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politique
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SIREY
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Régis Coeurderoy
Banque de France & Doctorat HEC
Bertrand Quélin
Professeur-Associé -Groupe HEC
Cet article est une analyse des travaux empiriques issus de l'économie des coûts de transaction et
consacrés à l'intégration verticale. Il montre que œs travaux empiriques consolident les fondements de
cette théorie et accroissent ainsi son crédit et sa validité. l'analyse de j'organisation au niveau des
transactions établit le rôle crucial des facteurs de spécificité des actifs. d'inceltÎtude et de frêquence dans
le choix des formes organisationnelles pour garantir l'échange. Comme l'établissent ces travaux empi-
riques, l'objectif de réduction des coûts de transaction pèse sur le choix des institutions économiques.
Ces résultats se vérifient sur des échantillons variés (les industries manufacturées, les industries de
service, les forces de vente, les chantiers de construction..,) et des formes organisationnelles alternatives
(intégration verticale vs) solution de marché). Cel article novateur et comparatif pennet de montrer que
la variété et la complémentarité de ces travaux participent à la formation d'une ossature théorique solide
de l'économie des coûts de transaction et créent les conditions de développement d'un vêritable do-
maine de rei:herches empiriques.
Summary. - Transaction cost economics addresses the cconomic organization as an issue of al-
ternative governance structures. The choiee between market and hierarehy is now improved by hybrid
forms.
fmpirical tTansaetion cast research g;ves evidence on the main hypotheses and supports them. Trans-
actions are the basÎC unit of ana/ysis. The nature of their attributes as asset specificity, uncertainty and
frequency, have a strong impact on the choice between organizationa/ forms in order to govem ex-
change. As devefoped by empirical studies, eœnomizing on transaction costs ;s one of the main objec-
tives when choosing a strveture of governance. Results are found through a number of samples (manu-
facturing industries, service industries, sale forces, industn'al projectsJ. These empirical works are
p/uridisciplinary and complementary. As a who/e, they represent a convincing and promising field of
r8search.
1. Positionnement théorique et
principales questions
méthodologiques
ont été enrichis et contestés dans un même mouvement, mais qui est sin-
gulièrement dominée par le développement de nombreux travaux empiri-
ques cherchant à valider des hypothèses théoriques réfutables (de 1985 à
aujourd'hui). D'ailleurs, O. E. Williamson lui-mème souligne l'importance de
ce double développement en rappelant qu'« il a fallu développer une théorie
de l'organisation économique à partir de laquelle des hypothèses réfutables
ont pu être dérivées et confirmées empiriquement» et que «sans cette
avancée, on peut sérieusement douter que la Nouvelle Economie Institution-
nelle ait pu se faire entendre, et encore moins le mériter» (Williamson
[1994]).
L'économie des coûts de transaction développée par O. E. Williamson va
s'opposer d'emblée à un certain nombre d'analyses. Cet auteur considère
que l'abandon du marché n'est pas dû à la technologie, comme le soutien-
nent Alchian et Demsetz [19721, ni seulement aux réductions des coûts de
production résultant de l'intégration, comme le défend l'économie indus-
trielle néo- classique. Selon l'auteur, cet arbitrage marché-hiérarchie est lié
directement aux coûts générés par les transactions (Williamson [1975]). L'un
des fondements de cette approche est de considérer la transaction comme
unité d'analyse et de se poser la question de son organisation. Le recours au
marché peut engendrer en effet des coûts qu'il est possible de minimiser en
organisant les relations au sein de la firme, avec la règle suivante: les coûts
internes de gestion et de coordination doivent rester inférieurs aux coûts
externes ou coûts de transaction.
Il apparaît ainsi que la plus grande masse des travaux empiriques consa-
crés à la théorie des coûts de transaction est composée d'analyses de cas
IShelanski [1991J; Shelanski et Klein (1995)). Cette prépondéranoe traduit
certes les difficultés à mesurer les trois principales variables de la théorie
que sont la spécificité, l'incertitude et la fréquence, difficultés qui seront
exposées plus loin. De fait, certaines variables ne peuvent être parfois défi-
nies qu'au niveau d'une firme ou d'une industrie particulière. Mais plus
encore, cette situation reflète l'absence concrète d'informations statistiques
recueillies de manière uniforme et systématique. Par défaut, les auteurs sont
donc contraints de fabriquer eux-mêmes leurs questionnaires et leurs varia-
b[es. [1 en résulte une relative hétérogénéité des constructions ainsi qu'une
grande difficulté à comparer les différents travaux. Cet état de fait est symp-
tomatique d'un courant théorique en construction, qui doit fonder non seu-
lement sa méthodologie mais également ses outils d'anaiyse. Il s'agit en soi
plus d'un "moment historique" que d'un obstacle intrinsèque.
La grande [imite de ces modèles, par rapport à la théorie, tient à ce que [es
variables explicatives sont supposées indépendantes. Il est certes technique-
ment possible de considérer les phénomènes d'interaction (Anderson
[198511, mais cela n'est pas sans poser empiriquement des problèmes de
colinéarité entre variables. Les premiers résultats ont été ainsi peu probants.
Or les interactions entre attributs sont soulignées dans la théorie même
(Williamson [19851, ch. 2). Cette limite peut être dépassée par l'usage de
modèles causaux (comme USREL) permettant de distinguer des variables
endogènes et exogènes et d'établir des liens entre elles. Néanmoins, ces
modèles complexes sont exigeants que ce soit pour construire les variables
latentes ou pour établir [es relations théoriques. C'est en partie pour cela
que les premières tentatives ont pu donner lieu à des résultats mitigés
IWa[ker et Weber [1984J; Wa[ker et Poppo [1991J; Heide et Jane [199211.
(2) A partir d'une fonction logistique. ces modèles permettent d'expliquer la décision
d'intégration en tenant compte d'un ensemble de facteurs et selon le même raisonnement
que celui tenu avec une régression ordinaire.
Le traitement de l'incertitude
L'analyse de la fréquence
La prise en compte de la fréquence dans les tests empiriques pose la
question de son statut. D'une part, cet attribut s'avère crucial dans la mesure
où il fait l'interface entre la dimension des coOts de transaction et celle des
coOts de production (via les économies d'échelle), D'autre part, son statut
apparait singulier vis-à-vis des autres attributs. L'échec relatif des premiers
tests sur ce concept conduit à reconsidérer son rôle dans la modélisation. Il
apparait en effet plus pertinent de l'analyser comme une variable exogène
agissant sur les attributs de spécificité et d'incertitude.
modèle empirique les coûts de transaction. Cette voie est cependant restée
peu empruntée comme nous le montrerons dans ce bilan des recherches
empiriques.
(3) Selon ARMOUR et TEECE [1980], qui le testent dans le cadre de l'industrie pétrolière
entre 1954 et 1975. l'intégration verticale accroît la productivité de la R& D. Cene relation se
vérifie entre deux étepes de production qui offrent des similitudes technologiques et des
complémentarités. Les auteurs se contentent d'un indicateur assez sommaire et classique: le
niveau des dépenses en recherche fondamentale, appliquée ou de développement pour
chaque firme de l'échantillon. Ils réussissent à vérifier que l'intégration verticale 8 un effet
positif sur les efforts de recherche fondamentale et appliquée. En revanche, les dépenses
consacrées au développement ne sont guère affectées par l'intégration de la production.
sons concourent à créer une situation de monopole bilatéral entre les mines
de bauxite et les transformateurs. Il explique ainsi principalement l'intégra-
tion entre ces deux étapes par des raisons de spécificité de site, d'actifs
spécifiques physiques et de très forte complémentarité des stades de trans-
formation (Stuckey 11983], p. 290) :
« La transformation efficace de la bauxite requiert généralement une raf-
finerie faite sur mesure avec des technologies élaborées spécialement pour
la transformation chimique, la manipulation des matières premières et la
destruction des déchets. Une fois que sont développées une mine et l'infras-
tructure qui lui est associée, et qu'est construite la raffinerie appropriée, les
deux usines sont liées rune à l'autre en fonction du degré économique de
complémentarité technique. La vérification empirique indique que (...) la
mine et la raffinerie sont économiquement mariées ensemble.
If existe également un second ensemble de facteurs qui lient ensemble
mines et raffineries; )a grande distance géographique (entre) les principaux
gisements de bauxite, les grandes distances entre les gisements et les usi-
nes de première fusion. la faible valeur de la bauxite à la sortie de la mine
par rapport aux tarifs de fret, et la réduction de plus de 50 pour cent du
volume de matière première lors du raffinage. Les trois derniers facteurs
favorisent une localisation frontale des mines et des raffineries pour des
raisons de coûts de transport... Il
L'étude de Joskow [1985] sur l'intègration verticale par les producteurs
américains d'électricité des usines de charbon s'inscrit dans la mème veine
que l'étude de Stuckey. La diversité des choix organisationnels permet une
comparaison intra-industrielle selon la spécificité et les coûts de transaction.
Le cas le plus caractéristique est fourni par les" usines à fleur de mine Il. Les
résultats empiriques apportent une réponse nettement positive (Joskow
[1988bl, p. 1101. Pour leur majorité, les deux étapes sont réunies par inté-
gration et, dans les rares cas où il n'y a pas intégration, elles sont réunies
par des contrats de fourniture à long terme qui prévoient des transactions
sur trente-cinq ans.
Une telle intégration n'est cependant pas systématique. car d'importantes
disparités s'observent dans les comparaisons inter-industrielles ou interna-
tionales. Hennart [1988] a en effet réalisé une comparaison de l'organisation
internationale des secteurs de l'aluminium et de l'étain. Il montre que le
niveau d'intégration peut varier selon le secteur concerné. Ainsi, l'intégra-
tion verticale en amont s'avère plus fréquente lorsque s'accroissent les éco-
nomies d'échelle, les barrières à l'entrée, les coûts de transport, mais sur-
tout la spécificité des actifs. Ce dernier facteur paraît expliquer le fort niveau
d'intégration dans le cas de l'aluminium.
Les actifs physiques spécifiques peuvent aussi jouer un rôle crucial dans
la décision d'intégration amont lorsqu'il est nécessaire d'élaborer des équi-
pements spécialisés. Leur impact émerge plus fréquemment encore dans les
A partir d'un méme objet d'étude, John et Weitz [1988) proposent une
autre mesure de l'actif spécifique humain. Celui-ci est cette fois mesuré par
le temps nécessaire à un nouvel agent expérimenté pour se familiariser avec
les caractéristiques du produit. Ils confirment le pouvoir intégrateur de la
spécificité, mais, tout comme Anderson et Schmittlein, ils constatent que les
problèmes d'incertitude pèsent énormément.
3. Le rôle de l'incertitude et de la
fréquence dans le choix du mode
d'organisation
(4) les auteurs ont antérieurement développé une analyse des modes d'entrée à l'étranger
selon le cadre fourni par la théorie des coûts de transaction en fonction des caractéristiques
de la firme, du produit et de l'environnement (ANDERSON et GAnGNON (19861).
(5) L'impact du risque politique est probablement l'une des plus anciennes relations tes-
tées dans le champ international. Ce qui est novateur ici, en revanche, c'est la conjonction de
ce risque avec la notion d'actifs spécifiques dans le choix d'intégration.
(6) Un autre apport de l'article de Gatignon et Anderson est de s'intéresser aux formes
d'implantation avec partage du capital (minoritaire, conjoint ou majoritaire). Cependant. à la
différence du choix d'intégration totale, celles·ci ne trouvent pas d'explications satisfaisan-
tes. Selon les auteurs, l'incapacité du modèle à expliquer ces formes de contrôle du capital
peut se comprendre par la complexité à trouver un équilibre entre les arbitrages locaux et la
protection des intérêts de la maison-mère. Il serait en fait nécessaire de disposer d'informa-
tions plus détaillées sur le contrôle de la maison-mère, sachant Que le pourcentage dans le
capital de la joint-venture n'est peut-être pas un indicateur suffisant. Une autre explication de
cel échec peut provenir du fail que de nombreux pays sont pris en compte. La relation entre
le pourcentage dans le capital et les variables explicatives peut en être altérée (HU et CHEN
1199311.
Pour ces travaux statistiques, il est souvent difficile de disposer des don-
nées susceptibles de faire le lien entre les variables explicatives et les choix
organisationnels. Les travaux traitant de l'incertitude de marché testent les
incitations au contrôle vertical, quelle que soit la forme organisationnelle qui
l'assume, plutôt que le choix de la forme de l'organisation verticale_ Lieber-
man (1991) met bien en valeur ce problème. Dans son test des déterminants
de l'intégration verticale dans l'industrie chimique américaine, Lieberman
constate lui aussi un impact sur l'intégration verticale de la concentration
des vendeurs, des coûts irréversibles et des coûts spécifiques liés au trans-
port, et, enfin, des conditions d'incertitude de la demande. Cependant, ces
facteurs n'expliquent pas pourquoi est choisie l'intégration verticale plutôt
que le contrat à long terme. Le test produit donc une vérification minimale
de la logique du raisonnement des coûts de transaction.
(7) Si le premier constat est de nature plutôt tautologique, le second éclaire les types de
risque inhérents à l'intégration verticale dans un environnement concurrentiel à forte évolu-
tion technologique: risque financier supérieur, conséquences négatives d'une trajectoire
technologique inadaptée. risque d'une obsolescence rapide.
Walker et Weber [1984J ont été certainement parmi les premiers à tenter
de considérer à la fois coûts de transaction et coûts de production. Avec un
terrain d'enquête proche de celui de Monteverde et Teece, Walker et Weber
étudient un échantillon de soixante décisions prises dans une division d'un
grand constructeur automobile américain en charge des composants sur
une période de trois ans. Trois dimensions principales sont prises en
compte: l'incertitude, les coûts de production et la spécificité des actifs.
Walker et Weber, pour un composant donné, comparent les différences de
coûts de production en interne et en externe. Ils attribuent l'essentiel du
pouvoir explicatif aux coûts de production comparés bien plus qu'à la spé-
cificité et l'incertitude d'origine technologique.
Une autre étude, dédiée aux services, confirme l'ambiguïté des résultats.
Klein, Frazier et Roth [1990J soulignent l'importance du volume d'activité
dans la décision d'intégration. Le volume d'activité peut en effet constituer
une mesure de bonne qualité de la fréquence. Ces auteurs sélectionnent
précisément comme transaction « l'exportation d'un produit particulier vers
un marché étranger par une firme» (p. 200) et ils en étudient le mode de
gouvernance. Ils montrent que l'augmentation de la fréquence des transac-
tions tend à favoriser l'intégration. Même si la spécificité des actifs n'est pas
toujours très élevée, l'intégration peut permettre d'importantes économies
de coûts de coordination. Dans ce cas, les dirigeants de la firme montreront
une nette préférence pour gérer eux-mêmes les transactions (Williamson
[1985), p. 149; Klein et Roth [199311. Ainsi, lorsqu'une firme augmente en
taille et dispose de moyens financiers et humains importants, elle est tentée
de recourir plus souvent à l'intégration afin de limiter les coûts de coordi-
nation IDahlstrom et Nygaard [1993); Noordewier, John et Nevin [199011.
des embouteilleurs sur les prix pratiqués par Coca-Cola et Pepsi-Cola qui
sont en situation de concurrence duopolistique sur le marché nord-
américain. Ces auteurs reconnaissent la complexité des objectifs poursuivis
dans de telles opérations, Ils estiment que ces changements organisation-
nels ne peuvent pas s'expliquer simplement par des choix d'investissements
en actifs spécifiques, Ceux-ci ont en fait toujours existé, que les embou-
teilleurs soient indépendants ou intégrés,
Muris, Scheffman et Spiller soutiennent que, si l'intégration du système
d'embouteillage permet des gains en efficacité, ceux-ci doivent se répercuter
dans ce cas précis, par une baisse des prix. Les résultats confirment cette
hypothèse, Les auteurs montrent également que les prix de Coca sont de
8 % plus élevés lorsque, sur le même marché, Pepsi utilise un système
indépendant plutôt qu'intégré, Un autre test indique que le passage il un
système intégré a un impact concurrentiel sur le marché et réduit les prix.
Muris, Scheffman et Spi 11er postulent que ces gains se justifient essentiel-
lement par des économies de coûts de transaction, Cependant, comme ils le
reconnaissent, leurs résultats sont aussi cohérents avec l'hypothèse d'ac-
croissement du pouvoir de marché, Pour trancher plus explicitement, il fau-
drait réussir à analyser plus en détail la structure des prix, et en particulier,
développer des variables qui résument les coûts de transaction, S'ils ont en
partie échoué sur ce point, Muris, Scheffman et Spiller proposent en revan-
che une méthode d'évaluation dynamique des choix organisationnels et de
leur impact sur les prix à la consommation. Ils ouvrent par là-même une voie
nouvelle pour les politiques antitrust, car le prix au consommateur final
représente dans ce cas le facteur déterminant.
Dans la lignée des travaux historiques de Chandler (81. l'analyse des coûts
de transaction explique les changements de forme organisationnelle des
entreprises, Elle réinterprète les travaux de Chandler [1962) et de Porter et
Livesay [19711 sur le passage des entreprises il structures fonctionnelles
(forme U) aux entreprises multidivisionnelles (forme Ml (Williamson [1975,
1981, 1985, 19861 (9), Comme le souligne Williamson ([19811. p, 15561. la
supériorité de la forme M sur la forme U pour les grandes organisations
complexes s'explique par une plus grande capacité il traiter la rationalité
limitée et à entraver l'opportunisme. Cette supériorité économique vient de
ce que la forme M apporte, d'une part, une planification stratégique et un
(8) CHANDLER [19621 analyse l'organisation des chemins de fer. Sur J'organisation des
transports aériens, on peut consulter JONES et PUSTAY [1988). Il faut également noter le
travail de SCHNEIBERG et HOlLlNGSWORTH [19901 sur les syndicats professionnels (trade
associations) qui montre l'intérêt de la théorie des coüts de transaction pour comprendre le
rôle de ces « institutions du capitalisme Il (p. 321), mais aussi les limites de celles-ci.
(9) Il faut souligner qu'il s'agit d'une interprétation des travaux historiques de CHANDLER
et non celle de CHANDLER lui-même qui a exprimé des critiques sur le sujet (CHANDLER
[199211.
(10) Même s'il n'entre pas directement dans la problématique présente, il faut signaler le
travail de BALAKRISHNAN et FOX (19931. Ces auteurs testent les hypothèses avancées par
Williamson (1988) sur la structure du capital, selon lesquelles les actifs non spécifiques
doivent plutôt être financés par l'endettement et les actifs spécifiques par le capital. Ils
confirment que la présence d'actifs et de compétences spécifiques à une firme représente le
déterminant le plus important de la structure capitalistique.
(11) BURTON et OBEL ([1980] et [1988]) emploient pour tester la supériorité de la forme M
sur la forme U une méthode originale dans cette catégorie de travaux empiriques: CI /a
simulation Il ([19801, p. 457), ou « expérience en laboratoire II ([1988], p. 103). Cette méthode
consiste à tester sur une situation fictive le comportement des personnes selon différents
cadres organisationnels fictifs (situation de forme U/situation de forme Ml. Elle a l'avantage
de supprimer les contingences du monde réel, le risque étant d'analyser un monde (( ludi·
que Il présentant un écart important avec le premier.
(12) Il faut également souligner le travail novateur et encore méconnu de Yarbrough et
Yarbrough qui analysent par la théorie des coûts de transaction J'impact de l'opportunisme
des États sur la structure du commerce international [1987bl et le rôle des institutions
internationales pour limiter cet opportunisme et tirer de plus grands bénéfices de ces échan-
ges [1987a].
est moins coûteux d'exécuter en interne une transaction proche d'une autre
déjà gérée de la sorte ICoase [1937]). Ce choix introduit un effet d'expé-
rience, et donc une dimension temporelle dans le choix des formes d'orga-
nisation.
Leur modèle a pour but d'expliquer le coût d'organisation associé à cha-
que transaction. Pour l'organisation interne, ce coût est estimé par le produit
suivant: nombre d'heures passées par le management de la société à gérer
la transaction multiplié par le salaire moyen.
L'hypothèse centrale est expliquée par les auteurs: « Puisque la construc-
tion navale implique, à la base, de coordonner un nombre important de
tâches intensives en travail et à faible contenu technologique, nous faisons
l'hypothèse que les coûts d'organisation interne seront plus faibles, et donc
que la probabilité d'intégration sera plus élevée" (p. 11).
Le traitement statistique, conformément aux travaux de Monteverde et
Teece [1982al et Masten [1984]. confirme les résultats antérieurs sur l'inté-
gration verticale. Les actifs spécifiques humains et la spécificité temporelle
favorisent l'intégration verticale. D'autre part, la faible similarité des transac-
tions accroît les coûts de gestion interne. Cependant, de façon plus appro-
fondie, les auteurs estiment également les coûts d'organisation liés aux
transactions. Leur estimation fait état de surcoûts élevés si la construction
ne se faisait qu'en interne (+ 34 %) ou qu'en externe 1+ 100 %J. Sous la
réserve de la fiabilité des estimations financières données par les experts,
cette étude démontre l'impact non négligeable des coûts de transaction sur
les coûts totaux - estimés à 14 % - dans le cas étudié ici. De plus, leurs
estimations leur permettent d'évaluer les coûts des erreurs d'organisation.
En particulier, l'intégration d'un composant qui aurait dû être sous-traité
accroît les coûts de transaction de 70 %. A l'opposé, une décision erronée de
sous-traitance fait passer les coûts de gouvernance de 13 % à 38 % de la
valeur de ce composant IMasten [19931, p. 1261. Travail précurseur, cet arti-
cle demeure unique par sa tentative de mesure directe des coûts de tran-
saction et par l'introduction de l'expérience accumulée en matière d'interna-
lisation.
•
• •
Les travaux empiriques consacrés à l'intégration verticale confirment l'im-
portance de leur contribution à la consolidation de la théorie des coûts de
transaction. En particulier, ils établissent et confirment que les attributs des
transactions influencent bien les choix organisationnels adoptés par les fir-
mes. On peut donc alors affirmer que cette théorie est un bon outil pour
comprendre et expliquer le choix des entreprises en termes d'alternatives
organisationnelles.
Toutefois, ce bilan conforte un certain nombre de critiques. Primo, si ces
études empiriques se sont révélées très utiles, certaines portent parfois le
stigmate d'une rationalisation ex post. Secundo, ce bilan fait aussi apparaî-
tre des problèmes de précision et de clarté des concepts et des termes,
comme l'incertitude, voire même les coûts de transaction.
En complément aux questions méthodologiques présentées en introduc-
tion, ce bilan de la littèrature empirique consacrée à l'integration verticale
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