifs) ou inhibe (renforcements
négatifs) la réponse de l’individu. Dans cette perspective, un trouble psychopathologique
se traduit par des comportements déviants ou inadaptés par rapport aux conditions
actuelles de l’environnement. La psychothérapie comportementale vise donc à mettre en
œuvre de nouveaux apprentissages (conditionnement) et/ou à faire disparaître les
comportements symptômes gênants (extinction).
Cognition
198
du stimulus inconditionnel. On dit alors que la salivation est devenue une réponse
conditionnée. Autrement dit, on a conditionné le chien de telle sorte qu’il salive dès qu’il
entend le son d’une cloche.
Selon cette théorie, l’homme effectue des apprentissages similaires, par exemple
lorsque qu’il est exposé à certains stimuli.
199
En début d’expérience, on abandonne de la nourriture dans la cage. Ensuite on retire la
nourriture et on dispose un levier qui délivre une boulette de nourriture à chaque pression.
Au début, le rat appuie sur le levier par inadvertance. Ensuite, il continue à se comporter
comme d’habitude jusqu’au moment où il accroche à nouveau le levier.
Progressivement, le rat commence à appuyer délibérément sur le levier. Dans cette
expérience, la nourriture joue le rôle de renforçateur. Il a appris un comportement, qui n’a
rien de naturel ou d’inné, par conditionnement opérant
Lois de l’apprentissage
Renforcement
200
engendre une récompense. Le rat apprendra rapidement à n’appuyer sur la pédale qu’à la
condition que celle-ci soit d’une autre couleur que le rouge.
Extinction : si un comportement n'est plus renforcé ou puni, le comportement finit par
disparaître. Par exemple, si on ne distribue plus de récompense après l’appui sur la pédale,
le rat finit par abandonner un comportement devenu « stérile ».
Apprentissages complexes
Façonnement
Guidances
Chaînage
201
Imitation – identification - Intériorisation
Les sciences cognitives visent à étudier la manière dont l’homme pense et appréhende
le monde. A cette fin, l’homme se construit un système de croyances dont certaines
viennent perturber l’équilibre mental.
Albert Ellis élabore la « thérapie rationnelle-émotive début des années 50. Elle vise à
modifier les croyances erronées qui perturbent le patient. Il propose des exercices de
rationalisation en se focalisant sur le présent au lieu de revenir sur le passé et les causes du
trouble !
Apprentissages vicariants
Bandura (1977) intègre la dimension sociale dans les apprentissages. Pour lui, certains
apprentissages se base s’acquièrent par l’observation et l’imitation de modèles
(apprentissages vicariants). Egalement appelé apprentissage par observation, il consiste en
la modification de l'acquisition d'une réponse par l'individu observateur, suite à
l'observation d'un individu pris comme modèle.
202
A ce titre, l’apprentissage vicariant se distingue de l’observation par imitation en ce
que l’observateur n’effectue pas la séquence comportementale (imitation) et ne reçoit
aucune « récompense ». Le sujet vicariant apprend uniquement en observant le
comportement et la « récompense » qui en résulte.
Pour Bandura, les humains ne répondent pas seulement à des stimuli, ils les
interprètent (1980) Cette théorie stipule que « le fonctionnement humain est le produit
d’une interaction dynamique et permanente entre des cognitions, des comportements et des
circonstances environnementales (causalité triadique réciproque).
Efficacité personnelle
L’efficacité personnelle renvoie aux jugements que les personnes font à propos de leur
capacité à organiser et réaliser des ensembles d’actions requises pour atteindre des types de
performances attendus mais aussi aux croyances à propos de leurs capacités à mobiliser la
motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un
contrôle sur les événements de la vie.
Si l’efficacité personnelle attendue n’est pas adéquate, un trouble psychopathologique
peut survenir. Par exemple, la personne dépressive a un sentiment d'auto-efficacité très
affaibli. A l’opposé, une personne en phase maniaque aura un d'auto-efficacité exagéré et
s’engagera dans des actions déraisonnables et/ou en surestimant ses capacités et ses
ressources.
En psychothérapie, le meilleur moyen de progresser consiste à développer un sentiment
d’efficacité personnelle, c’est-à-dire de vivre des expériences qu’on maîtrise et réussit.
203
Sociologie cognitive
Souvent associé au courant comportementaliste, Bandura s’en est pourtant écarté pour
fonder la sociologie cognitive.
A l’origine, les sociologues percevaient l’individu comme un automate social. Il était
soumis à un ensemble de représentations collectives et de croyances dont la fonction était
de souder le groupe mais dont un des effets était de le mystifier et le garder prisonnier.
Dans cette perspective, la pensée ne sert pas à connaître mais à croire.
Proposé par Harold GARFINKEL1, le concept d’ethnométhode renvoie à l’ensemble
des savoir-faire ordinaires qui gouvernent nos façons d’être et de faire : comment se
comporter en homme ou en femme ; en membre loyal de telle famille ; en digne
représentant de sa corporation professionnelle, etc. Ces savoir-faire sont si ordinaires
qu’on n’y prête plus attention au point qu’ils apparaissent comme naturels alors qu’ils sont
le résultat d’un long apprentissage intériorisé. Les ethnométhodes ne sont pas éloignées
des habitus de BOURDIEU2. La sociologie cognitive s’inscrit dans le sillage de ce
concept tout en se centrant davantage sur le rôle du langage en tant que régulateur des
mécanismes de décision et de la communication dans les interactions quotidiennes.
Schéma
Au cours de son existence, chaque individu développe des schémas. Un schéma est une
façon stable de percevoir l’expérience (attention & perception) et de traiter l’information
tant sur le plan cognitif qu’émotionnel. Ces schémas déclenchent des stratégies
comportementales qui peuvent être adaptées ou non. Un schéma se présente comme une
« mémoire » constituée de sensations corporelles, d’émotions et de cognitions.
1
Cité par WEINBERG (2001)
2
Cité par WEINBERG (2001)
3
Cité par COTTRAUX et BLACKBURN, (2001)
204
Plus prosaïquement, le concept de schéma recouvre la façon dont nous évaluons les
événements, ce que nous ressentons et comment nous réagissons. Un schéma est constitué
de croyances qui peuvent être implicites ou explicites. Dans ce dernier cas, l’individu
pense et agit comme s’il se formulait des énoncés du type : «Les gens sont des
adversaires » (cf. ci-dessous). Dans le cas où il s’agit de croyances implicites, le modèle
prévoit néanmoins qu’il est possible de les rendre explicites.
Schémas dysfonctionnels
Les schémas deviennent dysfonctionnels dès lors qu’ils apparaissent comme inadaptés
au contexte, excessifs, rigides, sans exception, définitifs ou non maîtrisés. Ils prennent la
forme de croyances péremptoires.
Selon BECK, les schémas sont constitués de croyances conditionnelles (par exemple,
«Si je n’essaie pas de toujours faire plaisir aux gens, ils ne m’aimeront pas ») et
inconditionnelles (par exemple, «Je ne suis pas assez bien pour qu’on m’aime »).
Stratégies
Par stratégie, il faut entendre l’ensemble des comportements stéréotypés qui résultent
des schémas. Une stratégie peut devenir dysfonctionnelle pour les mêmes raisons que les
schémas. Beck et Freeman (1990) ont détaillé les principales stratégies liées aux
principaux troubles de la personnalité décrits dans le DSM.
Les schémas dysfonctionnels peuvent être activés par certains événements de vie.
Lorsque ce processus se répète, l’expérience vient confirmer un schéma dysfonctionnel qui
peut se trouver de la sorte renforcé.
205
Trouble Schéma Stratégie
Paranoïaque Les gens sont des
adversaires potentiels Etre sur ses gardes/attaque
Certains schémas devenus actifs bloquent les autres schémas (même si ceux-ci sont
fonctionnels) et deviennent dès lors prépondérants.
Les schémas engendrent des biais liés à l’attention sélective, de la fausse perception et
des erreurs cognitives. Par exemple, chez les déprimés, les situations sont vues comme
systématiquement négatives.
L’Attention sélective consiste à centrer volontairement ses mécanismes de perception
sur un stimulus particulier et de traiter cette information en négligeant les stimuli pertinents
et/ou en accordant trop d’attention aux stimuli non pertinents. Par exemple, les anxieux
sont perpétuellement à l’affut d’indices susceptibles d’annoncer une agression, une
rupture, une difficulté. Des faits anodins peuvent alors prendre des proportions exagérées
alors que d’autres indices suggérant que la situation évolue normalement, voire
favorablement sont négligés.
La perception consiste en la prise de conscience de soi et des objets environnants à
partir des données sensorielles. Sous l’emprise de certains schéma, la perception peut être
altérée et conduire à des phénomènes d’illusion, voire d’hallucination. Une hallucination
est une perception sans objet (par exemple, entendre des voix alors qu’il n’y a personne
dans la pièce) alors que l’illusion part bien d’un « objet » réel, mais dont la perception est
distordue.
Les erreurs cognitives se présente sous la forme d’erreur de jugement. Ces erreurs
cognitives se manifestent également sous la forme de « pensées automatiques ». Celles-ci
surgissent de façon rapide et apparaissent au sujet comme inéluctables.
Les erreurs cognitives plus courantes sont :
- Les inférences arbitraires : conclusion arbitraire déduite à partir d’éléments
manquants.
- L’abstraction sélective : la personne se focalise sur un détail qu’il a détaché
de son cadre général.
- La surgénéralisation : une conclusion générale est déduite sur la base d’un
seul fait.
206
- L’amplification ou la minimisation : l’importance relative d’un évènement
précis est mal évaluée. L’aspect négatif est amplifié, l’aspect positif est
minimisé.
- La personnification : la personne a tendance à s’attribuer les évènements
extérieurs alors que les évènements existants soutiennent le contraire.
- La pensée dichotomique : la personne a tendance à penser de façon absolue,
de type tout ou rien (noir / blanc par exemple).
Les travaux de Ellis et de Beck, ainsi que les apports de sciences cognitives,
déboucheront plus tard sur une meilleure compréhension dont le cerveau traite
l’information (schéma ci-dessous).
In Disner, S.G., Beevers, C. G., Haigh, E. A. P. & Beck A. T. (2011), Neural mechanisms of the cognitive
model of depression. Nature Reviews Neuroscience 12, 467-477.
Distorsion cognitive
Une distorsion cognitive est une conclusion sans preuve que tire un individu à partir
d’une expérience donnée. Cette conclusion résulte d’un traitement incorrect des
informations par la personne et gouverne les réponses comportementale du sujet.
Il peut s’agir d’une conclusion à partir d’un détail, sur-généralisation, maximalisation
du négatif, personnalisation, etc.
Le travail thérapeutique consiste en un effort de restructuration cognitive qui conduit à
prendre conscience des distorsions de notre mental et le poids de nos croyances.
Plus généralement, le travail consiste en :
-apprendre aux sujets à observer leurs propres cognitions, émotions et solutions. Les
sujets sont incités à utiliser des fiches d'auto enregistrement des pensées, des
émotions et des situations (Cf. ci-dessous);
-aider le sujet à mettre en question ses systèmes irrationnels de pensée. Des
techniques de questionnement et de recherche de pensées alternatives, divergentes
sont apprises aux sujets;
-proposer au sujet des tâches d'exposition et de prévention de la réponse
stéréotypées.
207
Nous reproduisons ci-après la liste des principales formes de distorsion cognitive.
208
209
3.4. Les travaux de YOUNG
YOUNG4 s’est formé auprès de BECK avant de poursuivre ses propres recherches.
Bien qu’assez proche des conceptions de son maître, YOUNG formule des propositions
originales.
YOUNG insiste davantage sur l’origine infantile des schémas. Les schémas sont des
« éléments organisés à partir des expériences et des réactions du passé, qui forment un
ensemble de connaissances relativement cohérent et durable, capable de guider les
perceptions et les évaluations subséquentes ». Les schémas ont été développés pendant
l’enfance et servent à façonner les expériences faites plus tard.
Comme chez BECK, ils se présentent comme des vérités absolues, difficiles à modifier
et ils ont tendance, sous la pression de la répétition des expériences, à se perpétuer
(Schémas Précoces Inadaptés ou SPI).
4
Cité par COTTRAUX et BLACKBURN, (2001).
210
physique et psychologique d'une personne (Lazarus et Folkman, 1984). Ceux en donnent la
définition suivante : «l’ensemble des efforts cognitifs et com- portementaux, constamment
changeants, (déployés) pour gérer des exigences spécifiques internes et/ou externes qui
sont évaluées (par la personne) comme consommant ou excédant ses ressources ».
Au sens large, le coping renvoie à l’ensemble des stratégies d’ajustement de l’individu
alors que dans un sens plus restreint, il concerne surtout les réactions à des variations de
l’environnement évaluées comme menaçantes.
Terminologie
Stratégies et ressources
Face aux défis de l’existence, les individus mobilisent des stratégies très diverses.
Généralement, plus les difficultés sont importantes, plus ils déploieront de nombreuses
stratégies. Souvent, nous avons constaté que c’était moins la nature de la stratégie que sa
finalité et son coût qui décidaient de sa valeur « adaptative ».
Ainsi, une stratégie se révèle « adaptée » lorsqu’elle contribue au bien-être, à l’ «
affirmation de soi », au sentiment de maîtrise de soi et lorsqu’elle permet au jeune de
protéger son intégrité physique et psychologique à moindre coût. On dira en effet qu’une
stratégie à un coût important lorsqu’elle gêne le développement psychologique du jeune et
qu’elle altère profondément sa qualité de vie. Ce calcul est évidemment une affaire
d’appréciation personnelle et s’évalue au cas par cas.
Par ailleurs, certaines stratégies sont en soi inadaptées. Celles-ci visent souvent à
protéger autrui au détriment de sa propre personne. Elles n’en sont pas moins délétères. Par
exemple : détourner la violence sur soi chez les enfants dans le cadre des violences
conjugales, prendre un rôle actif dans les triangulations dans le cadre des séparations
parentales, dénier la réalité, etc. In fine, ces stratégies font bien plus de mal que de bien. Il
convient de les combattre.
Il peut arriver que certaines stratégies, inadapté ou moins souhaitables dans l’absolu,
soient en fin de compte appropriées dans un contexte précis. Les stratégies d’évitement par
exemple. Elles permettent en effet aux jeunes de se protéger momentanément (par
exemple, en dissimulant leur vécu ou en fuyant, par la pensée ou en sortant avec des amis
afin de s’extraire de la vie de famille lorsque le climat devient trop lourd).
D’autres stratégies permettent également de faire face aux événements stressants.
Cependant, la persistance du stress est nuisible et usante. Ainsi, ces mêmes comportements
211
d’évitement qui peuvent protéger à court terme risquent aussi de favoriser le repli sur soi à
plus long terme et de couper le jeune d’éventuelles ressources environnementales. Certains
rôles, lorsqu’ils persistent, peuvent réduire considérablement son autonomie et entraver
son développement et sa socialisation. Le « coût » en devient alors prohibitif.
Réponses ou stratégies ?
Nous devons ici relever d’autres mécanismes. Ceux-ci ne sont pas, du moins au départ,
des stratégies mais des « réponses » (somatiques ou comportementales) face au stress :
attitudes provocantes, agressivité, tentative de suicide, divers troubles internalisés comme
la dépression. À ce stade, ces réponses ne sont pas mobilisées de façon consciente.
Cependant, en fonction des réactions de l’entourage et du rapport coût/bénéfice que le
l’individu « mesure », ces réponses peuvent parfois se muer en stratégies.
Les bénéfices attendus peuvent être : attirer l’attention sur soi, se protéger, tirer certains
avantages, reprendre du contrôle sur les adultes ou encore leur faire payer une « dette »
symbolique. Dans l’esprit de certains jeunes, l’inadéquation de certains parents peut
parfois, légitimer ce type de stratégie. Ce qui nous permet de souligner un aspect trop
souvent occulté : Les individus ne sont pas nécessairement que « victimes » et peuvent
parfois contribuer activement à certains dysfonctionnements.
A côté des modèles psychothérapeutiques complexes que certains d’entre vous auront
l’opportunité d’étudier en master (psychologie clinique), il existe des modèles
d’intervention plus simples, adaptés à des situations cliniques pas trop complexes et qui se
fondent sur l’optimisation des stratégies de coping.
Dans les milieux précaires, les ressources manquent cruellemment. Il serait alors vain,
voir cruel, d’optimiser les stratégies de coping sans se préoccuper des ressources. Les
interventions psychologiques doivent alors se doubler d’interventions sociales.
212
On observera que ce qui permet à une personnes de s’adapter dépend non seulement de
ses capacités objectives, mais aussi de les perceptions subjectives de ses capacités : elle
peut disposer de bonnes stratégies mais avoir un faible sentiment d'auto-efficacité qui
l’empêche de mobiliser ces stratégies ou qui l’incite à ne pas s’engager ou à adoper une
autre stratégie moins appropriée.
Il peut alors en résulter est sentiment de détresse psychologique aigu !
L’appraisal-coping model
1. l’évaluation de pertinence : à quel point cet événement est-il pertinent pour moi
? est-ce qu’il va m’affecter directement ou mon groupe de référence social ?
(automatique et inconscient). Ce processus implique que le sujet soit capable de
percevoir des variations de l’environnement, càd de son attention. Or, ces
capacités varient d’un individu à l’autre. Certaines pathologies présentent des
particularités attentionnelles : les autistes et les schizophrènes semblent présenter
des perturbations de l’attention. A l’opposé, les personnes phobiques ont des
seuils d’attention plus bas et sont hypersensibles.
213
2. l’évaluation des implications : quelles sont les implications ou les conséquences
de cet événement et à quel point affectera-t-il mon bien-être et mes buts
immédiats ou à plus long terme ? (automatique et inconscient). La personne se
demande si la situation est agréable ou désagréable et si elle facilite ou contrarie
l’accès à ses ressources (chez l’animal : la nourriture et la reproduction; en outre,
chez l’homme, ses buts, ses valeurs, ses intérêts) ? Les pathologies suivantes sont
vraisemblablement concernées à ce niveau : psychopathie, conduites à risque.
4. La « troisième vague »
Les TCC traitent des problèmes comportementaux actuels des personnes. En outre,
elles ciblent essentiellement les symptômes et visent à faire disparaître la plainte. Dans
cette perspective, les TCC se démarquent de la psychanalyse en évitant de considérer le
passé et l’histoire du sujet comme des déterminants essentiels de leurs difficultés. Le
comportement problématique est analysé en détails en recherchant ses facteurs explicatifs
actuels qui déclenchent, modulent et maintiennent le comportement.
214
5.1. Liens entre diagnostics et traitements spécifiques
Troubles de la personnalité
215
Le traitement s’adapte donc à l’individu et varie donc d’un sujet à l’autre même pour un
trouble identique.
Chaque trouble est caractérisé par une émotion centrale encombrante ! Encombrante
parce qu’elle est exacerbée (l’intensité est disproportionnée) et envahissante (l’émotion en
question monopolisé les pensées à l’exclusion d’autres émotions). Il importe donc de
travailler à la fois sur l’intensité (ramener les choses à de plus justes proportions) et la
diversité (exposer le patient à d’autres émotions multiples et positives).
Troubles alimentaires
Le schéma ci-dessous décrit les paramètres auxquels on est attentif dans les TCC. Ainsi
des facteurs individuels – adolescence, par exemple – et familiaux – préoccupations
particulières autour de la nourriture ou de l’apparence physique – peuvent inciter le jeune
à porter une attention accrue à son aspect physique.
Ces facteurs individuels peuvent aussi traduire une vulnérabilité génétique, laquelle été
démontrée au travers d’études sur de jumeaux homozygotes.
Le fonctionnement familial joue également un rôle important : relations
interpersonnelles, place de chacun dans le système, accès à l’autonomie, règles et rôles
familiaux, etc.
La société propose des modèles qui présentent la minceur comme un critère de beauté et
associe de façon arbitraire le surpoids à des traits psychologiques comme la faiblesse
d’esprit, le manque de maîtrise, etc. La société valorise par ailleurs la course aux
performances et à la réussite qu’elle associé à la jeunesse, la beauté et la minceur.
Une fois la pathologie engagée, d’autres processus peuvent venir atténuer, ou au
contraire, aggraver la situation.
Un analyse approfondie de ces processus permet d’adopter le traitement en mettant
l’accent sur les paramètres qui semblent jouer un rôle plus particulier dans chaque cas
spécifique.
A cette fin, l’analyse fonctionnelle constitue un outil essentiel dans les TCC.
216
Analyse fonctionnelle
217
Une autre méthtode – SORC – vise à analyser les situations problème en s’appuyant
sur le modèle représenté dans la figure ci-dessous.
S : Repas collectifs, manger devant les autres. Exemple : être invité au restaurant.
O : angoisse, mains moites, tremblements au moment de porter les aliments à la bouche.
Pensée : les gens vont voir que je suis fragile, vont se moquer ou penser que je suis
faible.
R : crise d’angoisse
C : Ne plus accepter d’invitation
Dans cet exemple, « Ne plus accepter d’invitation » est une réponse d’évitement. Cette
réponse permet certes d’éviter la crise d’angoisse, mais elle a aussi comme conséquence
plus lointainte de ne pas permettre à la personne de « tester » sa croyance « les gens vont
voir que je suis fragile,… » ce qui va avoir poour effet de renforcer sa croyance.
Le rôle du thérapeute est d'aider le patient à atteindre les buts réalistes que le patient
s'est lui-même fixé (cf. section suivante).
Le thérapeute adopte une attitude :
- Collaboratif : il détermine les objectifs en concertation avec le patient ;
- Intéractive : le thérapeute pose des questions, répond à celles du patient;
- Didactique : usage d’un langage simple, explique les stratégies thérapeutiques
utilisées, etc
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Le thérapeute agit avec le patient comme s’ils étaient deux chercheurs en train de
formuler des hypothèses et tentant des les vérifier ensemble en concevant et réalisant des
expériences.
L’objectif thérapeutique est précis et établi en accord entre le sujet et son thérapeute.
Le patient apprend à se prendre en charge. Par exemple : limiter la fréquence, la durée,
l’intensité du symptôme. Exemple : augmenter les contacts sociaux d’un déprimé.
L’environnement familial est souvent intégré au traitement. Le rôle éventuel des
proches dans le maintien du problème est analyse. Dans certains cas, la famille bénéficie
d’information à propos de la pathologie (psychoéducation).