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UNIVERSITE

DE BOURGOGNE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE


LICENCE 3








DROIT COMMUN DES SOCIETES












COURS DE Mme JULIA HEINICH
Professeur à l’Université de Bourgogne

Année 2019-2020

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ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES






PRINCIPAUX OUVRAGES


- P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés, 7e éd., Montchrestien, 2018

- Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, 22e éd., Dalloz, 2018

- M. Cozian, A. Viander, F. Deboissy, Droit des sociétés, 31e éd., LexisNexis, 2018

- J. Mestre, A.-S. Mestre-Chami et D. Velardocchio, Sociétés commerciales, Lamy, 2018




PRINCIPALES REVUES


- Revue des sociétés, Dalloz

- Droit des sociétés, LexisNexis

- Bulletin Joly Sociétés (BJS), Lextenso

- Semaine Juridique édition Entreprises (JCP E), LexisNexis

- Revue Lamy Droit des Affaires (RLDA), Lamy

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SEANCE 1 : INTRODUCTION AU DROIT DES SOCIETES





I) Société et entreprise

- B. Dondero, L’EIRL ou l’entrepreneur fractionné, JCP G 2010, 679

- B. Saintourens, Associé unique ou entrepreneur individuel : Quel statut choisir pour une
responsabilité limitée ?, L.P.A. n° 84, 28 avril 2011, p. 7

- Article L. 526-6 du Code de commerce


Questions : Quelle est la différence entre une société et une entreprise ? Quels sont les avantages et
les inconvénients du choix de la structure sociétaire ?



II) Société et association

- Cass. ch. réunies, 11 mars 1914

- Cass. civ. 1re, 3 mai 2006, n° 03-18.229 ; Rev. sociétés 2006, p. 855, note D. Randoux


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La Semaine Juridique Edition Générale n° 25, 21 Juin 2010, 679
L'EIRL, ou l'entrepreneur fractionné. - À propos de la loi du 15 juin 2010

Aperçu rapide par Bruno Dondero
Agrégé des facultés de droit,
Professeur des universités

La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, qui introduit l'EIRL en droit français, vise avant tout à protéger les biens
non professionnels de l'entrepreneur des poursuites des créanciers liés à l'activité professionnelle. L'idée de
fournir une telle protection à l'entrepreneur individuel ne date pas d'hier, mais le besoin de cette protection
est aujourd'hui accentué par la multiplication des entreprises individuelles induite par la création de l'auto-
entrepreneur (LME n° 2008-776, 4 août 2008). En outre, en protégeant davantage l'entrepreneur individuel,
le législateur espère attirer de nouveaux entrants vers la création d'entreprise

La loi nouvelle a fait l'objet d'un passage devant le Conseil constitutionnel (Cons. const., déc. 10 juin 2010, n°
2010-607 DC), qui l'a amputée d'un certain nombre de cavaliers législatifs, dont le lien avec l'EIRL pouvait se
défendre pour certains d'entre eux. C'était ainsi le cas pour les dispositions relatives au statut d'OSEO, qui
pourrait soutenir le crédit des EIRL. Cela ne l'était pas pour d'autres dispositions, et l'on pense tout
particulièrement à celle relative à la transposition de la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du
Conseil du 11 juillet 2007 sur les droits des actionnaires de sociétés cotées, transposition dont le retard se
trouve accru.

Après l'introduction de la fiducie la loi du 15 juin 2010 bouleverse encore les lignes de notre droit, puisqu'elle
consacre pleinement le principe d'un patrimoine d'affectation, en fractionnant le patrimoine de l'entrepreneur
individuel, sans pour autant recourir à la création d'une personne morale nouvelle (V. A.-F. Zattara-Gros in
Journ. Stés mai 2010, n° 76, p. 44). La technique a ses mérites : en plus de dispenser d'un recours à la société
quelque peu artificiel lorsque l'associé ne l'est qu'avec lui-même (!), elle évite de s'appuyer sur une personne
morale susceptible d'échapper au contrôle de son créateur (R. Percerou, La personne morale de droit privé,
patrimoine d'affectation, th. dactyl., Paris, 1951, spéc. p. 11 et s.).

L'entrepreneur individuel pourra donc bientôt opter pour le statut d'EIRL. Le choix de cet acronyme est assez
curieux, d'autant qu'il se confond facilement avec celui de l'EURL, appellation qui ne désigne pas une forme
sociale distincte (P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés : Montchrestien, 3e éd., 2009, n° 1267) mais qui
est souvent employée en pratique.

C'est en tous les cas un pas supplémentaire qui est franchi dans la construction d'un statut de l'entrepreneur
individuel. Le livre cinquième du Code de commerce, dont le statut de livre « fourre-tout » est ainsi confirmé,
voit donc son titre deuxième, intitulé « Des garanties », s'enrichir de dispositions (C. com., art. L. 526-6 à L. 526-
21 créés ; L. n° 2010-658, art. 1er) qui ont aussi peu à voir avec les garanties que les textes sur la déclaration
d'insaisissabilité qui y figuraient déjà, sauf à considérer que la création d'exceptions aux articles 2284 et 2285
du Code civil par le biais de patrimoines affectés relève du droit des garanties (V. en ce sens l'étude d'impact
relative au projet de loi, selon laquelle le patrimoine affecté à l'activité de l'entrepreneur « constitue la garantie
des créanciers intervenant dans le cadre professionnel », p. 6). Il avait été envisagé, dans le projet de loi initial,
que l'institution de l'EIRL entraînerait à terme la disparition de la déclaration d'insaisissabilité, dont il est
souvent relevé qu'elle n'a pas connu le succès escompté. Le législateur a finalement renoncé à supprimer la
déclaration d'insaisissabilité.
L'idée de permettre à l'entrepreneur individuel de séparer son actif et son passif professionnel du reste de son
patrimoine n'est pas nouvelle. On se souviendra notamment qu'un groupe de travail avait été constitué, en
1977, sous la présidence de Claude Champaud, chargé de réfléchir à la possibilité d'introduire en droit français
un statut d'entreprise individuelle à responsabilité limitée (V. C. Champaud, L'entreprise personnelle à
responsabilité limitée, : RTD com. 1979, p. 579). Et Paul Didier écrivait déjà, en 1970 : « il n'est pas sans intérêt
(…) de parler comme si la dissociation de l'entreprise et de l'entrepreneur était faite. Cette dissociation, en
effet, est déjà réalisée par de nombreuses législations étrangères et il est à penser que, tôt ou tard, notre droit
y sera conduit. Peut-être même aboutira-t-il, à l'exemple de législations étrangères, à la reconnaissance d'une
entreprise individuelle à risques limités… » (Droit commercial, t. 1 : PUF, 1970, p. 281). Plusieurs droits
étrangers l'ont également adoptée.

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Le dispositif mis en place n'est cependant pas encore complet. Des dispositions réglementaires sont attendues
(C. com., art. L. 526-21) ; surtout, le Gouvernement devra adapter, par voie d'ordonnance, les dispositions
relatives aux difficultés des entreprises, et procéder aux harmonisations nécessaires en matière de droit des
sûretés et des voies d'exécution, ainsi qu'en matière de règles applicables au surendettement des particuliers
(L. n° 2010-658, art. 8). Ces mesures devront être prises dans un délai de six mois à compter de la publication
de la nouvelle loi, soit avant le 16 décembre 2010.

Ce n'est qu'à compter de l'ordonnance adaptant au patrimoine affecté de l'EIRL le droit des entreprises en
difficulté que la nouvelle institution entrera en vigueur. La possibilité qu'un même entrepreneur individuel
puisse constituer plusieurs patrimoines affectés ne deviendra quant à elle effective qu'à compter du 1er janvier
2013 (L. n° 2010-658, art. 14).

La loi du 15 juin 2010 modifie déjà certaines dispositions du Code civil relatives aux mineurs, tout en
permettant désormais au mineur émancipé d'être commerçant, sur autorisation du juge (L. n° 2010-658, art. 2,
entrant en vigueur sans délai), ce que l'on aurait pu également voir comme un cavalier législatif, si ce n'est
qu'une plus grande sécurisation du patrimoine de l'entrepreneur individuel justifie la levée de barrières
anciennes. La loi nouvelle comporte également un volet fiscal, mais celui-ci est relativement simple, et consiste
principalement à assimiler l'EIRL à une EURL, ce qui devrait faciliter les « transformations » d'EURL en EIRL et
inversement (CGI, art. 1655 sexies créé ; L. n° 2010-658, art. 4).

Il convient de s'intéresser tout d'abord à la nature de la dernière création législative (1) avant d'évoquer les
différents patrimoines de l'EIRL (2).

1. 1. La nature de l'EIRL

• Le fractionnement du patrimoine d'un entrepreneur individuel. -L'article L. 526-6 du Code de commerce
nouvellement créé dispose en son alinéa premier que « tout entrepreneur individuel peut affecter à son
activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne
morale ». L'EIRL n'est donc pas une personne morale, mais consiste en le rattachement d'un second patrimoine
à la personne de l'entrepreneur individuel. En réalité, ce pourra même être, à partir de 2013, un deuxième
patrimoine et non un second, puisque le patrimoine affecté pourra être suivi d'un troisième, d'un quatrième
patrimoine, et ainsi de suite, la limite à un seul patrimoine affecté, un temps envisagée, ayant été supprimée
au cours des travaux parlementaires (L. n° 2010-658, art. 14, II).

L'EIRL, qui désigne l'entrepreneur et non formellement l'entreprise, est une institution juridique destinée à «
tout entrepreneur individuel ». On peut considérer que si la nouvelle loi ne définit pas ce qu'est l'entrepreneur
individuel, c'est parce que cela va de soi. Serait concernée toute personne physique qui se livre à une activité
d'entreprise (commerciale, agricole, artisanale, libérale) sans recourir à une structure dotée de la personnalité
morale ou à une organisation non personnifiée, qui ferait de l'entrepreneur individuel un entrepreneur «
collectif ». Une question sensible subsiste néanmoins, qui est celle de la nécessité de l'exercice à titre
professionnel de cette activité d'entreprise. Si c'est une « activité professionnelle » qui est exercée par l'EIRL,
l'auto-entrepreneur est-il concerné ? Sans doute, dès lors que sont visés aussi, incidemment, des
entrepreneurs qui ne sont pas tenus de s'immatriculer à un registre de publicité légale (C. com., art. L. 526-7,
3°). Mais cela concerne-t-il tous les auto-entrepreneurs ? La question reste ouverte (V. nos obs. in Dict. perm.
Droit des affaires, n° spéc. 726-1, mars 2009, p. 4519). L'article L. 526-1 fournissait déjà ce que l'on peut voir
comme une définition de l'entrepreneur individuel, mais uniquement au regard de la déclaration
d'insaisissabilité. Pour mémoire, est visée la « personne physique immatriculée à un registre de publicité légale
à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante ».

• Le rejet de la personnalité morale. - Quant à sa nature, l'EIRL n'est pas une personne morale… puisque la loi
le dit. La dernière création du législateur y ressemble tout de même beaucoup, avec son immatriculation, son
patrimoine autonome et sa « dénomination » incorporant le nom de l'entrepreneur individuel, précédé ou suivi
immédiatement des mots « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales « EIRL » (C. com.,
art. L. 526-6, al. 3). On relèvera aussi la déclaration de « l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le
patrimoine est affecté » (C. com., art. L. 526-8, 2°), ce qui ressemble fort à l'objet social, ainsi qu'un dispositif
d'évaluation des « apports », c'est-à-dire des éléments d'actif du patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-10).

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Ainsi que cela a été relevé (E. Dubuisson, L'EIRL est adopté ! : JCP E 2010, act. 303), le dispositif est à parfaire, la
mention de la dénomination seule, pour l'exercice de l'activité professionnelle, ne suffisant pas à informer les
tiers sur l'identité du patrimoine affecté que l'EIRL engage, lorsqu'il exerce plusieurs activités.

En admettant que l'EIRL ne soit pas une personne morale, il est à se demander si cette création rencontrera le
succès escompté. Sans que l'on puisse aller jusqu'à dire que la société unipersonnelle (SASU) est un échec, il
apparaît que le nombre d'entrepreneurs individuels est très élevé, alors pourtant que les conditions de
constitution et de fonctionnement d'une EURL ou d'une SASU sont aujourd'hui peu contraignantes (rappr. R.
Libchaber, Feu la théorie du patrimoine : Bull. Joly 2010, p. 316). Dès lors, n'est-ce pas un pari trop audacieux
que de mettre à disposition des entrepreneurs individuels une organisation juridique supplémentaire,
s'appréhendant moins facilement encore que la société unipersonnelle ? Est-ce que les entrepreneurs
individuels veulent être tenus de manière illimitée parce qu'ils considèrent l'activité individuelle comme un
engagement total (V. en ce sens R. Libchaber, préc.) ? Ou n'est-ce pas plutôt que ces entrepreneurs sont le plus
souvent rétifs à toute organisation, ce qui les amène à « bouder » les sociétés unipersonnelles (et
éventuellement l'EIRL aussi, si cette création du législateur n'est pas suffisamment bien « vendue ») mais à
plébisciter dans le même temps les dispositifs allégeant les contraintes comme l'auto-entreprise ?

Au-delà de ces considérations, on relèvera que si l'EIRL ne crée pas une nouvelle personne morale, il n'y a pas
de distinction à opérer entre l'entrepreneur et son ou ses entreprises, bien que des textes rapprochent parfois
l'entrepreneur individuel du dirigeant social, tel que l'appréhende l'article L. 267 du Livre des procédures
fiscales, en lui faisant perdre au regard de l'administration concernée le bénéfice de la séparation de
patrimoines, lorsqu'il empêche le recouvrement des impositions, cotisations et contributions sociales et
pénalités dues au titre de l'un de ses patrimoines (L. n° 2010-658, art. 5 et 7).

Si l'EIRL est une seule personne juridique, il ne sera pas possible que deux activités incompatibles entre elles
soient exercées simultanément par le biais de patrimoines affectés distincts, ou que des contrats soient conclus
par l'entrepreneur avec son patrimoine affecté (V. égal. infra sur la question du cautionnement).

2. 2. Les patrimoines de l'entrepreneur individuel

• Composition des patrimoines. - Si l'institution de l'EIRL donne naissance à un patrimoine affecté,
l'entrepreneur individuel est donc une personne physique placée à la tête de deux patrimoines, voire plus
lorsque la possibilité en aura été ouverte, à compter du 1er janvier 2013. Ces patrimoines sont à rapprocher
des trois « masses patrimoniales » (patrimoine affecté à l'entreprise / patrimoine disponible pour l'entreprise /
patrimoine indisponible et insaisissable) qu'avait établies le groupe de travail présidé par Claude Champaud
(préc. spéc. n° 36 et s.).

Le patrimoine affecté, dont la constitution résulte d'une déclaration faite au registre de publicité légale auquel
l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer ou, à défaut, à un registre ad hoc (C. com., art. L. 526-7), est doté
d'un contenu minimum et obligatoire. Il est en effet « composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou
sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle » (C.
com., art. L. 526-6, al. 3). Au-delà de ce minimum, l'entrepreneur individuel peut décider d'affecter au
patrimoine professionnel créé par la loi les biens, droits, obligations ou sûretés dont il est titulaire et qui sont
utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle, sans toutefois être nécessaires à cette activité.

Certains biens seront donc nécessairement inclus dans le patrimoine affecté tandis que d'autres ne le seront
que par choix. La distinction est claire sur le principe, mais on imagine déjà les débats qui opposeront le
débiteur et ses créanciers, ou les créanciers entre eux, quant au caractère nécessaire à l'exercice de l'activité
professionnelle du débiteur de tel ou tel bien.

La disposition particulièrement riche que constitue l'article L. 526-6 énonce encore qu'« un même bien, droit,
obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté ». Il faut sans doute
comprendre que ce n'est que dans la composition d'un seul patrimoine affecté rattaché à un même
entrepreneur individuel que peut entrer un bien, droit, obligation ou sûreté, à l'exclusion d'une « indivision »
de ces éléments entre patrimoines affectés d'une même personne. On s'interrogera tout de même sur
l'impossibilité, que l'on croit déduire de la phrase précitée, que des patrimoines affectés soient tenus

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simultanément d'une même dette, puisqu'une obligation ne peut entrer dans la composition de plusieurs
patrimoines affectés. On s'interrogera encore sur l'interdiction de faire entrer un bien commun ou indivis ou
une même partie de bien immobilier commun ou indivis dans la composition de plus d'un patrimoine affecté. Si
le bien indivis est utilisé par un indivisaire pour les besoins de son entreprise, dans le respect des droits des
autres indivisaires, il ne va pas de soi que l'affectation des droits de cet indivisaire doive empêcher une
affectation identique par un autre indivisaire.

La composition du patrimoine affecté fait par ailleurs l'objet d'un certain nombre de règles contraignantes,
clairement pensées pour protéger les intérêts des créanciers de l'EIRL. Le dépôt de la déclaration « constitutive
» de l'EIRL doit ainsi comporter un état descriptif du patrimoine affecté, indiquant notamment la valeur des
biens qui y figurent (C. com., art. L. 526-8). Parmi ceux-ci, les biens d'une valeur supérieure à un montant qui
sera fixé par décret feront l'objet d'une évaluation par une personne relevant de l'une des catégories visées par
la loi, les heureux élus étant les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les associations de gestion
et de comptabilité et les notaires, ces derniers ne pouvant évaluer que les biens immobiliers (C. com., art. L.
526-10, l'affectation d'un bien immobilier se faisant par acte notarié, aux termes de C. com., art. L. 526-9).
L'absence d'évaluation ou l'adoption d'une valeur supérieure verront l'entrepreneur individuel tenu de garantir
les tiers en cas de différence entre la valeur du bien qui aura été déclarée, et la valeur réelle (en cas d'absence
d'évaluation) ou celle qui avait été proposée (en cas d'évaluation non suivie) ; on retrouve ici un dispositif
semblable à celui en vigueur dans les SARL (C. com., art. L. 223-9, al. 4). Enfin, le dépôt des comptes annuels de
l'EIRL, auquel il doit être procédé auprès du RCS ou du répertoire des métiers, vaut actualisation de la
composition et de la valeur du patrimoine affecté (C. com., art. L. 526-14).
La loi nouvelle édicte enfin des règles relatives à la cessation de l'affectation et au transfert du patrimoine
affecté (C. com., art. L. 526-15 à L. 526-17).

L'affectation cesse lorsque l'entrepreneur y renonce ou lorsqu'il décède, sauf, en ce dernier cas, à ce que l'un
de ses héritiers reprenne le patrimoine affecté, sous réserve de respecter les règles successorales.

Le patrimoine affecté peut par ailleurs faire l'objet d'une cession à titre onéreux, d'une transmission à titre
gratuit entre vifs, ou être apporté à une société. Tant la cession que l'apport sont soustraits aux dispositions
relatives à la vente du fonds de commerce, tandis qu'un droit d'opposition est prévu au profit de certains
créanciers. Parmi les questions que soulève le texte, on s'étonnera de ce que soit prévu l'apport à une société
seulement, mais que soit en revanche envisagée la cession à toute personne morale (C. com., art. L. 526-17).

• Situation des créanciers

Règles générales. - La question des créanciers a été bien évidemment au centre des discussions précédant
l'adoption de la loi du 15 juin 2010. L'introduction de l'EIRL part du constat, énoncé dès la première phrase de
l'exposé des motifs du projet de loi, qu'« en cas d'échec, les entrepreneurs en nom propre doivent répondre de
leurs engagements professionnels sur la totalité de leur patrimoine ». L'objectif premier de l'institution de
l'EIRL est donc de soustraire une partie des biens de l'entrepreneur individuel aux poursuites de ses créanciers.

La séparation de patrimoines n'est cependant pas nécessairement défavorable aux créanciers. En effet, il n'est
pas systématiquement plus intéressant pour un créancier de se partager l'intégralité de l'actif du débiteur avec
tous les autres créanciers de celui-ci, plutôt que de n'appréhender qu'une partie de cet actif, mais en
concurrence avec des créanciers en nombre réduit.

Concrètement, la loi nouvelle distingue entre les créanciers dont le droit est né postérieurement au dépôt de la
déclaration d'affectation, auxquels cette déclaration est opposable de plein droit, et ceux qu'on appellera ici les
« créanciers antérieurs », auxquels la déclaration peut être rendue opposable, contrairement à ce qui avait été
initialement prévu. Pour que cette opposabilité aux créanciers antérieurs se réalise, il faudra que
l'entrepreneur individuel le décide et le mentionne dans la déclaration d'affectation, et qu'il en informe les
créanciers selon des modalités qui seront définies par décret. Les créanciers antérieurs pourront former
opposition, ce qui aura pour effet de leur rendre la déclaration inopposable, dans l'hypothèse où le juge aura
ordonné que leurs créances soient payées (« remboursées ») ou des garanties constituées, sans que
l'entrepreneur individuel s'exécute (C. com., art. L. 526-12, al. 3 et 4). Le Conseil constitutionnel a opéré un
important ajout au dispositif par sa décision n° 2010-67 DC, en formulant une réserve aux termes de laquelle

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les créanciers antérieurs devront être « personnellement informés de la déclaration d'affectation et de leur
droit de former opposition ».

Simplement, une difficulté réside dans le fait que le texte relatif à l'opposabilité (C. com., art. L. 526-12) ne vise
que la « déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-7 » et non toute affectation. La question de
l'opposabilité de l'affectation réalisée par la voie de la déclaration complémentaire prévue par l'article L. 526-
10 n'est ainsi pas réglée (V. E. Dubuisson, préc.).

Les créanciers, antérieurs ou postérieurs, auxquels la constitution du patrimoine affecté est opposable doivent
tenir compte de l'affectation : si leurs droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité à laquelle le
patrimoine est affecté, ils ont alors ce patrimoine « pour seul gage général » ; les autres créanciers doivent
quant à eux se rabattre sur le seul patrimoine non affecté. Seuls les créanciers auxquels la constitution du
patrimoine affecté est inopposable ont pour gage tous les actifs de l'entrepreneur individuel.
La séparation des patrimoines pourra toutefois être ignorée par certains créanciers ou dans des circonstances
déterminées.

Ce sont tout d'abord, bien évidemment, les créanciers auxquels la constitution du patrimoine affecté est
inopposable (par ex. parce que les règles de l'article L. 526-8, relatives aux informations sur le contenu du
patrimoine affecté, ou celles relatives aux biens communs ou indivis de l'article L. 526-11 n'ont pas été
respectées) qui pourront appréhender tous les biens de l'entrepreneur individuel, bien que le texte nouveau ne
le précise pas.

Ensuite, la séparation des patrimoines disparaît en cas de fraude ou en cas de « manquement grave aux règles
prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13 » (C. com., art.
L. 526-12, av.-dern. al.). La seconde hypothèse se comprend aisément, la disposition visée exigeant que
l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fasse l'objet d'une comptabilité autonome et que
soient ouverts un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à cette activité. La première hypothèse
visée est moins claire, dès lors que l'article L. 526-6, alinéa 2 se contente de définir les règles de composition
des différents patrimoines de l'EIRL et d'interdire qu'un même élément d'actif ou de passif entre dans la
composition de plus d'un patrimoine affecté. Ce n'est que si l'on veut voir dans ce texte la source de
l'autonomie des différents patrimoines de l'entrepreneur individuel que la sanction susvisée semble trouver
véritablement son sens.

La question se posera bien évidemment très vite de savoir dans quelles conditions des biens du patrimoine non
professionnel pourront garantir les engagements pris envers un créancier dans le cadre de l'activité
professionnelle. Dès que des EIRL apparaîtront, leurs créanciers, banquiers notamment, exigeront d'eux des
garanties. Or, l'entrepreneur individuel étant un sujet de droit unique, il n'est pas concevable qu'il cautionne
son patrimoine affecté avec ses autres biens. Il sera donc tentant pour un créancier dont le droit est né dans le
cadre de l'activité professionnelle de solliciter de l'entrepreneur une renonciation à se prévaloir de la
séparation des patrimoines de l'EIRL. Si la loi nouvelle envisage la renonciation à l'affectation (C. com., art. L.
526-15) la renonciation au profit d'un créancier déterminé n'est pas expressément visée. Il ne faudrait pas
qu'une telle renonciation soit vue comme le manquement susvisé à l'autonomie des patrimoines entraînant la
disparition de la séparation des patrimoines pour tous les créanciers !
Règles applicables en cas d'impossibilité de payer les créanciers. -Il faut enfin et surtout évoquer les
conséquences de l'impossibilité pour les créanciers de se satisfaire sur l'un des patrimoines de l'EIRL. Cette
question n'est pas entièrement résolue par la loi nouvelle, qui prévoit que le Gouvernement est autorisé à
prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de sa publication, les dispositions
nécessaires pour adapter au patrimoine affecté de l'EIRL les dispositions du Livre VI du Code de commerce
relatives aux difficultés des entreprises, et permettant notamment à l'EIRL de bénéficier des procédures de
prévention des difficultés des entreprises, du mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement
judiciaire et de liquidation judiciaire (L. n° 2010-658, art. 8).

L'article L. 526-12 indique simplement, en son dernier alinéa, qu'en cas d'insuffisance du patrimoine non
affecté, « le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le
bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos ». Cela
signifie donc qu'un lot de consolation est offert aux créanciers, mais uniquement aux créanciers du patrimoine
non affecté. Cette disposition est à la fois curieuse et très intéressante.

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On comprend bien que l'EIRL pourra voir ses deux (ou plus) patrimoines connaître des situations très
différentes, et le montant des revenus versés dans son patrimoine non affecté est déterminé librement par
l'entrepreneur (C. com., art. L. 526-18). Mais l'on s'explique mal les raisons de cette faveur faite à une catégorie
des créanciers seulement.
Surtout, la question est particulièrement intéressante au regard de ce que pourrait être l'évolution prochaine
du droit des groupes de sociétés. On pourrait s'étonner de ce rapprochement entre les plus petites des
entreprises, créées par les seules personnes physiques, et les groupes de sociétés, bien que la loi du 15 juin
2010 n'ait pas hésité à traiter en même temps de l'EIRL et, par un cavalier législatif déclaré contraire à la
Constitution, de la transposition de la directive sur les droits des actionnaires des sociétés cotées. Si le
rapprochement de l'EIRL et du groupe de sociétés doit être fait, en guise de conclusion, c'est parce qu'il est
remarquable de voir le législateur doter l'EIRL de patrimoines séparés, pour que cette séparation soit remise en
cause à la première situation dans laquelle le patrimoine non affecté ne suffira plus à payer ses créanciers. S'il
faut voir là un modèle pour les juges, les tribunaux permettront-ils aux créanciers de la filiale de poursuivre la
société mère, à concurrence du dividende reçu de la filiale lors du dernier exercice clos ?

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Associé unique ou entrepreneur individuel : quel statut choisir pour une responsabilité limitée ? - Petites
affiches - 28/04/2011 - n° 84 - page 7
Bernard SAINTOURENS

La recherche d'un cadre juridique optimal pour l'entrepreneur individuel, soucieux de ne pas entraîner la
totalité de son patrimoine dans les risques liés à son activité, constitue une préoccupation ancienne et légitime.
Au fil du temps, la diversité des statuts possibles s'est accentuée. L'entrepreneur se trouve donc confronté à la
nécessité d'opérer un choix éclairé. Pour s'en tenir à l'essentiel, jusqu'à l'adoption de la loi du 15 juin 2010, le
moyen le plus évident était de constituer une société à risque limité. Dès 1985, la forme de la SARL a été
rendue accessible à une personne seule qui revêtirait la qualité d'unique associé. En 1999, la possibilité a été
étendue à la constitution d'une société par actions simplifiée. Pour des raisons de commodité, et aussi parce
que, pour l'essentiel, les caractéristiques attachées à l'unicité d'associé sont semblables, nous ne ferons
référence par la suite qu'à la SARL en utilisant la dénomination familière d'EURL.

C'est la constitution d'une personne morale distincte de la personne de l'entrepreneur qui constitue la
protection recherchée. En principe, l'associé unique n'engage dans l'activité qui sera exercée par la société que
les apports qu'il aura effectués. L'observation a pourtant été faite que, pour des raisons plus psychologiques
que pratiques, certains entrepreneurs ne souhaitaient pas mettre ainsi entre eux-mêmes et leur activité une
personne juridique et se privaient donc de la protection patrimoniale que cette structure juridique pouvait leur
apporter. L'idée a donc été retenue de tenter de combiner les attentes en proposant un dispositif qui offre à
l'entrepreneur individuel une protection patrimoniale sans lui imposer de constituer une personne morale
distincte pour l'exercice de son activité. Le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité (EIRL) apparaît
donc comme une alternative à celui d'associé unique d'une EURL. La singularité de la création législative tient
notamment à ce que, tout en affirmant expressément que le recours à l'EIRL se réalise « sans création d'une
personne morale » 2, de larges pans du statut ainsi créé emprunte bien des règles que l'on retrouve
traditionnellement à l'occasion de la constitution d'une société. Ce mimétisme est d'ailleurs accentué par le
décret no 2010-1706 du 29 décembre 2010 pris pour l'application de la loi du 15 juin 2010 et qui soumet, au
prix bien sûr de quelques adaptations, la constitution et le fonctionnement de l'EIRL à des règles de formalisme
et de publicité largement inspirées de celles qui s'appliquent, notamment, à une EURL. Au-delà, ce phénomène
qui aboutit à un rapprochement troublant entre le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
et le statut de l'associé unique d'une EURL est encore renforcé par l'ordonnance no 2010-1512 du 9 décembre
2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations
de surendettement à ce nouveau statut. Même s'il faut se garder de voir dans toute ressemblance une identité,
les rapprochements s'imposent et rendent plus délicat le choix entre les deux statuts désormais mis en
concurrence.

L'objectif général de la présente communication est donc de confronter la situation de l'associé unique d'EURL
et de l'entrepreneur en EIRL. La démarche retenue est d'effectuer cette confrontation en se postant face aux
principales rubriques qui structurent le cadre juridique de l'entreprise : constitution, gestion, statut du chef
d'entreprise, limitation du risque.

I. La constitution de l'entreprise

A. Conditions tenant à la personne de l'entrepreneur

1. EURL/EIRL : équivalence des conditions d'accès

En considération de la personne de l'entrepreneur, le choix entre l'EURL et l'EIRL est totalement ouvert.
L'article L. 223-1 du Code de commerce permet à « toute personne » d'instituer une SARL ne comportant qu'un
seul associé et l'article L. 526-6 du Code de commerce ouvre le dispositif de l'EIRL à « tout entrepreneur
individuel ». Sur ce point, il y a donc une véritable liberté de choix du cadre juridique pour le développement
d'une activité économique. L'alignement des conditions tenant à la personne se prolonge également au regard
de la situation des mineurs. On relèvera que l'article 2 de la loi du 15 juin 2010 ajoute un article 389-8 au Code
civil, reconnaissant qu'un mineur puisse être autorisé par ses deux parents qui exercent en commun l'autorité
parentale (ou par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles) à
accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et la gestion tant d'une
entreprise individuelle à responsabilité limitée que d'une société unipersonnelle. À vrai dire, on admettait déjà

11
qu'un mineur puisse être associé unique d'une EURL, mais la disposition légale nouvelle confirme l'alignement
des conditions d'accès à l'une comme à l'autre des formes juridiques accessibles à un entrepreneur individuel.

2. Singularités résiduelles

Jusqu'au 1er janvier 2013, une différence demeure entre l'EURL et l'EIRL. En effet, jusqu'à cette date, une
personne physique ne peut procéder qu'à une seule affectation patrimoniale en vue de l'exercice d'une activité
professionnelle déterminée. En revanche, il est possible d'instituer autant d'EURL qu'une personne le souhaite,
ce qui lui permet de segmenter juridiquement les diverses activités qu'elle entend exercer.

À compter du 1er janvier 2013, dès lors qu'une même personne physique pourra constituer plusieurs
patrimoines affectés 3, cette différence disparaîtra et le choix entre l'un ou l'autre des deux modes
d'organisation juridique sera, sur ce point, totalement neutre. Sans doute pourrait-il apparaître plus complexe
d'avoir à gérer, sur le plan juridique, plusieurs patrimoines affectés à diverses activités professionnelles que
plusieurs EURL. L'autonomie attachée à la personnalité morale dont jouissent chacune des sociétés favorise
une lisibilité, pour l'entrepreneur comme pour les tiers, que l'on ne retrouvera probablement pas en présence
de plusieurs patrimoines affectés par une même personne physique.

B. Conditions tenant à l'acte de constitution

1. Nature et contenu de l'acte

Dans les deux hypothèses concurrentes, l'acte constitutif relève de la même qualification. Il s'agit d'un acte
unilatéral émanant de la volonté de l'entrepreneur.

Les mentions obligatoires devant figurer sur l'acte constitutif, sans être identiques, sont assez semblables.
Entre les mentions obligatoires que doivent comporter les statuts d'une EURL et celles devant figurer sur la
déclaration d'affectation patrimoniale, il y a d'évidentes parentés. La confrontation des articles L. 210-2, pour
l'EURL, et R. 526-3, pour l'EIRL, est édifiante. Certes, des indications particulières sont logiquement requises
pour la déclaration d'affectation patrimoniale de l'EIRL. Le document doit en effet comporter un état descriptif
des biens affectés en « nature, qualité, quantité et valeur » 4. En outre, l'affectation de certains biens impose la
présence de documents complémentaires. Il s'agit notamment de l'état descriptif de division dès lors que
l'affectation ne concerne qu'une partie d'un immeuble et des documents attestant de l'accomplissement des
formalités spécifiques à l'affectation de biens (consentement pour les biens communs ou indivis ; publicité au
bureau des hypothèques ; rapport d'évaluation le cas échéant). Mais on peut se trouver dans des situations
imposant des règles semblables lorsque des biens indivis ou communs sont apportés en société par l'associé
unique.

2. Formalités

Les formalités requises, respectivement, pour le recours à l'EURL et à l'EIRL présentent des similitudes
troublantes. Certes, dès lors que l'EIRL ne donne pas naissance à une personnalité morale, la démarche à
accomplir auprès du greffe du tribunal de commerce ne vise pas à l'obtention d'une immatriculation mais on
ne peut manquer de relever que le choix législatif pour un dépôt de la déclaration d'affectation patrimoniale au
registre du commerce et des sociétés, pour les commerçants ainsi que pour les personnes non tenues à
immatriculation réalise un certain alignement des procédures.

La différence fondamentale demeure toutefois à propos des formalités de publicité. La constitution de l'EURL
doit donner lieu à l'insertion d'un avis dans un journal habilité à recevoir des annonces légales 5. Une insertion
d'un avis au Bodacc, à l'initiative du greffier est également requise. Toutefois, une dispense est accordée sur ce
dernier point au profit des SARL dont l'associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance
6. Il est notable que la déclaration relative à l'EIRL ne donne lieu à aucune publicité dans un journal d'annonces
légales ou au Bulletin des annonces civiles et commerciales. Les tiers ne sont donc pas informés par ces moyens
sans que l'on puisse identifier la raison qui justifie cette différence. Tout au plus peut-on relever qu'une
publicité par voie d'avis au Bodacc est prévue en cas de cession à titre onéreux à une personne physique ou de
transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté ainsi qu'en cas de cession de ce patrimoine à une
personne morale ou son apport en société 7.

12

C. Conditions tenant au patrimoine engagé

1. Nature des biens susceptibles d'être apportés ou affectés

L'entrepreneur qui souhaite constituer une société unipersonnelle détermine librement les apports en
numéraire ou en nature qu'il souhaite effectuer. C'est sur le terrain de cette liberté que la différence la plus
sensible va apparaître avec le régime juridique de l'EIRL. En effet, pour ce statut, l'article L. 526-6 du Code de
commerce établit un dispositif plus contraignant. L'entrepreneur est en effet tenu d'affecter au patrimoine
l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés, dont l'entrepreneur est titulaire, « nécessaires à l'exercice
de son activité professionnelle ».

Au-delà des biens dont l'affectation est obligatoire, le patrimoine peut également contenir les biens, dont
l'entrepreneur est titulaire, « utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter
». Si, pour cette catégorie de biens, l'entrepreneur jouit d'une liberté qui rappelle celle de l'associé unique, le
choix d'affecter ou non tel bien utilisé pour l'activité doit toutefois être exercé après réflexion. Il pourrait en
effet être reproché à l'entrepreneur d'avoir laissé dans le patrimoine non affecté des biens pourtant utilisés
pour l'activité professionnelle, affaiblissant ainsi le gage des créanciers professionnels.

L'affectation des biens communs et indivis est soumise à des règles qui, sans être totalement identiques,
témoignent d'une même approche en EURL comme en EIRL. Dans les deux cas en effet, le consentement du
conjoint commun en biens ou des indivisaires est requis.

2. Évaluation des biens apportés ou affectés

C'est à l'évidence une règle empruntée au droit des sociétés qui a été retenue à propos de l'évaluation des
biens compris dans le patrimoine affecté. Un principe commun s'applique à l'EURL et à l'EIRL qui impose de
soumettre à une procédure d'évaluation tout élément d'actif (apporté ou affecté) dès lors que sa valeur est
supérieure à un montant fixé par décret. La volonté de soumettre à des contraintes équivalentes apparaît
clairement au regard du montant retenu. Le décret no 2010-1669 du 29 décembre 2010 relatif à l'intervention
d'un commissaire aux apports dans les SARL, insérant au Code de commerce un article D. 223-6-1, indique que
la faculté offerte aux associés de ne pas recourir à un commissaire aux apports pour l'évaluation des apports en
nature (ouverte par l'article L. 223-9) peut être exercée dès lors que le montant de la valeur d'aucun apport en
nature n'excède 30 000 €. C'est exactement à la même somme que fait référence l'article D. 526-5, issu du
décret no 2010-1706 du 29 décembre 2010 relatif à l'EIRL, permettant à l'entrepreneur individuel de ne pas
procéder à l'évaluation d'un élément d'actif du patrimoine affecté par un tiers professionnel. Un tel alignement
n'est sûrement pas une coïncidence.

S'agissant de la procédure d'évaluation, si le cadre est pour l'essentiel commun dans ses grandes lignes, on
observe toutefois quelques singularités. Le choix du tiers évaluateur est plus large pour l'EIRL. Outre un
commissaire aux comptes, il est possible de faire appel à un expert-comptable ou à une association de gestion
et de comptabilité et, pour l'évaluation d'un immeuble, à un notaire. Pour l'EURL, le choix est plus étroit
puisqu'il ne peut s'agir que d'un commissaire aux comptes ou d'un expert inscrits sur la liste figurant à l'article
R. 223-6 du Code de commerce.

La responsabilité de l'entrepreneur attachée à cette procédure d'évaluation relève d'une conception assez
proche mais laisse des différences qu'il convient d'identifier. Dans le cadre de l'EURL, si la valeur retenue est
supérieure à celle du commissaire aux apports, l'associé est déclaré personnellement responsable de cette
valeur pendant cinq ans à l'égard des tiers 8. L'entrepreneur individuel en EIRL, est, dans ce même cas,
seulement tenu sur la totalité de son patrimoine à hauteur de la différence de valeur entre celle établie par
l'expert et celle finalement retenue par lui-même 9. En outre, on relèvera que l'entrepreneur en EIRL n'encourt
pas de sanctions pénales à la différence de l'associé unique 10.

II. La gestion de l'entreprise

A. Encadrement juridique de l'activité

13
1. Dénomination de l'entreprise

Des rapprochements utiles peuvent être effectués sur le terrain de la dénomination de l'entreprise, exploitée
sous forme d'EURL ou d'EIRL. La dénomination de la société, selon les dispositions de l'article L. 223-1, peut
incorporer le nom de l'associé unique et doit être précédée ou suivie des mots « société à responsabilité
limitée » ou des initiales « SARL ». Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est
affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom précédé ou suivi
immédiatement des mots « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales « EIRL » 11. Au
résultat, la différence pourrait bien ne pas être très sensible. Entre une dénomination « Martin SARL » et «
Martin EIRL », il faudra être un connaisseur du droit des affaires pour saisir la nuance. En définitive, le seul
critère qui pourrait servir de distinction est l'énonciation du capital social qui doit obligatoirement suivre la
dénomination sociale pour la désignation de la société 12, alors que l'entrepreneur n'a pas à faire figurer le
montant de la valeur globale du patrimoine affecté.

2. Délimitation de l'activité exercée

La société doit avoir un « objet social », défini habituellement comme l'activité qu'elle prévoit d'exercer.
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée doit préciser, dans la déclaration d'affectation patrimoniale,
« l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté » 13. En définitive, dans l'un comme
dans l'autre cas, l'entrepreneur est soumis à un principe de spécialité qui doit le contraindre à n'accomplir que
les actes qui entrent dans son objet social. Toutefois, le dépassement de cet « objet » ne produit pas les
mêmes conséquences selon que l'on est en EURL ou en EIRL. En matière de société unipersonnelle, la société
est, en principe, engagée à l'égard des tiers même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social.
L'acte produit donc ses effets attendus, même si le gérant pourrait, par ailleurs, répondre des conséquences
préjudiciables de cet acte pour la société. Pour le cocontractant, de bonne foi, le dépassement de l'objet social
n'altère pas véritablement l'étendue de ses droits vis-à-vis de la société. Il est plus difficile d'identifier les
conséquences attachées à l'accomplissement par l'entrepreneur individuel d'un acte qui n'est pas lié à l'activité
pour laquelle un patrimoine a été affecté. Il apparaît que, dans un tel cas, le créancier concerné n'a
certainement pas pour gage général le patrimoine affecté puisqu'il ne remplit pas la condition posée sur ce
point par l'article L. 526-12 du Code de commerce. Il se trouve dans la catégorie des « autres créanciers »,
auxquels la déclaration est opposable, et a donc pour seul gage général le patrimoine non affecté. L'acte
accompli en-dehors de l'activité pour laquelle un patrimoine a été affecté ressent inévitablement l'effet produit
par l'EIRL. Il y a donc une différence sensible, pour le créancier selon qu'il contracte avec une EURL et un
entrepreneur ayant adopté le statut d'EIRL.

B. Exigences comptables et bancaires

1. Obligations de tenue et de dépôt des comptes

L'article L. 526-13 du Code de commerce dispose que l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est
affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L.
123-23 et L. 123-25 à L. 123-27 du Code de commerce. Au regard du principe même de tenue d'une
comptabilité, il n'y a donc pas de différence, et donc de paramètre de choix, entre l'EURL et l'EIRL. La société
unipersonnelle est elle-même soumise aux mêmes règles, puisqu'elle a la qualité de commerçant. Il est
d'ailleurs intéressant de relever que l'entrepreneur individuel ayant adopté le statut d'EIRL se trouvera soumis
aux règles comptables des commerçants alors même que son activité peut être civile. La seule souplesse dans
la tenue des comptes est réservée aux entrepreneurs bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et
102 ter (régime des « auto-entrepreneurs »). Les personnes ainsi visées ne sont soumises qu'aux obligations
comptables simplifiées définies par l'article R. 526-20 du Code de commerce, c'est-à-dire à la tenue d'un livre
des recettes (et, le cas échéant des achats) et d'un relevé annuel actualisant la déclaration d'affectation, selon
un modèle type approuvé par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé
de l'Économie.

Au-delà de l'exigence commune d'établissement de comptes, l'obligation du dépôt des comptes se retrouve
également pour l'EURL comme pour l'EIRL. Le gérant de l'EURL, qu'il soit ou non l'associé unique, doit déposer
au greffe du tribunal, dans le mois qui suit l'approbation des comptes annuels, les différents documents
énumérés par l'article L. 232-22 du Code de commerce. Par exception toutefois, lorsque l'associé unique est le

14
seul gérant de la société, il est dispensé de déposer au greffe le rapport de gestion, lequel doit toutefois (pour
le moment) être établi puisqu'il doit être tenu à la disposition de toute personne qui en fait la demande. De
manière semblable, l'article L. 526-14 du Code de commerce impose à l'entrepreneur ayant opté pour le statut
de l'EIRL de déposer les comptes annuels (ou le cas échéant les documents simplifiés visés à l'article R. 526-20)
au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d'affectation patrimoniale. Les obligations sont sur
ce point très largement équivalentes et on mesure encore une fois combien le statut de l'EIRL a été établi en
contemplation de celui de l'EURL.

2. Compte bancaire distinct

Compte tenu de la personnalité juridique autonome reconnue à l'EURL, par l'effet de son immatriculation,
l'associé unique doit bien sûr faire ouvrir un compte bancaire distinct au nom de la société. L'obligation faite à
l'entrepreneur individuel de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires «
exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté », posée par l'article L. 526-13, alinéa 2
du Code de commerce, n'est donc pas une contrainte originale et plus lourde que celle que doit respecter
l'associé unique d'EURL. Sur ce point, il y a une neutralisation des incidences liées au choix par l'entrepreneur
de l'une ou l'autre des structures juridiques.

III. Le statut du chef d'entreprise

A. Le régime social et fiscal

1. Un principe d'alignement EURL/EIRL

Sans doute s'agit-il là d'un point à propos duquel le rapprochement entre l'EURL et l'EIRL est le plus évident.
L'un des objectifs affichés lors de l'adoption de la loi du 15 juin 2010 a été d'aligner le statut de l'entrepreneur
individuel optant pour l'EIRL sur celui de l'associé unique ayant choisi l'EURL.

L'article 4 de la loi du 15 juin 2010 ajoute au Code général des impôts un article 1655 sexies aux termes
duquel, pour l'application de ce code et de ses annexes, l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (ne
bénéficiant pas des régimes de l'auto-entrepreneur) est « assimilée » à une entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée dont la personne de l'entrepreneur tient lieu d'associé unique. Le même texte ajoute que
la liquidation de l'EIRL emporte les mêmes conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation
des droits sociaux d'une EURL. Bien sûr, la confrontation fine entre les deux statuts menée par les spécialistes
de la fiscalité 14 permet d'avoir l'exacte mesure des incidences de ce principe d'alignement mais l'aspect
principal est sans doute la possibilité pour l'entrepreneur individuel, personne physique, d'opter pour
l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

2. Des différences résiduelles

Afin de limiter les économies de prélèvements obligatoires liées à l'option pour l'impôt sur les sociétés, la part
des bénéfices de l'EIRL appréhendés sous forme de dividendes et qui dépasse, soit 10 % de la valeur des biens
du patrimoine affecté constaté en fin d'exercice, soit 10 % du montant du bénéfice est soumis à cotisations
sociales de façon similaire au salaire que l'entrepreneur se verse 15. Le régime juridique de l'EIRL s'avère donc
moins avantageux que celui établi pour l'EURL.

B. La transmission de son entreprise

1. La distinction cession de parts sociales/cession de patrimoine affecté

Sans doute faut-il considérer que les modalités de transmission de l'entreprise forment l'un des points de
différence les plus sensibles entre le statut de l'EURL et celui de l'EIRL.

L'existence, dans le patrimoine de l'associé unique, de parts sociales représentatives de ses droits au sein de la
société permet effectivement à l'intéressé d'organiser, de planifier la transmission de l'entreprise. Le chef
d'entreprise peut ainsi réaliser de manière progressive l'intégration d'un repreneur en procédant à la cession
de quelques parts (la société unipersonnelle devenant pluripersonnelle) et en programmant les cessions

15
ultérieures jusqu'à la réalisation complète du transfert (la société pluripersonnelle pouvant alors redevenir
unipersonnelle). La transmission de l'activité exercée sous le statut de l'EIRL ne peut s'analyser juridiquement
que par la cession du patrimoine affecté globalement. On ne saurait bien sûr imaginer un transfert partiel du
patrimoine affecté ni une association d'un tiers dans la titularité de ce patrimoine. Il y a là incontestablement
une rigidité qui affecte le statut de l'EIRL et qui laisse donc à l'EURL, sur ce point, un avantage qui pourrait
s'avérer appréciable.

2. Incidences juridiques et conseils pratiques

La singularité de l'affectation patrimoniale apparaît par bien des aspects relatifs aux modalités de transmission
de l'entreprise, qui se matérialise juridiquement par une transmission du patrimoine affecté. La transmission
de l'EIRL s'effectue par la transmission du patrimoine affecté et les textes spécifiques à ce statut imposent de
distinguer selon qu'il s'agit d'une cession à titre gratuit ou à titre onéreux, réalisée au profit d'une personne
physique ou d'une personne morale. Si le transfert est réalisé au profit d'une personne physique, l'affectation
patrimoniale est maintenue. En revanche, la cession à une personne morale ou l'apport en société du
patrimoine affecté fait cesser cette affectation. Le transfert des parts sociales, lorsque l'entreprise est
organisée juridiquement sous la forme d'une société, ne connaît évidemment aucune conséquence de ce type.
La pérennité de la société, en tant que personne morale, garantit la pérennité de l'entreprise.

Un aspect particulier doit par ailleurs être relevé qui touche au transfert du fonds de commerce exploité.
Lorsque le choix d'une EURL a été fait, le fonds de commerce exploité par la société est indirectement transmis
lors de la cession des parts sociales à un repreneur mais, juridiquement, il demeure la propriété de la société. Il
serait possible de choisir de vendre le fonds à un tiers acquéreur sans que cela n'emporte nécessairement
dissolution de la société, sous réserve de la rédaction d'une clause statutaire relative à l'objet social
suffisamment compréhensive. En définitive, le chef d'entreprise, qui a adopté l'EURL, choisit le mode de
transfert du fonds soit indirectement par la cession des parts, soit directement par la cession du fonds. Lorsque
c'est le statut de l'EIRL qui a été adopté, le cadre juridique se présente sous un jour nouveau. La cession du
patrimoine affecté emporte le transfert du fonds de commerce, qui constitue un élément de ce patrimoine.
Dans une telle hypothèse, l'article L. 526-17 du Code de commerce précise que les articles L. 141-1 à L. 141-22
du Code de commerce ne sont pas applicables. Un tel transfert du fonds de commerce se réalisera donc sans
que les parties ne puissent invoquer les règles traditionnelles de la vente du fonds de commerce qui,
notamment, garantissent l'information de l'acquéreur sur les caractéristiques du fonds et accordent aux
créanciers du vendeur la préservation de leurs droits.

IV. La limitation du risque d'entreprise

A. Le principe de la préservation du patrimoine personnel

1. Opposabilité de l'autonomie juridique de l'EURL

L'autonomie juridique de l'EURL, et donc son opposabilité aux tiers, prend naissance lors de l'immatriculation
au registre du commerce et des sociétés. La distinction de la personne de l'associé de celle de la société
s'impose, en principe, aux tiers pendant toute la durée de la société. Le cloisonnement patrimonial se prolonge
même lors de la dissolution de la société. En effet, l'associé unique étant une personne physique, il n'y a pas de
transfert universel du patrimoine de la société dissoute à l'associé unique. La société dissoute doit faire l'objet
d'une liquidation et l'associé n'est tenu des dettes de la société que jusqu'au montant de son apport. Cet effet,
classique, attaché à la personnalité morale de la société, demeure un moyen de préservation du patrimoine de
l'entrepreneur, associé unique.

2. Opposabilité de l'affectation patrimoniale de l'EIRL

Dès lors que sont respectées les règles relatives à l'affectation patrimoniale et au dépôt de la déclaration
auprès de l'organisme compétent, la séparation du patrimoine affecté et du patrimoine non affecté est
opposable aux créanciers dont la créance est née postérieurement à l'accomplissement de cette formalité.

La conséquence de ce cloisonnement patrimonial est exprimée par l'article L. 526-12, dont le sixième alinéa
détermine, par dérogation aux articles 2284 et 2285, deux catégories de créanciers qui ne peuvent exercer leur

16
droit de gage que sur des ensembles patrimoniaux distincts. Les créanciers auxquels la déclaration d'affectation
est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le
patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté. Les autres créanciers auxquels la
déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

Une différence importante au regard de l'EURL apparaît toutefois sur le terrain de l'opposabilité de l'adoption
du statut juridique choisi. Hormis, le cas particulier de la reprise par la société des actes accomplis au cours de
sa période de constitution et antérieurement à son immatriculation 16, l'effet de cloisonnement entre le
patrimoine personnel de l'associé unique et celui de la société ne joue que pour l'avenir et n'a pas d'effet
rétroactif. En revanche, par une disposition spéciale de la loi, l'entrepreneur individuel est autorisé à rendre
l'affectation patrimoniale opposable à ces créanciers dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la
déclaration d'affectation 17. Certes, ces créanciers doivent être individuellement avertis de cet effet recherché
par l'entrepreneur individuel, par lettre recommandée avec avis de réception 18 et un droit d'opposition leur
est ouvert, pendant un délai d'un mois à compter de cette information 19 mais outre le fait que des
circonstances particulières peuvent rendre cette protection bien aléatoire 20, la possibilité de rendre
opposable aux créanciers antérieurs le cloisonnement patrimonial apparaît comme un avantage non
négligeable au regard des potentialités plus réduites sur ce point de la constitution d'une EURL.

B. Les limites à la préservation du patrimoine personnel

Traditionnellement, on mesure la réalité de la limitation de responsabilité de l'associé unique d'EURL en
énumérant les hypothèses susceptibles de provoquer un contournement de la personnalité juridique de la
société pour toucher le patrimoine de l'associé. Une démarche semblable peut être effectuée à propos de
l'EIRL. L'affectation patrimoniale, et donc le cloisonnement de principe des risques, peut être dépassée dans
d'assez nombreuses hypothèses. La confrontation des deux formes juridiques d'organisation de l'entreprise
personnelle peut donc être menée utilement pour tenter de mesurer si des nuances demeurent sur le terrain
de la préservation du patrimoine personnel.

1. La responsabilité pour faute de gestion

L'adaptation du droit des entreprises en difficulté à l'entrepreneur individuel, réalisée par l'ordonnance no
2010-1512 du 9 décembre 2010, a abouti à un alignement de la situation de l'EIRL sur celle susceptible de
s'appliquer au gérant de l'EURL. Les dispositions du chapitre du Code de commerce consacré à la responsabilité
pour insuffisance d'actifs sont ainsi désormais déclarées applicables aux entrepreneurs individuels à
responsabilité limitée 21. Plus spécifiquement, l'entrepreneur en ayant adopté le statut d'EIRL se trouve donc
soumis au même risque de condamnation à devoir payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif, en cas de faute
de gestion, lorsqu'une liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité à laquelle il a
affecté un patrimoine. L'alignement sur le sort fait au gérant de l'EURL est à ce point effectif que le texte
modifié de l'article L. 651-2 du Code de commerce précise que la somme mise à la charge de l'entrepreneur
individuel s'impute sur son patrimoine non affecté.

2. Le risque de confusion des patrimoines

Par l'effet d'une règle, d'origine jurisprudentielle mais intégrée au Code de commerce, le cloisonnement
patrimonial qui résulte de la constitution d'une société unipersonnelle peut être déjoué par le biais d'une
extension de la procédure ouverte à l'encontre de l'EURL vis-à-vis de l'associé unique en cas de confusion de
son patrimoine avec celui de la société, ou en cas de fictivité de cette société 22. Le texte modifié par
l'ordonnance du 9 décembre 2010 permet d'aboutir à une solution semblable puisqu'il prévoit qu'un ou
plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis
au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. La situation de l'entrepreneur sous le
statut de l'EIRL apparaît d'ailleurs plus rigoureuse que celle faite à l'associé unique dans la mesure où la même
extension de la procédure joue lorsque le débiteur EIRL a commis un manquement grave aux règles relatives à
la composition du patrimoine affecté 23, à la tenue d'une comptabilité autonome ainsi qu'à l'ouverture d'un
compte bancaire distinct pour l'activité faisant l'objet de l'affectation patrimoniale 24. Le caractère
sanctionnateur de l'extension de la procédure à l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur individuel est
renforcé par l'application également en cas de fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage
général sur le patrimoine visé par la procédure.

17

3. La responsabilité fiscale
Parmi les cas de mise en jeu de la responsabilité du gérant de l'EURL, on retient habituellement qu'il est soumis
à une obligation de solidarité légale vis-à-vis de l'administration fiscale lorsque le recouvrement des
impositions de toute nature et des pénalités fiscales dues par la société a été rendu impossible par des
manœuvres frauduleuses ou l'inobservation grave et répétée des diverses obligations fiscales 25. Une situation
très semblable est établie pour l'entrepreneur individuel ayant adopté le statut de l'EIRL. En effet, un article L.
273 B est ajouté au Livre des procédures fiscales prévoyant que lorsque dans l'exercice de son activité
professionnelle, l'entrepreneur individuel a, par des manœuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation
grave et répétée de ses obligations fiscales, rendu impossible le recouvrement des impositions et pénalités
dont il est redevable au titre de cette activité, le recouvrement de ces sommes peut être recherché sur le
patrimoine non affecté à cette activité dès lors que le tribunal compétent aura constaté la réalité de ces
agissements. Le choix entre EURL et EIRL est pour une large part, sur ce point aussi, neutralisé.

4. La responsabilité pénale

Les infractions qui visent traditionnellement les dirigeants de société sont applicables au gérant de la société
unipersonnelle. L'abus de bien sociaux, infraction la plus typique du droit pénal des sociétés est susceptible
d'être commise par le gérant de l'EURL 26, comme d'ailleurs par le président de la SASU 27. Le risque de faire
usage des biens de la société à des fins personnelles, comme l'incriminent les textes précités, peut être
d'autant plus vif que le gérant est aussi l'associé unique de l'EURL et qu'il peut avoir des difficultés à toujours
distinguer clairement le patrimoine de la société de son patrimoine personnel. La jurisprudence a nettement
admis le principe de l'application de l'abus de biens sociaux dans les sociétés unipersonnelles 28. Le choix de la
technique de l'EURL induit ce risque pénal, que le chef d'entreprise ne saurait minimiser. De ce point de vue, le
recours à l'EIRL fait apparaître une différence sensible. Aucun texte spécifique ne crée un délit similaire pour
l'hypothèse de l'EIRL. En outre, l'infraction d'abus de confiance ne saurait servir de texte répressif de repli dans
la mesure où ce délit suppose une remise à une tierce personne, hypothèse justement écartée du recours à
l'EIRL. On rappellera que la Cour de cassation retient le principe de l'absence d'abus de confiance de la part du
propriétaire 29. La règle de l'interprétation stricte de la loi pénale semble bien empêcher toute extension du
délit d'abus de biens sociaux prévu, pour les sociétés, hors de son champ naturel d'application. Il pourrait bien
y avoir là un avantage, si l'on ose dire, à l'adoption du statut de l'EIRL comparativement à l'EURL.

(1) L. no 2010-658, 15 juin 2010, art. 1. 3
(2) L. no 2010-658, 15 juin 2010, art. 14, II. 4
(3) C. com., art. L. 526-8. 5
(4) C. com., art. R. 210-3. 6
(5) C. com., art. R. 123-155. 7
(6) C. com., art. R. 526-13. 8
(7) C. com., art. L. 223-9. 9
(8) C. com., art. L. 526-10. 10
(9) C. com., art. L. 241-3, 1°. 11
(10) C. com., art. L. 526-6. 12
(11) C. com., art. L. 223-1. 13
(12) C. com., art. L. 526-8. 14
(13) V. la communication du professeur Patrick Serlooten, infra, p. 24 et s. 15
(14) V. CSS, art. L. 131-6-3, issu de L. no 2010-658, 15 juin 2010. 16
(15) C. com., art. L. 210-6. 17
(16) C. com., art. L. 526-12, al. 2. 18
(17) C. com., art. R. 526-8. 19
(18) C. com., art. R. 526-10. 20
(19) Le mois d'août a déjà été repéré comme particulièrement propice, v. B. Dondéro, « EIRL - Duo in carne una » : JCP G 2010, 1261. 21
(20) C. com., art. L. 651-1. 22
(21) C. com., art. L. 621-2. 23
(22) C. com., art. L. 526-6, al. 2. 24
(23) C. com., art. L. 526-13. 25
(24) LPF, art. L. 267. 26
(25) C. com., art. L. 241-3, 4°. 27
(26) C. com., art. L. 242-6, 3°. 28
(27) V. not. Cass. crim., 14 juin 1993 : BJS 1993, p. 1139, note B. Saintourens ; Rev. sociétés 1994, p. 90, note B. Bouloc ; 20 février 2002 :
Rev. sociétés, p. 546, note B. Bouloc.
(28) V. not. Cass. crim., 19 sept. 2007 : D. 2008, p. 958, note D. Rebut.

18

Article L526-6 du Code de commerce

Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019 - art. 7

Pour l'exercice de son activité en tant qu'entrepreneur individuel à responsabilité limitée,
l'entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son
patrimoine personnel, sans création d'une personne morale, dans les conditions prévues à l'article L.
526-7.

Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont
l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est
titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle, qu'il décide d'y affecter et qu'il peut
ensuite décider de retirer du patrimoine affecté. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut
entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Par dérogation à l'alinéa précédent, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens
de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime peut ne pas affecter les terres utilisées
pour l'exercice de son exploitation à son activité professionnelle. Cette faculté s'applique à la totalité
des terres dont l'exploitant est propriétaire.

Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur
individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots
: " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des initiales : " EIRL ”.



19
Cour de cassation, Chambre réunies, 11 mars 1914

Vu les articles 1832 du Code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1832 du Code civil, la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs
personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en
résulter ;

Et que, suivant l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, l'association est la convention par laquelle deux ou
plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de
partager des bénéfices ;

Attendu que l'expression "bénéfices" a le même sens dans les deux textes et s'entend d'un gain pécuniaire ou
d'un gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés ; que, dès lors, la différence qui distingue la société
de l'association consiste en ce que la première comporte essentiellement, comme condition de son existence,
la répartition entre associés des bénéfices faits en commun, tandis que la seconde l'exclut nécessairement ;

Attendu que la Caisse rurale de Manigod, société coopérative de crédit à capital variable, constitue non une
société, mais une association ;

Attendu, en effet, que des qualités du jugement attaqué et de l'acte du 26 mars 1905, qui y est visé, il résulte
que cette Caisse n'a été créée que pour procurer à ses adhérents le crédit qui leur est nécessaire pour leurs
exploitations ; que les associés ne possèdent pas d'actions, ne font aucun versement et ne reçoivent pas de
dividendes (article 14 des statuts) ; que la société emprunte soit à ses membres, soit à des étrangers, les
capitaux strictement nécessaires à la réalisation des emprunts contractés par ses membres (art. 15) et qu'elle
prête des capitaux à ces derniers à l'exclusion de tous autres, mais seulement en vue d'un usage déterminé et
jugé utile par le conseil d'administration, qui est tenu d'en surveiller l'emploi (art. 16) ;

Attendu que cet ensemble de dispositions démontre que le seul avantage, ainsi assuré aux associés de la
Caisse, consiste dans la faculté de lui emprunter des capitaux moyennant un taux d'intérêt aussi réduit que
possible ;

Attendu, il est vrai, que d'après l'article 21 des statuts :
"En cas de dissolution de la société, fondée d'ailleurs pour un temps illimité, la réserve qui compose le seul
capital social et qui est constituée par l'accumulation de tous les bénéfices réalisés par la Caisse sur ses
opérations, est employée à rembourser aux associés les intérêts payés par chacun d'eux, en commençant par
les plus récents et en remontant jusqu'à épuisement complet de la réserve" ;

Mais attendu que cette distribution éventuelle des réserves qui pourraient exister au jour de la liquidation, ne
présenterait pas les caractères légaux d'un partage de bénéfices au sens de l'article 1832 du Code civil,
puisque, d'une part, elle ne serait pas nécessairement faite au profit de tous les adhérents et pourrait se
trouver limitée à quelques uns, et que, d'autre part, elle aurait pour base, non la seule qualité des associés,
mais la quotité et la date des prêts faits à chacun d'eux ;

Qu'elle constituerait, en réalité, le remboursement, suivant un mode particulier, défini par les statuts, d'une
partie des sommes qui auraient été perçues exclusivement en vue d'assurer le fonctionnement de l'association
et qui, en fait, auraient été supérieures à ses besoins ;

D'où il suit que le jugement attaqué a déclaré à tort que la Caisse rurale de Manigod étant une société et non
une association, l'acte constitutif de cette société était assujetti au droit établi par l'article 68, par. 3, n° 4 de la
loi du 22 frimaire an VII et l'article 1er de la loi du 28 février 1872 converti par l'article 19 de la loi du 28 avril
1893, en une taxe proportionnelle de 20 centimes pour 100 francs ;

Par ces motifs, CASSE

20

Cass. civ. 1re, 3 mai 2006, n° 03-18229


Attendu que M. X..., président de l'association "Comité immigration développement Sahel",
reprochant à M. Y..., secrétaire général, et à MM. Z..., A..., B... et C... de n'avoir pas respecté ses
décisions et d'avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement, les a, le 3 avril 2000,
suspendus de leurs délégations de signature comptable ou de leur appartenance au bureau du
conseil d'administration ;

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel (Paris, 28 avril 2003) d'avoir déclaré ces mesures
régulières, alors, selon le moyen, que le président d'une association est un mandataire de cette
personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention
d'association ; qu'en attribuant au président de l'association les pouvoirs les plus étendus pour agir
en toutes circonstances au nom et dans l'intérêt de l'association et notamment le pouvoir de
suspendre de leurs fonctions des membres du bureau, tout en constatant que les statuts de
l'association ne conféraient au président aucun pouvoir particulier, la cour d'appel a violé l'article 1er
de la loi du 1er juillet 1901 et l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d'une
association, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom et dans l'intérêt de
celle-ci, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration
statutairement habilité ou de l'assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les
circonstances ; qu'en effet les dispositions du Code civil, et à défaut du Code de commerce, régissant
les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application ; qu'en se référant, à de telles
dispositions, en l'espèce celles de l'alinéa 1er de l'article L. 225.56 du Code de commerce, la cour
d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et
reproduit en annexe :

Attendu que la cour d'appel, qui a déclaré irrégulières les délibérations des 12 et 21 avril 2000 par
lesquelles le conseil d'administration avait annulé les mesures de suspension prises le 3 avril 2000,
confirmé les intéressés dans leurs fonctions, révoqué M. X... en tant que président, nommé à sa
place M. A... et investi M. B... comme vice-président, a retenu que ces réunions s'étaient tenues sur
convocations de M. Y..., lequel, alors suspendu, n'avait plus qualité pour procéder à ces formalités ;
que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

21

SEANCE 2 : LES CONDITIONS DE VALIDITÉ




- Article 1832 du Code civil
- Article 1833 du Code civil
- P. Le Cannu, Monsieur de Saint-Janvier ou le dépouillement de l'article 1832 du Code civil, BJS 2012,
p. 672

I) Apports

- Cass. com., 16 sept. 2016, n° 14-28.107

II) Participation aux résultats

- Cass. com., 22 février 2005, n° 03-16.336
- Cass. com., 27 sept. 2005, n° 02-14.009

III) Affectio societatis

- Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-15.547

IV) Nullité

- Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-17.035




22


Article 1832 du Code civil

Modifié par Loi n°85-697 du 11 juillet 1985 - art. 1 JORF 12 juillet 1985 rectificatif JORF 13 juillet 1985

La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à
une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de
l'économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.










Article 1833 du Code civil

Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019 - art. 169

Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.

La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et
environnementaux de son activité.


23
Monsieur de Saint-Janvier ou le dépouillement de l’article 1832 du Code civil

Paul Le Cannu

Bulletin Joly Sociétés - 01/09/2012 - n° 09 - page 672

La société est censée être définie par l’article 1832 du Code civil. Le droit moderne s’est pourtant attaché à
saper chacun des concepts qu’utilise ce texte. Reste-t-il quelque chose d’utile, ou doit-on penser
différemment ?

1. Monsieur de Saint-Janvier

Beaucoup connaissent la mésaventure survenue à Monsieur de Saint-Janvier en octobre 1793. Il trouve sur sa
route des hommes du Comité de sûreté générale. « Comment-vous appelez-vous ? » lui dit-on. Il décline son
identité. « Monsieur ? Il n’y a plus de Monsieur. De ? Il n’y a plus de « de ». Saint ? Il n’y a plus de saint. Janvier
? Il n’y a plus de janvier. Où allez-vous, citoyen Nivôse ? ».

Il était alors bien possible que le citoyen Nivôse se dirigeât vers l’échafaud. En ira-t-il de même de l’article 1832
du Code civil ? En effet, les éléments dont il se sert pour définir la société – chose un peu triviale,
reconnaissons-le, même dans une revue consacrée au droit des sociétés – sont aujourd’hui bousculés par la
révolution technique qu’a subie la théorie des sociétés. Même s’il est très présomptueux de prétendre y voir
clair dans cette époque troublée, nous allons tenter d’apporter quelques éléments de réflexion.

2. Une conception morale

Le soutien principal de la théorie concrétisée par l’ancien article 1832 se trouvait dans une conception morale
de l’action en commun. Certes, il s’agissait de réaliser des bénéfices et de les partager, mais le mot même de
société et ses assises sociologiques reflétaient un désir d’égalité et de loyauté, complétés par la recherche d’un
discernement économique et des normes d’action encadrées par la morale des affaires.

3. Une conception commercialiste

Naturellement, on se gardera d’une vision angélique de la vie économique antérieure au XIXe siècle. Mais il
n’est que de lire les travaux préparatoires du si méprisé Code de commerce pour comprendre à quel point les
préoccupations morales étaient présentes dans le droit commercial en général, et le droit des sociétés en
particulier. Le Code civil avait pris le parti d’une conception commercialiste de la société, en soulignant
l’importance du but de chaque société, à savoir le partage du bénéfice, à tel point que l’idée même de société
civile était contestée par de grands auteurs. Et, contrairement à aujourd’hui, le droit commun des sociétés
restait très limité dans ce code. On peut comparer les quelques dispositions qui sont rattachables à des normes
générales aux dispositions bien plus nombreuses, relatives à des formes civiles confidentielles et très marquées
par la tradition. Il est toujours temps de reconnaître à quel point la loi du 4 janvier 1978 a fait progresser le
droit des sociétés.

4. Une valeur symbolique seulement ?

Concrètement, l’article 1832 n’a pas qu’une valeur symbolique. Sa principale utilité directe consiste à qualifier
la société créée de fait. Il sert aussi de soutien textuel de l’affectio societatis, dont l’utilité, là encore, concerne
essentiellement la qualification (distinction avec d’autres contrats, sociétés frauduleuses, etc.). Mais beaucoup
des éléments qu’il évoque ont un régime défini par ailleurs, comme les apports ou les bénéfices. En outre, il
sert aux qualifications dans les problématiques internationales, chaque pays connaissant de la société, mais
sans lui accorder nécessairement le même sens. Dans le contexte de l’Union européenne, cette difficulté est
devenue négligeable, chaque texte déterminant son champ d’application en se référant à une liste de formes
sociales. Il est dès lors moins nécessaire de définir la société d’une façon générale. La « définition » contenue
dans l’article 50, § 2, g du TFUE inclut les associations, ce qui se conçoit d’un point de vue pragmatique, et n’est
peut-être pas si éloigné du droit français actuel.

24

5. 1978 n’est pas 1985

Cette donnée arithmétique incontestable prend heureusement un sens particulier dans le contexte de cette
brève réflexion. Ce qui fut ajouté en 1985 reflétait une évolution en cours. De nombreux événements sont
intervenus depuis pour réduire la société à une simple technique entièrement déformable. Reprenons les
différents éléments qui figurent dans le texte actuel, et recherchons une problématique plus adaptée aux
évolutions récentes.

I – Monsieur de Saint-Janvier n’est plus ce qu’il était

6. Ce que dit le code

Ce n’est pas faire injure au lecteur que de rappeler, dans le cadre de cette étude, quel est aujourd’hui le
contenu de l’article 1832 du Code civil. Au lieu de se limiter, comme en 1804, à un alinéa bien frappé,
révélateur d’une conception unitaire, la version actuelle se disperse dans trois alinéas. Le premier fait figure
d’essentiel. Il est ensuite contredit par le deuxième et complété par un dernier assez étrangement conçu.

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une
entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie
qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.

Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »

7. Une société « instituée » ?

On laissera de côté le terme « instituée », qui n’a pas grand intérêt sur le plan du droit positif. Tout au plus
peut-il être rattaché aux lambeaux de la théorie de l’institution, dont les vues idéalistes sont bien éloignées du
droit actuel. L’institution, elle aussi, est recyclée dans la machine technicienne. On peut encore s’appuyer sur
elle, pourvu que ses fondements soient oubliés, et que l’on n’ait pas d’autre théorie plus en vogue pour
expliquer telle ou telle solution. Les rédacteurs de l’article 1832 auraient tout aussi bien pu utiliser le mot «
créée », voire « constituée », sans changer d’un iota les effets du texte. On lit souvent dans les statuts que telle
société est « créée », ce qui montre l’ambigüité desdits statuts : lus quelques temps après leur signature, ils en
sont toujours à créer ou à instituer la société. Les droits anglo-américains tiennent compte de cette
invraisemblance – et la théorie de l’institution aussi – en distinguant formellement la création et l’être créé.

8. Des associés et de leur nombre

Un lien peut être fait avec l’aspect de la définition qui se réfère au nombre d’associés. Depuis 1966, en effet, la
question de l’unicité d’associé n’était vraiment problématique que lors de la constitution de la société. La
dissolution résultant de la réunion de toutes les parts ou actions dans le patrimoine d’une seule personne ne
fait pas peur à grand monde, sinon, avec retard, à quelque négligent, et uniquement à condition que des tiers
aient un intérêt à agir en dissolution. Ce n’est pas à ce sujet que l’article 1844-5 encombre les revues et autres
recueils.

En tout cas, si l’on dit que la société nécessite « deux ou plusieurs » personnes pour être instituée, il est
étrange que cette nécessité soit abandonnée aussi facilement, du moins si l’on se place dans la perspective
d’une définition. Mais le droit positif va plus loin, puisqu’il connaît des sociétés dont l’associé ou les associés ne
sont pas des personnes, mais des fonds. Ces entités particulières seraient des copropriétés, d’après le Code
monétaire et financier. Mais elles n’obéissent pas au régime de l’indivision, et elles sont souvent traitées
comme des personnes. Tout se passe comme si le fonds était associé.

9. Il faut observer que l’actuel article 1832 ne dit plus : « la société est un contrat », ce qui serait une véritable
définition. Il énonce que la société « est instituée », ce qui renvoie à un processus technique plus qu’à une

25
véritable définition. Il n’en reste pas moins que la place de l’article 1832 dans la législation française porte
encore à le considérer comme le texte qui définit – ou qui devrait définir – « la » société.

10. Le contrat introuvable

Avec la pluralité fuit aussi le contrat. Même si des esprits inventifs considèrent parfois que l’associé unique
contracte avec sa création, ce contrat-là n’est pas celui que décrit l’article 1832. Ce texte se contente des
rapports horizontaux que sont les rapports entre associés. Si l’associé est seul, ce schéma ne fonctionne plus.
Dès lors, comment ne pas penser que la société n’est plus, fondamentalement, un contrat ? Cela fait penser à
cet embarras joliment surmonté par une cour d’appel assurant que la société est « bien plus qu’un contrat ».
Qui peut le plus peut le moins. Est-elle toujours un contrat, mais avec un plus, ou est-elle autre chose qu’un
contrat parce qu’elle a un plus ?

Cette fois, la discussion n’est pas qu’académique. Le régime du contrat est sans doute le domaine du droit
privé où la réflexion a été la plus approfondie. Même à l’époque où l’on ne remettait pas en cause la pluralité
des parties, le contrat de société semait un certain trouble quant à sa classification. Ni synallagmatique, ni
unilatéral. Alors, contrat de collaboration. Ces discussions ne sont pas taries. Mais elles n’affectent pas
gravement l’article 1832, si l’on estime que la société-contrat est l’une des espèces de société. Cette théorie-là
réduit l’article 1832 à un texte énumératif, et laisse à la doctrine le soin de reconstruire la définition devenue
introuvable.

11. Le contrat inutile

Le « contrat » de l’article 1832 est présenté d’une manière qui peut surprendre. Les « personnes », c'est-à-dire
les associés, « conviennent par un contrat ». N’était-il pas possible de se contenter du mot « conviennent »,
seul ? Si on ne l’a pas fait, c’est probablement pour rassurer les tenants de la conception contractuelle.
Pourtant, cette conception est souvent incantatoire. On pourrait en donner beaucoup d’exemples. Il en est un
qui appelle plus particulièrement l’attention, c’est celui de la société par actions simplifiée. Est-elle si
contractuelle que cela ? Certes, il en existe qui résultent d’une négociation de type contractuel. Mais
beaucoup, même parmi les SAS qui comptent plus d’un associé, n’ont pas nécessité le moindre pourparler. La
liberté dont elles jouissent est plus une liberté de stipulation sur certaines questions laissées aux statuts,
qu’une liberté contractuelle proprement dite.

12. Un acte ?

En réalité, sur cet aspect de la qualification de la société, l’alinéa 2 de l’article 1832 indique le chemin : « l’acte
de volonté d’une seule personne » ressemble fortement à un acte unilatéral. Cet acte a un point commun avec
le contrat, c’est un acte juridique. Il serait aisé d’en déduire que la société est un acte juridique ! Encore faut-il
s’entendre sur ce qu’est un acte juridique. Pour ne pas aller trop loin, évoquons à nouveau deux aspects de cet
acte : l’acte créateur, « destiné à produire des effets de droit », et l’acte-règle, selon une terminologie due à
Duguit… qui, lui aussi, produit des effets juridiques par le moyen d’une sorte de réglementation de droit privé.
Cette perspective peut tromper l’œil. N’existe-t-il pas beaucoup de contrats qui stipulent des règles applicables
à des rapports juridiques qui se déploient dans la durée ? Dans ces conditions, il semble plus juste de s’en tenir
à l’idée que la société est un acte, sans se limiter au présupposé selon lequel « un » acte est nécessairement
instantané.

13. Une entreprise ?

« L’entreprise commune » reflète l’une des préoccupations majeures des rédacteurs de l’actuelle version de
l’article 1832. Toute société a pour objet une entreprise, et cette entreprise est commune. Pourquoi pas, si l’on
accorde au terme entreprise sa principale qualité, c'est-à-dire l’imprécision ? Car il existe bien des sociétés qui
n’ont aucune activité. Elles se contentent de posséder, voire d’attendre. Or l’entreprise est très souvent
définie, explicitement ou implicitement, comme une activité économique. De plus, le terme « entreprise »
surgit dans l’article 1832 pour désigner le bénéficiaire d’une affectation de biens ou d’une industrie. Ce n’est
assurément pas le niveau de langage du droit du patrimoine, puisque l’entreprise n’a ni personnalité, ni
patrimoine. En outre, elle n’est commune que s’il existe deux associés au moins - encore qu’il soit concevable
que l’un soit totalement assoupi. Les rédacteurs de l’alinéa 2 de l’article 1832 n’ont pas jugé utile d’apporter de

26
précision sur l’entreprise à laquelle les biens ou l’industrie sont affectés. Sans doute parce que le caractère «
commun » de l’entreprise n’est pas indispensable à la définition.

14. Des apports ?

Quant à ce que l’on appelle les apports, leur constante présence dans les sociétés relève aujourd’hui de la
fable. Les sociétés sans apports se multiplient. Soit parce qu’aucun capital minimum n’est exigé - les plus
précautionneux écrivent alors un euro dans la clause « capital social » -, soit parce que la fourniture des
apports peut avoir lieu aux calendes grecques, comme c’est le cas depuis toujours dans les sociétés de
personnes. N’oublions pas non plus le secours aux déshérités qui ne peuvent pas financer les actions qu’ils
reçoivent : le code permet de leur en attribuer gratuitement. Donc sans apport. Et ne parlons pas des valeurs
mobilières composées, où la valeur de l’action peut être sans rapport avec ce qui a été payé pour l’acquérir -
mais au moins, comme dans les stock-options, existe-t-il un risque, chose absente, sous le rapport qui nous
occupe, pour les AGA. L’humour patronal a pu souligner la chose, en flétrissant les stock-options, comme le fait
la grande presse, et en conseillant d’utiliser les AGA. Pourquoi payer ce que l’on peut avoir gratuitement ?

15. Un but, mais lequel ?

Le but de toute société, selon l’article 1832 du Code civil, serait de « partager le bénéfice ou de profiter de
l'économie qui pourra en résulter ». Mais n’est-ce pas là, plutôt, l’une des utilités possibles de la société ? Il
existe en effet des sociétés qui ne cherchent pour elle-même, ou pour les associés, ni le bénéfice, ni
l’économie. Il faut qu’elles existent, c’est tout. Et d’autres sont créées pour faire des pertes, qui viendront
éventuellement en déduction du bénéfice imposable d’une société qui n’est pas associée. Là encore, l’élément
n’est pas général. Il a été mis en évidence pour classer le contrat de société parmi les contrats aléatoires. Mais,
si l’on y réfléchit, existe-t-il un contrat durable qui ne soit pas aléatoire ? Sans doute peut-on mieux maîtriser
juridiquement l’aléa dans certains contrats que dans d’autres. Mais là, de toute façon, ce n’est pas la prestation
de l’autre partie qui est incertaine, ce sont les résultats de l’activité - quand il existe une activité !

16. De la « contribution » aux pertes

Mentionnons, malgré sa relative insignifiance, l’alinéa 3 de l’article 1832 : « Les associés s'engagent à
contribuer aux pertes. » Étrange précision dans un article de définition. Son sens est de toute façon déjà
assumé par l’article 1844-1. En réalité, les associés ne s’engagent pas, ils sont tenus. S’ils le pouvaient, ils
éviteraient ce genre de désagrément. Est-ce un élément de qualification, ou un élément de régime ? La
jurisprudence relative à la société créée de fait vérifie l’élément, mais on peut soutenir qu’il ne s’agit que d’un
indice, alors qu’en même temps la reconnaissance de l’existence d’une telle société a certainement pour effet
de mettre à la charge de chaque associé une contribution aux pertes.

II – Où va le citoyen Nivôse ?

17. La fin d’une « société »…

Il est toujours difficile de jouer les devins. Sauf dons particuliers, le prévisionniste se fonde sur ce qu’il croit
savoir. Sans vouloir écrire un nouvel article 1832, relevons quelques éléments qui frôlent l’essentiel.

Cela fait un moment déjà que le mot « société » met mal à l’aise les juristes soucieux de parler exact. D’aucuns
préfèrent parler de « groupements », au moins pour attraper au passage le GIE et ses dérivés.
Malheureusement, toute société n’est pas un « groupement ». Certains estiment que l’on devrait articuler la
réflexion autour de la personnalité morale. Cela voudrait dire que l’on se passe de la société en participation,
pourtant la plus ancienne des formes de société, et qui est loin de dépérir en pratique. L’entreprise a de chauds
partisans, mais à certains égards, elle déborde les sociétés et les groupements, ne serait-ce qu’avec les
entreprises individuelles ; elle est difficile à situer par rapport à la personnalité juridique, et ses éléments
constitutifs sont juridiquement incertains. Ces approximations sont loin d’être inutiles en langage juridique. Il
est extrêmement commode de disposer d’un terme aussi malléable. Mais il ne devient juridiquement
opérationnel que dans des cadres définis par ailleurs.

18. … victime de ses excès ?

27

Ravalés à de simples techniques, la société et le droit des sociétés ont prêté la main à toutes sortes d’excès, qui
se retournent aujourd’hui contre eux. On pourrait très amplement développer ces questions, mais contentons-
nous d’évoquer ce que d’autres ont beaucoup mieux étudié. L’irrésistible montée de la responsabilité sociale
des entreprises, et le déclin de l’autonomie des sociétés, parfois entrecroisés, manifestent bien ce retour de
bâton. Il est vrai que la personnalité morale, plus que la société elle-même, sert ici de cible. Cependant, la très
grande majorité des personnes morales sont des sociétés, et leur instrumentalisation devient socialement
moins tolérable. Naturellement, le droit des sociétés n’est pas seul en cause, il n’est qu’un élément d’une
nébuleuse juridique qui se développe au niveau planétaire.

19. Un ensemble de possibles ?

Si l’on revient au concept actuel de société, quels sont les éléments invariants ? On n’y trouve pas (encore ?)
des finalités comme celle du développement durable, de la responsabilité de la société à l’égard de la Société,
ou de la juste répartition des richesses entre les « parties prenantes ». Il existe beaucoup de sociétés sans
salariés, sans clients, et même sans fournisseurs. Va-t-on situer ces invariants sur ce que la société peut être,
avoir et faire ? Ne serait-elle qu’un ensemble de possibles, pas nécessairement réunis ?

20. L’hypothèse peut se vérifier à certains égards. Une société peut être créée par une ou plusieurs personnes -
l’existence de société nécessairement pluripersonnelles n’est plus, dans la logique actuelle, qu’un
épiphénomène. Une société peut recevoir des apports ou non, exploiter une entreprise ou non, viser au
partages des résultats ou non. Les associés qui n’ont pas fait d’apport ne vont pas contribuer aux pertes s’ils ne
sont pas tenus de payer le passif social (où l’on voit la convergence entre obligation et contribution aux pertes).

21. Une « entité » ?

Convenons cependant que des possibles ne font pas une définition. Peut-être doit on se réfugier dans une
autre notion, plus présence en droit américain qu’en droit français (qui ne l’ignore pas cependant), celle
d’entité. Le processus intellectuel rappelle celui de la cascade inversée valeurs mobilières - titres - instruments
financiers. L’avantage de l’entité est que, dans l’esprit du juriste français, elle n’a pas nécessairement la
personnalité morale. On peut l’arrimer au droit civil en disant que sa création et son fonctionnement découlent
d’un acte juridique. Et c’est tout. Car elle n’exploite pas nécessairement une entreprise, elle n’est pas
nécessairement animée par une personne, elle n’a pas nécessairement un patrimoine avec des biens, des
droits, des dettes, elle ne vise pas nécessairement à des résultats chiffrés, et ceux qui, éventuellement, la font
fonctionner, ne « contribuent » pas nécessairement aux pertes éventuelles.

22. Du principe et des exceptions

Ces éprouvantes constatations risquent de faire perdre de vue les moyens de résoudre les problèmes auquel
l’actuel article 1832 apporte des solutions. Elles risquent aussi de faire triompher une théorie à partir des
exceptions, alors que ce sont les principes qui doivent l’emporter. Dans le droit actuel, le discours consiste à
dire : voilà ce qu’est une société, mais il y a des cas, où par exception, elle est autre chose. Pour sortir de
l’impasse, il pourrait être acceptable de dire, par exemple à propos du contrat de travail, que les associés,
surtout quand ils sont plusieurs, ne sont pas en tant que tels subordonnés à l’un d’entre eux ou à la société. Le
principe d’égalité entre associés, souvent maltraité, reste malgré tout en vigueur. Est-il de l’essence des
sociétés, ou ne représente-t-il pas plutôt, aujourd’hui, un élément de leur régime ? Quant à la société créée de
fait, elle correspond à des besoins très particuliers, qui pourraient se suffire d’un texte spécial. On pourrait
décliner les autres utilités rattachées à l’article 1832 et leur administrer le même traitement.

23. Dépouillé de son ancienne identité, le citoyen Nivôse a singulièrement perdu de sa prestance. Est-il promis
au décollement, ou pourra-t-il attendre la Restauration ? Ses gens risquent d’avoir du mal à lui trouver la digne
place qui lui convient dans le contexte nouveau qu’il doit subir.

28
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 20 septembre 2016
N° de pourvoi: 14-28107
Non publié au bulletin Cassation partielle


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil et les articles L. 223-2, L. 223-6 et L. 223-7 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée El Rancho Dominicano (la société) a été
constituée entre M. X... et Mme Y... qui exerçait les fonctions de gérante, chacun étant titulaire de la moitié des
parts sociales ; que selon les statuts de la société, le capital social a été apporté à hauteur d'une somme
identique par chacun des associés ; que M. X... a assigné la société et Mme Y... pour obtenir l'annulation des
délibérations des assemblées générales de 2010 et 2011, en faisant valoir qu'il n'y avait pas été régulièrement
convoqué ;

Attendu que pour dire que M. X... n'était pas associé de la société et n'avait pas qualité à agir, et déclarer sa
demande irrecevable, l'arrêt retient que Mme Y... prouve avoir en réalité réglé la totalité des apports au moyen
de deux chèques et que M. X... ne démontre pas la remise prétendue d'espèces en règlement de son apport ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute personne qui, aux termes des statuts, a souscrit des parts sociales et
effectué l'apport correspondant, a la qualité d'associé et peut exercer les droits et actions qui s'y attachent,
peu important les conditions dans lesquelles cet apport a été financé, la cour d'appel a violé les textes susvisés
;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. X... irrecevable faute de qualité à agir et en ce qu'il statue
sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 2 octobre 2014,
entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Paris, autrement composée ;

29
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 22 février 2005
N° de pourvoi: 03-16336
Non publié au bulletin Rejet

Président : M. TRICOT, président


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 2 mai 2003), qu'aux termes de deux protocoles d'accord conclus le 17
juillet 1990, M. X..., actionnaire principal de la société "Groupe Christian X...", devenue société Itea, s'est engagée à céder à
la Caisse régionale du Crédit agricole du Morbihan 900 actions de la société anonyme "Groupe Christian X...", tandis que la
CRCAM s'engageait à acquérir lesdites actions pour la somme de 3 000 000 francs ; que ces promesses ont été exécutées le
18 août 1990 ; qu'elles ont été complétées par des promesses croisées de vente par la CRCAM et de rachat par M. X... de
ces mêmes actions pour le même prix assorti d'un intérêt au taux de 8,5 % l'an ; que la CRCAM s'engageait à ne pas céder
les actions avant le troisième anniversaire de leur transfert et à ne les céder qu'à M. X... au terme de cette période de trois
ans ; que M. X... s'engageait, au terme de la même période de trois ans, à racheter lesdites actions ; que, le 10 janvier 2000,
la CRCAM a assigné M. X... en exécution de sa promesse ; que la cour d'appel a dit que l'engagement de rachat d'actions à
prix convenu n'était pas prohibé par les dispositions de l'article 1844-1 du Code civil et a condamné M. X... à exécuter
l'engagement de rachat ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que constitue un portage la convention par laquelle le porteur devient temporairement détenteur de titres, dans le seul
but de rendre un service financier au donneur d'ordre ; qu'en principe, sauf stipulations contraires, le porteur n'a alors pas
vocation à conserver les dividendes, ni à exercer les droits de vote attachés aux actions temporairement cédées ; qu'à
défaut, il n'est plus un simple porteur, mais un véritable actionnaire, qui ne peut échapper à toute contribution aux pertes
par la stipulation de promesses de vente et de rachat à prix fixe garanti ; qu'en l'espèce, en qualifiant l'opération litigieuse
de portage, sans caractériser d'une part le service financier que lui aurait rendu la CRCAM, et sans même prendre en
considération d'autre part la perception de dividendes par la banque, ni l'exercice des droits de vote attaché aux actions
cédées, ou encore l'augmentation de sa participation et la durée de sa présence au capital de la société Groupe Itea, faisant
de l'établissement financier un véritable actionnaire de cette société et non un simple porteur, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard des articles 1134 et suivants et 1844-1 du Code civil ;

2 / qu'en tout état de cause, constitue un pacte léonin illicite le portage qui s'accompagne de promesses de vente et de
rachat réciproques qui ne sont pas rédigées en des termes identiques, et ont pour effet de supprimer tout aléa au profit
d'une des parties, en la dispensant de toute contribution aux pertes ; qu'en l'espèce, les protocoles conclus entre la CRCAM
et lui n'étaient pas rédigés en des tenues identiques et ne mettaient pas à la charge des parties des obligations
symétriques, étant obligé de racheter les actions à première demande de la banque, tandis que celle-ci était totalement
libre de choisir le moment où elle vendrait, sans qu'il ne puisse l'y contraindre ; qu'il en résultait que la banque n'était
soumise à aucun aléa et était certaine d'échapper à toute contribution aux pertes ; qu'en considérant le contraire, les juges
du fond ont violé les articles 1134 et suivants et 1844-1 du Code civil ;

3 / qu'aux termes des protocoles litigieux, il s'était engagé, passé un délai de trois ans, à racheter les actions au moment où
la banque déciderait de mettre en oeuvre ce rachat, tandis que la banque s'était quant à elle seulement obligée à ne vendre
qu'à lui, mais sans qu'il ne puisse à tout moment lui- même décider de mettre en oeuvre la rétrocession des actions ; qu'en
considérant néanmoins, pour dire que les protocoles litigieux assuraient l'équilibre des droits respectifs des parties et
conféraient à leurs engagements réciproques un caractère aléatoire, que leurs termes étaient identiques et permettaient à
chaque partie d'organiser à tout moment la rétrocession des actions, la cour d'appel a dénaturé les protocoles du 17 juillet
1990, et partant violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que c'est sans dénaturation des conventions litigieuses de promesses croisées de rachat et de vente des
actions, dont elle constatait qu'elles étaient rédigées en termes identiques au profit de chacune des parties, notamment
quant au prix et aux modalités de leur réalisation, que la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a relevé que ces
conventions ne faisaient qu'organiser, moyennant un prix librement débattu et dans des conditions assurant l'équilibre des
droits respectifs des parties, la rétrocession des actions litigieuses sans incidence sur la participation aux bénéfices et la
contribution aux pertes dans les rapports sociaux et qui n'était pas tenue de procéder aux recherches évoquées à la
première branche, que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement décidé qu'elles échappaient aux dispositions
de l'article 1844-1 du Code civil prohibant les pactes léonins ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

30
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 27 septembre 2005
N° de pourvoi: 02-14009
Non publié au bulletin Rejet

Président : M. TRICOT, président

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 2001), que le 22 mai 1992, la société BSA Bourgoin a conclu avec la
société Clinvest, devenue CDR Participations, un accord cadre d'investissement ainsi qu'un pacte d'actionnaires aux termes
duquel cette dernière société s'engageait à participer à une augmentation du capital de la société France volailles ; que par
un autre acte du même jour, la société BSA Bourgoin, actionnaire de la société France volailles, a consenti à la société
Clinvest une promesse unilatérale d'achat de ces titres, au prix de souscription majoré d'un intérêt, pouvant être exercée
entre le 1er janvier et le 31 mars 1998 ; qu'après avoir levé l'option dans le délai convenu, la société CDR Participations a
demandé que la société BSA Bourgoin soit condamnée à lui payer le prix stipulé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société BSA Bourgoin fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le moyen, que la
promesse unilatérale d'achat d'actions qui garantit le cédant contre toute évolution défavorable des titres en lui
permettant de conserver les titres si leur valeur dépasse le prix fixé dans la promesse et qui ne comporte pas de promesses
réciproques de rachat et de vente des mêmes actions en des termes identiques au profit des contractants constitue un
pacte léonin ;

que la cour d'appel, qui a constaté que la convention litigieuse constituait un engagement unilatéral de rachat moyennant
un prix minimum, fixé au montant du prix de cession augmenté d'un intérêt, que cette convention n'était pas complétée
par des promesses croisées de rachat et de vente des mêmes actions, ce qui permettait au cédant de conserver ses titres
s'ils augmentaient de valeur et de s'en débarrasser dans le cas contraire et d'être ainsi garanti contre les pertes sociales, a
violé l'article 1844-1 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, en se référant à l'ensemble des conventions liant les parties, que la promesse litigieuse
tendait à assurer à la société CDR Participations, qui est avant tout un bailleur de fonds, le remboursement de
l'investissement auquel elle n'aurait pas consenti sans ce désengagement déterminant, et retenu que cette promesse avait
ainsi pour objet d'assurer l'équilibre des conventions conclues entre les parties, c'est à bon droit que la cour d'appel a
décidé que la fixation au jour de la promesse d'un prix minimum de cession ne contrevenait pas aux dispositions de l'article
1844-1 du Code civil, peu important à cet égard qu'il s'agisse d'un engagement unilatéral de rachat ; que le moyen n'est pas
fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société BSA Bourgoin fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la promesse
fondée sur la prohibition des clauses d'intérêt fixe alors, selon le moyen, que la clause stipulant au profit d'un associé un
intérêt fixe, soit une rémunération prévue à l'avance et payable même en l'absence de bénéfices, est prohibée ; qu'en
considérant que la clause de la promesse d'achat stipulant que la société Clinvest percevrait en toute hypothèse un intérêt
égal à 15 % si elle cédait sa participation avant le 31 décembre 1997 ou égal au taux PIBOR majoré de deux points si elle
cédait sa participation après le 31 décembre 1997, quels que soient les résultats de la société, était valable, la cour d'appel
a violé l'article L. 232-15 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'article L. 232-15 du Code de commerce est sans application à la stipulation d'intérêts insérée dans une
promesse de cession d'actions, qui oblige le seul cessionnaire et non la société ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

31
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 24 mai 2017
N° de pourvoi: 15-15547
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 décembre 2014), qu'en 2001, M. X...a été déclaré adjudicataire de la
gérance d'un débit de tabac ; que soutenant qu'une société en participation avait été constituée entre eux pour
l'exploitation de ce débit de tabac, M. Y...a assigné M. X..., à titre principal, en paiement de sa part de bénéfices
au titre des années 2001 et suivantes et, à titre subsidiaire, en remboursement de sommes qu'il estimait lui
être dues ;

(…)

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne peut justifier de sa qualité d'associé et qu'il est irrecevable
à solliciter la moitié des bénéfices et, en conséquence, de rejeter la demande de partage de bénéfice alors,
selon le moyen :

1°/ que le juge, tenu de statuer sur les demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut examiner la
demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en affirmant que M. Y...se fondait sur un document qui,
avant d'être envisagé comme fondateur d'une société, fondait sa demande de remboursement tandis que les
conclusions de M. Y...sollicitaient d'abord le partage des bénéfices de la société en participation et
subsidiairement, le remboursement de la somme versée à M. X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions
dont elle était saisie et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que par une attestation datée du 6 juin 2001, M. X...avait reconnu avoir perçu de M. Y...la somme de 215
000 francs « dans le cadre de sa participation égalitaire concernant un bureau de tabac » ; qu'en considérant
que « si le document litigieux peut valoir reconnaissance de dette, il ne peut valoir document fondateur d'une
société en participation », l'analysant ainsi comme un simple prêt, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes
clairs et précis, a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la disproportion entre la valeur des apports n'exclut pas l'existence d'un contrat de société ; qu'en
déniant l'existence d'un contrat de société, après avoir constaté le versement par M. Y...à M. X...de la somme
de 215 000 francs, au motif impropre que M. Y...n'établissait pas avoir réalisé 50 % des apports nécessaires à la
constitution de la société, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1843-2 du code civil ;

4°/ qu'en déniant l'existence d'un contrat de société à raison de ce que M. Y...n'établissait pas avoir réalisé 50
% des apports nécessaires à la constitution de la société et de ce que la redevance due à la direction régionale
de Corse était précomptée sur les remises allouées lors de livraisons, de sorte que pour le fonctionnement du
débit de tabac, M. X...n'avait pas besoin du soutien financier de M. Y..., sans répondre au moyen déterminant
de M. Y...soutenant que la création du débit de tabac nécessitait l'engagement d'autres frais que le seul
paiement de la redevance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que l'absence de participation effective aux bénéfices et aux pertes est impropre à écarter la qualification
de contrat de société, seule l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes devant être recherchée ;
qu'après avoir constaté que « M. Y...a souhaité être associé aux bénéfices du débit de tabac adjugé à M. X...»,
l'arrêt attaqué écarte néanmoins l'existence d'un contrat de société à raison de ce que M. Y...ne démontre pas
« sa participation aux pertes et aux bénéfices » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1832 et
1871 du code civil ;

32

6°/ que l'affectio societatis ne suppose pas, dans une société en participation, l'intention de gérer les affaires
courantes de la société ; qu'en déduisant l'absence d'affectio societatis de ce que M. Y...ne démontrait pas être
intervenu dans la gestion quotidienne du débit de tabac, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1871 du
code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les documents produits par M. Y..., s'ils
établissent qu'il a eu la volonté de se rapprocher des activités de M. X..., ne prouvent pas qu'il s'est occupé de
la vie de l'entreprise, qu'il est intervenu dans la gestion quotidienne du débit de tabac ou qu'il s'est activement
impliqué en qualité d'associé ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines, desquelles elle a déduit l'absence
d'affectio societatis, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'existence d'une société en participation n'était
pas démontrée ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et qui critique des motifs
surabondants en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

33
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 27 mai 2015
N° de pourvoi: 14-17035
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
Me Brouchot, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 février 2014), que
la société Carl Zeiss Meditec (la société CZM), qui vient aux droits de la société Ioltech, fabrique et
commercialise des implants intraoculaires ; qu'elle a exploité une branche « pharmacie » dirigée par M. X...,
ayant pour activité la commercialisation d'un insert ophtalmique dénommé Mydriasert ; que faisant valoir
qu'elle avait constaté, à l'occasion de négociations ayant précédé la cession de cette branche d'activité,
intervenue le 1er septembre 2010, qu'en violation de l'obligation d'exclusivité de service qu'il avait souscrite à
son égard, M. X... avait, sous le couvert de la société à responsabilité limitée Inteyes, qu'il avait créée en avril
2009, obtenu de l'Université d'Auvergne, titulaire d'une licence d'exploitation exclusive d'un brevet portant sur
un produit concurrent du Mydriasert, une sous-licence d'exploitation exclusive de ce brevet, la société CZM a
assigné la société Inteyes afin de voir prononcer la nullité de cette société ;

Attendu que la société Inteyes fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, que selon les
dispositions des articles 1844-10 du code civil et L. 235-1 du code de commerce pris ensemble, tels
qu'interprétés au regard de l'article 11 de la directive européenne CE 68/ 151 du 9 mars 1968, ni la fictivité ni le
caractère frauduleux de sa création ne constituent des causes de nullité d'une société ; que tout en admettant
que ni la fictivité de la société Inteyes ni la fraude reprochée à M. Robert X... lors de la création de cette société
par son frère, n'étaient effectivement prévues comme causes de nullité d'une société au sens de ces
dispositions de droit interne et communautaire, la cour d'appel a cependant considéré que, par interprétation
de ces textes, ces fictivité et fraude devaient être intégrées dans le champ des causes de nullité pour en
déduire que celles reprochées à la société Inteyes étaient de nature à justifier le prononcé de sa nullité ; qu'en
statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté des causes de nullité autres que celles limitativement prévues, sans
extension possible, par analogie ou interprétation, à ces dispositions de droit interne et communautaire qu'elle
a donc violées ;

Mais attendu qu'après s'être référé à l'objet de la société Inteyes, tel qu'énoncé par ses statuts, l'arrêt constate
que celle-ci a été constituée pour l'exercice d'une activité contraire aux prescriptions du code de la santé
publique relatives à la fabrication et à la mise sur le marché de produits pharmaceutiques ; que par ce seul
motif, qui échappe à la critique du moyen, et dont il résulte que l'objet de la société Inteyes était illicite, la cour
d'appel a justifié sa décision de prononcer la nullité de cette société ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être
accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

34

SEANCE 3 : LA SOCIÉTÉ EN FORMATION





I) Promesse et projet de société, pourparlers

- Cass. com., 28 avril 1987, n° 85-18.062
- CA Paris, 13 novembre 1998, n° 399291
- Cass. com., 19 oct. 2010, n° 09-65382

II) Actes accomplis pendant la période de formation

- Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-68.142

- Cass. com., 9 oct. 2001, n° 98-21.923, BJS 2002, p. 71, note M. Menjucq

- Cass. com., 12 juill. 2004, n° 01-16.801, BJS 2004, p. 1504, note J.-J. Daigre

- Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-13.891, Rev. sociétés 2010, p. 26, note B. Dondero

35
Com., 28 avril 1987 n° 85-18.062, Nolff c/ Comminges

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 25 juin 1985) que M. Nolff, dirigeant
de la société Walter Nolff, et M. Comminges, gérant de la société CK France, ont établi entre eux un
contrat visant à assurer la distribution en France des produits fabriqués par la société Kano Kuchen ;
qu'au cours de l'exécution de celui-ci, M. Nolff et M. Comminges se sont rapprochés en vue de la
constitution d'une société commune ;

Attendu que M. Nolff reproche à l'arrêt attaqué d'avoir jugé qu'il avait rompu abusivement une «
promesse de société » et de l'avoir condamné à des dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi,
d'une part, que l'existence d'un « accord », si précis fût-il sur les éléments essentiels de la société
envisagée - objet, apports, forme - ne pouvait en aucune manière impliquer en elle-même promesse
de constituer ladite société ; qu'en déduisant, cependant, la qualification de « promesse de société »
de la seule constatation que les parties avaient réalisé un accord sur l'objet, la forme et les apports
respectifs des associés de la « future société », sans constater que les parties avaient définitivement
arrêté leur intention de s'associer et s'étaient ainsi clairement engagées à constituer la société
projetée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1101, 1134
et 1832 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'un projet de société si élaboré, complet et précis fût-il,
sur tous les éléments de la société future, demeure à l'état de projet et ne saurait revêtir le caractère
d'une « promesse de société » aussi longtemps qu'il ne résulte pas des éléments envisagés que les
futurs associés, se soient, de manière claire et non équivoque, engagés à constituer la société
projetée ; que par suite, en l'espèce, en déduisant l'existence d'une soi-disant « promesse de société
» de la seule existence d'un « accord » sur les éléments de la « future société » et du versement d'un
« salaire » au prétendu futur associé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au
regard des textes susvisés et alors enfin, qu'en décidant que M. Nolff n'aurait pu rompre
unilatéralement, sans abus ouvrant droit à réparation, une prétenue « promesse de société » quand
il résulte des branches qui précèdent qu'il s'était borné à renoncer à donner suite au projet de
société envisagée, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1142 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel constate que l'engagement que M. Nolff avait pris à l'égard de M.
Comminges dépassait le stade de « simples pourparlers », qu'il ressort d'un compte rendu de
réunion, à laquelle les deux parties avaient participé, qu'un accord était intervenu sur l'objet de la
future société, sur l'importance et la nature des apports respectifs de chaque associé et sur la forme
de la nouvelle société et que la rémunération de M. Comminges, qui devait exercer les fonctions de
directeur commercial était également prévue ; qu'elle a pu, dès lors, se déterminer ainsi qu'elle l'a
fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

(…)

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.

36
CA Paris, 13 novembre 1998, n° 399291 Mendes France c/ SA Bozell Inc.

Considérant qu'il n'est pas contesté que le service juridique conseillant le Groupe Bozell « Juris
Développement" avait dès le 28 mars 1991 écrit que la société preneuse serait une société anonyme
dénommée Bozell BMF qui serait filiale directe d'Iceberg Bozell ou du Groupe Bozell France ; qu'il est indiqué
que le Groupe Bozell France réduirait les charges de la « société nouvelle Bozell TMF de manière très
significative » ;

Considérant que concernant « l'affectio societatis » il convient de rappeler que Monsieur Mendes France n'a
jamais émis d'objections aux propositions de la société Iceberg Bozell ; qu'il y avait donc accord de volonté sur
la création, les modalités de création, les conditions de fonctionnement de la future société ; que la promesse
de création de société est clairement démontrée étant observé que la nouvelle société bien que non constituée
juridiquement a eu jusqu'au licenciement de Monsieur Mendes France une véritable activité, celle que peut
avoir une société en formation ;

Considérant que la société Iceberg Bozell a licencié Monsieur Mendes France au prétexte de difficultés
économiques et en invoquant une faute lourde de ce dernier ;

Considérant à cet égard que la cour de Paris, statuant en matière prud'homale, a retenu le licenciement
économique et a attribué une indemnité à Monsieur Mendes France, mais n'a pas retenu de faute lourde à son
encontre ;

Considérant donc que si M. Mendes France a été indemnisé pour son licenciement, il ne l'a pas été pour
l'abandon par la seule société Iceberg Bozell de la promesse de contrat de société, laquelle doit être
sanctionnée si elle a causé un préjudice au bénéficiaire de la promesse ;

Considérant qu'en l'espèce, même s'il ne peut être démontré que la nouvelle société aurait été longtemps
viable et aurait fonctionné pour le plus grand bénéfice des associés même s'il n'est pas prouvé qu'elle aurait
duré trois ans voire même deux ans compte tenu des difficultés économiques invoquées par les intimées ; il
n'en est pas moins vrai qu'il convient de considérer qu'elle aurait au moins eu une durée de vie minimum au-
delà de la date de licenciement de Monsieur Mendes France ;

Considérant qu'en abandonnant la promesse de société nouvelle, qui devait se poursuivre par un contrat de
société ; qu'en ne faisant pas prendre à Monsieur Mendes France les fonctions de président de cette nouvelle
société au-delà de février 1992 la seule société Iceberg Bozell a causé un préjudice matériel à Monsieur
Mendes France étant en effet observé que les rapports de droit n'ont été qu'entre la société Iceberg Bozell
promettante et Monsieur Mendes France ; que les deux autres intimées même si elle ont un intérêt financier
indirect au litige ne sauraient être condamnées à réparer le préjudice subi par Monsieur Mendes France, les
documents versés aux débats indiquant que l'interlocuteur de Monsieur Mendes France, auteur de la
promesse et associé de la future société BMF, était Iceberg Bozell ;

Considérant que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 300 000 francs les dommages-intérêts
destinés à réparer le préjudice subi par l'appelant ; (…)

Par ces motifs,

Infirmant en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Dit que les sociétés Bozell Inc. du Groupe Bozell France et la société anonyme Iceberg sont mises hors de cause
;
Condamne la société Iceberg Bozell à payer à Monsieur Thierry Mendes France la somme de 300 000 francs à
titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ; (…)

37
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 19 octobre 2010
N° de pourvoi: 09-65382
Non publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président
SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 octobre 2008), que la société International Risks management esc associates
inc. (société IRM) dirigée par M. X..., d'une part, et la société Hightech bio activities HBA (société HBA) représentée par M.
Y..., d'autre part, se sont rapprochées courant 2002 en vue de créer un partenariat pour la distribution au Canada d'un filtre
" bio " décontaminant dénommé Bio screen, mis au point par la société HBA ; qu'après avoir porté dans un premier temps
sur un accord de distribution, puis, dans un second temps, sur la création d'une société commune à laquelle serait confiée
la distribution des produits, les pourparlers ont été rompus le 29 septembre 2003 ; que M. X... et la société IRM ont assigné
la société HBA en dommages-intérêts pour rupture fautive de ces pourparlers ;

Attendu que M. X... et la société IRM reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :

1° / qu'en ne recherchant pas si le caractère fautif de la rupture des pourparlers, dont la cour d'appel a relevé qu'ils
s'étaient poursuivis sur une longue période et avaient atteint un stade très avancé, ne résultait pas de ce que la société HBA
avait ajouté tardivement, sans motif autre que celui de faire échouer les négociations, des exigences nouvelles qui
bouleversaient l'équilibre contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code
civil ;
2° / qu'ayant relevé que M. X... avait été « fréquemment sollicité » et que les négociations avaient atteint un « stade très
avancé », la cour d'appel qui n'a pas recherché s'il ne résultait pas de ces circonstances la croyance légitime de M. X... et de
la société IRM en une issue favorable des négociations, de sorte que la décision brutale de la société HBA d'y mettre fin
était fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3° / que la société HBA avait tout au long des négociations présenté M. X... comme son représentant au Canada ; qu'en ne
recherchant pas s'il ne résultait pas de ce comportement une faute, consistant à avoir fait apparaître, non seulement vis à
vis des tiers mais vis à vis de M. X... et de la société IRM, la concrétisation de l'accord comme acquise, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas acquis que les parties avaient trouvé un accord sur les termes principaux du
projet de " term sheet " (contrat) lorsque M. Y... a mis fin aux pourparlers le 29 septembre 2003, la nature même de
l'accord concernant la création d'une société commune de distribution ayant été profondément modifiée deux mois
auparavant puisque la société HBA avait été substituée par la société R & D dont M. Y... était actionnaire et que de
nombreux points, notamment sur la propriété des actions de la société à créer, les pouvoirs attachés à celles-ci et
l'existence d'un droit de veto, restaient en discussion fin août 2003 ; qu'il retient encore que la négociation sur la création
de cette société n'a duré en réalité que deux mois, que la densité et l'âpreté des échanges montrent que les points en
discussion, qui portaient sur le contrôle effectif de la société à créer et sur lesquels aucun accord n'a été trouvé, étaient
pour les parties de la plus haute importance, et note que, dans un courrier adressé à M. Y... le 13 septembre 2003, M. X...
faisait lui-même état des " désaccords profonds " subsistant entre eux, et de " certains éléments inacceptables " risquant "
de faire très sérieusement échouer notre contrat " ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que
M. X..., comme la société IRM étaient conscients des désaccords subsistants sur des éléments essentiels de la négociation,
et que la société HBA n'avait pas commis de faute, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de
l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

38
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 13 juillet 2010
N° de pourvoi: 09-68142
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président), président


Me Le Prado, Me Spinosi, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., agissant pour le compte d'une société en formation, dénommée Contents
France (la société Contents), a demandé à la société Affectio societatis de l'assister pour mener à bien l'opération de reprise
par la future société des actifs de la société Hoppy, en redressement judiciaire ; que la société Contents a été immatriculée
au registre du commerce et des sociétés sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'elle a ensuite été mise en
liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Attendu que la société Affectio societatis fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement du prix de ses
prestations formée contre Mme X..., alors, selon le moyen, que la société qui a été régulièrement constituée et
immatriculée ne peut reprendre que les actes accomplis pour son compte alors qu'elle était en formation ; qu'une société à
responsabilité limitée ne peut ainsi reprendre les actes accomplis par un de ses associés dans le cadre de la constitution
d'une société par actions simplifiée en formation ; qu'en jugeant néanmoins que la société Contents France avait
valablement repris l'engagement de Mme X... à l'égard de la société Affectio societatis, dans le cadre de la constitution de
la société Contents France, au motif inopérant que la société à responsabilité limitée résultait de la seule modification du
projet initial de société par actions simplifiée, tandis qu'elle retenait que l'engagement litigieux avait été souscrit au nom
d'une SAS en formation, la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'après l'établissement d'un premier projet de statuts prévoyant la constitution de la
société Contents sous forme de société par actions simplifiée, la société Affectio societatis avait conseillé l'adoption de la
société à responsabilité limitée et adressé aux futurs associés la totalité de la documentation utile à la constitution de la
société Contents sous cette forme ; qu'il ajoute que ce choix restait entièrement dans la continuité du projet de reprise de
la société Hoppy et ne constituait pas un nouveau projet ; qu'ayant ainsi constaté que la société qui avait acquis la
jouissance de la personnalité morale était celle pour le compte de laquelle Mme X... avait déclaré agir, la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :


Vu l'article R. 210-5 du code de commerce ;


Attendu que lors de la constitution d'une société à responsabilité limitée, l'état des actes accomplis pour le compte de la
société en formation, avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société, est présenté
aux associés avant la signature des statuts ; que cet état est annexé aux statuts, dont la signature emporte reprise des
engagements de la société, lorsque celle-ci a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés ;

Attendu que pour débouter la société Affectio societatis de ses demandes dirigées contre Mme X..., l'arrêt retient qu'aux
statuts est annexée une liste des engagements souscrits ; qu'y est mentionné un "engagement de frais et honoraires de
conseil et du coût des formalités (publicité, greffe) en vue de la constitution de la société et de la reprise à son profit de la
totalité de l'entreprise dépendant du redressement judiciaire de la société Hoppy en exécution du jugement du tribunal de
commerce de Troyes du 20 décembre 2006" ; que l'arrêt ajoute qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de la
constatation que, dans le projet de statuts, ce même paragraphe commençait par les mots "engagements d'honoraires
auprès de Maître Arnaud Y... et de la société Affectio societatis, de frais et du coût...", le reste sans changement ; que l'arrêt
relève encore que cette différence ne traduit pas la volonté d'exclure de la reprise des engagements les honoraires de la
société Affectio societatis mais au contraire celle d'élargir la portée de la reprise à tous les honoraires des conseils ayant
participé à l'opération de constitution de la société et de reprise des actifs Hoppy ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs desquels il résulte que les documents annexés aux statuts ne comportaient pas
l'indication de l'engagement résultant pour la société Contents du contrat conclu avec la société Affectio societatis pour le
compte de la société en formation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Affectio societatis de ses demandes formées contre
Mme X..., l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce
point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

39
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 octobre 2001
N° de pourvoi: 98-21923
Non publié au bulletin Rejet

Président : M. DUMAS, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…) Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 1998), que par acte du 27 avril 1994 M. A... a vendu à la
société à responsabilité limitée EGS, en cours de formation, représentée par M. Vaucouleur, associé habilité à cette fin par
une délibération prise par les associés le 22 avril 1994, un fonds artisanal de serrurerie ; que la société, immatriculée au
registre du commerce et des sociétés le 6 juin 1994, a été mise en redressement judiciaire le 22 août 1994 ; que le vendeur
a assigné la société et M. Vaucouleur en paiement du solde du prix de vente ;

Attendu que les consorts A... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en ce qu'elle était dirigée contre M.
Vaucouleur alors, selon le moyen :

1 / que le mandat en vue d'agir au nom d'une société à responsabilité limitée en formation doit être donné soit à l'un ou
plusieurs des associés, soit au gérant non statutaire; qu'après avoir constaté que M. Vaucouleur, associé de la société en
formation EGS avait été nommé aux fonctions de gérant le 16 avril 1994, la cour d'appel, qui s'abstient de rechercher
l'incidence de cette nomination sur la validité de l'autorisation donnée le 22 avril 1994 au même M. Vaucouleur pour
conclure et signer l'acte de vente du fonds de commerce, prive sa décision de base légale au regard des articles 26 du
décret du 23 mars 1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

2 / que la reprise par la société au moment de son immatriculation des engagements pris, avant cette immatriculation, par
celui qui avait reçu mandat à cet effet est subordonnée à la nécessité pour ces engagements d'avoir été déterminés et leur
modalité précisée par le mandat ; qu'après avoir constaté que le mandat du 22 avril 1994 charge M. Vaucouleur de
conclure et de signer l'acte de vente "aux conditions qu'il jugera les plus convenables pour la société", sans préciser ni le
prix de vente ni les modalités de la vente et du paiement du prix, la cour d'appel n'a pas pu estimer que l'acte de vente du
27 avril 1994 a été repris par la société au moment de son immatriculation, sans priver sa décision de base légale au regard
des articles 26 du décret du 23 mars 1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

3 / qu'aux termes des articles 26 du décret du 23 mars 1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978, c'est le "mandat" qui doit
préciser le prix de vente et les modalités de la vente et de paiement du prix ; qu'en se référant à l'état des actes annexés
aux statuts pour estimer "que la circonstance que le mandat ne précisait pas les modalités de la vente (prix et conditions de
paiement) ne saurait en affecter la validité dès lors que celle-ci est intervenue au prix correspondant au montant de
l'engagement mis à la charge de la société EGS au moment de la signature des statuts, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;

4 / que si l'état des actes annexés aux statuts prévoit le prix de 280 000 francs, en revanche il ne fournit aucune précision ni
sur les modalités de la vente, ni sur les modalités de paiement du prix ; qu'en estimant malgré tout que l'acte de vente a été
repris par la société au moment de son immatriculation, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard
des mêmes textes, ensemble l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 ;

5 / que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité
morale sont tenus solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été
régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits; que cette reprise ne peut résulter, après
immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés ; qu'en
estimant néanmoins "qu'en réglant partie du prix de vente et entreprenant l'exploitation du fonds, la société a tacitement
ratifié le mandat donné à l'appelant pour signer l'acte de vente", la cour d'appel, qui ne relève l'existence d'aucune décision
de reprise de l'acte de vente, a violé l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 et l'article 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des textes visés au moyen que le mandat de prendre des engagements
pour le compte de la société, que les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner à l'un ou plusieurs
d'entre eux ou au gérant non associé, ne pourrait être donné à l'un des associés du seul fait qu'il aurait été nommé aux
fonctions de gérant ;

40
Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que les associés ont à l'unanimité, par acte séparé du 22 avril 1994, donné
mandat à M. Vaucouleur, associé de la société EGS, dont les statuts avaient été signés le 16 avril 1994, d'acquérir pour le
compte de la société un fonds artisanal précisément identifié, dont le prix, 280 000 francs, et les modalités de financement,
par recours à un emprunt à hauteur de 220 000 francs, étaient déterminés dans un document mentionné et annexé aux
statuts; qu'en l'état de ces constatations, dont il résultait que l'engagement objet du mandat était déterminé et que ses
modalités étaient précisées, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu, abstraction faite du motif
surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen, décider que l'immatriculation de la société EGS avait emporté la
reprise par elle de l'acquisition du fond litigieux faite pour son compte par M. Vaucouleur ;

D'où il suit que le moyen qui ne peut être accueilli en sa cinquième branche, n'est pas fondé en ses quatre autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

41
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du lundi 12 juillet 2004
N° de pourvoi: 01-16801
Non publié au bulletin Cassation

Président : M. TRICOT, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1843 du Code civil, L. 210-6 du Code de commerce et 6, alinéa 4, du décret du 3 juillet 1978 ;

Attendu selon les deux premiers textes que la société régulièrement immatriculée peut reprendre les
engagements souscrits par les personnes qui ont agi en son nom avant son immatriculation ; que selon le
dernier, la reprise ne peut résulter après immatriculation que d'une décision prise, sauf clause contraire des
statuts, à la majorité des associés ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que par acte du 10 juin 1992 la société Sofinabail (la crédit-bailleresse) a donné
en location avec option d'achat à la société le Cercle rouge en formation divers matériels destinés à son
exploitation moyennant le paiement de 60 loyers mensuels échelonnés du 25 juin 1992 au 27 mai 1997 dont
l'exécution était garantie par les cautionnements solidaires de M. et Mme X..., M. et Mme Y... et M. et Mme Z...
(les cautions) ; que le 3 juillet 1992, la société a été immatriculée ; que la crédit-bailleresse, à la suite de la
défaillance de la société et après une mise en demeure restée infructueuse, a procédé à la résiliation du
contrat ; qu'ensuite elle a assigné la société et les cautions en paiement d'une certaine somme ; que la société
a soutenu qu'elle n'était pas engagée par le contrat de crédit-bail ;

Attendu que pour décider que le contrat de contrat-bail avait fait l'objet d'une reprise par la société, après son
immatriculation, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que les engagements résultant de ce contrat,
souscrits par les gérants de la société antérieurement à son immatriculation avaient été repris sur "décision
collective des associés" en considération des mentions contenues dans l'acte de cession de parts sociales des
15 et 16 décembre 1997, consenti par la majorité des associés et de leur exécution pendant plus de deux ans
par la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que seule une délibération spéciale de la collectivité des associés, prise sauf
clause statutaire contraire, à la majorité d'entre eux, constitue l'accomplissement régulier de la formalité
exigée par les textes susvisés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

(…)

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE en toute ses dispositions l'arrêt rendu, le 6 septembre 2001, entre les parties par la cour
d'appel de Toulouse ;

42
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 26 mai 2009
N° de pourvoi: 08-13891
Non publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président


Me Foussard, Me Le Prado, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les deux moyens, réunis :


Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 25 janvier 2008), que la SNC Croisinvest, en cours de formation, représentée par son
gérant, M. X..., a contracté, le 1er octobre 1992, auprès de la caisse régionale du crédit maritime mutuel du Morbihan et de
Loire-Atlantique (la CRCMM), un emprunt de 200 000 francs destiné à financer l'acquisition de 200 parts de la société
Croisière des alizés ; que les deux associés fondateurs de la société Croisinvest, MM. X... et Y..., se sont portés cautions de
celle-ci à hauteur de 200 000 francs chacun ; que le prêt a été débloqué le 30 décembre 1993 par virement direct sur un
compte bancaire ouvert au nom de la société Croisière des alizés ; que les formalités d'immatriculation de la société
Croisinvest n'ont pas été effectuées ; que la CRCMM a assigné M. Y... en remboursement du prêt ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la CRCMM une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que les fondateurs avaient entendu créer une société en nom
collectif destinée, par suite, à être immatriculée et à acquérir la personnalité morale (arrêt, p. 3, avant-dernier §, p. 4, § 1er,
p. 5, § 3 et 4 et avant-dernier §) ; que la substitution d'une société créée de fait relevant des règles régissant la société en
participation supposait la constatation, à propos de cette société créée de fait, de toutes les conditions pour qu'il y ait
société : affectio societatis, apports, volonté de prendre part aux bénéfices et de contribuer aux pertes ; que faute d'avoir
constaté l'existence de ces conditions, avant de retenir qu'une société créée de fait avait été substituée à la société en
formation destinée à être immatriculée comme société en nom collectif, les juges du fond ont privé leur décision de base
légale au regard des articles 1871, 1872-1 alinéa 2 et 1873 du code civil ;

2°/ que l'identification d'une société créée de fait, se substituant à la société en formation destinée à être immatriculée,
suppose l'accomplissement d'actes relevant de l'objet social ; que la seule souscription d'un prêt, simplement destiné à
préparer l'accomplissement d'actes relevant de l'objet social, dès lors notamment qu'il n'a pas été suivi d'exécution, les
fonds ayant été remis entre les mains d'un tiers, ne saurait caractériser sans équivoque l'accomplissement d'actes réalisant
l'objet social ; que, de ce point de vue également, l'arrêt attaqué doit être censuré pour défaut de base légale au regard des
articles 1871, 1872-1 alinéa 2 et 1873 du code civil ;

3°/ que la seule affirmation selon laquelle il a bien agi en qualité d'associé, eu égard à sa lettre du 28 avril 1993, et participé
à l'acte de prêt en s'engageant formellement envers l'établissement de crédit, n'est pas de nature, à défaut d'autres
circonstances, et notamment à défaut d'analyse de la lettre du 28 avril 1993, à révéler un acte positif accompli comme
associé ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1872-1, alinéa 2, du
code civil ;

4°/ que s'agissant des faits relevés à la première branche, les juges du fond n'ont pas relevé qu'il s'était comporté comme
associé "au vu et au su des tiers" ; que l'arrêt, de ce fait, est de nouveau entaché d'un défaut de base légale au regard de
l'article 1872-1, alinéa 2, du code civil ;

5°/ que la souscription d'un engagement de caution ne peut, à lui seul, révéler un comportement d'associé ; qu'à cet égard,
l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1872-1, alinéa 2, du code civil ;

6°/ que s'agissant de l'engagement de caution, les juges du fond n'ont pas relevé que l'acte qui lui était imputé avait été
accompli "au vu et au su des tiers" ; qu'à tout le moins, sur ce point, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard
de l'article 1872-1, alinéa 2, du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société, en cours de formation, avait pour objet social l'acquisition des parts de la
société Croisière des alizés et que l'emprunt contracté par M. X..., au nom de la société, a servi à cette acquisition ; qu'il
retient encore que M. Y... s'était présenté comme l'un des associés de la société dans un courrier adressé à un tiers et avait
participé à l'acte de prêt en s'engageant en qualité de caution avec M. X... envers la CRCMM ; que de ces constatations et
appréciations qui rendaient inutiles les autres recherches énoncées à la première branche, la cour d'appel a pu déduire
qu'en l'absence d'immatriculation au registre du commerce une société créée de fait s'était substituée à la société en
formation et que l'activité développée par MM. X... et Y... avait dépassé l'accomplissement des simples actes nécessaires à
sa constitution ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;

43


SEANCE 4 : LA PERSONNALITÉ MORALE





I) Acquisition de la personnalité morale

- Cass. soc., 28 sept. 2016, n° 14-28.959, BJS 2017, p. 1, note F. Danos


II) Sociétés sans personnalité morale

• Société en participation

- Cass. com., 26 nov. 1996, n° 94-14.519, JCP G 1997, II, 22904, note D. Gibirila

- Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-21.792

• Société créée de fait

- Cass. civ. 1, 20 janvier 2010, n° 08-13200 (Berniac), Rev. sociétés 2010, p. 430, note B. Dondero

- Cass. civ. 1re, 12 mai 2004, n° 01-03.909


CAS PRATIQUE

M. BRETT, 61 ans, et Mme FRICKE, 37 ans, ont vécu pendant 11 ans et jusqu'à l'année
dernière en parfait concubinage. Peu avant leur rencontre, M. BRETT a acheté en son nom un
important mas en Provence dont le couple avait, par la suite, décidé une rénovation totale en vue
d'en faire, d'une part, leur domicile et, d'autre part, plusieurs logements de vacances destinés à la
location.

Tous les travaux ont été financés par M. BRETT au moyen d'un prêt bancaire dont il est établi
que Mme FRICKE avait refusé de se porter caution.

En revanche, cette dernière a souvent payé la taxe foncière de l'immeuble, ainsi que les
factures EDF. Par ailleurs, elle a réalisé par elle-même des travaux de carrelage, peinture et papier-
peint. Les fournitures en cause ont été cependant réglées avec le compte chèque de M. BRETT pour
lequel elle disposait d'une procuration. Mme FRICKE s'occupait aussi de la location des logements de
vacances, dont les baux étaient établis au nom de M. BRETT, et s'occupait de la réception des
nombreux clients étrangers de ce dernier, accueillis l'été en fin de semaine.

En juin dernier, le couple s'est séparé dans de mauvaises conditions. Mme FRICKE, qui vient
d'apprendre la mise en vente du mas par M. BRETT pour un prix de 1,2 millions d'euros, vous
consulte afin de savoir si elle peut faire valoir des droits sur cette somme.

44

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 28 septembre 2016
N° de pourvoi: 14-28959
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 1842 et 1843 du code civil, L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de
leur immatriculation et qu'en l'absence de mandat donné par les associés, d'état annexé aux statuts ou de
reprise d'un acte lors d'une assemblée générale, la société n'est pas engagée par les actes effectués pour son
compte par les fondateurs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Arbos films dans le cadre d'un contrat à
durée déterminée portant sur la période du 29 mars 2010 au 15 mai 2010 ; qu'ayant par la suite, pour la
préparation du même film, entretenu des relations contractuelles avec la société Massane production, laquelle
a été immatriculée le 16 juin 2010, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de
cette relation en contrat à durée indéterminée, en constatation de ce qu'il avait travaillé du 15 au 31 mai 2010
sans avoir été ni déclaré ni rémunéré et en paiement de diverses sommes dont au titre d'un travail dissimulé et
de la rupture ;

Attendu que pour condamner la société Massane production à verser à l'intéressé une indemnité pour travail
dissimulé, l'arrêt retient qu'elle reconnaît l'avoir fait travailler entre le 15 et le 31 mai 2010 sans le déclarer ni
lui remettre de bulletins de salaire, mais en lui réglant ses heures de travail sous forme d'une prime
exceptionnelle de 1 700 euros figurant sur son bulletin de salaire du mois de juin 2010, le caractère
intentionnel de la dissimulation d'emploi apparaissant ainsi caractérisé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'extrait Kbis de la société mentionnait le 16 juin 2010
comme date d'immatriculation, ce dont il résultait l'absence d'acquisition de la personnalité morale avant cette
date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Massane production à verser à M. X... la
somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 8 octobre 2014, entre les
parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris,
autrement composée ;

45
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 26 novembre 1996
N° de pourvoi: 94-14519
Publié au bulletin Cassation.

Président : M. Bézard ., président
Rapporteur : M. Métivet., conseiller rapporteur
Avocat général : Mme Piniot., avocat général
Avocats : M. Garaud, la SCP Waquet, Farge et Hazan., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Vu l'article 1872-1, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les sociétés en participation, chaque associé contracte en son nom personnel et est seul
engagé à l'égard des tiers ; qu'il en est toutefois différemment si les participants agissent en qualité d'associé
au vu et au su des tiers ou si un associé a, par son immixtion, laissé croire au cocontractant qu'il entendait
s'engager à son égard ;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que, le 15 juin 1987, a été constituée la société Création
système (la société) ; que les époux Y... ont, le 17 novembre 1987, conclu avec M. Z..., agissant en tant que
représentant de cette société, une convention pour la construction d'un immeuble ; qu'ayant été mise en
redressement judiciaire le 26 mai 1988, la société a été inscrite au registre du commerce le 30 mai suivant ; que
les époux Y... ont assigné tous les associés de la société, dont les époux X..., en réparation du préjudice
résultant de malfaçons affectant l'immeuble objet de la convention ;

Attendu que, pour condamner les époux X..., solidairement avec les autres associés de la société, à payer
certaine somme aux époux Y..., l'arrêt retient qu'il est manifeste que l'inscription tardive de la société au
registre du commerce est dépourvue d'intérêt ; que, cependant, le fonctionnement de la société et les actes
accomplis dans le cadre de l'objet social, et plus particulièrement découlant de la convention passée avec les
époux Y..., entrent dans les prévisions de l'article 1872-1, alinéa 2, du Code civil ; que la simple chronologie des
faits en cause conduit à considérer que le défaut d'inscription au registre du commerce est délibéré et ne peut
en aucun cas s'analyser en une simple négligence, pas plus pour M. Z... que pour des autres membres de la
société ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans caractériser les actes personnels des époux X...
permettant de considérer qu'ils avaient agi en qualité d'associés au vu et au su des époux Y... ou qu'ils s'étaient
immiscés dans l'accord passé par M. Z... avec ceux-ci, leur faisant croire qu'ils entendaient s'engager à leur
égard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 1994, entre les parties, par la cour
d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

46
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 10 septembre 2013
N° de pourvoi: 12-21792
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., alors gérant de la société en participation Lombard et Guérin (la
société en participation), et M. X... ont, le 28 janvier 2000, signé avec le représentant de la commune de Pont-
de-Chéruy une convention de délégation de service public pour la prestation de services relatifs à l'organisation
des foires et marchés ; que la commune ayant résilié la convention le 22 septembre 2005, M. Y..., puis M. X...,
faisant valoir qu'elle demeurait débitrice d'une certaine somme au titre de ce contrat, l'ont fait assigner en
paiement ; que la société par actions simplifiée Lombard et Guérin, qui avait succédé à M. Y... en tant que
gérant de la société en participation, est volontairement intervenue à l'instance d'appel ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1871 du code civil ;

Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en ses demandes, l'arrêt retient, par motifs propres, que le
tribunal a exactement retenu que M. X... avait la qualité de salarié, intervenant en tant que tel à la convention,
dans les intérêts de son employeur, et qu'il ne démontrait pas être intervenu à titre personnel et, par motifs
adoptés, que M. X..., simple salarié, ne peut prétendre avoir un intérêt à défendre autre que celui de son
employeur, la société Lombard et Guérin ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, n'étant pas une personne morale, une société en participation ne peut
revêtir la qualité d'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

(…)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré la société Lombard et Guérin gestion irrecevable en son
intervention, l'arrêt rendu le 2 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en
conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

47
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 20 janvier 2010
N° de pourvoi: 08-13200
Publié au bulletin Cassation

M. Bargue, président
Mme Chardonnet, conseiller rapporteur
M. Sarcelet, avocat général
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1832 du code civil ;

Attendu que l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments
caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied
d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi
qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et
ne peuvent se déduire les uns des autres ;

Attendu que M. X... et Mme Y... ont vécu en concubinage et ont eu ensemble un enfant né en 1977 ; que le 13
novembre 1990, M. X... a acquis un terrain situé à Schoelcher ; qu'ils ont, en qualité de co-emprunteurs,
souscrit un emprunt pour financer la construction d'un pavillon sur ce terrain ; que M X... a vendu ce bien en
1999 ; que le 12 octobre 1999, Mme Y..., invoquant l'existence d'une société créée de fait, a assigné M. X... en
paiement de la moitié du produit de la vente du pavillon ;

Attendu que pour dire qu'il a existé une société de fait entre M. X... et Mme Y... et que celle-ci devait supporter
la moitié des charges et recevoir la moitié des produits de la vente de la maison, l'arrêt retient que la
construction a été financée par un emprunt de 756 000 francs souscrit par les concubins en qualité de co-
emprunteurs, remboursé à concurrence de 4 379, 64 francs par mois par Mme Y... et 4 500 francs par mois par
M. X... ; que ceux-ci, en prenant la décision d'effectuer un emprunt pour financer un projet commun de
construction d'une maison ont témoigné d'une affectio societatis, leur but étant de partager une vie de famille
stable puisqu'ils avaient un enfant commun ; qu'il n'est pas contesté que Mme Y... a assuré l'entretien et les
charges de l'immeuble ainsi que les impôts et taxes et que ces éléments établissent la volonté des concubins de
participer aux bénéfices et avantages tirés de la jouissance du bien et aux pertes ;

Qu'en se déterminant ainsi alors que l'intention de s'associer en vue d'une entreprise commune ne peut se
déduire de la participation financière à la réalisation d'un projet immobilier et est distincte de la mise en
commun d'intérêts inhérents au concubinage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties le 16 août 2007 et rectifié le 25
janvier 2008, par la cour d'appel de Fort de France ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant les renvoie devant la cour
d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

48
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 12 mai 2004
N° de pourvoi: 01-03909
Publié au bulletin Cassation.

M. Lemontey, président
M. Gridel., conseiller rapporteur
Mme Petit., avocat général
la SCP Peignot et Garreau, la SCP Piwnica et Molinié., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1832 du Code civil ;

Attendu que pour justifier l'existence d'une société créée de fait entre M. X... et Mme Y... et
reconnaître au premier le droit de prétendre à la moitié de la valeur d'une maison et de biens
mobiliers acquis pendant leur concubinage, l'arrêt attaqué relève que Mme Y..., qui s'occupait seule
de la gestion du ménage, utilisait pour ce faire soit son propre compte bancaire que M. X... alimentait
régulièrement par le versement de la moitié de son salaire mensuel, soit la procuration dont elle
bénéficiait sur le compte de ce dernier, la situation ainsi créée correspondant à une totale mise en
commun des revenus ; qu'en ce qui concerne l'immeuble litigieux, les concubins en avaient profité
ensemble et avaient réalisé divers travaux à frais communs, jusqu'à ce que M. X... fût invité par sa
compagne à quitter les lieux ; que si ce bien avait été acquis au nom de Mme Y..., M. X... s'était porté
caution solidaire des deux prêts souscrits par elle à cette occasion, et qu'elle-même, inapte à financer
personnellement un tel achat, avait effectué les remboursements selon la pratique ménagère
susdécrite, suivie également pour payer les meubles acquis au cours de la vie commune ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans relever aucun élément de nature à démontrer une intention de
s'associer distincte de la mise en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale, la cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit beson d'examiner les autres branches :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2000, entre les parties,
par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

49

SEANCE 5 : LES ATTRIBUTS DE LA SOCIÉTÉ






- Article 1835 du Code civil


I) Siège social et nationalité

- Article 1837 du Code civil
- CJCE, 9 mars 1999, Centros, Dr. sociétés 1999, n° 181, obs. D. Vidal
- Cass. crim., 31 janv. 2007, n° 02-85.089 et 05-82.671, Dr. sociétés 2017, n° 83, obs. R. Salomon

II) Dénomination sociale

- Cass. com., 6 mai 2003, n° 00-18.192, BJS 2003, p. 921, note P. Le Cannu
- Cass. com., 12 juin 2007, n° 06-12.244, D. 2007, p. 1796, note A. Lienhard
- Cass. com., 29 janv. 2008, n° 05-20.195

Cas pratique :

Mlle Carrie Bradshaw et Mlle Charlotte York décident de créer une SARL ayant pour objet la vente de
vêtements de prêt-à-porter de luxe. Les deux associées décident d’utiliser le nom de Carrie, ancienne
journaliste de mode réputée du magazine Vogue, comme dénomination sociale. La société est donc
régulièrement immatriculée quelques jours plus tard au Registre du Commerce et des Sociétés de
Dijon sous le nom de « Mademoiselle Bradshaw ».

Malheureusement, au bout de quelques mois, des tensions très fortes apparaissent entre les deux
amies quant au choix des collections. Carrie, ne supportant décidément plus la rigidité et le
conformisme de Charlotte, décide de quitter la société en cédant ses parts.

Une fois la cession réalisée, Carrie décide de déposer son nom à titre de marque. Elle souhaite
également empêcher la SARL « Mademoiselle Bradshaw » d’utiliser son célèbre patronyme dans sa
dénomination sociale ainsi que pour la commercialisation d’une nouvelle ligne de vêtements. Peut-
elle le faire ?

50


Article 1835

Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019 - art. 169

Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque
associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société
et les modalités de son fonctionnement. Les statuts peuvent préciser une raison d'être,
constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend
affecter des moyens dans la réalisation de son activité.


51

Article 1837 du Code civil

Créé par Loi 78-9 1978-01-04 JORF 5 janvier 1978 rectificatif JORF 15 janvier, 12 mai 1978 en vigueur
le 1er juillet 1978

Toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de la loi
française.

Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la
société si le siège réel est situé en un autre lieu.



52
CJCE, 9 mars 1999, C-212-97, Centros Ltd

(…)

Les articles 52 et 58 du traité CE s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une
succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans
lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à
permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale
sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de
constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social
minimal. Toutefois, cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné
puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la
société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée,
soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution
d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le
territoire de l'État membre concerné.

53
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 31 janvier 2007
N° de pourvoi: 02-85089 05-82671
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Cotte, président
M. Dulin , conseiller rapporteur
M. Di Guardia, avocat général
Me Bouthors, SCP Piwnica et Molinié, Me Ricard, Me Spinosi, SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Baraduc
et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lesourd, SCP Lyon-Caen,
Fabiani et Thiriez, SCP Monod et Colin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que deux informations ont été ouvertes les
18 août 1994 et 5 mai 1995, la première, au vu d'un rapport du 6 juillet 1994 du président de la Commission
des opérations de bourse, relatif à la sincérité des comptes des sociétés du groupe textile Bidermann, et, la
seconde, sur plainte avec constitution de partie civile portée le 20 avril 1995 par la société Elf Aquitaine,
anciennement dénommée Société nationale Elf Aquitaine (SNEA) et par sa filiale de droit luxembourgeois, la
Compagnie de participation et d'investissement holding (CPIH) ;
Que les informations, qui ont été jointes, ont révélé que, de la nomination de Loïck K, aux fonctions de
président de la SNEA, le 1er juillet 1989, jusqu'à son départ, le 4 août 1993, des pratiques délictueuses se sont
instaurées et développées, d'une part, sur la base du système ayant conduit cette société pétrolière à
rémunérer des intermédiaires ou des décideurs politiques des pays producteurs de pétrole, pour exercer et
développer ses activités de production, d'autre part, à l'occasion de la centralisation des contrats d'assurance
des sociétés du groupe Elf, enfin, lors d'opérations d'investissement réalisées dans les secteurs pétrolier,
immobilier et aéronautique de ce groupe ;
Que ces pratiques ont abouti à détourner de la trésorerie de la SNEA et de certaines de ses filiales, par la
constitution de multiples sociétés off shore et l'ouverture de nombreux comptes bancaires à l'étranger, des
fonds d'un montant d'au moins trois milliards de francs qui ont bénéficié à certains dirigeants et cadres de ces
sociétés, à des intermédiaires ou à des négociateurs impliqués dans les montages frauduleux mis en place ;
Attendu qu'à l'issue de l'information, des dirigeants et des cadres de la SNEA et de certaines de ses filiales ainsi
que des intervenants extérieurs ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs, selon les cas,
d'abus de biens sociaux, abus de confiance, complicité et recel de ces délits ; (…)

Sur le sixième moyen de cassation, proposé, par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la
Varde, pour Claude G, pris de la violation des articles 1837 du code civil, L. 210-3, L. 241-3 et L. 242-6 du code
de commerce, 111-3 et 111-4 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude Richard coupable de complicité de recel et de recel d'abus de biens
sociaux au préjudice de la société Elf Gabon ; "aux motifs, sur l'exception d'inapplicabilité, à la société anonyme
de droit gabonais Elf Gabon, des articles 437 et 464 de la loi du 24 juillet 1966, devenus les articles L. 242-6 et L.
242-4 du code de commerce, qu'il résulte de l'article L. 210-3 du même code, comme de l'article 1837 du code
civil, que les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire français sont soumises à la loi française ; que
les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais que celui-ci ne leur est pas opposable par la société si
son siège réel est situé en un autre lieu ; que la société Elf Gabon, ainsi qu'il résulte de ses statuts, a fixé son
siège à Port-Gentil en République gabonaise ;
que, cependant, comme l'ont relevé les premiers juges, cette société, contrôlée à 58,28 % par la SNEA, dotée
d'un établissement sur le sol français entraînant son immatriculation au registre du commerce de Nanterre, et
dont le président du conseil d'administration, André N, résidait à Paris, avait son siège réel dans les locaux de la

54
tour Elf à la Défense, où ont été prises les décisions d'octroyer les avances litigieuses et données à la société
Rivunion les instructions écrites pour faire virer les fonds ; qu'en conséquence, la société Elf Gabon doit être
considérée comme de nationalité française et, compte tenu de sa forme juridique, les dispositions du code de
commerce précitées incriminant l'abus de biens sociaux lui sont applicables ;
"alors que l'incrimination d'abus de biens sociaux n'est pas applicable aux sociétés dont le siège est fixé par
leurs statuts à l'étranger ; qu'en retenant que l'incrimination d'abus de biens sociaux était applicable à la
société Elf Gabon tout en constatant que les statuts de cette société fixaient son siège en République
gabonaise, la cour d'appel a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
"alors, en tout état de cause, que le siège réel d'une société est présumé conforme à celui indiqué par les
statuts ; que cette présomption ne peut être renversée que dans le cas où il est établi que le siège statutaire
serait fictif ; qu'en affirmant, pour dire que la société Elf Gabon devait être considérée comme de nationalité
française, qu'elle avait son siège réel dans les locaux de la tour Elf à la Défense, sans constater que le siège
statutaire, localisé en République gabonaise, serait fictif, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa
décision
(…)
III - Sur les pourvois d'André J, Nadhmi Y, Patrick Z, Dominique A, Jean C, Dieter D, Daniel E, Pierre X, Philippe F,
Claude G, Stéphane H, des sociétés Elf Aquitaine, Sipar, Total Fina Elf lubrifiants, Total France formés contre
l'arrêt du 31 mars 2005 : Les REJETTE

55
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 mai 2003
N° de pourvoi: 00-18192
Publié au bulletin Cassation.

M. Tricot ., président
Mme Garnier., conseiller rapporteur
M. Feuillard., avocat général
la SCP Thomas-Raquin et Benabent, la SCP Boré, Xavier et Boré., avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, à
l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine,
ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux,
autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Alain X..., chef cuisinier d'un restaurant auquel un guide gastronomique
avait accordé un an auparavant "trois étoiles", a constitué avec deux autres associés la société Alain X...
diffusion (société ADD) en vue notamment de la "commercialisation de la ligne Alain X..." ; qu'après
constitution de cette société il a déposé la marque "Alain X..." puis a racheté une marque comportant son nom
et son prénom, déposée en 1988 par une tierce personne ; qu'ayant appris que la société ADD avait déposé
deux marques comportant son patronyme, il a assigné celle-ci en nullité de ces dépôts effectués en fraude de
ses droits ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt relève que celui-ci, en sa qualité d'associé fondateur de
la société ADD, lui a donné ipso facto l'autorisation de faire un usage commercial de son patronyme, qu'il a
ainsi perdu l'usage de celui-ci qui est devenu par l'insertion dans les statuts de la société un signe distinctif qui
s'est détaché de la personne physique qui le porte pour s'appliquer à la personne morale qu'il distingue et
devenir un objet de propriété incorporelle, et que c'est dans le libre exercice de son droit de propriété sur le
signe litigieux que la société ADD a déposé les marques ;

Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que M. X... aurait renoncé à ses
droits de propriété incorporelle sur son patronyme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2000, entre les parties, par la cour
d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

56
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 12 juin 2007
N° de pourvoi: 06-12244
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

M. Tricot, président
Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur
Mme Bonhomme, avocat général
SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Vuitton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a cédé l'ensemble des parts sociales de l'Eurl X... à la société
Etablissements Joseph Laveix ; que la société cédée a alors pris le nom d'Eurl Laveix X... ; que Mme X...
embauchée comme salariée, puis licenciée, a soutenu qu'elle n'avait pas cédé son nom patronymique et
poursuivi la société Etablissements Joseph Laveix pour qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser le nom
patronymique X... ;

Attendu que pour interdire à la société Etablissements Joseph Laveix d'utiliser le nom de famille X..., la cour
d'appel relève qu'il résulte des pièces du dossier que les parties avaient envisagé que le nom X... serait
conservé et précisé qu'il en serait fait mention dans l'acte de cession, ce qui n'a pas été fait ; qu'elle en déduit
que compte tenu du comportement des parties lors de la signature de l'acte définitif, il ne peut être retenu une
volonté même implicite de céder l'usage du nom mais au contraire la volonté de l'exclure du champ de la
cession ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le nom de famille constituait le signe distinctif de l'Eurl
cédée et que Mme X... n'avait pas interdit son utilisation lors de la cession de l'ensemble des parts sociales, la
cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2005, entre les parties, par la
cour d'appel de Bordeaux ;

57
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 29 janvier 2008
N° de pourvoi: 05-20195
Non publié au bulletin Rejet

Mme Favre (président), président
SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Vuitton, SCP Waquet, Farge et Hazan,
avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,17 novembre 2004) que le 28 avril 1927a été constituée la société des
grands hôtels de Cannes, dont Emmanuel X... était actionnaire majoritaire ; que cette société a donné à bail le
5 juin 1931 à la société fermière de l'hôtel X..., constituée le même jour, l'immeuble et le fonds de commerce
de l'hôtel X... à Cannes ; qu'en 1947 les biens de la société des grands hôtels de Cannes ont été confisqués et
l'immeuble et le fonds de commerce placés sous séquestre de l'administration des domaines ; que l'Etat en est
devenu propriétaire, par dation en paiement, en 1979, et les a vendus le 24 avril 1981 à la société hôtelière X...
Concorde ; que cette société a déposé les 10 et 25 octobre 1996 les marques Le relais X... et Hôtel X...,
enregistrées sous les numéros 96 645 273 et 96 648 023, pour désigner des services d'hôtellerie et de
restauration en classe 42 ; que, soutenant que son père s'était toujours opposé à ce qu'un éventuel repreneur
puisse utiliser son nom, Mme Suzanne X... Z... a saisi le tribunal de grande instance, demandant qu'il soit fait
interdiction à la société Hôtelière X... Concorde d'utiliser le nom X... à titre d'enseigne, de dénomination sociale
et de marque, et que soient annulées les marques déposées en 1996 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Suzanne X... Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes, alors selon le moyen :

1° / que le nom est un attribut de la personnalité, en soi indisponible et hors commerce ; que son usage
commercial n'est légitime que s'il est consenti ; qu'un don purement gratuit ne peut se présumer entre
commerçants connaissant la valeur de tous les éléments de leur fonds ; que le consentement ne peut
tacitement résulter à titre gratuit de l'insertion du nom à un acte qu'autant que ce nom n'a aucune valeur
patrimoniale préexistante, pour donner ainsi lieu à un premier usage commercial ; qu'il en est autrement
lorsque ce nom a une telle valeur, parce qu'il est déjà attaché à un usage réputé, en sorte que le consentement
à un usage nouveau, ou pour le moins distinct, comme nom d'enseigne, nom commercial ou dénomination
sociale, ne peut résulter que d'une convention explicite, a priori assortie d'un prix, et portant spécifiquement
sur cette autorisation d'usage ; qu'en décidant dès lors qu'Emmanuel X... avait explicitement autorisé l'usage
de son nom patronymique à une telle fin, sans avoir constaté aucune convention de cette nature, la cour a
violé les articles 9 et 1134 du code civil ;

2° / que pour justifier l'autorisation expresse prétendument donnée par Emmanuel X... de faire un usage
autonome de son nom à titre de nom commercial et d'en faire un objet de propriété incorporelle, la cour a
retenu que cette autorisation résultait des statuts de la société fermière de l'hôtel X... ; que le nom de X... n'y
apparaît pourtant que pour désigner le siège social de ladite société, ou pour décrire l'objet de cette dernière
qui était d'assurer l'exploitation de l'hôtel X... ; que lesdits statuts ne comportent ainsi aucune mention de
nature à justifier qu'Emmanuel X... aurait accepté que son nom devienne un signe distinctif, détaché de sa
personne ; qu'en soutenant le contraire, la cour a dénaturé l'acte évoqué, en violation de l'article 1134 du code
civil ;

3° / que pour justifier l'autorisation expresse prétendument donnée par Emmanuel X... de faire un usage
autonome de son nom à titre de nom commercial et d'en faire un objet de propriété incorporelle, la cour a
retenu que cette autorisation résultait également du bail conclu entre la société des grands hôtels de Cannes et
la société fermière de l'hôtel X... ; que ce bail avait pour objet de dissocier la propriété du bien de son
exploitation effective ; que l'exposante avait fait valoir dans ses écritures que ce bail avait été conclu pour 3

58
ans, et que, par avenant, il était renouvelable jusqu'au 30 août 1949, en sorte qu'à cette date, Emmanuel X... se
trouvait libre d'autoriser ou nom l'usage son nom et qu'il était fondé à solliciter et à obtenir, par jugement du
26 juillet 1949, qu'il fût fait défense à tout acquéreur éventuel de s'en servir ; qu'en laissant sans réponse ce
chef des conclusions, d'où il s'évinçait qu'Emmanuel X... n'avait pas pu donner l'autorisation expresse et
définitive de faire usage autonome de son nom à titre commercial, la cour a privé sa décision de motif, en
violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

4° / que le bail est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un
certain temps ; qu'en l'espèce, à supposer qu'Emmanuel X... ait entendu autoriser l'usage de son nom, cette
autorisation n'avait d'autre objet que de s'assurer que, tout au long du bail, l'hôtel dont Emmanuel X... était à
la fois le propriétaire et le directeur, ne se verrait pas attribuer un autre nom ; que l'acte visé, qui revenait à
rendre Emmanuel X... lui-même bénéficiaire de l'autorisation, au travers de la société qu'il avait constituée
pour diriger l'hôtel, ne comporte ainsi aucune autorisation à ce que le nom X... devienne « un signe distinctif
détaché de sa personne physique pour s'appliquer à une personne morale et devenir ainsi objet de propriété
incorporelle » ; qu'en affirmant le contraire, bien que l'autorisation d'usage donné par le bail soit par nature
provisoire et ne dure que tant que le bailleur accepte le renouvellement, de sorte qu'Emmanuel X... entendait
conserver la maîtrise de son nom, dont il n'a été privé qu'en raison de la dépossession illicite de ses biens dont
il a été victime après-guerre, la cour a dénaturé le bail, en violation de l'article 1134 du code civil ;

5° / que le bail du 5 juin 1931 a été explicitement conclu, conformément aux dispositions du procès-verbal
d'assemblée générale extraordinaire du 2 juin 1931, auquel il renvoie, entre Emmanuel X..., « d'une part », pris
en sa seule qualité « d'administrateur délégué spécialement à l'effet des présentes », pour représenter la
Société des grands hôtels de Cannes, et, « d'autre part », Eugène Y..., agissant en sa qualité de représentant de
la société Fermière de l'hôtel X... ; qu'en affirmant dès lors qu'Emmanuel X..., qui n'avait pas qualité à titre
personnel pour représenter la société des grands hôtels de Cannes, aurait agi à cet acte « en son nom propre »
pour donner une autorisation explicite à la société fermière de l'hôtel X... d'user de son nom à titre
commercial, comme enseigne, nom commercial et dénomination sociale, en sorte que son nom patronymique
devienne « un signe distinctif détaché de sa personne physique pour s'appliquer à une personne morale et
devenir ainsi objet de propriété incorporelle », la cour a dénaturé les termes clairs du bail visé, en violation de
l'article 1134 du code civil ;

6° / que, à supposer même qu'Emmanuel X... soit intervenu au bail du 5 juin 1931 en son nom propre, les
conditions et les dispositions du bail manifestent qu'il a agi sans laisser aucune latitude de faire de son nom «
un signe distinctif détaché de sa personne physique pour s'appliquer à une personne morale et devenir ainsi
objet de propriété incorporelle » ; qu'en effet, tandis qu'Emmanuel X... avait le contrôle absolu de la société
bailleresse comme de la société preneuse, le bail n'a été concédé que pour un temps limité et l'usage du nom
X... a été accordé non pas en tant que raison sociale mais uniquement en tant simple enseigne ou, tout au plus,
de nom commercial ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, la cour a dénaturé le bail, en violation
de l'article 1134 du code civil ;

7° / qu'Emmanuel X... n'a donné aucune autorisation à la société des grands hôtels de Cannes, fût-ce implicite,
par introduction de son nom dans les statuts de cette dernière, comme les premiers juges l'ont constaté, sans
être repris sur ce point par la cour, et comme en atteste l'extrait de registre du commerce de cette société ;
que seuls les droits de cette société des grands hôtels de Cannes ont été transmis à l'Etat, en vertu de la loi de
finance rectificative du 29 décembre 1979 ayant eu pour objet la dation en paiement des biens de ladite
société, la société fermière de l'hôtel X..., pour sa part, ayant cessé son activité le 30 octobre 1955 ; que nul ne
peut conférer plus de droits qu'il n'en possède, a fortiori les droits d'autrui ; qu'il s'ensuit qu'en acquérant
l'hôtel X..., par actes des 24 avril et 11 décembre 1981, la société hôtelière X... Concorde n'a pu se voir
transmettre de droit sur le nom X..., ni de la société Des grands hôtels de Cannes, qui ne les possédait pas, ni
de la société Fermière de l'hôtel X... qui, en toute hypothèse, n'existait plus ; qu'en décidant le contraire, la
cour a violé ensemble les articles 9,1134 et 1599 du code civil ;

8° / qu'Emmanuel X..., qui n'a entendu prêter l'usage de son nom qu'à titre précaire et temporaire à la société
fermière de l'hôtel X... pour l'exploitation de l'hôtel qu'il dirigeait lui-même, a manifesté explicitement sa
volonté d'interdire absolument tout usage commercial de son nom patronymique par tout acquéreur éventuel
de l'hôtel ; que cette demande a été insérée sous forme de dire dans le cahier des charges de la vente
ordonnée, par un jugement définitif du 26 juillet 1949 du tribunal de grande instance de Grasse ; qu'en

59
décidant dès lors, en dépit de cette décision qui s'imposait tant à l'Etat qu'à l'acquéreur, que l'usage
commercial du nom X... avait été autorisé par son titulaire et que la société Hôtelière X... Concorde pouvait en
revendiquer le droit, la cour a violé l'article 9 du code civil, ensemble l'article 480 du nouveau code de
procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, a, par une interprétation souveraine du contenu et de la portée des statuts
de la société fermière de l'hôtel X... et du bail consenti à cette dernière en 1931 par la société des grands hôtels
de Cannes, représentée par M.X..., et abstraction faite de motifs surabondants, retenu, répondant aux
conclusions, qu'Emmanuel X... avait autorisé les sociétés exploitant le fonds de commerce d'hôtel qu'il avait
créé à utiliser son nom à titre d'enseigne, de nom commercial, et de dénomination sociale ; qu'elle a pu décider
que ce nom était devenu un objet de propriété incorporelle et statuer comme elle l'a fait ; que le moyen n'est
pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu Mme X... Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes tendant notamment à ce que soit
prononcée la nullité de l'enregistrement des marques Le relais X... et Hôtel X..., alors selon le moyen :

1° / que le nom d'Emmanuel X..., mondialement connu pour son génie et son professionnalisme en matière
d'industrie hôtelière de grand luxe, a immédiatement attiré la clientèle vers l'établissement litigieux, dès sa
création ; que la cour a relevé qu'Emmanuel X... avait autorisé l'usage de son nom patronymique comme
enseigne, nom commercial et dénomination sociale dans le cadre de l'hôtel X..., nom sous lequel a toujours été
exploité cet établissement ; qu'il s'ensuivait que le nom d'Emmanuel X... était indissociablement lié à l'histoire
de l'établissement, sans solution de continuité, et qu'en maintenant ce nom lors de l'acquisition de l'hôtel, en
1981, sans y être aucunement obligée, la société Hôtelière X... Concorde avait nécessairement entendu
perpétuer ce nom à cause de son rayonnement commercial et pour bénéficier d'une « renommée empruntée
», construite avant elle ; qu'en décidant dès lors qu'aucune renommée n'était attachée au nom d'Emmanuel
X... au cours de l'acquisition de l'établissement hôtelier par la société hôtelière X... Concorde et que cette
renommée était le seul fruit de ladite société, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2° / que la notoriété d'un nom ne requiert pas qu'il soit connu universellement de tous ; qu'il suffit qu'il soit
connu, dans le domaine professionnel, des pairs de celui qui le porte, comme un titre de savoir-faire et
d'excellence ; qu'en décidant dès lors que le nom d'Emmanuel X... ne jouissait pas d'une notoriété suffisante,
après avoir pourtant constaté qu'il était réputé « au sein de la profession pour avoir exercé des fonctions de
direction dans des hôtels prestige », en particulier dans la « presse spécialisée », la cour, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;

3° / qu'il n'est pas contesté qu'Emmanuel X..., professionnel reconnu, a fondé l'hôtel qui porte son nom et en a
fait un établissement de prestige plus de 50 ans avant son acquisition par la société Hôtelière X... Concorde ;
qu'au regard de l'expérience constatée par la cour, lorsque Emmanuel X... a autorisé l'usage de son nom «
comme enseigne, nom commercial et dénomination sociale » pour désigner un hôtel de prestige, ce nom avait,
par le fait même, une valeur commerciale préexistante reconnue ; qu'en décidant dès lors que la société
Hôtelière X... Concorde, qui ne pouvait tenir ses droits que de la société des grands hôtels de Cannes, avait eu
le droit de déposer ce nom patronymique comme marque, sans avoir constaté qu'Emmanuel X..., son titulaire,
avait autorisé cette dernière société, par un acte de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux,
à déposer ce nom à titre de marque pour désigner un produit identique dans le même domaine, la cour a privé
sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;

4° / qu'en toute hypothèse, ne peut être adopté comme marque, selon la loi, un signe qui porte atteinte à des
droits résultant soit d'une situation juridiquement protégée enregistrement, appellation d'origine protégée,
droit d'auteur, dessin ou modèle protégés, etc., soit d'une notoriété attachée à une marque, une dénomination
ou une raison sociale, à un nom commercial ou à une enseigne connus, à une collectivité territoriale, etc., soit
de la dignité de la personne droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom de famille, à son
pseudonyme ou à son image ; que ces hypothèses, non limitatives, sont également autonomes, en sorte que
les conditions attachées à l'une ne le sont pas à d'autres ; que si, notamment, la condition de notoriété sur
l'ensemble du territoire national est légalement attachée au nom commercial ou à l'enseigne, elle ne l'est pas

60
au nom de famille ; qu'en décidant dès lors que le dépôt des marques litigieuses était légitime, au motif que
Emmanuel X... n'était pas notoirement connu sur le territoire national, ou que la notoriété éventuellement
attachée à son nom avait disparue, la cour, qui a soumis la protection de ses « droits antérieurs » et de ceux de
ses descendants à une condition que la loi ne comportait pas, a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété
intellectuelle ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de
preuve soumis à son examen, qu'en 1981, date de l'acquisition de l'hôtel par la société Hôtelière X... Concorde,
le nom de X... ne bénéficiait d'aucune notoriété, Emmanuel X... ayant cessé toute activité depuis des
décennies, et que la renommée du signe à la date du dépôt des marques résultait exclusivement de
l'exploitation que la société Hôtelière X... Concorde avait fait de la dénomination, a pu, abstraction faite des
motifs critiqués par la deuxième branche, qui sont surabondants, statuer comme elle l'a fait ; que le moyen
n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

61

SEANCE 6 : LES ASSOCIÉS





I) Droits et devoirs des associés

• Droit de voter et de participer et qualité d’associé

- Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-20.256, BJS 1994, p. 249 et 279, note J.-J. Daigre
- Cass. civ. 3e., 15 sept. 2016, n° 15-15.172
- Article 1844 du Code civil (modifié par la loi du 19 juill. 2019)

• Abus du droit de vote

- Cass. com., 1er juillet 2003, n° 99-19.328
- Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-14.685 (Flandin)


II) Cession de droits sociaux

- Article 1843-4 du Code civil

- Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, D. 2009, p. 2195, note B. Dondero

- Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-19.174

III) Exclusion de l’associé

- Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-17.349

- Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960, Rev. sociétés 2014, p. 550, note P. Le Cannu

62
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 4 janvier 1994
N° de pourvoi: 91-20256
Publié au bulletin Cassation.

Président : M. Bézard ., président
Rapporteur : Mme Loreau., conseiller rapporteur
Avocat général : M. de Gouttes., avocat général
Avocats : la SCP Defrénois et Levis, M. Copper-Royer., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1844 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Paul de Y..., qui avaient constitué entre eux un
groupement forestier dénommé Groupement forestier de la Genevraie, dont M. Paul de Y... était le
gérant, ont donné, en s'en réservant l'usufruit, la nue-propriété des parts du groupement forestier à
leurs enfants, MM. Z..., Jean-Pierre et Olivier de Y..., et Mmes X... de La Celle et Barluet de
Beauchesne (les consorts de Y...) ; que ceux-ci ont assigné M. Paul de Y... en sa qualité de gérant pour
voir annuler l'article 7 des statuts du groupement forestier instituant la représentation du nu-
propriétaire par l'usufruitier, qui avait seul le droit de participation et de vote à toutes les assemblées
générales, même extraordinaires ou modificatives des statuts, quelle que soit la nature de la décision
à prendre ;

Attendu que pour débouter les consorts de Y... de leur demande, l'arrêt retient que l'article 1844,
alinéa 4, du Code civil prévoit que les statuts d'une société peuvent déroger aux dispositions des
deux alinéas qui précèdent ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si selon l'article 1844, alinéa 4, du Code civil, il peut être
dérogé à l'alinéa 3 du même article qui est relatif au droit de vote, et qu'il était donc possible aux
statuts litigieux de prévoir une dérogation sur ce point, aucune dérogation n'est prévue concernant
le droit des associés et donc du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives tel qu'il est
prévu à l'alinéa 1er dudit article, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 août 1991, entre les parties, par la
cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

63
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 15 septembre 2016
N° de pourvoi: 15-15172
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin, président
Mme Vérité, conseiller rapporteur
M. Charpenel (premier avocat général), avocat général
SCP Ghestin, SCP Lévis, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 janvier 2015), qu'alléguant que Marie-Thérèse X...,
usufruitière des parts de la société civile immobilière X...-Z... (la SCI), n'avait pas été convoquée à l'assemblée
générale du 14 janvier 2005, M. Bruno X..., nu-propriétaire, a assigné les autres nus-propriétaires en nullité de
cette assemblée ;

Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, notamment celle tendant à obtenir la
nullité de l'assemblée générale du 14 janvier 2005, alors, selon le moyen, que le droit de vote ne se confond
pas avec le droit de participer aux décisions collectives d'une assemblée générale ; que si la qualité d'usufruitier
empêche de prendre part aux votes relatifs à la vente de l'immeuble objet de la SCI, cette qualité d'usufruitier
ne saurait exclure le droit qu'a l'usufruitier de participer aux décisions collectives ; qu'en constatant que Marie-
Thérèse X..., usufruitière, n'avait pas été convoquée à l'assemblée générale du 14 janvier 2005, sans prononcer
la nullité de la délibération litigieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations et violé l'article 1844 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'assemblée générale du 14 janvier 2005, ayant pour
objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l'affectation des bénéfices, ne saurait être
annulée au motif que Marie-Thérèse X..., usufruitière des parts sociales, n'avait pas été convoquée pour y
participer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

64



Article 1844

Modifié par LOI n°2019-744 du 19 juillet 2019 - art. 3

Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

Les copropriétaires d'une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi
parmi les indivisaires ou en dehors d'eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice
à la demande du plus diligent.

Si une part est grevée d'un usufruit, le nu-propriétaire et l'usufruitier ont le droit de participer aux
décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions
concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Toutefois, pour les autres
décisions, le nu-propriétaire et l'usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par
l'usufruitier.

Les statuts peuvent déroger aux dispositions du deuxième alinéa et de la seconde phrase du
troisième alinéa.

65
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 1 juillet 2003
N° de pourvoi: 99-19328
Non publié au bulletin Rejet

Président : M. TRICOT, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier et le second moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 février 1999), que MM. Antoine, Ettore et René X... ont constitué en 1976 la
société Mécano soudure (la société) au capital réparti entre Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et René (860 parts) ; que
M. Ettore X..., gérant de la société, était rémunéré pour cette fonction et bénéficait d'une procuration générale de M. René
X... pour le représenter lors des assemblées générales ; que, par délibérations prises au cours des assemblées générales
ordinaires tenues les 27 juin 1992 (3e résolution) et 26 juin 1993 (3e résolution), les associés ont décidé d'affecter aux
réserves de la société les bénéfices des exercices 1991 et 1992 ; qu'ils ont également, au cours des assemblées générales
ordinaires tenues le 18 décembre 1991 et le 12 décembre 1992 (1res résolutions), accordé une prime de bilan au gérant
pour les exercices 1991 et 1992 et approuvé, lors de l'assemblée générale ordinaire des 27 juin 1992 et 26 juin 1993 (4es
résolutions), pour les mêmes exercices, la rémunération versée à la gérance ; que, sur demande de M. Antoine X... du 3
août 1993, la cour d'appel a annulé, d'une part, les troisièmes délibérations des assemblées des 27 juin 1992 et 26 juin 1993
en tant qu'elles avaient décidé d'affecter les bénéfices aux réserves sous forme d'un compte "report à nouveau", d'autre
part, les premières résolutions des assemblées des 18 décembre 1991 et 12 décembre 1992 ayant accordé une prime de
bilan au gérant pour les exercices 1991 et 1992 et, enfin, les quatrièmes résolutions des assemblées des 27 juin 1992 et 26
juin 1993 ayant approuvé pour les mêmes exercices la rémunération versée à la gérance ;

Attendu que la SARL Mécano soudure et MM. René et Ettore X... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le
moyen :

1 / que l'intérêt d'une société commerciale est distinct de celui de ses membres et que la non-distribution des bénéfices
sociaux et leur incorporation aux capitaux propres permettent à la société de mieux pouvoir faire face à l'avenir ; qu'il
s'ensuit que viole l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que la décision systématique des associés
majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspond pas à l'intérêt social ;

2 / qu'après avoir constaté que M. Ettore X..., associé majoritaire était seul gérant, ne justifie pas légalement sa solution au
regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui, faute d'avoir précisé en quoi aurait pu consister la "substantielle
rémunération" de M. René X..., associé majoritaire non gérant, et d'indiquer de quelle manière sa situation aurait été
différente de celle de M. Antoine X..., associé minoritaire, considère que "les associés majoritaires s'octroyaient de
substantielles rémunérations" au détriment de M. Antoine X..., "privé par l'absence de dividendes du seul avantage issu de
sa qualité d'associé" ;

3 / que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a considéré que la décision prise par les
associés majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres avait eu pour conséquence de priver
"l'ensemble" des associés de la rémunération de leurs apports ;

4 / qu'enfin, les parts sociales étant représentatives de l'actif net de la société, ne justifie pas légalement sa solution au
regard des articles 34 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 l'arrêt attaqué qui considère que l'incorporation des
bénéfices au capital d'une SARL n'a pas pour effet de valoriser les parts des associés ;

5 / qu'ayant constaté que seul l'un des deux associés majoritaires (M. Ettore X...) était gérant, ne justifie pas légalement sa
solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que les décisions d'augmenter la
rémunération du gérant et de ne pas distribuer de dividendes permettaient de compenser au profit des seuls associés
majoritaires la perte de l'avantage correspondant à la répartition de dividendes, sans préciser en quoi aurait consisté la
"compensation" dont aurait bénéficié M. René X..., associé majoritaire non gérant ;

6 / qu'ayant constaté que les décisions litigieuses avaient eu pour effet de n'accorder qu'à un seul associé majoritaire, M.
Ettore X..., "les fruits de la prospérité de l'entreprise", se contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce ensuite que lesdites décisions permettaient "de compenser
au profit des seuls associés majoritaires (à savoir MM. Ettore X... et René X...) la perte de l'avantage correspondant à la
répartition des dividendes" ;

66

7 / qu'en outre, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui retient
l'existence d'un abus de majorité au motif que M. Ettore X... (détenteur de 840 parts aux côtés de M. René X..., détenteur
de 860 parts et de M. Antoine X..., détenteur de 850 parts) était un associé majoritaire pour l'unique raison qu'il disposait
d'une procuration de M. René X... à l'assemblée générale ordinaire des associés ;

8 / qu'après avoir constaté que la situation de la société Mécano soudure apparaissait "florissante", ne justifie pas
légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que la prime de bilan allouée
au gérant aurait été d'un montant abusif, faute d'avoir vérifié si le montant global de la rémunération annuelle du gérant,
salaire et prime de bilan comprise, avait un caractère excessif au regard de la situation financière de la société et des
fonctions effectives de l'intéressé ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'entre 1988 et 1995, les bénéfices d'exploitation de l'entreprise sont venus
systématiquement accroître le montant des capitaux propres, qui s'élevait en décembre 1995 à la somme de 1 927 814
francs dont 1 647 314 francs au titre du "report à nouveau", sans que cette mise en réserve n'ait eu aucun effet sur la
politique d'investissement de l'entreprise tandis que les associés majoritaires ont voté des résolutions octroyant au gérant
une prime de bilan de 340 000 francs pour les exercices 1991 et 1992 correspondant à deux fois le montant du bénéfice de
l'exercice 1991 et à quatre fois le montant du bénéfice de l'exercice 1992, et approuvant pour les mêmes exercices la
rémunération versée à la gérance de 270 920 francs pour 1991 et de 279 110 francs pour 1992 ; que la cour d'appel, qui a
ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la
société et que ces décisions ont favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a caractérisé l'abus
du droit de majorité ; que l'abus commis dans l'exercice du droit de vote d'une assemblée générale affecte par lui-même la
régularité des délibérations de cette assemblée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


67
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 mars 1993
N° de pourvoi: 91-14685
Publié au bulletin Cassation.

Président : M. Bézard ., président
Rapporteur : Mme Loreau., conseiller rapporteur
Avocat général : M. Raynaud., avocat général
Avocats : Mme Baraduc-Bénabent, M. Delvolvé., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 1er mars 1984 portant à
50 000 francs minimum le capital des sociétés à responsabilité limitée et imposant aux sociétés existantes d'y procéder
avant le 1er mars 1989 sous peine de dissolution de plein droit, le gérant de la société Alarme Service Electronique a
proposé par consultation écrite des associés une augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs ; qu'un procès-verbal
du résultat de cette consultation en date du 24 mai 1985 a constaté que, faute de majorité qualifiée requise, la décision
d'augmentation du capital était rejetée ; que lors des assemblées générales extraordinaires des 4 janvier et 8 septembre
1988, MM. Joseph et Marcel X..., porteurs respectivement de 51 et 50 parts sur les 204 représentant le capital social, ne se
sont pas présentés, empêchant ainsi le vote de l'augmentation de capital demandée, cette fois là, à hauteur de 500 000
francs ; que la société Alarme Service Electronique les a assignés pour voir dire que l'attitude de ces associés constituait un
abus de droit de la minorité et qu'il y avait lieu en conséquence de l'autoriser à effectuer l'augmentation de capital
envisagée ;
Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'après avoir retenu à bon droit que M. X... avait commis un abus de minorité en s'opposant à l'augmentation de
capital à hauteur de 50 000 francs qui était légalement requise et était nécessaire à la survie de la société, l'arrêt, pour
décider qu'il y avait eu abus de minorité, retient également que l'augmentation de capital demandée à hauteur de 500 000
francs était justifiée par les documents produits, que le silence et l'absence de M. X... aux assemblées générales
extraordinaires, bloquant une décision nécessaire de façon injustifiée, procédaient par leur caractère systématique d'un
dessein de nuire aux majoritaires, et par là-même, à l'intérêt social ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'attitude de M. X... avait été contraire à
l'intérêt général de la société en ce qu'il aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans
l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, et alors qu'elle retenait
que les résultats de la société étaient bons et que celle-ci était prospère, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision ;

Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche :

Vu les articles 57 et 60 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que pour sanctionner l'abus de minorité retenu, la cour d'appel a décidé que son arrêt valait adoption de la
résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait pu être votée faute de majorité qualifiée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux légalement compétents et qu'il
lui était possible de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle
assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à
l'intérêt légitime des minoritaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Pau
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

68

Article 1843-4 du Code civil

Modifié par ORDONNANCE n°2014-863 du 31 juillet 2014 - art. 37

I. - Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des
droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est
déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord
entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours
possible.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de
détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les
parties.

II.- Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces
droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée,
en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de
détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.



69
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 5 mai 2009
N° de pourvoi: 08-17465
Publié au bulletin Cassation

Mme Favre, président
Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur
Mme Batut, avocat général
Me Blanc, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X..., Y..., Z..., A..., C..., D..., E..., F... et Mme B... (les consorts X...),
associés de la société civile des Mousquetaires (la société des Mousquetaires), en ont été exclus par différentes
assemblées générales de 1998 à 2003 ; que le président du Tribunal de grande instance, statuant en la forme
des référés, a, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, désigné un expert avec pour mission de
déterminer la valeur de rachat des parts sociales ; que la cour d'appel a jugé que le président du tribunal avait
excédé ses pouvoirs en précisant dans sa motivation que l'expert devait " procéder en toute liberté " et "
écarter l'application de la méthode de calcul prévue par les statuts " ; qu'elle a en conséquence annulé
l'ordonnance entreprise et, en vertu de l'effet dévolutif, a désigné le même tiers évaluateur ; (…)

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1843-4 du code civil ;

Attendu que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci
par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les
parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des
référés ; que seul l'expert détermine les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits,
parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts ;

Attendu que pour annuler l'ordonnance désignant l'expert, l'arrêt retient qu'en précisant dans sa motivation
que l'expert devait procéder en toute liberté et écarter l'application de la méthode de calcul prévue par les
statuts, alors, au contraire, que ce sont justement les statuts qui doivent le guider, le président du tribunal a
excédé ses pouvoirs ;

Attendu qu'en précisant la méthode à suivre par l'expert, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2007, entre les parties, par la
cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

70
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 8 mars 2017
N° de pourvoi: 15-19174
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Mouillard (président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Marlange et de La Burgade, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Attendu, selon les arrêts attaqués (Colmar, 26 février 2014, 17 décembre 2014 et 25 mars 2015), que Mme X..., M. Y... et M.
Z... (les cédants) ont, le 24 février 2006, cédé à la société Financière A... la majorité des actions de la société Etablissements
B... Charles boucherie charcuterie (la société B... Charles) ; que celle-ci ayant été condamnée à payer diverses sommes à ses
salariés pour des manquements à la réglementation et à l'hygiène du travail notifiés à la société B... Charles par l'inspection
du travail avant la cession, les cédants ont, au titre de la garantie d'actif et de passif assortissant cette opération, versé à
cette société la somme de 120 000 euros ; que les sociétés Financière A... et B... Charles, les organes des procédures
collectives ouvertes entre-temps à leur égard et M. et Mme A... ont assigné les cédants en paiement de sommes
supplémentaires ; que cette action ayant été partiellement accueillie par les premiers juges, les cédants ont formé appel en
intimant toutes les parties puis se sont désistés de ce recours en ce qu'il était dirigé contre la société Financière A... et M. et
Mme A... ; que la société B... Charles, la société Financière A..., Mme C..., en qualité d'administrateur judiciaire des deux
sociétés, Mme D... E..., leur mandataire judiciaire, et M. et Mme A... ont formé un appel incident ; que les sociétés
Financière A... et B... Charles ayant été mises en liquidation judiciaire, Mme D... E... a été désignée liquidateur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme D... E..., ès qualités, et M. et Mme A... font grief à l'arrêt du 17 décembre 2014 de déclarer la société B...
Charles irrecevable à agir en exécution de la convention de garantie d'actif et de passif pour défaut de qualité alors, selon le
moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en indiquant que « le garant
précise notamment que la régularisation des éléments figurant en annexe 1.1.9 (f) seront pris à sa charge dans l'hypothèse
où ceux-ci entraîneraient une charge quelconque pour la Société » (art. 1.1.9 (a) de la convention de garantie d'actif et de
passif du 24 février 2006), les parties ont clairement décidé que toute charge pesant sur la société B... Charles, à raison de
la régularisation des éléments cités, serait financièrement supportée par le garant, qui devait donc l'en décharger,
désignant ainsi, sans équivoque, la société B... Charles comme bénéficiaire de cette « prise en charge » spécifique ; qu'en
affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé la convention de garantie d'actif et de passif du 24 février 2006, et violé
l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour décider que la société
B... Charles n'était pas bénéficiaire de la garantie souscrite à l'article 1.1.9 (a) de la convention de garantie d'actif et de
passif du 24 février 2006, la cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'il n'y était pas indiqué sous quelle forme la prise en
charge par le garant devait se faire, ni si elle devait se faire par le biais d'un versement directement dans les caisses de la
société B... Charles ; qu'en se prononçant au regard des modalités par lesquelles le garant devait exécuter ses engagements
relatifs à la « prise en charge » de l'article 1.1.9 (a), quand la clause litigieuse désignait clairement le bénéficiaire direct de
cette « prise en charge » spécifique, peu important les modalités par lesquelles cette garantie devait s'effectuer, la cour
d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la société B... Charles faisait
valoir, dans ses conclusions, que la convention de garantie prévoyait, d'une part, un régime général d'indemnisation, en son
article 2 « Indemnisation – Principe – Bénéficiaire », désignant le cessionnaire en qualité de bénéficiaire de l'indemnisation
résultant « d'une augmentation de passif et diminution d'actif par rapport aux comptes de référence, liée notamment à
tout dommage, perte ou préjudice subi par la société » et, d'autre part, un engagement spécifique souscrit par les garants,
à l'article 1 (a) « Déclarations du garant », qui désignait expressément la société B... Charles en qualité de bénéficiaire, non
de l'indemnisation stipulée à l'article 2, mais de la « prise en charge », par les garants, de toute charge quelconque résultant
pour la société de la régularisation des éléments figurant en annexe 1.1.9 (f) ; qu'en refusant à la société B... Charles la
qualité de bénéficiaire de cette prise en charge, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette qualité ne résultait pas
de la comparaison entre l'engagement général de garantie, et l'engagement spécifique de prise en charge, expressément et
respectivement stipulés aux articles 2 et 1 de la convention, et de la circonstance que, directement ou indirectement, la

71
société B... Charles restait en toute hypothèse la seule bénéficiaire, aux termes du contrat, de la « prise en charge »
convenue à l'article 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que le bénéficiaire d'une garantie d'actif et de passif est, en principe, le cessionnaire
des droits sociaux et que, si la convention de cession peut faire de la société dont les titres sont cédés le bénéficiaire de la
garantie, de façon exclusive ou encore en parallèle avec le cessionnaire, il faut que le pacte de cession renferme une
stipulation claire en sa faveur, la cour d'appel, ayant relevé que l'article 2.1. de la convention désignait la société
cessionnaire comme bénéficiaire de la garantie, a, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de son
article 1.1.9., rendue nécessaire par l'ambiguïté de ses termes, retenu que l'acte litigieux ne renfermait pas de stipulation
claire en faveur de la société B... Charles, de sorte que cette dernière ne pouvait être considérée comme bénéficiaire de la
garantie par l'effet du mécanisme de la stipulation pour autrui ; que, par ce seul motif, abstraction faite de celui,
surabondant, critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la troisième
branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

Mais sur les deuxième, cinquième et septième moyens, ce dernier pris en sa première branche :

Vu l'article 562 du code de procédure civile ;

Attendu qu'une cour d'appel qui décide que l'appel dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en confirmant le
jugement qui a fait l'objet de cet appel ;

Qu'en confirmant, au dispositif de son arrêt du 17 décembre 2014, rectifié le 25 mars 2015, le jugement rejetant les
demandes d'indemnisation de la société A... et de M. et Mme A... fondées sur l'article 1382 du code civil alors qu'elle
constatait que, par son arrêt du 26 février 2014, elle avait déclaré irrecevable l'appel incident formé par les mêmes parties
le 10 mai 2013, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par la défense ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, seulement en ce qu'ils confirment le jugement prononcé le 13 novembre
2012 par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne, les arrêts rendus les 17 décembre 2014 et 25
mars 2015 entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

72
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 mai 2014
N° de pourvoi: 13-17349 13-19066
Non publié au bulletin Irrecevabilité

M. Espel (président), président
Me Haas, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…) Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2013), que la société par actions simplifiée Coachclub (la société) a été
constituée le 23 janvier 2009 ; qu'il était convenu entre les trois associés fondateurs, MM. Y..., Z... et X..., que chacun d'eux
aurait la charge d'un aspect de son développement, M. X... se voyant attribuer la responsabilité du "marketing" ; que le 2
mars 2009, deux nouveaux associés, dont un fonds commun de placement (l'investisseur), ont souscrit à une augmentation
de capital ; que le même jour, ce dernier et les associés fondateurs ont conclu un pacte d'associés ; que le 12 juin 2009, M.
Y... a notifié à M. X... qu'à la suite du départ de celui-ci, au sens de l'article 11.2 du pacte d'associés, il levait l'option d'achat
de l'intégralité de ses actions dont il était bénéficiaire en application de cette stipulation ; que M. X... a fait assigner M. Y...
et la société afin de voir prononcer l'annulation de cette clause et, subsidiairement, constater que ses conditions
d'application n'étaient pas réunies ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et il doit donner ou
restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient
proposée ; que l'article 11.2 du pacte d'actionnaires qui prévoyait que l'associé fondateur s'engageait à vendre, à leur
valeur nominale d'un euro, à l'investisseur et/ou aux autres associés fondateurs, l'ensemble des actions qu'il détenait au
cas où il quitterait la société à la suite de sa révocation pour juste motif, s'analysait en une clause d'exclusion-sanction qui
comme telle était nulle, faute d'avoir été insérée dans les statuts de la société, de prévoir les motifs d'exclusion de façon
suffisamment précise ainsi que les conditions de sa mise en oeuvre dans les respect des droits de la défense de l'associé
évincé ; qu'en se bornant à relever, pour en faire application, que la clause avait la forme d'une promesse unilatérale de
vente dont les conditions de validité étaient réunies, sans user de son pouvoir de requalification, la cour d'appel qui n'a pas
tranché le litige conformément aux règles de droit qui étaient applicables, a violé les articles 12 du code de procédure civile,
1134 et 1832 du code civil et L. 227-16 du code de commerce ;

2°/ qu'une clause d'exclusion qui ne prévoit pas ses conditions de mise en oeuvre dans le respect des droits de la défense,
ni une juste indemnisation de l'associé évincé, encourt la nullité quand bien même elle aurait été adoptée à l'unanimité des
associés, pour de justes motifs, en respectant l'égalité entre associés ; qu'en ajoutant, pour faire application de la clause,
qu'elle poursuivait un but d'intérêt général, qu'elle répondait à des motifs justes et précis et qu'elle résultait d'une décision
prise à l'unanimité des associés, sans constater qu'elle prévoyait également les conditions de sa mise en oeuvre dans le
respect des droits de la défense de l'associé évincé ainsi qu'une juste indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale au regard des articles 1134, 1832 du code civil et L. 227-16 du code de commerce ;

3°/ que selon l'article 11.2 du pacte d'actionnaires, l'engagement de l'associé fondateur de vendre ses actions à leur valeur
nominale d'un euro est exclu « en cas de licenciement ou révocation dans chaque cas sans juste motif au sens de la
jurisprudence commerciale » ; qu'à cet égard, M. X... avait fait valoir que la société Coachclub ne justifiait pas de justes
motifs à l'appui de sa révocation, les motifs avancés procédant d'un anachronisme ; qu'en faisant application de la clause
sans répondre à ce moyen et sans rechercher si ses conditions d'application étaient réunies, en particulier si les motifs
avancés à l'appui de la révocation de M. X... procédaient d'un juste motif au sens de la jurisprudence commerciale, la cour
d'appel a, en tout état de cause, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'aux termes de l'article 11-2 de la convention du 2 mars 2009, chacun des
associés fondateurs s'était engagé, dans l'hypothèse où il viendrait à quitter ses fonctions au sein de la société, dans les cas
visés par cette clause, à céder à un prix déterminé, à l'investisseur et aux autres fondateurs, si l'un ou plusieurs d'entre eux
en faisaient la demande avec l'accord de l‘investisseur, ou, à défaut, à la société, si celle-ci en faisait la demande, tout ou
partie des actions qu'il détiendrait à la date effective de départ, la cour d'appel en a exactement déduit que l'engagement
ainsi souscrit par M. X..., conférant aux autres parties, aux conditions qu'il prévoit, une option d'achat de ses droits sociaux
en cas de cessation de ses fonctions, devait recevoir la qualification de promesse unilatérale de vente ; (…)

PAR CES MOTIFS : (…)

REJETTE le pourvoi n° B 13-17.349 ;

73
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 mai 2014
N° de pourvoi: 13-14960
Non publié au bulletin Rejet

M. Espel (président), président
Me Spinosi, SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 janvier 2013), que M. X..., associé de la société par actions simplifiée Socoldis (la
société), a été exclu de celle-ci par délibération de l'assemblée générale des associés du 10 février 2010 ; que M. X..., faisant
notamment valoir qu'elle avait été prise en application d'une clause des statuts devant être réputée non écrite, a demandé
en justice l'annulation de cette délibération et sa réintégration en qualité d'associé ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 11.2 des statuts de la société Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut
résulter de la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » ; qu'en l'espèce, pour écarter le
jeu de la clause d'exclusion, la cour d'appel s'est fondée sur la seule résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux
torts de son employeur, la société Socoldis, prononcée par un arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai du 19
juin 2012, et en a déduit que la perte, par M. X..., de sa qualité de salarié serait exclusivement imputable à la faute de son
employeur et que celui-ci ne pourrait donc s'en prévaloir à l'appui d'une décision d'exclusion d'associé ; que, dès lors, en
application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation, à intervenir, de l'arrêt du 19 juin 2012 entraînera la
cassation par voie de conséquence de l'arrêt infirmatif présentement attaqué ;

2°/ que dans les conditions qu'ils déterminent, les statuts d'une SAS peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder
ses actions ; qu'en l'espèce, l'article 11.2 des statuts de la SAS Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par
l'assemblée générale peut résulter de la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » ; que la
cour d'appel a retenu que cette stipulation était licite et valable ; que, dès lors, en se fondant sur la seule circonstance,
inopérante, tirée de ce que la perte, par M. X..., de sa qualité d'associé serait, en définitive, imputable à faute à la société
Socoldis, pour écarter le jeu de cette clause statutaire et pour annuler la décision d'exclusion prise sur son fondement,
quand le caractère éventuellement illicite de cette rupture ne pouvait, cependant, atteindre la validité de la décision
d'exclusion, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a violé, par refus d'application, les articles 1134 du code civil
et L. 227-16 du code de commerce ;

3°/ que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur
et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, d'abord, rechercher si la demande de résiliation du contrat de
travail était justifiée et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par
l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément rappelé que, dans le volet prud'homal du litige ayant opposé
M. X... à la société Socoldis, il avait été fait application de ces règles spécifiques, de sorte qu'en définitive, aucun grief
n'avait pu être retenu contre M. X... ; que c'était donc uniquement en raison du fait qu'elle avait accueilli la demande en
résiliation judiciaire du contrat de travail formée par M. X..., lequel avait ainsi pris l'initiative de la rupture de ce contrat,
que la chambre sociale de la cour d'appel de Douai n'avait pas pu examiner les griefs que l'employeur avait reprochés à son
salarié à l'appui de la mesure de licenciement ; qu'en conséquence, en ayant affirmé que la rupture du contrat de travail et
la perte, corrélative, de la qualité de salarié de M. X... serait « exclusivement imputable » à la société Socoldis et à la « faute
» de celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles
1134 du code civil et L. 227-16 du code de commerce, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;

4°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, l'article 11.2 des
statuts de la société Socoldis stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter de la perte pour
quelque cause que ce soit de la qualité de salarié de la société » et que la cour d'appel a retenu que cette stipulation était
licite et valable ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, tirée de ce que la faute de la société Socoldis, en sa
qualité d'employeur, serait à l'origine de la rupture du contrat de travail de M. X... et de la perte, corrélative, de sa qualité
de salarié pour estimer que la société Socoldis cherchait à « se prévaloir de sa propre turpitude » et, ainsi, pour écarter le
jeu de cette clause sans constater que la rupture dudit contrat de travail aurait été mise en oeuvre par la société Socoldis
dans le but précis de procéder, ensuite, à l'exclusion de M. X... en sa qualité d'associé et, partant, d'ourdir une fraude à ses

74
droits ou, à tout le moins, d'agir avec mauvaise foi à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 1134 du code civil, L. 227-16 du code de commerce et L. 1231-1 du code du travail ;

Mais attendu, en premier lieu, que le pourvoi formé contre l'arrêt visé par la première branche ayant fait l'objet d'une
décision de non-admission, la critique est sans portée ;

Et attendu, en second lieu, qu'il résulte de l'article 1844, alinéas 1 et 4, du code civil que tout associé a le droit de participer
aux décisions collectives et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi ; qu'il
résulte encore de l'article 1844-10, alinéa 2, du même code que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite ;
que l'arrêt constate qu'aux termes de l'article 11 des statuts de la société, « dans tous les cas, l'associé objet de la
procédure d'exclusion ne peut prendre part au vote de la résolution relative à son exclusion et les calculs (de quorum) et de
majorité sont faits sans tenir compte des voix dont il dispose » ; qu'il s'ensuit qu'ayant été prise sur le fondement d'une
clause réputée non écrite, la décision d'exclusion de M. X... est nulle, peu important que ce dernier ait été admis à prendre
part au vote ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par les trois dernières branches, l'arrêt se trouve
légalement justifié ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

75

SEANCE 7 : INTERROGATION




76


SEANCE 8 : LES DIRIGEANTS (1)




I) Pouvoirs du dirigeant

• Opposabilité aux tiers des limitations de pouvoirs

- Cass. com., 13 nov. 2013, n° 12-25.675
- Cass. com., 14 févr. 2018, n° 16-21.077

• Pouvoir du dirigeant lors de la nomination d’un mandataire ad hoc

- Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-12.742


II) Devoirs du dirigeant

• Devoir de loyauté

- Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11.241, Vilgrain
- Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11-24.305


77
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 13 novembre 2013
N° de pourvoi: 12-25675
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-
Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 223-18 du code de commerce et 117 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Société de transports de marchandises (la société STM),
ayant formé une surenchère du dixième à la suite de l'adjudication, sur saisie immobilière, de biens
qui appartenaient à M. et Mme X..., la société Deleflie, adjudicataire de l'un des lots, a demandé que
la surenchère soit déclarée irrecevable au motif que le gérant de la société STM ne justifiait pas avoir
été autorisé à accomplir un tel acte par une décision collective des associés ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que les tiers peuvent se
prévaloir des statuts pour justifier du défaut de pouvoir du dirigeant pour figurer au procès comme
représentant de la personne morale, retient que la limitation des pouvoirs du gérant de la société
STM résulte de la clause des statuts de cette dernière selon laquelle tout achat, vente ou échange
d'immeubles ne pourront être réalisés sans avoir été autorisés par une décision collective des
associés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les statuts de la société STM précisaient que la
limitation, « à titre de règlement intérieur », des pouvoirs du gérant pour l'accomplissement de
certains actes ne pouvait être opposée aux tiers ni invoquée par eux, ce dont il résultait que la
société Deleflie n'était pas fondée à se prévaloir des statuts de la société STM pour contester le
pouvoir du gérant de cette dernière de la représenter en justice, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'appel, l'arrêt rendu le 7
septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en
conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion,
autrement composée ;


78
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 14 février 2018
N° de pourvoi: 16-21077
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano,
avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2016), que la société Opalis commercialise une ligne de produits de
soins capillaires, sous la marque éponyme, dans le cadre d'une licence de marque consentie par Mme X...,
titulaire de la marque ; qu'elle a confié à la société Laboratoires Kosmeto 1 (la société Kosmeto), laquelle est
assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali) au titre de sa responsabilité civile, la
fabrication, le conditionnement et l'expédition de ses produits ; qu'un différend est né entre la société Opalis
et la société Kosmeto sur le conditionnement des produits ; que la société Opalis, représentée par sa gérante,
Mme X..., ainsi que cette dernière à titre personnel ont assigné la société Kosmeto et la société Generali, en
réparation de leurs préjudices respectifs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Opalis et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer nulles les assignations délivrées à la
demande de la société Opalis alors, selon le moyen, qu'un tiers ne peut se prévaloir des limitations statutaires,
à titre de règlement intérieur, des pouvoirs du gérant pour dénier au représentant légal la possibilité de
représenter en justice la société ; qu'en l'espèce, une assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2003
avait limité les pouvoirs de Mme X... en indiquant que celle-ci ne pourrait « sans y être autorisée au préalable
par une décision collective ordinaire des associés effectuer toute action en justice de la société en tant que
demandeur » ; qu'étant strictement interne, prise à titre de « règlement intérieur » à la société Opalis, cette
résolution ne pouvait être invoquée par les tiers pour venir contester le défaut de pouvoir du représentant
légal de la société ; qu'en décidant le contraire et en déclarant nulles les assignations délivrées par la société
Opalis, la cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du code de commerce, ensemble l'article 117 du code de
procédure civile ;

Mais attendu qu'un tiers peut se prévaloir des statuts d'une personne morale pour justifier du défaut de
pouvoir d'une personne à figurer dans un litige comme le représentant de celle-ci ; qu'après avoir énoncé
qu'aucune disposition légale n'interdit à ces dernières de se prévaloir des limitations de pouvoirs des dirigeants
sociaux de la société Opalis, l'arrêt constate que le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 3
octobre 2003 a limité les pouvoirs de la gérante de la société, Mme X..., en précisant que celle-ci ne pourrait «
sans y être autorisée au préalable par une décision collective ordinaire des associés effectuer (...) toute action
en justice de la société en tant que demandeur » ; qu'il en déduit que Mme X... devait avoir été habilitée par
l'assemblée générale ordinaire des associés à engager la procédure contre la société Kosmeto et son assureur,
la société Generali ; qu'ayant estimé que les documents produits aux débats n'étaient pas probants de la réalité
des pouvoirs donnés à Mme X... pour engager la procédure, la cour d'appel, qui a prononcé la nullité des
assignations délivrées dans ces conditions pour le compte de la société Opalis, a statué à bon droit ; que le
moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

79
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 15 mars 2017
N° de pourvoi: 15-12742
Publié au bulletin Cassation

Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1846 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur déféré, que, par ordonnance sur requête des consorts X..., héritiers de
Robert X... gérant de la SCI de Meyerbeer (la société) constituée avec Mme Y..., le président d'un tribunal de
grande instance a désigné le 19 janvier 2010 un mandataire ad hoc avec mission de représenter la société sur
l'assignation en paiement d'une créance délivrée par les consorts X... ; que par jugement du 27 mai 2013, la
société a été condamnée à payer une certaine somme aux consorts X... qui, de leur côté, ont été condamnés à
payer une certaine somme à Mme Y... ; qu'en appel, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 19
mai 2014, prononcé la nullité de la déclaration d'appel du 20 juin 2013 en ce qu'elle avait été faite par la
société « agissant en la personne de son représentant légal en exercice », Mme Z..., laquelle avait été désignée
en qualité de gérante de la société par décision de l'assemblée générale des associés du 26 février 2011 ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que la mission du mandataire ad hoc de représenter
la société assignée en paiement, et dont le gérant était décédé, ne pouvant prendre fin que par le prononcé
d'une décision définitive faisant suite à l'assignation ou par la révocation de son mandat, lui seul avait qualité
pour faire appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nomination d'un mandataire ad hoc n'a pas pour effet de dessaisir les organes
sociaux, de sorte que le gérant de la société ultérieurement nommé par décision des associés en remplacement
du gérant décédé avait seul qualité pour engager la société et exercer une voie de recours, la cour d'appel a
violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour
d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement
composée ;

80
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 27 février 1996
N° de pourvoi: 94-11241
Publié au bulletin Rejet.

Président : M. Bézard ., président
Rapporteur : M. Canivet., conseiller rapporteur
Avocat général : M. Lafortune., avocat général
Avocats : MM. Foussard, Roger., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1994), que le 27 septembre 1989, Mme X... a vendu à M. Bernard Vilgrain,
président de la société Compagnie française commerciale et financière (société CFCF), et, par l'intermédiaire de celui-ci, à
qui elle avait demandé de rechercher un acquéreur, à MM. Francis Z..., Pierre Z... et Guy Y... (les consorts Z...), pour qui il
s'est porté fort, 3 321 actions de ladite société pour le prix de 3 000 francs par action, étant stipulé que, dans l'hypothèse
où les consorts Z... céderaient l'ensemble des actions de la société CFCF dont ils étaient propriétaires avant le 31 décembre
1991, 50 % du montant excédant le prix unitaire de 3 500 francs lui serait reversé ; que 4 jours plus tard les consorts Z... ont
cédé leur participation dans la société CFCF à la société Bouygues pour le prix de 8 800 francs par action ; que prétendant
son consentement vicié par un dol, Mme X... a assigné les consorts Z... en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, à raison d'une réticence dolosive, à payer à Mme
X..., une somme de 10 461 151 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1989 alors, selon le pourvoi,
d'une part, que, si l'obligation d'informer pesant sur le cessionnaire, et que postule la réticence dolosive, concerne les
éléments susceptibles d'avoir une incidence sur la valeur des parts, que ces éléments soient relatifs aux parts elles-mêmes
ou aux actifs et aux passifs des sociétés en cause, elle ne peut porter, en revanche, sur les dispositions prises par le
cessionnaire pour céder à un tiers les actions dont il est par ailleurs titulaire ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en
violation de l'article 1382 du Code civil, s'il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce
texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut attacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ; alors, d'autre
part, que le fait à le supposer établi pour le cessionnaire de s'abstenir d'offrir au cédant de s'associer à lui, dans la
négociation qu'il a parallèlement entreprise, pour céder à un tiers ses propres titres, est étranger, par hypothèse, à
l'obligation d'informer, et donc à la réticence dolosive, qui n'a pour objet que de sanctionner l'inexécution de l'obligation
d'informer pesant sur le cessionnaire ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382 du Code civil
s'il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il
faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ; alors, en outre, que le cessionnaire est libre d'offrir ou
de ne pas offrir au cédant, de s'associer à une négociation qu'il a entreprise pour la cession à un tiers des titres qu'il détient
d'ores et déjà dans le capital de la société en cause ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1134 du
Code civil, ensemble le principe de la liberté de contracter ; alors, au surplus, que l'obligation d'informer, que sanctionne la
réticence dolosive, suppose premièrement, que le créancier de l'obligation n'ait pas été informé, deuxièmement qu'il n'ait
pas eu l'obligation de son côté de mettre en oeuvre certains moyens d'être informé ; qu'en lui reprochant de n'avoir pas
informé Mme X... de l'existence d'un groupement d'intérêt économique constitué le 30 septembre 1988, sans répondre à
ses conclusions faisant valoir que Mme X... dont il est constant qu'elle ait été assistée d'un avocat, professeur de droit,
spécialisé en droit des affaires savait, ou aurait dû savoir, notamment par des informations publiées par la presse nationale,
qu'un GIE avait été constitué entre la SNCF et la société Les Grands moulins de Paris, pour coordonner les études
d'aménagement et de répartition des frais (conclusions signifiées le 16 novembre 1993, pages 3 et 4), les juges du fond ont
privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que les conséquences de la
réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce texte les conséquences de
la réticence dolosive et alors, enfin, que les liens d'amitié et de confiance que lui-même et Mme X... avaient pu entretenir
par le passé, étaient sans incidence sur l'existence ou l'étendue des obligations pesant sur lui, en sa qualité de cessionnaire,
dès lors que, ayant pris le parti de ne pas donner suite à sa lettre du 28 janvier 1988, Mme X... avait pris la décision
unilatérale de consulter une banque, de se faire assister d'un conseil spécialisé en droit des affaires et d'entreprendre des
négociations avec les consorts Z..., par le truchement de ce conseil constitué mandataire ; qu'à cet égard encore les juges
du fond ont violé l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies
par ce texte, l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'au cours des entretiens que Mme X... a eu avec M. Bernard Vilgrain, celui-ci lui a caché
avoir confié, le 19 septembre 1989, à la société Lazard, mission d'assister les membres de sa famille détenteurs du contrôle
de la société CFCF dans la recherche d'un acquéreur de leurs titres et ne lui a pas soumis le mandat de vente, au prix

81
minimum de 7 000 francs l'action, qu'en vue de cette cession il avait établi à l'intention de certains actionnaires
minoritaires de la société, d'où il résulte qu'en intervenant dans la cession par Mme X... de ses actions de la société CFCF au
prix, fixé après révision, de 5 650 francs et en les acquérant lui-même à ce prix, tout en s'abstenant d'informer le cédant des
négociations qu'il avait engagées pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7 000 francs, M. Bernard Vilgrain a
manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé, en particulier lorsqu'il en est
intermédiaire pour le reclassement de sa participation ; que par ces seuls motifs, procédant à la recherche prétendument
omise, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'une réticence dolosive à l'encontre de M. Bernard Vilgrain ; d'où il suit que
le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, qu'à supposer, premièrement, que les
consorts Z... aient donné mandat à la maison Lazard frères & Cie de négocier leurs propres titres pour le prix de 7 000
francs, deuxièmement, que Mme X... ait eu connaissance de ce mandat, troisièmement, qu'elle ait su qu'un groupement
d'intérêt économique avait été constitué entre la SNCF et la société des Grands moulins de Paris et que ce groupement ait
eu pour objet de valoriser l'actif immobilier de cette dernière, les juges du fond n'ont pas constaté qu'à la date des cessions
(27 septembre 1989), Mme X... eût préféré attendre la position d'un acquéreur éventuel, pour tenter d'obtenir un prix
supérieur, plutôt que d'avoir l'assurance d'encaisser immédiatement 3 000 francs par action et d'avoir la garantie, en outre,
d'encaisser un supplément de prix à concurrence de 50 % en cas de plus-value susceptible d'être réalisée grâce aux
consorts Z... ; d'où il suit que faute de relever que l'erreur commise par Mme X..., à raison de la réticence dolosive, a été
déterminante, l'arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que
les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce
texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'informée des négociations en cours, Mme X... n'aurait pas cédé ses actions au prix de 3
000 francs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux
branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors selon le pourvoi, que la
réticence dolosive, qui obéit aux régles régissant le dol, n'est sanctionnée que dans la mesure où elle émane du
cocontractant ; que dans l'hypothèse où l'opération comporte plusieurs cessions d'actions au profit de plusieurs
cessionnaires, la nullité pour réticence dolosive ne peut affecter que la cession faite au cessionnaire coupable de réticence
dolosive et de la même manière, les dommages-intérêts ne peuvent concerner que le préjudice lié à la cession faite au
profit du cessionnaire ; qu'en condamnant M. Bernard Vilgrain à réparer le préjudice découlant des cessions consenties au
profit des autres consorts Z..., les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil, s'il faut considérer que les
conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce texte les
conséquences de la réticence dolosive et alors, d'autre part, en tout cas, que faute d'avoir cherché si, à raison de la pluralité
des cessions, seul le préjudice né de la cession que M. Bernard Vilgrain avait personnellement conclue pouvait être mis à la
charge de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, s'il faut
considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut
rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que M. Bernard Vilgrain avait conclu l'acte de cession du 27 septembre 1989 à
titre personnel et en se portant fort pour les autres acquéreurs, d'où il résultait que celui-ci n'était pas un tiers à la
convention portant sur l'ensemble des titres litigieux, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions produites ni de l'arrêt que M. Bernard Vilgrain ait prétendu devant
les juges du fond que seul le préjudice né de la cession qu'il avait conclue à titre personnel pouvait être mis à sa charge ;
que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et droit ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

82
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 18 décembre 2012
N° de pourvoi: 11-24305
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel, président
M. Fédou, conseiller rapporteur
M. Carre-Pierrat, avocat général
SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 octobre 2001, Mme X...et MM. Y..., Z..., A..., E..., D...et B..., médecins, ont constitué
une société par actions simplifiée dénommée Clinique esthétique de Paris Spontini (la société CEPS) ayant pour objet
l'exploitation d'une clinique ; que M. B...était membre du Comité de direction de la société CEPS ; que le 2 avril 2003, MM.
B...et D...ont cédé leurs actions à leurs confrères ; que le 21 février 2005, ces derniers ont cédé leurs actions à la Compagnie
générale de santé ; que reprochant à M. B...et à M. C..., notaire et beau-frère de ce dernier, d'avoir au mois de janvier 2003
fait l'acquisition, par sociétés interposées, de l'immeuble dans lequel était exploitée la clinique, alors que le premier
connaissait l'objectif poursuivi par les autres associés d'acquérir cet immeuble en leur nom propre, et alors que le second
avait reçu mandat de négocier l'opération pour leur compte, Mme X...et MM. Y..., Z..., A...et E...les ont fait assigner en
paiement de dommages-intérêts ; que M. D... est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Met sur sa demande hors de cause M. C...;

Vu les articles L. 227-8 et L. 225-251, alinéa 1, du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter les demandes dirigées contre M. B..., la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que si
l'opération d'acquisition de l'immeuble litigieux a été mise en oeuvre sans la moindre transparence à l'égard des autres
associés, la seule indélicatesse de M. B...dans son comportement ou la recherche à son seul profit d'une opération
financièrement avantageuse ne suffisent pas à caractériser une faute de ce dirigeant envers ses associés ; qu'il retient
encore qu'une violation par M. B...de ses obligations d'associé et de membre du comité de direction de la société CEPS ne
peut être retenue à son encontre puisque ce n'est pas en sa qualité d'associé ou de dirigeant de cette société qu'il a agi en
participant à l'opération d'acquisition par le biais d'un crédit-bail ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. B..., dirigeant de la société CEPS, avait laissé les autres associés
dans l'ignorance de l'opération d'acquisition pour son compte personnel d'un immeuble que les associés entendaient
acheter ensemble pour y exercer leur activité, ce dont il résultait que ce dirigeant avait manqué à son devoir de loyauté
envers eux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejeté les demandes de Mme X...et de MM. Z..., D..., Cornette de Saint Cyr,
A...et E...dirigées contre M. B..., l'arrêt rendu le 14 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en
conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit,
les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

83

SEANCE 9 : LES DIRIGEANTS (2)





I) Fin des fonctions du dirigeant : révocation et démission

• Révocation

- Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845 ; Dr. sociétés 2013, comm. 157, note M. Roussille
- Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.633

• Démission

- Cass. com., 20 sept. 2017, n° 15-28.262

II) Responsabilité du dirigeant

• Responsabilité à l’égard de la société : action ut singuli

- Cass. com., 29 mars 2017, n° 16-10.016, Dr. sociétés 2017, comm. 101, note J. Heinich

• Responsabilité à l’égard des associés : action individuelle

- Cass. com., 9 mars 2010, 08-21.547 08-21.793, Société Gaudriot

• Responsabilité à l’égard des tiers

- Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-28.657

Cas pratique

M. Lechef est associé et dirigeant de la société Heco depuis une dizaine d’années. A la suite d’un
changement de contrôle, des divergences de vues apparaissent entre lui et le nouvel associé
majoritaire. Alors que le nouvel associé souhaite opérer une diversification des activités de la société
et s’étendre à l’international, M. Lechef préfère suivre une direction plus traditionnelle en
consolidant son réseau historique de clients et en privilégiant le territoire français.

A la suite d’un échange particulièrement virulent lors de l’assemblée générale, l’actionnaire
majoritaire décide de le révoquer, avec effet immédiat. En sortant de la salle de réunion, il a déjà
appelé la sécurité qui conduit M. Lechef hors des locaux et lui demande de restituer son badge
d’accès, la clé de son bureau ainsi que celle de sa voiture de fonctions. Quelques heures plus tard,
son adresse mail professionnelle est désactivée.

M. Lechef peut-il se plaindre des conditions de sa révocation ? Peut-il espérer récupérer son poste ?

84
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 14 mai 2013
N° de pourvoi: 11-22845
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel , président
M. Le Dauphin, conseiller rapporteur
Mme Batut, avocat général
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., administrateur, président du conseil d'administration et directeur général de la
société anonyme Asterop (la société), a été révoqué de ses fonctions d'administrateur lors de l'assemblée des actionnaires
réunie le 30 juin 2008 sans que ce point ait été inscrit à l'ordre du jour ; que faisant valoir que sa révocation était abusive,
tant en raison de l'inobservation du principe de la contradiction que des circonstances à caractère vexatoire ayant entouré
cette décision, M. X...a fait assigner la société en paiement de dommages-intérêts ; qu'il a, en outre, fait assigner aux
mêmes fins M. Y...et six autres actionnaires (les actionnaires majoritaires) à qui il a reproché d'avoir commis un abus de
droit en agissant de manière déloyale et d'avoir, en outre, méconnu les stipulations d'un pacte d'actionnaires auquel il était
lui-même partie ;

(…)

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que la révocation d'un administrateur peut intervenir à tout moment et n'est abusive que si elle a été
accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation ou à son honneur ou
si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X...dirigées contre la société, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait du
procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 30 juin 2008 que cet administrateur avait obtenu des
suspensions de séance, dont la durée totale dépassait trois heures, afin de lui permettre de contacter des tiers et de rédiger
un communiqué, précise que la question de sa révocation n'a été mise au vote qu'après qu'il eut présenté ses observations
écrites et orales ; qu'il ajoute que le principe de la contradiction suppose seulement que l'administrateur ait été mis en
mesure de présenter ses observations préalablement à la décision de révocation et que tel a été le cas en l'espèce ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X...avait eu connaissance des motifs
de sa révocation avant qu'il fût procédé au vote, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X...dirigées contre la société Asterop au titre du
caractère abusif de sa révocation de ses fonctions d'administrateur, l'arrêt rendu entre les parties, le 31 mai 2011, par la
cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

85
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 24 mai 2017
N° de pourvoi: 15-21633
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims,19 mai 2015), que la société Arbatax, dont le président était M. X... depuis le 11 mai
2007, est une holding qui, avec plusieurs de ses filiales dont la société Piscine Magiline, la société Magiline succursales et la
société La Manufacture des piscines, constitue le groupe Piscine Magiline, spécialisé dans la fabrication et la
commercialisation de piscines haut de gamme et dont l'actionnaire majoritaire est le fonds commun de placement à risques
Perfectis II, représenté par la société de gestion Perfectis Private Equity (la société Perfectis) ; que les statuts de la société
Arbatax stipulaient qu'une révocation du dirigeant, sans juste motif, ouvrirait droit à indemnisation ; que le 27 août 2012,
M. X... a été convoqué par le comité de surveillance de la société Arbatax qui l'a informé de sa révocation de ses fonctions
de dirigeant ; que, reprochant aux sociétés Arbatax et Perfectis de l'avoir révoqué dans des conditions abusives et
vexatoires, M. X... les a assignées en paiement de dommages-intérêts ; (…)

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de décider que sa révocation ne présentait aucun caractère vexatoire et de rejeter sa
demande de dommages-intérêts de ce chef alors, selon le moyen :

1°/ que la révocation du dirigeant intervenue de manière brusque et vexatoire ouvre droit à réparation à son profit ; qu'en
se bornant à retenir que la perte d'accès au serveur et à l'adresse électronique, la demande de restitution du véhicule,
l'interruption de la ligne téléphonique et l'obligation de quitter rapidement le logement de fonction constituaient des
mesures inhérentes à la cessation de l'exercice des fonctions, sans rechercher concrètement en quoi il était utile que les
clés du véhicule fussent restituées sur le champ, sans possibilité de récupérer ses affaires personnelles, que l'appartement
dût être quitté en quelques jours sans possibilité matérielle pour l'intéressé de récupérer tous ses meubles, ou encore que
l'accès aux distributeurs et au personnel lui fût strictement interdit, ni en quoi cette précipitation et cette disproportion ne
laissaient pas croire à l'existence de fautes comme des malversations, portant gravement et inutilement atteinte à la
réputation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la révocation brutale du dirigeant ouvre droit à indemnisation même en l'absence d'intention de nuire ; qu'en
conditionnant le droit à réparation de M. X... à la preuve de l'intention de nuire de la part des sociétés Arbatax et Perfectis
II, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que les juges ne peuvent débouter une partie de ses demandes sans procéder à une analyse, même sommaire, des
documents versés par elle aux débats ; qu'en s'étant bornée à énoncer que les copies des courriers électroniques et des
attestations émanant de MM. Z... et A..., versées aux débats en cause d'appel par M X..., n'emportaient pas la conviction de
la cour d'appel, sans procéder à une analyse même sommaire de ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du
code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la perte d'accès du dirigeant à son
serveur et à son adresse électronique et la demande de restitution de son véhicule ainsi que l'interruption de sa ligne
téléphonique et l'obligation de quitter son logement de fonction dans le délai d'un mois étaient inhérentes à la cessation de
ses fonctions, dont il avait été informé plusieurs jours auparavant, la cour d'appel, qui n'a pas subordonné le droit à
réparation de M. X... à la preuve de l'intention de nuire de la part de la société qu'il dirigeait et de son actionnaire, a
effectué la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des
éléments de preuve soumis au débat contradictoire que la cour d'appel a constaté que M. X... ne démontrait pas que sa
révocation était intervenue dans des circonstances portant une atteinte injustifiée à sa réputation et à son honneur ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

86
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 29 mars 2017
N° de pourvoi: 16-10016
Non publié au bulletin Rejet

Mme Mouillard (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin,
avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 25 novembre 2014 et 3 novembre 2015), que la société par actions
simplifiées La Compagnie du vent (la société LCV) est détenue à 41 % par la Société de participation dans les énergies
renouvelables (la Soper) et à 59 % par la société Castelnou Energia, filiale de la société Engie, anciennement dénommée
GDF-Suez ; que les relations entre les deux actionnaires sont régies par un pacte établi le 29 novembre 2007 ; que M. X...,
président de la société LCV, a soumis au vote de l'assemblée générale de celle-ci un projet d'accord de collaboration entre
la société LCV et la société GDF-Suez, prévoyant notamment le transfert, contre rémunération, des études préalables
afférentes à un projet d'implantation d'éoliennes ; que cet accord de collaboration a été voté lors d'une assemblée générale
de la société LCV du 22 juillet 2011 ; qu'exerçant l'action sociale en responsabilité au profit de la société LCV, la Soper a
assigné M. X... et la société GDF-Suez en paiement de dommages-intérêts pour fautes de gestion, l'un en sa qualité de
dirigeant de droit de la société LCV, l'autre en sa qualité de dirigeant de fait ;

(…)

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième à huitième branches :

Attendu que la Soper fait grief à l'arrêt de dire irrecevable l'action sociale en responsabilité engagée par elle contre la
société Gdf-Suez alors, selon le moyen :

1°/ que tout préjudice fautivement causé à une personne morale, notamment par un dirigeant de fait, fait naître au profit
de celle-ci un droit à réparation et, à tout le moins, une espérance légitime de voir constater judiciairement sa créance
indemnitaire, laquelle s'analyse dès lors en une valeur patrimoniale assimilable à un bien ; qu'en retenant au contraire que
la « prétendue créance indemnitaire d'une personne morale contre un dirigeant » ne serait pas assimilable à un bien, la
cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en l'absence d'exercice de l'action sociale par le représentant légal de la personne morale lésée, la fermeture de
l'action sociale ut singuli contre le dirigeant de fait est une atteinte au droit de propriété de ladite personne morale sur sa
créance indemnitaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la qualité de dirigeant de fait n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité civile engagée par
un associé minoritaire à l'encontre d'un associé majoritaire, mais une condition de son bien-fondé ; qu'en énonçant, pour
déclarer irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Soper, associée minoritaire de LCV, à l'encontre de Gdf-
Suez, associée majoritaire, que Soper n'apportait pas la démonstration de la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez, quant
cette preuve n'était pas une condition de recevabilité de ladite action, la cour d'appel a violé les articles 30, 31 et 32 du
code de procédure civile ;

4°/ qu'en se bornant à affirmer que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de prouver que Gdf-Suez avait eu la
qualité de dirigeant de fait de LCV, sans aucunement expliciter son éventuelle analyse desdites pièces et, en particulier,
sans rechercher, comme l'y avait invitée Soper, si Gdf-Suez ne s'était pas fortement immiscée dans la gestion de LCV en
intervenant, non seulement par l'intermédiaire de son préposé, mais également de manière directe, dans l'élaboration de
business plans, dans la détermination des honoraires du mandataire chargé en 2011 de représenter Soper lors de
l'assemblée générale devant se prononcer sur l'accord de collaboration de LCV et de Gdf-Suez et, via son comité des
engagements de la branche Energie France, dans le choix des projets de LCV, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de
cassation en mesure d'exercer son contrôle de qualification, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-
252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;

5°/ qu'en retenant que la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez ne pouvait être déduite de la circonstance que M. X...,
nouveau président de LCV, était salarié d'une filiale de Gdf-Suez, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et

87
privé de plus fort sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des
articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu que si l'action sociale en responsabilité ne peut être exercée que contre les dirigeants de droit d'une société
par actions simplifiée, celle-ci peut agir en responsabilité contre son gérant de fait, soit directement par ses représentants
légaux, soit par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc dont la désignation peut être demandée en justice par un
actionnaire ; que c'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a retenu que le refus d'application de
l'action sociale ut singuli aux dirigeants de fait ne conduit pas à priver la personne morale de son droit d'agir en justice en
vue de faire constater sa créance indemnitaire à raison des fautes de gestion et n'a donc pas pour objet ni pour effet
d'entraîner la privation de son droit de propriété ; que le moyen, inopérant en ses quatrième, sixième, septième et
huitième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

(…)

PAR CES MOTIFS :

(…)

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 3 novembre 2015 ;

88
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mercredi 20 septembre 2017
N° de pourvoi: 15-28262
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Ortscheidt, SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 novembre 2011, M. Y... et la société H8 Invest ont cédé à la société Emas, devenue
Emas Digital, 83 % des actions de la société AR Technology laquelle détenait les sociétés Autoreflex.com et
Etoilecasting.com (le groupe Autoreflex) et, le même jour, signé un contrat d'option de vente et d'achat du solde des
actions ; que concomitamment, la société Emas a conclu avec la société H8 Invest un contrat de services et avec M. Y... un
contrat de management stipulant un préavis de quatre mois en cas de démission ; que les 18 septembre et 5 novembre
2012, M. Y... s'est démis de ses divers mandats sociaux des sociétés du groupe Autoreflex ; que le 12 novembre suivant, M.
Y... et la société H8 Invest ont levé l'option de vente du solde de leurs actions de la société AR Technology ; que se prévalant
du non-respect par M. Y... du délai de préavis convenu, la société Emas Digital a contesté la validité de la levée de l'option ;
que soutenant que celle-ci avait été régulièrement exercée et que la vente était parfaite, M. Y... et la société H8 Invest l'ont
assignée en paiement ; que la société Emas Digital s'est opposée à la demande et, subsidiairement, a sollicité
l'indemnisation de son préjudice ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que la vente du solde des actions de la société AR Technology est
intervenue le 12 novembre 2012 et de la condamner à en acquitter le prix alors, selon le moyen :

1°/ que le paragraphe 6 du contrat de management stipule que la démission de M. Y... de ses fonctions de mandataire de
l'une des sociétés du Groupe Etoile, quel qu'en soit le motif, « sera soumise à un préavis de quatre mois » ; qu'il en résulte
que les parties au contrat de management étaient convenues de reporter les effets de la démission de M. Y... de ses
fonctions de mandataire des sociétés du Groupe Etoile jusqu'à l'expiration du préavis ; qu'en affirmant néanmoins que le
paragraphe 6 relatif au préavis de démission stipulé dans le contrat de management ne précisait pas que la démission de M.
Y... ne prendrait effet qu'à l'expiration du préavis, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de
l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le préavis a pour effet de reporter la date d'effet de la rupture ; qu'en décidant que le contrat de management ne
précisait pas que la démission de M. Y... ne prendrait effet qu'à l'expiration du préavis, pour en déduire que les parties ne
seraient pas convenues de lier la date de levée de l'option à la fin du préavis de démission, bien que la stipulation d'un tel
délai de préavis ait eu précisément pour effet de reporter les effets de la démission de M. Y... au terme du préavis, la cour
d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'article 3.2 a) de la promesse d'achat et de vente stipule que M. Y... pourra exercer son option dans les trois mois
suivant la cessation de son mandat lorsqu'elle intervient avant le 1er janvier 2015 en raison de sa démission ; que le
paragraphe 6 du contrat de management stipule que la démission de M. Y... de ses fonctions de mandataire de l'une des
sociétés du Groupe Etoile, quel qu'en soit le motif, « sera soumise à un préavis de quatre mois » ; qu'il en résultait que M.
Y... ne pouvait exercer son option, pendant une durée de trois mois, qu'au terme du délai de préavis de quatre mois
courant à compter de sa démission ; qu'en affirmant néanmoins que la promesse d'achat et de vente ne précisait pas que la
démission de M. Y... ne pourrait prendre effet qu'à l'expiration du préavis stipulée dans le contrat de management et
qu'aucun élément n'établissait que la commune intention des parties était de lier la date de levée de l'option de vente en
cas de mauvais sortant à la fin du préavis de démission, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la démission d'un dirigeant social constitue un acte juridique unilatéral qui produit
ses effets dès qu'il a été porté à la connaissance de la société, qu'il peut être dérogé à cette règle par la commune intention
des parties de lier la date d'effet de la démission avec la fin du préavis et, que dans le cas contraire, la méconnaissance de
l'obligation de respecter un préavis ouvre seulement droit à dommages-intérêts, l'arrêt constate que la stipulation relative
au préavis de démission est incluse dans le contrat de management lequel, s'il fait état des autres contrats signés le même
jour, ne précise nullement que la démission ne prendra effet qu'à l'expiration du préavis et que le contrat d'option ne
prévoit pas davantage que la démission de M. Y... ne prendra effet qu'à l'expiration du préavis stipulé au contrat de
management; que de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les termes

89
clairs et précis du contrat de management, a pu déduire que la démission de M. Y... avait pris effet le 5 novembre 2012 et
que celui-ci et la société H8 Invest avaient régulièrement procédé à la levée de l'option de vente leur bénéficiant ; que le
moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

Et sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. Y... et la société H 8 Invest à payer à la société Emas
Digital la somme de 250 000 euros et ordonne la compensation, l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la
cour d'appel de Paris ;

90
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 mars 2010
N° de pourvoi: 08-21547 08-21793
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Favre, président
M. Le Dauphin, conseiller rapporteur
M. Lacan, avocat général
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…) Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Y... (la société), qui fournissait aux collectivités locales et aux
industriels des prestations de service portant sur l'analyse et la maîtrise de leurs investissements dans le domaine de
l'environnement et de l'aménagement du territoire, a été admise au nouveau marché de la bourse de Paris le 12 mai 2000 ;
qu'il a été procédé, par la suite, à trois nouvelles augmentations de capital par offre de titres au public la dernière en juillet
2002 ; qu'à partir de l'exercice 2000, la société est passée d'une méthode dite de comptabilisation "à l'achèvement" à celle
de la comptabilisation "à l'avancement" du chiffre d'affaires au titre de ses contrats à long terme ; que le 30 avril 2004, la
société a suspendu la cotation de son action dans l'attente de la publication de ses comptes à la suite d'un audit effectué en
décembre 2003, qui avait conclu à la nécessité d'une évaluation du poste "produits non encore facturés" ; que selon le
rapport d'audit, ce poste devait être évalué entre quatre et huit millions d'euros au lieu des quarante sept millions d'euros
publiés au titre de l'exercice 2002 ; que la société a été mise en redressement judiciaire sur déclaration de l'état de
cessation des paiements par jugement du 2 juillet 2004 ; qu'après l'adoption d'un plan de cession des actifs de la société,
l'action Y... a été radiée de la cote par Euronext le 14 avril 2005 ; que, le 3 mars 2006, M. A... et d'autres actionnaires de la
société, faisant valoir qu'ils avaient été incités à investir dans le titre Y... et à conserver leurs actions en raison de fausses
informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'informations et d'une présentation aux actionnaires de comptes
inexacts, ont assigné M. Y..., ancien président du conseil d'administration de la société, ainsi que la société EPF Partners,
MM. X... et Z..., anciens membres du conseil d'administration ; que ces actionnaires et d'autres qui sont intervenus à
l'instance aux mêmes fins (les consorts A...) ont demandé paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, à
répartir entre les cent soixante demandeurs, selon le montant de leurs pertes respectives ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° M 08-21.547, qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi n° D 08-21.793, qui est
recevable, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes des
actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est irrecevable l'action engagée par un actionnaire contre des dirigeants sociaux dès lors que le préjudice qu'il
invoque n'est que le corollaire du dommage causé à la société et n'a aucun caractère personnel ; que la cour d'appel, qui
s'est bornée à énoncer de façon générale et abstraite que subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été
incités à souscrire ou à conserver des titres par les manoeuvres de dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée
de la situation de l'entreprise, sans rechercher si, en l'espèce, chaque actionnaire demandeur avait, eu égard aux conditions
de son propre investissement, subi un préjudice personnel susceptible d'avoir été causé par des manoeuvres des
administrateurs de la société Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les
dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action
en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance
d'actif, ne se cumulent pas avec celle des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ; que, dès lors, un
actionnaire est irrecevable à exercer contre l'ancien dirigeant, à qui il impute des fautes de gestion, l'action en
responsabilité qui appartient exclusivement aux personnes mentionnées à l'article L. 651-3 du code de commerce ; qu'en
l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Y... avait fait l'objet d'un redressement judiciaire,
prononcé le 2 juillet 2004 ; que les actionnaires demandeurs reprochaient à la société EPF Partners et à M. X... des fautes
de gestion, qui ont d'ailleurs été retenues par la cour d'appel ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en
responsabilité engagée par les actionnaires contre d'anciens administrateurs, la cour d'appel a violé les articles L. 651-2 et
L. 651-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ;

3°/ qu'un associé est irrecevable à agir, à titre individuel, à l'encontre des dirigeants en l'absence d'un préjudice personnel,
distinct du préjudice social ; que la cour d'appel, qui a déduit le caractère personnel du préjudice subi par les actionnaires
du caractère intentionnel de la faute qu'elle a retenue à l'encontre des dirigeants, sans préciser en quoi, indépendamment

91
de cette faute, leur préjudice se distinguait du préjudice social, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.
225-252 du code de commerce ;

4° / que ne constitue pas un préjudice personnel, distinct du préjudice social, celui résultant de la simple dévalorisation des
titres de la société et ce, quelle qu'en soit la cause ; qu'en jugeant recevables les demandes des actionnaires sans avoir
caractérisé en quoi leur préjudice, qu'elle a affirmé être égal à l'investissement qui avait été réalisé par chacun d'eux, était
distinct de celui résultant de la dévalorisation des titres de la société Y..., la cour d'appel a derechef privé sa décision de
base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

5°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société anonyme fait apparaître une insuffisance d'actif,
les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une
action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à
l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article L. 225-252 du code de commerce ; qu'en déclarant
recevables les demandes des actionnaires sans avoir recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les procédures de
redressement et de liquidation judiciaires successivement ouvertes en 2004 et 2005 à l'encontre de la société Y..., n'avaient
pas fait apparaître une insuffisance d'actif qui aurait rendu impossible toute action individuelle des actionnaires fondée sur
les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 225-252 L. 651-2 et L. 651-3 dudit code ;

6°/ que si les tiers et notamment les créanciers peuvent agir directement contre les dirigeants d'une société qui fait l'objet
d'une procédure collective pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, dès lors qu'ils font état d'un préjudice
personnel distinct de celui des autres créanciers et que ce préjudice résulte d'une faute du dirigeant séparable de ses
fonctions sociales, une telle action n'est ouverte qu'à leur profit et non à celui des associés de ladite société ; qu'en
décidant l'inverse, notamment par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2
et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la recevabilité de l'action exercée par un associé à l'encontre des dirigeants d'une
société faisant l'objet d'une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à
l'allégation d'un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure
collective fasse apparaître une insuffisance d'actif ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les actionnaires de la société soutenaient qu'ils avaient été incités à
investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants,
d'une rétention d'information et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, la cour d'appel en a exactement
déduit que le préjudice ainsi invoqué revêtait un caractère personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

(…)

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 08-21.547, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi n° D 08-
21.793, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré fondées les demandes
des actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute
séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; que la faute est séparable lorsque le dirigeant
commet intentionnellement une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales
; qu'en l'espèce, pour condamner la société EPF Partners et M. X... à indemniser les actionnaires de la société Y... de la perte
de valeur de leurs titres, l'arrêt attaqué retient une carence des administrateurs à apprécier si la méthode de
comptabilisation des travaux en cours était adaptée aux activités de la société Y... et si des outils de gestion fiables
pouvaient être mis en place dans un délai raisonnable, ainsi que leur inaction face aux communiqués de presse trompeurs
publiés par le président de la société Y... ; qu'en se déterminant par tels motifs, impropres à établir que la société EPF
Partners et M. X... avaient commis intentionnellement des fautes d'une gravité particulière incompatibles avec l'exercice
normal des fonctions sociales, la cour d'appel a violé les articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que la faute du dirigeant est séparable de ses fonctions et permet d'engager sa responsabilité personnelle lorsque celui-
ci a intentionnellement commis une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice des fonctions sociales ;
que la cour d'appel, qui a énoncé que la faute prétendument commise par les dirigeants sociaux était «intentionnelle »,
sans caractériser en quoi celle-ci était par ailleurs d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions
sociales, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

92
3° / qu'il était en l'espèce constant et non contesté que les réserves émises par les commissaires au comptes avaient fait
l'objet, en application de l'article R. 232-11 du code de commerce, d'une publication régulière au BALO. tandis que celles-ci
figuraient, à titre d'avertissement, en première page de tous les documents de référence de la société Y... ; qu'en retenant
que le fait de ne pas avoir rappelé l'existence de ces réserves dans les communiqués rédigés à l'attention du marché,
constituait une faute intentionnelle en ce que M. Y... et les administrateurs de la société auraient ainsi cherché à en
dissimuler l'existence quand ces réserves étaient déjà connues ou, à tout le moins, accessibles au public par l'intermédiaire
des documents de référence et des publications effectuées au BALO, ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient plus être
dissimulées, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

4°/ que MM. Y... et Z... avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel respectives (cf. conclusions de M. Y..., p. 17-18 ;
conclusions de M. Z..., p. 17 § 2 et 3), que si les réserves des commissaires aux comptes n'avaient pas été
systématiquement rappelées dans chacun des communiqués rédigés à l'attention du marché, ces communiqués n'avaient
pour autant fait état d'aucune information fallacieuse, les données y figurant ayant toujours été conformes à celles dont
disposait alors la société Y... ; qu'en affirmant que ces communiqués étaient révélateurs d'une volonté de dissimulation et
de tromperie constitutive d'une faute intentionnelle sans s'être seulement prononcée sur le point de savoir si les
informations qui y figuraient étaient ou non exactes et correspondaient à la réalité des données dont disposait la société
Y... au moment où ils avaient été rédigés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252,
L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

5°/ que ne constitue pas une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions
sociales, le fait d'avoir mis en place, sur une recommandation de la COB, une nouvelle méthode de comptabilisation du
chiffre d'affaires dite « à l'avancement » alors que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires à sa mise en
oeuvre ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu que la mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des
actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les
fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal
des fonctions sociales ; que le moyen, qui fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé de telles fautes, est
inopérant ;

Mais sur la deuxième branche du quatrième moyen du pourvoi n° M 08-21.547 et la troisième branche du quatrième
moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Vu l'article L. 225-252 du code de commerce ;

Attendu que celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes,
imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans
un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé ;

Attendu que l'arrêt retient que le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance
d'investir ailleurs leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des
informations tronquées portées à leur connaissance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il a déclaré M. A... et autres recevables en leurs demandes et mis hors de cause Mmes Anne
et Cécile Y..., l'arrêt rendu le 6 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur
les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Poitiers ;

93
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 27 mai 2014
N° de pourvoi: 12-28657
Publié au bulletin Rejet

Mme Canivet-Beuzit (conseiller doyen faisant fonction de président), président
M. Rémery, conseiller rapporteur
Mme Bonhomme, avocat général
Me Foussard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 septembre 2012), que la société PAAM investissements et sa filiale, la société
PAAM logistique, ont été mises en redressement judiciaire le 4 juin 2008, la SCP Y...- Z...- A... étant désignée mandataire
judiciaire de ces sociétés et la SCP C...- D...- E... administrateur du redressement judiciaire de la filiale avec mission
d'assistance ; que le plan de redressement par voie de continuation de la société PAAM investissements a été arrêté le 3
juin 2009 et la société PAAM Logistique mise en liquidation judiciaire le 1er juillet suivant, la SCP Y...- Z...- A... devenant
liquidateur (le liquidateur) ; que ce dernier a assigné M. X..., gérant des deux sociétés en responsabilité civile personnelle,
lui reprochant de n'avoir pas déclaré au passif de la société mère le montant du compte courant d'associé de la filiale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, que la responsabilité
personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute intentionnelle d'une
particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales ; que ne constitue pas une faute
intentionnelle d'une particulière gravité l'absence de déclaration, par le dirigeant d'une SARL en redressement judiciaire, de
la créance que celle-ci détient sur une autre société du même groupe, dès lors que l'existence de cette créance est connue
de l'ensemble des organes de la procédure ; qu'en considérant que l'absence de déclaration, par M. X..., de la créance
détenue par la société Paam logistique sur la société Paam investissements au titre d'un compte courant, était constitutive
d'une fraude de nature à engager la responsabilité personnelle de celui-ci, quand cette créance était connue de l'ensemble
des organes de la procédure, y compris la SCP Y..., Z..., A..., ès qualités, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de
commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 223-22, alinéa 1er, du code de commerce que le gérant d'une SARL est
personnellement responsable envers les tiers des fautes commises dans sa gestion, lorsqu'elles sont séparables de ses
fonctions ; qu'engage sa responsabilité à ce titre le gérant qui commet intentionnellement une faute d'une particulière
gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions ; qu'ayant retenu que M. X..., en s'abstenant de mentionner la
créance de la société PAAM logistique sur la liste des dettes de la société PAAM investissements remise au mandataire
judiciaire de celle-ci et en ne la déclarant pas, avait sciemment voulu avantager la société mère au détriment de la filiale et
de ses créanciers, les privant de la possibilité d'obtenir un règlement dans le cadre du plan de redressement, la cour d'appel
a légalement justifié sa décision, peu important que la créance omise ait pu être connue des organes des procédures
collectives ; que le moyen n'est pas fondé ; (…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

94


SEANCE 10 : LA DISPARITION DE LA SOCIÉTÉ







I) Dissolution de la société

- Article 1844-7 du Code civil

- Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-15.283

- Cass. ch. mixte, 16 déc. 2005, n° 04-10.986 ; Rev. sociétés 2006, p. 327, note B. Saintourens

- Cass. com., 20 nov. 2012, n° 11-27.835 ; Rev. sociétés 2013, p. 283, note Y. Chaput


II) Liquidation de la société

- Article 1844-8 du Code civil
- Article 1844-9 du Code civil

95

Article 1844-7

Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 100

La société prend fin :

1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée
conformément à l'article 1844-6 ;

2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;

3° Par l'annulation du contrat de société ;

4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;

5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes
motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre
associés paralysant le fonctionnement de la société ;

6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;

7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ;

8° Pour toute autre cause prévue par les statuts.


96
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 19 mars 2013
N° de pourvoi: 12-15283
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel, président
M. Le Dauphin, conseiller rapporteur
M. Mollard, avocat général
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lesourd, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le capital de la société civile immobilière Les Myosotis (la société) est réparti entre Mme
X..., M. Richard Y..., son conjoint, et M. Nicolas Y... ; que ce dernier a fait assigner la société, Mme X... et M. Richard Y... et a
demandé, notamment, que soient prononcées l'annulation de certaines décisions collectives et la dissolution anticipée de
la société ;

(…)

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1844-7 5° du code civil ;

Attendu que pour prononcer la dissolution anticipée de la société l'arrêt relève qu'il existe entre M. Nicolas Y... et Mme X...
une très grave mésintelligence ; qu'il relève encore que le comportement fautif de la gérante, qui a agi dans son intérêt
propre et dans celui de son époux en profitant de la majorité des voix que représentaient leurs parts respectives, ne permet
pas de poursuivre l'exploitation sociale ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la paralysie du fonctionnement de la société, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé les consultations écrites des 23 septembre 2004, 11 janvier 2006 et
30 juillet 2007, à l'exclusion de la résolution soumise à la consultation écrite du 11 janvier 2006 relative à l'approbation de
la modification des statuts, et prononcé la dissolution de la société Les Myosotis, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre
les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
autrement composée ;

97
Cour de cassation
chambre mixte
Audience publique du vendredi 16 décembre 2005
N° de pourvoi: 04-10986
Publié au bulletin Cassation partielle.

Premier président : M. Canivet., président
Mme Foulon, assistée de Mme Torre, greffier en chef., conseiller rapporteur
M. Domingo., avocat général
SCP de Chaisemartin et Courjon, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Piwnica et Molinié., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Dominique X... de Y..., associée de la société civile agricole et immobilière
Champaubert (la SCAI) a assigné Mme Z..., associée et gérante, ainsi que deux autres associées, Mmes Marie-Claude X... de
Y... et A..., et la SCAI, aux fins de voir prononcer la révocation de la gérante, la dissolution de la société, la nullité de
l'assemblée générale du 7 février 2002 et de voir désigner un mandataire ad hoc ;

(…)

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1844-7, 5, du Code civil ;

Attendu que pour prononcer la dissolution anticipée de la société, l'arrêt retient que la mésentente entre associés est
patente et ancienne et que les dissensions entre eux sont suffisamment profondes et persistantes pour nuire au
fonctionnement de la société ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la paralysie du fonctionnement de la société, la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles 1844 alinéa 1er, 1844-10, alinéa 3, du Code civil et l'article 40 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;

Attendu que les associés sont convoqués, à peine de nullité en cas de grief, quinze jours au moins avant la réunion de
l'assemblée, par lettre recommandée ;

Attendu que, pour annuler l'assemblée générale du 7 février 2002, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 668 du nouveau
Code de procédure civile que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de
l'expédition de la lettre et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre et que, la lettre ayant été
présentée au domicile de Mme Dominique X... de Y... le 28 janvier 2002, et le jour de la notification ne comptant pas, le
délai de quinzaine n'a pas été respecté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai de convocation des associés qui courait à compter de la date d'expédition de la lettre
recommandée, en l'espèce le 23 janvier 2002 et qui expirait le 7 février 2002, avait été respecté, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la révocation de Mme Z... de ses fonctions de gérante, l'arrêt rendu le 20
novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

98
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 20 novembre 2012
N° de pourvoi: 11-27835
Publié au bulletin Cassation

M. Espel , président
M. Delbano, conseiller rapporteur
Mme Batut, avocat général
SCP Blanc et Rousseau, SCP Laugier et Caston, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1844-7 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a demandé en justice que soit constatée la réalisation de l'objet de la société Le
Paradis d'Eze (la société) et que soit en conséquence prononcée sa dissolution ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir constaté que l'objet social est défini par les statuts comme
l'exploitation, en France métropolitaine ou à l'étranger, par tous moyens directs ou indirects, de toutes maisons de retraite,
de repos, de convalescence, d'accueil de personnes des troisième et quatrième âges et généralement, toutes opérations
commerciales, industrielles ou financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement
à cet objet ou à tous objets similaires ou connexes pouvant en faciliter l'extension ou le développement, et relevé que
l'objet ainsi défini n'est ni limité ni circonscrit à la seule exploitation d'une maison de retraite et qu'il est également possible
pour la société d'exploiter une activité entrant dans son objet social ou de faire des acquisitions mobilières ou immobilières
à cette fin, retient que toutefois, depuis la cession de son fonds de commerce, soit depuis plus de cinq ans, la société
n'exerce plus aucune activité commerciale sans pour autant avoir été mise en sommeil, que le maintien de la société, qui
génère des pertes, est artificiel et que l'objet social a été réalisé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société avait atteint l'objectif en vue duquel elle
avait été constituée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel
d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

99

Article 1844-8

Modifié par Loi n°88-15 du 5 janvier 1988 - art. 2 JORF 6 janvier 1988

La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au
troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.

Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il
est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de
justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation
ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent,
pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la
révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.

La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication
de la clôture de celle-ci.

Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la
dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la
liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement.






Article 1844-9

Créé par Loi 78-9 1978-01-04 JORF 5 janvier 1978 rectificatif JORF 15 janvier, 12 mai 1978 en
vigueur le 1er juillet 1978

Après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l'actif est effectué
entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou
convention contraire.

Les règles concernant le partage des successions, y compris l'attribution préférentielle, s'appliquent
aux partages entre associés.

Toutefois, les associés peuvent valablement décider, soit dans les statuts, soit par une décision ou un
acte distinct, que certains biens seront attribués à certains associés. A défaut, tout bien apporté qui
se retrouve en nature dans la masse partagée est attribué, sur sa demande, et à charge de soulte s'il
y a lieu, à l'associé qui en avait fait l'apport. Cette faculté s'exerce avant tout autre droit à une
attribution préférentielle.

Tous les associés, ou certains d'entre eux seulement, peuvent aussi demeurer dans l'indivision pour
tout ou partie des biens sociaux. Leurs rapports sont alors régis, à la clôture de la liquidation, en ce
qui concerne ces biens, par les dispositions relatives à l'indivision.



100

SUJET EXAMEN 2016





I - En janvier 2012, M. Jacques décide de créer une société avec M. Paul dans le but d’exploiter une
activité de restauration. M. Paul se charge, avec l’accord écrit de M. Jacques, de louer un local et
d’obtenir un prêt bancaire au nom et pour le compte de la société. La société « Au bon repas » est
immatriculée deux mois plus tard au Registre du commerce et des sociétés.

En janvier 2016, la société commence à connaître d’importantes difficultés, et cesse de régler les
échéances du bail du local dans lequel est exploité le restaurant. En février 2016, c’est le crédit
bancaire que la société cesse de rembourser.

Le bailleur et la banque décident d’assigner M. Paul, qu’ils considèrent comme leur cocontractant, en
exécution respectivement du contrat de bail et du contrat de prêt.

Peut-on considérer que le contrat de bail et le contrat de prêt ont été valablement repris par la
société « Au bon repas » ? Par quel(s) autres(s) moyen(s) une reprise aurait-elle pu être valablement
effectuée ? (vous n’omettrez pas de préciser les conséquences de la reprise ou de l’absence de
reprise des contrats).


II – Pour redresser la situation de la société, M. Jacques fait appel à un investisseur extérieur, M.
Jean. Ce dernier accepte de souscrire à une augmentation de capital à hauteur de 50 000 euros, mais
à la condition que M. Jacques lui consente dans le même temps une promesse unilatérale d’achat
concernant les actions souscrites. Cette promesse permettrait à M. Jean de se faire racheter la
totalité de ses actions par M. Jacques à l’issue d’une période de six mois suivant la souscription
initiale, et pendant une période d’un mois, pour la somme de 60 000 euros. M. Jacques accepte cette
proposition. Le 1er septembre 2016, M. Jean souscrit donc à l’augmentation de capital et M. Jacques
lui consent une promesse unilatérale d’achat de ses actions dans les termes prévus.

L’opération réalisée vous semble-t-elle valable ?

III – La situation de la société s’améliore peu et à peu, et M. Jacques songe à sa succession. Il
souhaite conserver l’usufruit de ses actions, pour continuer à percevoir les dividendes, et
transmettre la nue-propriété de ses actions à ses deux enfants. Cependant, M. Jacques souhaite pour
l’instant conserver un rôle important dans la société en tant qu’associé. Quels seront ses droits de
vote en assemblée s’il réalise ce montage ? Est-il possible pour lui de s’en ménager davantage, et si
oui comment ?

101

SUJET EXAMEN 2017




Commentez l’arrêt suivant :

Cour de cassation
Chambre commerciale
Audience publique du mercredi 13 septembre 2017
N° de pourvoi: 16-12978
Non publié au bulletin Cassation partielle


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé de la Société civile des Mousquetaires (la société)
depuis 1993, en a été exclu par une assemblée générale du 24 mai 2005, laquelle a fixé la valeur
unitaire de ses parts sociales et dit que le remboursement des sommes lui revenant serait effectué
par fractions égales en quatre ans ; que, contestant cette évaluation, M. X... a obtenu la désignation
en justice d'un expert aux fins de fixation de la valeur de ses droits sociaux ; que l'expert désigné
ayant déposé son rapport le 25 février 2011, M. X... a assigné la société en remboursement de ses
parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert ;

Attendu que pour annuler le rapport de l'expert et rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt retient que
l'expert a manifestement retenu une autre valeur que celle fixée par les statuts et convenue entre les
parties, ce constat caractérisant à suffisance une erreur grossière d'appréciation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'expert de déterminer lui-même, selon les critères qu'il
jugeait appropriés à l'espèce, et sans être lié par la convention ou les directives des parties, la valeur
des droits sociaux litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette l'exception d'irrecevabilité de la
demande, l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en
conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Question bonus (2 points) :


Qu’est-ce qu’une clause léonine ?

102


SUJET EXAMEN 2018




Commentez l’arrêt suivant :

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du jeudi 3 mai 2018
N° de pourvoi: 15-23456
Non publié au bulletin Cassation partielle


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(…)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z..., M. X... Y... et M. Florian Y... ont constitué la SARL
Adéquation patrimoine, chaque associé ayant la qualité de gérant ; que faisant état de l'inexécution
de ses obligations par M. X... Y... ainsi que de la mésentente entre les associés, paralysant le
fonctionnement de la société, Mme Z... a demandé sa dissolution anticipée pour justes motifs, ainsi
que l'annulation de délibérations d'assemblées générales et la condamnation de ses associés et de la
société à lui payer des dommages-intérêts ; (…)

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dissolution de la société
Adéquation patrimoine alors, selon le moyen, que la dissolution anticipée de la société peut être
demandée en justice pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un
associé ; que ce cas de dissolution, à la différence de celui tiré de la mésentente entre associés, ne
suppose pas en outre une paralysie du fonctionnement de la société ; qu'au cas d'espèce, au titre des
inexécutions de ses obligations d'associé imputées par Mme Z... à M. X... Y... figurait en première
place la manœuvre ayant consisté pour ce dernier à faire acquérir par la société son fonds libéral
pour un prix surévalué, en contournant les règles sur les conventions réglementées ; qu'en
repoussant la demande de dissolution au motif que le fonctionnement de la société n'était pas
paralysé, sans s'expliquer sur l'inexécution imputée à M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision au regard des articles 1844-7, 5° et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 223-
19 du code de commerce ;

Mais attendu que l'inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de
l'article 1844-7, 5°, du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour
juste motif qu'à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société ; que le moyen, qui
postule le contraire, manque en droit ; (…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

103

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