GENERALITES EN REEDUCATION —_________ Amphi F: 10 H 15
Topographie métamérique des membres
J. BENASSY*
La distribution des différentes paires radiculaires, et [existence de
métaméres médullaires ont toujours constitué un probléme controversé.
La disseetion macroscopique est en ce domaine fallacieuse. De méme
Vexpérimentation sur des espéces animales éloignées de homme. Beaucoup
de tableaux actuellement utilisés ne sont que des compilations.
Nos études, purement cliniques, ont porté sur plusieurs centaines de
traumatisés — quasi expérimentaux — de la moelle cervicale ou lombosacrée.
Membre supérieur
Métamére C5
Le territoire de cette racine comprend :
— deltoide,
— sus-épineux,
— sous-épineux,
— biceps,
— brachial antérieur,
— long-supinateur,
— court-supinateur.
Crest-a-dire
— abduction,
— la rotation externe du bras,
— Ia flexion,
— la supination de Pavant-bras.
‘Ce myotome a donc une constitution remarquablement groupée. Il forme
une masse charnue homogene, allant de la base de l’épaule A la pointe de la
styloide radiale, comme s'il ne s’agissait que de la différenciation d’un muscle
primitif unique. Il est recouvert — rigoureusement — par les téguments du
dermatome C5.
* Membre de VAcadénie de Chirurgie, 1, place du Chancelier-Adenauer, 75116 PARIS,34 JOURNEE DE MEDECINE PHYSIQUE ET DE REEDUCATION 1981
DISTRIBUTION RADICULAIRE DU PLEXUS BRACHIAL
NOM : Nom de
Vexaminateur
Prénom :
Année de naissance :
Adress Date de
Date de I'accident Vexamen
cs DELTOIDE
‘SUS-EPINEUX
‘SOUS-EPINEUX
BICEPS
LONG-SUPINATEUR
COURT-SUPINATEUR
ce GRAND PECTORAL (Chef sup.)
GRAND-ROND
GRAND-DORSAL
LONGUE PORTION DU TRICEPS
‘SOUS-SCAPULAIRE
RADIAUX
ROND-PRONATEUR
c7 \VASTES EXT. et INT. (TRICEPS)
PALMAIRES
EXTENSEUR COM. DOIGTS
EXTENSEUR PROP. DU |
ce CUBITAL ANTERIEUR
FLECHISSEUR PROP. DU POUCE
FLECHISSEUR COM. SUPERF. DOIGTS
FLECHISSEUR COM. PROF. DOIGTS
LOMBRICAUX
D1 CHEF INF. GRAND PECTORAL
INTER-OSSEUX DORSAUX
D2 OPPOSANT DU POUCE
INTER-OSSEUX PALMAIRESGENERALITES EN REEDUCATION 35
Les tétraplégiques qui n’ont conservé gue ce métamére ont une attitude
stéréotypée qui permet, d’un seul coup d’ceil, de préciser la hauteur de leur
lesion.
Nous n’avons pas inclus dans le tableau le grand dentelé a qui beaucoup
d’auteurs donnent une innervation plus basse encore. II est tres facile a tester,
et l'occasion est fréquente (le nerf de Charles Bell est assez souvent lésé dans
les opérations de Halstedt).
Chez. aucun de nos tétraplégiques CG 5 et rarement en cas d’élongation
du plexus brachial, nous n’avons vu ce muscle paralysé. Le nerf de Charles
Bell qui regoit_ macroscopiquement trois racines du plexus brachial, ne fait
done que convoyer aprés un trajet en baionnette lanastomose fournie par
C4 au plexus brachial.
Le lerritoire C4 semble donc ainsi constitué:
— diaphragme,
— grand dentelé,
— angulaire de Pomoplate,
— rhomboides.
Le grand dentelé étant un muscle inspiratoire accessoire, la racine C.4 a
donc essentiellement une fonction inspiratoire.
Métamére C6
Le territoire de C6 groupe des muscles disparates:
— grand pectoral (chef claviculaire),
— grand rond,
— grand dorsal,
— sous-scapulaire,
— longue portion du triceps,
— rond pronateur,
— radiaux.
Assurant ainsi:
— Vabduction et la rotation interne du bras,
— la pronation de l'avant-bras,
— la flexion dorsale du poignet.
Les trois premiéres de ces fonctions font de C.6 lantagoniste de la racine
précédente.
Il est en outre une fonction commune aux trois muscles «grands », c'est
la fonction expiratoire, ceux-ci étant, aprés les abdominaux, les plus puissants
expirateurs — ainsi qu'il est facile de le constater dans Vexpiration forcée ou
la toux.
Il existe une énorme différence entre les tétraplégiques chez qui est
respecté le territoire de C6, et les précédents. Ils peuvent respirer beaucoup
plus amplement. Leur capacité respiratoire passe de 500 centimetres cubes &
2litres; ils peuvent tousser et rire — alors que le rire de C5 n’est qu'une
sorte de «gloussement inspiratoire ».
Dis lors qu’un blessé de la moelle peut redresser le poignet (radiaux), il
est presque certain que sa fonction respiratoire est assez bonne.36 JOURNEE DE MEDECINE PHYSIQUE ET DE REEDUCATION 1981
Quant l’anatomie de ces muscles, admirons cette nappe musculaire en
forme de «papillon » qui, des crétes iliaques ct des &pincuses lombaires, prend
relais sur la coulisse bicipitale pour rejoindre l’angle sterno-costal, le tout en
deux jets de fibres musculaires, croisant 4 angle droit, la direction des arcs
costaux enserrant la cage thoracique — ce qui est logique pour la fonction
expiratoire que nous lui avons attribuée.
Les chefs sternaux du grand pectoral n’appartiennent pas A ce métamire.
Métamére C7
La racine C7 a pour territoire:
— les deux vastes du triceps,
— les palmaires,
— les extenseurs des 5 doigts.
Ainsi cette racine:
— étend le coude,
— fléchit le poignet,
— étend la premiére phalange des doigts.
Le long triceps dépendait de C 6; les vastes dépendant de C 7, le triceps
peut donc étre considéré comme un muscle composite.
Métamére C 8
La racine G8 innerve:
— le cubital antérieur,
— tous les fléchisseurs des doigts (fléchisseur propre du pouce, fiéchisseur
commun superficiel des doigts, fiéchisseur commun profond des doigts),
— les lombricaux.
On notera la fonction synergique du cubital antéricur (fixateur du
poignet) dans la flexion des doigts.
Quant aux lombricaux, il n’est pas étonnant que dépendant anatomique-
ment des fléchisseurs communs profonds, ils aicnt avec ceux innervation
radiculaire commune.
Les tétraplégiques de ce niveau peuvent parfaitement étendre les 2° ct 3°
phalanges des doigts grace aux lombricaux, alors qu’ils n’ont aucune
possibilité de les écarter ni de les rapprocher (inter-osseux).
Métamére D1
La racine D1 innerve:
— les chefs sternaux du grand pectoral,
— les interosscux dorsaux.
L’atteinte de D1 s’accompagne trés souvent du syndrome de Claude-
Bernard-Horner.
Métamére D.2
Le muscle «opposant» est certainement celui dont le noyau est le plus
bas situé dans la colonne ccrvicale. Sans doute opposant ct interosseuxGENERALITES EN REEDUCATION 37
palmaires — qui sont synergiques — proviennent-ils du métamére D 2, par
Panastomose que cette racine donne au plexus brachial.
Membre inférieur
Métamére L 1
Le métamére L 1 ne comporte qu’un seul muscle: le couturier.
Beaucoup de paraplégiques par traumatisme de la charniére dorso-
lombaire ne récupérent que lui ct le rééduquant a outrance arrivent, grace a
lui seul, 2 pouvoir se déplacer.
C’est un muscle qui n’a pas d’homologue au membre supérieur.
Métamére L 2
La racine, plus importante par son volume, innerve :
— psoas iliaque,
— droit antérieur,
— pectiné,
— adducteurs.
Notons la dissociation entre le droit antérieur et les trois autres chefs
du quadriceps.
Ainsi, L.2 contrdle-t-elle exclusivement la flexion de la cuisse et son
adduction.
Métamére L 3
L3 innerve essentiellement :
— vastes,
— droit interne.
Si nous examinons le mou-
vement «normal» d’un joucur
de rugby réalisant un «drop»,
nous constatons qu'il met en
cuvre «normalement» les
groupes L2 - L3.
Par contre, un tel mouve-
ment en abduction de la cuisse
est antiphysiologique; il faut
aux danscurs des années d’ef-
fort pour le réaliser correcte-
ment.38 JOURNEE DE MEDECINE PHYSIQUE ET DE REEDUCATION 1981
Métamére L 4
L4 innerve:
— les demi-membrancux et demi-tendineux,
— les jambiers antérieur et postérieur,
— sans doute aussi le petit fessier.
On pourrait croire & une exception de la loi de Paul Bert, puisque le
jambier antérieur est fléchisseur et le jambier postérieur extenseur du pied ; en
fait, ils sont surtout réunis par leur physiologic commune d’adducteurs du
pied.
Rappelons la désignation latine du jambier postéricur, «muscle du
nautonnier » ; il permet de monter aux mits.
Métamére L 5
L5 A différents étages, innerve:
— moyen fessier,
— long péronier latéral,
— extenseurs des orteils.
Son atteinte donne Fattitude typique de la sciatique paralysante, presque
toujours L 5.
En cas de simple parésie, on notera toujours la dissociation entre le
jambier antéricur (L 4) et les extenseurs des orteils.
Métamére S.1
S1 est une racine beaucoup plus volumineuse que les autres ce qui
explique P’étendue de son territoire:
— grand fessier,
— biceps fémoral,
— triceps sural,
— fléchisseurs des orteils
(commun et propre)
— court péronier latéral.
Métamére S 2
S$.2 — ou racine en
fourche — se répartit a égalité,
entre deux plexus:
— sciatique,
— honteux.
Elle innerve les petits
muscles de la plante du pied
et, avec $3 et S4, les muscles
striés du périnée, bien difficiles,
les uns et les autres, a dissocier
par l’examen.GENERALITES EN REEDUCATION 39
Le traumatisme de chacune de ces racines, ou de leur centre (par
traumatisme, maladie, acte opératoire chirugical ou neuro-chirurgical) a donc
des conséquences bénignes au point de vue orthopédique, qui contrastent avec
leur gravité au point de vue sphinctérien, surtout si clle est bilatérale.
Discussion
Classiquement, tout muscle est innervé par deux racines. Ceci aboutit
des schématisations complexes, pour ne pas dire incompréhensibles, lorsqu’il
s’agit d’interpréter par exemple une lésion du plexus brachial.
Certains muscles comme le triceps ou le quadriceps, sont des muscles
composites auxquels il est tout a fait normal d’attribuer deux racines. Pour le
grand pectoral, les deux racines ne sont méme pas contigués, mais distantes
Pune de l'autre.
Pour les petits muscles (comme le cubital antéricur), qui possédent
effectivement deux chefs, la différenciation clinique est vraiment impossible.
Tout se passe donc, au point de vue clinique, comme si parmi les racines
innervant un muscle, l’une d’elles était trés largement dominante mais comme si,
pour cette racine dominante, anomalies ou variantes étaient extrémement
rares.
L'interprétation des arrachements du plexus brachial, du spina bifida, et
méme de la poliomyélite, est considérablement facilitée.
Paul Bert avait, en 1863, édicté la loi suivante: « Aucune racine n’innerve
deux muscles & fonction antagoniste. »
En outre, @ chague racine est dévolue une fonction spéciale. Cela est
particuliérement net pour C5, C6, L 2, L 3, L4 et S1.
On notera que les meilleures transpositions tendineuses sont celles qui se
pratiquent a Vintérieur d’un méme métamére. Ainsi, ronds pronateurs sur les
radiaux, jambier postéricur sur le jambier antéricur.
— Les réflexes tendincux correspondent aux groupes musculaires de leur
métamére. Ainsi, le réflexe rotulien, L.3, le réflexe achilléen, S.1
— Les dermatomes recouvrent souvent leurs myotomes. Mais ceci n'est
qu’approximatif. Les lignes dites de Langer ou de Benninghoff, c’est-a-dire les
lignes suivant lesquelles les incisions donnent le minimum de chéloides ct de
rétractions cutanées, sont exactement celles qui séparent les dermatomes.
— On peut méme envisager une classification des affections congénitales en
fonction des métaméres intéressés.
— Enfin, étant donné que certaines racines convoient des fibres autonomes
orthosympathiques (sensibilité, sphincters, sudation) ou parasympathiques
(motricité, sécrétion), étude facile et précise des groupes musculaires
périphériques permet, en quelques instants, de déterminer I’atteinte viscérale,
ceci étant aussi vrai pour des Iésions périphériques comme le spina bifida que
pour des lésions centrales, comme la para- ou la tétraplégic.