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Prendre en charge l’hypertension artérielle

François PILLONa,*
Docteur en pharmacie
et en médecine
Jacques BUXERAUDb
Professeur des Universités
a
Service de pharmacologie
clinique, Faculté de médecine
Laennec, 8 rue Guillaume-
Paradin, 69008 Lyon, France
b
Faculté de pharmacie,
2 rue du Docteur-Marcland,
87025 Limoges cedex,
France
Hypertension artérielle
et situations particulières
L’hypertension artérielle (HTA) de la femme enceinte, de l’enfant ou de la personne âgée
présente des spécificités sur le plan diagnostic et thérapeutique. L’HTA de la femme
enceinte pose notamment le problème des classes thérapeutiques contre-indiquées en
raison de la tératogénicité et de la fœtotoxicité. Par ailleurs, les complications
cardiovasculaires de l’HTA sont plus fréquentes chez le sujet âgé que chez le sujet jeune.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Mots clés - enfant ; femme enceinte ; hypertension artérielle ; sujet âgé
Hypertension and specific situations. Hypertension in pregnant women, children or elderly
people presents specificities in terms of diagnosis and treatment. Hypertension in pregnant
women presents the particular problem of contraindicated drugs due to teratogenicity and
fetotoxicity. Cardiovascular complications of hypertension are more common in elderly people
than young people.
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Keywords - elderly person; hypertension; infant; pregnant woman

L
a femme enceinte, le sujet âgé ou l’enfant hyper-
tendus nécessitent une prise en charge particu-
lière.
L’hypertension artérielle
chez la femme enceinte
F Chez une femme enceinte, l’hypertension arté-
rielle (HTA) est définie par une pression artérielle (PA)
supérieure ou égale à 140/90 mmHg constatée à deux
reprises en respectant un intervalle de quatre heures.
Afin de comprendre les spécificités de l’HTA au cours
de la grossesse, il faut distinguer deux situations :
• l’HTA préexistante à la grossesse mais pouvant être
méconnue, qui se révèle avant la 20e semaine d’amé-
norrhée ;
• l’HTA spécifique de la grossesse, qui apparaît au
dernier trimestre de grossesse ; en l’absence de
protéinurie, il est question d’HTA gravidique et en
présence de protéinurie (supérieure à 0,5 g/24 heures),
de pré-éclampsie. Le risque de complications fœtales
y est plus important.
F Sur le plan clinique, les œdèmes des membres infé-
rieurs sont fréquents, surtout en fin de grossesse, mais
ils ne sont pathologiques qu’associés à une HTA ou à
une protéinurie. Dans ce cas, ils sont plus diffus,
touchant la face et les mains. L’apparition d’une HTA
gravidique est la conséquence d’une insuffisance
placentaire. La réduction de la perfusion placentaire est
consécutive à une implantation défectueuse et
s’accompagne d’anomalies diverses témoignant d’une
dysfonction endothéliale :
• une vasoconstriction secondaire à un déséquilibre
entre les substances vasodilatatrices et vaso-
constrictrices ;

Complications de l’hypertension artérielle durant la grossesse, quelques définitions

*Auteur correspondant.
Adresse e-mail :
contact@fpillon.fr (F. Pillon).
F La pré-éclampsie, appelée aussi toxémie gravidique, consiste
en une hypertension artérielle gravidique apparaissant dans la
seconde moitié de la grossesse. Elle se caractérise par une pres-
sion artérielle systolique supérieure à 140 mmHg ou une pression
artérielle diastolique supérieure à 90 mmHg, combinée avec une
protéinurie. Il s’agit d’une condition clinique qui, lorsqu’elle n’est
pas prise en charge, peut évoluer en éclampsie.
F L’éclampsie est une complication neurologique sérieuse qui
se caractérise par des convulsions pouvant mener au coma et
au décès.
F Le terme “HELLP” est l’acronyme des trois signes cliniques
définissant le syndrome :
• Hemolysis, hémolyse révélée par un frottis sanguin péri-
phérique anormal (taux de bilirubine supérieur à 1,2 mg/dL,
lactate déhydrogénase [LDH] supérieur à 600) ;
• Elevated Liver enzymes, augmentation du taux des enzymes
hépatiques traduisant la destruction des cellules du foie ;
• Low Platelet count, numération plaquettaire faible, inférieure
à 100 000/mm³.

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30 http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.10.029 • n° 532 • janvier 2014 •
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• une activation de l’hémostase, notamment par le

thromboxane A2, entraînant des dépôts de fibrine et
une hyperagrégation plaquettaire dans les artères
placentaires (hématome rétroplacentaire).
La perte de protides et l’augmentation de la perméabilité
capillaire entraînent une hypovolémie et un œdème
tissulaire qui peut se traduire par des douleurs abdomi-
nales (hépatalgies), des céphalées et des convulsions
(éclampsie liée à l’œdème cérébral) ou une dyspnée
d’effort (œdème pulmonaire).
En cas de pré-éclampsie, quatre complications graves
peuvent apparaître :
• un HELLP syndrome qui associe une thrombopénie,
une hémolyse intravasculaire et une élévation des
transaminases ;
• une coagulation intravasculaire disséminée ;
• un hématome rétroplacentaire ;
• une éclampsie.
Le fœtus subit, lui aussi, les conséquences de l’insuffi-
sance placentaire avec risque d’hypotrophie se mani-
festant dans 30 % des éclampsies et prématurité.
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Ainsi, le but du traitement antihypertenseur est double :

réduire la fréquence des complications maternelles et
celle des complications fœtales.
F Les possibilités thérapeutiques sont de deux
ordres :
• des mesures non médicamenteuses doivent être
préconisées, c'est-à-dire un repos au lit en décubitus
latéral gauche pour améliorer la perfusion placentaire
et rénale par décompression de la veine cave infé-
rieure (le régime sans sel n’est pas indiqué) ;
• des traitements médicamenteux à base d’antihyper-
tenseurs peuvent être prescrits.
F Les médicaments du système rénine-angio-
tensine-aldostérone sont formellement contre-
indiqués dans le cadre d’une grossesse.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont
tous contre-indiqués chez la femme enceinte aux 2e et
3e trimestres de grossesse. Lors du 1er trimestre, ils doi-
vent être évités faute de résultats probants sur l’absence
de toxicité. En effet, ils agissent sur le système rénal en
engendrant une diminution de la perfusion (d’où une
anurie et un oligoamnios) et sur le système vasculaire en
provoquant une diminution de perfusion des organes du
fœtus. Chez les mères traitées par IEC durant la gros-
sesse, les conséquences néonatales peuvent être
fatales ; l’anurie engendrée peut conduire au décès.
Cependant, dans la plupart des cas, les fonctions
rénales sont restaurées du fait de la diminution progres-
sive des taux sanguins d’IEC et de l’utilisation d’une
dialyse péritonéale. Par ailleurs, une hypoplasie des os
peut être observée lors de l’utilisation d’IEC durant la
grossesse suite à une diminution de perfusion des os.
Les sartans engendrent une diminution de la filtration
En cas de pré-éclampsie, des complications graves peuvent
apparaître chez la femme enceinte et le fœtus.
glomérulaire, d’où la survenue d’une anurie et d’un
oligoamnios. De plus, ils sont responsables d’hypo-
plasie du squelette. Sur le plan néonatal, des cas d’in-
suffisance rénale et de décès sont constatés avec les
sartans comme avec les IEC.
L’aliskiren est le premier inhibiteur de rénine approuvé
en 2007 par la Food and Drug Administration. Il est actif
par voie orale et présente une affinité très élevée pour la
rénine. Les données concernant la grossesse sont très
limitées, mais l’utilisation de ce médicament ayant des
cibles thérapeutiques voisines de celles des IEC et des
sartans est proscrite durant la grossesse.
F Les diurétiques relèvent d’une utilisation au cas
par cas. La prescription au long cours de furosémide
serait déconseillée durant la grossesse alors que sa
prescription occasionnelle est envisageable. La pres-
cription d’hydrochlorothiazide pendant la grossesse ne
doit être envisagée que si la femme est traitée au long
cours avec cette molécule.
F La prise de bêtabloquant peut avoir des consé-
quences néonatales graves. Tous traversent le pla-
centa. Les données actuelles montrent qu’en cas de
prescription au 1er trimestre de grossesse, ils n’engen-
dreraient pas d’effets malformatifs. En revanche, ils sont
susceptibles de générer un retard de croissance intra-
utérin, augmenté avec l’aténolol et en cas de prescription

Actualités pharmaceutiques
• n° 532 • janvier 2014 • 31
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Prendre en charge l’hypertension artérielle
Pour en savoir plus
• Coope J, Warender TS.
Randomised trial of treatment
of hypertension in elderly
patients in primary care.
Br Med J. 1986;293:1145-51.
• Safar M, Bentounes A.
L’hypertension artérielle :
pratique et clinique. Issy-les-
Moulineaux: Masson ; 2011.
Déclaration d’intérêts 
Les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflits d’intérêts
en relation avec cet article.
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Tableau 1. Stratégie de prise en charge des patients hypertendus de plus de 65 ans sans maladie
cardiovasculaire associée.
Critères retenus pour la décision thérapeutique
Pression artérielle systolique < 160 mmHg
et pression artérielle diastolique < 95 mmHg
Pression artérielle systolique 160-179 mmHg
et pression artérielle diastolique < 95 mmHg
Source : Safar M, Bentounes A. L’hypertension artérielle : pratique et clinique. Issy-les-Moulineaux: Masson; 2011.
précoce durant la grossesse. Les effets les plus néfastes
des bêtabloquants sont néonataux. En effet, prescrits
jusqu’à l’accouchement, ils sont susceptibles de
déclencher une hypoglycémie, une bradycardie et une
hypotension. L’effet bêtabloquant peut se manifester
plus gravement chez le nouveau-né par une défaillance
cardiaque néonatale faisant suite à une inadaptation à
l’effort. Les effets des bêtabloquants chez le nouveau-né
seront d’autant plus importants que la demi-vie de la
molécule est longue ; ils persistent après la disparition
de la molécule du compartiment plasmatique (cinq
demi-vies).
F Certains médicaments au bénéfice/risque favo-
rable peuvent être prescrits à la femme enceinte.
Les inhibiteurs calciques peuvent être utilisés sans
risque pendant la grossesse. Ils exercent un effet
vasodilatateur chez la mère mais n’ont aucun retentis-
sement sur la perfusion placentaire et celle du fœtus.
Il est préférable d’utiliser des molécules sans effet
bradycardisant (benzothiazépines et phénylalkylamine).
Les anti-hypertenseurs centraux peuvent être utilisés
pendant la grossesse. Cependant, il est préférable
d’éviter de prescrire le clonidine. Même si cette molécule
n’entraîne pas d’embryotoxicité et de fœtotoxicité, elle
est susceptible de diminuer les mouvements respira-
toires du fœtus, de faire apparaître une HTA chez
le nouveau-né par effet rebond et d’engendrer des
troubles du comportement à type d’hyperactivité chez
l’enfant.
Parmi les alphabloquants, la prazosine est la molécule
la plus utilisée mais elle ne doit pas l’être en première
intention bien qu’elle ne présente aucun effet embryo-
toxique et fœtotoxique.
F Le premier traitement de l’HTA chez la femme
enceinte est le repos. La classe médicamenteuse utili-
sée en première intention est celle des inhibiteurs cal-
ciques. En prévention de la pré-éclampsie, l’aspirine à
raison de 100 à 150 mg/jour est requise dès 10 semaines
d’aménorrhée (SA) et jusqu’à 34 SA en cas d’anté-
cédents de pré-éclampsie sévère ou de retard de crois-
sance in utero d’origine vasculaire.
F En cas de survenue de convulsions, il faut réaliser
une protection neurologique par le diazépam injectable
et, bien sûr, hospitaliser la patiente.
Stratégie de prise en charge
Traitement non médicamenteux
et suivi
Traitement non médicamenteux et suivi sur 3 mois
Débuter alors un traitement si la pression artérielle systolique reste ≥ 160 mmHg
L’objectif à atteindre est une Pression artérielle systolique ≤ 150 mmHg
F En cas de tension artérielle supérieure à 16/10 ou
si la pression artérielle diastolique (PAD) est supérieure
à 90 mmHg, il convient de ne pas faire chuter trop
brutalement la tension artérielle (risque de décès fœtal).
F En cas de suspicion d’hématome rétro-placen-
taire, une hospitalisation est indispensable.
F Dans le post-partum, il convient de :
• contre-indiquer la contraception estroprogestative ;
• contre-indiquer la bromocriptine dans le cadre de
l’inhibition de la montée laiteuse ;
• surveiller attentivement la tension artérielle au cours
des trois premiers jours car il existe une possibilité de
rebond ;
• programmer une consultation chez le cardiologue.
L’HTA chez le sujet âgé
L’HTA du sujet âgé, même lorsqu’elle ne concerne que
la pression artérielle systolique (PAS), présente un risque
de complications cardiovasculaires plus élevé que chez
le sujet jeune. Il est prouvé que sa prise en charge
diminue ce risque (tableau 1). La PAS est un meilleur
prédicteur du risque que la PAD, d’autant plus que le
sujet est âgé.
En dehors d’indications spécifiques ou formelles,
le choix initial doit se porter préférentiellement sur un
diurétique thiazidique à faible dose qui permet une
réduction de la morbidité et de la mortalité. En cas de
contre-indication ou d’échec, les bêtabloquants, les IEC
et les antagonistes calciques de la famille des dihydro-
pyridines représentent une alternative possible.
Chez le sujet âgé, la recherche d’une hypotension
orthostatique sous traitement anti-HTA doit être
systématique.
L’HTA chez l’enfant
L’HTA peut également se présenter chez l’enfant chez
lequel il existe bien plus de causes secondaires que chez
l’adulte. Les causes rénovasculaires sont les plus
fréquentes. Les origines endocriniennes sont rares et la
coarctation de l’aorte concerne le nouveau-né. En pra-
tique quotidienne, les chiffres de PA chez l’enfant sont
modérément élevés. L’augmentation de la prévalence
de l’HTA chez l’enfant contribue à l’épidémie actuelle
des maladies cardiovasculaires. w
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