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Grenade: Heureux qui comme… Théophile Gautier
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Ebook83 pages1 hour

Grenade: Heureux qui comme… Théophile Gautier

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About this ebook

Partager les émotions des premiers écrivains-voyageurs et retrouver les racines d’un monde intemporel.

Théophile Gautier explore l’Andalousie pendant l’été 1840. Son récit est le modèle du voyage romantique, avide d’aventures pittoresques, d’archaïsmes et de mélanges orientaux. À Grenade, il se fait enfermer dans l’Alhambra, visite les tanières des gitans et voyage dans le temps.
Récit extrait du Voyage en Espagne de Madrid à Jérez, publié en 1843.

Plongez dans ce récit d'aventures poétique qui offre un portrait de l'Andalousie au 19ème siècle !

EXTRAIT

En entrant, vous avez en face de vous, formant le fond du parallélogramme, la salle du Tribunal, dont la voûte renferme un monument d’art d’une rareté et d’un prix inestimables. Ce sont des peintures arabes, les seules peut-être qui soient parvenues jusqu’à nous. L’une d’elles représente la cour des Lions même avec la fontaine très reconnaissable, mais dorée; quelques personnages, que la vétusté de la peinture ne permet pas de distinguer nettement, semblent occupés d’une joute ou d’une passe d’armes. L’autre a pour sujet une espèce de divan où se trouvent rassemblés les rois maures de Grenade, dont on discerne encore fort bien les burnous blancs, les têtes olivâtres, la bouche rouge et les mystérieuses prunelles noires. Ces peintures, à ce que l’on prétend, sont sur cuir préparé, collé à des panneaux de cèdre, et servent à prouver que le précepte du Coran qui défend la représentation des êtres animés n’était pas toujours scrupuleusement observé par les Maures, quand bien même les douze lions de la fontaine ne seraient pas là pour confirmer cette assertion.

A PROPOS DE LA COLLECTION

Heureux qui comme… est une collection phare pour les Editions Magellan, avec 10 000 exemplaires vendus chaque année. Publiée en partenariat avec le magazine Géo depuis 2004, elle compte aujourd’hui 92 titres disponibles, et pour bon nombre d’entre eux une deuxième, troisième ou quatrième édition.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Théophile Gautier est un poète, romancier et critique d'art français. Ce maître du récit de voyage, dont s’inspireront tous les grands auteurs du XIXe siècle, lance ici la mode de voyage en Espagne et de l’orientalisme.

LanguageFrançais
Release dateAug 3, 2018
ISBN9782350745190
Grenade: Heureux qui comme… Théophile Gautier
Author

Théophile Gautier

Jules Pierre Théophile Gautier, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872, est un poète, romancier et critique d'art français.

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    Grenade - Théophile Gautier

    LE « PARADIS DE L’ESPAGNE »

    Si j’avais eu de la fortune, j’aurais vécu toujours errant.

    J’ai une facilité admirable à me plier sans effort à la vie

    des différents peuples. Je suis russe

    en Russie, turc en Turquie, espagnol en Espagne, où je suis retourné

    plusieurs fois par passion pour les courses de taureaux,

    ce qui m’a fait appeler, par La Revue des deux Mondes,

    « un être gras, jovial et sanguinaire »¹.

    Depuis qu’elle a résisté à l’invasion napoléonienne pendant la guerre d’indépendance (1808-1814), l’Espagne est à la mode en France. Les Espagnols ont paru héroïques aux Français et suscité leur admiration. Puis, avec la guerre qui déchire le pays entre 1833 et 1837, l’Espagne prend place dans l’actualité. Les Français se partagent comme les Espagnols entre tenants de la loi salique, dits carlistes, et partisans d’Isabelle II, héritière du trône selon les christinos. Enfin, en 1838, le baron Taylor provoque l’engouement pour la peinture espagnole en organisant à Paris une exposition qui fait découvrir les grands maîtres espagnols : Vélasquez, Murillo, Zurbaran et Goya.

    Les écrivains romantiques sont les premiers à se passionner pour l’histoire de l’Espagne, ils étudient sa littérature et créent des cercles d’amateurs, ouvrant de nouveaux horizons qui nourrissent le rêve d’Espagne. Vers 1840, ceux d’entre eux qui voyagent se donnent le mot et vont voir par eux-mêmes la réalité du pays fantasmé. Mais leurs lectures ont construit leur regard. Ainsi, Théophile Gautier (1811-1872), qui traverse la frontière en 1840 pour un séjour de six mois en Espagne, craint la confrontation avec la réalité de « l’Espagne de [s]es rêves, l’Espagne du romancero, des ballades de Victor Hugo, des nouvelles de Mérimée et des contes d’Alfred Musset ».

    Il a alors vingt-neuf ans et accompagne Eugène Piot, esthète et archéologue muni d’un daguerréotype pour fixer les images du voyage. Étrangement, on ne trouve pas trace de cette expérience à laquelle Gautier ne fait qu’une vague allusion quand il se donne une « mission de touriste descripteur et de daguerréotype littéraire ».

    Leur périple en Espagne se déroule du 5 mai 1840 au 7 octobre de la même année. Ils entrent dans le pays par la Navarre, visitent la Castille, découvrent l’Andalousie qui enthousiasme l’écrivain, passent par le détroit de Gibraltar et remontent la côte est par Alicante, Valencia et Barcelone. Le voyage s’achève à Port-Vendres. De Grenade, Gautier écrit à sa mère, le 4 juillet 1840 : « Voilà deux mois passés, il n’en reste plus qu’un : nous avons vu Burgos, Vittoria, Valladolid, Olmedo, l’Escurial, Tolède, Madrid, Aranjuez, Jaën, Grenade ; il nous reste à voir Cordoue, Séville, Cadix et Valence. »

    Les nombreuses impressions qu’il recueille pendant son périple nourriront sa poésie et lui inspireront des contes fantastiques. Mais c’est avec son Voyage en Espagne de Madrid à Jérez, publié en 1843 après une publication en feuilleton de 1840 à 1843, que Théophile Gautier est reconnu comme un maître de la littérature de voyage. Cet ouvrage, réédité dix fois entre 1843 et 1875, sert de référence à Victor Hugo, Alexandre Dumas et Stendhal, qui traversent les Pyrénées après Gautier, et multiplient les récits de voyages en Espagne, attisant la curiosité du public et son goût pour l’exotisme.

    Si le Voyage en Espagne de Gautier est le parangon du voyage romantique, la traversée des terres sauvages d’Alpujarras en est le manifeste : « Ce qui constitue le plaisir du voyageur, c’est l’obstacle, la fatigue, le péril même. (…) Un des grands malheurs de la vie moderne, c’est le manque d’imprévu, l’absence d’aventures. Tout est si bien réglé, si bien engrené, si bien étiqueté, que le hasard n’est plus possible ; encore un siècle de perfectionnement, et chacun pourra prévoir, à partir du jour de sa naissance, ce qui lui arrivera jusqu’au jour de sa mort. La volonté humaine sera complètement annihilée. Plus de crimes, plus de vertus, plus de physionomies, plus d’originalités. Il deviendra impossible de distinguer un Russe d’un Espagnol, un Anglais d’un Chinois, un Français d’un Américain. L’on ne pourra plus même se reconnaître entre soi car tout le monde sera pareil. Alors un immense ennui s’emparera de l’univers, et le suicide décimera la population du globe, car le principal mobile de la vie sera éteint : la curiosité.

    Un voyage en Espagne est encore une entreprise périlleuse et romanesque : il faut payer de sa personne, avoir du courage, de la patience et de la force ; l’on risque sa peau à chaque pas ; les privations de tous genres, l’absence des choses les plus indispensables à la vie, le danger de routes vraiment impraticables pour tout autre que des muletiers andalous, une chaleur infernale. »

    On le voit, le voyageur romantique trouve en Espagne un pays propice à l’aventure. Son ascension du pic du Mulhacen en fournit une plutôt physique ; mais ce qui réjouit Gautier comme ses successeurs en Andalousie – la destination préférée des romantiques –, ce sont surtout les trouvailles pittoresques et les archaïsmes du pays. D’ailleurs, pour cette raison, les signes du passé les intéressent plus que les signes du progrès. De là une opposition constante entre la recherche de pittoresque du voyageur, dont les intérêts sont d’ordre esthétique, et la volonté pratique des habitants, épris de progrès : « Ils tiennent à honneur, comme presque tous les bourgeois des villes d’Espagne, de montrer qu’ils ne sont pas pittoresques le moins du monde et de faire preuve de civilisation au moyen de pantalons à sous-pieds. »

    Apparemment déçu que les habitants de Grenade ne partagent pas son goût du pittoresque, Gautier déplore l’uniformisation du monde : « Ils vous demandent d’un air visiblement contrarié si vous pensez qu’ils ne sont pas aussi avancés que vous en civilisation, tant cette déplorable manie d’imitation anglaise ou française a pénétré partout. » On peut y voir les prémices d’une conscience de la « mondialisation » à venir au siècle suivant : « C’est un spectacle douloureux pour le poète, l’artiste et le philosophe, de voir les formes et les couleurs disparaître du monde, les lignes se troubler, les teintes se confondre et l’uniformité la plus désespérante envahir l’univers sous je ne sais quel prétexte de progrès. Quand tout sera pareil, les voyages deviendront complètement inutiles, et c’est précisément alors, heureuse coïncidence, que les chemins de fer seront en pleine activité. » Cependant, de la promenade Alameda aux tanières des gitans, la Grenade de 1840 semble finalement encore riche en expériences pittoresques et l’écrivain comblé n’hésite pas à qualifier la ville de « véritable paradis terrestre ».

    Mais pour Gautier, l’histoire de Grenade aurait dû s’arrêter à l’apogée esthétique de la ville, selon lui : son époque mauresque. Que « trois ou quatre cents ans et des flots de bourgeois [aie]nt passé sur le théâtre de tant d’actions romantiques et chevaleresques » déçoit l’écrivain

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