Guillaume Budé
Euripide et l'Orphisme
L. Méridier
Méridier L. Euripide et l'Orphisme. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°18, janvier 1928. pp. 15-31;
doi : https://doi.org/10.3406/bude.1928.4493
https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1928_num_18_1_4493
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« Et maintenant, glorifie-toi ! Étale en charlatan ta
végétarienne ; avec Orphée pour maître, fais le bac-
chant, tiens en honneur la fumée de tous ces livres ! Te voilà
pris. »
Nul, je crois, sauf Wheelerqui y voyait une interpolation
tirée du premier Hippolyte, n'a mis en doute l'authenticité
de ces vers. La leçon des manuscrits, aitoiç, a paru suspecte
à beaucoup d'éditeurs, qui ont proposé des corrections variées.
Mais dans l'ensemble le passage est fort clair. Ce qui l'est
moins, c'est l'intention du poète. Elle a prêté, chez les
à des interprétations très diverses. J'ai brièvement
indiqué, dans ma Notice d'Hippolyte, p. 20, note,
qui me semblait probable. Je voudrais la reprendre ici,
en développant les raisons qui me paraissent la justifier.
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ponse doive varier avec les cas particuliers. Les savants qui
ont étudié l'œuvre d'Euripide ont volontiers mis en lumière
sc3 tendances rationalistes, en le présentant comme un
déclaré du mysticisme. Ils n'hésitent donc pas, pour la
plupart, aie déclarer hostile aux Orphiques. N'oublions pas,
cependant, qu'il est avant tout un poète tragique et, comme
tel, conduit à prêter à ses personnages les idées — parfois
fort différentes des siennes — que réclament la logique des
caractères ou les événements de l'action. Discerner dans cette
diversité les vues personnelles de l'auteur est une tâche
difficile, rendue plus malaisée encore par la souplesse
d'une pensée naturellement ondoyante.
En ce qui concerne l'Orphisme, la mention, dans le Cyclope,
des incantations d'Orphée et de leur pouvoir magique est
moqueuse. On peut aussi trouver du dédain dans
les propos que tient le chœur d'Alceste sur l'impuissance des
formules orphiques. Ainsi en jugent, notamment, P. De-
charme ' et W. Nestlé 2. Mais dans cette affirmation que rien
ne prévaut contre la Nécessité, ni les tablettes orphiques 3 ni
les remèdes de la médecine, il est permis de voir seulement
le mélancolique rappel d'une vérité trop certaine. Pas plus
que la médecine, l'Orphisme ne prétendait d'ailleurs préserver
les hommes de la mort, et Euripide n'entend probablement
railler ici ni la première ni le second 4. Des fragments des
Cretois il n'y a rien à conclure, et il est arbitraire de soutenir
avec Wilamowitz qu'Euripide a voulu attaquer dans ce drame
le mysticisme ascétique. La même observation s'applique au
fragment 904. Par contre, la question posée dans les
de Polyidos et de Phrixos s'accorde bien avec la
pessimiste de la vie qu'on retrouve ailleurs chez Euripide.