I N F O A R T I C L E R É S U M É
Historique de l’article : Le potassium K+ joue un rôle clé dans le potentiel de membrane de toutes les cellules, potentiel qui
Available online xxx influence un grand nombre d’événements biologiques. L’importance clinique des anomalies de la
kaliémie vient du fait que ces dernières exposent aux troubles du rythme cardiaque. Le rein est le seul
Mots clés : organe qui assure l’homéostasie du K+ en augmentant ou en diminuant son excrétion urinaire.
Potentiel de repos transmembranaire L’excrétion urinaire du K+ a deux composantes. D’une part, la concentration en K+ dans le fluide tubulaire
Balance interne qui dépend de la capacité du tube collecteur cortical à sécréter le K+. Cette capacité est déterminée par la
Équilibre acide–base différence de potentiel transépithéliale lumière négative générée par la réabsorption électrogénique du
Gradient transtubulaire de K Na+. L’aldostérone, et à un moindre degré la présence de HCO3 et de Na+ dans le fluide tubulaire, sont
Canal épithélial sodique
impliquées dans la génération de la différence de potentiel. Cette composante est évaluée par le gradient
Réabsorption électrogénique
transtubulaire de K+ (GTTK). D’autre part, le débit de fluide dans le tube collecteur cortical, qui lui-même
dépend du débit d’osmoles. Les deux composantes de l’excrétion urinaire de K+ peuvent être calculées si
l’osmolalité urinaire est plus élevée que l’osmolalité sanguine. L’exploration des dyskaliémies repose sur
le calcul du GTTK et du débit d’osmoles dans le tube collecteur cortical, des données cliniques (état
d’hydratation, pression artérielle, etc.) et biologiques (kaliurèse des 24 heures, rénine, aldostérone, etc.)
facilement accessibles. Le traitement d’une dyskaliémie est tout d’abord celui de sa cause. L’apport
conjoint d’insuline et de glucose, et la dialyse sont les meilleurs traitements symptomatiques des
hyperkaliémies.
ß 2010 Association Société de néphrologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
A B S T R A C T
Keywords: Potassium (K+) is a key component of the resting membrane potential of all cells that influences many
Resting membrane potential important biologic events. The clinical importance of K+ is that surpluses or deficits in K+ in the
Internal balance extracellular fluid may predispose the patient to cardiac arrhythmias. The kidneys adjust overall
Acid–base equilibrium
K+ homeostasis by increasing or decreasing the rate of excretion of K+. Urinary excretion of K+ has
Transtubular K gradient
2 components: (i) the concentration of K+ in the tubular fluid that depends on the capacity of the cortical
Sodium channel
Electrogenic reabsorption collecting duct to secrete K+. The capacity is determined by the lumen-negative transepithelial potential
difference generated by the electrogenic reabsorption of Na+. Aldosterone and to a lesser degree HCO3-
and Na+ in the tubular fluid are implicated in the generation of the potential difference. This component
is evaluated by the transtubular K+ gradient (TTKG). (ii) The volume of fluid delivered to the cortical
collecting duct that depends on the osmolar rate of excretion. These 2 components can be calculated if
blood osmolality is higher than urine osmolality. Thus, investigating K+ abnormalities is based on the
determination of TTKG and osmolar rate of excretion in the cortical collecting duct, on other clinical
(extracellular fluid, blood pressure. . .) and biological data (24-hour K+ excretion, renin, aldosterone. . .)
easily available. First treatment of K+ abnormality is the treatment of its cause. Insulin and glucose
supply and dialysis are the best symptomatic treatments of hyperkalaemia.
ß 2010 Association Société de néphrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
§
Cet article est paru initialement dans EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Néphrologie 18-033-A-10, 2008. Nous remercions la rédaction de EMC-Néphrologie pour son
aimable autorisation de reproduction.
Adresse e-mail : bdussol@ap-hm.fr.
1
Professeur des universités, praticien hospitalier.
1769-7255/$ – see front matter ß 2010 Association Société de néphrologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.nephro.2010.03.004
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
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La kaliémie est une valeur très finement régulée. En effet, le K+ La balance interne concerne les mouvements du K+ de part et
joue un rôle majeur dans la génération du potentiel de repos d’autre de la membrane cellulaire sous l’action de processus
transmembranaire qui influence de nombreuses fonctions biolo- physiologiques ou pathologiques. Parfois, en un repas, le contenu
giques, dont l’excitabilité des cellules nerveuses et musculaires. Si total en K+ du secteur extracellulaire (50 mmol) est ingéré. Dans les
la kaliémie s’élève, le potentiel de repos transmembranaire des 15 à 30 minutes qui suivent un repas, plus de 70 % du K+ ingéré est
cellules diminue, augmentant leur excitabilité. transféré dans les cellules. Les éléments qui participent à cette
Le rein est l’organe unique de contrôle de l’homéostasie du K+ de balance interne sont l’insuline, les catécholamines et, peut-être,
l’organisme. l’aldostérone [2,3] (Fig. 1).
1.1. Distribution du potassium dans l’organisme 1.1.2.1. Insuline. L’insuline a un rôle permissif sur l’entrée du K+
dans les cellules en stimulant l’entrée de Na+ dans la cellule par
Le K+ est le principal cation intracellulaire. Quatre-vingt-quinze l’échangeur Na+/H+ membranaire. L’élévation du Na+ intracellu-
pour-cent du pool potassique est situé dans le compartiment laire stimule secondairement la Na+K+ATPase ce qui entraı̂ne une
cellulaire, principalement dans les cellules musculaires, et 2 % dans entrée nette de K+ dans la cellule (Fig. 2).
le compartiment extracellulaire [1] (Fig. 1). Dans les cellules, la
concentration en K+ est élevée, de l’ordre de 120 à 150 mmol/l 1.1.2.2. Catécholamines. Les b-2 adrénergiques favorisent l’entrée
d’eau cellulaire, grâce à l’activité de la Na+K+ATPase membranaire. de K+ dans la cellule directement en stimulant la Na+K+ATPase et
Dans le milieu extracellulaire, la kaliémie est maintenue basse indirectement en stimulant la sécrétion d’insuline. Les a-
entre 3,5 et 5 mmol/l. adrénergiques ont l’effet inverse (Fig. 2).
La valeur régulée par l’organisme est le rapport des concentra-
tions en K+ de part et d’autre de la membrane cellulaire (rapport 1.1.2.3. Équilibre acide–base. Il joue un rôle majeur dans les
kaliémie/kalicytie). En effet, le potentiel de repos transmembra- mouvements de K+ de part et d’autre de la membrane cellulaire.
naire, élément clé de l’excitabilité et de la contraction musculaire Au cours des acidoses et des alcaloses, les mouvements trans-
(qu’il s’agisse des muscles strié, lisse ou cardiaque), dépend de ce membranaires de K+ dépendent de la diffusibilité intracellulaire de
rapport. L’électrocardiogramme (ECG) au cours des dyskaliémies l’anion qui accompagne l’ion H+[4].
reflète le rapport K+ extracellulaire sur K+ intracellulaire, et non la Au cours des acidoses métaboliques aiguës minérales (car-
kaliémie. actérisées par l’addition d’ions H+ et Cl dans l’espace
extracellulaire ; par exemple, la diarrhée), le H+ diffuse dans la
1.1.1. Entrées et sorties du potassium cellule alors que l’ion Cl ne peut pas pénétrer. Le respect de
l’électroneutralité intracellulaire impose la sortie d’un K+.
La seule entrée de K+ est l’alimentation. L’absorption digestive Au cours des acidoses métaboliques aiguës par apport d’acide
du K+ ingéré est complète. organique (par exemple, acidose lactique), le H+ pénètre la cellule
Il existe des sorties extrarénales et rénales. Les sorties avec l’anion qui l’accompagne, ce qui n’entraı̂ne pas d’issue de
extrarénales, qui ne sont pas régulées, se font essentiellement K+ de la cellule. Une acidose lactique ne s’accompagne donc pas
par les sécrétions digestives. Toutefois, elles correspondent d’hyperkaliémie.
seulement à 5 % à 10 % du K+ ingéré du fait du faible contenu Les acidoses métaboliques chroniques entraı̂nent une hypoka-
en eau des selles normales. Les sorties digestives du K+ peuvent liémie par augmentation de l’excrétion rénale de K+ (cf. infra).
devenir très importantes en pathologie (diarrhées, Le CO2 diffusant très facilement à travers les membranes
iléostomies, etc.). Les sorties rénales de potassium correspondent cellulaires, l’acidose respiratoire ne s’accompagne pas d’hyperka-
à 90 % du K+ ingéré. Cette sortie est finement régulée. liémie.
À l’état normal, le bilan entrée/sortie de K+ est stable, l’excrétion L’alcalose respiratoire aiguë n’entraı̂ne pas de modification de la
urinaire est égale à l’absorption digestive (Fig. 1). kaliémie.
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
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Dans l’alcalose respiratoire chronique, l’hypokaliémie est Le K+ est librement filtré par le glomérule. Chez un sujet
constante mais modérée. Elle est secondaire à une fuite urinaire ayant un débit de filtration glomérulaire normal
de potassium (cf. infra). (120 ml/min), la quantité filtrée est de 720 mmol/j (pour
Dans l’alcalose métabolique, l’ajout de NaHCO3 dans le secteur
une kaliémie à 4 mmol/l).
extracellulaire induit une hypokaliémie, car l’ion HCO3 ne peut
Environ 95 % du K+ est réabsorbé par le tube proximal
pas diffuser dans la cellule. La sortie d’un H+ de la cellule entraı̂ne
et l’anse de Henlé, quels que soient les apports
donc l’entrée d’un K+ dans la cellule. Par ailleurs, l’alcalose
métabolique induit une perte urinaire importante de K+ (cf. infra). potassiques. Cette réabsorption n’est pas régulée.
L’équilibre du bilan entrées/sorties se fait dans le
Points forts tube collecteur cortical (TCC) par les cellules princi-
pales et les intercalaires a. Les cellules principales
En physiologie, l’insuline et les catécholamines sont sécrètent du K+ s’il existe une réabsorption électro-
les deux principales hormones régulant la balance génique de Na+ sous la dépendance de l’aldostérone.
interne du K+. Les cellules intercalaires a réabsorbent du K+ si
En pathologie, il faut ajouter l’équilibre acide–base. l’apport est faible.
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L’ouverture des canaux potassiques apicaux est modulée par de La concentration en K+ dans le fluide tubulaire est dépendante
nombreux facteurs, en particulier l’ADH, l’aldostérone et les de la sécrétion de K+ dans le TCC, sécrétion liée à trois éléments :
apports potassiques, mais cette régulation est minime en
physiologie [5]. une réabsorption électrogénique de Na+ qui génère une
Le cotransport apical Na+/K+/2Cl– a une affinité pour le NH4+ qui différence de potentiel transtubulaire lumière négative ;
est en compétition avec le K+. En cas d’hyperkaliémie, l’augmenta- un gradient de concentration chimique de K+ entre cellule et
tion de la quantité de K+ entrant dans la branche de Henlé réduit lumière tubulaire ;
l’accumulation médullaire de NH4+, ce qui limite les possibilités de des mouvements de K+ à travers des canaux spécifiques de la
sécrétion des H+ dans le tube collecteur (l’hypokaliémie a des effets membrane apicale des cellules principales.
inverses).
Le tube contourné distal et le tube connecteur, segments
sensibles à l’aldostérone, ont probablement un rôle dans l’homé- 1.2.3.1. Sécrétion passive par les cellules principales. La Na+K+ATPase
ostasie du K+, en particulier lorsque l’apport en Na+ est élevé et basolatérale maintient la concentration de Na+ basse dans la
l’apport en K+ bas. Difficile à étudier, leur implication est cellule, ce qui permet au Na+ de diffuser dans la cellule principale.
probablement sous-estimée [6]. Elle crée aussi un gradient de concentration chimique entre le K+
intracellulaire (concentration élevée) et le K+ du fluide tubulaire
1.2.3. Tube collecteur cortical (TCC) (concentration basse).
Le Na+ luminal diffuse dans la cellule principale plus rapide-
Le TCC contient trois types cellulaires : ment que le Cl– (réabsorption électrogénique) par un canal sodique
Fig. 3. Schéma de la réabsorption de K+ dans le tube proximal. Sous l’action de la Na+K+ATPase basolatérale, la concentration en Na+ est maintenue basse dans le cytoplasme
cellulaire. Le Na+ du fluide tubulaire entre dans la cellule selon son gradient (par de multiples cotransports dont celui associé au glucose [G] et au phosphate [Pi]) avant d’être
expulsé vers l’interstitium par la Na+K+ATPase. Il en résulte une baisse de l’osmolalité du fluide, ce qui entraı̂ne la réabsorption d’H2O et de K+ par voie paracellulaire par
solvent drag et diffusion passive (favorisée par la différence de potentiel lumière positive à la fin du TCP).
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Fig. 4. Réabsorption du K+ dans la branche ascendante large de Henlé. La Na+K+ATPase basolatérale maintient la concentration en Na+ basse dans le cytoplasme cellulaire, ce
qui permet l’entrée des ions Na+ dans la cellule par le cotransport Na+/K+/2Cl–. Ainsi l’entrée du Na+ selon son gradient permet la réabsorption par voie transcellulaire d’un K+.
Il existe aussi une réabsorption de K+ par voie paracellulaire favorisée par la différence de potentiel lumière positive. Cette positivité est favorisée par le recyclage d’une partie
du K+ réabsorbé qui franchit la membrane apicale par les canaux potassiques.
Fig. 5. Sécrétion passive du K+ dans les cellules principales du TCC. La sécrétion de K+ est possible du fait de la différence de potentiel lumière négative engendrée par la
réabsorption électrogénique de Na+. La sécrétion apicale de K+ se fait essentiellement à travers les canaux K et le cotransport K+/Cl–. Le canal épithélial sodique de la
membrane apicale des cellules principales est sensible à l’amiloride qui provoque sa fermeture. L’aldostérone stimule la sécrétion de K+ par trois mécanismes : l’augmentation
d’activité de la Na+K+ATPase, l’ouverture du canal épithélial sodique et des canaux potassiques apicaux. L’ADH favorise l’ouverture de certains canaux potassiques apicaux par
l’intermédiaire de l’AMPc.
spécifique, présent dans la membrane luminale. Ce canal, appelé La régulation de la sécrétion de K+ se fait essentiellement sous
« canal épithélial sodique », est sensible à l’amiloride (Fig. 5). Ceci l’action de l’aldostérone et des apports potassiques qui
explique que la différence de potentiel est nettement lumière augmentent :
négative dans ce segment tubulaire, ce qui permet la sécrétion de
K+. Le K+ diffuse passivement depuis la cellule vers la lumière l’ouverture du canal épithélial sodique ;
tubulaire par les canaux potassiques essentiellement, mais aussi l’ouverture des canaux potassiques apicaux et basolatéraux ;
par le cotransport K+/Cl–. l’activité de la Na+K+ATPase basolatérale.
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Fig. 6. Réabsorption de K+ dans les cellules intercalaires a. La cellule intercalaire a possède des H+K+ATPases qui sont impliquées dans la réabsorption active du K+. Ce
contretransport est probablement limité par le fait qu’il n’existe pas beaucoup d’accepteurs (NH3, HCO3–, Na2HPO4–) pour le proton sécrété.
La vasopressine favorise aussi l’ouverture de certains canaux inverses de l’aldostérone. L’aldostérone augmente la sécrétion de
potassiques apicaux (Fig. 5). Un nouveau groupe de protéines K+ par le tube collecteur cortical (Fig. 5).
(appelées with no lysine [WNK]) a été impliqué dans la régulation En cas d’apports sodés importants, l’augmentation du flux
de la réabsorption de Na+ et de Cl et dans la sécrétion de K+ [7]. tubulaire favorise l’excrétion rénale de K+. Mais comme dans cette
situation la sécrétion d’aldostérone sera inhibée, la fuite potassique
1.2.3.2. Réabsorption active par les cellules intercalaires a. L’H+K+AT- sera limitée. En cas d’apports sodés faibles, la situation inverse est
Pase luminale secrète des H+ contre une réabsorption active de K+. observée. En fait, l’aldostérone limite les variations de kaliurèse
Une fois dans la cellule, le K+ franchit la membrane basolatérale par liées aux apports sodés.
des canaux potassiques. Cependant, en physiologie, la réabsorption
nette de K+ par les cellules intercalaires a est faible du fait du petit 1.3.3. Glucocorticoı̈des
nombre d’accepteurs pour les H+ [3] (Fig. 6).
Ils ne stimulent pas l’excrétion rénale de K+, car les cellules
1.3. Facteurs influençant l’excrétion urinaire du potassium (Tableau principales possèdent une enzyme, la 11-b-hydroxystéroı̈de
2) déshydrogénase, qui métabolise les glucocorticoı̈des (cortisol) en
métabolites (cortisone) qui n’ont pas d’affinité pour le récepteur
1.3.1. Apports de K+ aux minéralocorticoı̈des. Les glucocorticoı̈des entraı̂nent une
sortie de K+ de la cellule avec du Na+ et de l’eau. Cette sortie
La quantité de K+ ingérée influence directement l’excrétion favorise l’excrétion urinaire de K+ observée sous corticoı̈des aux
urinaire du K+. Les mécanismes de cette régulation sont les mêmes posologies habituelles.
que ceux de l’aldostérone (Fig. 5). De plus, les apports élevés en K+
stimulent directement la sécrétion d’aldostérone, ce qui augmente 1.3.4. Bicarbonates dans les urines
encore la sécrétion potassique. En cas d’apports faibles en K+, les
événements inverses se produisent. La bicarbonaturie favorise la sécrétion urinaire de K+ [8]. Cela
est confirmé par le fait que dans les situations cliniques associées à
1.3.2. Quantité de Na+ délivré au tubule distal et minéralocorticoı¨des la présence de HCO3– dans le fluide tubulaire du tube collecteur
cortical (vomissements, acidoses tubulaires, etc.), une excrétion
Les variations de l’apport en Na+ modifient peu l’excrétion urinaire anormalement élevée de K+ est présente.
urinaire de K+. Cette absence d’effet s’explique par les variations
1.3.5. ADH/Vasopressine
Tableau 2
Facteurs qui influencent la sécrétion tubulaire de K+.
L’ADH stimule la sécrétion nette de K+ par les cellules
Stimulation Inhibition principales par augmentation de la perméabilité apicale des
Hyperkaliémie Déficit en K+ canaux potassiques [1]. Pourtant l’ADH n’augmente pas l’excré-
Flux urinaire élevé dans le TCC Flux urinaire bas dans le TCC tion urinaire de K+. En situation d’hydropénie, le flux tubulaire
Flux élevé de Na+ dans le TCC Flux bas de Na+ dans le TCC est très diminué, ce qui est un facteur très limitant d’excrétion
(si aldostérone non adaptable) (si aldostérone non adaptable)
Aldostérone Acidose métabolique aiguë
potassique. Dans cette situation, l’ADH stimulée maintient
ADH l’équilibre potassique en stimulant la sécrétion de K+. En
Alcaloses métabolique et respiratoire situation d’inflation hydrique, le flux tubulaire est important
Acidose métabolique chronique (ce qui élève l’excrétion) mais l’absence d’ADH limite la
TCC : tube collecteur cortical ; ADH : antidiuretic hormone. sécrétion de K+ (Fig. 5).
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2.1. Calcul des composantes impliquées dans la kaliurèse Le GTTK est le rapport de la concentration urinaire de K+ sur la
kaliémie corrigée par le rapport de l’osmolalité urinaire sur
Lorsqu’une dyskaliémie est explorée, il faut dans un premier l’osmolalité sanguine. Cette correction permet de tenir compte de
temps évaluer l’excrétion urinaire de K+ sur 24 heures. Toutefois la réabsorption d’eau dans la partie médullaire du tube collecteur :
cette approche est souvent mise en défaut. Par exemple, dans
GTTK = [KU] OsmS/OsmU [KS]
l’exploration d’une hypokaliémie, la perte de K+ peut être survenue
dans un passé récent et ne pas être reflétée par la composition Le GTTK est plus fiable que la fraction d’excrétion du K+, car
actuelle des urines. De plus, il n’est pas possible de savoir quelle cette dernière tient compte de la réabsorption de l’eau tout au long
composante de la kaliurèse (augmentation de la concentration en du néphron, alors que le GTTK ne tient compte que de la
K+ dans le fluide ou du débit de fluide dans le TCC) est en cause pour réabsorption de l’eau au niveau du tube collecteur médullaire.
expliquer la fuite rénale de K+. Ceci permet donc d’analyser les transports de K+ (sécrétion ou
On rappelle que l’excrétion urinaire de K+ dépend de deux réabsorption) dans le TCC. Le GTTK est fiable même s’il ne tient pas
facteurs : compte de la réabsorption du K+ et des osmoles dans le tube
collecteur médullaire. En fait, dans la grande majorité des
la concentration en K+ dans le fluide tubulaire du TCC ; situations cliniques, la réabsorption du K+ et des osmoles dans
le débit de fluide tubulaire dans le TCC. le tube collecteur médullaire est trop faible pour modifier le GTTK.
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Comme pour QTCC et Qosm TTC, il n’y a pas de valeur normale de une réabsorption trop « lente » de Cl par rapport au Na+ dans le
GTTK. Toutefois, celui-ci se situe chez le sujet sain ayant une TCC, ce qui conduit à élever la différence de potentiel
alimentation normale entre 6 et 12. En cas d’apport nul en K+, il transépithéliale lumière négative et, donc, à favoriser la sécrétion
peut s’abaisser jusqu’à 1. En cas de charge potassique, il peut de K+. Ce phénomène intervient par exemple dans les situations
monter jusqu’à 15. Chez le malade hypokaliémique, il doit être cliniques où des ions bicarbonates sont présents dans le TCC
inférieur à 2. Si tel n’est pas le cas, cela signifie que le rein est (vomissements), les ions bicarbonates inhibant la réabsorption
responsable de l’hypokaliémie. Chez le malade hyperkaliémique, le des ions Cl (par un mécanisme inconnu).
GTTK doit être supérieur à 10. Si tel n’est pas le cas, cela signifie que
le rein est responsable de l’hyperkaliémie [11–13]. En pathologie, un GTTK trop bas au regard d’une hyperkaliémie
peut venir de deux éléments (Fig. 8) :
Points forts
Données biologiques (avec leur unité) permettant l’exploration une réabsorption trop « lente » de Na+ par rapport au Cl dans le
d’une dyskaliémie TCC ce qui conduit à diminuer la différence de potentiel
Kaliurèse des 24 heures (mmol/j) transépithéliale lumière négative et donc à inhiber la sécrétion
Osmolalité sanguine (OsmS) = (Na+ 2) +10 (mmol/l) de K+. L’exemple classique est l’hypoaldostéronisme où en
Osmolalité urinaire (OsmU) = [2 (Na+ + K+)] + urée (mmol/l) l’absence d’aldostérone, le Na+ n’est pas réabsorbé. Il en est de
Flux hydrique dans le TCC : (OsmS/OsmU) diurèse (l/j) même en cas de fermeture du canal épithélial sodique sous l’effet
Débit d’osmoles dans le TCC : (flux hydrique TCC) OsmS
de l’amiloride ;
(mosm/j)
GTTK : [Ku] OsmS/OsmU [Ks] (pas d’unité) une réabsorption trop « rapide » de Cl par rapport au Na+ dans le
[Ku] : concentration urinaire en K+ ; [Ks] : kaliémie TCC, ce qui conduit à diminuer la différence de potentiel
transépithéliale lumière négative et donc à inhiber la sécrétion
de K+. Ce phénomène intervient par exemple dans les syndromes
hyporénine-hypoaldostérone caractérisés par une réabsorption
2.2. Anomalies des composantes impliquées dans l’excrétion urinaire chlorée importante.
du K+
2.2.2. Débit anormal de fluide dans le TCC
Une dyskaliémie d’origine rénale peut avoir deux origines :
Un patient hypokaliémique du fait d’une prise inavouée de
un GTTK inadapté ; diurétiques a un débit de fluide élevé dans le TCC alors que le GTTK
un débit anormal de fluide dans le TCC [11–13]. est normal. À l’inverse, un patient suivant scrupuleusement un
régime sans sel a un débit de fluide bas dans le TCC avec un GTTK
2.2.1. Anomalies du GTTK normal (Fig. 7 et 8).
En pathologie, un GTTK trop élevé au regard d’une hypokalié- 2.3. Éléments d’exploration d’une dyskaliémie
mie peut venir de deux éléments (Fig. 7) :
Au total, l’exploration de base d’une dyskaliémie nécessite :
une réabsorption trop « rapide » de Na+ par rapport au Cl dans le
TCC, ce qui conduit à élever la différence de potentiel un ionogramme sanguin avec réserve alcaline ;
transépithéliale lumière négative et, donc, à favoriser la sécrétion une urée sanguine ;
de K+. L’exemple classique est l’hyperaldostéronisme primitif où, un ionogramme urinaire avec urée urinaire (avec quantification
sous l’influence de l’aldostérone, le Na+ est avidement réabsorbé ; de la diurèse des 24 heures).
Fig. 7. Mécanismes des hypokaliémies par fuite rénale de K+. Une hypokaliémie peut avoir trois origines : une augmentation du flux tubulaire dans le tube collecteur cortical
(TCC) ; une réabsorption trop rapide de Na+ dans le TCC, ce qui favorise la sécrétion voltage-dépendante du K+ ; une réabsorption trop lente de Cl– dans le TCC, ce qui favorise la
sécrétion voltage-dépendante du K+. Le phénomène pathologique est en noir.
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Fig. 8. Mécanismes des hyperkaliémies par défaut d’excrétion rénale du K+. Une hyperkaliémie peut avoir trois origines : une diminution du flux tubulaire dans le tube
collecteur cortical (TCC) ; une réabsorption trop lente du Na+ dans le TCC, ce qui limite la sécrétion voltage-dépendante du K+ ; une réabsorption trop rapide du Cl– dans le TCC,
ce qui limite la sécrétion voltage-dépendante du K+. Le phénomène pathologique est en noir.
Avec ces éléments, on connaı̂t la kaliurèse des 24 heures et on test à la 9-a-fludrocortisone (dose à injecter 100 mg). Devant une
calcule facilement : QTCC, Qosm TTC et GTTK. hyperkaliémie avec GTTK bas, ce test permet de distinguer si le
En seconde intention et en fonction de l’orientation GTTK est bas du fait d’un hypo-aldostéronisme ou d’une non-
diagnostique : réponse du TCC à l’aldostérone. En cas d’hypo-aldostéronisme, le
GTTK s’élève au-dessus de 8, deux heures après l’injection [14] ;
gaz du sang ; test au furosémide. Devant une hyperkaliémie avec Qosm TTC bas,
magnésémie ; ce test permet de confirmer l’implication du bas débit de fluide
dosage de rénine et d’aldostérone ; dans le TCC. L’injection de furosémide doit provoquer un pic de
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Fig. 10. Arbre décisionnel. Exploration d’une hyperkaliémie. À noter que même si l’excrétion urinaire de K+ est « adaptée », une hyperkaliémie ne peut pas survenir s’il existe
une réduction de l’excrétion urinaire de K+. GB : globules blancs.
diurèse (environ 600 ml/h) avec une kaliurèse supérieure à Si le différentiel entre kaliémie et kalicytie est important, l’ECG
15 mmol/l. Si ce test est fait chez un patient ayant une volémie révèle des troubles du rythme plus sévères :
basse, il convient d’assurer un remplissage vasculaire par des
solutés isotoniques [14]. fibrillation auriculaire ;
extrasystoles ventriculaires ;
Le schéma général d’exploration des dyskaliémies est repré- tachycardie et fibrillation ventriculaires ;
senté dans les Fig. 9 et 10. torsades de pointe.
Une hypokaliémie est définie par une kaliémie < 3,5 mmol/l. 3.1.2. Atteinte des muscles lisse et strié
Dans la grande majorité des cas, l’hypokaliémie est découverte sur
un bilan systématique, mais, parfois, il existe une symptomato- L’hypokaliémie peut entraı̂ner un iléus paralytique du tube
logie clinique dominée par les signes musculaires. digestif, une hypotonie avec diminution de la force musculaire, des
Le rein est très souvent responsable des hypokaliémies, quelle accès de tétanie, des pseudoparalysies. Enfin l’hypokaliémie
qu’en soit la cause. favorise la rhabdomyolyse.
3.1.1. Atteinte cardiaque Une hypokaliémie aiguë n’a pas de conséquence rénale. En
revanche, chez certains patients hypokaliémiques chroniques, on
La clinique se limite à un souffle systolique, à une augmentation constate une baisse du flux sanguin rénal et du débit de filtration
du différentiel de la pression artérielle par baisse de la diastolique glomérulaire. La capacité de concentration des urines est
et à une hypotension orthostatique. diminuée. L’histologie rénale retrouve une vacuolisation des
L’atteinte cardiaque doit être systématiquement recherchée sur cellules tubulaires proximales et du tube collecteur pouvant
l’électrocardiogramme (ECG). Celui-ci peut montrer : régresser après correction du déficit en K+. Peuvent s’y associer :
œdème et fibrose interstitielle et des infiltrats cellulaires focaux.
un affaissement du segment ST ; La néphrite interstitielle chronique hypokaliémique s’explique
une baisse de l’amplitude de T ; par l’infection urinaire. En effet, les cellules tubulaires en cas
l’apparition de l’onde U. d’hypokaliémie se défendent moins bien contre les bactéries. De
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
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plus, l’hypokaliémie stimule la formation de NH4+, ce qui active le avec parfois HTA. La rénine est toujours basse avec une aldostérone
complément qui peut être à l’origine de lésions interstitielles [15]. variable en fonction de l’étiologie.
Les étiologies des hypokaliémies par réabsorption trop rapide
3.2. Étiologies des hypokaliémies de Na+ sont exposées ci-dessous.
Réabsorption trop rapide de Na+ en rapport avec l’aldostérone
Il existe quatre grands groupes étiologiques : (profil : rénine basse, aldostérone haute). Il peut s’agir d’un
hyperaldostéronisme primitif ou syndrome de Conn. Celui-ci,
carence d’apport ; caractérisé par une sécrétion excessive d’aldostérone, est une
pertes digestives de K+ ; cause fréquente d’HTA secondaire. Sa fréquence qui augmente avec
pertes rénales de K+ ; la sévérité de l’HTA est évaluée entre 5 % et 10 % des hypertendus
transfert cellulaire. tout venant et 20 % des hypertendus résistants. Ces malades
présentent un risque cardiovasculaire plus élevé que les hyper-
tendus essentiels peut-être du fait des effets pro-inflammatoires et
3.2.1. Carence d’apport profibrotiques de l’aldostérone.
Le syndrome de Conn peut être en rapport avec :
Elle peut s’observer en cas de jeûne total (anorexie mentale) ou
chez le malade en réanimation sans apport parentéral en K+. un adénome de la surrénale dans 30 % à 50 % des cas ;
La kaliémie baisse en moyenne de 1 mmol/l avec une réponse une hyperplasie surrénalienne unilatérale ou bilatérale dans 50 %
rénale adaptée (kaliurèse < 15 mmol/j) [16]. à 70 % des cas ;
un cancer de la surrénale (cause exceptionnelle).
3.2.2. Déplétions potassiques d’origine digestive
Le diagnostic positif du syndrome de Conn repose sur trois
éléments [17,18] :
3.2.2.1. Diarrhées aiguës et chroniques, tumeurs villeuses, fistules
digestives. Au cours des diarrhées aiguës, une hypokaliémie avec l’hypokaliémie avec alcalose. Toutefois l’hypokaliémie n’est pas
acidose métabolique hyperchlorémique (NH4+ urinaire élevé) est toujours présente (40 % des malades ont une kaliémie normale) ;
observée car les selles sont riches en K+ et en HCO3–. La réponse un rapport aldostérone sur activité rénine plasmatique ou rénine
rénale est adaptée (kaliurèse < 15 mmol/j), que les pertes diges- plasmatique élevé. Ce rapport doit être mesuré après arrêt des
tives soient d’origine colique (diarrhées) ou du grêle (iléostomies). anti-HTA interférant avec le système rénine (bloqueur du
Au cours des diarrhées chroniques, l’hypokaliémie s’accom- système rénine, bêtabloquant et diurétique) et après correction
pagne d’une acidose métabolique chronique avec réponse rénale de l’hypokaliémie ;
inadaptée du fait de l’augmentation du GTTK et du QTCC (voir supra, un test démontrant l’absence de suppression de la sécrétion
effet de l’équilibre acide–base). d’aldostérone soit après un régime riche en NaCl pendant 4 jours
Au cours des diarrhées chroniques par abus de laxatifs, avec administration de 9-a-fludrocortisone (aldostérone uri-
l’hypokaliémie s’accompagne soit d’une acidose métabolique naire > 14 mg/24 h) soit après perfusion de 2 l de sérum
(situation la plus classique) soit d’une alcalose métabolique physiologique sur 4 h (aldostérone plasmatique > 10 ng/dl).
(association à une prise inavouée de diurétiques ou à des
vomissements provoqués). Si l’hypokaliémie s’accompagne d’une
Le diagnostic étiologique du syndrome de Conn est difficile. Il
alcalose métabolique, le GTTK est élevé (voir supra, effet de
repose sur deux éléments :
l’équilibre acide–base).
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Fig. 11. Arbre décisionnel. Hypokaliémie par excrétion rénale excessive de K+. DXM : dexaméthasone ; GTTK : gradient transtubulaire de K+.
sévères par ruptures d’anévrismes. C’est une affection familiale Il peut s’agir d’affections avec le cortisol qui exerce l’activité
très rare à transmission autosomique dominante en rapport avec la minéralocorticoı¨de. La physiopathologie de ces affections est de
présence d’un gène chimérique (fusion du gène de la 11-b- deux ordres :
hydroxylase et de l’aldostérone synthétase) entraı̂nant une
sécrétion ectopique de l’aldostérone dans la zone fasciculée de un déficit congénital ou acquis de la 11-b-hydroxystéroı̈de
la surrénale, qui secrète habituellement le cortisol [19]. Ceci déshydrogénase. Cette enzyme transforme le cortisol en
explique que la sécrétion d’aldostérone soit sensible à l’ACTH. cortisone (molécule dépourvue d’effet minéralocorticoı̈de) dans
Le diagnostic repose sur trois éléments : le tube collecteur du rein. Comme le récepteur au minéralo-
corticoı̈de est aussi sensible au cortisol qu’à l’aldostérone,
le diagnostic moléculaire ; l’enzyme empêche le cortisol d’avoir un effet minéralocorticoı̈de.
la suppression de la sécrétion d’aldostérone par des petites Les patients ayant ce déficit enzymatique ont donc des taux
posologies de dexaméthasone (qui inhibe la sécrétion d’ACTH) ; urinaires élevés de cortisol par rapport à ceux de cortisone. C’est
le dosage urinaire du 18-OH-cortisol et du 18-oxo-corticol le cas des malades consommant de l’acide glycyrrhizique ou
(dosages réalisés dans les centres spécialisés). La production ayant un syndrome d’Ulick ;
accrue de ces composés minéralocorticoı̈des s’explique par leur un dépassement des capacités de 11-b-hydroxystéroı̈de déshy-
dépendance à l’ACTH. drogénase. Cette situation s’observe en cas d’excès de substrat
comme au cours du syndrome de Cushing (sécrétion anormale-
Le traitement repose sur les corticoı̈des et les inhibiteurs des ment élevée de cortisol) ou en cas de traitements par corticoı̈des
récepteurs de l’aldostérone [20]. ou molécules apparentés.
Réabsorption trop rapide de Na+ en rapport avec des molécules
ayant des effets minéralocorticoı̈des mais différentes de l’aldos- L’acide glycyrrhizique (la réglisse) entraı̂ne un blocage
térone (profil : rénine basse, aldostérone basse). Les molécules à réversible de l’activité de la 11-b-hydroxystéroı̈de déshydro-
l’origine de l’effet minéralocorticoı̈des sont le cortisol ou la génase. La quantité nécessaire pour induire une HTA est de 50 à
déoxycorticostérone. 100 g d’extrait pur de réglisse par jour, soit une dizaine de
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paquets de chewing-gum ou un tiers de bouteille de pastis sans normaux ou bas. L’amiloride fait régresser tous les symptômes de
alcool [21]. même que la transplantation rénale.
Ce profil apparaı̂t aussi en cas de syndrome d’excès apparent en La transmission est autosomique dominante liée à des
minéralocorticoı¨des d’Ulick. Ce syndrome rare, environ 40 cas mutations du gène SCNN1B codant pour les sous-unités bêta ou
rapportés dans le monde, se manifeste chez l’enfant par une HTA gamma du canal épithélial sodique des cellules principales du TCC
sévère, une hypokaliémie, un retard de croissance, une néphro- (Fig. 5). Les mutations entraı̂nent un gain de fonction avec
calcinose et un syndrome polyuropolydipsique. L’HTA a un augmentation de la réabsorption de Na+ d’où l’élévation de
retentissement important sur les organes cibles (hypertrophie l’électronégativité luminale à l’origine de la fuite potassique. La
ventriculaire gauche). Des formes avec des symptômes moins déplétion potassique stimule la synthèse de NH3 et donc
sévères ont aussi été décrites. l’excrétion de protons d’où l’alcalose [25].
Cette affection est liée à un déficit héréditaire en 11-b- Récemment a été décrite une autre forme d’HTA avec
hydroxystéroı̈de déshydrogénase. La transmission est autosomi- hypokaliémie dans un contexte de rénine et d’aldostérone
que récessive. Des mutations dans le gène HSD11B2 codant pour plasmatique basse ressemblant au syndrome de Liddle, mais dont
l’enzyme sont retrouvées chez les personnes atteintes. l’HTA n’est pas sensible à l’amiloride. La maladie s’explique par une
Le diagnostic repose sur : mutation activatrice dans le gène codant pour le récepteur au
minéralocorticoı̈de. L’activité du récepteur anormal est parado-
un rapport cortisol sur cortisone urinaire élevé (> 7 contre 1 chez xalement augmentée par la spironolactone et les autres anta-
le sujet sain) ; gonistes minéralocorticoı̈des, ce qui explique l’aggravation de
une conversion de cortisol en cortisone diminuée (moins de 10 % l’HTA pendant la grossesse sous l’effet de la progestérone [26].
contre plus de 90 % chez le sujet sain) dont témoigne la mesure de Pour rappel, les hyperaldostéronismes secondaires (profil :
l’eau tritiée après injection plasmatique de 11-H3 cortisol. rénine haute, aldostérone haute) avec HTA (tumeurs à rénine, HTA
maligne, sténose artérielle rénale) ou sans hypertension (syn-
La restriction sodée ou la prescription de diurétiques (thiazi- drome néphrotique, cirrhose hépatique, insuffisance cardiaque) ne
diques ou spironolactone) permettent de normaliser la pression s’accompagnent habituellement pas d’hypokaliémie. En effet, dans
artérielle car l’expansion volémique induite par la stimulation du ces situations l’effet kaliurétique de l’hyperaldostéronisme (qui
récepteur au minéralocorticoı̈de est facilement contrecarrée élève le GTTK) est contrebalancé par la diminution du QTCC.
[22,23].
Le syndrome de Cushing ou les traitements par corticoı̈des à
Points forts
posologie élevée donnent un tableau comparable. Dans cette
situation, l’activité de la 11-b-hydroxystéroı̈de déshydrogénase Étiologies des hyperminéralocorticismes
est dépassée par excès de substrat. Le cortisol peut alors exercer Hyperaldostéronismes secondaires (rénine haute, aldosté-
rone haute) :
une activité minéralocorticoı̈de. Enfin, une HTA avec hypokaliémie
et rénine et aldostérone basse se voit lors de traitements par avec HTA :
minéralocorticoı̈des tels que la 9-a-fluoroprednisolone (contenue tumeur à rénine,
dans certains sprays ORL ou des crèmes) ou l’acétate de HTA maligne ou accélérée,
fludrocortisone (utilisé dans la maladie d’Addison ou dans
sténose de l’artère rénale,
l’hypotension orthostatique).
HTA de la contraception orale ;
Enfin, la déoxycorticostérone peut être la molécule qui exerce
l’activité minéralocorticoı̈de. Ce tableau est constaté en cas de
tumeur sécrétrice de déoxycorticostérone et au cours des blocs sans HTA :
enzymatiques en 11-b-hydroxylase ou 17-a-hydroxylase [24]. La insuffisance ventriculaire gauche,
déoxycorticostérone a une activité minéralocorticoı̈de puissante cirrhose hépatique,
entraı̂nant HTA et hypokaliémie. Les tumeurs sécrétrices de certains syndromes néphrotiques.
déoxycorticostérone sont le plus souvent volumineuses et de
nature cancéreuse. Leur localisation est surrénalienne ou ova- Hyperaldostéronénismes primaires (rénine basse, aldosté-
rienne. La sécrétion de déoxycorticostérone est souvent associée à rone élevé) :
l’excès d’autres hormones, notamment des androgènes. syndrome de Conn (adénome ou hyperplasie ou
Le bloc en 11-b-hydroxylase est une affection héréditaire
cancer de la surrénale) ;
autosomique récessive (mutations dans le gène CYP11B1). Ce
HTA sensible à la dexaméthasone.
déficit conduit à un défaut de sécrétion du cortisol avec
hypersécrétion d’ACTH réactionnelle (expliquant l’hyperplasie
Hyperaldostéronismes indépendants de l’aldostérone
surrénalienne) et à une accumulation de déoxycorticostérone et
(rénine basse, aldostérone basse) :
d’androgènes. Le tableau associe une HTA avec hypokaliémie à une
pseudopuberté précoce chez le garçon ou une virilisation chez la médiés par le cortisol :
fille. La pénétrance de la maladie est très variable avec parfois un déficit congénital en 11-b-hydroxystéroı̈de déshy-
simple hirsutisme à l’âge adulte. La physiopathologie de l’HTA est drogénase,
la même en cas de bloc en 17-a-hydroxylase. La transmission déficit acquis en 11-b-hydroxystéroı̈de déshydro-
héréditaire se fait selon le mode autosomique récessif. Ce bloc génase (réglisse),
enzymatique réalise un tableau d’immaturité sexuelle avec
dépassement des capacités de la 11-b-hydroxys-
aménorrhée primaire chez la fille et virilisation incomplète chez
téroı̈de déshydrogénase : syndrome de Cushing,
le garçon.
traitement par corticoı̈des à posologies élevées,
Réabsorption trop rapide de Na+ du syndrome de Liddle. Ce
syndrome se caractérise par une HTA précoce volontiers sévère traitement par minéralocorticoı̈des ;
dans un contexte familial accompagné d’une hypokaliémie et
d’une alcalose. La rénine et l’aldostérone plasmatique sont basses. médiés par la déoxycorticostérone :
La déoxycorticostérone, le cortisol et le cortisol libre urinaire sont tumeurs sécrétrices,
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anomalie du canal épithélial sodique : syndrome de Déplétion d’origine digestive Tous les laxatifs
Augmentation de QTCC Diurétiques de l’anse, thiazidiques,
Liddle ;
acétazolamide
anomalie du récepteur au minéralocorticoı̈des : HTA Mannitol
aggravée par la grossesse.
Réabsorption trop rapide de Na+ 9-a-fludrocortisone, corticoı̈des
à posologie élevée
Les hyperaldostéronismes secondaires ne s’accompagnent pas Réabsorption trop lente de Cl
d’hypokaliémie. Bicarbonaturie Acétazolamide
Insertion dans la membrane cellulaire Amphotéricine B
3.2.3.1.2. Hypokaliémies par GTTK inadapté par réabsorption trop
lente de Cl– (Tableau 3). Sur le plan clinique, la réabsorption trop Transfert intracellulaire Insuline, b-adrénergiques
« lente » du Cl– explique la tendance à la déshydratation du secteur Chloroquine, hydroxychloroquine
(intoxications)
extracellulaire avec parfois hypotension. La rénine est toujours
haute. Une réabsorption trop lente de Cl– se caractérise par un
GTTK inadapté alors que le QTCC est normal.
Les étiologies des hypokaliémies par réabsorption trop lente de traitement repose sur la supplémentation en K+ et en
Cl– sont exposées ci-dessous. magnésium et l’amiloride [27,29]. Il existe des formes cliniques
Tubulopathies héréditaires. Le syndrome de Bartter (Fig. 4) est une intermédiaires entre Bartter et Gitelman et même des transi-
affection autosomique récessive en rapport avec différentes tions phénotypiques entre les deux affections qui peuvent
anomalies génétiques : s’expliquer par la coopération physiologique entre les différents
transporteurs et canaux présents sur les membranes des cellules
mutations dans le gène SLC12A1 codant pour le cotransporteur tubulaires [30].
apical Na+/K+/2Cl– de la branche ascendante large de l’anse de Déficit en magnésium. Il peut s’accompagner d’une hypokaliémie
Henlé (Bartter type I) ; liée à un hyperaldostéronisme dont la pathogénie est inconnue. Il
mutations dans le gène KCNJ1 codant pour le canal potassique faut penser à cette cause dans les situations cliniques associées à
apical de la branche ascendante large de l’anse de Henlé et du une hypomagnésémie : diarrhées chroniques, malabsorption,
tube collecteur cortical (Bartter type II) ; traitements par diurétiques de l’anse, sels de platine, aminosides.
mutations dans le gène CLCNKB codant pour le canal chlore La correction du déficit en magnésium permet la correction de
basolatéral de la branche ascendante large de l’anse de Henlé, du l’hypokaliémie [31,32].
tube distal et du tube collecteur (Bartter type III) ; Situations cliniques caractérisées par une bicarbonaturie. Les
mutations dans le gène BSND codant pour une protéine (appelée acidoses tubulaires proximale et distale ainsi que le traitement par
barttin) qui est une sous-unité du canal chlore basolatéral de acétazolamide (Diamox1) entraı̂nent une hypokaliémie par fuite
l’anse de Henlé et du tube collecteur (Bartter type IV). rénale de K+. En effet, ces situations cliniques sont associées à la
présence de bicarbonates dans le TCC ce qui ralentit la réabsorption
Il existe deux formes cliniques : du Cl .
Acidoses métaboliques chroniques. Le mécanisme de l’hypoka-
le Bartter classique (Bartter type III) dont le diagnostic est posé liémie dans cette situation a été expliqué plus haut.
pendant l’enfance. Le tableau associe un syndrome polyuropo- Traitement par amphotéricine B (Fungizone1). L’amphotéricine B
lydipsique, une tendance à la déshydratation et, parfois, un s’insère dans la membrane luminale des cellules du tube distal,
retard de croissance. Une alcalose hypochlorémique et hypoka- créant ainsi des pores qui augmentent la perméabilité membra-
liémique, une fuite sodée urinaire et un hyperréninisme sont naire. Ceci entraı̂ne une fuite potassique à l’origine de l’hypoka-
constants. Parfois s’y associent une hypomagnésémie et une liémie mais aussi une fuite sodée, une hypomagnésémie et une
hypercalciurie avec néphrocalcinose. Le tableau biologique est acidose tubulaire [33].
comparable à celui d’un malade sous diurétique de l’anse ;
le Bartter néonatal (Bartter type I, II, IV) s’exprime par un 3.2.3.2. Hypokaliémies par augmentation du QTTC (Fig. 11). Une
polyhydramnios, un syndrome polyuropolydipisique majeur augmentation du QTTC s’observe en cas de :
mettant en jeu le pronostic vital, un retard de croissance et
une hypercalciurie sévère avec néphrocalcinose. Le tableau traitements par les diurétiques thiazidiques et de l’anse, par
biologique est le même que dans le Bartter classique. acétazolamide [34] ;
apports importants en chlorure de sodium.
L’évolution du Bartter classique est en général bénigne sans
évolution vers l’insuffisance rénale sévère. Le traitement repose sur Dans ces deux situations, l’élévation de Qosm TCC est liée aux ions
l’apport de K+ et les anti-inflammatoires non stéroı̈diens (AINS) qui Na+ et Cl– ;
diminuent la fuite de Na+ et de K+ [27,28].
Le syndrome de Gitelman est une affection autosomique diurèses osmotiques (apports exogènes d’urée, glycosurie,
récessive en rapport avec une anomalie du gène SLC12A3 qui code mannitol, calcium). Dans ces situations, l’élévation de Qosm TCC
pour le cotransporteur Na+/Cl à l’origine d’une diminution du est liée aux molécules non réabsorbables ou dont la réabsorption
transport du Na+ dans le tube contourné distal. Le diagnostic est est limitée.
porté en général chez l’adulte jeune, soit à l’occasion d’un bilan
systématique, soit devant une symptomatologie frustre (crampes, 3.2.4. Hypokaliémies de transfert
faiblesse musculaire, chondrocalcinose).
Les anomalies biologiques sont identiques à celles d’un Une hypokaliémie de transfert peut s’observer dans différentes
malade sous diurétique thiazidique avec alcalose hypokaliémi- situations cliniques. Dans tous les cas, la réponse rénale est
que, hypomagnésémie, fuite sodée urinaire et hypocalciurie. Le adaptée avec une kaliurèse < 15 mmol/j.
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3.2.4.1. Excès d’insuline et renutrition. Lors de l’administration données de l’ECG (apport per os ou intraveineuse). L’apport de K+
d’insuline exogène à un malade diabétique, une hypokaliémie de peut se faire par l’alimentation ou par chlorure de potassium
transfert peut survenir pendant quelques heures. En cas de médicamenteux (Kaléorid1, Diffu-K1). Fruits et légumes frais et
renutrition d’un sujet dénutri, l’accumulation d’anions phosphate secs sont riches en K+.
organique (ARN, ADN, phospholipides) dans les cellules entraı̂ne une La recharge potassique par voie intraveineuse peut utiliser tous
entrée de K+ dans les cellules pour maintenir l’électroneutralité [14]. les sels de K+ : chlorure de K+, citrate de K+, gluconate de K+ et
phosphate monopotassique. Le KCl est le sel de K+ qui apporte le plus
3.2.4.2. Paralysie périodique hypokaliémique ou maladie de West- de K+ (13 mmol/g). Il ne faut pas dépasser 1 g/h. Dans les perfusions,
phall. Il s’agit d’une affection très rare (1/100 000 naissances) dont la concentration à ne pas dépasser est de 6 g/l de KCl. Un apport
le diagnostic repose sur quatre éléments : intraveineux de K+ nécessite une surveillance par cardioscope.
En cas de fuites rénales en K+, les diurétiques antikaliurétiques
des épisodes de paralysie flasque de plusieurs heures (paraplégie sont très utiles. On utilise la spironolactone (Aldactone1) en cas
ou tétraplégie sans atteinte faciale ni des muscles respiratoires) ; d’hyperaldostéronisme et l’amiloride (Modamide1) en l’absence
une hypokaliémie de transfert au moment des accès de paralysie ; d’hyperaldostéronisme. Les diurétiques antikaliurétiques sont
l’absence de myotonie clinique et électromyographique (examen formellement contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère
neuromusculaire normal entre les crises) ; (débit de filtration glomérulaire < 30 ml/min).
une histoire familiale avec transmission autosomique dominante
[35]. 4. Hyperkaliémies
Les crises apparaissent durant la seconde décennie avec une Une hyperkaliémie est définie par une kaliémie > 5 mmol/l.
fréquence élevée jusqu’à 40 ans puis diminuent avec le vieillisse- Dans la grande majorité des cas, l’hyperkaliémie est découverte sur
ment. Les facteurs déclenchant des crises sont un repas riche en un bilan systématique mais il existe parfois une symptomatologie
glucides et un repos après effort physique. clinique dominée par les signes musculaires.
À côté de la forme paralytique, il existe une forme myopathique Le rein est toujours responsable d’une hyperkaliémie car cette
plus rare qui peut conduire à un déficit moteur permanent des anomalie ne peut survenir que si l’excrétion urinaire de K+ est
membres inférieurs. réduite.
Deux loci sont en cause :
4.1. Signes cliniques
CACNA1S sur le chromosome 1 en cause dans 70 % des cas. Ce
gène code pour la sous-unité a d’un canal calcium sensible aux 4.1.1. Atteinte cardiaque
dihydropyridines ;
SCN4A sur le chromosome 17 en cause dans 10 % des cas. Ce gène Elle est mise en évidence sur l’ECG :
code pour la sous-unité a d’un canal sodique musculaire.
augmentation d’amplitude de l’onde T ;
Le traitement curatif des crises repose sur l’apport de K+ par voie diminution d’amplitude de l’onde P puis disparition ;
veineuse en prenant garde au risque d’hyperkaliémie de rebond. Le allongement de l’espace PR (bloc auriculoventriculaire) ;
traitement préventif repose prioritairement sur : élargissement de QRS (bloc intraventriculaire) ;
troubles du rythme ventriculaire : tachycardie ou flutter ou
l’éviction des circonstances déclenchantes des crises ; fibrillation ventriculaire [38].
l’apport per os de K+ surtout dans les situations à risque ;
l’acétazolamide en cas de mutation dans CACN1AS ; Certains auteurs définissent des stades :
les diurétiques épargneurs de K+ en cas d’échec de l’acétazola-
mide ou de mutations dans SCN4A. stade 1 (kaliémie autour de 6 mmol/l) : augmentation d’ampli-
tude onde T ;
3.2.4.3. Paralysies thyrotoxiques périodiques hypokaliémiques. Un stade 2 (kaliémie de 6 à 7 mmol/l) : disparition de l’onde P et
tableau clinique comparable à celui de la maladie de Westphall élargissement QRS ;
peut s’observer au cours de certaines hyperthyroı̈dies en particu- stade 3 : bloc intraventriculaire et ralentissement de la fréquence
lier chez les hommes d’origine asiatique. La symptomatologie cardiaque ;
régresse avec le traitement de la dysthyroı̈die. Le mécanisme de stade 4 : bloc auriculoventriculaire complet, arrêt circulatoire.
l’atteinte musculaire n’est pas connu [35].
Le traitement d’une hypokaliémie est d’abord le traitement de Lorsqu’une hyperkaliémie est diagnostiquée, il faut toujours
sa cause. s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une pseudohyperkaliémie dont les
Le traitement symptomatique repose sur l’apport de K+. Le causes sont multiples [39–41] (Fig. 10).
degré d’urgence thérapeutique en cas d’hypokaliémie dépend des Il existe deux grands types d’étiologies aux hyperkaliémies :
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Tableau 4
Médicaments pouvant entraı̂ner une hyperkaliémie.
GTTK : gradient transtubulaire de K+ ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; AINS : anti-inflammatoires non stéroı̈diens.
les hyperkaliémies par défaut d’excrétion de la charge potassi- glomérulaire < 30 ml/min), surtout si l’apport potassique est
que. Ce sont les causes les plus fréquentes d’hyperkaliémie ; élevé. Les mécanismes de l’hyperkaliémie sont mal connus. Le
les hyperkaliémies par transfert cellulaire. Qosm TCC est normal mais du fait de la réduction néphronique, le
Qosm TCC traverse un nombre réduit de TCC. L’hyperkaliémie
s’expliquerait par le fait que le GTTK ne peut pas s’élever
4.2.1. Hyperkaliémies par défaut d’excrétion rénale de K+
suffisamment même en présence d’aldostérone. En effet, le TCC
n’aurait pas le « temps » d’élever suffisamment le GTTK du fait de
Le défaut d’excrétion du K+ (Tableau 4, Fig. 10) peut être en
l’augmentation de la vitesse de passage des osmoles dans le TCC
rapport avec soit :
ce qui limite la réabsorption du Na+ par les néphrons résiduels
(équivalent d’une réabsorption trop « lente » de Na+) ;
un GTTK inadapté (diminution de la capacité de sécrétion du K+
les pseudo-hypo-aldostéronismes de type 1, dont il existe deux
dans le TCC) ;
formes cliniques.
une diminution du flux hydrique dans le TCC. Une telle
diminution limite l’excrétion urinaire de K+ même si le TCC
La forme autosomique dominante est en rapport avec des
arrive à secréter normalement le K+.
mutations hétérozygotes dans le gène codant pour le récepteur aux
minéralocorticoı̈des, d’où un déficit de l’action cellulaire de
Les deux anomalies peuvent s’associer. l’aldostérone. Le diagnostic est porté dans les premiers jours de
vie devant une hyperkaliémie (qui constitue le risque le plus
4.2.1.1. Hyperkaliémies par GTTK inadapté (Fig. 12). Elles se important de cette maladie), une fuite sodée, une hypotension
caractérisent par un GTTK inadapté (< 10) alors que le QTCC est artérielle, une acidose métabolique et un taux circulant très élevé
normal. Ce dernier peut toutefois diminuer si l’apport en chlorure de rénine et d’aldostérone. Le phénotype est en général peu sévère
de sodium est bas, ce qui peut majorer l’hyperkaliémie. et la maladie est facilement contrôlée par l’apport sodé (qui doit
4.2.1.1.1. Hyperkaliémies par GTTK inadapté par réabsorption trop être souvent très important). Vers l’âge de 6–8 ans, une
lente de Na+. Dans cette situation une déshydratation du secteur amélioration spontanée avec restauration de l’homéostasie sodée
extracellulaire est souvent présente en rapport avec une fuite est toujours observée.
rénale de Na+, la rénine est toujours élevée. L’aldostérone est La forme autosomique récessive est, quant à elle, en rapport
variable en fonction de l’étiologie. avec des mutations inactivatrices du gène codant pour le
Les étiologies des hyperkaliémies par GTTK inadapté par canal épithélial sodique. Les manifestations cliniques sont les
réabsorption trop lente de Na+ sont les suivantes : mêmes que dans la forme dominante mais le phénotype est
beaucoup plus sévère avec une fuite sodée massive mettant en
l’insuffisance surrénalienne aiguë ou lente (maladie d’Addison). jeu le pronostic vital. De plus, le canal épithélial sodique étant
L’aldostérone est basse ; exprimé dans de nombreux organes dont les voies respiratoires,
les médicaments diminuant la biodisponibilité de l’aldostérone : il existe un excès de sécrétions bronchiques riches en Na+,
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, favorisant les infections pulmonaires. Le traitement comporte
les antagonistes des récepteurs de type 1 de l’angiotensine II, une supplémentation à vie et importante en chlorure de sodium
les héparines non fractionnées ; elles diminuent le nombre et et les résines échangeuses d’ions pour contrôler la kaliémie
l’affinité des récepteurs à l’angiotensine II dans la zone [47,48].
glomérulée de la surrénale [42] ; les héparines de bas poids 4.2.1.1.2. GTTK inadapté par réabsorption trop rapide du Cl–. Dans
moléculaire élèvent aussi la kaliémie mais les hyperkaliémies cette situation, il existe une tendance à l’hyperhydratation du
semblent plus rares qu’avec les héparines non fractionnées secteur extracellulaire par rétention rénale chlorosodique ; la
[43], rénine est basse. On parle de shunt au Cl pour désigner la
les médicaments bloquant le récepteur aux perméabilité anormale au Cl du TCC.
minéralocorticoı̈des : spironolactone et éplérénone ; Les étiologies des hyperkaliémies par GTTK inadapté par
les médicaments entraı̂nant la fermeture du canal épithélial réabsorption trop rapide du Cl sont les suivantes :
sodique : amiloride (Modamide1) et triamtérène (retiré du
marché français), triméthoprime et pentamidine [44,45] ; les médicaments :
l’insuffisance rénale chronique sévère [46]. L’hyperkaliémie est les anti-inflammatoires non stéroı̈diens (AINS) : ils entraı̂nent
observée en cas d’insuffisance rénale sévère (débit de filtration une hyperkaliémie secondaire à un syndrome hyporénine-
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
j.nephro.2010.03.004
G Model
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Fig. 12. Arbre décisionnel. Hyperkaliémie par défaut d’excrétion rénale du K+. GTTK : gradient transtubulaire de K+ ; HTA : hypertension artérielle ; IEC : inhibiteurs de
l’enzyme de conversion.
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
j.nephro.2010.03.004
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la déshydratation du secteur extracellulaire et l’apport sodé (soit 2 à 6 cuillerées-mesures, en 3 à 4 prises) par voie buccale
réduit. Dans ce cas, le QosmTCC est bas du fait de la pauvreté des ou, mieux, en lavements par voie rectale (lavements à garder si
urines en Na+ et Cl– ; possible plusieurs heures). Il s’agit d’une poudre à diluer dans
les régimes limités en protéine et les situations d’anabolisme. l’eau, sachant que 1 gramme de Kayexalate1 échange 1 à
Dans ces cas, le QosmTCC est bas du fait de la pauvreté des urines 2 mmol de K+ pour 1 à 2 mmol de Na+. Du fait de l’apport
en urée. sodique, l’HTA et l’insuffisance cardiaque sont des contre-
indications relatives. Dans ce cas, on peut utiliser le calcium
4.2.2. Hyperkaliémies par transfert cellulaire polystyrol sulfonate (Calcium Sorbisterit1) qui échange le K+
pour du Ca++. Les résines échangeuses de cations sont
Les étiologies sont : indiquées surtout dans les hyperkaliémies chroniques
modérées ;
les acidoses minérales (mais pas les acidoses organiques) ; l’alcalinisation, qui a un effet hypokaliémiant modeste en
le diabète déséquilibré ; l’absence d’acidose métabolique [55]. On peut utiliser :
les destructions cellulaires : rhabdomyolyses, écrasement l’eau de Vichy ou toute autre eau de boisson riche en
musculaire, brûlures étendues, hémolyse, lyse tumorale, saigne- bicarbonates,
ment digestif. Ces affections ne s’accompagnent d’hyperkaliémie le HCO3Na à 1,4 % qui apporte 165 mmol/l de Na+ et de
que s’il existe un trouble de l’excrétion du K+. HCO3 ,
la digitaline, les bêtabloquants, les agonistes a-adrénergiques. le HCO3Na à 4,2 % (il apporte 3 fois plus de Na+ et de HCO3 que
le HCO3Na à 1,4 %). Le HCO3Na apporte beaucoup de Na+ et ne
peut donc pas être utilisé chez l’insuffisant cardiaque ou en cas
Ces molécules inhibent la Na+K+ATPase, ce qui favorise l’issue de surcharge hydrosodée ou d’anurie (sauf si l’anurie est en
de K+ de la cellule ; rapport avec une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle par
déshydratation extracellulaire) ;
la paralysie périodique familiale de Gamstorp. Cette affection l’apport conjoint d’insuline et de glucose. C’est le moyen
autosomique dominante ressemble à la maladie de Westphall médical le plus efficace pour faire baisser la kaliémie. De plus
mais les accès paralytiques s’accompagnent d’une hyperkaliémie le risque de surcharge vasculaire est bien moindre qu’avec les
(ou d’une kaliémie normale). Les différences avec la maladie de solutés alcalins. La posologie est de 500 ml de G20 % avec 10 U
Westphall sont : d’insuline à passer en 30 minutes à 2 heures. Le traitement
les facteurs déclenchants : apport de K+, jeûne, stress, peut être poursuivi pour prévenir une réascension de la
grossesse, repos après exercice ; kaliémie avec du G10 % couplé à l’insuline à un débit à adapter
l’âge de début des accès de paralysies est plus jeune (avant aux kaliémies de contrôle en attendant le traitement de la
10 ans) et les accès sont plus fréquents et de plus courte durée ; cause ;
il existe une myotonie entre les crises chez 50 % des malades l’épuration extrarénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale.
avec rigidité musculaire clinique ou signes à l’EMG ; C’est la technique la plus efficace et la plus rapide pour faire
évolution vers une myopathie progressive chronique avec baisser de façon durable la kaliémie ;
diminution de la force musculaire. les bêtamimétiques. Ils entraı̂nent une baisse modérée de la
kaliémie. D’efficacité inconstante, ils sont très peu employés ;
Les mutations siègent dans le gène SCN4A mais sont différentes les diurétiques de l’anse. Ils peuvent être utilisés chez les
de celles observées dans la maladie de Westphall. Un traitement malades en surcharge vasculaire avec une hyperkaliémie
curatif de la crise n’est pas toujours nécessaire. Le malade peut moyenne.
absorber des glucides ou utiliser un b-1 stimulant en spray
(salbutamol). Le traitement préventif des crises repose sur le
régime pauvre en potassium, l’acétazolamide et les diurétiques 4.3.2. Indications
thiazidiques [35].
Le degré d’urgence thérapeutique en cas d’hyperkaliémie
4.3. Traitement dépend des données de l’ECG [56]. Toutefois un ECG normal ne
doit pas faire négliger l’hyperkaliémie car l’ECG peut se modifier
Le traitement d’une hyperkaliémie est d’abord le traitement de rapidement.
sa cause. Différents traitements symptomatiques permettent de En cas d’hyperkaliémie modérée, le traitement repose sur la
traiter l’hyperkaliémie elle-même. baisse des apports en K+, les résines échangeuses d’ions et/ou
l’alcalinisation per os en cas d’acidose.
4.3.1. Moyens de traitement de l’hyperkaliémie Si l’hyperkaliémie est moyenne, il faut utiliser l’apport conjoint
d’insuline et de glucose auquel on peut ajouter du HCO3Na en cas
Ces moyens sont : d’acidose et en l’absence de surcharge hydrosodée. Chez les
patients en inflation hydrosodée (insuffisance cardiaque), on peut
le régime pauvre en K+ ; associer au glucose un diurétique [57].
les sels de calcium, qui s’opposent aux effets cardiaques En cas d’hyperkaliémie grave, après l’injection de gluconate
de l’hyperkaliémie sans faire baisser la kaliémie. De plus, de calcium, la perfusion de glucose et d’insuline doit se faire
leur effet est passager ne durant que le temps de l’augmenta- à un débit élevé. On peut y associer l’alcalinisation (250 à 500 ml
tion de la calcémie qu’ils provoquent. On peut utiliser de HCO3Na à 1,4 %) sauf en cas de surcharge vasculaire. En cas
le gluconate de calcium à 10 % à la posologie de 10 à 30 ml d’échec, l’épuration extrarénale est le seul recours.
par voie intraveineuse à passer en 2 à 3 minutes. Les sels Chez le dialysé présentant une hyperkaliémie, l’alcalinisation
de calcium sont contre-indiqués si le patient est sous est inefficace. Le temps de mettre en place l’épuration
digitalique ; extrarénale, il faut administrer au malade 50 ml de G50 % avec
les résines échangeuses de cations : on utilise le polystyrène 10 U d’insuline en bolus puis du G10 % à un débit de 50 ml/min
sulfonate de sodium (Kayexalate1) à la posologie de 30 à 90 g/j [58].
Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
j.nephro.2010.03.004
G Model
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Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
j.nephro.2010.03.004
G Model
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Pour citer cet article : Dussol B. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie. Néphrol ther (2010), doi:10.1016/
j.nephro.2010.03.004