Il y a plusieurs années, vivait un empereur qui aimait tellement les costumes neufs, qu'il dépensait tout
son argent pour être bien habillé. Il ne se souciait pas de ses soldats, ni du théâtre, et n'aimait pas aller se
promener dans la forêt; tout ce qui lui importait, c'était de se montrer dans ses habits neufs. Il avait un
costume pour chaque jour de la semaine et tandis qu'on dit habituellement d'un roi qu'il est au conseil, on
disait toujours de lui : "L'empereur est dans sa garde-robe !
"Conte d'Andersen
2-Les habits neufs de l'empereur
Dans la grande ville où il habitait, la vie était gaie et chaque jour beaucoup d'étrangers arrivaient. Un jour,
deux escrocs vinrent, prétendirent être tisserands et se targuèrent de pouvoir tisser la plus belle étoffe que
l'on pût imaginer. Non seulement les couleurs et le motif étaient-ils exceptionnellement beaux, mais les
vêtements qui en étaient confectionnés possédaient l'étonnante propriété d'être invisibles aux yeux de
ceux qui ne convenaient pas à leurs fonctions ou qui étaient simplement idiots.
Conte d'Andersen
3-Les habits neufs de l'empereur
Dans la ville, tout le monde parlait de la magnifique étoffe, et l'empereur voulu la voir de ses propres
yeux tandis qu'elle se trouvait encore sur le métier. Accompagné de toute une foule de dignitaires, dont le
ministre et le fonctionnaire, il alla chez les deux malins escrocs, lesquels s'affairaient à tisser sans fibres ni
fils.
Conte d'Andersen
4-La petite fille aux allumettes
Il faisait effroyablement froid; il neigeait depuis le matin; il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir
du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans
la rue : elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes :
elle en tenait un paquet à la main.
Conte d'Andersen
5-La petite fille aux allumettes
Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des
lumières : de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le
festin du soir : c'était la Saint-Sylvestre. Cela lui faisait arrêter ses pas errants.
Conte d'Andersen
6-La petite fille aux allumettes
L'enfant avait ses petites menottes toutes transies. "Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour
réchauffer mes doigts ? " C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c’était ! Il sembla tout à coup à
la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite
allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement : le poêle
disparut, et l'enfant restait là, tenant en main une allumette noircie.
Conte d'Andersen
7-L’Arlésienne
Pour aller au village, en descendant de mon moulin, on passe devant un mas bâti près de la route au fond
d'une grande cour plantée de micocouliers. C'est la vraie maison du ménager de Provence, avec ses tuiles
rouges, sa large façade brune irrégulièrement percée, puis tout en haut la girouette du grenier, la poulie
pour hisser les meules et quelques touffes de foin brun qui dépassent...
Alphonse Daudet
8-Les deux auberges
C'était en revenant de Nîmes, une après-midi de juillet. Il faisait une chaleur accablante. À perte de vue, la
route blanche, embrasée, poudroyait entre les jardins d'oliviers et de petits chênes, sous un grand soleil
d'argent mat qui remplissait tout le ciel. Pas une tache d'ombre, pas un souffle de vent. Rien que la
vibration de l'air chaud et le cri strident des cigales. .Alphonse Daudet
9-Les deux auberges
Le voisinage de ces auberges avait quelque chose de saisissant. D'un côté, un grand bâtiment neuf, plein
de vie, d'animation, toutes les portes ouvertes, la diligence arrêtée devant, les chevaux fumants qu'on
dételait, les voyageurs descendus buvant à la hâte sur la route dans l'ombre courte des murs; la cour
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encombrée de mulets, de charrettes; des rouliers couchés sous les hangars en attendant la fraîche.
Alphonse Daudet
10-Les deux auberges
Elle se retourna lentement, et me laissa voir une pauvre figure de paysanne, ridée, crevassée, couleur de
terre, encadrée dans de longues barbes de dentelle rousse comme en portent les vieilles de chez nous.
Pourtant ce n'était pas une vieille femme; mais les larmes l'avaient toute fanée. .
Alphonse Daudet
11-En Camargue
Le Mas de Giraud est une vieille ferme des seigneurs de Barbentane, où nous entrons pour attendre le
garde qui doit venir nous chercher. Dans la haute cuisine, tous les hommes de la ferme, laboureurs,
vignerons, bergers, sont attablés, graves, silencieux, mangeant lentement, et servis par les femmes qui ne
mangeront qu'après.
.Alphonse Daudet
12-Le petit Chose
Je suis né dans une ville du Languedoc où l'on trouve, comme dans toutes les villes du Midi, beaucoup de
soleil, pas mal de poussière, un couvent de carmélites et deux ou trois monuments romains. Mon père, qui
faisait à cette époque le commerce des foulards, avait, aux portes de la ville, une grande fabrique dans un
pan de laquelle il s'était taillé une habitation commode, ombragée de platanes, et séparée des ateliers par
un vaste jardin..
Alphonse Daudet
13-Le petit Chose
J'avais alors six ou sept ans. Comme j'étais très frêle et maladif, mes parents n'avaient pas voulu
m'envoyer à l'école. Ma mère m'avait seulement appris à lire et à écrire, plus quelques mots d'espagnol et
deux ou trois airs de guitare, à l'aide desquels on m'avait fait, dans la famille, une réputation de petit
prodige. Grâce à ce système d'éducation, je ne bougeais jamais de chez nous. .
Alphonse Daudet
14-Le petit Chose
Un singulier enfant que mon frère Jacques; en voilà un qui avait le don des larmes ! D'aussi loin qu'il me
souvienne, je le vois les yeux rouges et la joue ruisselante. Le soir, le matin, de jour, de nuit, en classe, à
la maison, en promenade, il pleurait sans cesse, il pleurait partout. Quand on lui disait : "Qu'as-tu ?" Il
répondait en sanglotant : "Je n'ai rien." Et, le plus curieux, c'est qu'il n'avait rien.
Alphonse Daudet
15-Le moulin
Ce sont les lapins qui ont été étonnés !... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée,
les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était
éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général.
Alphonse Daudet
16-Le moulin
Il faut vous dire qu'en Provence, c'est l'usage, quand viennent les chaleurs, d'envoyer le bétail dans les
Alpes. Bêtes et gens passent cinq ou six mois là-haut, logés à la belle étoile, dans l'herbe jusqu'au ventre ;
puis, au premier frisson de l'automne, on redescend au mas, et l'on revient brouter les petites collines
grises que parfume le romarin....
Alphonse Daudet
17-La chèvre de Monsieur Seguin
M. Séguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes de la même façon : un beau
matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les
caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C'était, paraît-il, des chèvres
indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
Alphonse Daudet
18-La chèvre de Monsieur Seguin
Ah ! Gringoire, qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Séguin ! Qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa
barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui
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faisaient une houppelande ! C'était presque aussi charmant que le cabri d'Esméralda, tu te rappelles,
Gringoire ? - et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle.
Un amour de petite chèvre....
Alphonse Daudet
19-La chèvre de Monsieur Seguin
M. Séguin avait derrière sa maison un clos entouré d'aubépines. C'est là qu'il mit la nouvelle pensionnaire.
Il l'attacha à un pieu, au plus bel endroit du pré, en ayant soin de lui laisser beaucoup de corde, et de
temps en temps, il venait voir si elle était bien. La chèvre se trouvait très heureuse et broutait l'herbe de si
bon cœur que M. Séguin était ravi..
Alphonse Daudet
20-La chèvre de Monsieur Seguin
Quand la chèvre blanche arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins
n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu'à
terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d'or s'ouvraient sur son passage, et sentaient
bon tant qu'ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête.
Alphonse Daudet
21-Les étoiles
Du temps que je gardais les bêtes sur le Luberon, je restais des semaines entières sans voir âme qui vive,
seul dans le pâturage avec mon chien et mes ouailles. De temps en temps un ermite passait par là pour
chercher des simples ou bien j'apercevais la face noire de quelque charbonnier du Piémont; mais c'étaient
des gens naïfs, silencieux à force de solitude, ayant perdu le goût de parler et ne sachant rien de ce qui se
disait en bas dans les villages et les villes.
Alphonse Daudet
22-La cabane
Un toit de roseaux, des murs de roseaux desséchés et jaunes, c'est la cabane. Ainsi s'appelle notre rendez-
vous de chasse. Type de la maison camarguaise, la cabane se compose d'une unique pièce, haute, vaste,
sans fenêtres, et prenant jour par une porte vitrée qu'on ferme le soir avec des volets pleins. Tout le long
des grands murs crépis, blanchis à la chaux, des râteliers attendent les fusils, les carniers, les bottes.
Alphonse Daudet
23-La dernière classe
Ce matin-là, j'étais très en retard pour aller à l'école, et j'avais grand-peur d'être grondé, d'autant que notre
maître nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les participes, et je n'en savais pas le premier mot. Un
moment l'idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs. Tout cela me
tentait bien plus que la règle des participes ; mais j'eus la force de résister, et je courus bien vite vers
l'école.
24-La messe
C'est la messe de minuit qui commence. Dans la chapelle du château, une cathédrale en miniature, aux
arceaux entrecroisés, aux boiseries de chêne, montant jusqu'à hauteur des murs, les tapisseries ont été
tendues, tous les cierges allumés. Et que de monde ! Et que de toilettes !
25-Hansel et Gretel
A l'orée d'une grande forêt vivaient un pauvre bûcheron, sa femme et ses deux enfants. Le garçon
s'appelait Hansel et la fille Grethel. La famille ne mangeait guère. Une année que la famine régnait dans
le pays et que le pain lui-même vint à manquer, le bûcheron ruminait des idées noires, une nuit, dans son
lit et remâchait ses soucis.Il dit à sa femme
- Qu'allons-nous devenir ? Comment nourrir nos pauvres enfants, quand nous n'avons plus rien pour
nous-mêmes ?
Conte de Grimm
26-Le Petit Chaperon rouge.
Il était une fois une petite fille que tout le monde aimait bien, surtout sa grand-mère. Elle ne savait
qu'entreprendre pour lui faire plaisir. Un jour, elle lui offrit un petit bonnet de velours rouge, qui lui allait
si bien qu'elle ne voulut plus en porter d'autre. Du coup, on l'appela "Chaperon rouge".
Conte de Grimm
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26-Le Petit Chaperon rouge
Le Loup tire la chevillette, la porte s'ouvre et sans dire un mot, il s'approche du lit de la grand-mère et
l'avale. Il enfile ses habits, met sa coiffe, se couche dans son lit et tire les rideaux. Pendant ce temps, le
petit Chaperon Rouge avait fait la chasse aux fleurs. Lorsque la fillette en eut tant qu'elle pouvait à peine
les porter, elle se souvint soudain de sa grand-mère et reprit la route pour se rendre auprès d'elle. Elle fut
très étonnée de voir la porte ouverte...
Conte de Grimm
27-Barbe Bleue
Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d'or et
d'argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés; mais par malheur cet homme avait la barbe
bleue : cela le rendait si laid et si terrible, qu'il n'était ni femme ni fille qui ne s'enfuit devant lui.
Perrault
28-Le Sapin
Là-bas, dans la forêt, il y avait un joli sapin. Il était bien placé, il avait du soleil et de l'air ; autour de lui
poussaient de plus grands camarades, pins et sapins. Mais lui était si impatient de grandir qu'il ne
remarquait ni le soleil ni l'air pur, pas même les enfants de paysans qui passaient en bavardant lorsqu'ils
allaient cueillir des fraises ou des framboises.
" Oh ! si j'étais grand comme les autres, soupirait le petit sapin, je pourrais étendre largement ma verdure
et, de mon sommet, contempler le vaste monde. Les oiseaux bâtiraient leur nid dans mes branches et,
lorsqu'il y aurait du vent, je pourrais me balancer avec grâce comme font ceux qui m'entourent.
" Conte d'Ande
29-Le rossignol
Dans le jardin poussaient des fleurs merveilleuses; et afin que personne ne puisse passer sans les
remarquer, on avait attaché aux plus belles d'entre-elles des clochettes d'argent qui tintaient délicatement.
Vraiment, tout était magnifique dans le jardin de l'empereur, et ce jardin s'étendait si loin, que même le
jardinier n'en connaissait pas la fin.
Conte d'Andersen
30-Le stoïque soldat de plomb
Il y avait une fois vingt-cinq soldats de plomb, tous frères, tous nés d'une vieille cuillère de plomb. L'arme
au bras, la tête droite, leur uniforme rouge et bleu n'était pas mal du tout.
La première parole qu'ils entendirent en ce monde, lorsqu'on souleva le couvercle de la boîte fut : des
soldats de plomb ! Et c'est un petit garçon qui poussa ce cri en tapant des mains. Il les avait reçus en
cadeau pour son anniversaire et tout de suite il les aligna sur la table.
Conte d'Andersen
31-Le stoïque soldat de plomb
Les soldats se ressemblaient exactement, un seul était un peu différent, il n'avait qu'une jambe, ayant été
fondu le dernier quand il ne restait plus assez de plomb. Il se tenait cependant sur son unique jambe aussi
fermement que les autres et c'est à lui, justement, qu'arriva cette singulière histoire.
Conte d'Andersen
32-Le stoïque soldat de plomb
Le lendemain matin, quand les enfants se levèrent, le soldat fut placé sur la fenêtre. Tout à coup - par le
fait du petit diable ou par suite d'un courant d'air -, la fenêtre s'ouvrit brusquement, le soldat piqua, tête la
première, du troisième étage. Quelle équipée ! Il atterrit la jambe en l'air, tête en bas, sur sa casquette, la
baïonnette fichée entre les pavés.
Conte d'Andersen
33-La fée du sureau
- Te souviens-tu, disait le vieux marin, du temps que nous étions petits, nous courions et nous jouions
justement dans cette même cour où nous sommes assis et nous piquions des baguettes dans la terre pour
faire un jardin.
- Bien sûr, je me rappelle, répondit sa femme. Nous arrosions ces branches taillées et l'une d'elles, une
branche de sureau, prit racine, bourgeonna et devint par la suite le grand arbre sous lequel nous deux,
vieux, sommes assis.
Conte d'Andersen
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34-La princesse et le porcher
Sur la tombe du père du prince poussait un rosier, un rosier miraculeux. Il ne donnait qu'une unique fleur
tous les cinq ans, mais c'était une rose d'un parfum si doux qu'à la respirer on oubliait tous ses chagrins et
ses soucis. Le prince avait aussi un rossignol qui chantait comme si toutes les plus belles mélodies du
monde étaient enfermées dans son petit gosier.
Conte d'Andersen
35-Une maison
Sur le toit de chaume, il y a des mauvaises herbes, de la mousse et un nid de cigognes. Ce sont les
cigognes surtout qui ne doivent pas manquer. Les murs penchent, les fenêtres sont basses et une seule
peut s'ouvrir. Le four ressemble à un ventre rebondi, les branches d'un sureau tombent sur une haie, et le
sureau se trouve à une mare où nagent des canards. Il y a encore là un chien à l'attache, qui aboie après
tout le monde, sans distinction.
37-La souris
Comme, à la clarté d’une lampe, je fais ma quotidienne page d’écriture, j’entends un léger bruit.
Si je m’arrête, il cesse. Il recommence dès que je gratte le papier. C’est une souris qui s’éveille...
Elle saute par terre et trotte sur les carreaux de la cuisine. Elle passe près de la cheminée, sous l’évier, se
perd dans la vaisselle, et par une série de reconnaissances qu’elle pousse de plus en plus loin, elle se
rapproche de moi.
38-Le clown
J'ai dessinée un clown joyeux. Il vit au milieu d'un bois merveilleux. Il a les cheveux et les yeux bleus.
Les pneus de son vélo sont vieux mais il a quelques bijoux précieux qu'il cache au creux d'un trou. Il a
aussi deux neveux qui sont nerveux et sérieux.
Quand le temps est nuageux ou orageux, il devient malheureux et peureux.
S'il est frileux, il allume un feu.
Quand il fait des aveux curieux, il redevient joyeux, fait mille et un vœux et se sent amoureux et
généreux.
39-La harde
En avant, l'antilope à l'oreille percée accélérait l'allure et dépassait le vieux mâle en tête de la harde. Taille
fine, muscle rond et ferme, pattes minces, le poil luisant comme aux heures de grande sécurité, le jeune
guide allongeait ses foulées. Il venait d'apercevoir de minuscules points brillants qu'il reconnut pour ces
petites flammes allumées par des hommes et qui ne brûlent personne…
40-La grippe
Depuis hier, J'ai une grosse grippe. Ce n'est pas très rigolo. Je me sens fatigué et j'ai mal à la gorge. Le
médecin dit que ce n'est pas grave et que je guérirai vite si je mange beaucoup de légumes. Moi, je suis
gourmand et je préfère l'orangeade, les glaces et les gâteaux.
Heureusement, si je suis sage et gentil, maman m'a promis une guitare électrique. En attendant, je dois
rester allongé dans mon lit. Je regarde les grives et les pigeons qui volent dans le jardin ou je gonfle mes
joues pour faire des grimaces. Pourvu que je n'attrape pas la rougeole.
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41-Karabounia
Une nuit de pleine lune, Karabounia, la sorcière, eut une panne de balai. Elle chevauchait allégrement, à
la poursuite d’une bande de chauve-souris, lorsqu’un éternuement de pétarade sortit de la touffe de genêts
ébouriffés qui servait de moteur au balai.
—Marmitakaka, je tombe en bas ! Jura la sorcière. C’est sûrement le carburateur !
Elle essaya bien de réparer elle même mais elle était surtout habile à se transformer en toutes sortes de
choses épouvantables, genre araignée mauve, à patte vertes, éléphant à carreaux ou interrogation écrite de
maths.
Alain DEMOUZON
42-Comme un radar
Les orques ne consomment pas uniquement des proies attrapées sur les côtes. Ils chassent surtout au
large, en pleine eau. Ils émettent alors des sons très brefs, qu’on appelle des clics.
Ces sons ne sont pas destinés au bavardage : ils servent à détecter des animaux que les orques ne voient
pas encore. Les clics se réfléchissent et reviennent vers l’orque, lui indiquant la présence de sa victime.
43-Cendrillon
Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant
fort belle, dit que cela était très juste et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir
Cendrillon, et, approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'il y entrait sans peine, et qu'elle y était
juste comme de cire.
L'étonnement des deux soeurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre
petite pantoufle qu'elle mît à son pied.
On la mena chez le jeune prince, parée comme elle était. Il la trouva encore plus belle que jamais; et, peu
de jours après, il l'épousa.
Cendrillon, qui était aussi bonne que belle fit loger ses deux soeurs au palais, et les maria, dès le jour
même, à deux grands seigneurs de la cour.
44-A la piscine
Ce matin, Simon et sa jeune sœur Alice sont allés à la piscine. Simon est un bon nageur. Sa sœur l’appelle
“le dauphin”. Son grand plaisir est de traverser le bassin en nageant sous l’eau. Ils ont emprunté un
matelas flottant au maître nageur, puis Alice a voulu apprendre à plonger. Dans toute la piscine on
entendait les rires et les cris de Simon. Le courage d’Alice a été récompensé : elle a réussi un superbe
plongeon.
48- J’ai entendu rappeler à de jeunes lauréats du Concours général qu’ils devaient leur succès à la chance
– celle des dons ou celle de l’environnement. De telles formules sont déprimantes et surtout injustes.
Certes, il faut là comme partout des conditions premières, à commencer par la santé et un milieu familial
propice – c’est-à-dire qui ait, non pas de l’argent, mais le respect du travail. De même, il faut avoir la
santé pour jouer au tennis, et des parents qui vous aient donné l’idée du jeu et permis de commencer tôt.
Pourtant, cela ne suffit pas. Et les petites écolières. Je peux vous le dire, ne sauraient réussir qu’en
travaillant.
Jacqueline de Romilly
49- Aujourd’hui, nous sommes entrés dans l’époque de la culture de masse, de la culture présente dans
tous les foyers grâce à la télévision et à l’informatique. Mais si ces appareils sont porteurs de création,
s’ils ont enrichi notre patrimoine de films de télévision et de cinéma qui n’ont rien à envier aux chefs
d’œuvre des autres arts, ils sont avant tout des moyens de diffusion ; cela signifie que, pour l’essentiel, les
sources de la culture sont ailleurs qu’en eux : dans les sciences, dans la littérature, dans les arts, dans
l’Histoire, pour l’exploration de la condition humaine, et dans la vie sociale pour l’ensemble des pratiques
culturelles. La culture étant l’effort de l’homme pour comprendre le monde et s’adapter à lui,
l’audiovisuel est le témoignage offert à tous de cet effort. Mais cette offre ne constitue pas à elle seule un
accès à la culture : elle est un pas de géant qui ne débouche sur rien s’il n’y a pas apprentissage préalable
ou concomitant. C’est la raison pour laquelle il faut se résigner à accepter le fait que la télévision par elle-
même ne changera jamais dans des proportions importantes le niveau de culture des téléspectateurs.
G. Montassier
50- Victor Hugo a beaucoup écrit sur la misère, sous des formes variées.
Le roman "Les misérables" utilisait la prose;
Ce texte-ci a le rythme prenant de la poésie.
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
dans la même prison, le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
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Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las...
Mélancholia Victor Hugo.
51- Au Québec, il n’y a pas d’âge minimum légal pour commencer à travailler. Toutefois, bien qu’il ne
soit pas interdit de faire travailler des enfants, les employeurs doivent respecter certaines règles (art. 84.2
à 84.7 LNT et art. 35.1 et 35.2 du Règlement sur les normes du travail). Ainsi, la Loi sur les normes du
travail interdit de faire effectuer par un enfant un travail disproportionné à ses capacités, ou susceptible de
compromettre son éducation, ou de nuire à sa santé ou à son développement physique ou moral. La loi ne
précise pas la notion «d’enfant», mais selon l’interprétation courante, il s’agit d’une personne de moins de
18 ans. Il est également interdit de faire travailler un enfant de moins de 14 ans sans le consentement écrit
des parents. L’employeur a l’obligation de vérifier l’âge de l’enfant.
55- L’instituteur, père du narrateur, a donné aux élèves le sujet de rédaction suivant : Quel métier aimerez-
vous faire et pourquoi ?
Tout en préparant le repas du soir, ma mère se penchait sur mon travail.
- Alors, tu n’as encore rien écrit ? Gronda maman, mais réfléchis donc, tu as bien une idée…
J’essayai plusieurs professions. Maman trouva que celle du pâtissier ne convenait pas un fils
d’instituteur, que je devais avoir plus d’ambition.
Le métier d’explorateur lui paraissait scabreux, et d’ailleurs pourquoi aller chercher si loin qu’on peut
trouver ici même. C'est-à-dire un emploi stable, honorable et bien rémunéré.
- Chauffeur de locomotive ? Proposai-je. Elle ne fut pas d’accord. Il y a des risques d’accidents et
trop de linge à laver. Au bout d’une demi-heure, ce fut ma mère qui me fit des propositions.
- Que dirais-tu d’être un jour pharmacien ? Demande-t-elle.
Tu aurais une blouse blanche et un magasin propre.
Cet avenir ne me plaisait pas. Cela sentait l’éther et la maladie.
- Avocat ? Tu ne voudrais pas être avocat ? Interrogea-t-elle encore une fois. Tu porterais une robe
noire et tu défendrais les innocents .J’ignorais cette fonction. A mon âge je ne concevais pas qu’il pût y
avoir de grandes personnes coupables.
Finalement, excédée par mes hésitations, ma mère m’ordonna de décrire les avantages d’un métier
qu’au moins je connaissais bien, le métier d’un instituteur.
Jean L’HOTE, La communale
56 - Dans la jungle - Je continue ma marche, une marche toujours pénible. J'enfonce dans la boue, je
trébuche sur des branches. J'ai mal au dos et aux reins. Je commence à douter d'avoir pris la bonne
direction. Soudain, je crois distinguer une forme rouge à travers les feuilles : des Indiens ! Pourvu qu'ils
ne me prennent pas pour un quelconque gibier. Je lance un appel et m'approche d'eux. Trois hommes et
une femme sont en train de manger. Ils me rassurent : je ne me suis pas perdu, mais ils m'engagent à
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revenir avec eux, car ils affirment que je n'ai aucune chance d'atteindre les sources du Tamouri. Bien
entendu, je refuse et nous nous séparons.
Richard Chapelle
60- La biche –
La semaine passée, nous avons marché longtemps, sous un soleil matinal, dans le bois. Au détour d'une
allée déserte, nous nous arrêtâmes, nez à museau, devant une biche toute jeune qui s'arrête au lieu de
s'enfuir. Elle haletait d'émotion et ses jambes fines tremblaient ; mais ses longs yeux exprimaient plus
d'embarras que de peur. J'aurais voulu toucher ses oreilles pelucheuses et son doux museau de velours
cotonneux. Quand j'étendis la main, elle tourna le front d'un mouvement sauvage et disparut.
Colette
60- Pauvre minet –
Un de nos petits chats s'est endormi sur le foin de la grange. Il ne s'est pas réveillé au retour des hommes.
Et ils ont déchargé la charrette sur lui sans faire attention. On l'entend miauler de détresse, la voix
étouffée par trois mètres de foin.
61 - La chasse du renard –
Depuis deux mois, les petits renards sont nés. Alors, commence pour le père une vie dure et dangereuse.
Au petit jour, il quitte sa retraite et passe la rivière pour venir rôder près d'une maison isolée, au milieu
d'une sapinière. Caché dans les fougères, il attend patiemment le passage des volailles imprudentes.
62- Deux skieurs - Élisabeth vit partir Jacques, les jambes raides, le dos rond, les coudes au corps, dans
une attitude crispée. Il tomba dans un virage, se releva et continua sa descente plus lentement. Élisabeth
était meilleure skieuse que lui. Elle s'engagea résolument dans le chemin poli et durci par des centaines de
passages.
63 - Bataille de boules de neige - On se guette à l'angle des maisons, sous le porche des granges, derrière
la murette des cours. De chaque côté, les renforts arrivent, l'escarmouche devient combat. C'est là qu'on
voit les braves et les malins. Les petits, accroupis, font des boules, les projectiles se croisent. De temps en
temps, un coup heureux tape sec sur un oeil, une oreille; ailleurs, cela ne compte pas. On s'enhardit, on se
découvre, bientôt ce sera la charge, on se fusillera à bout portant, on pillera les arsenaux, on se fera
manger de la neige à poignées.
J. Cressot
64 - L'enfant malade –
Roger demeurait immobile durant des heures, les yeux levés vers le plafond triste de sa chambre, l'oreille
attentive aux bruits mystérieux qui montaient parfois du rez-de-chaussée comme du fond d'un puits. Il ne
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savait plus quelle heure il était... Il lui semblait qu'une bête énorme pesait sur sa poitrine pour l'empêcher
de respirer. Il suppliait vainement sa mère d'ouvrir la fenêtre et de lui donner un peu d'air.
65 - Drame en montagne –
Toute la nuit, la tempête balaya la vallée avec la même violence. Les petits ruisseaux devenaient des
torrents furieux qui se précipitaient dans la rivière écumante. Les scieurs de la vallée coururent à leurs
scieries pour empêcher leur stock de bois d'être emporté. Les gardes, postés auprès des ponts, devaient
assister, impuissants, à la ruée du flot.
66 - Impatience –
Le jour du spectacle, Jean-Christophe allait regarder cinquante fois l'horloge, il croyait que le soir
n'arriverait jamais; enfin n'y tenant plus, il partait dans la peur de ne pas trouver de place, et comme il
était le premier dans la salle déserte, il commençait à s'inquiéter. ... Le chef d'orchestre était à son poste.
Tout semblait enfin prêt. On ne commençait pas ! Que se passait-il donc ? Jean-Christophe bouillait
d'impatience.
Romain Rolland
67 - La rivière –
Ton nom aimable et léger, je ne le connaissais pas, mais toi, je te connaissais si bien ! Tu viens d'une
source vive, sous la roche, là-haut ; tu te hâtes de descendre et puis tu entres dans nos prés. Alors, tu es
nôtre pendant près d'une lieue ; à tous les détours de ta fuite, je t'ai accompagnée. Je sais maintenant
pourquoi tu coules d'abord dans une large prairie, pourquoi tu t'étrangles ensuite dans l'étroit vallon que
dominent nos maisons.
68 - Avant le repas –
La table était mise dans une grande salle du rez-de-chaussée servant à la fois de salle à manger et de
cuisine : une grande table comme pour une noce. Des invités venus des villages voisins, des paysans
riches, des fermiers vêtus de blouses bleues ornées de broderies blanches aux poignets et aux épaules
secouaient la tête d'un air de satisfaction devant les préparatifs du repas. La nappe de linge blanc attirait
les regards.
69 - Un coiffeur novice –
Paul fut donc installé sur une chaise surmontée d'une petite caisse. On lui mit la serviette au cou. J'avais
été chargé d'aller voler à la cuisine une casserole d'une taille convenable et, pour plus de sûreté, j'en avais
pris deux. Je lui mis la plus juste comme un chapeau et j'en tins le manche : pendant ce temps, avec une
paire de ciseaux, mon père trancha les boucles au ras du bord ; ce fut fait avec une rapidité magique, mais
le résultat ne fut pas satisfaisant, car, la casserole ôtée, la chevelure du patient apparut curieusement
crénelée. Marcel Pagnol
70 - Avant l'orage –
Des nuages violets passaient sur nos têtes, et la lumière bleuâtre baissait de minute en minute, comme
celle d'une lampe qui meurt. Je n'avais pas peur, mais je sentais une inquiétude étrange, une angoisse
profonde, animale. Les parfums de la colline étaient devenus des odeurs et montaient du sol, presque
visibles. Plusieurs lapins passèrent, aussi pressés que devant les chiens, puis des perdrix surgirent sans
bruit du vallon, et se posèrent à trente pas sur notre gauche... Marcel Pagnol
71 - Le loup –
Vers le milieu de l'hiver, les froids furent excessifs et les loups devinrent féroces. Ils attaquaient même les
paysans attardés, rôdaient la nuit autour des maisons, hurlaient du coucher du soleil à son lever et
dépeuplaient les étables. Et bientôt une rumeur circula. On parlait d'un loup colossal, au pelage gris,
presque blanc, qui avait mangé deux enfants, dévoré le bras d'une femme, étranglé tous les chiens de
garde du pays, et qui pénétrait sans peur dans les enclos pour venir flairer sous la porte. Une panique
courut par toute la province. Personne n'osait sortir dès que tombait le soir. Les ténèbres semblaient
hantées par l'image de cette bête.
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72 - Le repas d'un paysan –
La barrière de bois s'ouvrit ; un homme entra, âgé de quarante ans peut-être, mais qui semblait vieux de
soixante, marchant à grands pas alourdis par le poids de ses lourds sabots, pleins de paille. L'homme entra
dans la cuisine, ouvrit le buffet, prit un pain de six livres, en coupa soigneusement une tranche, recueillit
dans le creux de sa main les miettes tombées sur la tablette et se les jeta dans la bouche pour ne rien
perdre. Puis il se mit à manger son pain lentement. Guy de Maupassant
73 - La leçon d'histoire –
Les classes d'histoire avaient toujours lieu l'après-midi. On entendait parfois des soupirs de satisfaction et
les bras se croisaient tout seuls sur les tables. Le maître descendait de son estrade et venait s'asseoir parmi
nous. Le maître ne lisait pas : il parlait, il racontait. Il lui arrivait de se lever, de tirer d'un coffre une carte
qu'il suspendait au mur pour nous montrer les endroits où s'étaient passées les grandes choses qu'il nous
enseignait. Nous étions suspendus à ses lèvres.
Louis Guilloux
75 - Victoire –
Plus que dix mètres... Mes jambes commencent à s'alourdir, mais qu'importe ! Je suis en tête et le fil blanc
est là, à quelques foulées. Je sens mon coeur battre et retentir dans ma poitrine sous le coup de l'émotion
devant la victoire si proche. J'ai besoin de respirer. J'ouvre la bouche toute grande, car ce que j'aspire, ce
n'est pas seulement l'air qui emplit mes poumons, c'est le stade entier qui s'engouffre en moi... Gagné !
J'ai gagné !
R. Boisset
76 - Jardinage –
Pécuchet passait des heures délicieuses à éplucher les graines, à écrire des étiquettes, à mettre en ordre ses
petits pois. Pour se reposer, il s'asseyait sur une caisse, et alors projetait des embellissements. Il avait créé,
au bas du perron, deux corbeilles de géraniums ; il voulut planter des tournesols ; et, comme toutes les
plates-bandes étaient couvertes de boutons d'or, et toutes les allées de sable neuf, le jardin éblouissait par
une abondance de couleur jaune.
Gustave Flaubert
77 - À travers champs –
Après le déjeuner, Catherine s'en est allée dans les prés avec Jean, son petit frère. Quand ils sont partis, le
jour semblait jeune et frais comme eux. Le ciel n'était pas tout à fait bleu, il était plutôt gris, mais d'un gris
plus doux que tous les bleus du monde. Justement, les yeux de Catherine sont de ce gris-là et semblent
faits d'un peu de ciel matinal. Anatole France
78 - Peur d'enfant –
J'avais une douzaine d'années ; j'étais allé, à une lieue de la ville, prendre des nouvelles de mon oncle qui
était malade. Je revenais par la forêt. A la tombée de la nuit, la route était déserte. Tout à coup, j'entends
derrière moi des pas précipités, une sorte de galop que je ne connaissais pas. La peur me prit ; je me
figurais une bête monstrueuse à ma poursuite. Je me mis à courir à toutes jambes. Plus je courais, plus le
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galop semblait se rapprocher, plus les formes de la bête, que je ne voyais pas pourtant, me paraissaient
grandir et devenaient effrayantes.
Louis Liard
80 - L'écureuil –
Je n'oublierai jamais le petit écureuil que je vis un matin descendre d'un hêtre pour aller dans les
noisetiers faire sa provision d'hiver... Il venait par bonds légers et peureux, la queue en trompette. On
entendait le bruit sec de la cueillette, et c'était une fuite brusque vers l'arbre qui est sa forteresse. Arrache-
t-il les noix avec ses dents ou avec ses pattes, je n'en sais rien ; peut-être avec ses pattes, car les rongeurs
mangent à peu près comme nous...
Rémy de Gourmont
81 - La chatte –
Elle ne sortait que la nuit par peur des chiens et des hommes, et elle fouillait les poubelles. Quand il
pleuvait, elle se glissait derrière la grille d'une cave, mais la pluie gagnait tout de suite son refuge et elle
serrait sous elle ses maigres pattes de chatte errante, fines et dures comme celles d'un lièvre. Elle restait là
de longues heures. Elle connaissait ma figure, mais elle ne mendiait pas et je ne pouvais lire dans son
regard que l'ennui d'avoir faim, d'avoir froid et d'être mouillée. Colette
83 - Le renard curieux –
Filliou, le renard, avait aperçu deux hommes dans la clairière et il s'était caché sous un buisson pour les
observer sans être vu. Que faisaient-ils là ? Pourquoi se fatiguaient-ils à frapper contre un arbre avec de
longs bâtons terminés par des masses étincelantes ? Comme il n'avait jamais vu de hache, Filliou ne
pouvait deviner que ces deux chercheurs d'or coupaient du bois pour se chauffer. La curiosité est le plus
gros défaut des renards. C'était à ce vice que Filliou devait la plupart de ses mésaventures. Une course
folle à travers les bois lui suffisait pour oublier le passé. George C. Franklin
85 - Au verger –
Dans l'herbe, de grands cerisiers, posés avec sagesse, de distance en distance, dressent leurs têtes rondes.
Derrière des haies de roseaux, s'abritent des abricotiers. Plus haut, la poire en espalier et la pêche
mûrissent lentement au bon soleil. En avril, tous les arbres sont en fleurs. J'étais enchanté. Un paysan
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émondait quelques branches sans hâte ; il travaillait : tantôt, il coupait un rejet sauvage et tantôt, d'un air
réfléchi, il examinait son arbre. On entendait partout le bruit du sécateur. Les abeilles paraissaient ivres ;
elles dansaient partout. De temps en temps sans raison, une grande poignée de pétales partait à l'aventure
et s'éparpillait.
Henri Bosco
86 - La vipère –
Je m'étais assis contre le mur de pierres sèches qui borde le pré. Le soleil de juillet tombant à pic
m'écrasait d'une sorte de torpeur, lorsque je vis la vipère. Je ne l'avais pas entendue arriver. Elle avait dû
longer le pied du mur et, rencontrant cet obstacle que je représentais pour elle, elle s'était arrêtée.
Trouvant sans doute l'endroit propice à un bain de soleil, elle s'était lovée à quelques centimètres de moi
et, sa tête camuse posée sur l'un de ses anneaux, elle me regardait des deux perles noires de ses yeux.
D'après J Proal
87 - Une crue –
Grossie par les pluies d'automne, la Seine avait fait tomber les barrages et se ruait vers la mer comme une
bête échappée. Le fleuve roulait déjà au ras des quais et les dépêches annonçaient de mauvaises
nouvelles. On disait que les affluents rompaient leurs digues, inondaient la campagne, et la crue montait.
Des camions emportaient des caisses de sucre. Les quais se vidaient et la file des chariots, gravissant la
pente des rampes, fuyait la crue comme une armée en marche.
Alphonse Daudet
88 - Un fleuve –
Soudain au détour d'un coteau, il reçoit son premier affluent. Deux fois plus large et plus profond, il
mérite maintenant d'être appelé fleuve. Il va calme et laborieux. Sur sa berge, le long des peupliers
frémissants, les chevaux tirent à plein collier, en amont, les chalands vides ; et, sur les péniches aux vives
couleurs, qui descendent en aval, les mariniers chantent. Il va traçant de gracieux méandres. Il va,
absorbant une rivière puis une autre. Il traverse des cités illustres. Puis il s'élance de nouveau dans la libre
campagne et présente son miroir à toutes les féeries du ciel.
François Coppée
89 - Le sanglier –
Il faisait presque nuit. J'étais encore dans le ravin. Tout à coup, d'un hallier, à vingt mètres à peine devant
moi, a débouché un sanglier. Il était lourd, trapu, et de sa hure noire, sortaient deux grands boutoirs. En
me voyant, il s'est arrêté et j'ai compris qu'il était d'humeur sauvage. J'ai hésité à continuer mon chemin.
L'animal, le groin bas, a grogné et soufflé dans les feuilles sèches. Je me suis écarté vers un petit rocher et
j'ai attendu. Le sanglier m'a observé un long moment, puis il a remonté la sente, sans daigner, en passant,
me jeter un regard.
Henri Bosco
90 - Le jour de la rentrée –
C'est la rentrée. Les petits qui viennent de l'école maternelle, découvrent de nouveaux bâtiments scolaires.
Je crois bien qu'ils ont un peu peur ! Nous, les grands, nous faisons quelques exercices de révision, et
l'après-midi, nous allons visiter le gymnase. L'institutrice explique que tous les élèves devront avoir une
tenue d'éducation physique. Le soir, les premières leçons marquent vraiment la fin des vacances.
91 - La course –
Jamais je n'ai fait une première moitié de course aussi rapide. L'essoufflement pareil à une angoisse se
noue déjà à ma gorge. Coude à coude, je gagne un mètre, le reperds, le regagne. Je passe : je fonce tout
seul. Voilà le fil d'arrivée, enfin le fil. Là, ça y est, j'ai gagné. Je ne suis plus fatigué. Je fais encore une
dizaine de foulées. J'ai gagné, gagné ! J'exulte.
Georges Magnante
92 - Le collège –
Après les vacances, je suis entré au collège. Quelle différence avec l'école ! Au lieu d'une seule maîtresse,
nous avons un professeur différent pour chaque matière, ou presque. Bien sûr, tout était nouveau pour
moi, mais cela n'a pas été aussi terrible que je le redoutais. Et puis avoir déjà un frère au collège, cela m'a
bien facilité les choses.
D'après C. Jacobsen
93 - Une panne –
L'auto s'essouffle. Le moteur cogne. On sent peiner toute cette vieille machine, secouée de frissons
comme un vieux cheval. Sûrement, elle n'ira plus loin... La voiture épuisée n'avance plus, elle se traîne.
Parfois, dans une descente, elle retrouve un peu de force et s'élance en pétaradant. Mais tout de suite à
bout de souffle, elle ralentit et j'entends son coeur battre avec un bruit de ferraille... Un râle. L'auto
s'arrête.
Roland Dorgelès
94 - La vipère –
Redressée, furieuse, enroulée autour de ma cheville, la vipère frappait avec rage de sa tête triangulaire, le
cuir jaune de mes souliers montants. J'étais terrifiée ! J'essayais bien, du bout de mon autre pied, de
rabattre sa tête sur le sol mais, sur ce terrain glissant, c'était difficile. Rapide comme l'éclair, l'animal
esquivait mes attaques et continuait à cribler mes souliers de coups rageurs. Elle parvint à se dégager et à
gagner quelques centimètres. Alors, elle se mit à frapper d'une ardeur renouvelée presque au niveau de ma
jambe nue. Je n'osais plus faire un mouvement. D'une voix tremblante d'abord, puis de plus en plus
désespérée, je me mis à crier.
95 - Au bord de la mer –
La jeune fille s'arrêta dans les rochers pour écouter la mer. Elle connaissait bien son bruit, l'eau qui
clapote et se déchire, puis se réunit en faisant exploser l'air. Elle aimait bien cela, mais aujourd'hui, c'était
comme si elle l'entendait pour la première fois. Il n'y avait rien d'autre que les rochers blancs, la mer, le
vent, le soleil. C'était comme être sur un bateau, loin au large... Jean-Marie G Le Clézio
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tellement extraordinaire ! Une coupure immense me sépare du monde. Ici la présence de l'homme n'est
pas prévue, ni peut-être souhaitée. Et pourtant, c'est sans aucune crainte que nous nous élevons.
Maurice Herzog
103- Guide - À la descente, je crevai un pont de neige et je tombai dans la crevasse. Pendu au bout de ma
corde, je fis connaissance avec la vie intérieure du glacier tandis que passait un courant d'air gelé. Tout de
suite il fit très froid : j'avais de la neige dans le cou et elle fondait le long de mon dos. Au-dessus de moi,
un trou, celui que j'avais fait en crevant le pont de neige, me permettait d'entrevoir un rond de ciel. J'étais
dans une tirelire de glace, la corde sciait la neige, s'enfonçant sous les bords des crevasses. Gaston
Rebuffat
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du demi-cercle qu'avaient tracé ses allées et venues. Du fond de sa niche, il bondit, mais d'un élan si
prodigieux que la boucle du collier céda.
112 - Le vieux jeune homme - Il avait trente ans et il passait pour vieux et usé ; sa taille était haute mais
courbée comme celle d'un vieillard ; ses cheveux étaient longs mais blancs, ses mains étaient fortes et
nerveuses, mais desséchées et couvertes de rides ; son costume était misérable et déguenillé, il avait l'air
gauche et embarrassé ; sa physionomie était pâle, triste, laide et même insignifiante. Gustave Flaubert
126 - Le pêcheur –
Bargabot tira de sa poche un long couteau. Il se tailla une énorme miche de pain, y plaça deux poissons et
traça une croix avec sa lame au-dessus de sa nourriture. Puis il mangea. Nous le regardions. Il ne disait
mot... Nous ne pensions pas à manger. Il s'en aperçut. Nos yeux se rencontrèrent : - Il faut manger, fiston,
murmura-t-il. J'ai pêché ce poisson pour vous.
Henri Bosco
129 - Au jardin –
Les enfants avaient aperçu le jardin : rien ne put les retenir. Ils s'en emparèrent à l'instant même, courant,
s'appelant, ravis, se croyant égarés. Il y avait des fleurs autant qu'on en pouvait rêver. Il y avait surtout des
coins qu'on n'avait pas cultivés depuis longtemps et où poussaient buissons, arbustes, herbes. Il y avait
tant de fruits qu'on ne ramassait pas ceux qui tombaient. Le propriétaire autorisa le pillage des treilles.
Les garçons étaient ivres de raisins.
Victor Hugo.
136 - Au restaurant –
Profitant d'une accalmie dans le service, elle regarda la salle. Il y avait un contraste étrange entre la fièvre
qui régnait aux cuisines et la tranquillité des clients. Assemblés autour des tables, des visages se
penchaient sur la nourriture avec appétit. Le bruit des fourchettes et des couteaux, le tintement des verres,
le murmure des conversations croisées réjouissaient Amélie comme une musique. Elle avait plaisir à
constater que tous ces gens appréciaient le confort de sa maison au point de l'avoir choisie pour leurs
vacances.
Henri Troyat
137 - Le lionceau –
Il y a par terre, au milieu du salon, un lionceau de trois semaines. Sur un corps long de trente centimètres,
il a déjà une grosse tête de vieux lion avec deux oreilles en peluche. Les indigènes l'ont pris au nid, tandis
que la mère chassait ainsi qu'ils font toujours. Je lui donne le biberon ; il suce avec avidité, puis ses yeux
se mouillent de plaisir comme ceux des petits chats, se ferment, et il s'endort sur le dos, le ventre en l'air,
les quatre pattes ouvertes. Cinq chiens de chasse l'entourent et le regardent d'un oeil terrifié, respectueux
devant celui qui sera le maître.
P. Morand.
140 - Le phoque –
Il avait un joli corps brun, bien dodu et luisant. Entre deux plongeons, on voyait émerger sa petite tête
maligne, ornée de belles moustaches de gros chat ; il soufflait, alors, en s'ébrouant, comme font les
enfants qui se baignent, pour débarrasser leur nez des gouttelettes d'eau. Les matelots s'étaient mis à lui
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lancer des débris de poissons qu'il attrapait au vol. Pour les remercier, il se livrait alors à une quantité de
sauts et de gentilles farces.
Pierre Loti. Un jeune officier pauvre.
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en éveil l'attention, chasser enfin l'ennui de la sombre salle, dont les murailles suaient la tristesse encore
plus que l'humidité, j'avais pour unique ressource la parole, pour unique mobilier le bâton de craie.
J-H Fabre. Les Abeilles maçonnes.
149 - En vendange –
Tout le vignoble est en fête. Chaussé de grosses bottes, l'oncle Frédéric dirige le travail des vendangeurs.
Le bruit sec des ciseaux se mêle aux chants, aux rires sonores, aux appels des gamins barbouillés de jus
de raisin. Les femmes coupent inlassablement les lourdes grappes dorées qui tombent, avec un bruit
sourd, au fond des baquets et des paniers. Quand les récipients sont pleins, on va les vider dans les
grandes hottes de bois que les hommes chargent, par des bretelles de cuir, sur leurs robustes épaules.
Irénée Desban
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