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VALORISATION DES RESSOURCES NATURELLES - LES ARGILES

Argiles et environnement
Introduction
Les argiles jouent un rôle significatif dans une gamme variée de problèmes environnementaux et
les applications augmentent sans cesse. La figure 10.1 donne quelques domaines d’applications
illustrant le rôle des argiles :
- dans le transport des polluants organiques (pesticides, herbicides) dans les sols;
- dans le transport des éléments métalliques dans les sols ;
- dans le transport des isotopes radioactifs et leur réactivité vis-à-vis de ceux-ci (e.g., rétention
du 137Cs après l’accident de Tchernobil) ;
- dans la conception de barrière d’étanchéité dans les décharges ;
- dans des problèmes de santé.

Figure 10.1 – Rôle des argiles dans l’environnement – Parker & Rea, 1989

Rôle des argiles dans la rétention des éléments traces


Les éléments traces dans les eaux naturelles et dans les sols sont rapidement piégés par la phase
particulaire par des colloïdes. L’efficacité du processus dépend des propriétés et de la concentration du
réactant et de facteurs environnementaux qui affectent les propriétés de surface des colloïdes. Les
argiles interviennent suite à leurs propriétés d’adsorption et d’absorption et leur capacité à former des
complexes organo-minéraux (argile-oxyde-humus). La figure 10.2 rappelle ces propriétés.
L’absorption consiste en l’accumulation d’espèces chimiques à la surface des argiles. L’adsorption
regroupe les processus d’incorporation des polluants dans la structure argileuse. Il s’agit de processus
complexes que l’on peut schématiser (Fig. 10.3). La surface argileuse est chargée négativement
(charge fixe). Cette charge est neutralisée par des cations positifs venant de la solution en contact, ces

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cations définissent la charge diffuse ou couche de Gouy (cf. chapitre 4). Les ions de la couche diffuse
sont adsorbés. Ils pourront être cependant échangés avec d’autres ions si la composition de la solution
change. Si les ions adsorbés sont fortement liés aux argiles (adsorption spécifique), la couche fixe
incorpore des ions et la couche de Gouy devient chargée négativement.

Figure 10.2 – Adsorption et


absorption – Parker & Rea, 1989

Figure 10.3 – Rôle des argiles dans la


migration des éléments traces: processus
d’adsorption – Parker & Rea, 1989

Les éléments traces vont donc être transportés avec les colloïdes par l’eau ou le vent, sédimenter ou
former des agrégats par floculation. La désorption est souvent lente et incomplète. La sorption se
produit au niveau des surfaces des argiles par liaisons ioniques.

Le cation métallique (Fig . 10.4) garde sa sphère d’hydratation et n’est donc pas en contact direct
avec la surface argileuse tant que les molécules H2O et les groupes OH- ne forment pas de liaisons
hydrogènes avec les atomes d’oxygènes des surfaces argileuses. A ce stade, le cation métallique se
rapproche de l’argile, la liaison devient plus forte vu la perte de la sphère d’hydratation. La
réversibilité du processus dépend d’un cation à un autre (taille, charge, degré d’hydratation) et de la
nature du minéral et des conditions environnementales (pH).

Figure 10.4 – Transport des éléments traces par les colloïdes – Parker & Rea, 1989

Les propriétés d’adsorption s.l. varient selon la nature de l’argile, en particulier selon la capacité
d’échange cationique (Fig. 10.5). Parmi les argiles, les montmorillonites et les vermiculites ont les
capacités les plus importantes.

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Figure 10.5 – Adsorption du cuivre par différentes argiles – Parker & Rea, 1989

Cependant la capacité d’échange cationique n’est pas le seul paramètre. La figure 10.6 compare les
propriétés d’adsorption (au sens large) des oxydes Fe-Mn, de l’acide humique et des argiles
(montmorillonite) pour le Co. Il semble que les oxydes Fe-Mn et la matière organique aient des
capacités d’adsorption s.l. plus importantes que les argiles.
Figure 10.6 – Adsorption du cobalt par différentes substances – Parker & Rea, 1989

De nombreuses expériences ont été réalisées pour étudier le comportement du Zn. Les résultats
montrent que la capacité d’échange cationique des acides humiques est plus grande que celle des
bentonites et des oxydes. Par contre, la capacité d’adsorption pour le Zn est maximale pour les oxydes
et plus importante pour les acides humiques que pour les bentonites. Bien que les oxydes aient une
capacité d’échange plus importante que les oxydes, leur capacité d’adsorption s.l. est 2 ordres de
grandeur plus faible. La capacité d’adsorption s.l. serait corrélée à la force des liaisons entre le réactant
et les éléments métalliques (Tab. 10.1).

Table 10.1- Influence de la capacité d’échange dans les processus d’adsorption du Zn.
Rea et Parker, 1989.

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Bio-disponibilité des métaux lourds
Les argiles jouent un rôle dans le piégeage biologique des métaux lourds toxiques. En particulier,
elles réduisent les effets toxiques pour différents métaux (e.g., Cd, Pb, Hg, Cu, Ni). La figure 10.7
illustre les expériences de Stotzky et al. Ces expériences démontrent l’habilité de différentes argiles à
protéger les bactéries ou les champignons des effets toxiques du Ni, Cd, Zn et Pb dans les sols. En
présence de Pb, le taux de croissance des populations est limité pour la kaolinite, moyen pour la
palygorskite et élevé pour la montmorillonite. Ces tendances reflètent le taux de capacité d’échange de
ces différents minéraux: faible pour la kaolinite, moyen pour la palygorskite, et élevé pour la
montmorillonite.

Figure 10.7 – Rôle du pH dans l’adsorption du mercure – Parker & Rea, 1989

La figure 10.8 présente le degré d’adsorption s.l. du Hg pour différents constituants des sols
(oxydes de Fe hydratés, kaolinite, bentonite, illite, composés organiques). Le processus d’adsorption
s.l. dépend du pH: il diminue lorsque le pH augmente.

Figure 10.8 – Contrôle de la bio-disponibilité sur l’adsorption du plomb


par différentes argiles – Parker & Rea, 1989

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En conditions acides, le nombre de sites d’adsorption chargés positivement augmente et le nombre
de site chargé négativement diminue. Les ions H+ sont en compétition avec les cations métalliques
pour les sites d’échanges à bas pH. Les cations hydroxylés (e.g., HgOH+), formés par hydrolyse, ont
des liaisons plus fortes que les cations métalliques libres (e.g., Hg2+). En condition acide, le métal reste
sous forme de cation libre et le pourcentage d’adsorption s.l. par un colloïde est faible. Avec
l’augmentation du pH, la concentration de cations métalliques hydroxylés augmente et le pourcentage
de cations métalliques lié aux colloïdes augmente brutalement. Si le pH augmente davantage, il y a
formation d’hydroxydes non chargés (e.g., Hg(OH)H) puis d’anions métalliques (e.g., Hg(OH)3-). Le
pourcentage d’adsorption s.l. diminue suite à la répulsion entre anions et surface argileuse négative. La
figure montre que les capacités d’adsorption sont minimales pour la kaolinite, faibles pour la bentonite
et plus importantes pour les oxydes. Cependant, il existe des résultats contradictoires selon les
expériences. Ceci souligne la complexité des processus.

Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique (CET)


Les argiles sont utilisées dans la construction de barrières imperméables. Les smectites sont
préférentiellement utilisées étant donné leur réactivité chimique et leur imperméabilité après
compaction (cf. chapitre 9). La figure 10.9 illustre la disposition des barrières d’étanchéité entre la
décharge et le socle géologique. Les argiles peuvent être utilisées seules ou mélangées à des matériaux
composites.

Figure 10.9 – Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique
– Parker & Rea, 1989

La gestion des décharges doit intégrer toutes les circulations d’eau susceptibles de réagir avec les
déchets en produisant des lixiviats et leur migration vers l’extérieur du dispositif (Fig. 10.10).

Figure 10.10 –Rôle des argiles dans les CET: circulation d’eau dans les centre d’enfouissement
technique – Parker & Rea, 1989

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Généralement, un site de décharge est subdivisé en petites unités ou cellules, avec chacune un système
de collecte et de contrôle des lixiviats (Fig. 10.11). Les déchets sont déposés, compactés puis couverts
quotidiennement par une couche d’argile ou d’un autre matériel pour éviter un transport par les vents,
limiter la circulation d’eau et éviter les infestions par les rats. Lorsque le remplissage est complet, la
cellule est scellée par un couvercle en matériau composite ou non et une nouvelle cellule est utilisée.
Ensuite lorsque les opérations sont terminées, une couverture végétale est installée pour permettre le
réaménagement du site.

Figure 10.11 – Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique :
Remplissage des décharges – Parker & Rea, 1989

Le choix du site dépend de la géologie du substrat. Parfois, il est nécessaire d’installer un


liner constitué d’argiles naturelles (1 cm d’épaisseur ou moins), de bentonites sodiques (bentonites du
Wyoming) ou d’un composite bentonite-géotextile. La bentonite est un matériel cher. Généralement
8% de bentonites sont mélangées à du matériel provenant du sol ou substrat local. Ce mélange va
constituer une couche de plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur. Dans le matériel composite, la
bentonite est intercalée entre 2 couches de géotextiles.
Des études de la réactivité d’argiles naturelles exploitées dans trois gisements en Belgique
(Soignies, Kruibeke, Tournai) ont été réalisées dans le cadre d’une action de recherche concertée
(ARC) coordonée par l’Université de Liège (prof. R. Charlier, GEOMAC). Des études expérimentales
sur le comportement des argiles vis-à-vis des lixiviats ont été réalisées en parallèle avec le suivi
d’échantillons naturels prélevés dans les décharges. L’objectif de ces études, intégrant approche
fondamentale et appliquée, était de définir des normes pour sélectionner le matériel argileux utilisé
pour la construction de futurs centres d’enfouissement technique.

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