Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La théologie de Platon
Édouard Des Places
Des Places Édouard. La théologie de Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 59-60, fascicule 279-283,1946. pp. 461-
466;
doi : https://doi.org/10.3406/reg.1946.3101
https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1946_num_59_279_3101
je
de
professeur
maintenant
philologie
Sous
peux
la classique
logique
ceaujourd'hui
titre,
Solmsen
à etlthaca,
» de
M.éditent
laFr.
avait
seulement
dans
rhétorique
Soluisen
lequitté
cette
présent
signaler
Cornell
d'Arislote
a publié,
l'Allemagne
volume.
(1).voilà
University
(Berlin,
Enpour
1932.
déjàdont
les
1929)
cinq
j'ai
États-Unis
les
(2).
analysé
ans,«A Études
unson
cette
: ouvrage
il époque,
Évolution
de
enseigne
que
le
(1) Où j'en verrais cependant assez volontiers, avec E. Zeller (Die Philosophie
der Griechen, II, 15, p. 932), A. E. Taylor (Plato3, p. 500;, M. Raeder (Plalons
Epinomis, p. 48-49); cf. Revue des Études grecques, L, 1937, p. 324. Mais le P. A.
Bremond, après Grote, admet que Platon veut se tenir à la tradition (Recherches
de science religieuse, XXII, 1932, p. 49-50).
464 EDOUARD DES PLACES
dette de Platon envers les Orphiques ressort de ses affirmations {Mén. 81 a-c ;
Phéd. 69 c, 81 a; Crat. 400 c ; Lois, IX. 870 d sq., 811 d sq. ; L. VU, 335 a);
Guthrie (Orpheus, p. 158-169; 238-244) a relevé le défi de Wilamowitz (Der
Glaube der Hellenen, II, p. 194 et 197) (1). Dans quelle mesure les mystères ont-
ils contribué à la formation des idées religieuses de Platon? Et quelle
conception de la divinité impliquent les passages où il travaille sur leurs croyances et
leur imagerie? Gorgias et Phédon attestent sa confiance en là Providence, qui
veille sur les âmes humaines, et en la divine justice. Les hommes sont le
troupeau (κτήματα) des dieux. Les discussions des premiers dialogues ne
concluaient pas ; ce sont les religions à mystères qui lui ont donné la certitude ;
elles enseignaient aussi une rémunération après la mort : Platon admet celle-ci,
pourvu que la pureté reste morale et ne dépende pas dune initiation fp. 123-
124). Autre article de foi des mystères : la dignité unique et la qualité divine
ou quasi-divine de l'âme. Cette foi a aidé Platon â faire de l'âme la source de
toute vie, même cosmique, tout en revendiquant philosophiquement la situation
unique de l'âme individuelle (p. 125). Piété et résignation vont bien avec ces
croyances; on trouve de pareils sentiments dans quelques-unes des discussions
religieuses de Platon, comme Lois X. Cette atmosphère des mystères l'a fasciné
et fait contrepoids à ce que ses démonstrations auraient de trop intellectuel
(p. 125-126). Les mythes eschatologiques de Gorgias et de Phédon sont plus près
de l'imagerie des mystères que celui de la République, où Platon voulait insister
sur le choix de l'homme; le mythe de Phèdre innove encore davantage (p. 127,
n. 8).
♦
La troisième partie (The comprehensive picture, p. 129-175) s'occupe
exclusivement des Lois, et avec elles, fait la synthèse. Elle comprend trois chapitres :
VIII. Éoolution naturelle et philosophie de l'âme (p. 131-148) ; IX. Dieu et
l'individu. Téléologie et Providence (p. 149-160) ; X. L'État et le Cosmos. Philosophie de
la loi naturelle (p. 161-174). Bien que les « pas » examinés précédemment ne
s'occupent pas directement du problème religieux, Platon n'y ajoute rien dans
la défense religieuse que sont les Lois (p. 131-132). Platon admet la «
persécution religieuse », mais unit toujours la persuasion à l'autorité; de là les
préambules des lois (p. 132-133) (2). A l'évolution des matérialistes, qui réduisent la
nature à des éléments matériels sans vie, Platon oppose sa classification des
mouvements, dont le dernier nommé est ontologiquement le premier
autonome: il fait dépendre de l'âme la vie cosmique et le règne «le l'ordre (p. 133-
137); il admet incontestablement une « mauvaise âme » du monde, à
rapprocher de l'Ahriman mazdéen, qu'il connaissait (p. 141-142) (3). Que Dieu, lui, soit
bon, cela n'est pas en question ; il ne néglige aucun des intérêts de l'homme,
sa propriété (p. 149-lou). Mais comment expliquer le bonheur des méchants? Il
ne faut pas invoquer la bonté séparée et « autarcique » du Dieu d'Aristole. que
Platon ne connaît pas ; la réponse est dans le rapport des parties au Tout, et
cette subordination de l'individu, comme en politique, annonce le cosmopoli-
(1) J'ai analysé VOrpheus de Guthrie dans les Recherches de science religieuse,
XXVI11, 1938, p. 240-242.
(2) Cf. p. 112 d'après Tim. 48 a.
(3) Cf. E. des Places, in Mélanges Franz Cumont, Bruxelles, 1936, p. 139 ;
ajouter à la bibliographie de la n. 4 : Wilamowitz, Der Glaube der llellenen, \\,
1932, p. 255, n. 2; G. Pasquali, Le Letters di Platone, 1938, p. 153-154.
LA THÉOLOGIE DE PLATON 465
tismc stoïcien (p. 131-156) ; mais dans le plan d'ensemble qui ordonne l'homme
à une fin supérieure, rien n'est plus précieux que les âmes individuelles ; dans
le X° livre des Lois, le thème orphique de la migration des âmes et de leurs
incarnations successives n'est plus un élément rapporté, mais la conséquence
logique de la physique et de la cosmologie platoniciennes (p. 158) ; la nouvelle
conception de l'âme origine du mouvement et pouvoir intelligent qui contrôle
le monde du devenir se combine dans ce livre avec la tradition des mystères
pour suggérer un ordre du- monde où l'âme prédomine (p. 162). Platon essaie
d'établir une nouvelle alliance entre l'État et la Religion : « une étude plus
serrée de la place de la Loi dans son système révélera un rapport plus étroit
entre ses idées religieuses et sa théorie politique » (p. 163). La vraie loi est
une entité spirituelle qui fait partie du cortège de l'âme; elle regarde les biens
de l'âme comme primordiaux (p. 164-166). La base cosmique de la philosophie
du droit chez Platon en fait une théorie de la loi naturelle, entendue autrement
que comme la loi du plus fort (1). « Son attitude à l'égard de la religion est à
la fois archaïque et hellénistique... ; il a fondé la théologie naturelle » (p. 171).
L'âme du monde assume des fonctions précédemment remplies par les Idées,
qui ne sont d'ailleurs pas abandonnées, mais transportées au règne du devenir
(p. 172).
La conclusion (Chap. XI, Influences et transformations, p. 177-195) montre
dans le platonisme la source de tous les systèmes théologiques postérieurs
(p. 177). Seul, le premier moteur transcendant d'Aristote dépasse Platon
(p. 179; cf. 182, 186). La théologie négative du néoplatonisme et des mystiques
remonte au Parrnénide et même à Γ « au-delà de l'essence » de Rép. VI, "iO'J b
(p. 182); la hiérarchie dee êtres, avec Dieu au sommet, se retrouvera jusque
dans le thomisme (p. 181). L'amalgame de la tradition platonicienne et de Πιι-
fluence chrétienne est poussé à l'extrême chez Origène (p. 189-191). Et « l'idée
d'un médiateur entre Dieu et le monde est d'une importance vitale pour le
christianisme », dont « la théologie doit beaucoup à la conception platonicienne
du Démiurge » (p. 192).
Notre analyse ne saurait dispenser de recourir à un livre très dense, dont les
notes abondent eu inferences à Platon et aux commentateurs ou interprètes
modernes. Ces notes doivent se chercher à la fin du chapitre, encore plus
difficile à retrouver que la fin du volume. Ce qui gêne aussi la lecture, c'est l'anglais
un peu laborieux, qui se ressent peut-être de traduire un manuscrit allemand.
On regrette que l'auteur n'ait pas progressé depuis quinze ans sur la question
de VÈpinomis; en 1929, il s'en remettait à la dissertation de Fr. Millier pour
attribuer le dialogue à Philippe d'Oponte; aujourd'hui, il renvoie (p. 96, n. 34)
au compte rendu que B. Einarson a fait du dernier mémoire de II. Raeder (2).
Sans ce préjugé contre l'authenticité, que Taylor appelait « un dogme de l'école
(1) Sans que W. Jaeger lui-même ait publié son « Essai sur VÊpinomis »
(1913) ; cf. Paideia, t. Ill, trad. G. Highet, Oxford, 1945, p. 337, n. 12. Mais la
conclusion de son chapitre sur les Lois [ibid., p. 262) se trouve formuler à
merveille le dessein de VÊpinomis.
(2) Sur la continuité qui unit Phèdre, Timée, Lois et Èpinomis, cf. mon article
déjà cité des Mélanges Franz Cumont, surtout p. 132-134.
(3) La poésie de Pindare, Paris, 1880, p. 164, n. 1.
(4) Le charme d'Athènes et autres essais, Paris, 1925, p. 74-108.
(5) Olivier Reverdin, La religion de la cité platonicienne, Paris, 1945; cf.
supra, pp. xlviii-l, infra, pp. 497-499, et Recherches de science religieuse,
XXXIV, 1947, pp. 244-2*6.