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18ème Congrès Français de Mécanique Grenoble, 27-31 août 2007

Simulation numérique de l’emboutissage hydromécanique de type


aquadrawformage

Eric RAMEL, Wilfried GESLIN

CEA VALDUC
DFTN/SFPU/LDP
21120 IS SUR TILLE
eric.ramel@cea.fr

Résumé :
L’aquadrawformage est un procédé d’emboutissage hydromécanique très performant. Le plus grand
avantage de ce procédé est de permettre des rapports d’emboutissage élevés du fait de la création d’une
fuite entre la matrice et le flan limitant ainsi les frottements. La presse double effet de 400 tonnes du
Département de Fabrications et Technologies Nucléaire du CEA Valduc a été instrumentée pour établir
une base expérimentale afin de valider un modèle numérique. Ce modèle peut se décomposer en deux
parties : une partie mécanique (calcul des contraintes, …) et une partie fluide (calcul des conditions aux
limites). Pour la partie mécanique, nous utilisons la méthode des éléments finis qui est implantée dans
ABAQUS® et pour la partie fluide, nous avons écrit une routine en FORTRAN® qui permet de calculer la
pression cavité, le débit de fuite et la pression qui s’exerce entre la matrice et le flan.

Abstract :
Deep drawing is a very efficient hydro mechanical stamping process. The greatest advantage of this
process is a higher drawing ratio by creation of a fluid film between die and blank which reduces friction.
The 400 tons press of the DFTN in the CEA Valduc facility has been instrumented to build a database in
order to validate simulation. This model can be decomposed as follows: a mechanical system (stress
calculation, …) and a fluid system (boundary conditions calculation). A finite elements method delivered
with ABAQUS® has been used for the mechanical system. To deal with the fluid system, a FORTRAN®
subroutine has been developed that enables calculation of the cavity pressure, the leak rate and the
pressure applied between die and blank.

Mots-clefs : aquadrawformage ; simulation numérique ; interaction fluide-structure

1 Introduction

L’aquadrawformage est un procédé d’emboutissage hydromécanique qui est très répandu


au Japon, mais peu en Europe. Il permet la déformation à froid des métaux en feuille avec un
rapport d’emboutissage1 supérieur à celui obtenu avec un procédé d’emboutissage classique. Le
fonctionnement de ce procédé peut se décomposer en trois étapes (Fig. 1) :

effort poinçon effort poinçon

effort serre-flan effort serre-flan

poinçon
serre-flan
flan film d'eau
matrice
cavité aquadraw

pression pression
cavité cavité

vanne de tarage

FIGURE 1 : Schéma de principe de l’aquadrawformage

1
β = diamètre du flan / diamètre du poinçon.

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1 Un effort serre-flan est appliqué sur le flan afin de le maintenir en position.


2 La descente du poinçon provoque la déformation du flan. La cavité fluide étant fermée
par l’effort serre-flan, la pression du fluide augmente ce qui plaque le flan sur le poinçon.
3 La pression qui réside dans la cavité fluide vient à équilibrer l’effort serre-flan, ce qui
entraîne la création d’un film d’eau entre le flan et la matrice. La pression dans la cavité fluide
continue à augmenter jusqu’à atteindre la pression de tarage, ce qui provoque l’arrêt du film
d’eau.
Avec la presse hydraulique de 400
tonnes équipée d’un pot aquadraw du CEA
Valduc, des expériences ont été menées à
température ambiante sur des flans de
diamètre 240 mm et d’épaisseur 9,2 mm, en
tantale et en cuivre. Les pièces ont été mises
en forme en trois passes qui seront détaillées
ci-dessous.
FIGURE 2 : La pièce obtenue aux trois passes

2 Expériences

Pour l’expérimentation, une gamme de fabrication a été développée. Elle est composée de
trois passes (Fig. 2) :
1ère passe : Øpoinçon=148 mm, Ømatrice=170 mm, β=1,62
2ème passe : Øpoinçon=120 mm, Ømatrice=140 mm, β=1,2
3ème passe : Øpoinçon=98 mm, Ømatrice=118, β=1,22

Cette expérience a été réalisée sur 9 flans en tantale et sur 30 flans en cuivre. Nous avons
gardé les mêmes paramètres (vitesse de descente poinçon, vanne de tarage, …) afin d’estimer la
reproductibilité des essais.
Pour la réalisation de chaque passe d’emboutissage, nous avons appliqué du téflon sur le
poinçon, la matrice et le flan afin d’éviter de marquer les outils. Nous avons également mis de
l’huile sur la matrice, le flan et le poinçon. Par ailleurs, pour éviter le glissement poinçon/flan au
début de l’emboutissage, le pôle du poinçon et le centre du flan n’ont pas été graissés.
Les paramètres importants lors de l’aquadrawformage sont la pression cavité, l’effort du
poinçon, l’effort serre-flan et la vitesse de descente. Tous ces paramètres sont mesurés par
différents capteurs.

3 Développement théorique

La difficulté de simuler l’aquadrawformage réside dans l’interaction fluide / structure. Il


faut pouvoir connaître la pression du fluide exercée sur le flan pendant tout le procédé. Cette
pression est fonction du volume de la cavité mais aussi de la perte de fluide entre le flan et la
matrice. Pour ce faire, il faut émettre l’hypothèse qu’un régime hydrodynamique entre le flan et
la matrice existe, Gelin (1993), Gelin (1994) et Labergere (2003).

3.1 Régime hydrodynamique

Pour étudier ce régime, nous partons des équations de Navier-Stokes :


Dv
ρ + ∇p + µ∆v = f et div( v ) = 0 (1)
Dt

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avec : v la vitesse du fluide, p la pression du fluide, ρ la densité du fluide, µ la viscosité


dynamique, f la densité volumique des forces.

Dans un premier temps, certaines hypothèses sont faites afin de simplifier l’équation de
Navier-Stokes :

• Problème axisymétrique, ce qui revient à supposer que le flan a un comportement


isotrope et que le fluide s’écoule de la même manière sous le flan.
• Problème stationnaire, ce qui revient à négliger les forces d’inertie du fluide.
• Forces de volume nulles, ce qui revient à négliger les forces de pesanteur.
• Ecoulement laminaire, ce qui est raisonnable puisque le fluide est assez visqueux.
• Approximations de la lubrification hydrodynamique applicables.
• L’écoulement est stationnaire, laminaire et isotherme.
• L’entrefer évolue lentement le long de l’écoulement (d h /d x << 1) .
• Les courbures des surfaces en présence sont faibles
(h / R >> 1 avec 1 / R = d 2 h /d 2 x . )
Pour déterminer la pression entre la matrice et le flan, il faut discrétiser le fluide. Nous
avons choisi de prendre les nœuds du flan comme nœuds pour le fluide. Après intégration des
différentes équations, nous obtenons :
⎡ 3µ ⎛ q ⎞ 3µ ⎛ q ⎞⎤
p(ri +1 ) − p(ri ) = ⎢ 3 ⎜⎜VF (ri +1 )h(ri +1 ) − r ⎟⎟ + 3 ⎜⎜VF (ri )h(ri ) − r ⎟⎟⎥ (ri +1 − ri )
⎣ h (ri +1 ) ⎝ πri +1 ⎠ h (ri ) ⎝ πri ⎠⎦
⎛ V (r ) V (r ) ⎞ ( p − pc )
3µ ⎜⎜ F2 i +1 + F2 i ⎟⎟ − nb
h (ri +1 ) h (ri ) ⎠ (ri +1 − ri ) (3)
qr = ⎝
3µ ⎛ 1 1 ⎞
⎜⎜ 3 + 3 ⎟
π ⎝ h (ri +1 )ri +1 h (ri )ri ⎟⎠
avec : p(ri ) , p c et p nb : pression au rayon ri , pression cavité, pression au rayon total du
flan, µ viscosité dynamique, h hauteur du fluide entre la matrice et le flan, V F vitesse radiale
du flan et q r débit de fuite.

3.2 Pression cavité

Nous partons de l’équation (4) qui en intégrant nous donne (5). La variation de volume de
la cavité dépendant de la déformation du flan, nous obtenons finalement (6).
∆V
⎛V ⎞
1 1 ⎛ Vci − V pi + V fi ⎞
χ = − V (4) p2 − p1 = ln ⎜⎜ 1 ⎟⎟ (5) pci +1 − pci = ln ⎜ i +1 ⎟
∆p χ ⎝ V2 ⎠ χ ⎜⎝ Vc − V pi +1 + V fi +1 ⎟⎠ (6)
où pci , V pi et V fi sont respectivement la pression cavité, le volume de la tôle et le volume de
la fuite à l’instant t i .
Le volume de la fuite s’évalue grâce au débit :
V fi +1 = V fi + qri +1 (ti +1 − ti ) avec V f0 = 0 (7)

3
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3.3 Schéma de résolution

Nous avons choisi d’utiliser le code de calcul ABAQUS® pour la résolution des équations
de la mécanique des structures et de réaliser une routine en FORTRAN® pour résoudre les
équations de la mécanique des fluides. L’interaction se fait à l’aide de la subroutine VDLOAD2
qui permet d’appliquer une pression non uniforme sur la surface inférieure du flan (Fig.3).
Début

Le calcul va se dérouler en plusieurs étapes :


• ABAQUS® termine l’incrément n. Calcul de la distance entre la matrice et le flan

• ABAQUS® prépare l’incrément n+1 : Calcul du volume de la cavité fluide


il appelle la routine VDLOAD.
• La routine VDLOAD s’exécute (Fig. 3).
oui non
h >0

• ABAQUS® récupère son chargement. Calcul de la pression cavité

• ABAQUS® résout l’incrément n+1.


Calcul du débit Calcul de la pression cavité

Calcul de la pression entre le


flan et la matrice

Fin

FIGURE 3 : Déroulement de la routine VDLOAD


Les calculs réalisés dans la routine sont obtenus en grande partie par la connaissance des
coordonnées des nœuds du flan.

4 Modèle numérique

Les hypothèses émises pour le modèle sont :


• problème axisymétrique ;
• le poinçon et la matrice sont représentés par des outils rigides3 ;
• une vitesse de déplacement constante pour le poinçon ;
• le schéma d’intégration temporelle utilisé est un schéma d’intégration explicite.

4.1 La rhéologie

La rhéologie retenue pour le tantale est un modèle élasto-viscoplastique développé par


Frénois (2001). Il est composé d’un écrouissage isotrope fonction de la densité de dislocation et
de plusieurs écrouissages cinématiques. Il permet notamment de bien rendre compte de la
sensibilité du tantale à la vitesse de déformation.

4.2 Les interactions

Des éléments contact sont définis en surface de chaque pièce du procédé afin d’éviter
d’éventuelles pénétrations d’objets. Toutes les pièces pouvant entrer en contact ont été
répertoriées et une loi de type COULOMB a été appliquée pour représenter le frottement. Les
coefficients de frottement sont :
pôle poinçon / le flan : 0,3 ; poinçon / flan : 0,4 ; matrice / flan : 0,4.

2
Routine utilisateur d’ABAQUS®
3
Qui ne se déforment pas

4
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5 Résultats numériques

Les grandeurs physiques traduisant l’état du matériau à la fin de chacune des trois phases
de mise en forme sont les déformations plastiques et les contraintes résiduelles (Fig. 4).

FIGURE 4 : Déformations plastiques équivalentes (-) et contraintes résiduelles (MPa)

6 Comparaison expérience et simulation

La comparaison calcul/expérience concerne dans un premier temps les paramètres du


procédé (pression cavité, effort poinçon), puis dans un deuxième temps les dimensions
caractéristiques de la pièce emboutie (épaisseur).

6.1 Comparaison des grandeurs du procédé

Précédemment, nous avons signalé que les paramètres importants du procédé sont la
pression cavité et l’effort du poinçon. Les graphes de la figure 5 présentent une comparaison de
ces grandeurs entre les mesures expérimentales et les résultats de la simulation numérique pour
les 3 passes d’emboutissage.
Pression de la cavité fluide Effort poinçon
40 1400000

35 1200000

30
1000000
Pression (MPa)

25
Force (N)

800000
20
600000
15 effort moyen 1ère passe effort moyen 1ère passe
simulation 1ère passe 400000 simulation 1ère passe
10 effort moyen 2ème passe effort moyen 2ème passe
simulation 2ème passe simulation 2ème passe
5 effort moyen 3ème passe
200000 effort moyen 3ème passe
simulation 3ème passe simulation 3ème passe
0 0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120
Déplacement (mm) Déplacement (mm)

FIGURE 5 : Comparaison entre les expériences et les simulations Pression cavité / Déplacement
et Effort poinçon / Déplacement

1ère passe : les simulations se situent parfaitement au sein des courbes expérimentales tant
pour l’estimation de la pression cavité que pour l’effort poinçon.
2ème passe : le décalage des courbes expérimentales (Pression cavité) est dû à un manque
initial de fluide au sein de la cavité en début du procédé, cependant l’allure générale des courbes
est comparable.
3ème passe : de même que lors de la 2ème passe, il existe le même décalage en début de
procédé.

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La simulation du procédé donne donc de bons résultats. Nous avons donc un outil
numérique pour représenter le procédé d’aquadrawformage.

6.2 Comparaison sur pièce

Les différents coefficients de


frottement, la vitesse de descente du
poinçon et la rhéologie sont les paramètres 10,5

influençant la forme finale de la pièce.


9,5

La rhéologie a été vérifiée par ailleurs 8,5

lors de la simulation du procédé


d’hydroformage. La vitesse du poinçon 7,5
Expérience 1ére passe
Simulation 1ére passe

nous est imposée au cours de Simulation 2ème passe


Expérience 2ème passe
Simulation 3ème passe

l’expérimentation. Les coefficients de 6,5


0 2 4 6 8
Expérience 3ème passe

10 12

frottement constituent donc le seul


paramètre permettant un recalage calcul / FIGURE 6 : Comparaison entre l’expérience
expérience. Ils ont été fixés pour recaler les et la simulation Epaisseur / Indice
résultats de la première passe puis n’ont
plus été modifiés.

Le graphe de la figure 6 présente la variation de l’épaisseur de la pièce au cours des trois


passes de la mise en forme. Les résultats de la simulation sont proches des résultats
expérimentaux, ce qui permet de conclure sur la validité des paramètres utilisés.

7 Conclusions

La routine développée en FORTRAN® permet de bien représenter les phénomènes mis en


jeu lors du procédé d’aquadrawformage. Nous avons ainsi un outil complet pour simuler ce
procédé.
La modélisation permet d’avoir accès à des grandeurs physiques telles que le taux de
déformation en tout point et à tout instant en cours d’emboutissage. Il s’agit également d’une
avancée importante dans la maîtrise de ce procédé : ce code permettra d’étudier l’influence de
tous les paramètres expérimentaux sur la pièce finie et ainsi d’optimiser les gammes de mise en
forme.

Références

J.C. Gelin, P. Delassus, 1993 Modelling and simulation of the Aquadraw Deep Drawing
Process, Annals of CIRP 42, 305-308

J.C. Gelin, P. Delassus, J.F. Fontaine, 1994 Experimental and numerical modelling of the effect
of process parameters in aquadraw deep drawing, Journal of Materials Processing
Technology 45, 329-334

C. Labergere, 2003 Contributions à la modélisation, à l’optimisation et au contrôle des procédés


d’hydroformage de tubes et flans, thèse de doctorat de l’université de Franche-Comté

S. Frenois, 2001 Modèle polycristallin du comportement mécanique du tantale. Application à la


mise en forme par hydroformage, Thèse du doctorant de l'Ecole Centrale Paris

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