Introduction
1) Abdelkrim al khatabi
2) La réaction de la France et l’Espagne
7) Abdelkrim al khattabi
Abdelkrim Al Khattabi (né vers 1882 à Ajdir au Maroc et décédé le 6 février 1963 au
Caire en Égypte), de son nom complet Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi, était un
chef militaire rifain, du Rif, zone berbère au nord-est du Maroc. Il est devenu le chef d’un
mouvement de résistance contre la France et l’Espagne au Maroc, puis l’icône des
mouvements indépendantistes luttant contre le colonialisme. Il prendra le flambeau de la
résistance après la défaite de Mouha ou Hammou Zayani, son compagnon le fqih
Belarbi Alaoui dit Cheikh Elislam se rallia à la cause d’Abdelkrim pour continuer la lutte
contre les espagnols et les français
Biographie :
Né à Ajdir au Maroc, fils d’un cadi (juge en arabe) du clan Ait Yusuf de la tribu Aït
Ouriaghel (ou Waryaghal), Abd el-Krim a été instruit dans des zaouïas traditionnelles et
des écoles espagnoles, finalement son éducation à l’ancienne université de
Quaraouiyine à Fès, suivit de trois ans en Espagne où il étudia la mine et la technologie
militaire. Entre 1908 et 1915 il fut journaliste au quotidien de Melilla, où ils préconisaient
la laïcité et la coopération avec les occidentaux afin de libérer la Oumma de l’ignorance
et du sous-développement.
Il entra dans l’administration espagnole, et fut nommé cadi chef de Melilla en 1915. À
cette époque-là, il commença à s’opposer à la domination espagnole, et en 1917 il fut
emprisonné pour avoir dit que l’Espagne ne devrait pas s’étendre au-delà des territoires
déjà occupés (qui en pratique excluait la plupart des zones incontrôlé du Rif) et
exprimant sa sympathie pour la cause allemande pendant la Première Guerre mondiale.
Peu après s’être échappé, il revint à Ajdir en 1919 et, avec son frère, il commença à unir
les tribus du Rif dans une République du Rif indépendante. Pour cette cause, il essaya
d’apaiser les inimitiés entre les tribus existantes.
En 1921, comme une retombée inattendue de leurs efforts pour détruire la puissance de
Raisuni, un brigand local, les troupes espagnoles approchent des secteurs inoccupés du
Rif. Abdelkrim envoie à leur général Manuel Fernández Silvestre un avertissement : s’ils
franchissent le fleuve Amekran, il le considérerait comme un acte de guerre. Fernández
Silvestre aurait ri en prenant connaissance du message. Le général installe un poste
militaire sur le fleuve à Abarrán. Le même jour au milieu de l’après-midi mille rifains
l’avait encerclé ; 179 militaires espagnols furent tués, forçant le reste à la retraite. Les
jours qui suivirent après plusieurs escarmouches sanglantes pour les troupes de
Fernández Silvestre un événement inattendu se produisit. En effet méprisant Abdelkrim,
Fernández Silvestre décide de le défier, et avec 3 000 hommes Abdelkrim parvient en
deux jours grâce à la ruse à vaincre l’Espagne. Pour l’Espagne, la bataille d’Anoual a été
un véritable désastre. Elle y a perdu près de 16 000 soldats, récupéra 24 000 blessés
150 canons et 25 000 fusils. En outre, 700 soldats espagnols ont été faits prisonniers. Il
s’agit aussi de la première défaite d’une puissance coloniale européenne, disposant
d’une armée moderne et bien équipée devant des résistants sans ressources, sans
organisation, sans logistique ni intendance.
La victoire d’Anoual a eu un immense retentissement non seulement au Maroc mais
aussi dans le monde entier. Elle a eu d’immenses conséquences psychologiques et
politiques, puisqu’elle allait prouver qu’avec des effectifs réduits, un armement léger,
mais aussi une importante mobilité, il était possible de vaincre des armées classiques.
Fort de son succès, Abdelkrim proclame en 1922 la République confédérée des Tribus
du Rif, un embryon d’État berbère. Cette république eut un impact crucial sur l’opinion
internationale, car ce fut la première république issue d’une guerre de décolonisation au
XXe siècle. Il créa un parlement constitué des chefs de tribus qui lui vota un
gouvernement.
En 1924, l’Espagne retire ses troupes dans ses possessions le long de la côte
marocaine. La France, qui de toute façon avait des prétentions sur le Rif méridional, se
rendit compte que laisser une autre puissance coloniale se faire vaincre en Afrique du
Nord par des indigènes créerait un dangereux précédent pour ses propres territoires, et
rentra dans le conflit. Tentant de joindre toutes les forces vives marocaines pour
constituer le noyau d’un mouvement de libération marocain préalable à un vaste
mouvement de décolonisation, Abdelkrim demanda au sultan Moulay Youssef de rallier
sa cause. Mais celui-ci, en raison de la pression de la résidence générale française à
Rabat, refusa de lutter contre les puissances coloniales.
L’entrée de la France en guerre ne se fait pas attendre mais la pression de l’opinion
publique aussi bien européenne qu’internationale, subjuguée par cette résistance rifaine,
rend la tâche plus ardue et conduit au renvoi du résident général le maréchal Hubert
Lyautey.
À partir de 1925, Abdelkrim combat les forces françaises dirigées par Philippe Pétain à
la tête de 200 000 hommes et une armée espagnole commandée personnellement par
Miguel Primo de Rivera, soit au total de 450 000 soldats, commença des opérations
contre la République du Rif. Le combat intense dura une année, mais par la suite les
armées françaises et espagnoles combinées – utilisant, entre autres armes, l’ypérite –
furent victorieuses des forces d’Abdelkrim.
Après la menace de génocide, Abdelkrim se rend comme prisonnier de guerre,
demandant à ce que les civils soient épargnés. Il n’en sera rien, les puissances
coloniales ne peuvent tolérer qu’un tel soulèvement reste impuni. Ainsi dès 1926 des
avions munis de gaz moutarde bombarderons des villages entiers faisant des marocains
du Rifs les premiers civils gazés massivement dans l’Histoire, à côté des kurdes iraqiens
gazés par les britanniques. On estime à plus de 150 000 le nombre de morts civil durant
les années 1925-1926, mais aucun chiffre crédible ne peut être avancé.
En 1926, Abd el-Krim est exilé à la Réunion, où on l’installe d’abord jusqu’en 1929 au
Château Morange, dans les hauteurs de Saint-Denis. Quelques années passent. Il
devient habitant de la commune rurale de Trois-Bassins, dans l’ouest de l’île, où il
achète des terres et construit une belle propriété. Il y vit douze à quinze ans. En mai
1947, ayant finalement eu l’autorisation de s’installer dans le sud de la France, il
embarque à bord d’un navire des Messageries Maritimes en provenance d’Afrique du
Sud et à destination de Marseille avec 52 personnes de son entourage et le cercueil de
sa grand-mère, le Katoomba.
Arrivé à Suez où le bateau fait escale, il réussit à s’échapper et passa la fin de sa vie en
Égypte, où il présidera le « Comité de libération pour le Maghreb arabe ». Mohamed ben
Abdelkrim El Khattabi meurt en 1963 au Caire où sa dépouille repose encore. Au sortir
de l’indépendance, la répression d’une révolte du Rif fait plus de 8 000 morts entre 1958
et 1961. Il refusa de rentrer au Maroc après l’indépendance, mais sa dépouille y fut
ramenée à la demande du roi Hassan II.
Madboh qui avait changé de camp et l’attaque déborda contre des postes militaires de
la zone française (peut-être en vue d’étendre son influence à la ville de Fès ?) et ceci
poussa les Espagnols et les Français
à Signer des accords de coopération militaires en 1925. C’est ainsi qu’une formidable
machine de guerre est réunie : le sultan Moulay Youssef se dissocia complètement du
rebelle Abd El-Krim et leva deux méhallas (soit 6 200 combattants) contre lui ; 250 000
soldats espagnols commandés par Miguel Primo de la Rivera y Orbaneja et 200 000
soldats français commandés par le maréchal Philippe Pétain lancèrent une attaque
contre Abd El-Krim dont l’armée devait compter près de 80000 combattants. Primo de la
Rivera, qui avait instauré une dictature militaire à Madrid deux ans plus tôt, avait promis
de « laver dans le sang le déshonneur militaire dans le Rif. » Pour Pétain, « Abd El-Krim
refoulé sur son territoire mais non vaincu, apparaîtrait comme le symbole de la
résistance insaisissable… en même temps que la France se révélerait impuissante… On
ne saurait trop souligner la gravité d’une telle éventualité qui serait de nature à réveiller
de dangereuses ambitions. » Quatre cent soixante-dix-neuf tonnes de bombes auraient
été lancées par l’armée française qui aurait en outre utilisé du gaz moutarde, en violation
des accords internationaux. Le roi d’Espagne Alfonse XIII aurait affirmé en 1923 qu’il
fallait laisser de côté les « vaines considérations humanitaires. » Bien qu’il ait critiqué
l’utilisation de ces armes par les Espagnols, Lyautey demanda à La métropole de lui
livrer des armes chimiques qu’il utiliserait en dernier recours. Devant la menace de
génocide, Abd El-Krim se rendit en 1926.
Durant la seule année de 1925, la France perdit 2 218 soldats, soit plus du cinquième
de toutes les pertes militaires en vies humaines jusqu’à la complète maîtrise du Maroc
en 1933. Les pertes marocaines sont difficiles à estimer. Leur ordre de grandeur est
certainement plus élevé.
Le jour de sa reddition, Abd El-Krim avait déclaré : « Votre civilisation est celle
du fer. Vous avez de grosses bombes, donc vous êtes civilisés ; je n’ai que des
cartouches de fusil, donc je suis un sauvage ! »
Dès le début du siège, le 1er août 1921, Abd el krim a recommandé de capturer
les armes, mais de laisser les hommes en vie. La réponse des Métalsa et des
Bni Bou Yahi fut un « non » catégorique.
Le colonialisme espagnol est arrivé chez nous le long du chemin qui relie
Anoual à Driuch, et ils s’étaient établis dans l’actuelle commune de Bou Bker, où
existe encore les vestiges de leur caserne, raconte le vieux témoins Metalsa. Là
se trouvait effectivement un bataillon composé de 1200 soldats. Ordre leur a été
donné de rejoindre la zone occupée par la France. Ils devaient quitter Bou Bker
en longeant les montagnes, à l’ombre desquelles ils devaient se dissimuler pour
fuir. Mais nos aïeuls et ancêtre étaient prêts à les affronter. Mon grand père est
mort, ainsi que mes oncles, lors de cette confrontation. Nous eûmes beaucoup
de blessés dans notre famille. Lorsque le bataillon espagnol s’est approché de la
frontière qui séparait la zone espagnole de la zone française, la fraction des
combattants de Tizrout Ouzak, s’est mise au travers de leur chemin. Aidées des
nôtres, ils ont repoussé les espagnols dans un retranchement dénommé « Aqrab
» (musette). Une grande étendue vide. De tout le bataillon espagnol, avec ses
armements, rares sont ceux qui ont pu s’échapper : 50 à 60 soldats espagnols.
Quant aux autres, tous les autres ont été massacrés. Du bataillon espagnol,
environ 900 ont péris, et n’ont pu s’enfuir en zone française qu’une soixantaine.
Depuis lors cette parcelle a été délaissée durant une quinzaine d’année : on n’y
laboure pas, on n’y pâture pas. On n’est jamais plus repasser par là. »
Un télégramme publié par le Temps de Paris du 22 août 1921, souligne que « les
réfugiés espagnols continuent à franchir journellement la frontière par petits
groupes. Beaucoup parmi eux sont blessés, et ceux qui ne peuvent pas être
dirigés immédiatement sur Oran pour être rapatriés sont soignés dans les
hôpitaux de Taourirt, de Guercif et d’Oujda. »
Un article publié le 17 août 1921 dans El Liberal, écrit sous le titre « le présent et
l’avenir » :
« Nous sommes dans le Rif depuis le 24 juillet, dans une plus mauvaise situation
que lorsque nous signâmes le traité de 1912. Nous avions comme gage de notre
capacité de l’œuvre à accomplir, conjointement avec la France, tous ces
territoires conquis durant les campagnes de 1909 et 1911, Guelaya, Kebdana,
Bni Sicar. Aujourd’hui ces territoires nous sont complètement hostiles.
Voici ce qu’on peut lire, entre autres, sur un document affiché, par les soins des
Rifains, au nom de l’assemblée musulmane du Rif, dans la mosquée de Tanger,
le 21 juillet 1921 :
« Si vous pouviez voir vos frères sur les champs de bataille, les uns morts, les
autres blessés, vous verseriez des larmes de sang, vous n’hésiteriez pas à venir
à leur aide. Nous voyons les Espagnols s’aider les uns les autres et ce sont des
infidèles et des gens injustes, et nous ne voyons personne nous venir en aide,
nous qui avons la vraie foi. Ne faisons-nous pas la guerre dans la voie de Dieu ?
Notre conduite n’est – elle pas conforme aux préceptes de l’Islam ? Notre dignité
et la vôtre ne sont – elles pas une seule dignité, comme notre honte et la vôtre
une même honte ? Où sont vos Oulémas ? Ô Oulémas, n’êtes-vous pas les
héritiers des Prophètes ? A quoi pensez-vous ? Y – t – il quelques doutes au
sujet de Dieu ? Comment vous excuserez vous demain devant Dieu, si vous êtes
de ceux qui par crainte, négligent la guerre dans la voie de Dieu …S’il vous est
difficile de venir à notre aide, ô musulmans, adressez-vous à l’émir des croyants,
Notre Maître Youssef, pour qu’il nous fournisse les approvisionnements
nécessaires à l’accomplissement de notre œuvre ; qu’il nous applique les lois
qu’il voudra et par l’intermédiaire de quelle nation il voudra, sauf l’Espagne. »
« A l’issue de la bataille de mont Arouit, raconte Abd el Krim, j’étais parvenu sous
les murs de Melillia. La prudence s’imposait.
Cette victoire d’un chef militaire et politique marocain face à une armée
européenne coloniale supérieure techniquement obtient un retentissement
international. En Europe, cela est vécu comme un affront opéré par les «
Indigènes » souhaitant mettre à mal la civilisation occidentale. Tandis que le
Parti communiste français célèbre cette victoire contre l’impérialisme, Abdelkrim
fait la une du Times au Royaume-Uni.
Déjà très marqué par les idées anticoloniales, il est emprisonné en 1917. À sa
sortie, Abdelkrim quitte son poste puis mène un travail afin de réunir sous son
autorité les tribus du Rif, à commencer par la sienne. L’objectif est atteint en avril
1921, les tribus font la bay’a (serment d’allégeance) au Jebel el Qala pour en finir
avec ce qui est vécu comme une intrusion et une domination étrangère.
Celle-ci est une surprise pour tous les États européens de l’époque, elle met un
coup d’arrêt à l’idée selon laquelle les « indigènes » ne sont pas formés pour la
guerre moderne. Au même titre que la défaite de la Russie contre le Japon, à la
bataille de Tsushima en 1905, Abdelkrim montre que l’ingéniosité militaire n’est
pas l’apanage de l’Occident.
La République du Rif
Profitant de cette défaite de l’adversaire, Abdelkrim crée la « République du
Rif » en février 1923 sur le modèle d’un État moderne à l’européenne. Comme le
dit Daniel Rivet, c’est le mot « Ripublik », et pas celui de « Joumouriyah » en
arabe qui est utilisé pour qualifier une entreprise politique à la hauteur du
personnage. Cependant, cette initiative ne plait guère au sultan marocain, selon
lui une menace pèse sur l’unité du Maroc. Abdelkrim doit être stoppé, Moulay
Youssef ne veut pas de cet opposant venu de nulle part.
Pendant ce temps, la jeune République met sur pied un ministère des Finances,
un ministère de la Justice, un ministère des Affaires étrangères, un ministère de
la Guerre. Le frère du chef rifain, Mohamed, obtient la Délégation générale,
Abdelkrim devient président de la République. Cet État fait beaucoup parler de
lui en Europe, Abdelkrim entretient une correspondance avec les gouvernements
étrangers comme celui de Londres. Il doit aussi prendre en compte le modèle
tribal qui imprègne fortement la société rifaine et marocaine pour imposer une
nouvelle donne administrative. L’armée rifaine profite de l’avantage du terrain
mais aussi de sa mobilité pour contrecarrer les intrusions espagnoles.
Cette dernière n’a pas hésité avec le soutien français à utiliser des armes
chimiques pour entériner toute rébellion : le fameux gaz moutarde fait des
ravages, l’année 1924 constitue le pic des bombardements espagnols. Les civils
sont directement visés, cela émeut l’opinion internationale de l’époque. Ces
actes renforcent l’image d’Épinal autour d’Abdelkrim, vaillant résistant face à
l’écrasante machine de guerre européenne.
États-Unis ses colonies de Cuba, des îles espagnoles des Antilles et des
Philippines. Il est fort probable que l’Espagne se lança dans l’aventure coloniale
au Maroc pour ne pas laisser le champ libre à la France. La guerre du Rif ne fut
guère populaire en Ibérie, d’autant plus que les fils de familles aisées
pouvaient être exemptés du service militaire moyennant une somme d’argent et
que les pertes espagnoles furent particulièrement lourdes. En 1921, on évalua à
10 000 morts les pertes espagnoles lors de la seule bataille de Djebel Aroui.
Pour le parti socialiste, le Maroc représentait « le tombeau de l’Espagne. » Les
pertes financières des campagnes militaires au Maroc étaient alors de l’ordre de
plusieurs milliards de pesetas. Certains allèrent à envisager de vendre le Rif à la
France. Bien que la rébellion rifaine fût finalement sévèrement réprimée, le
gouvernement ne s’identifia pas aux faits et gestes de l’armée, ce qui créa une
grande méfiance des militaires envers les politiciens de la métropole.
Treize crises ministérielles secouèrent l’Espagne entre 1917 et 1923. Le
général Miguel Primo de Rivera y Orbaneja suivit l’exemple de Mussolini qui, en
1922, instaura la dictature en Italie. En 1923, il suspendit la constitution
espagnole de 1876 et se maintint au pouvoir jusqu’en 1930. Le roi d’Espagne
Alfonse XIII abdiqua en 1931 et la Seconde République espagnole est
proclamée.
Aux yeux du sultan Moulay Youssef, Abd El-Krim n’était qu’un autre rebelle
parmi tant d’autres, sa république s’étant officiellement soustraite du pouvoir du
Makhzen. L’appel lancé par Abd El-Krim à tous les Musulmans en 1925 n’eut
pratiquement pas d’effet.
De son temps et pour les générations qui suivirent, Abd El-Krim est entré dans
la légende.
12) Le drapeau rifain
Dans une étude du symbole de l’hexagramme The Magen David, (le bouclier
de David), Gunther Plaut a mentionné son antiquité : ce symbole se retrouve
dans des poteries datant du XIIIe siècle d’avant l’ère courante à Gezer au
Canaan et aussi dans les pièces de monnaie datant de la période de Bar Kokhva
au début du second siècle de l’ère courante qui contiennent une rosace à six
branches. On retrouve l’hexagone, mais également l’octogone, dans la bible de
Leningrad datant de l’an 951 et au Moyen Âge, les sceaux juifs comprennent ce
symbole. Mais ce dernier ne fut pas exclusivement juif. Au XIVe siècle, on
représenta les drapeaux lithuanien, polonais, anatolien, marocain et ottoman
avec un hexagramme. Ce qu’il est intéressant de noter est que, vingt ans après
l’adoption du drapeau du futur état juif, les Juifs d’Afrique du Nord firent savoir à
l’Organisation sioniste mondiale qu’ils ne trouvaient pas ce symbole
exclusivement juif !
Pour revenir à Abd El-Krim, il protégea la communauté israélite qui lui voua
une extrême reconnaissance. Par ailleurs, par décret royal d’Espagne, il fut créé
la Médaille de la paix du Maroc qui fut remise à Don Jaime Delmar en
reconnaissance pour son action humanitaire auprès des deux parties de la
guerre du Rif. À cette occasion, un certificat spécial lui fut remis dans lequel
l’étoile de
Primo. Allez-y carrément. Je mets en vous toute ma confiance pour sauver nos
compatriotes, rendre appui à nos amis, et châtier nos ennemis, en unissant à
toute la vigueur nécessaire la prudence indispensable pour ne vous laisser ni
accrocher ni retenir. Ne partez que complètement outiller et munitionné. ( ....)
Comme dans le reste de l'Afrique du Nord, le but de notre action au Maroc a été
d'instaurer la paix, en évitant l'emploi de la force chaque fois qu'il était possible
de le faire. Il s'agit donc bien d'une "pacification" dont l'ultime ambition est
d'apporter, avec des avantages politiques et sociaux, le mieux-être, l'unité et la
sécurité intérieure.
Mais dans l'Atlas central, aucune tribu n'est venue à nous dans un mouvement
spontané. Aucune ne s'est soumise sans combattre, et certaines sans avoir
épuisé, jusqu'au dernier, leurs moyens de résistance. Cependant, il serait faux
d'affirmer que cette conquête s'est faite exclusivement par les armes. Toujours et
partout, elle n'a cessé d'user des moyens politiques dont elle disposait. (...)
Plus encore que les Arabes d'Algérie, les Berbères de l'Atlas central demeureront
insensibles à nos démarches pacifiques et ne céderont qu'à la force. Chaque
étape sera marquée par de sévères combats. (...)"
" Le 12 novembre, cinq mois se sont écoulés depuis notre installation à Khénifra.
Moha Ou Hammou est mis en confiance par notre inaction et par les premiers
pourparlers engagés ; il installe son campement à une quinzaine de kilomètres
de Khénifra, aux abords du petit village d'El Herri, dans une cuvette traversée par
l'oued Chbouka, affluent du Serrou ; il paraît se relâcher de son intransigeance et
envoie ses malades se faire soigner au poste. (...)
Le commandant Laverdure commande la poste de Khénifra. Il décide d'enlever le
campement de Moha Ou Hammou, malgré les ordres qui lui interdisent
formellement toute sortie, (...). Cette décision semble avoir été inspirée au colonel
Laverdure par un mokhazni zaïan, récemment passé à notre service et désireux
de venger, sur Moha ou Hammou, un affront personnel que celui-ci lui avait infligé
(...)
A 2h30, la colonne se met en marche. Elle compte 43 officiers et 1230 hommes.
A midi, un convoi de blessés, harcelé par les insoumis, et quelques centaines
d'hommes à bout de souffle devaient rentrer, seuls, à Khénifra apportant la
nouvelle du désastre subi. (...)
Le bilan : sur un effectif de 43 officiers, 1232 hommes, la colonne avait perdu 33
officiers tués, 590 hommes troupe tués, 176 blessés dont 5 officiers. Sur les 43 officiers
ayant participé au combat, 5 officiers seulement étaient revenus indemnes dont 4
cavaliers. (...)
Jamais un échec aussi désastreux n'avait été infligé à nos
troupes, en Afrique du Nord. C'était, pour les Zaïans, un
immense succès (...) "
Déclaration d'Abdelkrim.
" Je déclare que, lorsqu'on me reproche de faire la guerre sainte, on commet une
erreur, pour ne pas dire plus. Le temps des guerres saintes est passé ; nous ne
sommes plus au Moyen Age ou au temps des Croisades. Nous voulons
simplement être et vivre indépendants et n'être gouvernés que par Dieu.
Nous avons un vif désir de vivre en paix avec tout le monde et avoir de bonnes
relations avec tous car nous n'aimons pas faire tuer nos enfants.
Mais pour arriver à ce but désiré, à ces aspirations, à cette indépendance enfin,
nous sommes prêts à lutter contre le monde entier s'il le faut.
(...) le Parti colonial veut nous asservir, sans tenir compte des droits d'un peuple
à disposer de lui-même et à l'époque où l'on prétend être arrivé au summum de
la civilisation. Cette civilisation devrait tendre à libérer les peuples au lieu de les
asservir (...)
(...) Je le déclare solennellement, mon plus grand désir, mes aspirations les plus
élevées tendent vers la paix et, pour arriver à ce résultat, il n'y a qu'un seul moyen
logique :
Que la France reconnaisse l'indépendance du Rif"
Je vous salue, ô peuple distingué, au nom du jeune peuple rifain, qui, pour le salut
de la Liberté, souffre toujours des affres de la guerre. Le peuple rifain espère un
jour obtenir une situation semblable à la vôtre, une situation que vous avez
gagnée par vos efforts et les sacrifices nécessaires à vos aspirations à une
époque pendant laquelle, tout comme les Rifains, vous étiez en pleine croissance.
Mon peuple, inspiré par votre sain principe, se bat depuis quatre ans pour obtenir
son indépendance et est prêt à faire tout ce qui est possible comme sacrifices,
car tout homme qui persiste à suivre le chemin qu'il s'est tracé est sûr d'arriver à
son but. O peuple américain, je profite de l'occasion qui m'est offerte par le
réception d'un de vos journaliste - qui pour moi a été le symbole de votre grandeur
d'âme, ainsi que l'emblème de votre générosité - pour vous envoyer mes sincères
salutations
Par lettre du 3 avril, Votre excellence a bien voulu m'envoyer la proposition de loi
déposée le 1er avril à la Chambre des députés par MM. Albin Rozet, Georges
Leygues, Noisy et Lucien Millevoye, loi ayant pour objet de faciliter aux militaires
et anciens militaires indigènes, originaires de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc,
l'accession à la qualité de citoyen français. (...)
Avant d’aborder toute argumentation, je déclare que mon avis formel est que le
projet de loi est inapplicable au Maroc, doit être écarté, en ce qui le concerne,
purement et simplement, (...).
La généralisation de cette mesure, si tous les militaires indigènes demandaient
cette naturalisation, amènerait la constitution d'une caste militaire jouissant d'un
statut spécial. (...).
Mais s'il se constituait ainsi une caste à part, elle ne serait même pas privilégiée,
car ainsi qu'il ressort de la note juridique incluse, on ne ferait que des parias de
la société musulmane. (...)
Il est impossible que l'indigène puisse regarder comme une faveur hors de prix
une mesure qui le place, de fait, hors la loi dans son propre pays, qui pèse sur sa
vie, ses habitudes d'une façon constante, (...), et qui fait de lui un déraciné, un
déclassé aux yeux de la masse et de ses compatriotes et notamment des classes
les plus intéressantes et les plus respectables. (...)
Si d'abord, comme je le crois, l'indigène marocain ou même tunisien ne regarde
pas la naturalisation comme une faveur, il ne se regardera nullement comme
diminué, parce qu’une mesure appliquée aux Algériens ne le sera pas à lui-
même. Pour le Marocain, si jaloux de son indépendance et de son statut, les
Algériens sont un peuple non seulement conquis, mais qui leur apparaît, à tort ou
à raison comme dépossédé de tout ce qui fait, socialement, la raison de vivre.
(...)
D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que nous avons eu affaire en Algérie et
au Maroc à des situations bien différentes.
En Algérie, une véritable poussière, pas d'état constitué, nulle organisation
sociale solide sur laquelle nous puissions nous appuyer, sauf à l'état
fragmentaire. Au Maroc, au contraire, si nous avons trouvé un État en voie de
dissolution, cette dissolution datait d'hier, de la mort de Moulay Hassan, ou même
plus exactement de celle plus récente du Grand Vizir Ba Ahmed. (...). Jusque-là,
tant bien que mal, la construction avait tenu et avait gardé sa figure d'état
indépendant. Les organismes essentiels, bien que très ébranlés pendant les
périodes d'Abd el-Aziz et Moulay Hafid, subsistaient encore à notre arrivée, et la
preuve, c'est qu'en deux ans le Makhzen a pu être reconstitué ainsi que tous les
rouages essentiels de l'administration indigène autour du sultan, clef de voûte de
l'édifice. (...)
A la page 6, l'antinomie entre la conception des auteurs du projet et le principe
même du Protectorat apparaît encore plus clairement. (...)
D'abord rien ne me paraît plus blessant pour le peuple marocain, très jaloux de
son statut où le sentiment national et la foi religieuse sont indissolument liés, que
de la lui présenter comme un statut inférieur et de lui offrir comme une suprême
faveur de le quitter pour prendre le nôtre qui ne s'adapte en rien aux conditions
de sa vie. (...)
Mais je ne serais pas surpris si, dans la pensée des auteurs du projet, comme
dans celle d'un si grand nombre de nos compatriotes, le Protectorat n'était pas
regardé comme un régime transitoire et inférieur devant fatalement aboutir, et
dans le plus bref délai possible, à l'annexion et à l'assimilation à laquelle une série
d'atteintes progressives l'amèneraient peu à peu. (...)
Louange à Dieu
(Grand sceau de Sidi Mohamed)
Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la
teneur
Que Notre Majesté Chérifienne
Article premier : Dans les tribus de Notre Empire reconnues comme étant de
coutume berbère, la répression des infractions commises par des sujets
marocains, qui seraient de la compétence des caïds dans les autres parties
de l'Empire, est de la compétence des chefs de tribus.
Pour les autres infractions, la compétence et la répression sont réglées par
les articles 4 et 6 du présent Dahir.
Article deux : Sous réserve des règles de compétence qui régissent les
tribunaux français de Notre Empire, les actions civiles ou commerciales,
mobilières ou immobilières sont jugées, en premier ou dernier ressort, suivant
le taux qui sera fixé par arrêté viziriel, par les juridictions spéciales appelées
tribunaux coutumiers.
Ces tribunaux sont également compétents en toute matière de
statut personnel ou successoral. Ils appliquent, dans tous les cas,
la coutume locale.
Article trois : L'appel des jugements rendus par les tribunaux coutumiers, dans
les cas où il sera recevable, est porté devant les juridictions appelées
tribunaux d'appel coutumiers.
Article six : Les juridictions françaises statuant en matière pénale, suivant les
règles qui leur sont propres, sont compétentes pour la répression des crimes
commis en pays berbère, quelle que soit la condition de l'auteur du crime.
Dans ce cas est applicable le Dahir du 12 août 1913 (9 ramadan 1331) sur la
procédure criminelle.
Article sept : Les actions immobilières auxquelles seraient parties, soit
comme demandeur, soit comme défenseur, des ressortissants des
juridictions françaises, sont de la compétence de ces juridictions.
Jean
GUIRAUD
Rédacteur en chef de
La CROIX
Le Maroc Catholique
(novembre 1923)
Le discours nationaliste panarabiste face à la question
berbère
Nous annonçons
Que la nation berbère, qui est musulmane depuis que l'Islam existe, et qui l'a
souvent aidé dans ses conquêtes et son extension, que cette nation qui a
accompagné Tariq en Espagne, puis est allée en France avec Aberahman El
Rafiqui et a suivi Assad Ibn Fourat jusqu'en Sicile,
Que cette nation qui a donné naissance aux deux dynasties Almoravides et
Almohades qui connurent des jours glorieux, que cette nation qui vit naître des
savants et des juges dont les livres dureront éternellement,
Que cette nation qui compte au Maroc plus de sept millions d'âmes, est agressée
par la France qui veut l'expulser hors de l'enceinte de l'islam en s'appuyant sur
une force militaire écrasante au mépris de sa liberté, et en portant atteinte à sa
foi sacrée, agression dont il n'existe aucun exemple dans l'histoire.
Des Marocains, hommes dignes de foi, nous ont écrit pour nous rappeler que la
France a promulgué un Dahir, le 16 mai 1930, publié au journal officiel sous le n°
919, et qu'elle en a commencé l'application. La force militaire a dressé au Maroc
une barrière entre les trois-quarts de ses habitants et le Coran, Livre Sacré qui
régissait leur vie depuis 13 siècles. Ils ont fermé les écoles coraniques et placé le
cœur et l'esprit de millions d'enfants entre les mains de plus de mille missionnaires
catholiques ( prêtes et religieuses) qui dirigent des écoles de filles et de garçons;
Ils ont fermé les tribunaux musulmans qui existaient dans ces régions peuplées
de Berbères, et ils ont obligé ces millions de musulmans à être régis en ce qui
concerne le mariage, l'héritage et leur statut personnel, par de nouvelles lois
puisées dans les coutumes qui n'ont aucun lien avec la civilisation et la condition
humaine. (…)
La France, qui clame de par le monde sa prétention d'être une nation de liberté,
oblige les musulmans du gouvernement marocain à abandonner leur religion en
exigeant d'eux qu'ils acceptent que le sultan restreigne ses droits en ce qui
concerne l'application de la loi musulmane dans les tribus berbères, et qu'il
reconnaisse au gouvernement du protectorat français le droit de s'occuper de ses
problèmes de religion et d'éducation.
Le gouvernement français est loin de se comporter en conseiller vis-à-vis de nos
frères musulmans marocains.
Appel de Rachid
RIDA Journal El Fath,
numéro 214
Primo. Allez-y carrément. Je mets en vous toute ma confiance pour sauver nos
compatriotes, rendre appui à nos amis, et châtier nos ennemis, en unissant à
toute la vigueur nécessaire la prudence indispensable pour ne vous laisser ni
accrocher ni retenir. Ne partez que complètement outiller et munitionné. ( ....)
Comme dans le reste de l'Afrique du Nord, le but de notre action au Maroc a été
d'instaurer la paix, en évitant l'emploi de la force chaque fois qu'il était possible
de le faire. Il s'agit donc bien d'une "pacification" dont l'ultime ambition est
d'apporter, avec des avantages politiques et sociaux, le mieux-être, l'unité et la
sécurité intérieure.
Mais dans l'Atlas central, aucune tribu n'est venue à nous dans un mouvement
spontané. Aucune ne s'est soumise sans combattre, et certaines sans avoir
épuisé, jusqu'au dernier, leurs moyens de résistance. Cependant, il serait faux
d'affirmer que cette conquête s'est faite exclusivement par les armes. Toujours et
partout, elle n'a cessé d'user des moyens politiques dont elle disposait. (...)
Plus encore que les Arabes d'Algérie, les Berbères de l'Atlas central demeureront
insensibles à nos démarches pacifiques et ne céderont qu'à la force. Chaque
étape sera marquée par de sévères combats. (...)"
" Le 12 novembre, cinq mois se sont écoulés depuis notre installation à Khénifra.
Moha Ou Hammou est mis en confiance par notre inaction et par les premiers
pourparlers engagés ; il installe son campement à une quinzaine de kilomètres
de Khénifra, aux abords du petit village d'El Herri, dans une cuvette traversée par
l'oued Chbouka, affluent du Serrou ; il paraît se relâcher de son intransigeance et
envoie ses malades se faire soigner au poste. (...)
Le commandant Laverdure commande la poste de Khénifra. Il décide d'enlever le
campement de Moha Ou Hammou, malgré les ordres qui lui interdisent
formellement toute sortie, (...). Cette décision semble avoir été inspirée au colonel
Laverdure par un mokhazni zaïan, récemment passé à notre service et désireux
de venger, sur Moha ou Hammou, un affront personnel que celui-ci lui avait infligé
(...)
A 2h30, la colonne se met en marche. Elle compte 43 officiers et 1230 hommes.
A midi, un convoi de blessés, harcelé par les insoumis, et quelques centaines
d'hommes à bout de souffle devaient rentrer, seuls, à Khénifra apportant la
nouvelle du désastre subi. (...)
Le bilan : sur un effectif de 43 officiers, 1232 hommes, la colonne avait perdu 33
officiers tués, 590 hommes troupe tués, 176 blessés dont 5 officiers. Sur les 43 officiers
ayant participé au combat, 5 officiers seulement étaient revenus indemnes dont 4
cavaliers. (...)
Jamais un échec aussi désastreux n'avait été infligé à nos
troupes, en Afrique du Nord. C'était, pour les Zaïans, un
immense succès (...) "
Déclaration d'Abdelkrim.
" Je déclare que, lorsqu'on me reproche de faire la guerre sainte, on commet une
erreur, pour ne pas dire plus. Le temps des guerres saintes est passé ; nous ne
sommes plus au Moyen Age ou au temps des Croisades. Nous voulons
simplement être et vivre indépendants et n'être gouvernés que par Dieu.
Nous avons un vif désir de vivre en paix avec tout le monde et avoir de bonnes
relations avec tous car nous n'aimons pas faire tuer nos enfants.
Mais pour arriver à ce but désiré, à ces aspirations, à cette indépendance enfin,
nous sommes prêts à lutter contre le monde entier s'il le faut.
(...) le Parti colonial veut nous asservir, sans tenir compte des droits d'un peuple
à disposer de lui-même et à l'époque où l'on prétend être arrivé au summum de
la civilisation. Cette civilisation devrait tendre à libérer les peuples au lieu de les
asservir (...)
(...) Je le déclare solennellement, mon plus grand désir, mes aspirations les plus
élevées tendent vers la paix et, pour arriver à ce résultat, il n'y a qu'un seul moyen
logique :
Que la France reconnaisse l'indépendance du Rif"
Je vous salue, ô peuple distingué, au nom du jeune peuple rifain, qui, pour le salut
de la Liberté, souffre toujours des affres de la guerre. Le peuple rifain espère un
jour obtenir une situation semblable à la vôtre, une situation que vous avez
gagnée par vos efforts et les sacrifices nécessaires à vos aspirations à une
époque pendant laquelle, tout comme les Rifains, vous étiez en pleine croissance.
Mon peuple, inspiré par votre sain principe, se bat depuis quatre ans pour obtenir
son indépendance et est prêt à faire tout ce qui est possible comme sacrifices,
car tout homme qui persiste à suivre le chemin qu'il s'est tracé est sûr d'arriver à
son but. O peuple américain, je profite de l'occasion qui m'est offerte par le
réception d'un de vos journaliste - qui pour moi a été le symbole de votre grandeur
d'âme, ainsi que l'emblème de votre générosité - pour vous envoyer mes sincères
salutations
Par lettre du 3 avril, Votre excellence a bien voulu m'envoyer la proposition de loi
déposée le 1er avril à la Chambre des députés par MM. Albin Rozet, Georges
Leygues, Noisy et Lucien Millevoye, loi ayant pour objet de faciliter aux militaires
et anciens militaires indigènes, originaires de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc,
l'accession à la qualité de citoyen français. (...)
Avant d’aborder toute argumentation, je déclare que mon avis formel est que le
projet de loi est inapplicable au Maroc, doit être écarté, en ce qui le concerne,
purement et simplement, (...).
La généralisation de cette mesure, si tous les militaires indigènes demandaient
cette naturalisation, amènerait la constitution d'une caste militaire jouissant d'un
statut spécial. (...).
Mais s'il se constituait ainsi une caste à part, elle ne serait même pas privilégiée,
car ainsi qu'il ressort de la note juridique incluse, on ne ferait que des parias de
la société musulmane. (...)
Il est impossible que l'indigène puisse regarder comme une faveur hors de prix
une mesure qui le place, de fait, hors la loi dans son propre pays, qui pèse sur sa
vie, ses habitudes d'une façon constante, (...), et qui fait de lui un déraciné, un
déclassé aux yeux de la masse et de ses compatriotes et notamment des classes
les plus intéressantes et les plus respectables. (...)
Si d'abord, comme je le crois, l'indigène marocain ou même tunisien ne regarde
pas la naturalisation comme une faveur, il ne se regardera nullement comme
diminué, parce qu’une mesure appliquée aux Algériens ne le sera pas à lui-
même. Pour le Marocain, si jaloux de son indépendance et de son statut, les
Algériens sont un peuple non seulement conquis, mais qui leur apparaît, à tort ou
à raison comme dépossédé de tout ce qui fait, socialement, la raison de vivre.
(...)
D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que nous avons eu affaire en Algérie et
au Maroc à des situations bien différentes.
En Algérie, une véritable poussière, pas d'état constitué, nulle organisation
sociale solide sur laquelle nous puissions nous appuyer, sauf à l'état
fragmentaire. Au Maroc, au contraire, si nous avons trouvé un État en voie de
dissolution, cette dissolution datait d'hier, de la mort de Moulay Hassan, ou même
plus exactement de celle plus récente du Grand Vizir Ba Ahmed. (...). Jusque-là,
tant bien que mal, la construction avait tenu et avait gardé sa figure d'état
indépendant. Les organismes essentiels, bien que très ébranlés pendant les
périodes d'Abd el-Aziz et Moulay Hafid, subsistaient encore à notre arrivée, et la
preuve, c'est qu'en deux ans le Makhzen a pu être reconstitué ainsi que tous les
rouages essentiels de l'administration indigène autour du sultan, clef de voûte de
l'édifice. (...)
A la page 6, l'antinomie entre la conception des auteurs du projet et le principe
même du Protectorat apparaît encore plus clairement. (...)
D'abord rien ne me paraît plus blessant pour le peuple marocain, très jaloux de
son statut où le sentiment national et la foi religieuse sont indissolument liés, que
de la lui présenter comme un statut inférieur et de lui offrir comme une suprême
faveur de le quitter pour prendre le nôtre qui ne s'adapte en rien aux conditions
de sa vie. (...)
Mais je ne serais pas surpris si, dans la pensée des auteurs du projet, comme
dans celle d'un si grand nombre de nos compatriotes, le Protectorat n'était pas
regardé comme un régime transitoire et inférieur devant fatalement aboutir, et
dans le plus bref délai possible, à l'annexion et à l'assimilation à laquelle une série
d'atteintes progressives l'amèneraient peu à peu. (...)
Louange à Dieu
(Grand sceau de Sidi Mohamed)
Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la
teneur
Que Notre Majesté Chérifienne
Article premier : Dans les tribus de Notre Empire reconnues comme étant de
coutume berbère, la répression des infractions commises par des sujets
marocains, qui seraient de la compétence des caïds dans les autres parties
de l'Empire, est de la compétence des chefs de tribus.
Pour les autres infractions, la compétence et la répression sont réglées par
les articles 4 et 6 du présent Dahir.
Article deux : Sous réserve des règles de compétence qui régissent les
tribunaux français de Notre Empire, les actions civiles ou commerciales,
mobilières ou immobilières sont jugées, en premier ou dernier ressort, suivant
le taux qui sera fixé par arrêté viziriel, par les juridictions spéciales appelées
tribunaux coutumiers.
Ces tribunaux sont également compétents en toute matière de
statut personnel ou successoral. Ils appliquent, dans tous les cas,
la coutume locale.
Article trois : L'appel des jugements rendus par les tribunaux coutumiers, dans
les cas où il sera recevable, est porté devant les juridictions appelées
tribunaux d'appel coutumiers.
Article six : Les juridictions françaises statuant en matière pénale, suivant les
règles qui leur sont propres, sont compétentes pour la répression des crimes
commis en pays berbère, quelle que soit la condition de l'auteur du crime.
Dans ce cas est applicable le Dahir du 12 août 1913 (9 ramadan 1331) sur la
procédure criminelle.
Article sept : Les actions immobilières auxquelles seraient parties, soit comme
demandeur, soit comme défenseur, des ressortissants des juridictions
françaises, sont de la compétence de ces juridictions.
Jean
GUIRAUD
Rédacteur en chef de
La CROIX
Le Maroc Catholique
(novembre 1923)
Le discours nationaliste panarabiste face à la question berbère
Nous annonçons
Que la nation berbère, qui est musulmane depuis que l'Islam existe, et qui l'a souvent
aidé dans ses conquêtes et son extension, que cette nation qui a accompagné Tariq
en Espagne, puis est allée en France avec Aberahman El Rafiqui et a suivi Assad Ibn
Fourat jusqu'en Sicile,
Que cette nation qui a donné naissance aux deux dynasties Almoravides et
Almohades qui connurent des jours glorieux, que cette nation qui vit naître des savants
et des juges dont les livres dureront éternellement,
Que cette nation qui compte au Maroc plus de sept millions d'âmes, est agressée par
la France qui veut l'expulser hors de l'enceinte de l'islam en s'appuyant sur une force
militaire écrasante au mépris de sa liberté, et en portant atteinte à sa foi sacrée,
agression dont il n'existe aucun exemple dans l'histoire.
Des Marocains, hommes dignes de foi, nous ont écrit pour nous rappeler que la France
a promulgué un Dahir, le 16 mai 1930, publié au journal officiel sous le n° 919, et
qu'elle en a commencé l'application. La force militaire a dressé au Maroc une barrière
entre les trois-quarts de ses habitants et le Coran, Livre Sacré qui régissait leur vie
depuis 13 siècles. Ils ont fermé les écoles coraniques et placé le cœur et l'esprit de
millions d'enfants entre les mains de plus de mille missionnaires catholiques ( prêtes
et religieuses) qui dirigent des écoles de filles et de garçons; Ils ont fermé les tribunaux
musulmans qui existaient dans ces régions peuplées de Berbères, et ils ont obligé ces
millions de musulmans à être régis en ce qui concerne le mariage, l'héritage et leur
statut personnel, par de nouvelles lois puisées dans les coutumes qui n'ont aucun lien
avec la civilisation et la condition humaine. (…)
La France, qui clame de par le monde sa prétention d'être une nation de liberté, oblige
les musulmans du gouvernement marocain à abandonner leur religion en exigeant
d'eux qu'ils acceptent que le sultan restreigne ses droits en ce qui concerne
l'application de la loi musulmane dans les tribus berbères, et qu'il reconnaisse au
gouvernement du protectorat français le droit de s'occuper de ses problèmes de
religion et d'éducation.
Le gouvernement français est loin de se comporter en conseiller vis-à-vis de nos frères
musulmans marocains.