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Lemaistre Denis. Le cerf-peyotl et le cerf-maïs : la chasse, rituel formateur de la « trinité » huichole. In: Journal de la Société
des Américanistes. Tome 77, 1991. pp. 27-43;
doi : https://doi.org/10.3406/jsa.1991.1371
https://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1991_num_77_1_1371
Résumé
Le cycle mythologique et rituel huichol intègre le cerf à un réseau de relations identitaires et
différentielles avec les deux autres figures emblématiques de la « trinité » cognitive que sont le peyotl
et le maïs. Ayant défini la dynamique ulti-dimensionnelle — et notamment politique — de ce réseau,
l'auteur s'efforce de montrer, par une description ordonnée de différents moments de la chasse,
comment la pratique cynégétique s'inscrit dans le renouvellement de l'identité communautaire et
religieuse. En conclusion l'auteur montre les difficultés de cette chasse rituelle dans un environnement,
métis et agricole, hostile et que le dénouement possible du problème passe nécessairement par des
relais politiques.
Resumen
El venado-peyote y el venado-mais : la caza, ritual formador de la « trinidad» huichol. El ciclo
mitológico y ritual huichol coloca al venado al interior de una red de relaciones, de identidad о de
diferencia, con respecto a las dos otras figuras emblemáticas de la «trinidad» cognoscitiva : el peyote
y el maíz. Después de définir la dinámica multidimensional — y especialmente politica — de esta red,
el autor intenta mostrar, por una descripción ordenada de los distintos momentos de la cacería, como
la prática cinegética se incluye en la renovación de la identidad comunitaria y religiosa. Como
conclusión, el autor muestra las dificultades de la caceria ritual en un entorno mestizo y agrícola hostil
y senala que el posible desenlace del problema pasa por relevos politicos.
LE CERF-PEYOTL ET LE CERF-MAÏS : LA CHASSE,
RITUEL FORMATEUR DE LA « TRINITÉ » HUICHOLE
Denis LEMAISTRE *
El ciclo mitológico y ritual huichol coloca al venado al interior de una red de relaciones,
de identidad о de diferencia, con respecto a las dos otras figuras emblemáticas de la
«trinidad» cognoscitiva : el peyote y el maiz. Después de définir la dinámica
multidimensional — y especialmente politica — de esta red, el autor intenta mostrar, por una
descripción ordenada de los distintos momentos de la caceria, como la prática cinegética se
incluye en la renovación de la identidad comunitaria y religiosa.
Como conclusion, el autor muestra las dificultades de la caceria ritual en un entorno
mestizo y agrícola hostil y senala que el posible desenlace del problema pasa por relevos
politicos.
The Peyote-Deer and the Corn-Deer : Hunting, formative ritual of the Huichol « Trinity »
The ritual and mythological cycle integrates the deer to a network of identical and
differential relationships with the two other emblematic figures of the cognitive trinity :
peyote and corn. Having defined the multi-dimensions dynamics, notably the political
dimension of this network, the author attempts to show through an ordered description of
different moments of the hunt, how cynegetic practice is involved in community and religious
identity.
On conclusion the autor demonstrates the difficulties of this ritual hunting, in a hostile
« mestizo » and agricultural environment and states that the resolution of this problem must
necessarily be implemented politically.
Le cerf1 est, conjointement avec le peyotl et le maïs, l'une des trois figures
« emblématiques » de la pensée mythologique huichole. C. Lumholtz, à qui l'on
doit la remarquable découverte de cette trilogie, y voyait la synthèse des trois âges
économiques de la tribu : la chasse, la cueillette, l'agriculture. Mais la clarté de cette
périodisation ne doit pas masquer l'essentiel : leur rôle, ici et maintenant, dans la
production du procès social, festif, et de transmission de la connaissance. Le peyotl,
le cerf et le maïs sont unis par un réseau de correspondances serrées. Le mythe et
le rite nous présentent un cercle de métamorphoses où chaque figure est à la fois
créatrice des autres et créée par elles, comme des vases communiquant à l'infini.
L'identité de chaque figure se définit par sa fluidité, sa perméabilité aux autres. On
peut parler d'une « identité plurielle » : le maïs est aussi sang du cerf, le peyotl, nous
allons le voir, est aussi poudre des ramures du cerf ; et le maïs est « l'enfant-même »
du peyotl, Niwetsika.
mythologie nous le confirme : le cerf (mais qui à cette époque était aussi un homme)
portait le peyotl à l'intérieur de ses cornes : pour le donner aux hommes, il devait
en quelque façon se manger lui-même. Sa lucidité en est issue, mais aussi le danger
de s'en approcher sans purification extrême : le cerf est delicado 7. Le marakame,
émissaire du cerf-héros culturel kauyumari8 , lui-même émissaire des grands
ancêtres fondateurs, en est d'autant plus conscient que son pouvoir à lui réside dans
les plumes de son muvieri (cf. note 4) comme celui du cerf est dans ses ramures.
On pourrait se demander pourquoi le cerf n'est pas tabou et sa consommation
interdite. Mais le cerf lui-même y répond : pour donner le peyotl aux hommes, il
a pratiqué un acte d'auto-cannibalisme partiel. Sa chair — et particulièrement sa
durcification dans les bois — est peyotl : le rituel de la chasse et de la
consommation de sa chair s'ensuit inéluctablement.
S'il était besoin de souligner encore une fois l'équivalence presque absolue du
cerf et du peyotl, il suffirait simplement d'observer un rancho de la sierra : les
morceaux boucanés de cerf sont mis à sécher en colliers exactement comme le
peyotl, au point qu'un œil non-exercé éprouve quelque difficulté à les distinguer. Et,
il y a encore peu de temps, le cerf se « cueillait » au filet tandis que le peyotl se
« chassait » symboliquement avec deux flèches entrecroisées 9. Le rituel de la chasse
et celui de la cueillette échangent leurs signes.
Comme on l'a vu, il n'y a pas identification du cerf et du maïs, seulement
parallélisme reconnu entre croissance du jeune maïs et croissance du jeune faon
pendant la saison des pluies. Néanmoins ils se « nourrissent » réciproquement. Les
grandes fêtes du cycle agricole — qu'elles précèdent les semailles ou la récolte —
ne sont pas concevables sans la sacralisation du maïs par le sang du cerf et la
communion des hommes dans le caldo (bouillon de viande).
Inversement, il est offert au cerf tué des boulettes de pâte de maïs et des tostadas
{tortillas grillées), ainsi que du chocolat qui, comme chez les Aztèques, est un
aliment des dieux. Enfin, les « masques » du cerf et ses ramures viendront renforcer
le pouvoir du calihuey 10, le prestige du marakame et la fécondité des milpas.
On voit donc à quel point les trois figures fondamentales de l'alimentation et de
la culture huicholes sont dialectiquement liées, la disparition éventuelle de l'une
entraînant à plus ou moins long terme la disparition des deux autres en tant que
figures d'identification et d'intégration du groupe.
Mais à présent, suivons les hommes du village de San José-Hayucarita (Là où
croît l'eau), faisant partie de la communauté de San Andrès-Cohamiata, à la chasse
au cerf.
Les terrains de chasse englobent une superficie beaucoup plus vaste que les
terres communautaires, et extérieure à celle-ci.
Il n'y a plus de cerfs sur le territoire de la communauté. Les raisons de cette
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Une chasse dure le plus souvent cinq jours, ce chiffre étant sacré (quatre points
cardinaux et le centre). Mais, en cas d'insuccès, elle peut se prolonger beaucoup
plus longtemps et devenir alors épuisante. Car les dieux décident que la chasse est
accomplie, non les hommes : « Ils ne cessent de poursuivre les pièces nécessaires car
ils affirment que le prêtre continue à prier jusqu'à ce que le feu dise : 'oui' » 15.
Le feu et également les vainuri 16. Le vainuri est une flèche emplumée, munie
d'un nierika (cf. note 3) de corde, symbolisant le « piège » pour le cerf, et traversée
d'un petit sac contenant du tabac. Chaque groupe familial représenté dans la chasse
est porteur d'un vainuri, symbole de son appartenance chamanique au feu, puisque
le tabac est la nourriture privilégiée de ce dernier. Le calihuey aussi est représenté
par un vainuri. Il faudra donc chasser autant de cerfs qu'il y a de vainuri, ce qui a
pour conséquence la multiplication des chants nocturnes : le représentant de chaque
rancho, de chaque famille doit chanter toute la nuit quand vient son tour : demain
on chassera « son » cerf.
Le marakame propose parfois un prolongement de la chasse suivant un
engagement très strict : si la chasse devait être de cinq jours, elle sera prolongée
d'autant de jours.
Les Offrandes : dès l'aube, à jeun, les chasseurs se mettent en marche depuis un
petit village métis autrefois terre huichole. Ils s'arrêtent en plein pâturage autour
d'un petit tas de fagots brûlés : Marra Kwarri Matinieri, où les ancêtres qui
cherchaient le feu se reposèrent. Ils y laissent des coupes votives (rukurf), peintes à
la cire, représentant des cerfs, des croix, des serpents, des scorpions, des enfants,
figurant des vœux de fertilité, de santé, de richesse. Ils y offrent aussi des petites
flèches de bambou, peintes de motifs symboliques et géométriques rouges, bleus,
noirs, et de la farine de maïs, du sel, du chocolat que l'on répand aux quatre vents.
Ils prient selon ce curieux rythme discordant où chacun prie pour soi, même si la
prière est collective. Puis, à la sortie d'un hameau de petites maisons de bois, ils se
rassemblent autour d'un trou d'eau saumâtre : Haurita (où est le cierge). Ce n'est
pas la limpidité qui est recherchée, mais la permanence que marque aussi l'éternel
retour des pèlerins sur le chemin où les ancêtres firent halte. On y dépose une autre
série d'offrandes. Le marakame bénit chacun avec ses muvieri et on boit cette eau
dans sa main, on s'en frotte le visage et on en frotte ardemment les autres.
Le chemin continue, de plus en plus escarpé, vers le cœur d'une puissante
falaise : Ututawita, visite obligée avant de chercher Ta Matz, « Notre-Frère Aîné »,
le cerf. C'est aussi le dernier lieu sacré où se rendent les gens de San José avant la
proche grande fête au calihuey. Ils se sont déjà rendus à Teacata, à l'est, « La
Mecque » huichole, comme l'appelait Lumholtz ; puis à Haramara, à l'ouest, d'où
est venue toute vie : l'Océan Pacifique ; ensuite à Rapaviyemeta, sur le lac de
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Chápala, au sud. Maintenant, voici le nord : Ututawita. Avant d'y pénétrer, tout
le groupe s'asseoit à l'orée d'un bois pour confectionner des offrandes qui auront
d'autant plus de pouvoir qu'elles seront neuves et fraîches.
Le marakame coupe une feuille en forme de palme effilée, la tord en cercle, y
coud du fil bleu et fabrique en quelques minutes un très joli bracelet. \Jnjicarero X1
confectionne un fusil miniature dans un petit morceau de bois. Un autre, collant
de la cire sur un morceau de carton, compose un nama 18 représentant un cerf bleu
{Marra Yuavi, forme métaphorique du cerf-interlocuteur des chamanes, Kauyu-
marî) à l'intérieur de la queue rouge et un nierika (cf. note 3) rouge également.
Les pèlerins montent maintenant le long de la paroi rocheuse ; Ytirûkuakame, le
porteur des bâtons de pouvoir, en tête. Ututawita apparaît enfin, grand
renfoncement dans la falaise, où l'érosion a créé une double arcade dentelée très haute, ce
qui accentue la ressemblance avec un temple naturel. La paroi est tapissée de
fougères perlées de gouttes d'eau de source qu'ils appellent Uarra ktipaya, la
« chevelure » de Uarra Huimari, sœur de Marra Kwarri. La roche monte en escalier
vers l'obscurité du fond, finissant par former une sorte d'autel où sont déposées des
myriades d'anciennes offrandes : flèches plantées jusque dans les fougères, coupes
votives de toutes tailles, flèches portant des namas tissés de fils de couleur, nierikas
à rayons formant une roue, tablas représentant des cerfs (bleus, rouges, jaunes),
chromo minuscule de l'apôtre Saint Jacques, fleurs blanches.
Alors s'allument les cierges et montent les prières ; les officiants s'aspergent
d'eau sacrée et remplissent les flacons de cette eau éternelle qu'ils utiliseront ensuite
dans toutes les cérémonies (baptêmes, maladies, fêtes communautaires). Mais, en
ces lieux où la dangereuse plante Kieri embrasse la pierre où vécut Ta Tewari,
« Grand-Père le Feu », est-il étonnant de trouver des indices de magie noire ? Il
s'agit, bien cachés dans le fouillis végétal, de deux objets soigneusement enveloppés
de tissu et de coton : dans l'un on découvre des cheveux, apparemment de personne
âgée, dans l'autre une peau de vipère : « mal » disent-ils. Comme il pourrait être
dangereux de défaire ce qui est fait, l'homme replace les deux paquets dans la
végétation : à aucun moment il ne les a touchés avec les mains, mais seulement du
bout de sa machette.
Plus tard dans l'après-midi, ils se dirigeront vers deux sources naturelles dont
ils nomment l'ensemble Aictitsita. Ils y apporteront des flèches et des coupes
votives. La seconde source consiste en une longue fente de près de dix mètres
creusée verticalement dans la roche et « chapeautée » d'une énorme pierre. L'eau
goutte sans cesse sur la mouse comme à Ututawita. Tout en bas il y a une minuscule
arcade à la forme ovale presque parfaite, qui permet de laisser les offrandes à l'intérieur
et de les faire bénir à chaque seconde par les fraîches gouttes qui tombent du sommet.
Cette minuscule cathédrale engloutie parait garder en elle un secret déposé là depuis la
jeunesse de l'humanité. « Baigne-toi bien » ordonne le marakame.
Puis une sorte de bourdonnement sort de lui, qui peu à peu se transmue : le long
chant nocturne commence.
Il est dit dans le chant :
« Là où la coupe votive nous montre
Là où notre flèche nous montre
Car seuls nous ne pouvons pas »
Le chant est comme cette coupe, comme cette flèche : il cherche à capter une
connaissance à travers la perception consciente de flux énergétiques : à l'instar des
ramures des cerfs, les muvieri du chanteur lui montrent s'il suit le bon chemin. Plus
tard dans la nuit la voix se fera lente, solennelle :
« Oui vraiment, le chant des fleurs, le chant des cerfs s'approche, se transmet dans le
muvieri 19.
En citant ces quelques éléments du chant que nous avons recueilli, nous voulons
seulement montrer que le cantador cherche, avec un objectif précis — la recherche
des cerfs du lendemain — à recueillir un savoir dont il sait qu'il restera inefficace
s'il ne parvient pas à se transmettre concrètement aux symboles de pouvoir que
représentent les muvieri. « Seuls nous ne pouvons pas » : ce constat sans illusions
revient dans nombre de chants.
A cette impuissance reconnue, on remédie en partie par la pratique de la
Costumbre 20 : le chant le dit expressément.
La Costumbre est sacrifice : le cantador commence souvent son exposé aux
ancêtres par un compte-rendu détaillé de toutes les offrandes animales récentes : le
sang frais aussi est un message.
La Costumbre est mémoire : le chant de chasse recherche le modèle culturel, en
traque les traces dans le nierika (cf. note 3) qui reflétera de plus en plus
d'informations « vers deux heures du matin » — disent les Huicholes — à cette
heure qu'ils appellent Pari 21 et qui marque le point, l'étincelle unissant la nuit au
jour.
Le modèle culturel apparaît dans le principe primordial de la connaissance : le
feu. Il s'agit de l'intermédiaire, du messager : le « cerf bleu », Kauyumari, le « jeune
faon du soleil » 22 :
« Là-bas le chevreuil bleu a fait claquer ses sabots
Nous les entendons »
Le rituel des jours de chasse est extrêmement codifié : rien ne peut être laissé au
hasard pour la réussite de l'entreprise. Les femmes restées au village sont astreintes
à des interdits alimentaires et sexuels, et tentent de correspondre avec les chasseurs
éloignés par la prière et l'offrande.
Les chasseurs, eux, peuvent se diviser en trois catégories suivant le rôle qu'ils
ont à remplir :
— Le xaurishikame est le premier des jicareros (cf. définition lignes suivantes) et
il est un peu à part, en ce sens qu'il doit être le penseur, l'organisateur, et donc le
chanteur principal de la chasse. Il peut pourtant arriver que le xaurishikame, jugé
insuffisant ou chanteur inefficace, soit « relayé » par un autre des principaux
jicareros.
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par les jeunes. Ils ne sont pas encore jicareros, sont considérés comme apprentis et
chargés des besognes domestiques : surveiller l'ordre du campement, recueillir le
bois à brûler, dépecer l'animal sacrifié et couper la viande. L'ethnographe que je
suis s'est inséré dans ce groupe actif. D'ailleurs, les jicareros m'y encouragent.
Lorsqu'un cerf est tué, il s'agit de l'accueillir et de le faire passer rituellement
de son état delicado (cf. note 7) à une situation qui le rende propre à l'appropriation
et à la consommation. L'intensité et la minutie du rituel varie selon la force de
l'animal : son âge et son sexe. Mais il est des gestes de respect et de tendresse pour
tous. L'animal est déposé devant le trapèze improvisé qui porte les varas, les
« bâtons de commandement », symboles privilégiés du prestige du Calihuey et des
différents ranchos représentés. La tête est en général tournée vers l'orient : Viricuta,
le pays du peyotl et des ancêtres-cerfs.
Ce sont de gracieux animaux, au tendre pelage gris-brun, aux longues pattes
légères (« le peyotl, à peine distinguable dans le désert de Viricuta, est comme les
traces légères du cerf » disent-ils) et à petite queue rhomboïdale qui ornera bientôt
les effigies du pouvoir, les poutres des Calihueys, et, parfois, les chapeaux des
chasseurs et des peyoteros.
Le visage du xaurishikame, resté au campement, s'éclaire doucement, un sourire
tendre passe sur ses lèvres ; il parle à sa victime en lui caressant d'abord la tête et
la queue (attributs du pouvoir et de la connaissance) 28, puis toute l'échiné.
Les rares femmes du groupe répandent de petites fleurs entre les cornes,
déposent près de la bouche des tostadas, des fruits, des galettes. S'il s'agit d'un
grand mâle, il reçoit sur l'échiné les « bâtons du commandement ».
Tous les chasseurs se rassemblent alors autour du feu, le xaurishikame au
centre, et allument des cierges, symboles d'« âme » 29, de vie, de métamorphose.
Prière collective, remerciements au cerf pour être venu, aux ancêtres pour avoir
répondu. Chacun trempe, avec empressement, sa flèche (iiriï) dans les flacons d'eau
lustrale et en oint d'abord les « bâtons de commandement », auxquels ont été
accrochés les vainuri (cf. note 16), puis les épis de maïs de chaque couleur30, les
coupes votives {rukuri) et son propre sac de laine ou de fil (cutsiuri). Ils répandent
l'eau également avec les muvieri et des iris.
Tous ces symboles de pouvoir reçoivent aussi le sang du cerf et du chocolat.
Tout cela est d'une minutie presque obsessionnelle. Pour finir, l'on asperge aussi les
fusils d'eau et de sang tout comme le poignet et les joues des chasseurs.
Le cerf a reçu deux peyotes, posés sur ses yeux. Son « âme » peut enfin se libérer
vers l'orient. Pour la pensée huichole, le cerf n'est pas mort, mais enfriado,
« refroidi », à l'image des grands ancêtres qui se sont « refroidis » dans les grottes,
sous forme de concrétions pierreuses 31.
Les jicareros frottent énergiquement des boules de peyotl sur les yeux de
l'animal, sur son museau, sur ses ramures, tout ce par quoi il vivait, sentait, savait,
et surtout sur sa bouche, afin que son « souffle » renforce le pouvoir du peyotl (et,
inversement que ce dernier aide P« âme » dans son grand voyage).
Mais seul un marakame peut réaliser sur le cerf cet acte non médiatisé : aspirer
bouche à bouche son souffle dans l'espoir de recueillir Ytirukame (appelé aussi
tewari, « Grand-Père »), c'est-à-dire une petite pierre, concrétion de l'« âme » d'un
ancêtre, comme une part d'éternité offerte aux plus initiés. Il convient cependant de
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remarquer que Yilrûkame peut également être tiré de F« haleine » d'un taureau
sacrifié, d'autre part que l'haleine du cerf peut s'offrir aux débuts de l'initiation
d'un marakame (sans qu'il y ait forcément obtention de la pierre). C'est ce que me
contait un marakame d'une autre communauté : « Ta Tei Werika Huimari 32
m'avait envoyé un songe ; j'ai alors rencontré un cerf au bord d'une source. Il
n'avait pas peur. Il m'a laissé approcher. J'ai bu et avalé l'écume qu'il avait des
deux côtés de la bouche. Les deux écumes étaient de couleurs différentes » 33. Et,
plus tard, dans la montagne, le peyotl lui fera rencontrer les cerfs qui se
transformeront en une foule d'hommes, de femmes et d'enfants.
Ainsi se termine la consécration de F« âme » du cerf. Certains jicareros
arrachent délicatement quelques poils de la queue qu'ils rangent dans leur tacuatz
(étui en bambou contenant tous les objets chamaniques). L'on partage alors un
modeste repas de tostadas en veillant à en distribuer d'abord au feu et aux cerfs.
Les jeunes peuvent maintenant se charger de la préparation et de la cuisson des
cerfs. Après avoir retiré la peau très précisément (on la laisse sécher environ 24
heures), ils creusent une ou plusieurs fosses, selon le nombre de prises, et y allument
un feu qu'ils recouvrent de pierres. Lorsque celles-ci sont brûlantes, la viande y est
déposée, protégée ensuite d'une couche d'herbes aromatiques. On recouvre le tout
de terre.
D'autres jeunes lavent les intestins. Le cœur est réservé aux plus initiés, donc en
général aux adultes. Ils consomment une partie du sang à même l'organe et gardent
l'autre pour les fêtes ultérieures.
Commence alors un interminable travail : enfiler les petits morceaux de viande
sur de solides cordes ďixtle (sorte de cactus), afin de les faire sécher. Lorsqu'ils
seront bien secs, ces morceaux ressembleront, à s'y méprendre, aux colliers de
peyotl séché, renforçant l'équivalence symbolique.
compagnon « pour que brûle son ancien nom et que le Grand-Père Feu les protège
tous les deux » 34. Dans les deux cas le feu, qui est le premier chaman, a accepté
le nouveau nom en effaçant l'ancien.
Voici quelques uns de ces noms : Uarra Yûri (champ de maïs) qui fut, durant
cette chasse, le nom du xaurishikame ; Muti Wertikti pour Xsjicarero des namakáte
(traduction difficile, qui fait allusion au vautour, oiseau déplumé, car l'homme a
son pantalon en lambeaux !), Muvieri Yuavi (bâton à plumes bleues) pour un autre,
Muku yuavi muyeika awatusa pour le beau-frère du marakame (Ramure blanche qui
chemine dans la colline bleue).
... Et le français, lui, a déjà trois noms. Quoi que puissent signifier ces noms
dans l'ironique esprit huichol, il en est heureux puisque nommer c'est faire naître,
re-connaître. Au village un vieux malicieux l'appelle Werukû Tupiya : Arc de
vautour. Me trouverait-on maigre ? Ou bien serais-je un observateur sans vergogne
qui ne se nourrit que de chair morte ? Je sus plus tard que j'étais dans l'erreur.
A la chasse, mes compagnons me nommèrent Werika Niuquiari, « La Parole de
l'Aigle solitaire ». Je me rengorgeais, roucoulant : « Oh ! N'exagérons rien ! ». Puis
un compagnon m'expliqua : « Tu as de la tumini 35, beaucoup, beaucoup d'argent,
beaucoup de pièces de monnaie. Dessus, chez nous, il y a l'aigle qui fond sur le
serpent. Nous, nous les collons sur les croix, sur les coupes votives, pour les offrir
aux « dieux » 36. Ce sont comme des paroles que nous leur adressons, comme des
prières... ».
Mais le nom que le français revendique le plus fut un nom commun : teucari
(qui veut dire à la fois Grand-père et petit-fils) 37.
Ainsi s'interpellent les compagnons de chasse et les compagnons de la route du
peyotl : alliance forte, mais provisoire.
Ces collines où ils chassent, ces grottes et ces sources par où passèrent les
ancêtres à la recherche du feu et de la connaissance, ne leur appartiennent plus.
Elles font partie de ces terres que les communautés huicholes ont perdues,
particulièrement au cours des quarante dernières années. Ils y sont devenus des
visiteurs, rarement bienvenus puisqu'ils chassent en se mettant en infraction par
rapport aux lois de protection du gibier et en gênant les éleveurs et agriculteurs
métis des villages avoisinants. Pour eux, les Huicholes qui chassent ne sont que des
braconniers. Avec l'aide de la police et de l'administration, parfois de l'armée, ils
leur font payer très cher leur nécessité rituelle du cerf.
Les groupes de chasseurs savent qu'ils doivent établir des accords avec les
autorités métisses des villages ; il faut se présenter, promettre de ne pas chasser plus
de quelques jours et de quelques bêtes, assurer qu'on paiera au cas où un animal
d'élevage serait tué. Le tepe alcool d'agave local, s'échange pour sceller le contrat.
Mais combien de temps encore ce genre d'accord pourra-t-il durer ? Les autorités
des villages ont peur de l'armée (qui profite du trafic de marijuana pour arrêter les
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chasseurs et confisquer les fusils, tant demeure grande la méfiance des autorités
vis-à-vis de l'Indien) et sont de plus en plus réticentes à accorder l'autorisation. Si
le xaurishikame du groupe auquel j'ai consacré la majeure partie de cet article
l'avait obtenue, c'est qu'il y était connu depuis longtemps, qu'il n'oubliait jamais
d'offrir une partie de la viande aux autorités villageoises et qu'il faisait du
commerce avec elles... Celles-ci lui ont même proposé d'échanger une camionnette
de deux tonnes contre quinze taureaux reproducteurs. Ce ne serait une bonne
affaire que pour les métis : les taureaux augmenteront leur valeur monétaire tandis
que la camionnette, qui n'était pas toute neuve, en perdra rapidement. Néanmoins
l'offre était tentante et les gens du village le savent : ne possédant pas de véhicule,
le groupe de chasseurs doit en louer pour arriver jusqu'ici (environ huit heures sur
route non revêtue). Cette fois-ci, ils ont payé 300.000 pesos, ce qui représente un
mois de salaire pour un ouvrier agricole de la région. La Costumbre est pénible,
disent souvent les Huicholes. Pénible et chère, de plus en plus chère : comme il a
déjà été dit, avoir des responsabilités politiques est le moyen traditionnel de gagner
du prestige en perdant de l'argent.
Malgré ces dépenses, la chasse s'est bien passée grâce au sens diplomatique du
marakame et il y aura beaucoup de viande de cerf à partager pour la prochaine fete
ďHicuri Neirra (Danse du peyotl). Mais combien d'autres se feront expulser ou
emprisonner, parce qu'ils préfèrent se cacher des autorités du village ? Ceux-là, avec
quelques raisons, se croient encore chez eux (il existe des terres reconnues huicholes
depuis dix ans, par décret de la Présidence de la République, sans que les
« envahisseurs » aient cru bon de s'inquiéter en quoi que ce soit). Ils estiment que
le cerf est là pour eux et qu'ils n'ont de comptes à rendre à personne. De plus, le
cerf se raréfiant et la répression s'accentuant, il se crée une féroce concurrence entre
groupes de chasseurs indigènes : un autre groupe huichol, d'une autre communauté
n'est-il pas passé dire aux autorités que notre groupe avait tué sept cerfs dans le but
apparent de déconsidérer des concurrents ?
Les Huicholes sont donc vus comme des intrus sur cette terre qui leur parle
depuis des siècles. Pourtant, malgré les grosses dépenses occasionnées par la chasse,
malgré la répression militaire qui s'étend jusqu'à San Andrès, au cœur même de la
communauté 38, les Huicholes ont un tel besoin rituel de cerfs qu'ils reviennent
encore sur ces terres des ancêtres.
Mais on peut légitimement se demander si la chasse au cerf n'est pas condamnée
à terme. L'animal, comme les terres des Huicholes, s'est considérablement raréfié ;
les pâturages des espagnols, dès les premiers temps de la colonisation, ont fait
reculer les forêts et donc l'espace des cerfs. Aujourd'hui, l'usage généralisé du fusil,
qui a progressivement remplacé le filet, devient un danger pour la reproduction de
l'espèce : fréquemment une femelle enceinte est tuée. L'équilibre écologique, assuré
encore il y a quelques décennies, est en voie de se rompre. Il faut aller chercher
l'animal de plus en plus loin et les Huicholes se trouvent face à ce dilemme : pour
trouver leur « vie » ils doivent chasser le cerf, mais la chasse actuelle risque de le
faire disparaître, lui qui est leur joie et leur pouvoir.
Certains (dont le propre médecin actuel de la communauté de San Andrès)
veulent trouver des solutions provisoires en repeuplant de cerfs la Sierra Huichole,
ce qui éviterait peut-être, à terme, de chasser sur les terres « étrangères ». Quoiqu'il
LE CERF-PEYOTL ET LE CERF-MAÏS 41
NOTES
1. Marra en huichol. Le nom scientifique est : Odocoileus Virginianus c'est-à-dire le cerf de Virginie,
à queue blanche (Joseph Grimes : « Huichol life form classification » in Anthropological Linguistics, vol.
22 n° 6).
2. F. Benítez : Los Indios de Mexico, tome II : « Los Huicholes », p. 228. Est-ce le fait du hasard si
le nom rituel du cerf chez les Aztèques était Chicome-Xochitl, Sept-Fleurs ?
3. Le nierika (« où l'on peut voir », idée de miroir) est en même temps un concept et un objet.
Concept, c'est le « pouvoir de la vision surnaturelle » (J.Negrin : Acercamiento historko y subjetivo al
huichol, Univ. de Guadalajara, 1986). Comme objet, il peut être d'ordre architectural (linteaux de terre
cuite, percés d'un trou central et situés au-dessus des temples familiaux (xiriquf) dont les « hauts-reliefs »,
gravés des deux côtés du trou, représentent des créatures mythologiques), d'ordre « artisanal » — mais
à finalité religieuse — et consister en un petit cercle de bambou d'où partent des rayons, comme une roue,
et tressé de cercles intérieurs de laine ou de fil. Ce peut aussi être un miroir ou un morceau de miroir.
L'idée commune à toutes ces formes est celle du « trou » à travers lequel les ancêtres d'une part, le
chaman d'autre part, peuvent « voir ».
4. Le muvieri, le « bâton à plumes » est sans doute le plus employé de tous les objets chamaniques.
Chaque chaman en possède plusieurs. Revêtu à son extrémité de plumes de colombe, de vautour, plus
rarement de perruche, de faucon ou d'aigle, il manifeste en même temps le rêve chamanique et la réalité
du pouvoir qu'il enferme, car il est censé se mouvoir seul lorsque le chaman, par son chant, a su « capter »
son énergie.
5. С Lumholtz : Mexico desconocido, tome 2, p. 42 (Ed. I.N.I. , 1986).
6. M. Benzi : Les derniers adorateurs du peyotl, p. 252, note 1, Gallimard.
7. Delicado est un adjectif fréquemment employé par les Huicholes, en espagnol donc, pour désigner
tout ce qui possède un pouvoir magique, donc potentiellement dangereux, et qu'il s'agit, « délicatement »,
de « désamorcer » par la pratique rituelle adéquate.
8. Kauyumari : l'esprit même du cerf et l'interlocuteur privilégié du chaman au cours de son chant
nocturne. C'est un personnage extrêmement riche et complexe, comme l'article tente de le montrer. En
termes ethnologiques plus classiques, il correspondrait à ce que les ethnologues désignent par trickster ou
« héros décepteur ».
9. С Lumholtz, op. cit., p. 41 et 133. F. Benitez, op. cit., p. 562).
10. Calihuey :mot nahua signifiant «Grande Maison» ou «Vieille Maison». Il s'agit du grand
« temple » communautaire.
11. Uejido est défini législativement par la constitution révolutionnaire de 1917. Il s'agit de terres
inaliénables, exploitées collectivement, et dont les paysans ont l'usufruit. Dans le cadre de cette
Constitution, la « communauté indigène » n'est définie que comme une forme particulière de l'ejido.
12. Kieri est marqué d'une intensité fondamentale dans la mythologie et l'histoire des Huicholes. Pour
plus d'informations, on pourra se référer à F. Benitez, op. cit. (bibli, ERA) , l'article de P. Furst et B.
Myerhoff dans El peyote y los Huicholes (éd. Sepsetentas, Mexico), ainsi que deux parutions en français :
J. Negrin : Le chaman-artiste (éd. de l'ambassade du Mexique) et le désormais classique Les derniers
adorateurs du peyotl de M. Benzi (Gallimard, 1972).
13. Jicareros : « gardiens des coupes votives » ainsi que les appelait l'ethnologue germano-américain
R. M. Zingg. Leur rôle politique et rituel sera évoqué largement dans cet article.
14. Ta Matz Wawatsari : « cerf à la ramure ramifiée en huit andouillers » (F. Benítez, op. cit., p. 567).
15. C. Lumholtz, op. cit. , p. 153.
42 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
16. Malgré mes efforts, je n'ai toujours pas trouvé l'étymologie de ce mot. Je pose pourtant
l'hypothèse qu'il a un rapport avec vai : viande.
17. cf. note 13.
18. Le nama traditionnel (du verbe nama : couvrir, cacher) est une pièce rectangulaire de tissu, brodée
de figures au point de croix, et qu'on accroche aux flèches d'offrande. Lumholtz, encore lui, a
remarquablement analysé l'art religieux huichol du début du siècle ( apparemment plus riche que l'actuel)
dans son livre : El arte simbôlico y decorativo de los Huicholes traduit au Mexique seulement en 1 986, 80
ans après sa première édition américaine (éd. I.N.I.).
19. Les extraits de chants cités ici ont été enregistrés par moi dans la communauté de San Andrès.
Certains m'ont été traduits par un maestro huichol établi dans la ville de Tepic. Notre collaboration se
poursuit mais demeure insuffisante. Plus que jamais, l'ethnologue a besoin du linguiste pour démêler des
problèmes grammaticaux et syntaxiques qui paraissent au premier abord insurmontables.
20. Costumbre : ce mot signifiant infiniment plus que ce qu'on entend en français par tradition, j'ai
préféré le laisser en espagnol. Le mot huichol est Yeiyari : « Le chemin même ».
21. Pari : ce mot, à lui seul, mériterait toute une recherche puisqu'il semble désigner tantôt la lumière,
le jour naissant, tantôt la nuit.
22. J. Negrin : Le chaman-artiste, p. 18.
23. L'idée que Kauyumari est la parole même m'a aussi été suggérée par Juan Negrin.
24. Le marakame n'est pas investi d'une confiance aveugle par ses compagnons et il arrive assez
souvent que quelqu'un lui assène, comme préambule à la discussion qui va suivre, une affirmation
ironique du genre : « Tout ça, c'est de la blague ! ».
25. Information d'un marakame de San José.
26. « La petite rose », la rosita : ainsi les métis voisins des Huicholes désignent-ils le peyotl, peut-être
pour ses petites fleurs légèrement rosées. Mais c'est aussi la traduction du terme affectif par lequel les
Huicholes eux-mêmes désignent la « tête », la boule prête à être consommée : la Tutu, la « fleur même ».
27. Marra : cerf; Mate : savoir, connaître; Awa : corne, bois.
28. Rappelons que le premier guide et chanteur des peyoteros primitifs s'appelle Marra Kwarri :
Queue de Cerf.
29. L'analyse, et la compréhension, de la conception huichole de F« âme », demanderait évidemment
un article entier, sinon un livre. Comme son « champ sémantique » diffère profondément des associations
que ce mot implique en français, nous avons préféré l'insérer entre guillemets.
30. Cinq étant le chiffre huichol par excellence, il y a cinq couleurs « officielles » du maïs : blanc,
jaune, bleu, rouge et pinto, mêlant les couleurs. En fait, il y a aussi du maïs « noir ».
3 1 . Les marakate pensent qu'ils peuvent se transformer en cerfs après leur mort. L'un deux me disait,
en souriant : « Peut-être que les miens me tueront ! Mais mon « âme » ne mourra pas ».
32. Ta : notre ; Тех : mère ; Werika : aigle solitaire ; Huimari : jeune fille. C'est une entité complexe
qui marque bien la subtilité du syncrétisme huichol. En effet, elle présente à la fois des connotations
masculines (l'aigle) et féminines et mêle des attributs indigènes et chrétiens puisqu'elle désigne à la fois
la mère du soleil et la Vierge mexicaine par excellence : la Guadalupana. On dit aussi que c'est l'aigle qui
tient le monde entre ses serres, présidant alors la vie et la mort.
33. Selon R. M. Zingg, l'une des deux « écumes » est le peyotl. R. M. Zingg : Los Huicholes, (I.N.I. ,
1982), note 54, p. 77, tome II.
34. F. Benitez, op. cit., p. 83.
35. Tumini : ainsi la langue wirrarika (huichole) désigne-t-elle l'argent. Le mot est une altération du
nom d'une ancienne monnaie espagnole et a sans doute été introduit dans la sierra avec l'arrivée des
premiers colons et missionnaires franciscains, aux débuts du xvme siècle.
36. L'abstraction impliquée par le mot n'existant pas en langue vernaculaire, je l'ai placé entre
guillemets.
37. Teucari peut signifier également filleul. Mais il y a, dans la pensée et la pratique rituelle une
« réciprocité » évidente entre « grand-père » et « petit-fils » qui implique une théorie de l'« héritage
préférentiel ».
38. En 1988, 28 fusils « 22 long rifle » furent réquisitionnés par l'armée et rendus après « paiement ».
L'intervention de l'armée (début 1988) donna lieu à une plainte officielle de la communauté de San
Andrès qui dénonçait des viols ainsi que des vols et abattages de bovins.
LE CERF-PEYOTL ET LE CERF-MAÏS 43
BIBLIOGRAPHIE
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Guadalajara.
Zingg, Robert Mowry, 1982. — Los Huicholes, una tribu de artistas. Mexico, Ed. I.N.I. (lère
édition : New York, 1938).