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L AME 1DIENS

SPEU LES UR LA GUYANE


LES AMERINDIENS·
DES PEUPLES POUR
LA GUYANE DE DEMAIN·

Un dossier socio-économique
par
Pierre et Françoise GRENAND
Photo de couverture: Marie Françoise PREVOST -1985-
Village wayampi de Tamali (Trois Sauts)

© Orstom - Institut français de Recherche scientifique pour le Développement en Coopération.


213, rue Lafayette 75010 Paris.

Centre Orstom de Cayenne


B.P. 165 - 97323 Cayenne Cedex.
Téléphone: (594) 30.27.85
Télécopie: (594) 31.98.55/ Télex: 910 608 FG

Reproduction interdite.
Les propos tenus dans cette publication n'engagent que leurs auteurs.
- SOMMAIRE -

Avant-propos 3
Avertissement : 4
L'image de l'Amérindien, fabrication d'un mythe 7
..---Les Amérindiens et l'histoire ~ ~ Il
Les ethnies contemporaines : quelques données pratiques 17
Bilan démographique : de la décadence au renouveau 40
Les concessions foncières amérindiennes: un dossier fondamental .. 47
Conclusion : les chemins de l'harmonie 59
Orientation bibliographique · 65

- 1-
Remerciements.

Nous remercions le Conseil Général de la Guyane


pour sa participation financière à l'élaboration de. cet .
ouvrage;

-le Lacito-CNRS, pour son aide dans l'élaboration


des cartes;

- le CRESTIG, pour la composition du texte;

- l'Association des Amérindiens de Guyane


française (A.A.G.F.)et l'Association Culturelle des Ara-
wak de Sainte-Rose de Lima pour leur aimable soutien à
l'iconographie.
AVANT-PROPOS

"L'aube ! crièrent-ils tous ensemble, l'aube! Enfin l'aube."

Extrait d'un conte wayampi :


"L'Arc-en-ciel et la Couleur des Oiseaux"

L'histoire, la culture, les activités et les problèmes auxquels se


trouvent confrontés les Amérindiens sont encore très mal connus en
dépit des efforts entrepris au cours de ces dernières années par les
associations représentatives des différentes communautés, tant auprès.
des. instances politiques et administratives que du grand public.

Cet état de fait constitue un frein au dialogue entre les différentes


composantes socio-culturelles de la Guyane au moment où s'amorce
une réflexion sur les problèmes d'identité, de guyanité et sur un projet
de société susceptible d'obtenir l'adhésion de tous les partenaires.

TI est donc apparu nécessaire de pouvoir réunir les informations


de base indispensables dans un document de synthèse accessible à tous
et capable de servir de fil conducteur à tous ceux qui voudraient
améliorer ou approfondir leurs connaissances.

C'est dans cette perspective que Pierre GRENAND,


anthropologue, chargé de Recherches à l'Institut Français de
Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération
"(ORSTOM) et Françoise GRENAND, ethnolinguiste, chargée de
Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS-
LACITO), ont élaboré ce dossier socio-économique consacré aux
Amérindiens.

Les questions fondamentales' qui sont posées contribueront


certainement àalimenter les réflexions et à ouvrir des pistes nouvelles,
aussi bien dans le domaine de la recherche que dans celui de l'action
pour qu'enfin, se lève pour ces peuples, l'aube décisive tant attendue;
après la longue nuit dans laquelle la Conquête les avaient plongés.

Jean'NlICHOTIE

Représentant de i'ORSTOM en Guyane


Directeur du Centre ORSTOM de Cayenne

- 3-
AVERTISSEMENT

Cette publication s'inscrit dans une suite de travaux que d'autres


spécialistes et nous-mêmes avons consacrés à ce qu'il est convenu
d'appeler la question amérindienne.

De fait, en Guyane, il n'y. a pas plus de problème amérindien que


de problème hmong, créole ou métropolitain; ou plus exactement, la
Guyane étant composée d'un chapelet multicolore de communautés
d'importances numériques différentes et de trajectoires historiques
variées, le véritable problème de ce pays est celui de leur articulation,
afin de permettre le fonctionnement d'un ensemble sociologique enfin
. cohérent.

Après vingt ans d'engagement éducatif puis scientifique, et de vie


partagée avec les Amérindiens, notre but est aujourd'hui de tenter,
après avoir réexaminé les caractéristiques principales de chacune des .
six ethnies amérindiennes, d'en évaluer les potentialités.

. Nous souhaiterions en effet que le lecteur puisse trouver dans ce


document aussi bien des éléments culturels et historiques de
compréhension, que des suggestions d'ordre pratique qui puissent
permettre une intégration harmonieuse des Amérindiens dans la vie du
département, une Guyane postulée comme multiethnique.

C'est pourquoi nous nous adressons essentiellement ici aux


décideurs politiques et économiques ainsi qu'aux divers fonctionnaires
qui sont, un jour ou l'autre, au détour d'une question à régler,
confrontés à des hommes qu'ils ne parviennent pas à cerner et à des
civilisations dont l'étrangeté leur fait oublier tout sens critique.

-4-
Enfin, notre ambition est d'expliciter l'émergence politique des
populations traditionnelles. La Guyane est loin de connaître les
tensions dramatiques de la Nouvelle-Calédonie, mais il serait très
grave, plus par négligence que par mauvaise foi, nous n'en doutons
point, de laisser s'installer un climat de tension et de .frustration qui
conduirait inéluctablement à la situation que l'on connaît. Là encore,
nous tenterons de montrer que quelques solutions pratiques et
beaucoup d'ouverture d'esprit et de bonne volonté pourraient éviter
l'escalade dans l'intérêt de tous.

Depuis ces vingt dernières années, nous avons assisté en Guyane à


l'émergence des Amérindiens en tant que force politique, ce que
prévoyait déjà la préface à l'un de nos articles en 1979 :

"Ce peu d'Indiens d'il y a encore quelques années, qui imposait en


priorité des mesures d'urgence pour en enrayer l'extinction
physique, devient aujourd'hui une force peu à peu consciente et
sans doute bientôt unie et organisée"). .

Avant d'augurer de l'optique selon laquelle les lecteurs


appréhenderont le présent document, il nous semble important de
rappeler certaines données :

- 1981 : Création de l'Association des Amérindiens de Guyane;


- 1984: 1er Congrès des Amérindiens de Guyane;
- 1986 : Election d'un Conseiller Régional galibi ;
- 1989: Création de. la Commune d'Awala-Yalimapo.

1 Groupement d'Infonrtation Amérique. in : Les Amérindiens de Guyane


française aujourd'hui : éléments de compréhension. Journal de la
Société des Américaniste. tome LXVI. Paris. 1979. pp.361-382.
- 4:i -
L'IMAGE DE L'AMERINDIEN,

FABRICATION D'UN MYTHE

Même si de nos jours, chaque minorité amérindienne se trouve


indissolublement liée à la politique particulière de tel ou tel Etat du
continent américain, il n'en reste pas moins que son image est le
produit d'une idéologie globale, issue de la pensée occidentale depuis
le XVllème siècle. .

li. convient d'ailleurs de distinguer vision et pratiques : par


. exemple, la même poussée anti-jésuite issue largement du courant·
philosophique du XVIIIème siècle entraîna des conséquences
politiques divergentes en Guyane et au Brésil. .

li est un point essentiel dont il faut se souvenir: les Européens, au


cours des 450 dernières années, se sont forgés une vision globalisée de
l'Indien d'Amérique,' composée d'images fixes et de vérités
applicables à n'importe quelle "tribu", de l'Alaska à la Terre de Feu.
De ce point de vue, tout Indien de Guyane est d'abord considéré
comme un Indien d' Amérique.

Sur quels fondements repose cette globalité? Ce ne sont ni le lieu,


ni le temps de refaire l'histoire de la pensée française concernant les
Amérindiens, mais plus simplement d'en. réévoquer les jalons
successifs. .

Les grands stéréotypes ont des fondements réels et vécus : les


Hurons du Canada observés par Jacques Cartier en 1535, les
Tupinambade la Côte du Brésil décrits par Thevet en 15~8 ou par Jean
de Léry en 1556 et dont Montaigne fera un chapitre de ses Essais, sans
omettre les Caraïbes des Antilles dont parle abondamment Christophe
Colomb lui-même dès 1492. A l'époque contemporaine, les Apaches et
les Sioux revus en grand écran par le cinéma, ainsi que les Jivaro et
. autres Yanomami des récits à sensation de pseudo explorateurs, sont
venus prendre le relais dans l'imaginaire collectif.

Certes, l'Amérique est riche de biens d'autres cultures


amérindiennes, mais quelques grands traits sans cesse mis en avant
dans les débats d'idées sont basiquement extraits des portraits des
ethnies ci-dessus évoquées, lorsque l'on veut dépeindre l'Indien
d'Amérique :

D'abord, il est nu, ce qui est l'antithèse de la philosophie du corps


caché de notre civilisation chrétienne.
-7-
Ensuite, il est guerrier: jusqu'à la Révolution, ce trait sera
invariablement perçu comme un signe de noblesse, alors qu'à partir du
XIXème siècle, les avis seront partagés entre la noblesse et la barbarie.

Il est aussi nomade, ne s'attachant à aucun lieu: cette notion


heurte de front celle d'espace délimité, héritée en ligne droite du fief
moyenâgeux, puis cellede frontières nationales.

Enfin, il est fils de la nature, cela agrémenté de deux affirmations


qui seront utilisées contradictoirement:
D'une part il est le meilleur connaisseur et protecteur de la nature
qui se puisse concevoir, d'autre part, il est, comme les animaux, tout
entier livré à ses instincts : dans un monde tel que le nôtre où les
libertés se conquièrent, on imagine fort bien les conséquences d'une
telle affirmation!

Généralement, le débat se termine sur cette affligeante


constatation notée dès le XVlème siècle et que l'on entend encore
couramment de nos jours : l'Indien se dégrade inexorablement dès son
premier contact avec LA civilisation.

Ces quelques idées entraînent de nombreux débats dont sont


encore largement conséquentes les décisions politiques
contemporaines. Pour ne pas obscurcir l'exposé, attachons-nous
simplement et brièvement à celles qui ont fleuri au Xvlflème siècle
dans la période pré-révolutionnaire, c-ar, comme l'a montré J.
Hurault, nous relevons déjà dans les _écrits de cette époque
pratiquement toutes les propositions rediscutées depuis 1948 pour
l'administration des Indiens.

On peut isoler trois philosophies: Selon la première, prônée en


particulier par les Gouverneurs d'Orvilliers dans la première moitié
du XVillème siècle, les Indiens sont libres, alliés de la France et
susceptibles, en fonction de la belle et forte image que les Français leur
auront montrée d'eux-mêmes, de devenir volontairement des sujets du
Roi. Si l'on met de côté les problèmes pratiques d'administration et le
concept, alors enraciné, de progrès par la foi catholique, nous devons
essentiellement retenir que l'Indien reste libre et maître de sès choix
culturels, cependant que son adhésion aux valeurs françaises ne peut
que se faire à un haut niveau, celui du noble l'épée au côté.

La seconde philosophie fut édictée par Bessner (1777), reprise


sous le Consulat par Leblond (1802) et enfin par l'explorateur
Coudreau (1893).

- 8-
Basiquement, les Indiens, tels qu'ils sont, possèdent un certain
nombre de qualités physiques et de connaissances pratiques, mais ce
sont des gens qui vivent dans le désordre ou la paresse, ce qui les rend
inutiles à la colonie. Il faut les contraindre à se civiliser en leur créant
êles besoins, et, éventuellement en employant la force, les obliger à se
sédentariser. Coudreau avance un dernier pion, celui du métissage
planifié débouchant sur des colonies agricoles industrieus.es et
productives. il est donc clair que l'Indien n'a pas sa place en Guyane,
autrement que comme individu (assimilé ou métissé), producteur dans
un-contexte colonial. Cette conception d'apparence radicale est liée à
l'un des points fondamentaux de l'idéologie de la démocratie
bourgeoise, celle du progrès par le travail.

La troisième philosophie fut essentiellement développée par


l'Ordonnateur du Roi Malouet (1776) puis par les deux premiers
Députés de la Guyane sous la Première République, Bertrand et
Pomme (1791). )

Selon eux, les Indiens sont des enfants de la Nature; libres, ils ne
doivent aucune allégeance à la France, mais l'expérience des deux
cents dernières années (nous sommes au XVIIIème siècle) montre
qu'ils sont rebelles -voire inaptes ?- à toute forme de civilisation. Il
convient donc de les laisser en paix, puisqu'ils ne peuvent en aucun cas
être intégrés dans le tissu économique de la région. Néanmoins, pour
des raisons humanitaires, la France leur doit protection, eu égard à
leur statut de premiers occupants. Nous sommes là face au discours
rousseauiste parfait, dans lequel l'on admet que ces frères de la Nature
ne peuvent qu'être pollués par la civilisation sans en retirer les
bénéfices.

Le premier discours, en raison de sa gangue d'Ancien Régime,


est un discours périmé. Il n'empêche que c'est le seul à reconnaître une
valeur intrinsèque à ces civilisations différentes de la nôtre et à poser
le problème de la place légale des Amérindiens dans la Nation.

Les deux autres. discours, sous une teinte modernisée, et se


recoupant ou se contredisant bien souvent, ont encore cours dans la
Guyane contemporaine : certains n'abandonnent pas l'idée de
sédentarisation ; d'autres veulent faire des Indiens les fournisseurs de
farine de manioc (couac) de toute la Guyane ; tel autre juge
inadmissible qu'ils passent leur vie à pêcher et à chasser pendant que le
peuple industrieux travaille; tel décideur trouve injuste qu'ils ne
bénéficient pas, comme tout le monde, de l'aide .au logement,
- cependant que l'attribution des allocations familiales, erï'èn faisant des -
consommateurs, les intègre malgré eux dans l'économie de marché du
département ; enfin, exemple majeur d'une politique de balancier,

-9-
alors que la France, en 1967, leur octroie à la va-vite une citoyenneté
au rabais, ni désirée ni comprise, la Préfecture, en 1971, instaure
l'interdiction de pénétrer en pays indien (pour le sud du département
seulement), afin de les protéger sanitairement et culturellement.

Quant à la licence que les Indiens ont de choisir de faire ou de pas


faire leur service militaire, elle est directement issue de l'idée des
. d'Orvilliers selon laquelle les Indiens pouvaient choisir leur bannière
et montrer qu'ils restaient alliés des Français en toute liberté.

En bref, il est raisonnable d'affirmer qu'en cette fin du XXème


siècle, la République se retrouve avec un dossier administratif et
politique, qui, quoique modeste, n'en reste pas moins irrésolu.

- 10-
LES AMERINDIENS ET L'HISTOIRE

Si le regard que le monde extérieur porte sur l'Indien


d'Amérique est essentiellement globalisant, il n'en demeure pas moins
que les sociétés amérindiennes vivant actuellement en Guyane sont le
produit d'une histoire qui leur est propre et qui, si elle pose au
chercheur encore bien des interrogations (cf. la bibliographie
commentée), offre cependant un certain nombre de points forts qui
éclairent de façon extrêmement vive la situation contemporaine.
Plutôt que de reprendre ici un bilan événementiel déjà largement
diffusé', il nous semble préférable d'en extraire les points forts.

a· Les Amérindiens de Guyane et l'Amérique

Les six peuples amérindiens vivant actuellement sur le territoire


de la Guyane appartiennent à des ensembles linguistico-culturels
dépassant largement les limites du département.

Les Galibi et les Wayana, de la famille linguistique karib, sont


liés, par divers traits d'organisation sociale, à un vaste ensemble
d'ethnies allant de la Guyane à la boucle de l'Orénoque à l'ouest et à la
rive septentrionale de l'Amazone au sud (P. Rivière, 1984);

Les Palikur et les Arawak, membres de la famille linguistique


arawak, et caractérisés par un système d'organisation clanique, se
rattachent à un autre grand groupe culturel, atomisé de nos jours
pratiquement aux quatre coins du bassin amazonien.
(/

Les Wayampi et les Emerillon, enfin, de la famille linguistique


tupi-guarani, marquent aujourd'hui l'avancée la plus septentrionale
d'un ensemble- de populations, jadis guerrières et mobiles, issues du
Brésil méridional et du Paraguay.
v •

A l'intérieur de chacune de ces familles linguistico-culturelles, il


serait illusoire de croire que les sociétés présentent un caractère uni, et
ce, particulièrement au niveau des langues et de l'exploitation du
milieu. TI est en revanche plus intéressant de s'interroger sur la nature
du savoir que chaque groupe indien a de l'ensemble des autres.

Remarquons tout d'abord que ce savoir s'est considérablement


restreint au cours des derniers siècles, les zones de mouvance de
chaque population étant aujourd'hui séparées par des immensités vides
d'hommes ou bien étant au contraire enclavées dans des zones de
peuplement post-colonial. Mais même- ainsi, leur vision du monde

IGrenand. P. et F., 1985 ; Grenand P. 1979.


1 1
amérindien demeure relativement vaste et recouvre, pour chacune
d'elle, pratiquement toute la moitié orientale des Guyanes .

. Le cas des Galibi, qui ont une connaissance claire de toutes leurs
subdivisions de l'Amapa au Vénézuela, demeure un cas exceptionnel.
L'appartenance aux grands groupes ethnolinguistiques que nous
venons d'évoquer n'est bien entendu pas faite selon les critères
européens de classement, mais cela n'empêche pas les Palikur par
exemple d'être parfaitement conscients de la typologie linguistique et
de pouvoir dresser une carte historique des anciennes langues parlées
dans l'Amapa, de la même manière que les Galibi ont une nette
conscience que leur langue présente des similitudes structurelles avec
celle des Wayana ou avec celle des Tirio.

D'ailleurs, l'évolution politique actuelle, induite en particulier


par l'accès à .la littérature anthropologique et par les voyages
qu'entreprennent divers responsables amérindiens dans d'autres pays
des deux Amériques, entraîne une rapide prise de conscience qu'il
existe ailleurs des peuples qui leur sont très proches.

b· Les relations inter-tribales


Si l'on peut déjà déduire cette affirmation de ce qui précède, il
convient cependant d'insister sur le fait que les sociétés du présent sont
le produit d'une dynamique complexe. Ce ne sont pas six ethnies que la
Guyane comptait au XYlème siècle, mais plus d'une trentaine.

L'écart considérable entre ces deux chiffres trahit d'abord un


énorme déficit démographique, et implique en outre, un mécanisme de
fusion interethnique qui a particulièrement été bien mis en lumière
pour ce qui est des Galibi, des Palikur, des Wayampi et des Wayana
(Hurault, 1972; Grenand, P., 1982 ; Grenand P. et F., 1987).

Le nombre important d'ethnies anciennes implique également


qu'en dehors d'une région apparemment vide à la fin du XYlème
siècle entre la moyenne Mana et le moyen Maroni, la Guyane était
peuplée, à l'arrivée des Européens, de façon continue et homogène.
Les nombreux sites archéologiques interfluviaux que l'on met peu à
peu à jour actuellement le confirment pleinement. .

Nous devons donc comprendre que la Guyane amérindienne


ancienne n'était pas composée de groupes isolés et éloignés les uns des
autres, mais bien au contraire, de sociétés, qu'elles aient été en guerre
ou en paix, en contact permanent à travers des échanges commerciaux,
des échanges festifs, voire des échanges matrimoniaux.

- 12-
Certes, comme dans le cas des Galibi et des Palikur, les relations
étaient loin d'être toujours harmonieuses, mais -nous avons là,
cependant, une des clés des relations intertribales, et l'émergence
actuelle d'une Association des Amérindiens de Guyane n'est qu'un
nouvel avatar, qui, quoique modelé selon des normes occidentales
contemporaines, ne tire pas moins ses racines de ces réseaux anciens.
On ne peut pas comprendre autrement le caractère festif marqué par
les flots de cachiri et les grondements des tambours, qui, à l'appel des
Galibi en Décembre 1984 à Awala, saluèrent le premier rendez-vous
. contemporain des Amérindiens de Guyane.

Quant aux soit-disant isolats, tels les "Oyaricoulets" qui


connurent en leur temps une gloire journalistique éphémèret, ils
s'avèrent être, la plupart du temps, de petits groupes ayant scissionné
par crainte des épidémies, lors de conflits tribaux ou encore lors de
contacts désastreux avec les Occidentaux. TI ne s'agit donc pas de
populations oubliées du reste de monde comme on le laisse souvent
croire, mais de stratégies de repli contrôlé. D'ailleurs, des groupes tels
que les Wayampi ont connu dans leur histoire ce genre de situation :
après le passage de l'explorateur Coudreau (1893), une fraction des
communautés wayampi s'isola aux sources de l'Oyapock pour fuir les
diverses épidémies qui les accablaient. Cette fuite ne fut pas pour
autant une operculation totale puisque les sabres, les haches et les
couteaux, achetés dans la région de Saint-Laurentdu Maroni par des
Boni,continuèrent à leur parvenir de loin en loin, acheminés par des
colporteurs wayana qui les visitaient à pied. Cette retraite, qui
demeura totalement ignorée des Français, fut conduite par les grands-:
parents des actuels habitants des villages du haut Oyapock. Elle dura
presque cinquante ans.

On serait tenté de terminer sur une boutade: les Indiens inconnus


existent-, mais il n'existe pas d'Indiens qui ignorent les Blancs. n n'y a
que des Indiens qui refusent le contact avec les Blancs. Ce refus du
contact, qui peut, comme on l'a vu, survenir à la suite de circonstances
diverses, ne doit pas seulement être interprété comme une réaction
sauvage, mais comme un choix mûri, mis en œuvre en cas de force .
majeure, et les Wayampi, par exemple, en parlent comme étant encore
du domaine du possible. .

c • Les Amérindiens et la Guyane


Les différentes philosophies politiques concernant la place que
l'on pensait pouvoir assigner aux populations amériadiennes dans le

1 Les Wayana et les anthropologues savent bien qu'ils sont un sous-


groupe tirio. .
2Actuellement. tant dans l'extrême sud de la Guyane qu'en territoire
brésilien voisin. ils ne représentent que des groupuscules infimes.
- 13 -
pays ne doivent pas nous faire oublier que ces populations furent des
acteurs soit s'étant opposés, soit ayant participé à la formation de la
colonie. J. Hurault (1989) a minutieusement décrit le type de rapports
que les Amérindiens entretinrent avec les Français et les autres nations
colonisatrices et nous ne saurions trop recommander la lecture de son
ouvrage "Français et Indiens en Guyane".

TI est un point sur lequel nous voudrions cependant insister, ce


sont précisément les rapports que les Amérindiens entretinrent avec
les Hollandais (aujourd'hui, les Surinamiens), les Portugais
(aujourd'hui, les Brésiliens), et avec les Français. Très tôt, les ethnies
côtières apprirent à reconnaître les traits spécifiques de chaque nation
européenne ainsi que les antagonismes qui les opposaient les unes aux
autres : par exemple, les Français encouragèrent les Aman à attaquer
les Missions des Portugais tandis que ces derniers se servaient de
populations tupi-guarani soit déjà missionarisées, soit encore
indépendantes comme les Wayampi, pour attaquer et réduire en
esclavage les Amérindiens de Guyane.

Mais ils en furent souvent aussi les bénéficiaires: soit parce qu'ils
acquéraient dans ces alliances multiples, les objets manufacturés si
convoités, soit parce qu'ils trouvaient auprès des Français ou des
Hollandais une protection armée, voire des alliés offensifs dans leurs
propres stratégies guerrières: ainsi, en 1624, Jesse des Forest se vit
contraint de s'allier aux Palikur et aux Arakaré pour attaquer leur
ennemi commun, les Mayé.

Très vite également, qu'ils fussent côtiers ou de l'intérieur, les


Amérindiens apprirent à distinguer le comportement amical (dont
nous avons montré en d'autre temps, qu'il n'était pas entièrement
désintéressé) des Français et des Hollandais d'une part, de la violence
des Portugais d'autre part. Ils sauront aussi utiliser le chantage, tels ces
Galibi qui, vers 1770, ayant fui à Surinam, négocieront fort cher
l'amitié que leur portait Monsieur de Fiedmont, Gouverneur de
Cayenne.

De nos jours, et ce n'est pas l'un des moindres problèmes qui se


. pose à l'Administration, les Amérindiens continuent de jouer sur leurs
propres réseaux diplomatiques. Globalement, la France,' vue tant sous
l'angle des Métropolitains que des Créoles, maintient et même
renforce son aura de nation pacifiste et accueillante.: d'une façon
générale, les' mouvements de populations depuis 1948 ont
essentiellement.été enregistrés dans le sens Surinam ou Brésil vers la
Guyane. Deux seuls cas de mouvements inverses ont été enregistrés:
entre les années 1945 et 1958, un groupe d'Emérillon s'installa au
Brésil mais revint au bercail, cependant qu'une cinquantaine de Galibi,
désireux de s'installer dans la région de Saint Georges de l'Oyapock,
se virent contraints, à la suite de conflit avec les Palikur du lieu (ultime
1 A
rémanence des guerres anciennes), relayé par la réserve des Créoles,
de s'installer sur la rive brésilienne de l'Oyapock, généreusement
accueillis par les Brésiliens qui, bien trop contents de pouvoir enfin
faire une leçon de morale à la France, leur octroyèrent rapidement
une réserve foncière pour se les attacher.

Pourtant, il serait dangereux d'optimiser: tout d'abord parce que


les Amérindiens sont très attachés à la notion de libre circulation
internationale par dessus les frontières issues de la colonisation; c'est
en particulier le cas des Wayana, des Galibi et des Palikur. Quant aux
Arawak, nous avons pu constater qu'ils se tiennent constamment au
courant du marché de l'emploi (en particulier comme forestiers) qui
peut les conduire de Georgetown à Cayenne et vice versa. Même les
groupes les moins mobiles, comme les Wayampi ne sont pas épargnés
par cet impérieux besoin de liberté de mouvement: en 1985, plusieurs
d'entre eux désirant se rendre en Amapa chez les Wayampi
méridionaux avec lesquels ils ont des .liens de parenté, ne purent
admettre que ce déplacement familial soulevât des problèmes
administratifs.

d~ Des Amérindiens citoyens

Tout ce qui vient d'être énoncé sur les entités que peuvent
représenter les ethnies amérindiennes, avec leurs stratégies, leurs
alliances, le poids de leur histoire, fut soudain confronté à une notion
étrange sortie il y a maintenant plus vingt ans des dossiers des
politiciens etde l'Administration: celle de citoyenneté française. Que
l'on nous permette de tenter ici une analyse! dépassionnée de la
question. y

Entre 1967 et 1969, environ 65% des Amérindiens de Guyane


devinrent ainsi français sans le comprendre. Peu importa que les
généalogies et les structures familiales, établies sans compétence,
fussent erronées ; peu importa que certains Galibi eussent déjà des
papiers d'identité hollandais et des Palikur des papiers brésiliens,
c'était un cadeau.

Ce que l'Administration ne perçut pas, c'est que les six ethnies


amérindiennes de Guyane n'en étaient pas au même degré de contact
avec notre civilisation et qu'offrir une carte d'identité à un Galibi qui a
déjà travaillé comme marin-pêcheur sur des chalutiers ouà un Palikur
qui fut débardeur pour une grosse société forestière, n'a pas la même .
valeur que de l'offrir à un Wayampi du fond des bois.

1 Une fois de plus. nous renvoyons le lecteur aux pages désabusées dans
lesquelles J. Hurault fait l'histoire de la francisation et en dresse un
accablant bilan (Ethnies. nOI-2; 1985. pp. 42-49).
Pour les premiers, être citoyen français constitue
indiscutablement un acquis, qui, à condition que l'on prenne le temps
d'en expliciter le fonctionnement, les devoirs et les droits, et
d'accepter d'y apporter des aménagements, peut s'avérer très utile aux
individus.

Pour les seconds, devenir citoyen français était tout simplement


une incongruité. Les Wayana, mis en garde par un Français établi
parmi eux, André Cognat, du côté empoisonné que pouvait avoir ce
cadeau, ·le refusèrent en bloc. Les Wayampi et les Emérillon,
décontenancés, n'y virent qu'un renforcement de l'alliance qu'ils
entretiennent, de nation à nation, avec la France.

Dans l'esprit du législateur, l'idée était sans doute belle et


généreuse: offrir aux Indiens de devenir des Français à part entière,
c'était leur offrir dans le même élan l'école laïque et gratuite, les
allocations familiales, la sécurité sociale, bref, c'était régler le
problème indien par la civilisation, aboutir à l'assimilation avec toutes
les garanties de la démocratie à la française.

Or les faits s'obstinent à démentir les idées. Le problème indien


demeure., parce que l'Administration, peu soucieuse à l'époque.
d'écouter les avis des spécialistes des questions tribales, commit la
fatale erreur de confondre les Indiens en tant qu'individus et les
Nations Indiennes en tant qu'entités constituées. Or c'est bien en tant
que nations que les Amérindiens de Guyane nous côtoient depuis la
Conquête, non en tant qu'individus. On peut en voir un indice dans le
fait que les votes groupés (votes villageois) sont encore majoritaires
dans les scrutins nationaux ou, européens. De même, en 1976, les
habitants de Trois Sauts firent bloc devant un absurde appel sous les
drapeaux et un chef résuma le sentiment de tous par ces mots acerbes :
"Désormais, les Français ne sont plus nos alliés, parce qu'ils ont
rompu l'alliance".

L'Administration ne tarda d'ailleurs pas à voir l'étendue de son


erreur, et la citoyenneté française appliquée aux Indiens subit quelques
aménagements de détail: les impôts locaux ne sont pas levés; l'appel
sous les drapeaux est réservé aux francophones qui en font
expressément la demande; l'assistance médicale gratuite est
généralisée. De fait, l'Administration en est donc venue à considérer
les Amérindiens comme des citoyens d'un autre type, c'est à dire à
reconnaître implicitement ce que les spécialistes de la question et les
Amérindiens eux-mêmes disent explicitement, à savoir la nécessité
d'aménagements qui prennent en compte les réalités culturelles de ces
populations.

- 16-
LES ETHNIES CONTEMPORAINES:
QUELQUES DONNEES PRATIQUES

Nous avons choisi de présenter ici sous forme de fiche


signalétique chacune des six ethnies amérindiennes du- Département.

Nous insisterons en particulier sur les différents noms sous


lesquels elles sont ou ont été connues, car c'est là source de grande
confusion .sur leur localisation actuelle, incluant le critère de mobilité
spatiale ; sur leur démographie présente ; sur leur Situation culturelle,
linguistique et économique contemporaine ; enfin, Sur leurs
potentialités respectives dans le cadre d'une Guyane pluri-ethnique.

Nous laisserons de côté les aspects plus proprement


ethnographiques, touchant au religieux ou à l'organisation sociale,
renvoyant le lecteur à la bibliographie commentée, tant le cadre qui
nous est imparti ici ne pourrait laisser place qu'à de vagues généralités
sans grand intérêt.

- 17-
ARAWAK
Jeune homme el jeune fille.
Cliché w. WISSER

- 18 -
ARAWAK
1. Nom de l'ethnie, synonymes

Arawak est le nom couramment accepté par l'ethnie et utilisé


dans l'ensemble des Guyanes (variante : Arowak au Surinam).
L'autodénomination est Lokono, "êtres humains".

2. Localisation passée et actuelle

n s'agit sans aucun doute de l'une des plus anciennes populations


des trois Guyanes où elle a été en concurrence permanente avec les
Galibi. De nos jours, leur territoire est pour ainsi dire entrelacé avec
celui de ces derniers.

En Guyane française, les Arawak ont toujours été minoritaires et


disparurent même de notre territoire pendant près d'un siècle.

Ce n'est qu'après la: seconde guerre mondiale qu'un courant


migratoire en retour va s'établir du Surinam vers la Guyane française.
Après divers avatars, deux groupes relativement stables vont se
former, l'un sur la Crique Balaté près de Saint Laurent du Maroni,
l'autre dans l'ne de Cayenne. La localisation de ces groupes vise à la
fois à maintenir un habitat rural et à profiter des offres d'emplois
urbains.

Les Arawak de Guyane restent en relation suivie avec ceux du


Surinam et même avec ceux de Guyana; les mariages interethniques
avec les Galibi sont de plus en plus fréquents. Nombre d'entre eux
gardent la nationalité surinamienne et la mobilité territoriale des
individus (mais non celle des groupes) reste grande.

3. Démographie actuelle

En 1985, les Arawak de Guyane étaient 310, incluant des familles


vivant dans la trame urbaine. En 1980, les communautés villageoises
sont les suivantes:

1- Larivaut 1 33 h.
2- Sainte Rose de Lima 84 h.
3- Saut Sabbat 24 h.
4- Balaté 135 h.

1 Les numéros portés devant chaque nom de communauté sont


identiques à céux portés sur les cartes.
'f'\
4. Situation culturelle, linguistique et économique
actuelle

Nous renvoyons à la lecture d'un rapport ORSTOM demandé par


la DDE, intitulé "LesArawak de Sainte Rose de Lima" (Grenand, P. et
al., 1981) dans lequel nous montrons clairement que:

- le système social fondé sur des clans matrilinéaires maintient


une forte cohésion ethnique;
- les Arawak se paupérisent de plus en plus ;
- ils s'accrochent désespérément à l'agriculture dans des
conditions pourtant précaires..

En 1982, la rénovation réussie d'un de leurs villages, Sainte Rose


de Lima, menée par un jeune stagiaire de la DDE, l'architecte Michel
Sauvaire, leur a redonné, au moins là, des conditions de vie décentes..
Néanmoins, le problème foncier demeure dramatiquement aigu.

La langue arawak est la seule langue amérindienne de Guyane à


être actuellement menacée, et seules les personnes âgées l'utilisent
couramment. Elle est supplantée par le sranantongo (takitaki) et le
créole guyanais.

Peu d'Arawak savent couramment lire et écrire le français; la


jeune génération est scolarisée au niveau communal à Saint Laurent du
Maroni et à Matoury.

5. Potentialités
Après les Noirs Marrons, les Arawak s'avèrent" être de bons
spécialistes pour les travaux forestiers (ce sont eux qui dominent ce
marché en Guyana), comme layonneurs, bûcherons et surtout
prospecteurs.

Pour le reste, ce sont de bons agriculteurs et ils se montrent


intéressés à développer cette activité : on pourrait envisager de les
orienter vers la production maraîchère et les arbres fruitiers.

A Balaté, ils sont également pêcheurs, mais ils ne peuvent guère


espérer développer cette activité sans s'associer à leurs voisins galibi.

- 20-
GALIE!
Thomas APPOLINAIRE , Félix nOUKA el Paul HENRI ,
responsables de l'AAGF Awara. -1981 -
Cliché A/ais T10UKA

- 22 -
GALIBI
1. Nom de l'ethnie, synonymes

Galibi est le nom accepté dans les relations avec les autres ethnies.
Tülewuyu est l'autodénomination actuellement revendiquée, Kalina ou
Kalinia restant encore l'autodénornination classique, bien qu'il tende
désormais à désigner l'ensemble des ethnies amérindiennes..

Au Surinam, ils sont dénommés Caraïben, et en Guyana Caribs.

2. Localisation passée et actuelle

Les Galibi constituent l'une des plus importantes populations des


Guyanes s'étendant depuis les savanes nord-orientales du Vénézuela
jusqu'au nord de l'Etat d'Amapa au Brésil, ce qui signifie
schématiquement qu'ils vivent actuellement dans la même aire que
celle où ils étaient déjà signalés lors de la Conquête.

Néanmoins, leur territoire depuis. cette époque s'est


considérablement amoindri en superficie ainsi qu'on peut le constater
pour la seule Guyane sur les cartes ci-jointes.

En particulier, la pénétration dans les forêts de l'intérieur a, à


l'exception de quelques communautés, progressivement diminué,
même si la forêt garde une valeur symbolique extrêmement
importante.

Les· bas cours de rivières, les estuaires et l'océan constituent a


'contrario le pôle essentiel de l'actuel univers galibi.

3. Démographie actuelle .

En dehors du fait incontestable que constitue le fulgurant essor


démographique des Galibi sur les trente cinq dernières années, il n'est
pas aisé de connaître leur nombre exact et un recensement
systématique mené par des personnes compétentes sur la totalité de
leur territoire guyanais s'avère urgent. La tâche est compliquée par la
présence en ville de nombreuses familles. .

- 23-
Voici les données, malheureusement disparates, dont nous
disposons actuellement:

1- Quartier galibi de Kourou 100 h env.(O.Lescure, 1982)


2- Dégrad Savane
3- y anou-Bellevue
4- Flèche 351 h. (DDA, 1977)
5- Grand Macoua et Petit Macoua
6- Organabo
7- Mana-Javouhey 60 h. (DDE, 1983)
8- Awala et la Bouverie 1
9- Les Hattes-Yalimapo 550 h. (AAGF, 1983)
10- Coswine (village saisonnier, réhabité en 1988)
11- Le Paddock 187 h.
12- Terre Rouge et ne Portal 32üh. (DDA, 1977)
13- Pierre 23 h.

Par ailleurs, Cherubuni estime à environ 200 en 1985 les Galibi


vivant dans l'Ile ·de Cayenne, tandis que l'AAGF en compte 40 au
bourg de Mana. On ignore le nombre de personnes résidant à Iracoubo
et.à Saint-Laurent.

A partir de ces données diverses, dont certaines ont plus de dix


ans, il est très raisonnable d'avancer que le total des Galibi de Guyane
française (non comptés les réfugiés venus de Surinam depuis 1987),
dépasse, pour l'année 1988, le chiffre de 2000 personnes.

4. Situation culturelle, linguistique et économique


actuelle

Pour l'essentiel, nous renvoyons, dans la publication "La question


amérindienne en Guyane française" (Ethnies, 1985) à l'article "Les
Galibi" (O. Renault-Lescure) et à celui intitulé "Les populations
amérindiennes citadines" (B. Chérubini).

Nous nous contenterons ici de rappeler que les Galibi constituent


l'exemple typique d'une ethnie dynamique ayant été, dès le XVlème
siècle, en contact avec les Occidentaux. Ils ont très tôt assimilé des
éléments extérieurs cependant qu'en contrepartie, ils réussissaient à
préserver leur langue, leur organisation sociale et les bases de leur
économie.

La langue, divisée en deux dialectes (l'un parlé par les


communautés de Dégrad Savane, Yanou-Bellevue et Flèche, le second
parlé par l'ensemble des autres communautés) manifeste une étonnante
vitalité, empruntant ou innovant pour tout le vocabulaire désignant les
concepts et les techniques nouvelles (O. Renault-Lescure, 1982).
_ ?LI. _
Le nombre de personnes sachant lire et écrire le français est très
élevé, mais la réussite scolaire à la fin du second cycle'concerne encore
trop peu de jeunes pour ne pas poser de façon très aiguë le problème
de l'inadaptation chronique de l'enseignement traditionnellement
dispensé par l'Education Nationale.

. 5. Potentialités

L'ensemble des faits précédents mis en parallèle avec l'essor


démographique et la prise de parole politique, fait de la nation galibi
un partenaire concret de la vie sociale et économique de la Guyane de
demain.

D'ores et déjà, les cadres existent et ne feront que se renforcer


dans les années à venir. La création d'une coopérative de pêche à
Awala-Yalimapo en 1987 a ouvert une ère nouvelle, montrant les
Amérindiens en train d'utiliser leurs talents particuliers pour tenter de
s'ouvrir activement sur l'économie de marché.

Néanmoins des entraves demeurent, en particulier en ce qui


concerne l'agriculture, les terres actuellement occupées par les Galibi
n'offrant que des sols médiocres. Dans ce domaine, les Galibi ne
peuvent guère envisager qu'un développement auto-centré, en
particulier par l'introduction du petit élevage visant à l'indépendance
alimentaire.

TI s'avère en tout cas urgent d'entreprendre une étude socio-


économique de la population galibi actuelle.

- 25-
EMERILLON
Edouard MA5ALA, chez lui, à Camopi. -1972-
Cliché Eric NAVET

- 26-
EMERILLON
1. Nom de l'ethnie, synonymes
Le mot Emerillon, couramment accepté aujourd'hui par l'ethnie
qui s'autodénomme Teko, "les Hommes", est la corruption francisée
d'un nom amérindien, soit d'origine galibi, Mauriu, "Porc-épie", soit
plus probablement palikur, Mauyune, "les Gens du coton".

2. Localisation passée et actuelle

li s'agit, avec les Galibi et les Palikur, "des Indiens les plus
anciennement implantés" en Guyane (E. Navet, 1985). Grâce à ce
même auteur, nous savons qu'ils sont les derniers descendants d'une
nébuleuse de peuples de langues tupi qui peuplaient au XVllème siècle
la Guyane centrale, du confluent du Camopi à celui de l'Inini d'est en
ouest, et du moyen Approuague au haut Tampock du nord au sud. Les
Emerillon contemporains sont essentiellement le produit de la fusion
de ces éléments à la suite de la baisse démographique des XVillème et
XIXème siècles. (E. Navet, corn.pers.).

La polarisation des Emerillon en deux zones de peuplement (voir


carte) est en fait toute récente et correspond à l'attrait exercé par les
postes administratifs et surtout par l'assistance sanitaire. Bien que les
deux groupes soient en contact permanent, il conviendra de traiter
leurs problèmes territoriaux soit avec celui des Wayana, soit avec
celui des Wayampi, leur exploration du milieu se faisant en inter-
relation avec l'un ou l'autre de ces peuples à l'ouest ou à l'est.

3. Démographie actuelle

Les Emerillon constituent la plus petite ethnie de Guyane, mais ils


n'en sont pas moins en phase d'essor démographique. En 1985, ils
venaient de passer le cap des 180 personnes !

Cette population se répartit de la façon suivante :

TAMPOCK

1- Wempi
2- Edouard en 1981 43h

_ ",.,7 _
CAMOPI-OYAPOCK

3- Chaumier
4- Civette
5- Mompéra en 1981 . 105h
6- Tekelelupa
7- Juan

A cette date, il fallait ajouter à ce total 20 à 30 personnes vivant à


Cayenne, ou bien chez les Wayana et les Wayampi.

4. Situation culturelle, linguistique et économique'

En contact permanent avec les chercheurs d'or dans le haut Inini,


le haut Approuague et le moyen Camopi pendant près d'un siècle, les
Emerillon ont toujours été considérés par les observateurs comme
clochardisés, ivrognes, prostitués, etc... On peut alors
raisonnablement se demander, à la suite d'E. Navet, comment ce
peuple a pu préserver sa langue, sa culture,ne pas se métisser et enfin,
opérer une spectaculaire remontée démographique!

En revanche, la pression administrative et politique que subissent


les Amérindiens de Camopi (tant Emerillon que Wayampi) doublée
d'une invasion frontalière de chercheurs d'or brésiliens en .1985-87,
semble actuellement provoquer un grand désarroi social. Une
politique de déconcentration des communautés devrait donc être
menée par l'Administration française, parallèlement à la délimitation
de réserves foncières.

Lalangue emerillon, aussi surprenantque cela puisse paraître, est


bien vivante et parlée par tous. Le créole guyanais est moyennement
dominé par l'essentiel de la population; il n'en va pas de même du
français qui n'est parlé, lu et écrit correctement que par quelques
Jeunes.
. 5. Potentialités

TI s'agit de l'ethnie, qui, dans son ensemble, a le plus mal supporté


le passage à la citoyenneté (E. Navet, 1985), et en deho~s des,classiques
emplois de manœuvres ou de canotiers, on ne VOlt guere quelle
pourrait être son intégration dans l'économie du Département.

- 28-
PALIKUR
Louis NORINO, sur la Crique Gabaret. -1981-
Cli ché M F. PREVOST

- 30 -
PALIKUR
1. Nom de l'ethnie, synonymes

Palikur est la corruption de l'une des autodénominations,


Parikwene, mais son usage est accepté par les "membres de l'ethnie.
Une autre dénomination est Aukwayene, "les Gens de la rivière
Urucawa".

2. Localisation passée et actuelle

Le noyau historique des Palikur est centré sur le bassin de l'Uaça


dans le nord de l'Amapa (et plus précisément son affluent, le rio
Urucawa), c'est à dire dans l'ancien Territoire Contesté entre la
France et le Brésil. A partir de là, les Palikur entretenaient, au
moment de la Conquête, un réseau d'échange avec un chapelet
d'ethnies s'étendant le long du littoral, de l'Araguari à l'Oyapock.

Au XVIIlème siècle, le nord de l'Amapa et le bas Oyapock


devinrent une zone refuge face aux Portugais, et un processus de
fusion inter-tribal se généralisa. La phase finale de cette mutation
donna trois ethnies : les Palikur parlant une langue arawak, les Indiens
du Couripi (Karipuna) et ceux de Uaça (appelés à tort Galibi). Enfin,
un village de Galibi "légitimes" venus récemment de Guyane
s'installer sur la rive brésilienne de l'Oyapock, complète le paysage
"amérindien" de la région.

L'installation des Palikur en Guyane est ancienne, puisque


certains de leurs clans y ont leur origine et que les premiers voyageurs
européens qui explorèrent la région au XYlème siècle les
rencontrèrent déjà dans la Baie d'Oyapock. .

Cependant, ce n'est qu'après le règlement du contesté franco-


brésilien sur l'Amapa (en 1900) au profit du Brésil que les Palikur,
choisissant de rester fidèles à la France, renforcèrent leur
implantation sur la rive française du fleuve. Il convient donc de
distinguer entre" communautés d'implantation ancienne et
communautés d'implantation récente, formées vers 1960.

3. Démographie actuelle
En 1982, la population totale des Palikur était de 1026 personnes
par défaut, mais ce chiffre incluait quelques éléments venus des ethnies
voisines (Karipuna et "Galibi" de Uaça). Le groupe localisé au Brésil
était de 561 personnes (1982) et celui de Guyane française de 465
(1978), y compris les éléments résidants temporairement en ville ou
sur des chantiers.

- 31 -
Là encore, nous sommes face à une population en très rapide
essor démographique.

Voyons la répartition de la population palikur du côté guyanais:

1) Communautés d'implantation récente

.1- La Savane (Persévérance) 93 h.


2- Bambou' 91 h. 189 h.
3- Gabaret 95 h.

2) Communautés d'implantation ancienne

4- Mirambeau 15 h.
5- Rozé 21 h.
6- Couman-couman 27 h. 98 h.
7- Trois Palétuviers. 35 h.

TI faut ajouter à ces chiffres 28 personnes résidant au voisinage


des Créoles lt c lary, Pavéti et Pays Indien sur la Ouanary, et
Tampac sur l'Oyapock.

3) Région de Cayenne

9- crique Danclan (Roura) 40h 60h.


10 - Macouria 20h.

Ces deux communautés sont issues des groupes 1 et 2.

Il convient de préciser que les membres des différentes


communautés palikur sont en contact constant et que la dispersion
correspond largement à une adaptation écologique visant à une
meilleure exploitation des milieux les plus divers ; il en sera donc
largement tenu compte dans les propositions de réserves foncières.

Disons pour terminer que la mobilité des familles et des individus


entre la Guyane et le Brésil reste grande.

4. Situation culturelle, linguistique et économique

D'une façon générale, les Palikur ont subi plus durement que les
Galibi l'impact négatif du monde occidental, et l'on observe chez eux à
la fois une perte plus lourde des traits culturels et une intégration à un
niveau social inférieur. La situation est aggravée par l'influence

1 De nombreuses familles de Bambou vivent par période sur la Gabaret


où elles possèdent leurs abattis.
- 32-
lénifiante des sectes protestantes qui ont répondu par leurs doctrines
millénaristes au désarroi culturel des Palikur.

Paradoxalement, l'emprise des Palikur sur le milieu naturel est


restée bonne ; ils ont surtout su conserver cette grande diversité
d'activités que les Galibi ont perdu.

La situation de la langue palikur reste assez bonne, même si


quelques personnes, revenues sur le tard au sein de l'ethnie, ainsi que
certains enfants, ne parlent que créole.

La scolarisation, tant au niveau communal (Saint Georges et


Ouanary) que villageois (Trois Paiétuviers) n'a vraiment commencé
que vers les années 65-70 et ses résultats restent médiocres.. En
pratique, très/ peu d'adultes savent lire et écrire couramment. Une
bonne alphabétisation reste une revendication constante des Palikur,
qui y voient une des possibilités de se soustraire à la condition de
manouvrier.

TI est important de faire remarquer, pour terminer, que l'ethnie


est depuis dix ans animée, tant du côté français' que brésilien, par un
fort mouvement derevivalisme culturel.

S. Potentialités

En dépit d'un échec de coopérative agricole dans la région de


Saint Georges de l'Oyapock au début des années 80, la vocation
agricole des Palikur n'est plus à démontrer: ce sont eux, en effet les.
principaux fournisseurs de farine de manioc (couac) de la région. De
même, ils ont su adapter une part de leur artisanat (la vannerie) à une
forte demande extérieure (surtout créole) sans lui faire perdre de sa
qualité et de son originalité.

L'étranglement des potentialités de cette population laborieuse et


fiable réside essentiellement dans la spéculation à laquelle des
politiciens sans scrupules se sont livrés sur leurs terres depuis
maintenant dix ans, les forçant à repousser toujours plus loin leurs
zones de cultures de subsistance.

La création de coopératives autogérées, tant agricoles


qu'artisanales ou de pêche, associée au règlement du problème foncier
permettra sans doute à la plupart des communautés palikur de trouver
la place qu'elles revendiquent fort justement dans la région du bas ./

Oyapock.

- 33-
WAYANA
Tipiti, chef wayana du haut Maroni, paré pour la fête du maraké, - 1964 -
Cliché Jean HURAULT

- 34 -
WAYANA
1. Nom de l'ethnie, synonymes

Wayana est l'autodénomination, employée par les' autorités


brésiliennes et françaises. Jusqu'à une date toute récente, étaient
fréquemment utilisés les noms de Roucouyennes (en Guyane) et de
Urucuiana (au Brésil) qui sont des altérations de Urukuyana "les Gens
de la rivière du manioc", l'un de leurs groupes formateurs, Le mot de
Roucouyenne n'a donc rien à voir avec le roucou, contrairement à
l'idée qu'ont imprudemment popularisée de nombreux journalistes et
voyageurs.

2. Localisation passée et actuelle


Les Wayana, localisés au sud de la ligne de partage des eaux entre
le Surinam sud-oriental et la Guyane sud-occidentale d'une part et le
Brésil septentrional d'autre part, amorcèrent, à partir du XVIIIème
siècle, un mouvement d'expansion vers le nord-est, puis au XIXème
siècle vers le nord-ouest.

De nos jours, suite aux baisses démographiques du XIXème


siècle, seules trois régions sont encore habitées par les Wayana : le Rio
Paru de Leste, au Brésil, où une symbiose certaine s'est opérée avec un
groupe culturellement proche, les Aparai ; le haut Tapanahoni, où les
Wayana forment une enclave entre les Tirio et les Noirs marrons
Ndjuka ; le haut Maroni (Itany), enfin, avec des villages situéstant sur
la rive française que surinamienne du fleuve. Cette localisation sur les
deux rives d'un fleuve frontalier crée d'ailleurs une coupure
administrative inexistante au niveau de la culture et de l'économie
tribales, car, en dépit des frontières, l'ensemble des villages des trois
groupes conservent des relations de parenté et de commerce.

Ce point doit être présent à l'esprit du législateur lors de


l'attribution de concessions foncières, car la moindre crise politique
portant préjudice aux Amérindiens tant au Brésil qu'au Surinam
. pourrait entraîner des immigrations massives vers la Guyane,
immigration qu'il vaut mieux prévoir.
3. Démographie actuelle
A partir des données de l'INSERM, de la DAF (ex DDA ), de
C. Durand (corn. pers.) et de la FUNAI brésilienne, -festimation de la
population wayana pour 1982 était la suivante:

- 35-
1982
- ltany (Guyane)
• rive
. française
. . 300h.
• nve sunnamtenne 200h. 500h.

- Tapanahony (Surinam) 170 h.


- Paru de Leste (Brésil) 250 h.

1988
Les chiffres ne nous sont pas connus pour l'Itany, mais nous
savons que les Wayana forment 10 villages sur l'Itany et le Tampock,
dont les plus importants sont, par ordre décroissant:

4· Anapaike (Surinam)
6· Antecoume-pata (Guyane)
9· Twenke (Guyane)
1· Aloike (Guyane)

La communauté wayana de l'Itany est plus importante, et de loin,


que celles installées au Brésil ou à l'intérieur de Surinam, et indique,
chez ce peuple fier, un choix délibéré. De notre politique nuancée à
leur égard dépendra largement leur avenir et celui de la région
frontalière.

4. Situation culturelle, linguistique et économique

Dans le droit fil de ce qui précède, on notera la différence


frappante entre l'état culturel des Wayana d'obédience française et
brésilienne et ceux d'obédience surinamienne. La décadence marquée
de ces derniers est en grande partie imputable à l'action destructurante --
des missions protestantes américaines qui dure depuis maintenant plus
de trente ans.

Cela dit, pour toutes les autres communautés, la culture wayana


reste très vivante et l'économie traditionnelle, la seule opérante.. Si les
villages sont relativement stables depuis une dizaine d'années, il n'en
va pas de même -des familles ou même des individus qui bougent
beaucoup, donnant un facteur de variabilité très sensible à la
composition des communautés.

La langue wayana est parlée par tous et bon nombre de


monolingues subsistent. Cette même langue est également écrite par
les moins de 40 ans grâce à une écriture phonétique pratique mise au
point par les missionnaires et largement diffusée par A. Cognat. D'un
autre .
côté, nombre de jeunes de la rive française parlent un français
correct: cela est le résultat d'un enseignement qui, quoique
traditionnel, a intégré soit officieusement, soit officiellement, l'emploi
de la langue wayana et bénéficie d'un effort de longue durée.

5. Potentialités

Il est évident que les Wayana constituent aujourd'hui la


population la plus dynamique des trois ethnies du sud de la Guyane. Ce
fait n'est pas unique chez les populations de langue karib du plateau des
Guyanes et il a pu être récemment observé chez les Waiwai du Brésil
(Howard, 1987) ou les Yekwana du Vénézuela (Arvello-Jimenez, ...
1977). .

Les qualités commerciales et le goût du voyage sont extrêmement


développés chez les Wayana, leur conférant indubitablement une
. grande capacité d'adaptation face aux agressions du monde extérieur..

En contre partie, leur sens aigu de la liberté et du panache peut


leur faire rejeter sans appel tout travail jugé fastidieux et répétitif.

Ainsi, avec les Wayampi, mais pour des raisons exactement


complémentaires, les Wayana constituent la seconde population idéale
pour la gestion d'un Parc Naturel Régional du Sud Guyanais, qui
pourrait bien être, en l'absence de découvertes minérales d'une réelle
importance, l'un des futurs pôles économiques à valoriser en cette fin
de siècle en Guyane.

Des activités complémentaires, comme un artisanat de valeur déjà


mis en place par A. Cognat ou l'association Caway pourraient
largement les faire parvenir àl'aisance matérielle et à l'indépendance
économique souhaitées par tous.
r

WAYAMPI
Alasuka et sa famille en canot sur l'Oyapock . -1976-
Cliché J M . BEAUDET

- 38 -
WAYAMPI
1. Nom de l'ethnie, synonymes

Wayampi ( Wayâpi en phonétique) est l'autodénomination


désormais admise par tous ; les Brésiliens écrivent Waiâpi, ce qui
revient au même. Le synonyme ancien le plus couramment employé
pour cette ethnie d'origine amazonienne est Oyampi. Ils étaient connus
il y a encore peu de temps dans la région de Saint Georges sous le nom
de Banaré, qui signifie "ami".

2. Localisation passée et actuelle

Les Wayampi sont une population appartenant à la famille


linguistique tupi-guarani et ayant émigré de l'Amazone, plus
précisément du bas Xingu au XVIIlème siècle à la suite d'avatars
historiques liés à la politique coloniale du Portugal et aux guerres
napoléoniennes.

Depuis la fin du XIXème siècle, les Wayampi sont divisés


globalement en quatre groupes dont deux sont aujourd'hui installés en
Guyane (sur le moyen et le haut Oyapock) et deux autres au Brésil
(l'un sur un affluent de l'Amapari, l'autre sur la division
géographique entre l'Inipucu et l'Amapari).

En outre, l'existence de quatre autres groupes (dont un en


Guyane centrale) appartenant à la même ethnie mais anciennement
coupée d'elle et n'entretenant plus de contact, ni avec les Wayampi ni
avec le monde occidental, est de plus en plus certaine.

3. Démographie actuelle

1982
La population des deux groupes de l'Oyapock totalisait alors 412
personnes réparties comme suit:

- région de Camopi
.·1· Camopi 119 h. 179h
2· MuIa 6üh

- région du haut Oyapock (Trois Sauts)


3· Pina 29 h.
4. • Tamali (Zidok) 148 h. 233 h.
5 • Roger 56 h.

639-
1985

Lors de la mission INSERM-ORSTOM, nous avons dénombré


441 Wayampi pour les mêmes communautés de l'Oyapock, montrant
clairement la continuité de leur essor démographique naturel.

1987

A cette date, au Brésil, les Wayampi étaient 289, ce chiffre


illustrant lui aussi, ainsi que ra montré D. Tilkin-Gallois, une rapide
remontée démographique.

li est important de conclure sur le fait que les sous-groupes ainsi


déterminés forment des unités économiques autonomes et que la . .
perméabilité est entre eux limitée. .

-40 -
4. Situation culturelle, linguistique et économique

Pour les fréquenter depuis plus de vingt ans, nous pouvons


affirmer sans douter que les Wayampi demeure très attachés à leur
culture et à leur système économique.

Ainsi, la politique de concentration artificielle d'une partie des


communautés autour du poste administratif du Camopi, avec les effets
néfastes qu'on lui connaît, n'a eu pour corollaire que la réticence
accrue des villages du haut Oyapock à se laisser entraîner dans cette
orbite et les a amené au contraire à créer un autre pôle de
concentration, bien amérindien celui-là, et ayant pour référence
explicite l'organisation ancienne des Wayampi au XIXème siècle.
L'écart entre les deux groupes s'est encore creusé après l'impact
douloureux qu'une ruée vers l'or brésilienne a fait subir aux
communautés de Camopi en 1986 et 1987.

Tous les Wayampi parlent leur langue quotidiennement et une


grande partie d'entre eux reste monolingue. L'enseignement de type
classique en écoles de village dans un milieu aussi traditionnel n'a
donné aucun résultat sérieux, et le créole tend à devenir la seule langue
de contact. A l'heure actuelle, à peine une quinzaine d'adultes
Wayampi parlent, lisent et écrivent correctement le français.

5.P·otentialités .

Nous nous permettons d'insister fortement sur le fait que les


Wayampi sont parmi les meilleurs connaisseurs de la nature
amazonienne qui soient, atteignant des sommets rarement égalés dans
.les basses terres, sauf peut-être par les Yanomami du Vénézuela.

Leur collaboration appréciée avec les naturalistes de toutes les


disciplines est devenue régulière et cet aspect, inattendu de la' part
d'Occidentaux emplis de préjugés mériterait à lui seul d'attirer
l'attention du législateur, car ce potentiel de connaissances doit non
seulement être préservé mais encore valorisé, et cela passe
obligatoirement par une protection du territoire et de milieu naturel.
Le rôle actif que cette population pourrait jouer, avec les Wayana,
dans le cadre d'un Parc Naturel Régional du Sud Guyanais mériterait
que l'on réexamine enfin sérieusement ce projet sous un angle
dynamique et pas uniquement protectionniste.

Néanmoins; les nombreux problèmes sociaux engendrés par une


application hâtive de la citoyenneté ne peuvent, paradoxalement, que
freiner, au moins à court terme, les projets d'intégration des
communautés résolument alliées de la France que sont les Wayampi de
Guyane. .

- 41 -
BILAN DEMOGRAPHIQUE :
DE LA DECADENCE AU RENOUVEAU
Les divers éléments que nous venons de développer auront fait
sentir combien la démographie a pesé et pèse encore lourd sur le destin
des Amérindiens. A la période contemporaine, le thème de l'extinction
physique de ces peuples a souvent été agité comme un argument
justifiant l'abandon de toute politique à leur égard ou au contraire
comme un argument pour hâter leur assimilation.

Sans nous lancer dans une étude démographique détaillée,


l'évolution de ces deux dernières décennies, ainsi que l'émergence de
quelques données historiques concernant les zones frontalières de la
Guyane, nous permettront de compléter l'excellent travail de J.
Hurault (1989, pp 167-202) ,et de préciser les tendances actuelles.

a - Evolution par ethnie

Le tableau 1 et la figure 1 vont nous permettre d'analyser


l'évolution ethnie par ethnie. Pour des raisons de commodité, les
totaux' de population ont été rapportés à chaque début de décennie le
plus proche de l'année du recensement. Pour les Wayana, les Palikur,
les Wayampi et les Emerillon, il s'agit de la totalité de l'ethnie,
incluant le cas échéant, les fractions vivant au Surinam ou au Brésil.
Ce choix est justifié par la grande mobilité de ces populations, et seule
une vision globale peut nous permettre de suivre leur évolution
démographique réelle. Pour les Galibi, la fraction vivant en Guyane
ayant été suivie depuis le XVIIème siècle" nous avons au contraire
choisi d'indiquer les totaux pour la seule' colonie puis' le seul
département. En ce qui concerne les Arawak, enfm, émigrés récents,
nous nous sommes limités à l'évolution démographique de ce groupe
contemporain et nous ne l'avons donc pas fait figurer sur la figure 1.
Figure 1 : Evolution démographique par ethnie
6000,---------------- ----,

,...+'" Gallbl

5000 _ Pallkur

••• _... Wayana


",

", --0-- WaYaPI


4000 ,
, --0- Emerillon

3000
\"0
.."
"
"
., ,
... ..
"
" ... '......
2000 .'+., ",
.~ .... " .
-. ",
..........
..... -.......
1000
<,
',.

1650 1700 1750 1600 1650 1900 1950 2000


Tableau 1 : Evolution de la Population Amérindienne

Année Galibi Palikur Arawak Wayana . Wayapi Emerillon


1600 5500 4000
1610
1620
1630
1640
1650
1660
1670 2000 1200
1680
~

1690
1700
1710
1720
:1730 480
1740 550
1750
1760 3000·
1770 400
1780
1790 2001 270
1800 2000
1810
1820 5500
1830
1840 220 80p
1850 250 350
1860
1870
1880
1890 250 1200 600 100
1900 300
1910 1000
1920 240
1930 70
1940 280 600
1950 120 550 550 50
1960 670 370 150 600 500 65'
1970 1200 450 200 670 490 85
1980 1550 950 310 920 570' 135
1990 2000 1100 730 180

1 En gras est indiqué, pour chaque ethnie, le seuil démographique le plus bas atteint.

- 43-
GALIBI
En 190 ans (tabl, 1), l'ethnie se trouve réduite à 200 personnes.
Même si l'on accuse une nette migration vers Surinam après 1760,
l'essentiel de cette diminution est à attribuer aux épidémies,
tardivement accentuées par la concentration artificielle sur' les
missions jésuites. Pendant 110 ans, jusqu'en 1900, la population va
stagner avec cependant une légère tendance à la remontée. En fait,
l'abandon de toute politique de rassemblement à leur égard et le statut-
quo existant avec les communautés créoles voisines, expliquent cette
survie,

De 1900 à 1960, la remontée progressive de la population est,


selon J. Hurault; liée à un phénomène d'adaptation aux maladies
importées ainsi qu'au maintien de l'équilibre culturel.

De 1960 à 1970, une explosion démographique est liée à l'arrivée


<le nombreuses familles venues de Surinam (Terre Rouge, Le
Paddock, Organabo) ainsi qu'au maintien d'une forte natalité et à la
baisse de la mortalité.

A partir de cette date, l'accroissement se fait régulièrement et


l'ethnie devrait atteindre 2500 personnes en l'an 2000, non compté
l'apport récent des réfugiés fuyant la guerre civile à Surinam, et dont
on ne peut actuellement dire s'il est temporaire ou définitif.

PALIKUR
. Leur décroissance initiale est parallèle à celle des Galibi, incluant
ici comme cause supplémentaire l'exploitation par les petits planteurs
esclavagistes du bas Oyapock au XVIIIème siècle. Le point minimal
. atteint est plus tardif (18.40), lesPalikur ayant absorbé les débris de
quelques peuples amérindiensvoisins, ta stagnation sera plus longue,
car elle sera aggravée en 1900 par les décès qui marquèrent l'exode de
la population dans une région fortement impaludée du bas Oyapock,
lors de la perte par la France du Contesté d'Amapa.

. .Après 1940, un type de croissance, d'abord progressive, puis .


rapide, identique à celui des Galibi, peut être observé.

Cependant, la croissance actuelle connaît un frein, celui-ci devant


être imputé sans détour à la paupérisation croissante de la population
du bas Oyapock, causée en particulier par le problème foncier. De
plus, il est certain que des jeunes partent sans perspective de retour
vers les villes du Brésil amazonien. Enfm, constatons cependant qu'au
cours de -ces trente dernières années, la fraction de l'ethnie installée

- 44-
sur la rive française n'a cessé de croître au détriment de la fraction
"brésilienne" pour atteindre aujourd'hui près de 45 % ·dü total.

ARAWAK
Ce groupe arrivé en 1950 en Guyane est en croissance régulière
quoique moyennement lente. En dépit d'une natalité élevée, l'ethnie
subit régulièrement des pertespar mariages inter-ethniques ; cette
tendance sociologique ne pouvant aller qu'en s'accentuant, leur
croissance, à terme, ne peut qu'être lente.

WAYANA
J. Hurault (1989) a bien analysé l'évolution démographique de ce
peuple et a en particulier montré que les nombreuses phases
d'isolement qu'il s'est imposé, jointes à une grande mobilité naturelle,
ont largement freiné sa décadence démographique.

Si l'on considère l'ensemble du groupe, on s'aperçoit que c'est


seulement après 1960 que les structures de santé mises en place dès
1950 en Guyane et au Surinam auront eu un réel effet.

La population wayana actuelle est en croissance rapide, mais elle


reste sociologiquement et sanitairement fragile, en particulier à cause
des incertitudes politiques pesant sur les Etats voisins (Brésil et
Surinam).

Selon la tendance actuelle, ils devraient être 1300 en l'an 2000 ;


cependant le programme Ca/ha Norte du Gouvernement brésilien
visant à la colonisation de la frontière septentrionale, rendra
probablement caduque cette perspective optimiste, à moins de
provoquer un afflux massif vers la Guyane.

WAYAMPI
Nous sommes là face àun exemple effarant de chute
démographique, essentiellement dû au choc microbien, avec une perte
de 85 % de l'effectif de l'ethnie en 20 ans ! La survivance des
Wayampi ne fut due qu'à l'isolement volontaire total d'une grande
partie des villages, en particulier ceux situés au Brésil.

En revanche, la stagnation observée entre 1950 et 1970 marque la


redécouverte des groupes qui, en dépit de la mise en place progressive

- 45-
d'une assistance sanitaire, s'est accompagnée de nouvelles épidémies et
d'autres problèmes de contact.

Depuis 1970, la population, surtout le groupe installé en Guyane


et qui représente 63 % du total, est en net accroissement.

La fragilité sanitaire persistante, les nombreux problèmes


sociaux qu'affronte l'une des fractions (celle de Camopi) jointe à une
montée fulgurante de la consommation de boissons alcoolisées et du
salariat de type manouvrier (Navet, 1985), ne permettent pas, loin de
là, d'affirmer que cette croissance va persister. Il en va de même du
groupe brésilien soumis à l'influence destructurante de missionnaires
nord-américains et menacé sans cesse par des invasions de chercheurs
d'or (Gallois, 1983).

EMERILLON
Petit groupe longtemps. isolé, les Emerillon se sont maintenus .
jusqu'au milieu du XIXème siècle en absorbant des résidus d'ethnies
voisines ayant eu contact avec les missions jésuites de l'Oyapock,
comme les Aramisho, les Kaikushiana, etc...

De 1880 à 1950, le contact avec les chercheurs d'or réduisit


considérablement leur population en dépit de quelques tentatives
d'isolement.

Entre 1930 et 1950, leur extinction prochaine est prévue par de


nombreux observateurs. Pourtant il semble que la seule assistance
sanitaire et une relative surveillance des contacts avec l'extérieur entre
1950 et 1975 ait suffit pour que le groupe croisse de nouveau.

Depuis dix ans la distribution d'allocations familiales en argent,


la mobilisation des hommes dans de petits travaux salariés visant à la
voirie de la commune de Camopi, l'arrivée de Français et de
Brésiliens parasites, ont dangereusement modifié le cycle des activités,
destructuré en partie la vie familiale, introduit un climat de tensions
inter et intravillageoise et surtout multiplié de façon vertigineuse la
consommation des boissons alcoolisées, sans pour autant que cette
croissance démographique en soit modifiée (Navet, 1985).

Il conviendra de suivre, dans les années qui viennent, cette


évolution qui pourrait traduire une adaptation d'un type nouveau
(mais pourra-t-on vraiment s'en réjouir?) des Amérindiens au contact
de notre monde.

- 46~- _
b· tendance globale

Pour mieux suivre la réalité démographique des Amérindiens


occupant la Guyane, nous avons présenté, sur la figure 2, l'évolution
des seules communautés du Département au cours des trente cinq
dernières années.

TI apparait clairement que la tendance est, de façon constante, à la


croissance. L'accélération du phénomène entre 1960 et 1970, ainsi que
son atténuation entre 1970 et 1980 s'expliquent essentiellement par
l'entrée importante d'immigrants pendant la [ère période (environ 300
personnes réparties entre quatre ethnies).
4000 -r-------------------~_____,

3000

,- ,- --
-- .----
2000
,---' --'
1000 ------. courbe vraie
courbe lissée

O+-----.---,---..-------r--.....----.......- - - - . - - - - - - - j
1950 1960 1970 1980 1990

Figure 2 : Evolution de la population amérindienne de Guyane Française

Le lissage de la courbe nous permet d'envisagerune population


idéale de 4800 personnes pour 1990 ; néanmoins, les données les plus
récentes dont nous disposons ainsi que les considérations d'ordre
sociologique précédemment exposées permettent d'avancer que la
vérité ne dépassera pas 4200 à 4300 Amérindiens.

Quoi qu'il en soit, le taux d'accroissement des Amérindiens suit


peu ou prou celui, général, de la Guyane contemporaine: .

Amérindiens 1950-70 5,4 %


1970-85 3,4 %

Guyane- 1954-60 2,6 %


1961-66 4,7 %
1967-73 3,1 %
1974-82 3,8 %

1Domenach, H. et Picouet, M" 1988


- 47-
On y lit qu'après un décollage plus rapide dans les années 1950-
70, le taux d'accroissement des Amérindiens s'est aligné sur la
tendance générale de la population de la région. Cette simple
constatation confirme bien le dynamisme d'une bonne partie des
composantes de la population guyanaise. En ce qui concerne plus
proprement les Amérindiens, on peut conclure que ce dynamisme
pourrait d'ailleurs être fortement accentué dans les années à venir
pour certaines ethnies par un flux migratoire (cas des Galibi en 1987),
la Guyane représentant face au Brésil ou au Surinam un havre de paix
et d'aisance matérielle.

- 48-
LES CONCESSIONS FONCIERES
AMERINDIENNES :
UN DOSSIER FONDAMENTAL
La Préfecture de la Guyane, les Directions Départementales de
l'Equipement et de l'Agriculture et des Forêts' ainsi que l'üRSTüM
ont souvent eu à traiter, depuis une quinzaine d'années du problème
des "terres indiennes". De surcroît, les terres parcourues ou utilisées
par les Amérindiens ont souvent été incluses dans des projets de
réserves ou de parcs naturels. La promulgation du décret n087-267 du
14 Avril 1987 ouvre, au cœur d'un tel débat, des perspectives
entièrement nouvelles.

En effet, la section III de ce décret prévoit la concession de zones


de subsistance (incluant les activités de chasse et de cueillette) aux
"communautés d'habitants tirant traditionnellement leurs moyens de
subsistance de la forêt". Au bout de dix ans, ces concessions faites aux
"communautés d'habitants(. ..) constituées en associations-ou en
sociétés" peuvent leur être cédées. Toutes ces opérations sefont sous
l'égide d'une commission présidée par le Préfet.

Bien qu'il ne reconnaisse pas l'inaliénabilité des terres des


Amérindiens, ce décret représente un progrès considérable par
rapport à la situation antérieure. En vue de favoriser la mise en place
de ces concessions il s'agit d'abord de préciser quelles pourraient en
être les limites.

C'est dans cet esprit que les cartes jointes montrent donc:
-les contextes géographiques (guyanais et extra-guyanais) dans
lesquels évoluent les Amérindiens et les Noirs Réfugiés;
- les contextes historiques des mouvances territoriales des
populations amérindiennes ;
- la localisation précise des communautés actuelles ;
- les limites possibles des concessions foncières, ethnie par ethnie.

Par ailleurs, les lignes qui suivent ont pour but de mieux
expliciter le bien-fondé de ces demandes de concessions foncières. Il
est bien évident que ces propositions ne constituent qu'une base de
discussion et doivent être soumises à une analyse détaillée par les
organismes compétents, l'AAGF et les autres personnes susceptibles .
de fournir des informations pertinentes.

TI n'en demeure pas moins qu'aucune des limites de concession


n'a été tracée avant d'avoir été mûrement réfléchie. Chacune essaie de
tenir compte du type d'insertion réelle dans le milieu, du poids
démographique non seulement présent mais futur, et des pressions aux
frontières.
- 49-
Il s'agit là dans notre esprit de propositions ni optimales, ni
minimales, mais simplement de propositions honnêtes, destinées à ne
léser aucune des personnes qui occupe effectivementces territoires.

Certaines propositions sont acceptables d'emblée par la


commission de mise en place. Mais l'Administration et les Elus
doivent bien comprendre que ce décret du 14 Avril 1987 leur donne la
chance unique de régler un problème à multiples facettes avant qu'il ne
soit définitivement trop embrouillé. L'examen des dossiers,
paisiblement et sereinement, vaut toujours mieux que les règlements
de conflits à chaud, quels qu'en soient les acteurs.

.ARAWAK
1) Situation antérieure

En 1978, la DDA (actuelle DAF) a accordé à l'''Association des


agriculteurs arawak" un lot de 38 ha de part et d'autre de la route de
Montsinéry .

2) Limites proposées

Dès 1981, nous soulignions qu'enfermés dans leur parcelle


exiguë, les Arawak se trouvaient de fait dans l'obligation de
squattériser les terres voisines, courant le risque évident de créer des
conflits.

Face à cela, nous nous étions attachés à rechercher, à partir du


fond cadastral, des terres disponibles dans la région, et nous avons
ainsi pu délimiter trois parcelles appartenant aux Domaines : AM 21,
de 55 ha ; AD 38, de 22,40 ha ; et enfin AN 21, de 242 ha. Les deux
premières sont à vocation agricole et la dernière, en forêt
marécageuse, constitue une réserve de chasse raisonnable, compte tenu
du contexte local.

Le cas arawak ne pose donc pas de problème au législateur:


aucune étude coûteuse n'est plus nécessaire ; le dossier a été déposé à
l'DRSTDM, à la DDE et à la Préfecture de Cayenne; une solution peut
donc très rapidement être envisagée. Le cas des Arawak de Balaté sera
traité avec celui des Galibi du Bas Maroni.

- 50 - ..
CARTE .°1
REGION NORD_OUEST
"Ir 11111 ,'lb
GUYANE: AMERINDIENS
•• Galibi, villages actuels

Do Galibi, villages anClenS(188o_1960)


"Ir nrh ,'1.
~ Arawak ,villages actuels
r
~ (~) Galibi, aire de parcours actuelle

\')
"

'Ch.n.: 11500000
..:/
-"

-
VI

'-'-~

~
GALIBI
1) Projets anciens et réserves naturelles

Dès 1950, la Préfecture de la Guyane .reconnait une réserve


symbolique aux Galibi de la Basse Mana, située entre la Crique
Coswine et la Basse Mana. En 1975 le même tracé est à nouveau
proposé par la DDA (actuelle DAF) dans le rapport Robineau en vue
du développement du Plan Vert.

A cette réserve, s'en sont ajoutées cinq autres dans les communes
-de Saint Laurent et d'Iracoubo réservées aux Galibi et aux Arawak
(voir les cartes la et lb).

Parallèlement, en 1978, J. Fretey et R. Goujat élaborent pour le


Ministère de l'Environnement un projet de réserve naturelle incluant
l'embouchure de la Mana et le littoral atlantique, de la Pointe Isère à
l'estuaire de l'Organabo.

En juin 1982, J.P. Lescure et R. Boulet, tous deux chercheurs à


l'O.RSTOM, réalisent une étude préliminaire visant à préciser les
besoins en terres des Galibi de la basse Mana.

En 1983, O. Renault-Lescure et Y. _Lucas, chercheurs à


l'ORSTOM, et J~ Tissandier, directeur en Guyane du même institut,
complètent ce premier rapport par une "Note sur les activités et
l'espace des populations galibi de la Mana".

Enfin, en 1983-éga1ement, un diplôme d'architecture réalisé par


G. Boichot, avec financement DDE permet de mieux préciser les
besoins en terres des Galibi d'Iracoubo,

2) Limites proposées

Elles sont une synthèse des diverses propositions évoquées ci-


dessus, débouchant parfois sur des limites nouvelles.

- Carte la : Galibi d'Iracoubo

• Concession A : Elle marque un agrandissement considérable de


la proposition DDA, cette dernière entraînant à court terme un
étranglement du groupe. Les Galibi d'Iracoubo chassent davantage
que les autres communautés de la même ethnie et la réserve proposée
leur donne un débouché sur la forêt. Les limites s'appuient également
sur l'existence de nombreux emplacements de villages abandonnés,
servant de campements de chasse.

- 52
CARTE N°la

&ALIBI de \' IRlCOUBO

PROJET DE RESERVES
•• Il.lIbl :011I.11••••h ••I.

Do Il.lIbl: 011I.11" r'••• I.


... 011I.11• • • r'ol..
_ _ Ion•• d. p'ch. et de ch••••
z.Qn•• attribue•• Il d•• coton.

",.r.ce,••
:...., prolet
.... d. r•••,y.. DDA

! -_/
, - - , projet da r••• " •• ORSTOII

Î
.eh.n.. : 1/100000··' Î
\
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P... F. GI'ell811d13.' .aa

CARTE N"lb

;
.e

GA lIBI

••
ET ARAWAK: PROJET DE RESERVES

g.libi: .i1I.ge. acluel.


~ • rawak: .;II.ge. acluel.

E:3 zone. ait ribuee • • de. eetens


~

....-
: ••••• prOjel de r'.er.e. DDA

, , - - , projel de r'.er.e. ORSTOM


<::» P.•, F. GRENAND
14-4-BB

- 53-
• Concession B : Elle vise aussi à donner un espace vital décent à
ce groupe qui vit d'agriculture et de pêche en mer. Les limites
cherchent également à intégrer le village 4 (Flèche), qui, on ne sait
pourquoi, avait été exclu du projet DDA.

Les limites des deux réserves s'appuient sur des cours d'eau et la
façade maritime et sont donc faciles à délimiter à l'aide de chasseurs
indiens. On note l'interférence des projets de réserves nouvelles avec
des zones attribuées à des colons entre 1975 et ·1980. La commission
d'étude devra s'attacher tout particulièrement à faire le bilan de l'état
actuel de mise en valeur de ces concessions.

- carte lb: Galibi et Arawak de la Mana et du Maroni

• Concession A : Le tracé proposé se base sur le projet Lescure et


Boulet de 1982. II inclut la moitié occidentale de la réserve de faune
Fretey (1971) et la zone comprise entre les criques Coswine et Vaches,
accessibles par la mer ou par la route. Ces deux agrandissements sont
justifiés par la croissance démographique des Galibi, la difficulté de
trouver des terres cultivables dans cette région marécageuse et la
nécessité de se procurer des "arbres à. canot", condition préalable à
.leur économie de pêche. C'est de 2000 ha de terres cultivables que les
Galibi auront besoin en 1990 (Lescure et Boulet, 1982) !

Avec la création de la commune d'Awala-Yalimapo, cette


concession aurait du logiquement se confondre avec le territoire
communal. La délimitation méridionale intermédiaire, entre la crique
Coswine et la crique Vaches, telle qu'elle apparaît sur le tracé de la
nouvelle commune semble donc être contraire aux besoins réels des
.Galibi.

• Concessions B, C et D : Elles avaient été délimitées par p'.


Robineau pour la DDA, dans le contexte d'un POS trahissant une
profonde privatisation. L'étude cadastrale doit donc être reprise;
parallèlement, une étude socio-économique comparable à celle
réalisée chez les Arawak de Cayenne en 1982 est un préliminaire
indispensable à la délimitation. Des terres nouvelles pourraient être
trouvées soit dans l'Ile Portal, soit le long de la RN!.

- Autres concessions à étudier:


Au cours de ces dernières années, plusieurs revendications se sont
fait jour de la part des Galibi.
• Cas de l'lle Portal: l'occupation par les Galibi de cette île
achetée il y a quelques années par une personne privée a fait l'objet de
jugements contradictoires. Le retour récent des Amérindiens sur leur
site d'occupation des années 1970 relance la nécessité d'une
.indispensable concession.

- 54-
• Région de Couachi : cet ancien village, sis sur le territoire de la
commune de Mana, a été réoccupé en 1988: Ses habitants
souhaiteraient y obtenir une concession agricole.

• Région de Kourou : la communauté galibi de cette ville,


constituée en association fin 1988, quoique- tirant ses ressources
d'emplois salariés, reste très attachée à ses pratiques agricoles. Elle
revendique elle aussi une concession agricole au sud de Kourou, ainsi
que la' concession de la zone périurbaine où elle est actuellement
installée.

PALIKUR
li s'agit pour l'essentiel de projets déjà présentés en 1978 et 1980
par nous-mêmes et S. Dreyfus-Gamelon, et repris sur la carte 3.

• Concession A : Sise autour du village de Petit Toucouchi,


(village n08), elle correspond à une zone d'occupation ancienne, avec 2
kms de façade sur la rivière Ouanary. Quoique le village ne soit '
occupé que saisonnièreinent, les Palikur sont très attachés à cette
région riche en gibier.

• ,Concession B : Elle correspond' à la fusion de la "réserve


palikur" ou "réserve Marouane" historique, reconnue depuis l'arrivée
des Indiens du Contesté franco-brésilien en 1900, avec le projet récent
de concession autour de la crique Mirambeau (village n04.).

• Concession C: -ç'est une zone d'occupation nouvelle sur des


terres cultivables non disputées.

• Concession D : Elle est essentiellement occupée par les Palikur


mais a en revanche été envahie de façon progressive par des projets de
développement agricole sur sa corne sud-est. Ces projets ayant eu pour
instigateur le conseiller,général G. Massel, il nous a été impossible, en
1978 et 1983, de faire entendre la voix des Indiens sur ce point. Un
projet compensatoire d'allocation de terres aux Palikur le long de la
nouvelle piste Saint Georges-Saut Maripa présenté en 1980 par S.
Dreyfus-Gamelon est également resté lettre morte.

Dans un tel contexte, la réserve D telle qu'elle apparaît sur la'


carte n" 3 doit être considérée comme une base de négociation, l'état
actuel du milieu naturel devant être évalué dans cette zone avant toute
délimitation. Elle pourrait d'ailleurs être agrandie en direction de la
haute Gabaret. '

Compte-tenu de la détresse sociale dans laquelle vit cette ethnie,


le dossier foncier palikur est l'un des plus urgents à traiter.

- 55-
GUYANE: AMERINDIENS
BAIE D'
Palikur : villages actuels .
palikur :f.mll1es vivants che"z les créoles OYAPOCK

•A G alibi :villages actuels


Karipuna :villages actuels
pa lik1Jr: réserves fonciéres ..
A petit toucouchl »merouene
C mlrembeeu . O,eberet
palikur : zones de pêche ,de chasse
::tl et de cueillette

reliefs Isolés

~ marécages
~
... ...
....... limite de la forêt de
terre ferme

....

...
···

tChelle 1/200000'"

P.• f. GREUID
L3_1B
LES ETHNIES MERIDIONALES :
WAYAMPI, WAYANA, EMERILLON

En 1980, nous avions esquissé une délimitation des aires


parcourues par les trois ethnies du sud de la Guyane, dans le cadre
d'un rapport embrassant l'ensemble du problème amérindien et
destiné au ministère des Départements et Territoires d'Outre Mer.

La carte 2 que nous présentons aujourd'hui donne un tracé plus


précis de ces aires de parcours. On notera à quel point elles sont liées
. aux cours d'eau, qu'ils soient ou non importants. C'est à partir d'eux
que rayonnent les fort nombreux sentiers de chasse.

On remarquera en outre que l'essentiel des régions parcourues


actuellement sont, à l'exception des sources· de l'Inini, de
l'Approuague et du Marwini, les mêmes qu'à la fin du XIXème siècle.

Il subsiste' cependant, en particulier en territoire wayana,


quelques zones pour lesquelles nous manquons encore de précision,
par exemple pour les points atteints vers l'amont sur le Tampok et le .
Marwini par les chasseurs wayana et emerillon. Dans ces régions,
l'avis de personnes compétentes comme MM. Cognat ou Abienso,
maire aluku de Maripasoula, est donc un préalable à toute fixation de
limites.

TI nous a cependant semblé présomptueux de demander la mise en


réserve foncière de l'ensemble de la zone, d'autant plus que les aires de
parcours débordent largement au Brésil et au Surinam.

• Concession A, B et C : Elles correspondent donc, compte-tenu


de ce qui vient .d'être dit, aux aires de déplacements intenses et
réguliers des communautés actuelles et des emplacements où les
Amérindiens, vu leur' développement démographique, sont
susceptibles de créer de nouveaux villages.

• Concession A :. elle concerne les Wayana et deux villages


emerillon qui exploitent pratiquement le même territoire. Notons par
ailleurs qu'un certain nombre d'habitations, boni existent dans cette
région et qu'il convient de les intégrer dans la concession à la
condition de renoncer à y pratiquer la chasse et la pêche
commerciales. Rappelons à ce sujet qu'il serait souhaitable que les
associations amérindiennes veillent à perpétuer dans leurs statuts
l'alliance bi-séculaire unissantWayana et Boni (Aluku).

- 57-
• Concession B : Elle concerne le reste des Emerillon et les
Wayampi dits de Camopi. Elle tient compte des aires de parcours
intenses et exclut une zone d'exploitation mixte entre Wayampi de
Camopi et Wayampi de Trois Sauts, sise entre la crique Kuluwatü et le
Saut Kumalawa du haut.

• Concession C : Elle concerne les .Wayampi du haut Oyapock,


dits aussi de Trois Sauts, lesquels sont bien individualisés de leurs
frères d'aval. .

Pour le reste des zones de parcours non organisées en concession,


mais où les Indiens voyagent, et pratiquent la chasse, la pêche et la
cueillette, (à l'exclusion, il va sans dire, des zones situées au Brésil ou
au Surinam), nous proposons un statut' de Réserve Naturelle ou de
Parc National, où 'les activités de subsistance seraient réservées aux
Amérindiens et aux Boni (Aluku).

Cependant, il devrait être admis le principe. que de nouvelles


concessions amérindiennes puissent être étudiées en fonction de
.révolution de l'habitat et dans le contexte de forte croissance
démographique.
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CONCLUSION
Les chemins de l'harmonie
Les anthropologues sont, moins par nature que par expérience,
pessimistes; les gestionnaires de la République ne le savent que trop,
qui doivent régulièrement endiguer les flots de leur mécontentement
et de leurs désillusions.

lis ont aussi souvent raison, mais hélas, cela ne leur fait pour ainsi
dire jamais plaisir, car c'est alors pour constater une suite d'échecs,
soit que les communautés amérindiennes n'aient pas répondu
favorablement à certaines propositions, soit que les décideurs n'aient
tenu aucun compte de leurs recommandations. .

Face à cela, il est temps que le monde de la recherche et celui du


développement unissent leurs efforts pour répondre au besoin de ces
communautés. Plusieurs raisons nous y incitent.

La première est d'ordre démographique. Les chiffres confirment


avec bonheur une remontée des populations amérindiennes qui vient
saluer l'effort sanitaire entrepris depuis maintenant plus de trente ans
par les médecins de secteur et les équipes de recherche médicale. Mais
nous ne saurions trop insister sur le caractère quasi miraculeux de ces
bons résultats qui prennent en compte des paramètres qui échappent
encore, pour partie, à l'analyse. .

Cette mise en garde ne doit simplement viser qu'à la prudence et


au maintien d'une vigilance toujours aussi tenace. A cet égard, la
nomination à plein temps d'un médecin à Camopi, par exemple, doit
être saluée, car cet homme, non menacé à court terme par des
impératifs de calendrier, pourra renouer avec l'expérience des
premiers médecins de secteur et la connaissance intime des populations
qu'ils en retiraient.
-
Vigilance et ténacité, disions-nous, car des villages en plein
renouveau démographique sont des villages jeunes, où parfois plus de
60 % de la population a moins de 15 ans et donc où la mort d'un
homme adulte peut priver les adolescents d'un savoir précieux et où la
mort d'une femme laisse un chapelet d'orphelins désemparés. Il ne
faudrait surtout pas relâcher maintenant l'effort entrepris, ce dont tout
le monde est fort heureusement conscient. .

- 61 -
La seconde raison est d'ordre philosophique. Il n'y a plus,
actuellement, de présence religieuse dans les villages amérindiens
d'obédience française: c'est là un bon point gagné par l'esprit de
tolérance.

Lorsque l'on sait la part, moins innocente qu'on eût aimé le


penser dans la mesure où leurs recensements étaient truqués, que les
missionnaires prirent dans le phénomène d'extinction des
Amérindiens abusivement concentrés sur les missions des XVII et
XVIIIème siècles; lorsque l'on connaît la responsabilité que des
sectes missionnaires protestantes américaines de tous poils portent,
aujourd'hui encore, dans le processus de déculturation programmée
de dizaines et dizaines d'ethnies amérindiennes en Amérique latine
(dont les Wayana et Tirio du" Surinam), on ne peut qu'être
reconnaissant à la laïcité de l'Etat français d'avoir limité l'influence
des homes religieux. dans lesquels une bonne partie de l'actuelle
jeunesse galibi à appris à côtoyer la désespérance, à vivre
l'acculturation, et, ultime péripétie non prévue au programme, à se
forger un comportement revendicatif.

Ce coup de pied de l'âne fut d'ailleurs le bienvenu! Il fit prendre


conscience à la classe politique guyanaise et à l'Administration que les
Galibi n'existaient plus seulement en tant que primitifs que l'on visite
ou en tant qu'administrés que l'on subventionne.

La création toute récente de la commune d'Awala-Yalimapo et


l'élection de l'un des leurs à la charge de Conseiller Régional sont les
marques que cette prise de parole entend s'ancrer dans le temps long
des réalités guyanaises. Mais ne nous leurrons pas. Les Galibi sont
encore seuls à caracoler dans le pré fermé de la politique guyanaise.
Aucune autre ethnie amérindienne ne les y a encore vraiment rejoints.

De ce point de vue, on pourrait longtemps gloser sur l'opposition


fondamentale entre les communes de Camopi et d'Awala -yalimapo :
alors que celle-ci, née en 1988, est réellement la concrétisation du
désir d'authentification des Galibi et de leurs efforts pour se prendre
en charge, celle-là, créée vingt ans plus tôt, était et demeure totalement
artificielle. Les Wayampi et les Emerillon qui, rappelons-le tout de
même, n'avaient rien demandé, furent submergés sous des flots de
paroles électoralistes contradictoires, et, malgré un maire et des
conseillers municipaux amérindiens que personne n'aida vraiment' à
comprendre le fonctionnement d'une commune, la gestion en reste aux
mains de personnes extérieures, situation d'ailleurs que les intéressés
supportent d'ailleurs de plus en plus difficilement.

- 62-
La commune d'Awala-Yalimapo est l'aboutissement d'un rêve
galibi ; la commune de Camopi, n'est, sous le vernis démocratique,
qu'un produit supplémentaire du réflexe colonial. Il est donc clair
pour nous qu'il n'existe encore actuellement en Guyane qu'une seule
commune amérindienne.

TI nous semble de la première importance que les instances


gouvernementales du Département autant que les élus guyanais
perçoivent bien que les Amérindiens n'avancent pas au même rythme
sur le chemin qui lie leur destinée à celle de la Guyane. Or chaque
société, la société occidentale y compris, a pour soucis majeur
d'avancer à son rythme. Nous avons déjà montré que le poids de leur
histoire différente est déterminant. Déterminant également le degré de
leur intimité avec le monde extérieur, Déterminante enfin est la date
de leur reflux démographique maximal : il est en effet facile de
comprendre l'impact psychologique majeur que peut avoir sur un
peuple ~e fait de se savoir en déclin, ou, au contraire, de fêter chaque
naissance comme une nouvelle lumière d'espoir. Or, souvenons-nous
dès chiffres : le point le plus bas atteint par la population galibi se situe
en 1790, date à laquelle ils n'étaient plus que 200. Pour les Wayampi,
ça n'est qu'à partir de 1970, alors qu'ils n'étaient plus que 490, que
l'embellie est arrivée; 1970, autant dire 'hier...

D'une manière générale donc, ces deux populations pouvant


servir d'exemple, il faut se garder de l'amalgame facile qui
consisterait à juger d'une situation donnée à l'aune d'une seconde qui
n'a rien à voir.

Les populations côtières ont depuis déjà assez longtemps ·la


. pratique du contact avec les Blancs et les Créoles pour espérer, les
Galibi plus tôt que les Palikur, entrer dans la vie économique
guyanaise. Nous avons évoqué les chances de chaque population dans
un précédent chapitre : là encore, on se souviendra qu'il serait
illusoire d'attendre les mêmes efforts de la part d'une population de .
l'intérieur, encore relativement à l'abri dans son cocon forestier
protecteur, que de la part des communautés côtières, plus habituées
aux horions et surtout à la fréquence des promesses non tenues qui.
dépasse le taux admis par la simple fantaisie.

On peut logiquement espérer que les ethnies de .l'intérieur, .


lorsqu'elles auront le sentiment de pouvoir batailler à armes égales,
entreront en lice. La création de la coopérative de pêche galibi, là
encore pur produit interne, est le meilleur contre-exemple que l'on
puisse opposer à l'échec que fut la coopérative de l'Oyapock présidée
par un élu pour gérer l'argent des allocations familiales agricoles.

- 63-
De là à dire que les populations amérindiennes n'ont pas besoin de
dialoguer et de coopérer avec les autres composantes culturelles de la
Guyane et de la République, il y a là un fossé que nous ne saurions
franchir.

TI est du devoir du débiteur de régler, par exemple, le problème


foncier qui fut créé de toute pièce par sa simple présence. TI est en effet
trop facile de conclure que des communautés qui ne font plus la preuve
de leurs talents d'agriculteurs ou de connaisseurs de la nature n'ont par
conséquent plus besoin de terres, alors que c'est exactement le
raisonnement inverse qui est le bon : il y a des communautés qui ne
peuvent plus faire la preuve de leurs dons d'agriculteurs ou de
connaisseurs de la nature, justement parce qu'elles n'ont plus assez de
terres.

Mais le décret du 14 avril 1987 arrive fort à propos pour


permettre à la. République ce type de bonne action qui consiste à
réparer une trop longue injustice. Pour ce qui est du problème
foncier, il n'est en effet pas une communauté amérindienne du
département, même la plus isolée et.la plus tranquille qui soit, qui en
ignore l'enjeu. La mobilisation spontanée (et inutile en l'occurrence)
des villageois de Trois Sauts à l'annonce du Plan Vert dans lequel ils
voyaient une menace pour leurs terres, en est une illustration parmi
tant d'autres.

De la même manière, il n'est pas un Amérindien que ne fasse


immédiatement réagir le problème de la scolarisation des enfants.
Tout le monde est d'accord pour penser que hi connaissance du
français, langue véhiculaire, leur est devenue indispensable dans le
contexte d'ouverture dans lequel ils se trouvent et d'autoprise en
charge à laquelle ils aspirent. Fort bien. Mais il devient grave que
certains continuent de feindre l'étonnement ou d'autres de jouer les
indignés lorsque les spécialistes des questions amérindiennes et les ~
Amérindiens eux-mêmes (il suffit, si l'on en doute, de relire chacun
des textes publiés par l'AAGF depuis sa création), demandent que
l'enseignement soit adapté.

Il tombe sous le sens de partir pour le Pôle Sud avec des


vêtements adaptés ; devoyagerenhaute mer avec de la nourriture
adaptée ; de parcourir les déserts avec des véhicules adaptés ; mais
aussi étrange que cela puisse sembler, il n'est jamais tombé sous le sens
de tout le monde que l'enseignement pût être adapté : pourquoi par
exemple un petit Palikur monolingue désireux simplement de devenir
un homme ouvert sur le monde qu'il côtoie tout en continuant de vivre
.et de penser comme un Palikur, ne recevrait-il pas un enseignement
adapté à ses besoins?

- 64-
Reprenons la définition que J. Hurault donnait déjà en 1972 :
"L'école adaptée doit se fixer pour but non pas de faire passer des
diplômes, mais d'introduire de nouvelles connaissances dans le milieu
tribal sans en briser les structures". En 1989, non seulement cet
objectif n'est pas atteint, mais en parler soulève encore des tempêtes
dans les milieux concernés. Le temps passant, la polémique nous
importe moins que les résultats qui demeurent ridiculement négatifs
ou totalement confidentiels et les effets dangereusement
acculturateurs. Or, tant que la "finalité de l'enseignement en pays
indien n'aura pas été clairement définie, dans un sens ou dans l'autre,
dans celui d'une logique d'ouverture ou dans celui d'une politique de
l'autruche, presque tous les petits indiens continueront, non seulement
à ne rien apprendre de notre monde, mais encore à tout oublier du
leur...

Pourtant, les solutions de bon sens existent. Nous nous sommes


.déjà maintes et maintes fois exprimés sur ce problème et nous ne
ferons ici que reprendre deux principes fondamentaux :

Une valorisation sincère de la culture propre de ces sociétés,


passant obligatoirement par une bonne connaissance ethnologique,
engendrera le respect chez ceux qui en éduquent les enfants, et
redonnera leur dignité à ceux dont on, bafoue journellement les
principes de vie, du simple fait qu'on les exclut du domaine de l'école.

Une très bonne formation spécialisée des maîtres, dont la tâche


ardue exige compétence, temps et don de soi. Seuls le volontariat et un
recrutement ouvert sur la métropole peuvent nous sortir du cycle
infernal des jeunes normaliens de bout de liste parachutés de Cayenne,
.auxquels prétendent succéder des routards rescapés des communautés
hippies. Face à l'enjeu, les règlements syndicaux sont ramenés au rang
de simple péripétie...

C'est d'ailleurs sur cette question du choix des hommes que nous
aimerions clore ce travail. Les meilleures lois du monde ne seront
jamais rien si l'on en confie l'application à des incapables, des aigris,
des filous ou des gens sans cœur. Dans un pays comme la Guyane, où
les rudes conditions de vie, en dehors des bulles surprotégées que sont
les villes côtières, révèlent bien plus rapidement et bien plus sûrement
qu'ailleurs la valeur réelle des individus, quels qu'ils fussent au départ,
la sélection des hommes doit être d'une sévérité exemplaire. Un bon
fonctionnaire dans le contexte cayennais peut, en brousse, livré à lui-
. même, à la solitude, à son seul libre-arbitre, s'enfler, devenir un
odieux petit chef et exercer une dictature de fait sur des populations
décontenancées ; il peut aussi, à l'inverse, se révéler à lui-même,
s'épanouir, se cultiver, être heureux et infléchir durablement les
1
directives qu'il reçoit dans le sens d'une application raisonnée et
raisonnable.

J. Hurault faisait remarquer que les.Indiens ont toujours attiré le


pire et le meilleur. de notre société. Nous pourrions, avec les figures
que nous avons rencontrées au cours de ces vingt dernières années en
Guyane, brosser les portraits des hommes et de leurs actes qui
apparaîtraient alors exactement semblables à ceux qui surgissent des
manuscrits et des ouvrages jaunis du XVlIIème siècle ; les mauvais,
dont il serait malséant de ranimer le souvenir, comme les bons, ceux
qui, depuis les d'Orvilliers jusqu'à André Cognat ou Jean Hurault, se
sont dévoués à cette cause perdue que sont les Amérindiens...

Et nous reviendrions sans cesse sur cette lamentable constatation :


chez des peuples si faibles démographiquement, la lie de la civilisation
occidentale véhiculée par des hommes inconscients ou sans scrupules,
peut détruire rapidement le contrat d'équilibre et de bonheur passé
entre les Amérindiens et le monde extérieur. Il est du devoir le plus
immédiat des élus guyanais et de l'Administration de la République de
veiller à la sélection d'un personnel adapté et dévoué afin que cesse
cette politique chaotique qui persiste depuis. bien trop longtemps
maintenant.

- 66-
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

Afin de faciliter l'information des lecteurs sur des aspects particuliers,


nous présentons une bibliographie limitée mais ordonnée de façon
thématique. Les ouvrages cités pourront être trouvés pour les plus anciens à
la Bibliothèque Franconie et pour les plus récents à la Bibliothèque du
Centre ORSTOM de Cayenne. Nous avons par ailleurs omis les travaux
d'accès trop difficile.

. 1. Récits de voyage et histoires de vies anciens et modernes

Seuls quelques voyageurs compétents ou amoureux des Amérindiens


nous ont laissé des récits précis, honnêtes et vivants. La plupart des récits
contemporains ne sont pas cités ici car .empreints -à l'exception des récits
chaleureux d'André COGNAT - d'un style sensationnaliste.
COGNAT André, 1967, J'ai choisi d'être indien, Paris, Flammarion, ill.
COGNA T André, 1977, Antecume ou une autre vie, Paris; Robert Laffont, ill.
COUDREAU Henri, 1893, Chez nos Indiens, quatre années dans la Guyane
Française, 1887-1891, Paris, Hachette.
CREVAUX Jules, 1883, Voyages dans l'Amérique du Sud, Paris, Hachette.

GRILLET, Père Jean, 1716, "Journal du voyage que les Pères Jean Grillet et François
Béchamel, de la Compagnie de Jésus, ont fait dans la Guyane en 1674", in : Cpte Roger
WOODES, Voyage autour du monde, Amsterdam, 1. II, pp. 201-235.

HARCOURT Robert, 1926, A Relation of a Voyage te Guiana, 1613, The


. Hakluyt Society, second Serie LX. . .

RALEIGH, Sir Walter, 1928, The-discovêrie of Guiana (1592-96), London, The


Hakluyt Society. ;

THEBAULT DE LA MONDERIE, F., 1857, Voyages faits dans l'intérieur de


l'Oyapock en 1819, 1822, 1836,·1842, 1844, 1845, 1846 et 1847, Nantes.
TONY Claude, 1767, "Voyage dans l'intérieur du continent de la Guyane, chez les
Indiens Roucoyens, par C.T., Mulâtre libre d'Approuague", in H. Ternaux-Compans,
Essais et notices pour servir à l'histoire ancienne de l'Amérique, 28..
VILLIERS, Marc de, 1920, "Journal inédit du voyage du Sergent La Haye de Cayenne .
aux chutes de Yari, 1728-1729", Jo. SA., 12: 117.:126, Paris. . ...

- 67-
2. Travaux historiques
fis sont récents et de nombreuses recherches restent à faire tant sur le
terrain que dans les archives.
FROIDEVAUX Henri, 1894, "Explorations Françaises à l'intérieur de la Guyane
pendant le second quart du XVIIIème siècle (1720-~742)", Bu. GHD 218-301.
1

GALLOIS Dominique T., 1986, Migraçao,Guerra e comercio : os Waiapi na


Guiana,.Sao Paulo, FFLCH, USP.
GRENAND Pierre, 1972, Les relations intertribales en Haute-Guyane, du
XVIIIème siècle à nos jours, Paris, Institut d'Ethnologie (Archives et Documents),
micro-édition 72.031.36

GRENAND Pierre, 1979, "Histoire des Amérindiens" (Planche 17 : 3-4), 3 cartes in


Atlas des Départements français d'Outre-Mer (IV : Guyane), CNRS-
ORSTOM.

GRENAND Pierre, 1982, Ainsi parlaient nos ancêtres: essai d'ethnohistoire


wayâpi, Paris, ORSTOM (Travaux et Documents 148).
GRENAND Françoise et Pierre, 1987, "La côte d'Amapa, de la bouche de l'Amazone à
la baie d'Oyapock, à travers la tradition orale palikur", Bol. do Mus. Par. Emilio Goeldi,
Antropol. 3(1), Belém, Para: 1-77.

HURAULT Jean-Marcel, 1972 (1ère éd.), 1989 (2ème éd.), Français et Indiens en
Guyane, 1604-1972, Cayenne, Guyane Presse' Diffusion.
LOMBARD L, 1928, "Recherches sur les tribus indiennes qui occupaient le territoire de
la Guyane Française vers 1730", Jo. SA., 20: 121-153, Paris.

SCHOEPF Daniel, 1972, "Historique et situation actuelle des Indiens Wayana-Aparai du


Brésil", Bull. Annuel du Musée d'Ethnographie, 19 :.33-64, Genève.
f"

..WIDTEHEAD Neil L., 1984, "Carib cannibalism : the historica1 evidence", Jo. SA, 70,
Paris.

3. Etudes ethnographiques par ethnie

Si certaines ethnies, tels les Galibi ou les Wayana, peuvent être


découvertes à partir d'études d'ensemble, d'autres ne sont connues qu'à
travers certains aspects plus précis de leur culture..
AHLBRINCK W., 1931, Encyclopœdie der Karaiben, Verhandelingen der
Koninklijke Akademie van Wetenshappen te Amsterdam; Afdeeling Letterkunde,
Nieuwe Reeks, Deel XXCII/l, Amsterdam (Encyclopédie des Caraïbes, traduction
française IGN, 1956).
ARNAUD Expedito, 1966, "Os Indios Galibi do Rio Oiapoque : tradiçâoe mudança",
Bol. do Mus. Par. Emilio Goeldi : n.s. Antropol, 3O,Belém~
GILLIN John, 1936, The Barama river Caribs of British Guiana, Peabody
Museum Papers 14(2): 1-274.
GOEJE, C.H. de, 1941, Les Indiens Wayana, Contribution à la connaissance
des langues, pays et peuples des Indes néerlandaises, 100 : 50 (traduction
française, IGN, 1955).

HURAULT J.M., 1961, "Les Indiens Wayana de la Guyane Française", Jo. SA 50 (3) :
136-83, Paris.

HURAULT J.M., 1963, "Les Indiens du littoral de hi Guyane Française: Galibi et


Arawak", Les Cahiers d'Outre-Mer XVI, Paris.

HURAULT J.M. et P. FRENAY, 1963, "Les Indiens Emerillon de la Guyane


Française", Jo. SA, 52: 133-156, Paris.

KLOOS Peter, 1971, The Maroni River Caribs of Surinam, Van Gorcum & Cie,
Assen, Pays-Bas.

NIMUENDAJU Curt, 1926, "DiePalikur Indianer und ihre Nachbarn", Gôteborgs


Kongl. Veto Vin. Hand. 31(2). (traduction française par Claudie Jousse, 1971)

PERRET Jacques, 1933, "Observations et documents sur les Indiens Emerillon de la


Guyane Française", Jo. SA, 25 : 65-97, Paris.

4. Mythologie, chamanisme, rituels et médecine .traditionnelle

Bien que les observateurs aient toujours été fascinés par la philosophie
profonde des Amérindiens, il reste beaucoup à étudier dans ces domaines.
ARNAUD Expedito, 1970, "0 Xamanismo entre os Indios da regiâo Uaça (Oiapoque,
territorio, do Amapa)", Bol. do Mus. Par. Emilio Goeldi, nov. sere Antropo1., 44 : 1-22,
il1., Belém. .

BEAUDET J.M., 1983, Les orchestres de clarinettes Tule des Wayiipi du


haut Oyapock (Guyane Française), Thèse de 3ème cycle, Univ. Paris X .
. GALLOIS Dominique T., 1984.:.85, "0 pajé Waiâpi e seus' espelhos", Revista de
Antropologia 28: 179-195, Sâo Paulo.

GALLOIS Dominique T., 1985, "Indios e Brancos na mitologia waiâpi, da separaçâo


dos povos a recuperaçâo das ferramentas", USP, Rev.doMus. Paulista 30 : 43-60, Sâo
h~ . -

GALLOIS Dominique T., 1988, 0 movimento na cosmologia waiiipi: criaçâo,


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Guyane et des régions voisines (éd. originale en anglais, in Internationalen .
Archivs fûr Ethnographie 44, Leyden, 1943), trad. I.G.N. Paris.

GRENAND Françoise, 1982, Et l'homme devint Jaguar: univers imaginaire et


quotidien des Indiens Wayiipi de Guyane, Paris, L'Harmattan (Coll.
Amérindienne).

GRENAND Pierre, Ch. MORETTI et H. JACQUEMIN, 1987, Pharmacopées


. traditionnelles de Guyane: Créoles, Wayiipi, Palikur, Paris, ORSTOM (Coll.
Mémoires 108).
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HURAULT J.M.,1968 Les Indiens Wayana de la Guyane Française:
structure sociale et coutume familiale, Paris, ORSTOM 3 (5).
- 69-
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KLOOS P., 1968, "Becoming pïyei : variability and similarity in Carib Shamanism",
Antropologica, Inst. Caribe de Antrop. y socio. de la Fundacion La Salle de Ciencias
Natura1es, Caracas.

KOELEWIJN C. et P. RIVIERE, 1987, Oral literature of the Trio Indians of


Surinam, Dordrecht, Foris Publications (nombreux textes sur les relations avec les
Wayana). " .
-;

MAGANA E. , 1987, Contribuciones al. estudio de la mitologia y astronomia


de los Indios de la Guayanas, Dordrecht~· Foris Publications "(Latin America
Studies 35).

RENAULT-LESCURE Odile, Françoise GRENAND et Eric NAVET, 1987, Contes


amérindiens de Guyane, Paris, CILF (Coll. "Fleuve et flamme"), textes bilingues.
ROTH W.E., 1915 t An inquiry into the Animism and Folklore of the Guiana
Indians, 30th ARBAE (1908-1909), Washington D.C.

SCHOEPF D., 1987, "Le Récit de la Création chez les Indiens Wayana - Aparai du
Brésil", Bull. Annuel du Musée d'Ethnographie, 29: 113-138, Genève.

5. Langues
Les documents des Pères Jésuites sont pour la plupart perdus ou
introuvables et les rares documents du XIXème sont très fragmentaires.
Nous ne citerons pour cette raison que les documents du XXème siècle.
GOEJE, C.H. de, 1928, "The Arawaklanguage of Guiana", Verhandelingen der
Kroninke te Akademie van Wetenschappen te Amsterdam, Afdeeling Letterkunde,
Nieuwe Reeks, 28 (2).

GOEJE, C.H. de, 1946, "Etudes linguistiques caribes", N.V. Noord Hollandsche
Uitgevers Maatschappij II: 274, Amsterdam.

GRENAND Françoise, 1980, La langue wayâpi (Guyane Française) :


phonologie et grammaire, Paris, SELAF (TO 41).
GRENAND Françoise, 1989, Dictionnaire wayiipi (Guyane Française), Paris,
SELAF-Peeters (Langues et Sociétés d'Amérique traditionnelle 1).

HOFF .B.J., 1968 The Carib language (Galibi), phonology, morphonology,


morphology, texts and word index, The Hague, Martinus Nijhoff.
JACKSON W.S., 1972, "A Wayana grammar", in J. Grimes 00., Languages of the
. Guianas, Oklahoma City, SIL (publications in Linguistics and related fields 35).· .

JENSEN Cheryl J., 1984, Odesenvolvimento da lingua waiâpi, Dissert. de


Mestrado da Univ. de Campinas.
NIMUENDAJU Curt, 1926, "Die Pa1ikur Indianer und ihre Nachbarn", Gôteborgs
Kongl. Veto Vitro Hand. 31(2) (vocabulaires pa1ikur, arua et ga1ibi, pp. 127-144).

RENAULT-LESCURE Odile, 1981, Evolution lexicale du galibi, langue caribe


de Guyane Française, thèse de 3ème cycle, Paris IV, Sorbonne.

- 7.0-
TAYLOR D., 1977, Languages of the West Indies, Baltimore, The John Hopkins
University Press (un chapitre sur la langue arawak). .

6. Economie, civilisation matérielle, écologie humaine et


occupation de l'espace
Ces. questions n'ont été abordées qu'à l'époque contemporaine et les
observations ne sont que partielles sauf peut-être celles concernant
l'agriculture sur brûlis (abattis).
GALLOIS Dominique T., 1981, "Os WaHipi e seu territorio", Bol. do. Mus. Par. Emilio
Goeldi: n.s, Antropol. 80: 1-38, Belém. .

GRENAND Françoise, 1972, L'art et les techniques culinaires des Indiens


Wayapide Guyane Française, Paris, Institut d'Ethnologie (Archives et Documents,
micro-édition 72.031.36).

GRENAND Françoise et Claudie HAXAIRE, 1977, "Monographie d'un abattis


wayâpi", J.A.T.BA. 24 (4) :285-310, Paris.

GRENAND Pierre, 1980, Introduction à l'étude de l'univers wayapi :


. ethnoécologie des Indiens du Haut-Oyapock, Paris, SELAF (TO 40).
GRENAND Pierre, 1981, "Agriculture sur brûlis et changements culturels: le cas des
Indiens wayâpi et palikur de Guyane", J.A.T.B.A. 28 1 : 23-31.

HURAULT J.M., 1965, La vie matérielle des Noirs réfugiés Boni et des.
Indiens Wayana du Haut-Maroni (Guyane Française), Paris, ORSTOM
(Mémoires 3).

ROTH W.E., 1924, An introâuctory study of the Arts, Crafts and Customs
of the Guiana Inâians, 38th ARBAE (1916-17), Washington D.C.
SCHOEPF Daniel, 1979, La marmite wayana : cuisine et société d'une tribu
d'Amazonie, Genève, Musée d'Ethnographie.
VAN VELTHEM, Lucia H., 1980, "0 Parque indigena Tumucumaque", Bol do Mus.
Par. Emilio Goeldi, n.s. Antrop01., 71 : 1-31, Belém: .

7. Organisation sociale

Beaucoup d'erreurs ont été écrites dans ce domaine et ce n'est qu'au


XXème siècle que la vie sociale et familiale des Amérindiens a commencé à
être réellement comprise.
ARNAUD E., 1968 a, "Referências sobre 0 sistema de parentesco dos Indios Palikur",
Bol do Mus. Par. Emilio Goeldi, n.s, Antropol., 36 : 1-21, ill., Belém.
ARNAUD E., 1968 b, "0 parentesco entre os Indios Galibi do Oîàpoque", Bol do Mus.
Par. Emilio Goeldi, n.s. Antropol, 33, Belém.
DREYFUS-GAMELON Simone, 1981, "Le peuple de la rivière du milieu; esquise pour
. l'étude de l'espace social-palikur", in Orients pour Georges Condominas, Paris,
Sudestasie-Privat, 301-313.
GRENAND Françoise, 1984, "La longue attente ou la naissance à la vie dans une société
tupi (Wayâpi du Haut-Oyapock, Guyane Française)", Bull. de la Soc. Suisse des
Américanistes 48 : 13-27, Genève. .

HURAULT J.M., 1968, Les Indiens Wayana de la Guyane Française :


structure sociale et coutume familiale, Paris, ORSTOM (Mémoires 5).
LAPOINTE Jean, 1970, Residence pattern and Wayana social organization,
Ph. D. Thesis, Columbia Univ.

RIVIERE P., 1984, Individual and Society in Guiana : a comparative study


. of amerinâian social organization, Cambridge Univ. Press (Cambridge Studies in
Social Anthropology).

8. "Problème amérindien" : le choc entre les cultures

L'essentiel de la littérature consacrée à ce problème est le plus souvent


sous forme de rapports, non inclus dans cette sélection. Les dates de
publication indiquent bien le caractère contemporain de cette prise de
conscience. .
ARNAUD Expedito., 1984, "Os Indios Palikur do Rio Urucaua : tradiçâo tribal e
protestantismo", Publicaçôes Avulsas 39, Mus. Par. Emilio Goeldi, Belém, Para.

BOIS Etienne, 1967, Les Amérindiens de la Haute Guyane Française.


Anthropologie. Pathologie. Biologie, Paris, Desclée.
COLLECTIF 1985 (lère éd.) - 1988 (2ème éd.), "La question amérindienne en Guyane
Française", Ethnies 1 : 1-2, Survivallntemational, Paris.
DUCHEMIN Ph., 1972, "The situation of the indian groups in French Guiana" in 1971,
in W. DOSTAL éd., The situation of the Inâians in South America :
contribution to the" Studyof inter-ethnie confltct in the non-Anâean
regions of South-America, Genebra, WCC, 370-375.
GALLOIS, Dominique et RICARDO Carlos Alberto éd., 1983, Povos Indigenas no
Brasil : 3, Amapa e norte do Para, Sâo Paulo, CEDI
GRENAND Pierre et Françoise, 1979, "Les' Amérindiens de la Guyane Française
aujourd'hui: éléments de compréhension", Jo. SA ,66: 361-82, Paris.
HURAULT lM., 1963, "Les Indiens de la Guyane Française. Problèmes pratiques
d'administration et de contacts de civilisations", Nieuwe West Indische Gids 42, La
Haye.
NAVET Eric, 1984 a, Camopi, commune indienne? La politique "indienne"
de la France en Guyane. Introduction de J.M. Hurault, Paris, Diffusion INTI et
Geria.
NAVET Eric, 1984 b, "Réflexions sur un projet d'enseignement adapté aux populations
tribales de la Guyane Française: l'exemple de Camopi", Chantiers Amërindia (suppl. 2 :
9 Amérindia), Paris.
DEJAPARU
DANS LA MEME COLLECTION

On a indiqué entreparenthèses fa cote des ouvrages, qui peuvent être consultés au Service
de c/ocumentation du Centre ORSTOM de Cayenne (Téf. : 30.27.85) poste 405.

MICHEL (M.) , JANNET (P.), PAJOT (F. X.), REMILLET (M.) • Papillonite et papillons urticants en Guyane
française .• 1980. (E 57)

DE GRANVILLE (J.J.). - Du Sommet Tabulaire aux monts Bakra : premières observations sur la flore et le milieu
naturel. - 1980. (B 98)

MORETTI (C.), GRENAND (P.) - Les nivrées ou plantes ichtyotoxiques de la Guyane française- 1980. (PM 35)

BOULET (R.), HUMBEL (F.X.) - Données nouvelles sur les sols guyanais • 1980. (P 184)

SYLVAIN (J.F.), REMILLET (M.) • Un cas de ravageurs des pâturages guyanais: les noctuelles - 1981. (EA 23)

PAJOT (F.X.), LE PONT (F.) • La leishmaniose tégumentaire en Guyane française· 1981. (E 64)

GASC (J.P.) - Les serpents venimeux et quelques autres en Guyane· 1981. (Z 12)

CREMERS (G.) - Végétation et flore illustrées des savanes: l'exemple.de la Savane Bordelaise - 1992. (B 113)

CHIPPAUX (J.P.) - Conduite à tenir en présence d'une morsure de serpent en Guyane française. 1982. (E 69)

CHIPPAUX (J.P.), DEDET p.P.), GEOFFROY (B.), TAVAKILIAN (G.), PAJOT (F.X.) - La maladie de Chagas en
Guyane française- 1983. (E 75)

Collectif - Facteurs biotiques intervenant danslasanté en Guyane...


Liste des agents pathogènes et des animaux vecteurs, réservoirs et sources de nuisan~es • 1983. (E 70)

CHIPPAUX (J.P.), PAJOT (F.X.)· Envenimation et animaux venimeux en Guyane françalse- 1984. (Z 15)

VEYRET (Y.) - Les orchidées de Guyane française· 1984. (B 143)

DOMENACH (H.), PICOUET (M.) - Dynamique de la population et migration en Guyane - 1988. (SH 105)

GRENAND (F.), - RENAULT-LESCURE (O.), • Pour un nouvel enseignement en pays Amérindien· 1990. (SH 107)

CREMERS (G.), HOFF (M.) - Réalisation d'un Herbier tropical • 1990. (B 194)
Achevé d'imprimer en août 1990
par
Imprimerie Guyane Matin
313524
Cayenne. ,

Dépot légal: août 1990

ISSN : 0992 - 0749

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