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TIRé À PART
tome 99- 1
au siège de la société
musée du quai branly
pa r i s
2013
JOURNAL DE LA
SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
ARTICLES
7 Nathan J. Meissner, Katherine E. South and Andrew K. Balkansky : Figurine embodiment
and household ritual in an early Mixtec village
45 Laurent Segalini : Du discours dynastique au corps social. Retour sur la terminologie des
groupes aristocratiques incas de Cuzco
77 Laurent Fontaine : Les nouveaux espaces publics chez les Yucuna d’Amazonie colombienne
105 Ernst Halbmayer : Securing a life for the dead among the Yukpa. The exhumation ritual as a
temporary synchronisation of worlds
141 Federico Ferretti : Un regard hétérodoxe sur le Nouveau Monde : la géographie d’Élisée
Reclus et l’extermination des Amérindiens (1861-1905)
NOTES DE RECHERCHE
173 Eduardo Pires Rosse : Du foot en terres amérindiennes. Notes sur les cas a’uwẽ et tikmũ’ũn du
Brésil
183 Magda Helena Dziubinska : Upiti kwaiti. Un idéal du football kakataibo (Amazonie
péruvienne)
COMPTES RENDUS
195 Danièle Dehouve, Relatos de pecados en la evangelización de los Indios de México
(siglos XVI-XVIII), Aliocha Maldavsky
200 Pedro Pitarch, The Jaguar and the Priest. An Ethnography of Tzeltal Souls, Perig Pitrou
206 Germán Freire (ed.), Perspectivas en salud indígena. Cosmovisión, enfermedad y políticas públi-
cas, Céline Valadeau
211 Edilene Coffaci de Lima e Lorena Córdoba (eds), Os outros dos outros: relações de alteridade na
etnologia Sul-Americana, Nicole Soares Pinto
216 Jonathan D. Hill and Jean-Pierre Chaumeil (eds), Burst of breath. Indigenous ritual wind
instruments in Lowland South America, Tommaso Montagnani
219 Sébastien Baud et Christian Ghasarian (éd.), Des plantes psychotropes. Initiations, thérapies et
quêtes de soi, Magali Demanget
224 Jean-Pierre Chaumeil y Juan Manuel Delgado Estrada (eds), Atlas geográfico del Perú por
Mariano Felipe Paz Soldán, Pablo F. Sendón
230 Andrés Leake (coordinador), Los pueblos indígenas cazadores-recolectores del Chaco salteño:
población, economía y tierras, Rodrigo Montani
236 Mariana Alfonsina Elías y Ariel Mencia, Textiles del Chaco. Catálogo del MEAB, Rodrigo
Montani
243 Pastor Arenas (ed.), Etnobotánica en zonas áridas y semiáridas del Cono Sur de Sudamérica,
Diego Villar
NÉCROLOGIE
247 Marie-France Fauvet-Berthelot : Susana Monzon (1931-2013)
ISSN : 0037-9174
COMPTES RENDUS
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l’Europe du xvie siècle, les débats sur la nature de l’homme et du péché divisent
catholiques et protestants et se poursuivent au sein de l’Église catholique au
xviie siècle. Ce contexte est à l’origine d’un renouvellement, au xvie siècle, du
genre de l’exemplum, ce « récit bref, donné comme véridique, destiné à être inséré
dans un sermon pour dispenser une leçon édifiante » et utile à l’aveu et à
l’expiation des péchés des fidèles, dans le cadre d’une pédagogie de la peur de
l’Enfer. Danièle Dehouve puise largement dans les travaux des médiévistes et des
spécialistes des exempla, dont elle maîtrise et mobilise la méthodologie. On peut
néanmoins regretter que la contextualisation de cette revitalisation de l’exemplum
à l’époque moderne ne convoque pas l’historiographie italienne sur la prédication
au-delà de la période médiévale et, notamment, les travaux de Carlo Delcorno et
Roberto Rusconi 1.
L’apport de cet ouvrage ne réside pas dans un éventuel dévoilement du
renouvellement de l’exemplum à l’époque moderne, mais plutôt dans la documen-
tation sur sa formidable amplification à travers la prédication menée en langues
indigènes par les ordres religieux en Amérique, dont les textes constituent le
corpus étudié par Danièle Dehouve. Il s’agit donc d’un échantillon de 45 exempla
tirés de sermonnaires imprimés ou manuscrits rédigés en langue nahuatl, choisis
en fonction de leur renommée, c’est-à-dire de la fréquence de leur apparition dans
le corpus, et complétés par un choix illustrant des thèmes variés. Pour analyser ces
récits, Dehouve s’inspire des méthodes des historiens médiévistes et choisit de les
considérer comme des textes, dont elle analyse l’itinéraire à travers les siècles, la
structure, souvent récurrente et stable, et le contenu, la morale et la symbolique,
changeants et révélateurs des adaptations aux contextes de profération et des
sociétés auxquelles s’adressent les prédicateurs. C’est pourquoi on constate que
les exempla modernes s’inspirent en général de textes très anciens, dont les
comportements et les anecdotes sont remaniés et mis au goût du jour.
Dans les deux premiers chapitres, l’auteur présente le corpus des sources
européennes à la disposition des prédicateurs du Mexique, puis examine les
exempla mexicains à l’aune des évolutions du processus d’évangélisation.
Les prédicateurs de la Nouvelle Espagne ont en effet puisé aux sources d’une
tradition longue de plusieurs siècles, étudiée par les historiens médiévistes, depuis
l’apparition de récits anecdotiques dans la littérature ecclésiastique entre les ive
et viiie siècles jusqu’à leur formalisation dans le cadre de la prédication du
xiiie siècle européen, dans des compilations telles que les recueils encyclopédiques
de Vincent de Beauvais. Ces ouvrages médiévaux vivent un nouvel essor à partir
du xve siècle grâce à l’imprimerie, donnant lieu à des remaniements et à de
nouvelles compilations dont l’anonyme Speculum exemplorum, édité une
première fois en 1512, et sa traduction castillane par Santoro, le Prado espiritual,
publiée en 1592, qui constituent les principales sources de Danièle Dehouve pour
reconstituer l’itinéraire des exempla en nahuatl au xvie siècle. Avec la Réforme
catholique et le concile de Trente (1545-1563), l’Église définit clairement sa
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Dehouve comptes rendus
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Nouveau Monde. Malgré les variations constatées, les mêmes récits servent à
illustrer ces différents péchés aussi bien en Europe qu’en Amérique. Alors
que, dans les exempla européens médiévaux, à chaque péché correspondait un
châtiment précis, selon un principe d’inversion, les récits en nahuatl ont tendance
à simplifier les supplices, limités à la torture et au duel. Les différentes manières de
mourir et le destin du cadavre mettent en avant l’importance du corps dans les
récits exemplaires, en relation avec un renforcement du symbolisme du corps dans
l’imagerie baroque. Reflet de l’âme et marqueur des fautes, le corps subit les
stigmates du châtiment.
Les chapitres six à neuf étudient dans le détail les innovations mexicaines en
termes linguistiques et culturels. La comparaison des versions castillane, latine et
nahuatl d’un même exemplum constitue un moyen de mesurer l’évolution du
nahuatl utilisé par les jésuites entre le xvie et le xviie siècles. Prenant appui sur
l’expression du temps, de l’opposition et de la concession, la comparaison montre
que les jésuites privilégient certaines expressions nahuatl au détriment d’autres,
créant, le cas échéant, des néologismes calqués sur les langues européennes. Les
versions nahuatl des textes utilisent systématiquement le style indirect, l’exclama-
tion et les interrogations rhétoriques, permis par des formes verbales et des
expressions très variées. Les explications sont également plus fréquentes dans les
textes en nahuatl. La spécificité de la langue nahuatl apparaît dans l’usage du
parallélisme, c’est-à-dire « la disposition des mots et des phrases par paires », et
en particulier du procédé impliquant deux mots ou expressions apposés pour
désigner une troisième chose ou action (disfrasismo). Le parallélisme et l’emploi
métaphorique des mots reflètent le principe dualiste de la pensée mésoaméricaine,
qui ne se réduit pas à une opposition. Habitués à d’autres formes de parallélisme
(synonymes, énumérations, périphrases et antithèses), les jésuites investissent
le procédé nahuatl en opérant des sélections drastiques dans le corpus de
disfrasismos existant, tout en traduisant en nahuatl des paires fréquentes en
espagnol ou en utilisant le principe du parallélisme pour exprimer des notions
difficiles du christianisme. Selon Dehouve, les jésuites procèdent à une véritable
déconstruction de la langue. La désignation des personnages et des décors des
exempla s’appuie sur le travail de traduction de leurs prédécesseurs franciscains
et, notamment, sur des néologismes devenus anachroniques par la suite. L’appro-
priation d’un style archaïsant et d’un vocabulaire cérémoniel précolombien
pouvait être facteur de confusion. Elle apparaît par exemple dans les termes
exprimant en nahuatl la notion de chaos (utilisé pour rendre compte de la vision
ou du scandale), d’offrande (pour l’enlèvement) et de colère (pour évoquer le
pécheur et le damné du christianisme). À travers l’étude de l’utilisation du binôme
pierre-bois, d’une grande richesse symbolique dans la langue nahuatl, ou des
termes désignant le feu, Dehouve illustre les glissements sémantiques et les limites
des convergences métaphoriques opérées par les prédicateurs chrétiens. La
déconstruction de la langue passe essentiellement par un démantèlement du
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Dehouve comptes rendus
dualisme contenu dans le vocabulaire choisi par les jésuites, en expulsant tout
élément positif de la signification des mots.
Les récits d’expériences spirituelles indiennes de mort approchée, parce
qu’elles se rapprochent du voyage outre-tombe des traditions européennes,
constituent un terrain fécond pour aborder la démarche de déconstruction que
les jésuites opèrent sur la culture indigène. Rapportant systématiquement les
expériences indiennes de conversion, de guérison ou de répit associées à la mort
approchée, les prédicateurs les assimilaient à des schémas qu’ils pensaient recon-
naître. Pourtant, ces récits étaient également tributaires de narrations indiennes
d’initiation chamanique ou de possession éthylique qui obéissaient à des
séquences comparables à celles des récits chrétiens : mort apparente, rencontre
surnaturelle et changement de vie au réveil. Les correspondances entre les
narrations d’expériences spirituelles des Indiens et les récits exemplaires
européens étaient par conséquent exploitées par les prédicateurs.
Cette déconstruction de l’univers mental indien, composé d’une sélection
drastique dans la langue et dans leurs expériences spirituelles rapportées au
moment de la confession, s’accompagne de la construction d’une humanité
pécheresse dans laquelle les évangélisateurs intègrent logiquement les habitants
des Indes occidentales. Passant en revue les différents récits aux origines géogra-
phiques diverses qu’on lit dans des compilations du xviie siècle, Dehouve insiste
dans le dixième chapitre sur la volonté des compilateurs de confirmer la validité
universelle des préceptes chrétiens, estimant néanmoins que « quelque chose de la
réalité du monde se glissait dans les récits à leur insu ». C’est pourtant une action
volontaire qui gomme, depuis la source américaine jusqu’au récit circulant en
Europe, les spécificités locales, contribuant à standardiser les exempla du Nou-
veau Monde. Cette mise aux normes s’accompagne également d’un retour en
Europe de la narration, souvent accolée à un récit comparable, d’une autre
origine géographique.
Fidèle à sa formation et à sa pratique pluridisciplinaire, Danièle Dehouve
traite dans le dernier chapitre de son ouvrage des traces de ces récits dans la
société mexicaine contemporaine, en prenant comme source des compilations de
contes en nahuatl ou des traditions orales, mais aussi des récits tirés de rumeurs,
notamment urbaines, dont l’itinéraire précis n’est pas facilement identifiable.
L’essentiel de la collection d’exempla contemporains de la Contre-Réforme met
en scène les fautes de l’humanité pécheresse et s’articule autour de la transgres-
sion et de la mort ou du repentir qui en résulte. Dans le contexte culturel
et linguistique mexicain, ce rapport entre la transgression et la mort se traduit
par le terme de tetzahuitl, qui signifie à la fois « le chaos, la terreur sacrée, le
mauvais augure et le scandale » et procède de la « transgression d’une règle de
comportement ». Le terme en vient à désigner le récit exemplaire lui-même.
En onze chapitres, qui se fondent à la fois sur une analyse serrée de la langue
employée par les prédicateurs et sur une comparaison systématique avec les
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Note
1. Delcorno Carlo, Exemplum e letteratura : tra Medioevo e Rinascimento, Il Mulino, Bologna,
1989 ; Rusconi Roberto, Predicazione e vita religiosa nella società italiana : da Carlo Magno alla
Controriforma, Loescher, Turin, 1981 ; Rusconi Roberto, L’ordine dei peccati : la confessione tra
Medioevo ed età moderna, Il Mulino, Bologne, 2002. On peut également regretter quelques coquilles,
telles que la date de 1547, au lieu de 1521, pour l’excommunication de Luther (p. 54) ; les jésuites sont,
quant à eux, expulsés en 1767 et non en 1770 (p. 70).
Aliocha Maldavsky
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Mondes américains UMR8168
Pitarch Pedro, The Jaguar and the Priest. An Ethnography of Tzeltal Souls
(avant-propos de Roy Wagner), « Linda Schele Series in Maya and Pre-
Columbian Studies », University of Texas Press, Austin, 2010, 284 p.,
bibliogr., ill., index [traduction de Ch’ulel. Una etnografía de las almas
tzeltales, Fondo de Cultura Económica, Mexico, 1996].
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Pitarch comptes rendus
souvent appelé nahualisme (du nahuatl : nahualli). Pour une grande part, la
difficulté à rendre intelligibles ces formes très spécifiques de relation à l’environ-
nement tient à ce qu’elles sont trop souvent abordées à partir de considérations
sémantiques alors que seule une approche globale, connectant des ordres de faits
tels que les conceptions de la personne, les représentations de la nature et les
dynamiques sociales engagées dans les pratiques sorcellaires, se révèle capable
d’apporter un éclairage pertinent sur un phénomène aussi composite. C’est
précisément une des grandes forces de l’ouvrage de Pedro Pitarch que de
s’attaquer au problème de cette façon, en s’appuyant sur une analyse fine et
originale de matériaux ethnographiques recueillis au début des années 1990 à
Cancuc, une communauté villageoise du Chiapas dans laquelle vivaient à cette
époque environ 20 000 Tzeltal.Vingt ans après la publication de Ch’ulel. Una
etnografía de las almas tzeltales (1996), la traduction en anglais offre une
excellente occasion d’évaluer les apports de ce texte, en passe de devenir un
classique en Amérique latine.
Dans ce livre à l’architecture subtile, le chapitre 2, qui expose la multiplicité
des entités animiques, appelées « âmes » par l’auteur et réputées composer la
personne chez les Tzeltal, est un peu troublant, surtout pour un lecteur soucieux
de voir émerger les propositions analytiques de la description de séquences
d’actions ou d’interactions. Même si la précision avec laquelle l’auteur restitue
cette multiplicité ¢ expliquant qu’un même individu possède jusqu’à treize
âmes ¢ force l’admiration, on a parfois l’impression que la réorganisation de
fragments d’entretiens avec des informateurs aboutit à une systématisation trop
stabilisée. Il ne faut cependant pas en rester à cette première impression car, au
contraire, tout l’effort de P. Pitarch vise à démontrer la dimension éminemment
instable, tant au point de vue phénoménologique que conceptuel, de l’expérience
que les Tzeltal font du monde et de leur corps. Comme nous l’apprend le
chapitre 3, intitulé Souls and Signs, la connaissance de l’identité personnelle 1,
c’est-à-dire de la combinaison des diverses entités animiques qui la constituent,
n’est jamais donnée et fait toujours l’objet de pratiques herméneutiques, à l’issue
incertaine, s’appuyant sur l’observation de l’apparence physique, des traits de
caractère, des symptômes pathologiques ou encore sur l’analyse de récits oniri-
ques. Comme le résume bien un utile appendice (p. 213), au fil du temps on
découvre que chaque individu porte dans son cœur un « Bird of the Heart », tel
qu’un coq, une poule, un pigeon ou un quiscale bronzé, qui représente une sorte
d’énergie vitale impersonnelle dont la fuite ou l’extraction menace la survie du
corps. Si l’animal sert ici à penser une force interne, il faut souligner que c’est
seulement sous l’angle de la passivité puisque, en fin de compte ¢ comme c’est le
cas de beaucoup de récits mésoaméricains mentionnant des tonalli ¢, l’enjeu est
surtout de métaphoriser des chocs brutaux susceptibles de causer la maladie, la
perte de conscience, voire la mort chez un humain. Par contraste, les lab auxquels
un individu peut aussi être apparié renvoient davantage à une position active,
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Pitarch comptes rendus
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élaborée par Jacques Galinier à partir des matériaux recueillis chez les Otomi 5.
Alors que Galinier affirme la valeur des concepts freudiens pour saisir les
théories locales, The Jaguar and the Priest nous rapproche beaucoup plus de
L’Anti-Œdipe 6, ouvrage dans lequel Deleuze et Guattari défendent l’idée d’un
inconscient ouvert sur la multiplicité des êtres du monde et pas seulement
conditionné par la sphère familiale.
Une fois entré dans le kaléidoscope dessiné et poli par celui que Roy Wagner,
dans l’avant-propos, définit comme « a first-rate ethnographer », le lecteur est en
effet conduit à suivre de nouvelles connexions et à modifier son regard sur
l’univers mésoaméricain. Un parallèle est ainsi établi entre le corps et la place du
village, où la mairie et l’église manifestent la présence dominante des pouvoirs
étrangers, car « the square occupies a position analogous to the one assigned to the
heart of the Tzeltal anatomy. It is what is ‘‘alien’’ in its own space; inside it replicates
both what is outside Cancuc and what is Cancuc’s past. » (p. 139). Tout comme les
croix disséminées sur le territoire (p. 148), cet espace central permet aux habitants
de Cancuc de se connecter avec les activités d’une multiplicité d’êtres et d’instan-
ces, humains comme non-humains, proches et lointains. Le chapitre 7 offre un
autre bon exemple du renouvellement du regard produit par l’enquête puisque
l’auteur y explique comment les saints, conservés dans l’église et recouverts d’une
bigarrure de vêtements et de couleurs, « are considered to be ‘‘reversed’’, with their
inside out, so to speak. The figure of saints are the inverted images of normal human
beings » (p. 156).
Je ne chercherai pas à entrer ici davantage dans les détails de l’argumentation,
notamment concernant les modalités, rituelles ou narratives, par lesquelles les
éléments exogènes sont incorporés ou introjectés dans l’existence individuelle et
collective. Tout comme le fait R. Wagner, il me semble plus intéressant de
souligner que les travaux de P. Pitarch s’inscrivent dans un mouvement global
de reconnaissance des ontologies indigènes qui anime l’anthropologie contem-
poraine depuis quelques décennies et qui a connu ses développements les plus
fructueux en Océanie et en Amazonie. Par contraste, en dépit de l’abondante
littérature ethnographique, l’élaboration théorique concernant le monde
mésoaméricain pris dans son ensemble n’a pas encore atteint le même degré
d’approfondissement. Pourtant, plutôt que d’importer mécaniquement ¢ comme
cela arrive parfois au Mexique ¢ des concepts tels que le perspectivisme, il se
révèle nettement plus fécond de chercher à suivre, comme le fait P. Pitarch, les
chemins sinueux de l’enquête ethnographique afin de trouver les concepts les plus
adéquats pour rendre intelligibles les phénomènes qui s’y rencontrent. Sur cette
voie, il apparaît ainsi que, dans l’ontologie tzeltal, ce n’est nullement la possibilité
d’adopter la perspective de l’autre qui constitue le principal problème, mais
bien de maintenir co-présente une multiplicité de positions dans le monde,
positions qui sont tout à la fois des points de force et des surfaces de fragilité,
exposées aux agressions.
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Pitarch comptes rendus
Dans cette configuration où, pour reprendre une phrase citée plus haut,
l’existence humaine est conçue comme une « constellation [...] provisionally
and unstably united by a focal point » (p. 210), on remarquera que ce point focal
est bien souvent un point aveugle, la multiplication des entités animiques
manifestant un effort pour se représenter et s’expliquer des états psychocorporels
dont la causalité demeure en partie soustraite à la vue des patients. Le dernier
chapitre du livre, consacré à un rite thérapeutique, fait d’ailleurs sentir
l’importance cruciale des discours rituels pour s’orienter dans un tel labyrinthe
où la vision du proche et du lointain n’est pas accessible aux humains 7. La
polyphonie (pp. 193 sq.) qui s’instaure lors de la séance chamanique rend en effet
sensible l’étendue des pouvoirs de la parole, capable de provoquer la maladie
comme de guérir, mais aussi de créer des associations grâce auxquelles les
humains enrôlent des entités non humaines pour qu’elles deviennent actives et
apportent leur aide.
La possibilité d’une telle collaboration semble d’ailleurs souligner le point de
tension à partir duquel la notion de pli demande à être complétée afin de rendre
compte de la complexité des formes de coordination de l’action qui s’observent
dans les communautés indiennes du Mexique. Si, à la manière d’une monade,
chaque individu englobe la multiplicité des êtres et des événements, y compris
passés ¢ à tel point que P. Pitarch termine son livre en inversant la formule
rimbaldienne : « the other is I » (p. 211) ¢, la relation à l’altérité ne risque-t-elle
pas d’être dissoute dans une forme de solipsisme ? Sur ce point, il convient d’être
attentif aux variations d’échelle, en effet : « expressed in a schematic fashion, the
Tzeltal conceive of the human being as a relatively homogeneous entity as far as its
external appearance is concerned, but completely heterogeneous internally »
(p. 205). Selon la perspective adoptée, un individu est donc à la fois un et multiple.
Comme en attestent de nombreuses ethnographies réalisées en Mésoamérique, un
tel principe vaut à la fois pour le corps, la famille, le village et les entités non
humaines à qui les rites s’adressent. Dans cette ontologie, où les plis et replis sont
intégrés dans des jeux de répliques et de fractales, on comprend donc qu’une place
est laissée libre pour les relations interindividuelles. L’enjeu, comme je l’ai montré
à propos des Mixe 8, est alors de déterminer les régimes d’action (co-activité,
délégation, réitération, etc.) à l’intérieur desquels la participation d’agents se
mobilisant à différents niveaux parvient à être coordonnée de façon satisfaisante.
Les pratiques curatives ne représentent alors qu’une situation parmi d’autres
d’un dispositif grâce auquel la participation des agents non humains vient
s’enchâsser au cœur de l’action humaine, en occupant de multiples positions. De
ce point de vue, les descriptions du ch’iibal, « le lieu de la croissance » (pp. 27-32),
à la fois lieu de production de la vie et duplication de la cour de justice humaine
dans laquelle les ch’ulel résolvent leurs conflits, offre une bonne illustration de la
polyvalence de ces agents à l’intérieur d’un « collectif » que seule une approche
« cosmopolitique » 9 semble susceptible de décrire adéquatement.
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Notes
1. Plusieurs références sont faites à la philosophie de P. Ricœur, en particulier à Soi-même comme
un autre, Le Seuil, Paris, 1990.
2. Gilles Deleuze, Le pli : Leibniz et le baroque, Éditions de Minuit, Paris, 1988.
3. Alfredo López Austin, Cuerpo humano e ideología, Las concepciones de los antiguos nahuas,
2 vols, UNAM, Mexico, 1980.
4. Serge Gruzinski, La colonisation de l’imaginaire : sociétés indigènes et occidentalisation dans le
Mexique espagnol, XVIe-XVIIIe siècles, Gallimard, Paris, 1988.
5. Jacques Galinier, La moitié du monde : le corps et le cosmos dans le rituel des Indiens otomi, PUF,
Paris, 1997.
6. Gilles Deleuze et Felix Guattari, Capitalisme et schizophrénie, 1. L’Anti-Œdipe, Éditions de
Minuit, Paris, 1972.
7. On se rappellera que, selon le Popol Vuh, avant que les dieux ne limitent leurs pouvoirs,
les premiers hommes créés possédaient précisément le pouvoir de percevoir « le proche et le lointain ».
8. Perig Pitrou, Parcours rituel, dépôt cérémoniel et sacrifice dans la Mixe Alta de Oaxaca
(Mexique). L’intégration de l’activité des agents non-humains entre construction de la vie et résolution
des conflits, thèse de doctorat, EHESS, Paris, 2010.
9. Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, La
Découverte, Paris, 2012 ; Isabelle Stengers, Cosmopolitiques, La Découverte, Paris, 2003.
Perig Pitrou
Laboratoire d’anthropologie sociale/CNRS
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Freire comptes rendus
traditionnelle reste le seul et unique recours connu. Les taux élevés de mortalité
s’expliquent par plusieurs facteurs : l’exposition volontaire ou involontaire aux
pathogènes urbains, le processus d’exclusion et de marginalisation sociale et, la
plupart du temps, l’ignorance à propos des troubles sanitaires existants. Souvent,
l’interface entre les populations et les instances de santé est bien opaque.
Dynamisées notamment par la Convention de Rio sur la diversité biologique
(1992), par la déclaration des Nations Unies au sujet des droits des peuples
indigènes (2007) ou encore par la stratégie de l’OMS concernant le rôle et l’usage
des médecines traditionnelles, complémentaires et parallèles dans un contexte
global et globalisant (2002-2005), certaines instances de santé au Pérou, en
Équateur et au Venezuela ont tenté d’aménager des politiques adéquates. Malgré
ces changements, les avancées en matière de santé publique amazonienne sont
minimes et la situation sanitaire de certaines populations reste critique. Aussi, dans
son prologue, Pierre Rivière évoque la réaction trop lente des politiques de santé
à combler les lacunes sanitaires, ne se trouvant alors pas en mesure d’assurer une
« santé indigène » convenable face à une rapide augmentation démographique.
Cette problématique se situe au cœur des préoccupations de ce volume.
Résultat de plusieurs années de travail collectif, cet ouvrage a eu comme origine
l’élaboration d’un guide d’information pratique destiné aux institutions
élaborant les politiques publiques en matière de santé et aux administrateurs
médicaux officiant auprès des différentes sociétés résidant au Venezuela.
Il regroupe douze contributions rédigées par des anthropologues, des
ethnohistoriens et des ethnobotanistes. L’objectif de ce livre est d’amorcer une
discussion en esquissant à travers descriptions et analyses une représentation des
politiques sanitaires vénézuéliennes.
L’introduction rédigée par Germán Freire ouvre le sujet à travers plusieurs
perspectives. Un volet ethnohistorique des maladies importées du vieux conti-
nent, la santé indigène, les étiologies, l’efficacité du soin chamanique et l’interface
entre la biomédecine et les populations indigènes sont les thèmes clés reliant les
collaborations des auteurs. Cet ouvrage se compose de trois ensembles de textes.
La première partie, nommée « Epidemiología histórica », regroupe deux écrits
exposant une vision historique des impacts sociaux et de la gravité pathogénique
des maladies importées du vieux continent sur les basses terres vénézuéliennes.
Cette « épidémiologie historique » est amorcée par le texte de Frank Scaramelli
et Kary Trable. S’appuyant sur des documents d’archives et des preuves archéo-
logiques, les auteurs exposent l’état épidémiologique dans la région du bassin
central de l’Orénoque. En suivant la chronologie, ils décrivent l’époque de la
Conquête, la période coloniale et le temps républicain. Les différentes vagues
épidémiques et les pressions exercées par les expéditions coloniales relatives aux
trafics d’esclaves expliquent les fortes diminutions démographiques, desquelles
découleront de forts mouvements migratoires. Cette argumentation historique
est renforcée par quelques preuves archéologiques. La perte démographique a
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Freire comptes rendus
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Coffaci de Lima e Córdoba comptes rendus
Céline Valadeau
Post-doctorat au Centre EREA du LESC (UPO/CNRS)
Coffaci de Lima Edilene e Lorena Córdoba (eds), Os outros dos outros: relações
de alteridade na etnologia Sul-Americana, Ed. UFPR, Curitiba, 2011, 274 p.,
réf. dissém., ill., cartes.
It was as if these depths, constantly bridged over by a structure that was firm enough in
spite of its lightness and of its occasional oscillation in the somewhat vertiginous air,
invited on occasion, in the interest of their nerves, a dropping of the plumet and a
measurement of the abyss. (Henry James, The Beast in the Jungle, 1915, p. 44)
Rares sont les questions qui, bien qu’étant restées longtemps sous-jacentes, en
viennent, dès lors qu’elles émergent, à finalement déstabiliser les conditions
mêmes de leur formulation. Il est donc heureux que, quitte à remettre en cause
certains de ses dogmes les mieux enracinés, l’ethnologie sud-américaine aborde
enfin frontalement, à la lumière de données empiriques, la question de l’altérité
(ou des altérités) telle qu’envisagée du point de vue des Autres. Comment se
décline-t-elle ? Dans quels contextes émerge-t-elle ? Et comment peut-on la
décrire ? Qu’en est-il des modalités indigènes de la différenciation et des effets que
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celle-ci peut avoir sur ceux qui ont jusqu’ici attiré l’essentiel de l’attention
anthropologique ? Les auteurs regroupés dans Os outros dos outros: relações de
alteridade na etnologia Sul-Americana ont pris à bras le corps ces interrogations
lancinantes et apporté des réponses susceptibles de faire date.
Ce livre rassemble les contributions de divers chercheurs qui se sont réunis en
2009 à Buenos Aires, à l’occasion de la viii° Reunião de Antropologia do Mercosul.
À l’initiative d’Edilene Coffaci de Lima et de Lorena Córdoba, coordinatrices du
groupe de travail éponyme de l’ouvrage, ont donc été réunis en un beau volume
des articles d’ethnologues tous fortement ancrés dans leurs terrains respectifs et
résolus à rendre compte du point de vue indigène sur l’altérité. Point de vue qui,
comme le laissent clairement voir les textes, dépasse largement la simple dicho-
tomie Indiens/Blancs et qui, du reste, s’accommode assez mal de nos propres
conceptions. Est ici nettement mise à mal la soi-disant évidence de concepts tels
que ceux de « groupe ethnique », « sous-groupe », « collectivité », voire, à la
limite, la notion même d’« humanité ». Le dynamisme de ces remises en cause met
en évidence les impasses dans lesquelles s’étaient fourvoyées les descriptions
antérieures et, dans une large mesure, permet d’y échapper.
Les contributions sont organisées en trois ensembles thématiques : « Guerre,
commerce et réseaux d’échange » ; « Modes de classification et ethnonymes » ;
« Figures de l’altérité : mythes, pratiques et rituels ». Le champ des recherches va
du Chaco au piémont andin, en passant par le Brésil central, les Guyanes, le haut
Rio Negro et le bassin du Javari. En dépit de cette grande diversité, tous les textes,
dans la mesure où ils mettent l’accent sur les acceptions et objectifications de
l’altérité dans les divers mondes produits par les groupes en question, présentent
l’énorme avantage de délivrer les Amérindiens (ceux dépeints par l’anthropo-
logie, du moins) de la fixation hiératique, autrement dit, de leur triste condition
de caricatures d’eux-mêmes. Les articles nous présentent des morphologies à
l’intériorité multiple : des sociétés ouvertes dont le sentiment d’identité reste
perméable à l’Autre ; des événements historiques à la force d’impact telle qu’elle
en vient à bouleverser les contours des collectifs humains ; des réseaux de sujets
disposés à suspendre les corrélats relationnels modelés par l’idée de relations non
ambigües (stables, prédéterminées et récurrentes) entre les personnes et les choses,
les sujets et les objets, la nature et la culture.
C’est dans cette voie que s’orientent les recherches portant soit sur les
malentendus, soit sur les réappropriations dont les désignations officielles font
l’objet lorsqu’elles interfèrent avec les auto-désignations proprement indigènes.
L’entreprise comparative de Denise Fajardo Grupioni montre bien dans quelle
mesure des schémas taxinomiques (éminemment élastiques, contextuels et
flexibles) et des dénominations particulièrement englobantes couramment
utilisées pour classer les gens sont le prétexte d’intolérables visées substantivistes
qui occultent les formes structurelles d’un « multivers » amérindien caractérisé
par son extraordinaire penchant pour les reconfigurations sociales. D’autres
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Coffaci de Lima e Córdoba comptes rendus
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Coffaci de Lima e Córdoba comptes rendus
manifeste dans l’espace domestique et les activités quotidiennes, sous l’égide des
femmes.
Francis Ferrié choisit, pour sa part, comme instrument heuristique l’analyse
des danses des fêtes patronales d’Apolo, La Paz, où se déploient différentes
figures de l’altérité. L’attention portée à la participation des groupes sociaux dans
ces fêtes permet de mettre au jour les singularités de cette zone du piémont
bolivien, à cheval entre les Andes et l’Amazonie. Les danses mettent en évidence
les rivalités entre les éleveurs de bétail, les paysans et les indigènes, qui s’affrontent
autour de la thématique de « l’appartenance ancestrale » (p. 165), dans le
contexte de la seconde réforme agraire bolivienne (loi INRA) et de l’attribution
de terres selon des critères ethniques retenus par le programme des « Tierras
comunitarias de origen ».
C’est précisément dans les espaces ritualisés et les échanges qui s’y déroulent,
que Pedro Lolli inscrit sa description, qui porte cette fois sur les Yuhupdeh du
haut Rio Negro. La notion de réseau ouvert et illimité qu’il utilise éclaire les
dédoublements révélés par un dabucuri, offrande rituelle de nourriture entre
groupes affins au cours de laquelle sont exhibées les flûtes sacrées jurupari. Ces
flûtes reçoivent le nom du clan auquel elles appartiennent et sont, selon la belle
formule de Lolli, « les courroies de transmission qui assurent la liaison au sein de
l’espace partagé de l’ontologie socio-cosmique entre les différents clans et
groupes de la région, bien que les Yuhupdeh y occupent une position hiérarchique
subalterne » (p. 170).
Alejandro López propose une ethnographie des relations entre les Mocoví et
les Toba, que les premiers considèrent généralement comme des ennemis dange-
reux et des traîtres, mais qu’ils n’hésitent cependant pas à qualifier de « frères
indigènes » (p. 183) lorsque le besoin s’en fait sentir dans le cadre de luttes
politiques à l’échelle nationale. L’auteur analyse ces attributions de prestige
dépourvues d’incidence sur la hiérarchie, ainsi que les relations ambivalentes
entre ces deux peuples du Chaco qui semblent avoir autant de terrains d’entente
(de l’Église aux médias, en passant par les associations politiques) que de champs
de dispute (de la mythologie à la linguistique), et qui laissent fluctuer les frontières
qui tantôt les opposent, tantôt les unissent.
Également considéré par Pablo Sendón comme un espace où la notion de
« limites » doit être délaissée, le district péruvien de Marcapata nous invite à
exploiter la vitalité d’un important corpus mythologique des Andes centrales.
La figure des ch’ullpas, ancêtres sauvages antérieurs aux Incas et erratiques
survivants d’une hécatombe, permet notamment de faire allusion à la relativité
de la condition humaine actuelle (celle des Chipaya et des Aymara con-
temporains) en la contrastant avec celle, inatteignable, qu’incarne cette
pré-humanité. Les différentes versions du mythe semblent renvoyer à deux
définitions opposées de l’humain et de son potentiel métaphysique (dont
un des pôles est parfois incarné par les Ch’unchus), et aux mouvements
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journal de la société des américanistes Vol. 99-1, 2013
Référence citée
Calvino Italo
1990 Seis propostas para o próximo milênio, Companhia das Letras, São Paulo
[trad. : Ivo Barroso, Lezione americane : Sei proposte per il prossimo millenio,
1988].
Nicole Soares Pinto
Universidade de Brasília
[traduit du portugais (Brésil) par Philippe Erikson]
Les travaux consacrés aux aérophones dans les basses terres d’Amérique du
Sud ont reçu une attention particulière ces dernières années et le nombre de
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Hill and Chaumeil comptes rendus
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Baud et Ghasarian comptes rendus
font floues. Le viol collectif est ainsi expliqué comme une transformation des
hommes en esprits, ce qui justifie leur comportement et permet l’expression de la
rage des esprits.
À la fin de l’ouvrage, Jean-Michel Beaudet reprend les thèmes communs de
tous les chapitres et effectue une mise en perspective pertinente et essentielle à la
compréhension du parcours intellectuel effectué par les auteurs. Beaudet revient
sur l’importance du secret et de la polarisation homme/femme dans la dynamique
rituelle des musiques d’aérophones analysées dans l’ouvrage. Comme le met en
évidence le titre général du volume, le souffle est non seulement à la base de la
production du son des flûtes, trompes et clarinettes, mais aussi l’élément qui crée
l’association la plus immédiate avec le travail chamanique, pendant lequel le
souffle est si souvent utilisé. À la fois dans la musique et dans le chamanisme, le
souffle permet la manifestation de ce qui peut être entendu, mais pas vu, à savoir
les entités surnaturelles impliquées dans l’activité de hearing without seeing à la
base des rituels d’aérophones des basses terres d’Amérique du Sud.
Dans l’ensemble, Burst of breath... constitue une référence essentielle pour
tous ceux qui souhaitent élargir leurs connaissances sur les rituels d’aérophones.
Les lecteurs musicologues peuvent certes regretter l’absence de transcriptions ou
d’analyses musicales (excepté dans le texte de Cruz Mello). Mais une des grandes
qualités de cet ouvrage reste d’avoir fait le point sur un thème essentiel et de le
faire dans un style qui le rend accessible à un large public.
Tommaso Montagnani
Labex « Créations, arts et patrimoines »
Musée du quai Branly, IRCAM
Il y a déjà plus de soixante ans que les usages rituels des substances
psychotropes captent l’intérêt des chercheurs, aux côtés des phénomènes religieux
identifiés comme relevant du chamanisme. Le phénomène de mode, alimenté
par de nombreuses publications ¢ scientifiques ou non ¢, a débouché sur
l’exportation des usages initiatiques relatifs aux « techniques de l’extase » et, plus
précisément, aux substances psychoactives. L’Amérique latine constitue un
vivier de choix pour les emprunts et les collages multiples ayant pour origine ces
quêtes mystiques. En témoigne cet ouvrage coordonné par Sébastien Baud et
Christian Ghasarian où le lecteur voyagera entre l’Amérique et l’Europe au fil des
circulations de gens, (néo)chamanes ou voyageurs en quête de spiritualité. La
large représentation de l’Amérique latine dans le jeu des recompositions (néo)
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Baud et Ghasarian comptes rendus
viste exclusive ne serait en effet guère pertinente ici, puisqu’il s’agit d’approcher la
multiplicité des explorations contemporaines conduites avec des substances psy-
choactives. Les auteurs se proposent alors de réduire la mise à distance établie en
anthropologie avec le vécu hallucinogène, en soulignant combien l’analyse des
modalités de production de réalités alternatives et d’expériences vécues à travers
le monde est véritablement digne d’intérêt (p. 44). Il importe, selon eux, de ne pas
stigmatiser les usages modernes de ces substances en prenant la mesure de la
méfiance qu’elles suscitent dans notre société, comme le montre la multiplication
des réactions juridiques qui les sanctionnent.
Les quinze contributions qui suivent, de qualité inégale, sont distribuées sur la
base d’une répartition géographique entre l’Amérique, réservoir des chama-
nismes coutumiers et source d’inspiration pour les nouveaux usages occidentaux,
et l’Europe. Le cheminement est loin d’être linéaire. Au fil des chapitres, le
lecteur découvre la diversité des emplois de ces substances autrefois sacrées et
le mouvement incessant des adaptations, emprunts et redéfinition des pratiques
indigènes. À la suite du chapitre introductif, deux chapitres sont consacrés
aux usages et conceptions des champignons d’Amérique du Nord et centrale. Ces
contributions s’appuient sur l’abondante littérature mycologique qui a largement
alimenté le phénomène de mode du chamanisme évoqué plus haut, auquel
participèrent aussi bien des anthropologues, biologistes, historiens, médecins ou
des auteurs inclassables, tel R. Gordon Wasson, autodidacte qui se définit comme
« ethnomycologue ». Les usages hors contexte de ces champignons sacrés, sans
doute aussi déterminés par des surinterprétations à visée scientifique, nous
conduisent à ce qui constitue la matière paradoxale de l’ouvrage : la diversité des
pratiques contemporaines qui encadrent les prises de ces substances.
Comme le souligne l’un des auteurs, les pratiques néochamaniques, qui
reprennent des notions importantes des chamanismes traditionnels, sont aussi
diverses que les praticiens qui les mettent en œuvre (Ghasarian, p. 291). Ainsi,
dans la région amazonienne des trois frontières, un chamane yagua, tout en
s’adaptant à un mode de vie urbain, continue d’employer le tabac dans ses rituels
thérapeutiques (Schick, pp. 89-108). Comme par contraste avec cette trajectoire
dans le monde moderne, le chapitre suivant traite de la personnification de la coca
par les paysans andins et de son emploi comme intermédiaire avec le monde des
esprits (Baud, pp. 109-136). Au Brésil, retour au jeu des adaptations, avec l’obser-
vation de l’expansion urbaine insolite d’une substance ¢ le kampo ¢ une sécrétion
de grenouilles ¢ anciennement utilisée comme stimulant ou fortifiant pour la
chasse (Coffaci de Lima et Caiuby Labate, pp. 137-172). Chez les Huichol au
Mexique, l’usage du peyotl est abordé de façon plus abstraite, avec la mise en
perspective d’un corps qui pense et qui s’exprime dans le contexte de l’expérience
psychotrope (Rossi, p. 173).
Les deux chapitres suivants s’écartent nettement de l’approche anthro-
pologique avec des analyses d’expériences psychotropes relevant de la
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Baud et Ghasarian comptes rendus
Note
Magali Demanget
Université Paul-Valéry
Montpellier 3
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Dichas tres láminas son tomadas de unas muy buenas fotografías que M. Garreaud
sacó durante su viaje al interior del Perú. Estas estampas darán de los indígenas mejor
idea que cualquier descripción ó dibujo, ó mejor dicho de caricaturas que se han hecho
hasta ahora. Se distingue en su cara esa mezcla de tristeza y desconfianza que consti-
tuye el fondo de su carácter, como que han sido durante largos años víctimas de la
rapacidad y trapacería de cuantos no les pertenecen en raza. Las recomendamos á los
etnógrafos. (p. 65, subrayado en el original)
De esta manera caracterizaba Mariano Felipe Paz Soldán tres de las láminas
que conforman su Atlas geográfico del Perú ¢ publicado en París por la Librería
Fermin Didot Hermanos, Hijos y Ca. en 1865 ¢ que muestran a un grupo de
indígenas del departamento del Cuzco tal y como fueron retratados por el
fotógrafo francés Émile Garreaud en algunos de sus viajes a provincia entre 1855
y 1862 (Riviale 2000, p. 136, 2008, pp. 163-164; Schwarz 2007). Tuvieron que
pasar ciento cuarenta y siete años para que el Atlas viera su segunda edición
impresa, saliera de los anaqueles de las bibliotecas especializadas o privadas y
ofrecer así al lector contemporáneo una visión decimonónica del Perú en materia
geográfica y cartográfica cuyas virtudes y posibilidades heurísticas parecen no
agotarse con el paso del tiempo.
Mariano Felipe Paz Soldán y Ureta (1821-1886) nació en Arequipa, estudió
abogacía, fue juez de primera instancia, estuvo a cargo de las edificaciones
carcelarias de Cajamarca y Lima, ocupó varios cargos de envergadura en la
administración pública y escribió a lo largo de su vida varias obras dedicadas a la
geografía y la historia del Perú. Desde el año 1845, por encargo del presidente
Ramón Castilla y siguiendo una vocación autodidacta en materia geográfica,
estuvo comprometido durante dos décadas en acopiar cuanto material documen-
tal y bibliográfico estuviera a su alcance, tanto en su país como en Europa, con
miras a concretizar la que ha sido valorada como « la obra cartográfica más
importante a lo largo del siglo xix » (p. V) dedicada al Perú. La presente edición
facsimilar del Atlas cuenta con cuatro ensayos introductorios e incorpora el mapa
del Perú (con viñetas) elaborado por Paz Soldán en 1864, premiado en la
Exposición Universal de París en 1867 y no incluido en la publicación original 1.
Inaugura el volumen el ensayo de Carlos Peñaherrera del Águila que contex-
tualiza el Atlas desde la perspectiva que ofrece la producción cartográfica de los
siglos xix y xx en el Perú, asociada, por un lado, con los nombres de Clemente
Althaus, Antonio Raimondi, Ernesto Lacombe y con instituciones como la
Sociedad Geográfica de Lima, el Archivo de Límites de Relaciones Exteriores y el
224
Chaumeil y Delgado Estrada comptes rendus
Servicio Geográfico del Ejército y, por el otro, con Victor Maúrtua, Georges
Thomas y con instituciones que cambiaron su nombre tales como el Instituto
Geográfico Militar, el Instituto Geográfico Nacional y el Instituto Nacional de
Planificación. Jean-Pierre Chaumeil, por su parte, ofrece una serie de informa-
ción sobre la obra de Paz Soldán, vuelve a contextualizarla en los términos que
propone la periodización que realizó Raúl Porras Barrenechea de la cartografía
republicana, señala la existencia de dos ediciones similares del Atlas impresas en
París el mismo año, observa los estrechos vínculos que mantuvo el jurista
devenido geógrafo con el viajero italiano Antonio Raimondi y dedica una serie de
comentarios precisos acerca del juicio que Paz Soldán tenía de los viajeros de su
tiempo. Destacan en este segundo ensayo unos breves párrafos dedicados a
ponderar el rol desempeñado por el « primer mapa oficial del Perú republicano »
(p. VII) en el imaginario geográfico nacional y el papel que desempeñó en el
impulso de definir con mayor precisión las fronteras amazónicas de su territorio.
Juan Manuel Delgado Estrada se detiene en la primera de estas cuestiones al
subrayar que el elemento dominante del pensamiento geográfico peruano hacia
mediados del siglo xix fue el « capital monopolista de control imperialista de la
burguesía local costeña » (p. IX). La primera geografía republicana fue sinónimo
de cartografía, y el Atlas constituyó un instrumento del que se sirvió un Estado
incipiente para crear un sentido de peruanidad con pretensiones territoriales
homogeneizadoras. El abismo existente entre la visión eurocéntrica de la elite
costeña ilustrada y el analfabetismo imperante en la inmensa mayoría del resto de
la sociedad involucró una suerte de distanciamiento con respecto al ejercicio de
comprensión abstracta de la cartografía de la época así como también la caída en
el olvido del Atlas y de su autor a lo largo del siglo xx. El ensayo de Pascal Riviale,
finalmente, está dedicado a la contribución de los talleres franceses ¢ tipográficos,
impresores, grabadores o litógrafos ¢ al desarrollo de la cartografía peruana
durante el período contemplado. El nombre del litógrafo Ferdinand Théodore
Delamare está asociado a la casi totalidad de las hojas (mapas, planos y vistas)
que fueron grabadas para el Atlas.
El Atlas geográfico del Perú cuenta con 68 láminas (a las que se agrega, en la
presente edición, el mapa del Perú adornado con viñetas de 1964) antecedidas por
una serie de materias relativas a las posiciones geográficas y elevación sobre el
nivel del mar de algunos lugares y puntos del territorio; las distancias, expresadas
en leguas, de los itinerarios existentes en el interior de los respectivos departa-
mentos, entre ellos y algunas carreteras que los cruzan; la discusión sobre algunas
observaciones relativas a la latitud, longitud y altitud de algunos sitios realizadas
por diversos autores durante los siglos xviii y xix; las observaciones sobre el
magnetismo terrestre, el clima y la superficie; la división política del país que, por
entonces, contaba con 13 departamentos y 3 provincias pluviales; la descripción
de los dibujos y viñetas que ilustran el mapa general de 1964 y la explicación de
algunos de los mapas, cuadros y vistas contenidos en el Atlas. La lista de materias
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Chaumeil y Delgado Estrada comptes rendus
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varios nombres entre los que destacan los de Chunchu y Araza y que, incluso, fue
confundido en repetidas ocasiones con el mismo Marcapata. Con respecto al
Araza, este autor observa que la extensión que se le atribuyó en algunas relacio-
nes y documentos antiguos explica el motivo por el cual no sólo las tribus
indígenas que vivían cerca del valle de Marcapata o Araza, sino también otras
que estaban fuera de su órbita, eran designadas « arazairis » (Llona 1903, pp. 72
y 83). Finalmente, Jorge von Hassel, en su lista y descripción de las tribus salvajes
de la región amazónica del oriente peruano, consigna, entre otros grupos, a los
« mashcos » o « sirineiris », los « arazaires » y los « tuyuneiris » (Hassel 1905,
p. 32). Los « mashcos » o « sirineris » constituyen un mismo macro grupo de
los que existen varias sub-tribus (ibid., p. 47), entre las que se encuentran los
« tuyuneiris » (ibid., p. 52) y los « arazairis », estos últimos localizados en las
inmediaciones de Marcapata (ibid., p. 35).
Mientras que en el Atlas el nombre de Marcapata está asociado a un tramo del
río Purús o Araza, en los informes de viajeros y hombres de ciencia contem-
poráneos o inmediatamente posteriores a su publicación, Marcapata es el nom-
bre de un pueblo, un valle y un río también denominado Arasa; Araza y
Chunchu, a su vez, son nombres de ríos con los que se confunde el Madre de Dios;
y « arazaires », asimismo, es el nombre de una de las sub-tribus pertenecientes al
grupo « mascho » o « sirineiris » que habita en las proximidades del valle. Más
allá de las eventuales confusiones, de las polémicas por ellas suscitadas ¢ que
inundaron muchas de las páginas del Boletín de la Sociedad Geográfica de Lima ¢
y de la desaparición de muchos etnónimos, lo cierto es que la nomenclatura
barajada remite a un mismo conjunto semántico y sociológico en virtud del cual
las fronteras entre las « tierras altas » y las « tierras bajas » en esta porción de los
Andes parecieran desdibujarse.
Actualmente, el distrito de Marcapata está conformado por ocho comunida-
des campesinas, producto de la fragmentación de los antiguos cuatro ayllus que
ocupaban su territorio. El nombre de uno de estos ayllus es Puiqa y, hasta no hace
mucho tiempo, sus tierras estaban divididas en dos grandes mitades denominadas
Puiqa Alta y Puiqa Baja ¢ la segunda de ellas correspondiente a la porción
piedemontana. Tras su fragmentación Puiqa Baja pasó a llamarse Unión Araza.
El río más importante que cruza el distrito en dirección a la selva es el Marcapata
que, en sus cursos medio e inferior, recibe el nombre de Araza. Son estos nombres,
precisamente, junto con varios mitos y una serie de rituales a ellos asociados
¢ unos y otros concentrados en torno de la figura paradigmática del ch’unchu
selvático ¢ testigos fieles de lo que hasta un pasado no tan lejano pudo haber
constituido una misma vía de tránsito y encuentro para hombres, bienes e ideas
provenientes de sitios disímiles.
La cartografía contemporánea, en su labor por reflejar de manera fiel el
ejercicio de administración y demarcación que el Estado hace de su territorio,
impide muchas veces apreciar continuidades geográficas, ecológicas y, en fin,
228
Chaumeil y Delgado Estrada comptes rendus
territoriales como resultado de los límites que se han trazado entre ellas. En los
mapas del Atlas muchos de estos límites no existen y de allí su valía al momento
no sólo de concebir los territorios ocupados por poblaciones campesino-
indígenas del Perú hace aproximadamente un siglo y medio sino también, y
quizás fundamentalmente, al momento de procurar entender las formas en que
estas mismas poblaciones los conciben hoy. En este sentido, el valor del Atlas no
sólo reside en su contenido, sino también en sus omisiones.
En la presentación a esta edición, Waldemar Espinoza Soriano estima que
ella puede resultar del deleite de « geógrafos, cartógrafos, pintores, acuarelistas,
dibujantes y científicos en general » (p. V). A lo largo de estas páginas hemos
procurado hacernos eco de la recomendación de su autor e insistir en su impor-
tancia para la empresa etnográfica, incluso atendiendo a razones con las que
Mariano Felipe Paz Soldán no tendría por qué estar del todo de acuerdo.
Notas
1 Asimismo, en esta edición se redujo en un 20 % el formato original en folio del volumen de 1865
y se realizó un cambio de compaginación debido a la falta en la edición original de las páginas 55-56 que
pasan a ser, en ésta, las páginas 57-58. Ahora bien, al menos en lo que concierne al ejemplar que el
presente lector tiene en sus manos, se advierte la ausencia de las páginas 39-40 y la repetición de las
páginas 41-42, así como también la repetición de las páginas 57-58 y la ausencia de las páginas 59-60
¢ motivo por el cual, en este último caso, no se incluyen el listado y las explicaciones de las primeras
once láminas del Atlas.
Referencias citadas
Aguilar Romualdo
1896 « Las hoyas del Madre de Dios y Paucartambo », Boletín de la Sociedad
Geográfica de Lima, VI, pp. 308-328.
Bernex Nicole y Equipo CCAIJO
1997 Atlas provincial del Quispicanchi, Centro de Capacitación Agro-Industrial
« Jesús Obrero »/Pontificia Universidad Católica del Perú, Lima.
Hassel Jorge M. von
1905 « Las tribus salvajes de la región amazónica del Perú », Boletín de la Sociedad
Geográfica de Lima, XVII, pp. 27-73.
Llona Scipión
1903 « Reseña histórico-geográfica de los ríos Paucartambo y Madre de Dios »,
Boletín de la Sociedad Geográfica de Lima, XIV, pp. 63-176.
Riviale Pascal
2000 Los viajeros franceses en busca del Perú Antiguo (1821-1914), Fondo Edito-
rial de la Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto Francés de
Estudios Andinos, Lima [1996].
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journal de la société des américanistes Vol. 99-1, 2013
2008 Una historia de la presencia francesa en el Perú, del siglo de las Luces a los
Años Locos, Instituto Francés de Estudios Andinos/Instituto de Estudios
Peruanos/Fondo Editorial del Congreso del Perú/Embajada de Francia en el
Perú, Lima.
Schwarz Herman
2007 « Fotógrafos franceses en el Perú del siglo xix », Boletín del Instituto Francés
de Estudios Andinos, 36 (1), pp. 39-49.
Sendón Pablo F.
2010 « Los límites de la humanidad. El mito de los ch’ullpa en Marcapata
(Quispicanchi), Perú », Journal de la Société des Américanistes, 96 (2),
pp. 133-179.
2012 « Fundamentos etnográficos para una etno-historia comparativa de los
valles orientales del macizo del Ausangate: distrito de Marcapata, departa-
mento del Cuzco, Perú, 1821-1960 », in Diego Villar e Isabelle Combès (eds),
Las tierras bajas de Bolivia: miradas históricas y antropológicas, Editorial
El País, Santa Cruz de la Sierra, pp. 87-106.
Villanueva Urteaga Horacio (Prólogo y transcripción)
1982 Cuzco 1689 Documentos. Economía y sociedad en el sur andino. Informe de los
párrocos al obispo Mollinedo, Centro de Estudios Regionales Andinos
Bartolomé de las Casas, Cusco.
Pablo F. Sendón
CONICET, Argentina
230
Leake comptes rendus
indígenas no usan los bosques, que poseen las tierras que necesitan, que el avance
de la deforestación está detenido, que la prospección petrolera no daña el
ecosistema, que las nuevas economías agroindustriales mejoran los ingresos y la
calidad de vida de los « pueblos originarios ».
La obra está organizada en siete capítulos; uno la introduce, otro describe la
metodología de la investigación y los cinco restantes abordan temas sustantivos:
el marco ecológico y social del Chaco Salteño, su población indígena, las activi-
dades económicas, el uso de la tierra y los derechos efectivos que tiene sobre la
misma. Las conclusiones están distribuidas en cada capítulo. 19 mapas, 22 grá-
ficos y 25 cuadros, 5 anexos, las referencias bibliográficas y un índice de nombres
y temas complementan adecuadamente el texto.
El capítulo 3 presenta la principal fuente documental del libro: la « Base de
Datos de los Pueblos Indígenas del Chaco Salteño ». Esta base es el resultado de
un proyecto que el propio Leake coordinó en calidad de director de la Fundación
ASOCIANA, que tuvo como protagonistas a la Fundación y a la Facultad de
Humanidades de la Universidad Nacional de Salta, y en el que colaboraron otras
ONGs, asociaciones indígenas e individuos. Los datos fueron generados
mediante técnicas censales estándares y participativas durante ocho años (1999-
2007). Se utilizaron cuatro formularios de encuesta: uno para el perfil de la
comunidad, otro para censar la población de cada hogar, otro para indagar los
vínculos de los hogares con otras comunidades o localidades, y un último
formulario para registrar las actividades económicas de los miembros de
los hogares (por desgracia, no se explicita cómo se definió el « hogar » indígena,
una tarea que no suele ser fácil). Además, la base incorporó datos gráficos para
el mapeo de los territorios indígenas e información sobre temas específicos
provista por organizaciones indígenas, ONGs locales u oficinas del Estado
provincial o nacional.
Partiendo del axioma de que es « ilusoria la pretensión de conocer y compren-
der la vida indígena si no entendemos, aunque sea en forma limitada, el medio
[ecológico y social] en que se desenvuelve » (p. 10), el capítulo 2 (« Marco
ecológico-social ») traza los rasgos fundamentales de dicho medio. En la presen-
tación del marco ecológico, Leake argumenta que, contrariamente a lo que dicta
el sentido común, la « ecorregión » del Gran Chaco es un mosaico de ambientes
diferenciados, tanto en su topografía como en su cobertura vegetal, que se
traduce en una alta biodiversidad. Consonantemente, para los indígenas el
bosque chaqueño es un universo de enorme variedad y vitalidad que no sólo les
provee de alimentos (carne, frutos, mieles), combustible (leñas), materias primas
(con las que fabricar viviendas, utensilios, artesanías, muebles, etc.) para el
autoconsumo y para el comercio, sino que es además el lugar donde sus ideas
sobre el hombre y el mundo cobran sentido. En la presentación del marco social,
el autor sitúa a los grupos indígenas cazadores-recolectores en el contexto
interétnico del Chaco salteño (donde también viven unos 21,000 chiriguanos,
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journal de la société des américanistes Vol. 99-1, 2013
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Leake comptes rendus
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journal de la société des américanistes Vol. 99-1, 2013
del Convenio 169 de la OIT, Leake sostiene que, para los indígenas, la tierra es el
territorio más sus recursos naturales y tiene tanto un valor económico como
social, político y cultural. La otra afirmación es que los indígenas tienen una
« conciencia ecológica fundada en el reconocimiento de que el descuido de la
tierra y sus recursos acarrea consecuencias perjudiciales para el grupo [..., pero]
que esa conciencia ecológica está perdiendo terreno ante el predominio del
criterio utilitario promovido por la sociedad circundante, dando lugar a que en
muchas partes del Chaco Salteño los indígenas se involucran en prácticas que
impactan negativamente sobre el equilibrio ecológico » (p. 79). Si consideramos
el público amplio al que la obra está dirigida, estas afirmaciones tienen un valor
positivo: reivindican la posición de los indígenas. En otro contexto, deben ser
discutidas: ¿cuáles son exactamente las concepciones sobre la tierra de los cha-
queños?, ¿realmente existió o existe una conciencia ecológica indígena? (cf.
Arenas 2003, pp. 135-137), ¿en qué sentido?
Llegado el caso, lo sustancial del capítulo es el análisis del uso de la tierra en
la escala regional y zonal. He aquí algunas de las muchas conclusiones relevantes
del análisis regional: las cuencas de los ríos y las rutas « son componentes
arteriales del paisaje y constituyen ejes sobre los que se articula el sistema
territorial indígena » (p. 80); aunque el conjunto de vectores que salen de un
asentamiento hacia los lugares de aprovisionamiento de recursos (« estrellazos »)
fuese completo, ellos « no terminan de dar cuenta del espacio requerido para
garantizar la viabilidad de un territorio indígena [...] porque la integridad ecoló-
gica del territorio está inseparablemente vinculada al contexto más amplio del
entorno en que está inserto [..., en el] que áreas no aprovechadas [...] constituyen
eslabones indispensables para la conformación de corredores ecológicos que
sostienen la viabilidad ecológica de los territorios indígenas » (p. 81); « [l]a
mayoría de los promedios de distancias de recorrido [para cada actividad] caen
dentro del radio de los 15 kilómetros » (p. 82). En el análisis zonal las cifras
muestran, por un lado, que en los departamentos de Anta, Metán y Orán « [n]o
sólo los patrones tradicionales de uso del territorio sino también los grupos
residenciales están desarticulados como consecuencia de la expansión agroindus-
trial que se está llevando a cabo » (p. 83); por el otro, enseñan que « a pesar del
cercenamiento de sus territorios, las comunidades indígenas del Chaco salteño
mantienen vigentes muchos aspectos de su sistema tradicional de uso » (p. 106):
el territorio de cada comunidad está en estrecha relación con la estructura del
paisaje y la distribución de los recursos, está compuesto por múltiples sitios
dispersos por superficies extensas, y se superpone con el de las comunidades
vecinas. Las conclusiones del capítulo están estrechamente vinculadas a las del
precedente: « los pueblos indígenas demuestran un alto grado de resiliencia ¢ no
sin un costo en lo atinente a su salud y bienestar cultural ¢ ante la degradación del
ambiente [...], el alambrado de las tierras que impide tanto el movimiento
residencial como el acceso a los recursos, y la progresiva eliminación del bosque
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Elías Mariana Alfonsina y Ariel Mencia, Textiles del Chaco. Catálogo del
MEAB, Museo Etnográfico « Dr. Andrés Barbero », Asunción, 2012, 252 p.
Aunque a primera vista los textiles del Gran Chaco no presentan la calidad
técnica, la variedad formal ni el simbolismo pasmoso de los andinos, son, sin
embargo, la parcela de la cultura material de los indígenas chaqueños más
diversa, compleja y significativa. Bolsos enlazados y tejidos, mantas y ponchos,
fajas, vinchas y tocados, entre otros artefactos de su clase, dan cuenta de la
ecología y de la historia de cada pueblo y despliegan además un código elocuente
en el cual los chaqueños cifran categorías y relaciones cosmológicas y rituales,
interétnicas, estatutarias, de género o de edad. El precioso catálogo de su
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a la madre ayoreo para transportar durante las marchas a sus hijos pequeños y los
bienes domésticos. A su vez, el detalle me trajo a la memoria que existe por lo
menos una mención histórica de bolsos semiesféricos usados por los wichís como
recipiente para cargar el bebé (Baldrich 1890, pp. 236-237), y que en una escena
poco conocida de su mitología la hija de Sol carga en su sichet (la bolsa semies-
férica) al trickster Tukwaj. Un nuevo detalle comparativo que se suma a una lista
amplia y llamativa de semejanzas entre la cultura material ayoreo y la wichí
(Montani 2012).
Elías no es antropóloga, sino licenciada en Artes, y algunas inexactitudes de
su escrito se justifican quizá por dicha filiación profesional. En ocasiones, por
ejemplo, rigidiza las clasificaciones indígenas de los textiles. Repite, pues, algo
inverosímil: que los tobas del oeste de Formosa, estudiados por Arenas (2003),
clasifican las bolsas cuadrangulares según el punto de enlazado (p. 40). Lo
inverosímil no es que lo hagan, sino que pensemos que dicha tipología constituye
algo realmente sistemático y excluyente de otras posibles. El error se vincula
también con el uso siempre complejo de las expresiones indígenas ¢ en este caso,
de las referidas a los artefactos textiles ¢ por fuera de una compresión global de la
lengua; esta falta de perspectiva distorsiona la traducción y termina por presentar
como palabras inanalizables lo que en realidad son nombres simples, derivados,
compuestos, verbos, frases, etc. (al estilo del hile wichí, « bolsa cuadrangular
enlazada », y sus formas vinculadas: hile-lhos, « bolsa cuadrangular enlazada
chica », hile-lhos ta hu’aqtsaj-ch’utey, « bolsa cuadrangular enlazada chica con el
diseño orejas de la mulita », etc.) o bien por presentar como nombre de un
artefacto un término que en realidad refiere a algo más general (como puede
suceder con otra de las denominaciones del bolso semiesférico wichí, ulhekw, que
literalmente quiere decir « mi carga »). Requiere también rectificación la repeti-
ción que Elías hace de la opinión de Koschitzky (1992, p. 40) según la cual sichet,
el nombre wichí para el bolso semiesférico, es una palabra de origen quichua
usada sólo en la Argentina. Esto es algo que la propia Koschitzky no prueba y que
hasta donde sé los diccionarios quechuas y quichuas desdicen. Por último, no
puede pasar inadvertido el problema del significado de las categorías que ordenan
los artefactos textiles en el trabajo de Elías y en el catálogo mismo: ¿reflejan el
punto de vista nativo?, ¿en qué sentido?, ¿siguen clasificaciones lingüísticas,
funcionales, etc. de los indígenas o son simples etiquetas museográficas construi-
das a partir del análisis morfológico combinado con nuestras categorías intuiti-
vas de artefactos (i. e., las que nuestras lenguas distinguen, las que normalmente
fabricamos y usamos, etc.)? Hay por lo menos una distinción que creo demasiado
externa: aquella que separa las « bandas frontales » de las « cintas para la
cabeza » (pp. 226-236); los wichís, por ponerlos nuevamente como ejemplo,
agrupan unas y otras bajo el único rótulo de « su vincha » (lap’aqiche).
Los problemas de estilo en el texto de Elías no son achacables a su formación
y por desgracia no son pocos: un abuso de la barra para separar sinónimos, como
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los jesuitas fundamentales para la etnología del Gran Chaco junto con Pedro
Lozano, José Sánchez Labrador o Martín Dobrizhoffer. En el tercer capítulo
(« La colecta de miel o ‘‘meleo’’ en el Gran Chaco: su relevancia en etnobotá-
nica »), Nicolás Kamienkowski y Pastor Arenas describen el papel fundamental
de la colecta de miel en la subsistencia de los cazadores-recolectores chaqueños a
partir de una revisión sistemática de fuentes históricas, etnográficas y biológicas,
detallando en cada caso las especies, los usos de los productos y una serie de
aspectos asociados como técnicas de meleo, mitología o ritualidad ¢ hay que
decir que resulta de particular interés, en este caso, la extensa revisión de la
cultura material asociada con la colecta de miel.
Con el empírico título de « Palos, yuyos, pencas, bejucos y pastos », Gustavo
Scarpa analiza en el cuarto trabajo la taxonomía etnobotánica de los criollos del
nordeste de Salta y el oeste de Formosa. Inventaría los conjuntos lexemáticos por
medio de los cuales nombran a las plantas (672 denominaciones vernáculas de
370 taxas botánicas y 525 fitónimos asociados), procura identificar los patrones
nomenclaturales de la fitonimia vernácula sobre la base de estructuras lingüísti-
cas (lexemas primarios, secundarios, nombres genéricos, nombres específicos,
etc.), e incluso bosqueja un modelo general a partir de los datos. A la hora de
categorizar el reino vegetal, la distinción fundamental opone las plantas cultiva-
das (« plantas » a secas) con las plantas silvestres (« del campo » o « del monte »),
que pueden ser « palos » (árboles, arbustos, subarbustos), « yuyos » o « yerbas »
(hierbas), « pencas » (cactáceas y suculentas), « bejucos » (enredaderas y lianas)
o « pastos » (poáceas y ciperáceas).
Reflotando la vieja crítica durkheimiana a la categoría de « sobrenatural », el
quinto capítulo (« Espíritus vinculados con el bosque y sus plantas en el mundo
de los wichís del Chaco Semiárido salteño, Argentina ») se adentra en la cosmo-
logía wichí a partir de un punto de partida más orientado a lo cualitativo,
catalogando una veintena de espíritus o personajes que poseen algún tipo de
conexión significativa con plantas u hongos del monte. La intención de Eugenia
Suárez consiste evidentemente en complementar el abordaje etnobiológico con
una perspectiva interpretativa más integradora, que contemple tanto el análisis
de la cosmología como asimismo de los procesos de cambio socioambiental. En
el mismo sentido, el sexto estudio (« Hechicería, muerte y prácticas funerarias
para vengar maleficios entre los toba del occidente de Formosa, Argentina. Una
aproximación etnobiológica »), del propio Pastor Arenas, parte de una narrativa
toba-pilagá sobre el papel de un ave a la hora de vengar ritualmente un daño por
brujería. Arenas revisa exhaustivamente la narrativa oral del grupo y a la vez la
literatura etnográfica regional, a fin de contextualizar las diversas modalidades de
hechicería retributiva en las sociedades indígenas del Gran Chaco. Por su parte,
en el séptimo capítulo (« Recolección, disponibilidad y uso de plantas en la
actividad artesanal de comunidades tobas del Chaco Central, Argentina »),
Gustavo Martínez describe el vocabulario utilizado por los tobas para designar la
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