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Les recommandations de
Date de publication :
01 juin 2005 conception architecturale
en terre

Cet article est issu de : Construction et travaux publics | Techniques du bâtiment :


l'enveloppe du bâtiment

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Les recommandations
de conception architecturale en terre

1. Renouer avec les traditions et les savoir-faire ............................... TBA1535 - 2


2. Bien connaître les pathologies classiques
pour bien construire ............................................................................... — 3
I – Pathologie de l’eau ................................................................................ — 3
A. Présence de l’eau et précautions générales...................................... — 3
B. Mécanismes et effets – Désordres typiques...................................... — 3
C. Précautions à prendre ......................................................................... — 5
II – Pathologie de la structure..................................................................... — 5
A. Désordres typiques ............................................................................. — 6
B. Principales causes de désordre structurel et structural ................... — 6
C. Grands principes de solutions constructives .................................... — 6
3. Recommandations essentielles pour la restauration
et la réhabilitation des ouvrages anciens ........................................ — 13
4. État de la situation dans le domaine du parasismique................. — 15
I – Séismes et architectures en terre ......................................................... — 15
II – Brève évocation de l’état du savoir et des pratiques ......................... — 15
III – Typologie des solutions constructives parasismiques en terre ....... — 17
IV – L’intelligence des cultures locales du risque..................................... — 17
A. Les constructions en terre, non « normées »,
sont-elles plus exposées aux risques ?.................................................. — 17
B. Cultures locales du risque : réduction de la vulnérabilité
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et meilleure résilience ............................................................................. — 18


5. Conclusion ................................................................................................ — 24

auteur s’attache ici à lister un ensemble de recommandations, à la fois


L’ techniques, expérientielles, mais aussi esthétiques, voire culturelles,
nécessaires à la (re)valorisation d’une architecture en terre qui soit simultané-
ment moderne et traditionnelle.
Un chapitre est consacré au rappel des pathologies classiques de la construc-
tion en terre. L’eau d’abord, ennemi d’autant plus redoutable qu’il est
insidieux, puis les faiblesses de la structure en elle-même. Un autre traite de la
question particulière de la restauration du bâti ancien, patrimonial ou non.
La seconde moitié de l’article est dédié au sujet délicat des risques parasis-
miques. Une interrogation est au centre des recherches actuelles : comment
concilier résistance aux séismes et recours aux ressources artisanales locales,
souvent seules accessibles aux populations à risques ?
Pour tous ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance de la construc-
tion en terre, il est conseillé de lire les articles suivants :
– sur l’introduction à la construction en terre [TBA1500] ;
– sur le matériau « terre » [TBA1505] ;
– comment stabiliser une construction en terre [TBA1510] ;
– pratiques les bons essais en architecture de terre [TBA1515] ;
– tout savoir sur les qualités de la terre [TBA1520] ;
– les normes à connaître en construction de terre [TBA1525] ;
– les bases de l’architecture en terre [TBA1530] ;
– à propos de l’actualité de la construction en terre [TBA1540].

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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE

1 Renouer avec les traditions


et les savoir-faire
Maîtriser la conception architecturale et la mise en œuvre – l’architecture pour garantir la qualité, la performance, la résis-
La qualité d’une architecture en terre (souvent appréciée, de tance et la durabilité des constructions. Cette démarche du
façon réductrice, en regard de sa durabilité) dépend fondamen- blindage est malheureusement très souvent un costume
talement de la maîtrise de la conception architecturale puis de la cache-misère qui dissimule les erreurs d’une mauvaise con-
maîtrise de la mise en œuvre, considérant que le matériau terre, ception architecturale ou d’une conception qui n’est pas
quoique performant dans la gamme de matériaux minéraux simi- spécifique au matériau terre, qui emprunte maladroitement à
laires (pierres tendres et bétons maigres, par exemple) demeure la construction en béton ou en blocs creux de béton. Les
très exposé, notamment aux mécanismes de dégradation de bâtiments ainsi conçus sont dotés de chaînages en tous
l’eau et de l’humidité. Cette relative fragilité du matériau, employé genres, d’enduits, ou cherchent une protection dans la sta-
depuis des millénaires, n’a pas pour autant limité le registre des bilisation excessive du matériau, etc. Une telle démarche
applications architecturales possibles ni les performances du tend aussi à sophistiquer la production et à grever son coût
matériau et des systèmes constructifs, ni la résistance des de réalisation.
bâtiments qui duraient souvent bien au-delà du temps de vie de
plusieurs générations successives. Cinq règles essentielles de l’art de bâtir en terre – Au-delà
de ce que l’on nommera une bonne conception architecturale,
La question centrale de la bonne conception architecturale et il est possible de résumer en cinq points les règles essentielles
de la bonne mise en œuvre oblige à reconsidérer le savoir et de l’art de bâtir en terre crue :
le savoir-faire du maître d’œuvre et du bâtisseur. C’est en effet
en renouant avec une longue tradition du « savoir concevoir » 1/ Nécessairement connaître le matériau, ses caractéristiques,
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et du « savoir bâtir » en terre et en exploitant les apports ses propriétés et ses performances.
récents d’une technologie actuelle que l’on peut et pourra
encore produire une architecture en terre de grande qualité. 2/ Nécessairement connaître les particularités de la ou des
Plusieurs dictons régionaux prennent acte de ce bon sens et techniques de construction employées (adobe, pisé, bloc com-
de cette sagesse populaires, tel ce dicton de la région du primé, bauge, torchis, etc.), leur outillage adapté et leurs
Devon, en Angleterre : « All cob wants is a good hat and good modes de mise en œuvre spécifiques.
boots » (« Tout ce que souhaite une maison en terre, c’est un
bon chapeau et de bonnes bottes », traduisons une bonne 3/ Nécessairement adopter des systèmes constructifs simples
toiture et un bon soubassement). et compatibles avec les modes de travail du matériau : bonne
résistance à la compression, faible résistance à la traction,
Force est de constater que ce « savoir architectural » et ce flexion et cisaillement.
« savoir construire » sont malheureusement aujourd’hui
éclipsés par une nouvelle démarche que l’on dénommera ici 4/ Nécessairement adopter des principes de conception, des
le « savoir blinder ». Une tendance actuelle de la construc- solutions techniques et constructives propres aux construc-
tion en terre fait en effet davantage appel à l’ingénierie, tions et aux architectures en terre en veillant à la protection
parfois très sophistiquée, en vue d’accroître la résistance à des parties de l’édifice particulièrement exposées aux agents
l’eau de la « terre » tout en ignorant la démarche tradition- dominants de dégradation (eau, chocs, par exemple).
nelle éprouvée qui consiste à rendre le « bâtiment » résistant
à l’eau, c’est-à-dire à intégrer pleinement le rôle central de 5/ Nécessairement soigner l’exécution des ouvrages.

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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE

2 Bien connaître les pathologies


classiques pour bien construire

L’observation de la pathologie classique des architectures en terre et la bonne compréhension des mécanismes (causes, effets) qui la
génèrent permettent de relever l’importance d’une démarche de conception et de mise en œuvre qui doit nécessairement intégrer un
« savoir concevoir » et un « savoir bâtir » spécifiques aux architectures en terre.

I - PATHOLOGIE DE L’EAU – le haut du mur ;


– un ensemble de points faibles localisés : tableaux d’ouver-
tures, angles extérieurs, saillies, évacuation des eaux
pluviales.
A. Présence de l’eau et précautions générales
Hors ces points faibles, on observe le plus souvent que la
Conditions favorisant l’action de l’eau – Les bâtiments partie courante des murs en terre est beaucoup moins sen-
construits en terre sont particulièrement sensibles à l’eau. sible aux agents d’altération ou de dégradation.
Pour que l’eau agisse, trois conditions doivent être réunies :
Fondations – La base des murs, à partir des fondations, peut
– présence d’eau à la surface du bâtiment ; être sujette au mécanisme malsain de capillarité qui peut avoir
– présence d’une ouverture dans cette surface qui permet à plusieurs origines : fluctuations saisonnières de la nappe
l’eau de s’introduire ; phréatique, rétention d’eau par une végétation arbustive
– action d’une force – pression, gravité, capillarité – qui fait proche des murs, détériorations du réseau d’évacuation des
pénétrer l’eau dans l’ouverture. eaux pluviales ou des eaux vannes, déficience ou absence du
drainage périphérique, stagnation d’eau à proximité des murs.
En éliminant la possibilité de réunir ces trois conditions favo- Ce mécanisme de capillarité et ces causes variées peuvent
rables au cheminement dynamique de l’eau, il est possible de créer et entretenir un état humide durable qui contribuera à
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garantir une situation saine qui préserve du risque de patho- affaiblir la base des murs en terre : changement d’état du
logie humide. matériau (de l’état solide à l’état plastique) avec une moindre
capacité à supporter les charges et un risque d’effondrement,
Comment réduire l’action de l’eau ? – Il est possible notam-
développement d’efflorescences salines qui favorisent le creu-
ment de réduire l’action de l’eau sur les murs en terre en
sement de cavités et l’attirance d’une faune d’insectes et de
construisant de bonnes fondations et en élevant des soubas-
rongeurs contribuant à accuser le minage de la base des
sements, en protégeant le sommet des murs et en supprimant
murs.
les risques de ruissellement et de condensation de surface. Il
faut toutefois veiller à ne pas imperméabiliser les murs en terre Soubassement – Au-dessus du terrain naturel, la base des
qui ont avant tout besoin de respirer, d’être perméables aux murs peut être attaquée par le rejaillissement de l’eau à partir
migrations de vapeur d’eau. La meilleure disposition à prendre du réseau d’évacuation des eaux pluviales (débordement du
consiste à éloigner l’eau du bâtiment, notamment en s’assu- flux, fuites), des appuis de baies mal conçus (absence de
rant de la bonne qualité du drainage périphérique de la base goutte d’eau, par exemple), du fait d’éclaboussures de flaques
des murs. On retiendra le fait que l’imprégnation de surface stagnantes (mauvais drainage) au passage de véhicules, du
du mur par l’eau et l’humidité, généralement suivie d’un cycle fait du lavage intérieur des sols (plinthes peu élevées) ou
d’évaporation, n’est pas très grave mais que la pénétration de encore à cause d’un phénomène de condensation de surface
l’eau et sa stagnation dans la masse des murs en terre en paroi froide (notoire en zones climatiques à écarts de tem-
peuvent l’être et causer des désordres majeurs d’ordre struc- pérature diurne et nocturne marqués), à cause d’une
turel (altération du matériau) et structural (altération de imperméabilisation de surface bloquant l’évaporation
l’enveloppe construite). (chaussée goudronnée, trottoir en béton) ou favorisant un
mécanisme de fixation de point de rosée à l’interface du mur
et de sa peau (enduit étanche), et enfin, le développement
B. Mécanismes et effets – Désordres typiques d’une flore parasite pathogène (mousse). Ces mécanismes et
causes variées contribuent au creusement et à l’infiltration de
Les actions les plus courantes de l’eau sont résumées par ce l’eau dans la base des murs, au séjour prolongé de l’humidité
que l’on dénomme « le système de la goutte d’eau » qui affaiblit la résistance du matériau et de la structure.
(cf. Fig. 1) : impact, ruissellement, stagnation, absorption, infil- Mur courant – Lorsque le mur courant est sain, il est peu
tration, rejaillissement. Dans un second temps, l’action de exposé au risque de pathologie due à l’eau ou à l’humidité.
l’humidité (plus liée à la stagnation, à la perméabilité et à la En revanche, des dégradations telles que fissures de tasse-
capillarité) agit de façon très malsaine car le plus souvent dis- ment différentiel ou de cisaillement, fissures de retrait dues
simulée. Ces actions néfastes de l’eau et de l’humidité sont aux cycles répétés de mouillage-séchage, joints de mortier
d’autant plus fortes que le matériau est d’une porosité élevée. dégradés, trous de clefs de banches non rebouchés sont des
La pathologie classique confirme l’existence de trois points voies directes d’infiltration de l’eau qui accentuent les
faibles principaux, particulièrement exposés et méritant une mécanismes de capillarité et de stagnation. Il s’ensuit une
attention soutenue lors de la phase de conception des projets : accélération des mécanismes de creusement du mur et
d’affaiblissement structural du fait d’un séjour prolongé de
– la base du mur ; l’humidité.

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Fig. 1 : Actions de l’eau, pathologie humide (doc. CRATerre-EAG).

Ouvertures et baies – Le système de la goutte d’eau est la paroi froide du mur (intérieure en été et extérieure en hiver)
notamment très actif à l’interface du mur et des tableaux génère un point de rosée à l’interface de l’enduit et du mur qui
d’ouvertures (portes et fenêtres). L’eau ruisselle au droit du lin- se traduit par une pathologie humide cachée activant la dégra-
teau, des jambages, de l’appui ou du seuil, et s’infiltre entre la dation structurelle du matériau, son creusement et pouvant
maçonnerie ou le bâti du tableau et le mur. Des dégradations, causer des risques d’effondrement inattendu du mur.
d’abord localisées, peuvent très vite s’étendre et accuser un
creusement significatif du mur en terre jusqu’à mettre en péril Planchers et toitures plates – Les appuis de poutres de
la stabilité structurale des systèmes d’ouverture et de baies. planchers et, dans certains cas, les traversées de mur par ces
mêmes poutres (systèmes traditionnels de toitures plates, par
Enduits – Lorsque les murs d’un bâtiment en terre sont revêtus exemple) peuvent être un lieu privilégié d’infiltration de l’eau,
d’un enduit étanche aux migrations de vapeur d’eau (enduits au notamment par le droit des fissures structurales dues au poin-
ciment ou enduits plastifiés, par exemple), la condensation sur çonnement aux appuis ou au cisaillement. Ces infiltrations

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localisées peuvent à la longue occasionner un affaiblissement l’acrotère exposant par la suite le haut des murs. On obser-
structural et des risques d’effondrement. vera également que le séjour prolongé d’objets sur les
terrasses, en appui contre les acrotères, ou l’arrosage de bacs
Évacuation des eaux pluviales – C’est souvent au passage à plantes décoratives peut aussi être à l’origine d’une patho-
des gargouilles mal conçues et non protégées à leurs entrées logie humide. Des toitures plates et acrotères bien drainés,
que l’on observe des problèmes d’humidité dus au ruisselle- entretenus et propres, dotés de systèmes d’évacuation des
ment et à des infiltrations. Le bouchage de ces gargouilles par eaux pluviales bien conçus suppriment le risque de pathologie
des matériaux transportés par le drainage des toitures peut humide.
amplifier cette pathologie humide : déverse, absorption d’eau
stagnante, capillarité, etc. Les gargouilles déversant en
façades exposées aux vents dominants favorisent le rejaillis-
sement sur les murs et donc un lessivage puis une érosion ; C. Précautions à prendre
il en est de même des gargouilles déversant au-dessus de
piliers ou de contreforts, de baies ou de saillies dans le mur.
Des dispositions particulières d’ordre architectural – Les
Acrotères mal conçus – Les constructions traditionnelles à bâtisseurs traditionnels, sous toutes les latitudes du monde,
toitures plates présentent souvent une solution d’acrotère cou- ont imaginé des dispositions particulières, d’ordre architectural
ronnant le haut des murs. Cette partie de l’édifice, bien (forme du bâtiment, traitement soigné des détails), qui contri-
protégée (enduit, chapeau débordant), ne présente pas de buent à assurer une bonne qualité et une bonne durabilité aux
risque d’exposition à l’eau pour peu qu’elle soit régulièrement bâtiments. On prendra ici l’exemple des architectures en
entretenue. En revanche, lorsque les mécanismes de dégra- « pisé » traditionnelles du Sud marocain (vallées du Drâa, du
dation (décollement d’enduit, dégradation partielle du chapeau Dadès, du Ziz, douars de l’Atlas) qui témoignent de cette habi-
ou fissures) sont engagés, l’action pathogène de l’eau peut lité du bâtisseur traditionnel, de ses remarquables « savoir
être très rapide et contribuer à une destruction partielle de concevoir « et « savoir bâtir » (cf. Fig. 2).
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Fig. 2 : Schéma théorique de bonne conception architecturale en terre : architecture en pisé du Sud marocain (doc. CRATerre-EAG).

II - PATHOLOGIE DE LA STRUCTURE entraîner des dégradations irréversibles. Le respect des pro-


priétés du matériau et des recommandations et codes de
bonne pratique de mise en œuvre, la réalisation de solutions
Comme toutes les constructions, celles bâties en terre sont constructives exploitant les performances et les caractéristi-
exposées à un risque de pathologie structurale qui peut ques du matériau sont indispensables pour réduire, voire

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supprimer ce risque. Dans cette approche de la pathologie ou en flexion alors qu’il ne travaille vraiment bien qu’en com-
structurale, la relation du bâtiment et de son assiette, le ter- pression, par exemple.
rain, demeure centrale, notamment en ce qui concerne les
questions relatives à la stabilité de la structure (système fon- Pathologie humide – Une forte pathologie humide peut
dation –soubassement – mur – toiture) et au tassement causer des désordres.
différentiel.
Édification d’un bâtiment en terre sur un mauvais terrain –
Le bâtiment est édifié sur un sol instable, de résistance trop
faible, gonflant ou expansif, présentant un glissement de terrain
A. Désordres typiques ou un tassement, etc.

Les désordres types de structure se manifestent par des fis- Mauvaise conception du bâtiment – Il peut s’agir de fonda-
sures mais aussi par l’effet de fortes contraintes localisées tions sous-dimensionnées ou excentrées, de murs non
(poinçonnement, flambement, effondrement), ou encore une chaînés, trop élancés, trop percés d’ouvertures, de tableaux
décomposition structurelle du matériau sous l’action de l’eau de baies trop lourds (linteaux et jambages surdimensionnés)
et de l’humidité. qui peuvent cisailler les allèges ou sous-dimensionnés (flèche
puis effondrement du linteau), de charges de toitures non
Fissures structurales – Elles proviennent le plus souvent reprises par un chaînage, etc.
d’erreurs d’exécution, de modifications ultérieures du bâtiment
ou de causes accidentelles. Une trop forte compression, un Mauvaise mise en œuvre – On peut citer le choix d’une mau-
poinçonnement localisé, des efforts excessifs de traction, de vaise terre qui pénalise la qualité du matériau de construction,
flexion ou de cisaillement peuvent mettre le matériau en situa- des systèmes constructifs mal exécutés (mauvais appareillage
tion de dépassement de résistance aux contraintes des blocs de terre, mauvais ancrage des poutres de plancher,
mécaniques. Ces contraintes, qui sont soit localisées (ouver- évacuations des eaux pluviales mal soignées, par exemple),
tures, planchers), soit exercées dans la masse des murs etc.
(mauvaises fondations et tassement différentiel), créent des
Causes annexes – Elles sont nombreuses : les influences cli-
fissures qui sont à même de diminuer la stabilité des édifices
matiques (action du vent sur un terrain de pathologie humide
et de créer des voies d’infiltration de l’eau.
qui accroît l’érosion), actions multiples des êtres vivants (grat-
tage et arrachage du matériau, actions des insectes, petits
Fissures de retrait – Elles sont le plus souvent dues à des
rongeurs et autres animaux, flore parasite), etc.
négligences de contrôle de la qualité du matériau terre
employé et de sa mise en œuvre (mauvais contrôle de la TEO
avec compactage côté humide par exemple). Des terres trop
argileuses ou réciproquement peu cohésives, présentant des C. Grands principes de solutions constructives
propriétés d’instabilité structurelle aux cycles d’humidification-
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séchage ou de porosité élevée, sont exposées à des risques Connaissance et maîtrise des techniques – Nous n’entre-
de fissurations de retrait. Ces fissures sont caractéristiques, rons pas ici dans le détail des solutions constructives qui sont
verticales et régulières (tous les 0,50 m à 1 m pour le pisé, fort nombreuses sachant que le matériau terre peut être
par exemple). Le retrait peut être aussi dû à de fortes varia- employé dans tous les systèmes et être associé à une gamme
tions hygrothermiques (diurnes-nocturnes, saisonnières). infinie d’autres matériaux et composants. La littérature tech-
nique peut apporter des précisions fort utiles aux concepteurs
Flambement – L’élancement d’un mur mal ou non chaîné, et aux bâtisseurs et surtout leur éviter de graves erreurs. Il
l’exercice localisé de charges trop importantes peuvent être à suffit de rappeler ici que la construction en terre est un art
l’origine de fortes contraintes mécaniques pouvant déformer la spécifique qui décrit des règles et des codes de bonne pratique
structure : flambement du mur, ventre extérieur que traduisent qui lui sont propres. C ’est en effet en dérogeant à la
souvent des fissurations (pas toujours car la terre présente connaissance des propriétés et caractéristiques, à l’application
des caractéristiques de fluage très importantes). des principes de conception et des modes d’exécution qui
sont propres au matériau terre et à l’architecture en terre que le
Effondrement – La perpétuation d’une pathologie humide et maître d’œuvre et le bâtisseur s’exposent à des risques patho-
l’accumulation des contraintes mécaniques exercées sur le logiques. Tout art exige une parfaite connaissance et une
matériau ou les systèmes constructifs accroissent la fragilité bonne maîtrise des outils et des techniques qui lui sont propres
des structures et diminuent leur résistance. Des contraintes auxquelles s’ajoute l’expérience cumulée. Cet apprentissage
occasionnelles ou accidentelles (tassement différentiel, tasse- par la voie des essais et des erreurs est le lot du bâtisseur en
ment du terrain, gonflement du sol, séismes) peuvent terre comme celui du bâtisseur en d’autres matériaux.
également être à l’origine d’un effondrement du bâtiment,
partiel ou total.
On attirera ici l’attention des maîtres d’œuvre et des entrepre-
Décomposition du matériau – La structure minéralogique et neurs sur l’identification de la typologie générale des
physico-chimique du matériau peut évoluer et se désagréger, dispositions constructives et spatiales possibles (murs, ouver-
notamment sous les effets de l’eau et de l’humidité, du gel, de tures, ressources du plan, couvertures) à partir d’un même
fortes chaleurs. La fixation de sels ou de parasites organiques élément de construction, pour les principaux modes de mise
peut contribuer à cette désagrégation structurelle et par suite en œuvre du matériau terre que sont le pisé et la brique (le
structurale. bloc de terre comprimée et le bloc d’adobe). Cette typologie
est synthétisée par les illustrations suivantes :

B. Principales causes de désordre – pour le pisé (cf. Fig. 3, Fig. 4 et Fig. 5) ;


structurel et structural – pour la brique (cf. Fig. 6, Fig. 7, Fig. 8 et Fig. 9).

Des exemples de concepts architecturaux empruntés à des


Sollicitation du matériau et des systèmes constructifs à architectes célèbres montrent que le matériau terre est doté
l’encontre de leurs propriétés et caractéristiques de grandes ressources qui ont déjà été mises en valeur par
mécaniques – Le matériau terre peut être sollicité en traction les traditions et la modernité architecturales.

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Fig. 3 : Le pisé : la banchée et les types constructifs de base ; la structure et les murs ; les ouvertures (doc. CRATerre-EAG).

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Fig. 4 : Architecture en pisé : ressources du plan et couvertures (doc. CRATerre-EAG).

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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE


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Fig. 5 : Le pisé : exemple de mise en forme architecturale (doc. CRATerre-EAG).

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Fig. 6 : Le bloc de terre et les types constructifs de base (doc. CRATerre-EAG). Fig. 7 : Le bloc de terre : structure et murs(doc. CRATerre-EAG).

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Fig. 8 : Les ouvertures dans un mur en blocs de terre (doc. CRATerre-EAG).

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Fig. 9 : Architecture en blocs de terre : ressources du plan et couverture (doc. CRATerre-EAG).

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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE

3 Recommandations essentielles
pour la restauration et la réhabilitation
des ouvrages anciens

Il n’y a pas de « recettes », plutôt des solutions appropriées. Mais il y a certainement des interventions totalement néfastes. En restauration
ou réhabilitation, il faut surtout éviter de bouleverser le système d’équilibre initial du bâtiment. Voici un ensemble de dix recommandations
assorties d’une description de modes d’intervention qui permettront de guider les maîtres d’œuvre et les entreprises dans leurs pratiques
de restauration et de réhabilitation d’ouvrages anciens en terre.

L’importance d’un bon diagnostic – Avant d’engager la res- La reprise des fissures – Les fissures « mortes », même
tauration ou la réhabilitation d’un édifice en terre crue, il larges, comme les cavités, peuvent être facilement rebou-
importe d’établir un diagnostic clair de son état. Il faut bien chées au mortier de terre sablo-argileuse (au maximum 10 à
observer les symptômes mais surtout en comprendre les 15 % d’argile pour limiter le retrait). Il faut absolument éviter
causes. Sans cela, les interventions ne seront que des pis- le ciment qui n’adhère pas au pisé et qui peut créer des ponts
aller pouvant repousser l’échéance de problèmes plus graves. thermiques localisés (risques de condensation). Les fissures
Un bon diagnostic distingue et analyse les problèmes « vivantes » (si les témoins au plâtre se sont fissurés) peuvent
« extrinsèques », liés à l’environnement du bâtiment (prendre exiger un traitement plus lourd : consolidation du sol et des
du recul, observer autour), les problèmes « intrinsèques », liés fondations par injections de béton.
au bâtiment lui-même, à l’évolution de ses matériaux, struc-
tures et systèmes construits. C’est le plus souvent un La réalisation d’un chaînage n’est indiquée qu’en cas de très
déséquilibre de la relation entre le bâti et son environnement, graves problèmes de structure : désolidarisation des angles,
ou une rupture accidentelle de l’équilibre initial, qui est à l’ori- fissures en « coups de sabre » nombreuses, reprises de
gine des problèmes et des symptômes qui en sont la maçonnerie importantes. C’est une opération coûteuse qui
manifestation. Un édifice en terre peut être sujet à deux types demande une découverte de toiture et la dépose de la char-
de pathologies : celles d’humidité et celles de structure. pente. Il n’est pas nécessaire de couler un chaînage sur toute
l’épaisseur du pisé mais il est indispensable de le positionner
La terre ne fait pas bon ménage avec l’eau – Elle est au moins dans le tiers central de l’épaisseur du mur pour
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particulièrement sensible aux effets de la pluie qui ruisselle le garantir une bonne verticalité de la descente des charges.
long des murs (voie d’eau en toiture, chéneau ou descente Pour être efficace, un chaînage doit être bien ancré au mur
dégradés), qui rejaillit en pied de mur, et aux remontées (pose préalable de fers verticaux) et chargé en son couronne-
d’humidité par ascension capillaire (terrain saturé d’eau, mal ment (40 cm au minimum de maçonnerie en terre, briques
drainé, rupture de canalisation). D’autres facteurs peuvent crues ou pisé coffré).
accentuer cette présence d’humidité : des trottoirs étanches Le sol du rez-de-chaussée – La réalisation d’une dalle en
en base des murs à l’extérieur, un dallage en béton en inté- béton trop dosée en rez-de-chaussée (au-delà de 150 kg/m3
rieur, des enduits trop étanches au ciment, une végétation à 180 kg/m3) qui bloquerait l’évaporation doit être absolument
immédiate abondante et mal entretenue. évitée. Il faut préférer la pose d’un pavement en carreaux de
terre cuite sur sable stabilisé ou chape de mortier maigre de
Faire respirer le bâtiment – Une règle essentielle doit être chaux et sable recouvrant une couche de terre compactée sur
rappelée : un édifice en terre et ses abords immédiats doivent hérisson de pierres.
« respirer » : l’humidité, sous quelque forme qu’elle soit, doit
pouvoir s’évaporer, être évacuée. Des drains français classi- La création de nouveaux planchers – La réhabilitation des
ques, en rigole comblée de pierres et galets, mais éloignés du bâtiments anciens (granges, par exemple) en logement amène
mur (à 80 cm au minimum), sont recommandés. Au pied des souvent à créer de nouveaux planchers. De même, la restau-
murs, le sol compacté en pente légère et une bande de gra- ration peut poser le problème de la restructuration des
viers favoriseront la respiration du sol et une évaporation planchers avec un rehaussement ou un abaissement des
naturelle de l’humidité. Il faut éviter de planter des fleurs ou niveaux. Dans chacun de ces cas, l’ancrage des poutres dans
des arbustes contre les murs car ils retiennent l’humidité. les murs doit être convenablement résolu. On ne saurait trop
insister sur l’utilisation de matériaux compatibles avec les
La terre crue ne travaille bien qu’en compression – Elle maçonneries en terre. Il faut préférer la réalisation de plan-
résiste très mal aux efforts en traction et au cisaillement. Ces chers traditionnels en bois plutôt que celle de planchers à
efforts sont le plus souvent à l’origine de fissures, voire de poutrelles en béton et hourdis ou même de dalles de béton
flambement (ventre du mur, faux aplomb accentué) pouvant armé. Ces solutions « dures », souvent proposées par les
évoluer au pire des cas vers un glissement et un effondre- entreprises, perturbent considérablement l’équilibre initial du
ment. Les fissures les plus graves résultent souvent d’un bâtiment et induisent des rigidités structurales qui peuvent pro-
tassement différentiel entre l’édifice et le sol. Des charges voquer a posteriori des fissures. Aujourd’hui, les solutions de
excessives et concentrées, l’adossement d’une extension planchers en poutres de bois et panneaux de fibres agglomé-
(auvent, appentis, hangar) contre un bâti plus ancien, la pré- rées, cloués ou vissés, sont courantes et tout à fait adaptées
sence d’humidité dans le sol ont pu causer ce tassement et à la restauration ou à la réhabilitation des ouvrages en terre.
ces fissures très reconnaissables, ou « coups de sabre », qui Mais pour toute réalisation de planchers, l’ancrage des
partent du bas des murs, évoluent en diagonale et s’élargis- poutres maîtresses (celles qui porteront un solivage secon-
sent vers le haut. Il faut avant tout s’assurer que les fissures daire) dans les murs doit être suffisamment important afin
sont stabilisées : des témoins au plâtre, datés et évalués sur d’éviter que ne se produise un poinçonnement (charges con-
quelques mois permettent de vérifier si elles sont « vivantes » centrées) ou une rotation qui entraîneraient une rupture du
ou « mortes ». matériau et un effondrement. Il faut donc ancrer ces poutres

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au-delà du mi-mur et surtout bien installer leur assise sur une avantage qui n’est pas le moindre, un enduit en terre est une
semelle de répartition de la charge (qui facilite aussi le réglage protection antifeu exceptionnelle. C’est pourquoi on observe
du niveau de pose de la poutre) réalisée si possible en bois aujourd’hui un retour impressionnant des enduits en terre avec
(section de madrier). Cette assise peut aussi être réalisée en la diffusion de produits prêts à l’emploi (terre livrée en sac) et
briques maçonnées. La dimension de cette semelle est supé- des artisans qui se spécialisent. Nous avons déjà signalé la
rieure à la section horizontale de la poutre, de part et d’autre. possibilité d’utiliser du mortier de terre pour la reprise des fis-
On veillera aussi à maintenir un vide d’air (1 à 2 cm) entre le sures et le rebouchage de cavités dans les murs en pisé à
bout de la poutre ancrée et le mur de terre afin de ventiler, restaurer. Cela est en effet bien plus adapté qu’un rebouchage
évitant ainsi le risque de condensation et de pourrissement du au béton ou aux parpaings de ciment qui est, hélas, trop
bois. Le rebouchage des cavités réalisées par l’ancrage des souvent pratiqué par les entreprises. Une fois ce mal fait, on
poutres, autour de celles-ci, peut être effectué au mortier de peut envisager, au moins en parement intérieur des murs, de
chaux et sable ou encore au plâtre qui opère une légère maquiller ces reprises avec un enduit de terre. Une première
expansion au séchage. Ces poutres « murales » ou couche peut alors être réalisée avec une terre assez argileuse,
« muraillères » peuvent être soutenues par des corbeaux ou qui collera bien, mais qui fissurera au séchage. Une couche
des petits poteaux, selon leur portée. Des solutions à porti- de finition devra être ensuite réalisée avec une terre plus
ques en bois (trois à quatre portiques selon la dimension des argilo-sableuse, mêlée de paille hachée. Il faudra éviter de
espaces restructurés), indépendants des murs, venant trop charger ces enduits de reprise à la terre (faible épaisseur)
reprendre la charge des solives et des planchers sont aussi car ils n’adhéreraient pas suffisamment. En maquillage exté-
bien adaptées. Ce sont les solives et les planchers eux- rieur de reprises au béton ou en parpaings, ce seront plutôt
mêmes qui garantissent le contreventement et donc la stabilité les enduits à base de chaux, éventuellement sur une couche
de ces solutions. de terre, qui conviendront. Cela permettra au moins de sup-
primer l’effet de « spectre » visible des parpaings que l’on
Les baies et autres ouvertures – La création d’ouvertures observe sur les enduits au ciment par temps humide.
surdimensionnées, la concentration de nouvelles ouvertures,
l’ajout de balcons, l’utilisation abusive d’autres matériaux que
la terre pour reprendre la structure (les blocs de béton ou le L’isolation – Si l’on souhaite isoler une maison en terre, il faut
béton coffré) doivent être évités (modification de l’équilibre éviter les doublages intérieurs en panneaux complexes préfa-
initial et ponts thermiques, condensation). Il est tout à fait pos- briqués plaqués sur les murs qui posent souvent, à la longue,
sible de réaliser des reprises de maçonnerie en pisé coffré, des problèmes de condensation cachée. On doit préférer des
en briques de terre, voire en bauge (boules de terre et paille). matériaux compatibles qui contribueront à valoriser l’inertie
Les reprises ou créations de tableaux de baies peuvent être thermique. Sur un dressage intérieur à l’enduit de terre et
faites en briques cuites hourdées à la chaux ou en bois massif. paille (1 cm), on pourra appliquer des panneaux de roseaux
et barbotine de terre (épaisseur maximum de 5 à 7 cm) ou
Les enduits en terre – La tradition des enduits en terre n’est des briques de terre-paille bâties au mortier de terre, ou
pas courante en France où l’on préférait une finition au badi- encore un dressage en terre-copeaux bois. En surface, ces
geon ou à l’enduit de chaux. Mais l’on oublie que cette finition matériaux isolants peuvent recevoir un dressage en barbotine
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était le plus souvent réalisée sur un corps d’enduit en terre de terre finement tamisée puis un badigeon ou un enduit
argilo-sableuse amendée en paille finement hachée. Beau- mince à la chaux calcique, un plâtre, voire une peinture (éviter
coup d’édifices du patrimoine en pan de bois et torchis le absolument les peintures étanches). L’isolation extérieure,
confirment. Aujourd’hui, le renouveau des enduits en terre, du rarement pratiquée, est possible bien qu’elle contribue à sup-
fait d’exigences normatives de résistance mécanique et de primer l’aspect du matériau terre. Après un rebouchage des
protection contre la pluie, est difficilement accepté en revête- fissures et trous au mortier de terre sablo-argileuse, cette iso-
ment extérieur mais toléré en parement intérieur. Ces enduits lation peut être réalisée avec les matériaux évoqués qui sont
en terre présentent plusieurs avantages. Tout d’abord leur posés contre un dressage préalable au mortier de terre. En
compatibilité avec les murs en terre auxquels ils adhèrent bien finition, ils recevront un enduit qui sera réalisé en chaux et
est parfaite. Ensuite, ils possèdent des qualités esthétiques sable. Les chaux le plus indiquées sont de dénomination
évidentes de texture (grain et matière) et de couleur, avec une « naturelle » ou chaux « calcique » (CL90 ou CL80) et peuvent
palette très riche de teintes selon l’oxydation des terres et la être mélangées à des chaux moyennement hydrauliques
coloration naturelle de leur fraction argileuse. Enfin, autre (NHL2) selon des dosages bien répertoriés.

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4 État de la situation
dans le domaine du parasismique

I - SÉISMES ET ARCHITECTURES EN TERRE qui connaissent de multiples variantes locales, confirmant que
les bâtisseurs traditionnels en terre ont depuis longtemps
intégré le risque sismique dans leurs pratiques, imaginant des
Une activité sismique terrestre et sous-marine perma- solutions ingénieuses efficaces. Mais la perte de savoir-faire
nente – Les séismes sont à l’origine de tragédies humaines qui résulte des mutations souvent radicales des cultures cons-
considérables, causant la mort de milliers de personnes, tructives, depuis l’avènement de la modernité et de l’ère
comme nous le rappellent les terribles événements qui ont industrielle, a souvent éclipsé cette ingéniosité. Alors que dans
détruit durant ces dernières décennies des villes entières, au ces nombreuses régions exposées au risque sismique, une
Mexique (Mexico), au Pérou, au Japon (Kobe), en Iran (Gasvin grande part de la population mondiale ne peut pas encore
et Bam), en Turquie, en Italie ou, plus récemment, en accéder aux matériaux et aux solutions constructives actuelles
Indonésie où l’effet tsunami (raz-de-marée) a été particuliè- que propose le génie parasismique contemporain, trop coû-
rement dévastateur. En l’espace de quelques secondes, les teuses, alors que la conservation des patrimoines
habitats s’effondrent, écrasant leurs occupants sous la charge architecturaux en terre, monumentaux et vernaculaires,
des toitures et des dalles, des murs porteurs qui se déversent. s’impose comme un enjeu culturel et économique interna-
Face à un séisme de forte magnitude (établie sur l’échelle de tional, le rétablissement des savoir-faire de ces cultures
Charles Richter en 1935 jusqu’à la valeur de 10) et de grande constructives traditionnelles, douées d’une capacité de
intensité (de I à XII sur l’échelle d’intensité Mercalli modifiée), réponse au risque sismique, devient un défi que notre monde
peu d’ouvrages sont capables de résister suffisamment long- contemporain se doit de relever.
temps, quels que soient les matériaux de construction
employés, pour garantir la survie des occupants.
Des progrès considérables accomplis dans le domaine du
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génie parasismique – Ils permettent aux structures de mieux


II - BRÈVE ÉVOCATION DE L’ÉTAT
supporter les effets cumulés des forces sismiques combinant DU SAVOIR ET DES PRATIQUES
les accélérations verticales et horizontales. Ces progrès ont
donné lieu à l’établissement de normes qui sont applicables La littérature scientifique et technique qui couvre le champ des
principalement aux matériaux et aux structures contempo- recherches et expérimentations dans le domaine de l’architec-
raines édifiées en béton armé et/ou en acier. Dans l’ensemble ture en terre et du risque sismique est de plus en plus
du monde habité, l’activité sismique qui résulte principalement importante. Elle résulte de près de cinquante ans d’activité
des mouvements de la croûte terrestre, ce que l’on nomme la déployée dans ce domaine, notamment dans les pays les plus
tectonique des plaques, est toujours très importante dans exposés tels que les pays d’Amérique (du Nord et latine), la
beaucoup de régions où existe encore une architecture tradi- Turquie ou les pays d’Asie centrale. Cette littérature concerne
tionnelle valorisant les cultures constructives de la terre crue. des recherches relatives à la détérioration sismique (patholo-
C’est le cas sur l’ensemble du littoral américain de l’océan gies) et aux interventions de génie sismique rétroactif, dans
Pacifique, du nord au sud, à la confluence de la plaque du trois catégories principales d’activités qui sont :
Pacifique, de la plaque nord-américaine, de la plaque caraïbe,
de la plaque des Cocos, de la plaque Nazca et de la plaque 1/ les observations de terrain avec :
sud-américaine. C’est aussi le cas dans l’ensemble du bassin
méditerranéen, au carrefour de la plaque eurasienne, arabique – l’observation des types de dégâts causés aux structures en
et africaine ou encore en Asie, à la rencontre de la plaque maçonnerie traditionnelle en terre non renforcées ;
eurasienne, indienne et des Philippines. Les constructions tra- – l’observation des performances des structures en terre
ditionnelles en terre demeurent très exposées au risque renforcées ;
sismique, et en cas de grave séisme, elles sont immédiate- – l’observation des performances basées sur la « culture
ment pointées du doigt, incriminées de la mort des hommes. sismique » ;
Pourtant, à y regarder de plus près, force est de constater que
2/ les tests, avec :
ce n’est pas à proprement parler le matériau terre qui doit être
incriminé mais les déficiences du savoir bien construire. En – l’étude des paramètres de construction en fonction de la
effet, dans beaucoup de situations de graves séismes, peu de performance ;
structures résistent, qu’elles soient en béton, en acier, en – le développement d’interventions sismiques spécifiques ;
pierre, en terre, lorsqu’elles sont mal construites. Les dégâts
sont souvent l’effet de la perversion des cultures constructives, 3/ les procédés analytiques permettant :
de la corruption économique mais aussi de l’absence de
« mémoire » populaire du risque sismique. – l’analyse des types de dégâts/effondrements des maçonne-
ries traditionnelles en terre non renforcées ;
L’existance d’une véritable culture constructive en terre – l’analyse des interventions sismiques spécifiques ;
parasismique – Comme en témoignent nombre de traditions – le calcul prévisionnel de la performance.
populaires dans les régions les plus exposées à ce risque
majeur, il existe véritablement une culture constructive en terre Nous dressons par la suite un bref état de la situation dans
parasismique. Cette culture propose un ensemble de solutions chacune des catégories d’activités de recherche.

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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE

Les observations de terrain – Les observations in situ des Toujours à l’Université catholique de Lima, plusieurs facteurs
dégâts sismiques causés aux architectures en terre font influençant la résistance des maçonneries en briques de terre
souvent partie d’un plus large effort d’inventaire des dégâts crue ont été identifiés. Ce sont :
causés à tous types de structures édifiées par l’homme,
comme des phénomènes géologiques. Ces observations ont – les propriétés des sols utilisés pour produire les adobes ;
donné des informations sur les performances des structures – le mode de séchage des briques crues et notamment la fis-
en maçonnerie traditionnelles, notamment dans le contexte suration de retrait ;
turc, dans les années 1990. Parfois, d’autres études plus – l’effet d’une stabilisation des briques à la chaux ou au ciment
poussées ont porté sur des patrimoines architecturaux en terre et d’un agent dispersant comme le carbonate de sodium ;
très spécifiques comme cela a été le cas en Californie, après – le mode de construction.
le séisme de Northridge (janvier 1994). De même, des inter-
Suivant ces études, des tests de résistance de neuf modèles
ventions de consolidation post-séisme ont pu être évaluées
de bâtiments de type rural en R + 1, en taille réelle ont été
comme c’est également le cas dans le même contexte
développés sur une table sismique.
californien.
Ces tests, qui ont été principalement conduits sur le continent
Ces observations ont parfois été corroborées par des tests réa- américain (nord et sud) dans les années 1970 à 1990, ont
lisés en laboratoire, sur modèles construits soumis à des aussi été développés en Europe, notamment en Slovénie. Ils
secousses sismiques simulées sur tables vibrantes. D’autres ont porté sur les effets des renforcements horizontaux et de
études ont aussi montré qu’il existe une véritable culture sis- la résistance du mortier, sur la résistance et la ductilité de
mique, comme nous l’avons précédemment relevé, qui seize modèles de murs spécimens en maçonnerie à échelle
influence directement la conception structurale et architecturale. réduite. Ces murs ont été soumis à des efforts constants en
Des chercheurs ont également effectué des études historiques compression et latéraux. Cette recherche a montré que la duc-
sur l’évolution de la maçonnerie renforcée en contexte sismique tilité d’un mur en maçonnerie peut être améliorée en
comme c’est le cas de Tobriner (1984) couvrant la période allant augmentant la quantité des renforts horizontaux. Mais à un
de 1755 à 1907. Cette étude présente notamment un système certain point, l’efficacité de ces renforts est inversement pro-
qui a été mis au point par des ingénieurs après le terrible portionnelle au rapport de renforcement.
séisme de Lisbonne (Portugal), en 1755. Il s’agit d’un système
de structure intérieure en cage de bois dénommé « gaiola » ou La Commission européenne a financé, en Italie (à l’ISMES de
système du Marquis de Pombale qui fut à l’origine de la recons- Bergamo) et en Grèce (au LEE d’Athènes), en 1998 et 1999,
truction de la ville totalement détruite. Un système similaire a des recherches et des programmes de test sur les maçonne-
été identifié en Italie, en 1783, dénommé la « casa baraccata ». ries en pierre et en brique qui sont particulièrement utiles pour
En Angleterre, en 1825, des solutions de renforts extérieurs de les architectures de terre. Quatorze modèles réduits (échelle
murs en briques cuites, en bandes d’acier (comme les cerceaux 1/2) de bâtiments en brique et en pierre de deux niveaux, cer-
d’un tonneau) ont été repérées, et ce même principe a été lar- tains d’entre eux ayant fait l’objet de réparations préalables
gement développé en Italie après plusieurs séismes, au-delà (intervention post sismique simulée), d’autres ayant été ren-
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des années 1850. Les solutions de renforcement en fers à forcés par divers procédés, ont fait l’objet de 119 tests sur des
béton ou autres composants en acier (nappes treillis), noyés tables sismiques vibrantes. L’efficacité de diverses méthodes
dans l’épaisseur des joints de mortier des maçonneries, ont été d’intervention post-sismique a aussi été testée. Cette
expérimentées aux États-Unis, après des séismes successifs à recherche a montré qu’une augmentation significative de la
San Francisco (1865 et 1868) et après celui, très dévastateur, résistance latérale peut être obtenue par des techniques aussi
de 1906. Elles ont été plus généralement appliquées après les simples que le rebouchage des fissures et l’application de ren-
séismes de Santa Barbara (1925) et de Long Beach (1933). forcements horizontaux.
Un autre programme de la Commission européenne,
Les tests – Tester en laboratoire des spécimens de murs ou dénommé ISTECH, a mis l’accent sur le développement de
des modèles de bâtiments à échelle réduite est un moyen qui techniques de mitigation sismique pour la restauration
a favorisé l’innovation dans le domaine des interventions sis- d’ouvrages du patrimoine culturel et notamment des structures
miques. Ces tests ont également permis de mieux connaître en maçonnerie affectées par les séismes. L’une des techni-
le comportement des structures en maçonnerie traditionnelle ques les plus innovantes qui a été développée consiste à
non renforcée. Ainsi, en Turquie, des tests ont été effectués employer des éléments de connexion en matériau élastique.
sur des murs en briques de terre crue modélisant une boîte Ce procédé est connu sous le nom de procédé à mémoire de
quadrangulaire soumise à une compression constante dans le forme pouvant être employé pour précomprimer les maçonne-
plan du mur et normale aux joints horizontaux de mortier. ries. Les tests ont montré que les structures qui en sont dotées
Cette même structure a été aussi soumise à des efforts crois- ne présentent aucun dégât, et le procédé a ensuite été
sants simulant une compression et un cisaillement en appliqué sur divers ouvrages patrimoniaux d’Italie, notamment
diagonale. Au Pérou, l’Université catholique de Lima, qui sur le clocher de San Giorgio de l’église Trigano à San Martino
héberge de grands spécialistes de cette question du génie qui avait été endommagé par le séisme de Reggio (Emilie) de
parasismique pour les constructions en terre, a aussi réalisé 1996. Il a également été utilisé pour la reconstruction du
des tests de résistance aux efforts appliqués en diagonale sur tympan du transept de la basilique de Saint François d’Assises
des murs en pisé, mettant en corrélation les paramètres de sérieusement endommagé par le séisme de septembre 1997.
construction, la performance et le développement d’interven-
tions sismiques spécifiques. D’autres programmes de Les procédés analytiques – Des outils analytiques ont été
recherche ont fourni un grand apport de connaissances sur le utilisés à l’occasion de la plupart des recherches et des pro-
comportement des structures en terre durant les séismes. Ils grammes de test sur des modèles construits en terre ou des
ont aussi permis l’élaboration de solutions visant à réduire composants. Parmi les méthodes les plus innovantes, deux,
considérablement les effets des dommages leur étant causés. développées en Italie (Casolo et al., 2000 ; Azevedo et al.,
Ces expériences ont notamment valorisé l’importance du rôle 2000), méritent d’être relevées. Elles ont permis de déter-
des chaînages en béton armé ou en bois en couronnement miner les typologies d’effondrement des structures en
des murs, du confinement extérieur et intérieur des maçonne- maçonneries de pierre. La première recherche a développé
ries par des mailles grillagées, du rôle de barres rigides reliant des analyses numériques sur modèles simplifiés permettant
des murs opposés dans leurs parties hautes. Ces études ont de prédire et d’évaluer le comportement sismique hors du
montré que la solution la plus efficace est celle du confinement plan des murs en maçonnerie (façades d’une église) en
extérieur et intérieur des murs d’adobe par des grillages. situations variées de géométrie, de résistance des matériaux,

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de comportement matériel post-élastique et de caractéristi- Autres solutions – On peut citer :


ques d’excitation. Dans la plupart des cas, l’action sismique
exercée sur les façades semble les diviser en des blocs – les solutions d’enduits extérieurs « armés » par des mailles
rigides qui sont connectés entre eux par des zones hautement textiles (toile de jute) plus récemment remplacées par des
dégradées qui révèlent des typologies de fracture simples et grillages galvanisés résistant à la corrosion ou encore par des
récurrentes. La seconde recherche a utilisé une technique mailles en polymères, voire par des habillages en géopoly-
d’analyse en « méthode d’élément discret » qui s’inscrit dans mères (bidim et similaire) ;
la classification générale des techniques d’analyse discontinue – les solutions de câbles horizontaux et verticaux, ou de bandes
visant à analyser le comportement sismique des structures en de caoutchouc ou de polymère, noyés dans les enduits exté-
maçonnerie. La méthode permet de reproduire le phénomène rieurs, contribuant à un confinement des structures.
d’ouverture des fissures et de glissement des joints, simulant
un dommage progressif associé à la propagation des fissures Rappel
et à des déplacements et rotations entre les blocs de maçon- D’une manière générale, la construction en matériaux mixtes
nerie. La méthode peut aussi intégrer des schémas de présente davantage de faiblesses au risque sismique. C’est
renforcement comme des câbles horizontaux et verticaux le cas des structures en briques cuites et briques crues et
reliant différents blocs. Elle a été appliquée pour évaluer les surtout celui de systèmes en ossatures acier ou béton qui
typologies de dommages de différents éléments de structures sont hourdées de matériaux de terre crue. Un problème par-
soumis à l’action de leur propre poids et d’une action sismique, ticulièrement important concernant les ossatures en béton
comme des structures en arcs et colonnes puis à des modèles armé est le danger majeur qui provient de leur mise en réso-
structuraux plus complexes comme des clochers et des nance lors de l’encaissement des secousses. Ainsi, tout type
aqueducs. de structure qui valorise les solutions avec des portiques ou
des piliers et colonnes en béton armé, au premier niveau des
édifices, est particulièrement à proscrire. De même, pour ce
qui concerne les interventions de restauration des bâtiments
III - TYPOLOGIEDES SOLUTIONS CONSTRUCTIVES en terre traditionnels, l’introduction de réparations ou d’élé-
PARASISMIQUES EN TERRE ments de restauration/reconstruction partielle en béton doit
être proscrite. La question de la compatibilité des matériaux
Ce sont souvent des dispositions constructives simples mais face au risque sismique est essentielle. Pour ce qui est de
efficaces qui garantissent une bonne résistance des construc- la construction en maçonnerie de petits éléments, mieux vaut
tions en terre au risque sismique. également utiliser un mortier de pose qui soit plus ductile –
et donc peu rigide – des mortiers de terre argilo-sableuse ou
La morphologie des plans et des structures – On note de terre stabilisée à la chaux, par exemple.
l’absence de configurations en « L », en « T » ou en « U », au
profit de la juxtaposition de modules carrés ou rectangulaires
séparés et reliés fonctionnellement par des espaces de tran-
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sition (halls, couloirs et galeries). IV - L’INTELLIGENCE DES CULTURES LOCALES DU RISQUE

La recherche de davantage de stabilité – Cette stabilité peut


être obtenue par la masse de murs plus épais en rez-de- A. Les constructions en terre, non « normées »,
chaussée ou rez-de-jardin (rapport d’élancement entre l’épais- sont-elles plus exposées aux risques ?
seur et la hauteur des murs se situant à une valeur inférieure
à 5, et même plus favorablement égale ou inférieure à 3,5 ;
les ratios supérieurs à 5 correspondent à des murs moins Les défaillances du bâti face aux risques naturels (inonda-
épais et susceptibles de se déverser), avec des contreforts tions, tremblements de terre, éruptions volcaniques,
aux angles, capables de mieux encaisser les mouvements éboulements, ouragans, cyclones), et le processus de gestion
verticaux, rehaussés par des étages en ossatures bois, tels du risque qui en découle, constituent l’un des principaux fac-
que colombages, plus ductiles (capables de mieux encaisser teurs de stimulation dans l’évolution et l’innovation des
les mouvements horizontaux) et dissipant l’énergie sismique. techniques.

L’intégration de chaînages – Ces chaînages sont souvent en Les constructions en terre crue semblent être plus vulnéra-
bois, par tradition, intégrés en parties basse, intermédiaire et bles, principalement du fait de leur moindre capacité de
haute des murs. Certaines cultures régionales ont même résistance à la traction, et de leur sensibilité à l’action de l’eau.
imaginé des solutions d’appui en rondins transversaux qui per- Mais aussi à cause de la grande variabilité des sols d’où l’on
mettent d’encaisser les mouvements horizontaux ; c’est le cas extrait la terre pour construire, variabilité qui génère une com-
en Ouzbékistan. position plus difficilement contrôlable et la versatilité des
propriétés mécaniques fondamentales.
L’inclusion dans l’épaisseur des murs de terre de renforts
Des constructions échappant aux ingénieurs – À l’instar
horizontaux et verticaux – Les renforts horizontaux sont en
des constructions traditionnelles en maçonnerie de pierre ou
nappes de chevrons ou de baguettes intégrés dans l’épaisseur
de brique cuite, les constructions en terre crue peuvent être
des joints de mortiers ; les renforts verticaux sont souvent en
définies comme échappant au contrôle des ingénieurs. Elles
bois ou en bambous et roseaux.
sont réalisées, la plupart du temps, par leurs propriétaires, en
L’allégement de la densité des matériaux dans les parties utilisant les seules ressources locales utiles et directement
hautes des murs – Il peut être réalisé par l’emploi de briques accessibles. Elles font appel aux savoirs et aux gestes
de terre crue allégées (plus riches en fibres), ou par la mise transmis par l’apprentissage et la pratique, hors des normes
en œuvre de panneaux préfabriqués en ossature bois, de construction qui s’appliquent presque toujours exclusive-
hourdés de torchis, de terre-paille ou de bauge allégée. ment aux matériaux de construction industriels et aux
techniques modernes qui leur sont associées. En général,
La réduction des charges propres des planchers (systèmes contrairement aux constructions modernes, les constructions
en bois plutôt que dalles) – Des systèmes de diaphragmes traditionnelles en terre ne sont pas ou très rarement projetées,
autorisant un mouvement horizontal sans écroulement, et l’allé- construites ou contrôlées durant leur processus d’exécution
gement des toitures (charpentes et matériaux de couverture) par des architectes ou des ingénieurs qui sont les professions
permettent de réduire les charges propres des planchers. formées à ces fins.

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Une pratique locale – Les architectures en terre, comme les meilleures permettant d’utiliser les matériaux les moins
toutes les autres architectures traditionnelles, sont le produit coûteux et localement disponibles. Ces dispositions font un
d’expériences, d’essais et d’erreurs, de nouvelles tentatives usage intelligent des capacités locales, matérielles, et des
d’amélioration qui ont rendu possible l’évolution de chacune ressources disponibles. Elles réussissent à ouvrir, de ce fait,
de ces pratiques particulières de construction, typiques et spé- une voie efficace et culturellement sensible qui permette de
cifiques, selon chaque contexte. Chacune des pratiques produire des bâtiments résistant aux séismes ou capables de
locales a développé de manière autonome une série d’astuces mobiliser des ressources appréciables en cas d’actions exté-
et de règles de bonne construction spécifiques et appropriées rieures lourdes.
aussi bien aux matériaux disponibles sur les lieux qu’aux
risques naturels dont les populations gardent la « mémoire »
lorsque ces risques sont récurrents de manière à concerner Une technique adaptée aux besoins locaux – Les groupes
les générations qui cohabitent (des arrières-grands-parents humains ont toujours su produire, adapter et faire évoluer leur
aux petits-enfants). Mais, parmi tous les risques naturels, le habitat en accord avec leurs besoins, en faisant le meilleur
risque sismique s’avère être le plus préoccupant. En effet, les usage des ressources des territoires sur lesquels ils vivaient.
événements sismiques sont assez fréquents dans le monde, L’un des exemples les plus connus, révélé par la recherche
de nature imprévisible et capables d’engendrer, en l’espace de scientifique, archéologique et architecturale, est la culture
peu de minutes, d’importants dégâts matériels et de trop nom- constructive minoenne, sur l’île de Crète, dès l’Age du bronze.
breux décès. La récurrence des séismes a amené les bâtisseurs crétois à
développer un urbanisme en plan symétrique, avec des îlots
dynamiques (Palais de Malia). Cette disposition permet de
Risque sismique – Au centre d’une action plus générale de réduire les dommages en désolidarisant les blocs de construc-
réduction de la vulnérabilité des populations et du bâti aux tion de ces grands palais constituant alors de vastes
séismes, l’ingénierie sismique propose un niveau de réponse complexes administratifs. Ainsi, les expérimentations, au fil de
purement « technique et normatif ». Cette réponse se situe, l’histoire des lieux renouvelant les événements destructeurs
dans la plupart des cas, dans des situations d’intervention (inondations, cyclones, séismes), ont porté un processus
post-sismique, ou de nature culturelle et architecturale visant d’élaboration de savoirs et de savoir-faire locaux, de généra-
à améliorer les dispositions constructives du projet antisis- tion en génération, fondé sur une « expérience » vécue des
mique. Mais, les améliorations proposées consistent en une risques. Ces acquis constituent un ensemble de connais-
« modélisation » fondée sur les technologies actuelles du sances locales, riches et variées, que l’on identifie aujourd’hui
béton armé et de l’acier, et elles contribuent simultanément à sous l’appellation de « cultures locales du risque », un concept
l’éradication des cultures constructives locales, dont celles de qui a été formulé par un chercheur italien, le professeur Fer-
la maçonnerie ou de la terre, ou d’autres cultures exploitant rucio Ferrigni, du Centre universitaire des études sur les biens
d’autres matériaux locaux (pierre, bois). culturels (CUEBC) de Ravello (Université de Naples). Celles-
ci sont imprégnées d’une intelligence évoluée, de génération
Insuffisance des matériaux et des techniques – Pour en génération, et, en fonction des contextes, ont donné nais-
autant, les situations récurrentes de catastrophes naturelles
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sance à des typologies d’habitat vernaculaire d’une très


démontrent aussi les insuffisances des matériaux et des tech- grande diversité (cf. Fig. 1).
niques de construction modernes (car très souvent mal utilisés
du fait d’une incapacité professionnelle locale, ou dévoyés du
fait de facteurs autres comme par exemple la corruption des Un résultat d’expérimentations successives – Il convient
entreprises locales agissant sur la diminution flagrante de la donc aujourd’hui de redécouvrir l’intelligence de ces cul-
quantité des aciers, dans le cas du béton armé, et plus glo- tures et de leurs architectures. Pour cela, il faut les analyser
balement de la qualité d’exécution des ouvrages). Elles en profondeur et mieux comprendre leur pertinence. Car
démontrent aussi que le fait d’ignorer, voire de bannir les ces cultures sont aussi caractérisées par ces stratégies qui
matériaux locaux des problématiques de construction locales, ne sont pas seulement techniques. Ce sont aussi des stra-
puis de reconstruction, de gestion et de prévention des risques tégies sociales qui visent à mieux maîtriser, voire réduire la
ou de développement, conduit inéluctablement à rendre vulnérabilité des personnes, mais aussi par l’application de
encore plus vulnérables et dépendantes les populations tou- dispositions constructives adaptées, à réduire la vulnérabi-
chées ou en état de l’être. Mais, les limites scientifiques et lité des constructions. Ainsi, par leur capacité à faire
opérationnelles d’une approche technique et normative évoluer leurs propres cultures constructives et à les adapter
deviennent plus évidentes si l’on adopte une approche plus aux situations à risques, les populations ont renforcé leur
complexe visant à favoriser un continuum de la permanence résilience en faisant un usage maîtrisé des ressources –
et de l’évolution/adaptation des cultures constructives et archi- matériaux, savoirs et savoir-faire – disponibles localement
tecturales des régions sismiques. (cf. Fig. 2), bien qu’empiriques, car basées sur des obser-
vations et résultant d’expérimentations successives
commuées en expérience, ces cultures et pratiques locales
sont encore en mesure de s’adapter aux évolutions du con-
B. Cultures locales du risque : réduction de la texte contemporain et permettent d’envisager des
vulnérabilité et meilleure résilience approches de construction neuve, ou de reconstruction
après une nouvelle catastrophe, qui sont pertinentes. Les
pratiques de construction peuvent être encore améliorées
Chaque contexte particulier exposé à un risque récurrent en y intégrant les apports raisonnés de nouveaux savoirs,
exprime donc une culture du risque différente et typique. de nouveaux matériaux et techniques qui sont aujourd’hui
Celle-ci résulte du développement, au fil du temps, de tech- disponibles afin de produire une architecture paracatastro-
niques et de détails de construction adaptés visant à phes naturelles qui puisse satisfaire aux aspirations de
améliorer la résistance des constructions locales aux actions dignité et de qualité actuelles de l’habitat des populations,
naturelles périlleuses. Il n’est cependant pas facile de distin- à leurs usages, à leurs capacités économiques, tout en
guer, pour chaque pratique de construction, quels sont les s’intégrant au mieux dans la diversité physique et culturelle
dispositifs et les détails de construction dont la mise en des environnements. La transmission des savoirs tradition-
œuvre peut être attribuée à ces cultures locales du risque. nels améliorés vers les populations locales vivant en
En effet, le bon sens commun et la sagesse historique col- régions exposées aux risques, par des guides de bonne
lective ont permis de faire une sélection, dans chaque lieu, conception et bonne construction, constitue le vecteur de
des formes les plus sûres et des techniques de construction l’amélioration de leur habitat (cf. Fig. 3).

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Fig. 1 : Habitat traditionnel en pisé (1er niveau) et ossature bois et terre (étage), au Bhoutan. Système constructif résistant aux séismes associant
la stabilité par la masse et la ductilité (dissipation de l’énergie et du mouvement pendulaire en étage).
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Fig. 2 : Logement très économique parasismique construit en briques de terre avec les communautés rurales du Honduras. Projet de CRAterre et
de l’Ong allemande Misereor (2006).

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Fig. 3 : Guides de construction parasismique pour l’habitat très économique construit en briques crues (adobe) ou torchis (bahareque) publiés par CRAterre en espagnol, destinés aux
pays d’Amérique latine, avec le soutien de l’Ong allemande Misereor. Conception : architecte Wilfredo Carazas et Ing. Alba Rivero Olmos, CRAterre.

Réactualiser et améliorer les techniques – Bien que l’opi- couple masse et ductilité associe les maçonneries lourdes
nion générale, le plus souvent, pense encore que les en pisé ou en briques crues au premier niveau, et les sys-
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solutions opérationnelles les plus efficaces peuvent naître de tèmes en ossature bois du type colombages, hourdés de
l’intégration de codes de pratiques, de règles de construction torchis ou de briques crues aux niveaux supérieurs. C’est
et de contrôles sur la qualité, ce point de vue ne peut con- en effet l’une des dispositions constructives parasismiques
cerner que les constructions réalisées avec des matériaux le plus couramment observée sous de nombreuses latitudes
modernes qui sont les seules codifiées et qui ignorent les exposées ;
matériaux traditionnels. Pour autant, les événements sismi- – les solutions de soubassement en maçonnerie de pierre
ques et autres catastrophes naturelles frappent appareillées à sec, voire de soubassement indépendant des
régulièrement notre planète, causent la mort d’hommes et fondations, du type ballast, ou encore des solutions en rondins
détruisent leur patrimoine bâti. Dans ce contexte, il apparaît, et poutres de bois pouvant se mouvoir en déplacement
au-delà de l’urgence, soit en phase de reconstruction plus linéaire, qui dissipent l’énergie. Ces solutions sont aussi cou-
durable, que c’est en impliquant de plus en plus les popula- rantes en maintes régions ;
tions, en fondant les programmes de construction ou de – les solutions de renforts en bois ou en roseaux intercalés
reconstruction sur les connaissances, les savoirs, les savoir- horizontalement dans l’épaisseur des maçonneries, réinter-
faire et les modes d’organisation locaux (dans la mesure où prétées avec l’emploi de mailles en acier galvanisées ou
ceux-ci n’ont pas été totalement éradiqués), que l’on est en même en fibres de polymères tressées, s’avèrent d’une
mesure de développer des solutions plus largement acces- bonne efficacité ;
sibles (techniquement et économiquement), mieux adaptées – les solutions de « renforts verticaux en bois » (cf. Fig. 4) qui
aux conditions de vie locales et aux situations à risques. relient également les fondations à des chaînages diaphragmes
C’est en se réappropriant « l’intelligence » de la mémoire des eux-mêmes réalisés en planches de bois superposées. Ces
cultures constructives locales, en la réactualisant tout en renforts verticaux constituent des chaînages mobiles ou rou-
l’améliorant (palier d’évolution qualitative) que l’on peut lants et ils sont aussi un dispositif efficace de dissipation de
mieux répondre au risque. On vérifie encore le fait qu’il ne l’énergie ;
peut y avoir d’avenir, sans prendre en compte le passé. C’est – les systèmes « fusibles » tels que voiles de maçonnerie
pourquoi, depuis ces dernières années, on observe une forte en parois de remplissage, le plus souvent en ossature
tendance à reformuler les cultures locales du risque, à les légère (torchis) contribuent à une stabilité plus durable des
identifier et à gérer de façon plus explicite la modération de édifices ;
leurs effets sur les personnes et les biens. – l’association de parois non porteuses (murs enveloppes)
avec des systèmes de planchers et toitures soutenus indé-
Une bonne résistance sismique – Dans ce sens, il est par- pendamment par des ossatures, souvent en bois (poteaux,
ticulièrement important de réaliser un inventaire et une colonnes) garantissent la stabilité de ces éléments qui par
analyse des cultures locales qui, face au risque, montrent la leur écroulement sont à l’origine de pertes humaines. En
capacité efficace des constructions traditionnelles à mieux dis- effet, ces parois enveloppes ont tendance à se déverser
siper l’énergie sismique par différents procédés déjà assez « hors plan du mur » sans menacer la stabilité des planchers
bien repérés. Parmi ceux-ci : et des toitures.

– le couple « stabilité par la masse » au premier niveau des Une solution pour les populations démunies – De nou-
structures et « systèmes ductiles » au deuxième niveau. Ce velles réponses, particulièrement destinées aux populations

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Fig. 4 : Chantier de logement en briques de terre crue avec armatures en bois intégrées dans la maçonnerie, au El Salvador. Projet CRAterre et
Ong Misereor.
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les plus démunies qui n’ont pas accès aux matériaux et tech- – préparer les populations avant les crises en prenant mieux
niques sophistiquées et coûteuses de l’ingénierie sismique en compte les aléas, les enjeux, les vulnérabilités et les capa-
actuelle, sont possibles. Elles permettent de réduire considé- cités locales ;
rablement la vulnérabilité, de renforcer la résilience des – concevoir des réponses intégrées et inclusives dans le cadre
populations. Mais pour davantage généraliser ces réponses, des programmes d’urgence et de reconstruction en visant la
quelques grandes leçons doivent être tirées. Il faudrait en effet remise en trajectoire d’un développement local durable ;
être en mesure de :
– développer des activités diverses et complémentaires en
– s’appuyer sur les compétences locales en favorisant un plus approche transdisciplinaire intégrée et en répartissant mieux
grand engagement des populations qui détiennent des savoirs les rôles et responsabilités entre les acteurs locaux.
et des savoir-faire locaux qu’il convient de valoriser ;
– apporter par la formation des savoirs permettant une évolu- Ainsi, au cours des dernières années, plusieurs chantiers
tion et une amélioration des cultures constructives locales tout pilotes ont permis de valoriser ces nouvelles réponses construc-
en renforçant les capacités professionnelles locales ; tives et architecturales accessibles aux populations les plus
– s’appuyer sur les institutions et notamment sur les univer- exposées et ne disposant que des ressources locales pour
sités et les laboratoires, ainsi que sur toutes autres accéder à un habitat résistant aux risques naturels. Ces projets
organisations qui favorisent une large diffusion des inscrits dans une démarche de développement local contribuent
connaissances ; favoriser ainsi une véritable mission d’univer- à améliorer la résilience de ces populations et à une réduction
sité citoyenne et solidaire ; des pertes humaines (cf. Fig. 5, Fig. 6 et Fig. 7).

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Fig. 5 : Prototype de logement parasismique construit en briques d’adobe, avec solutions de toitures en voûtes, réalisé à Bam, Iran, après le séisme de décembre 2003. Projet de CRAterre.
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Fig. 6 : Chantier-formation à la construction parasismique en terre, réalisé à l’Université de San Salvador (1995). 1er niveau en murs massifs en
briques de terre et étage en panneaux préfabriqués de torchis.

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Fig. 7 : Le bâtiment réalisé à l’Université de San Salvador en 1995, une fois achevé. Ce bâtiment a résisté à un séisme de forte intensité (7 sur
l’échelle de Richter) en 2001, sans dommages majeurs.
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LES RECOMMANDATIONS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN TERRE

5 Conclusion

État actuel des connaissances – Pour ce qui concerne la comportement sismique des constructions en terre, leur typo-
détérioration sismique et les pathologies des architectures en logie de détérioration et leurs pathologies. Récemment, à la
terre, les recherches ayant identifié les typologies de suite de violents séismes qui se sont produits au début de ce
dommage sismique et les ayant reliées aux causes et à l’inten- XXIe siècle, en Iran (Bam, décembre 2003), au Maroc (Al-
sité du mouvement du sol (analyses de vulnérabilité) Hoceima, 2004) et qui ont affecté un patrimoine culturel et
constituent un outil important pour développer des moyens d’habitat vernaculaire en terre, ces recherches ont été de
efficaces de mitigation sismique. Bien que les matériaux de nouveau réactivées en réunissant les meilleurs spécialistes
construction qui sont décrits dans la littérature scientifique dif- internationaux de ces questions. Des avancées significatives
fèrent encore souvent des matériaux de construction en terre sont attendues de ces nouvelles mobilisations, notamment
(s’agissant plutôt de la pierre ou de la brique cuite), leur per- dans le domaine de la préparation de recommandations pour
formance sismique est souvent très proche. Ainsi, ces la construction en matériaux traditionnels dans les régions à
recherches sont en général très utiles pour mieux connaître le risque sismique.
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