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l’économie islamique
Université de Guelma, 03 et 04 décembre 2012
Quel rôle pour les institutions financières islamiques dans le développement durable en
Algérie ?
Résumé :
En Algérie, le système bancaire est caractérisé par une faible couverture de la demande de services
et incapable de répondre aux besoins de financement du développement du pays. L’objectif de notre
travail est de se demander quel est le rôle social de la finance islamique en Algérie et quelle
contribution peuvent apporter les institutions financières islamiques dans le financement des
projets du développement durable.
Actuellement avec deux banques islamiques que compte le système bancaire algérien (la Banque Al
Baraka d’Algérie installée depuis 1991 et Al Salam Bank d’Algérie, installée en octobre2008, la
1
situation n’est pas prometteuse. Il est montré que l’activité de ces banques est peu développée et
accuse des retards par rapport aux autres pays arabes notamment les pays du Golfe.
La finance islamique est également en croissance dans de nouveaux marchés tels que la Syrie,
le Liban, et elle s’exporte aux Etats-Unis, en Europe, la Turquie et le Canada suite à la très
forte augmentation du prix du pétrole ces dernières années et l’excès de liquidités en
provenance des pays du Golfe qui afflué, en partie, vers les grandes places financières
mondiales, suscitant ainsi un intérêt croissant pour cette finance islamique.
En Europe, le Royaume-Uni fait figure de pionnier avec l’adoption rapide de mesures
juridiques et économiques destinées à favoriser l’émergence de la finance islamique. A ce
titre, la place londonienne propose des services et des produits compatibles avec l’esprit de la
finance islamique (ouverture de la première banque islamique en Europe en 2004).2 De
même, en Allemagne, la prise en compte de ce marché est effective comme le démontrent les
initiatives prises sur le marché des « Sukuk » (produit obligataire islamique). Prenant
pleinement conscience de ces phénomènes, un grand nombre de pays européens examinent les
opportunités de la finance islamique dans les pays industrialisés.
L’essentiel de ce marché reste encore très concentré géographiquement : près de deux tiers
des actifs financiers islamiques se situent dans les pays de Golfe et plus de 20% en Asie de
Sud-Est. Ainsi, les deux grands centres de la Finance Islamique, l’Arabie Saoudite et la
Malaisie, qui sont à origine de la création respectivement de 25% et 23% des produits
1
Le Qatar est plus opportuniste dans sa démarche: toute banque peut ouvrir des agences islamiques. Les Émirats
offrent la possibilité de filiales islamiques.
2
Hinda FADHLAOUI, La crise de 2007 : les recommandations de Stiglitz dans la réforme du système bancaire,
Université de Bourgogne, Laboratoire d’Economie et de Gestion, France, p.4.
2
islamiques, demeurent les principaux moteurs de croissance de ce marché. Le poids relatifs
des actifs islamiques en dehors de ces deux régions reste très faible3.
Cette évolution a généré un grand intérêt de la part des acteurs mondiaux de la finance
conventionnelle dans les économies développées qui ont essayé d’augmenter leurs
participations dans les marchés financiers islamiques. Avec la libéralisation accrue, le
système financier islamique est devenu plus diversifié et a gagné de plus en plus de
profondeur.
- la finance informelle
Le concept de finance informelle met l’accent sur l’absence de forme : ce sont de pratiques
d’épargne et de crédit qui ne sont pas obligés de respecter un cadre ou un schéma fixé. Les
relations entre le débiteur et le créancier reposent sur la confiance, elles sont personnelles, non
seulement parce que les partenaires se connaissent, mais parce qu’ils font affaire comme ils
s’entendent4.
La finance informelle repose sur des rapports de proximité favorable à une offre financière
différenciée et individualisée. De plus, elle est commode et à la portée de personnes souvent
sans instruction. Par ailleurs, les bailleurs de fonds informels exigent moins de garantie; la
parole et l'appartenance à un groupe suffisent. Les coûts de transaction faibles représentent
aussi un avantage comparatif en faveur de la finance informelle.
- L'exclusion financière
Une personne se trouve dans une situation d'exclusion financière lorsqu'elle subit un degré
d’handicap tel qu'elle ne peut plus vivre normalement dans la société qui est la sienne en
raison des difficultés qu'elle rencontre à accéder à l'usage de certains moyens de paiement ou
règlements, à certaines formes de prêts ou financement, à préserver son épargne ou à s'assurer
contre le risque de l'existence5.
L'exclusion financière se traduit alors par des difficultés d'accès aux services financiers pour
des raisons socio-économiques. Elle est alors une entrave à l'intégration sociale au point d'être
considérée comme un indicateur de précarité. Bien que, pour des raisons méthodologiques, les
termes « exclusion financière » et « exclusion bancaire » soient souvent utilisés
indifféremment, il convient toutefois de préciser que l'exclusion bancaire, au sens notamment
d’handicaps et d’accès limité aux produits et services bancaires permettant de disposer de
ressources immédiates tels que l'ouverture d'un compte ou l'utilisation de moyens et dans
l’emploi de certains types de moyens modernes de paiement ou de règlement par exemple,
n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste au sein duquel les processus d’exclusion et de
marginalisation d’ordre financier peuvent être cumulatif 6. En effet, l’exclusion financière est
3
Djaber BEZTOUH et Karima TOUATI, La finance Islamique au Maghreb : pourquoi est-elle marginalisée ?
Papier de recherche présenté au Premier Forum International de Sfax sur la Finance Islamique, Sfax- Tunisie 22
et 23 juin 2012.
4 Michel LELART, De la finance informelle à la microfinance, Editions des archives contemporaines, Paris, 2005, p.13.
5 Latifa ZIADI, La microfinance en Tunisie: une dynamique du développement durable, Revue internationale de sociologie
et de sciences sociales, Volume 7, N1, Tunisie, Hiver 2005.
6 Jean-Michel SERVET, Banquiers aux pieds nus : microfinance, Ed. Odile Jacob, Paris, 2006, p.63.
3
un concept plus large qui résulte de l'association de trois éléments: l'exclusion bancaire,
l'incompréhension des phénomènes financiers et la précarité économique.
Ces situations de marginalisation et d’exclusion sont dans certains pays des obstacles au
décollage, et dans d’autres des facteurs de régression. Par ailleurs, un lien de causalité a été
établi entre l'exclusion sociale et l'exclusion financière. L'exclusion sociale, souvent associée
à la précarité, ne génère pas forcément l'exclusion bancaire, de par l'existence de l'Etat
Providence mais elle rend les rapports avec le système institutionnel plus difficiles. En effet,
les exclus sociaux, comme l'ensemble des pauvres, montrent une aversion à la finance
institutionnelle fondée sur une incompréhension des systèmes bancaires. Cette
incompréhension est mutuelle et à l'origine d'un manque de confiance: d'une part, les
banquiers accusent les pauvres d'imprévoyance et de mauvaise gestion de leurs budgets;
d'autre part, les exclus accusent le système bancaire d'injustice.
La Microfinance Islamique (MFI) peut être définie comme une articulation de deux industries
très émergentes et en plein expansion à travers le monde, à savoir d’une part la microfinance,
et d’autre part la finance islamique. Elle consiste à fournir des produits et des services
financiers qui découlent des préceptes de la jurisprudence islamique ou « Chari ’a », et elle
s’adresse comme la microfinance conventionnelle, aux personnes exclues du mode de
financement classique, y compris le financement bancaire islamique8.
Il a été rapporté que c'est le Prophète Mohamed qui a été le premier pionnier du micro crédit,
en donnant un jour 2 dirhams à un fidèle : 1 dirham pour se nourrir, et 1 autre dirham pour
acheter un outil de travail afin d'exercer une activité génératrice de revenus permettant à ce
dernier de se prendre en charge durablement9.
Les banques islamiques allouent la majeure partie de leurs ressources dans des opérations
commerciales et d'investissement en utilisant les produits financiers suivants :
Tableau N° 1: Les principaux modes de financement islamique
Mudāraba Capital entièrement fourni par la banque Du côté du passif de la banque, le contrat entre la
pour le financement du projet. Partage banque et le déposant est du type mudāraba
7
Djaber BEZTOUH et Karima TOUATI, La microfinance, pauvreté et développement durable en Algérie,
Papier de recherche présenté au Colloque international « Développement durable, projets et engagements »
Université de Béjaïa, les 8 et 9 novembre 2010, p.4.
8
Sourour BENSALEM, Microfinance islamique et réduction de la pauvreté dans le monde musulman :
recommandations pour la Tunisie 2012.
9
Hakim MELIANI et Ahmed AGHROUT, « Développement de la microfinance islamique-défis et perspectives »,
2ème colloque international sur la crise financière actuelle et les alternatives financières et bancaires, Université
de Khemis Miliana, le 5 et 6 mai 2009.
4
des profits du projet entre la banque et illimité, le déposant acceptant que la banque
l’entrepreneur selon un ratio utilise librement les fonds déposés dans le
prédéterminé. Pertes du projet financement d’une longue liste de projets et
supportées par la banque, sauf s.il y a
espérant en retour une part du profit total de la
négligence de l’entrepreneur.
banque. Du côté de l’actif, le contrat entre la
banque et l’entrepreneur est du type mudāraba
limité, la banque n’acceptant que de financer un
projet bien défini.
Mushāraka Capital procuré par la banque et deux ou Toutes les parties ont un droit de regard sur la
plusieurs partenaires auxquels elle s’est gestion du projet.
associée. Profits et pertes distribués au
prorata des contributions respectives en
capital.
Bay ’as-salām Vente à livraison différée. L’acheteur S’applique surtout à des biens agricoles et
ou paie comptant au vendeur le prix manufacturés dont la qualité et la quantité
bay’as-salaf négocié avec promesse du vendeur de peuvent être spécifiées sans ambiguïté.
livrer le bien à terme.
Source : André MARTENS, La finance islamique : Fondements, Théorie et réalité, Centre de recherche et
développement en économique, Université de Montréal, Cahier 20-2001, Septembre 2001, P.13.
5
Les spécialistes admettent que la Mudāraba et la Mushāraka sont les produits idéaux de la
finance islamique, qui peuvent notamment apporter des bénéfices socioéconomiques. Les
IMFIs devraient alors tenir compte de ces produits. La Mudāraba est l’un des moyens les plus
populaires du microcrédit islamique, il s’agit d’un contrat de partenariat entre deux parties.
Une partie contribue par le capital appelée rabb al-mal, et l’autre gère le projet en utilisant ses
forces et ses compétences entrepreneuriales, et appelée Mudārib. En cas de profit, les deux
parties partagent les bénéfices. Cependant, la perte est prise en charge seulement par le
propriétaire du capital. Mushāraka est aussi un contrat de partenariat d'équité entre les deux
partenaires qui implique une prise de participation dans un projet. Les profits ou les pertes
résultantes de l’activité seront partagés entre les parties concernées selon un ratio préétabli
(Abdullah, 2008). Les IMFIs peuvent aussi fournir des crédits sans intérêt (Kard Hasan) où
l’emprunteur n’est censé que de rembourser le montant principal du prêt sans aucune
majoration.
D’autres produits peuvent être aussi intégrés par les IMFIs à savoir Zakat et Waqf qui sont
considérés comme étant une accumulation des fonds de bienfaisance islamiques. Khan (2010)
admet que ces deux instruments ont joué un rôle clé dans la réduction de la pauvreté. Entant
qu’un devoir religieux pour les musulmans riches, Zakat et Waqf peuvent être considérés
comme des outils efficaces dans le programme de la lutte contre la pauvreté. Ils permettent la
circulation de la richesse des nantis à celles des nécessiteux, ce qui permettent ces derniers de
posséder les moyens non seulement pour la consommation mais aussi pour entreprendre
(Ahmed, 2004).
Au Pakistan, l’expérience réussie est l’institution Akhuwat. Elle a été créée en 2001 avec
l’objectif d’améliorer la vie des pauvres qui sont financièrement négligés et abandonnés par la
société. Cette institution a développé un système particulier avec une structure unique centrée
sur la mosquée (Akther, Akthar, Jaffri, (2010)). Toutes les activités s’effectuent dans des
mosquées où les prêts sont décaissés et récupérés en impliquant une interaction étroite avec la
communauté. Le financement est basé sur des garanties mutuelles en suggérant que le fait que
les prêts sont décaissés dans une mosquée, vont être attachés à une sainteté religieuse du
serment de remboursement à l’échéance. Akhuwat indique qu’elle offre ses services pour tous
ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté même les plus pauvres des pauvres et les
prêts sans intérêt peuvent être un outil puissant pour la lutte contre la pauvreté. Ils aident à
élever le niveau de vie des gens et, par conséquent, contribuer au développement économique
du pays.
En Indonésie, Baitu Al Maal wa Al Tamwil Dana Charia (BMTDC) représente l’IMFI
pionnière. Toutes ses opérations sont basées sur des principes de Chari’a. Cette organisation a
été initiée en 2000 en tant qu’une alternative financière pour les petits commerçants et les
micro-entreprises. Elle est engagée dans la mobilisation des activités économiques en offrant
des produits conformes aux enseignements islamiques. Cette institution a conçu des
programmes de financement qui visent spécifiquement les pauvres et les micro-entrepreneurs
en facilitant leur accès aux crédits pour financer des activités productives et améliorer leur
bien-être économique. Elle détient 3913 clients dont 2200 d’entre eux sont des commerçants.
Le montant maximal accordé par cette institution est de 40 millions roupie (environ 4 000 $).
D’après une étude de l’effet de cette institution, Kholis (2010) montre qu’elle a généré des
effets économiques importants à savoir l’augmentation des revenus, la réduction de pauvreté,
l’accroissement de l’auto-emploi et la sécurité alimentaire.
Dans le monde arabe, la microfinance arabe reste moins développée par rapport aux autres
régions du globe et dans sa majorité reste non islamique, à part quelques projets comme le
programme de microfinance de Hodeidah au Yémen. L'encours de crédit était de 350 000
dollars, avec un crédit moyen de l'ordre de 240 dollars. La méthode de crédit est fondée sur des
groupes solidaires. Le crédit est attribué aux individus du groupe, le groupe se portant caution de
la transaction. Tous les membres d'un groupe reçoivent le crédit au même moment. Les montants
peuvent être différenciés au sein d'un même groupe. 10 % du portefeuille sont constitués par des
crédits individuels. Le projet a fait un effort important pour s'étendre rapidement. En 2000, il
desservait 8 districts et comptait 18 agents de crédit10. En 2008, la Noor Islamic Bank et
l’Emirats Post Holding Group ont annoncé qu’ils avaient l’intention de créer une entreprise
offrant des services bancaires compatibles avec la Chari’a aux segments de la population dont
le revenu est le plus faible aux Émirats arabes unis11.
La MFI, dont le volet principal est la lutte contre la pauvreté, reste un secteur insignifiant par
rapport à la microfinance conventionnelle. Ce nouveau dispositif représente moins de 1% de
la microfinance mondiale12. Cet essor tardif est dû à plusieurs raisons qui ont freiné son
développement. Parmi ces raisons, on peut citer le faible intérêt accordé par les banques
islamiques pour la microfinance, le manque d’infrastructures, la non familiarisation des
individus au financement islamique (Abdullah, 2010). Une autre cause principale est le
10
B WAMPFLE., La microfinance islamique : une étude de cas au Yémen, BIM 26 septembre 2002
11
Le système bancaire islamique, Guide à l’intention des petites et moyennes entreprises, Centre du Commerce
International, Genève, 2009.
12
Selon la Microcredit Summit Campaign
7
manque de diversification des produits, dont 70% des produits proposés sont Mushāraka
(Saad, 2012).
13
Selon le responsable de la banque islamique Al Baraka Algérie
/http://www.maghrebemergent.info/finances/46-banque/8482-algerie-les-banques-reclament-une-
reglementation-plus-souple-pour-la-micro-finance.html
14
Nasser HIDEUR, Financement participatif des TPE : Expérience de la Banque Al Baraka d’Algérie,
disponible sur : http://www.financesmediterranee.com/images/stories/Fichiers-
FCM/Missions_FCM/Intervention_Hideur_Nasser.pdf
8
La FIDES Algérie est chargée des taches suivantes : Etude de dossiers de financement, suivi
du crédit, recouvrement, relations avec l’environnement local, règlement des différends,
organisation de l’arbitrage. La Banque Al Baraka d’Algérie s’occupe de l’ouverture des
comptes, du déblocage des fonds, la réception des remboursements et de la comptabilisation
et reporting.
Les premiers résultats de cette expérience montrent une forte acceptation sociale, une forte
implication des structures sociales traditionnelles (comité des notables), et un Très bon
remboursement. 50 projets financés dont deux seulement sont en difficultés. Al Baraka
envisage d'étendre ce produit à son réseau d’Oran en offrant des conditions de crédits
avantageuses en faveur des petits promoteurs15. La banque Al-Baraka prévoit la création,
éventuellement en partenariat avec la BID (Banque Islamique de Développement), d’une
institution spécialisée dans la microfinance.
4.2. L’ONG Touiza : la seule IMF offrant des services de microfinance sans intérêt
L’association Touiza a été créée en 1989 en s’inspirant d’une pratique ancestrale d’entraide et
de solidarité qui consiste à mettre en commun les efforts des membres d’une même
communauté pour des travaux d’intérêt général 16.
15
Tiré du site internet :
http://www.lechiffredaffaires.com/index.php?option=com_content&view=article&id=6218:en-vue-dencourager-
les-tpe--la-cnep-et-al-baraka-bank-signent-des-conventions-pour-financer-les-tpe&catid=2:actualite&Itemid=42
16
Karima BOUDEDJA, Microfinance et ONG : bilan et analyse du fonctionnement du dispositif de micro crédit
à l’ONG algérienne TOUIZA en vue de création d’une IMF, Thèse de Master of Science du CIHEAM - n° 92.
9
Touiza vise l’insertion par la création d'activités économiques qui permettront l’autonomie
des personnes marginalisées par le travail et le salariat, puis la lutte contre la pauvreté est
clairement identifiée comme étant l’ultime objectif.
Celui-ci peut être atteint par différentes voies, selon les principes adoptés et les moyens
disponibles. Pour la Touiza, la société civile est partie prenante dans ce domaine et ceci grâce
à ses organisations.
10
Tableau n°3 : Nombre de microcrédits octroyés par la Touiza durant la période 1996-2005.
Malgré ses insuffisances, la Touiza incarne la possibilité pour la société civile d’investir le
domaine de la microfinance. Même si elle doit faire face à une réglementation contraignante, celle-ci
doit répondre aux différents besoins des populations en leur offrant des services aussi bien financiers
que non financiers adaptés à leurs besoins.
17
La situation des Awkafs en Algérie, document tiré du site officiel du ministère des affaires religieuses et
Awk’f algérienne : http://www.marwakf-dz.org , écrit en arabe et traduit par nous-mêmes,
11
voyageurs et des marchandises fonctionnant conformément aux techniques de la gestion
commerciale moderne. La participation du fonds des wakfs au capital de la société «a été fixée
à plus de 90% tandis que celle de la banque Al Baraka ne dépasse pas les 10% de l’enveloppe
globale répartie en actions dont le nombre et la valeur sont inclus dans le statut de la société
ayant son siège social à Alger. Les recettes de la société seront destinées à «la promotion des
investissements wakfs et au «financement des œuvres caritatives notamment la lutte contre la
pauvreté, le chômage et les différents fléaux sociaux ainsi qu’à la vulgarisation de la culture
religieuse et l’encouragement de l’enseignement coranique et de l’alphabétisation. La seconde
convention porte sur le financement de deux complexes wakfs dans les communes de
Boufarik (wilaya de Blida) et de Béjaïa. Le projet de la commune de Boufarik est un
complexe wakf multiservices comportant un parc automobile, un centre d’affaires, une école
privée, un cybercafé, une école coranique, une bibliothèque. Le deuxième projet est un
complexe wakf abritant un centre d’affaires ainsi qu’une filiale bancaire dans la nouvelle zone
de la ville de Béjaïa18.
B) Fonds de la Zakat
Le fonds de la zakat est un établissement religieux et social fonctionnant sous l’égide du
Ministère des affaires religieuses et des waqfs qui assure sa couverture juridique,
conformément au statut organisant la fondation de la mosquée19. La zakat est collectée en
Algérie à l’aide des comptes CCP (pour chaque willaya un compte ccp), des caisses de
mosquées (15000 mosquée en Algérie), par le biais des banques. Le Fonds Zakat a pour but
de réaliser de la solidarité sociale entre les différents segments de la société et contribuer à
résoudre le problème de la pauvreté.
Depuis l’institution du fonds de la Zakat jusqu'à nos jours, 8 580 micro-entreprises ont été
créées sur la base de prêts sans intérêt octroyés aux étudiants et aux nécessiteux. 60 à 65% de
ces micro-entreprises ont réussi à créer des postes d’emploi20. Mohamed BOUDJELAL 21
montre le Rôle de la Zakat dans la résorption des problèmes sociaux, La Zakat joue un rôle
prééminent dans la correction des inégalités des revenus et garantir une certaine justice
sociale. Elle permet l’atténuation des problèmes sociaux et renforce ainsi la cohésion sociale.
Les résultats de l’étude économétrique menée par Zohir ARIA et Hanane ABDELI22, basée
sur une régression simple, montrent l’existence d’une relation proportionnelle entre le
Fonds de Zakat les Fonds Wakf. Si le montant de Wakf augmente d’une unité, les fonds de
Zakat s’accroissent de 11,005. Les fonds de Zakat contribuent significativement dans la
réduction du taux de chômage, si les fonds de Zakat augmentent de l’unité, le taux de
chômage baissera de 2,76.
D’après les statistiques du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, le fonds de la zakat
a récolté plus d’un milliard de dinars en 2011, soit deux fois plus que le montant réalisé en
2006 et près de trois fois celui de l’année 2008. Durant le premier semestre 2012, 0,71
18
http://fr.allafrica.com/stories/200609060198.html
19
Fares MESDOUR, Aperçu des efforts d’institutionnalisation de la zakat: cas de l’Algérie, Université Saad
DAHLEB Blida, Algérie.
20
Selon les déclarations de Mohamed Aïssa, directeur de l’orientation religieuse au ministère des Affaires
religieuses et des Wakfs. http://www.algerie360.com/algerie/fonds-de-la-zakat-8580-microentreprises-creees/
21
Mohamed BOUDJELAL, Le Rôle de la Zakat dans la résorption des problèmes sociaux, 1er forum de Sfax sur
la finance islamique, Tunisie, juin 2012.
22
Zohir ARIA et Hanane ABDELI, Evaluation de l’efficacité de l’utilisation des fonds Wakf et Zakat en Algérie
par une étude économétrique (2003- 2009), 1er forum de Sfax sur la finance islamique, Tunisie, juin 2012.
12
milliard de dinars ont été collectés dans le pays, au titre de la zakat. Ce montant peut atteindre
les 1,2 milliards à la fin de l’année23. Une manne non négligeable, mais qui reste bien en deçà
de ce qui devrait être, de l’avis de beaucoup d’observateurs24.
Figure N°1 : Evolution du nombre de projets financés par le fonds Zakat (2003- 2009)
1200
1000
800
Nombre de projets
600 financés par Zakat
400
200
0
1 2 3 4 5 6
23
D’après les prévisions du Ministre des Affaires religieuses et des Wakfs.
24
Le montant collecté en 2011 équivaut au volume d’investissement consenti pour un projet tout juste moyen,
ce qui explique la modeste part de la zakat revenant à l’investissement, soit au micro-crédit accordé aux
diplômés en chômage (situé entre 30 et 50 millions de centimes par personne).
25
Cette institution est créée en 1994
26
Abdel Aziz KHANFOUSSI, Les institutions zakataires comme instrument de lutte contre la pauvreté:
exemple de l’institution Slaanjour », p.19.
27
http://www.city-dz.com/forum-d%E2%80%99echaab-pourquoi-ne-pas-institutionnaliser-le-fonds-de-la-zakat/
13
autonome, structurée et intégrée dans le système économique national, affirmant que
l'institutionnalisation de ce fonds sera d'un apport non négligeable sur le plan économique et
social. L'instauration de ce fonds permettra de constituer des réserves monétaires
conséquentes en mesure de venir en aide aux plus démunis, de financer des petits projets
créateurs de richesses et d'emplois. Il contribue aussi à "réguler" la circulation de la masse
monétaire, en évitant la consécration des formes actuelles de thésaurisation et de spéculation
qui ont tendance à favoriser des déséquilibres dans le système économique et financier
national et à favoriser la fracture sociale. La création de ce fonds va participer à une
redistribution équitable des richesses et à réduire les écarts sociaux à l'origine des tensions qui
surviennent de façon cyclique depuis quelques années.
Selon le représentant du ministère des affaires religieuses, les imams ne pourront pas gérer les
fonds de la Zakat car "c’est une mission technique et complexe qui doit être menée par des
cadres possédant une expérience considérable en matière de comptabilité et de finances"28.
Pour redynamiser le fonds de la Zakat, les autorités prévoient la création d’une entreprise qui
se chargera de la collecte et de la distribution des sommes récoltées dans le cadre de la zakat,
dès la fin de l’année en cours. Elle sera une entreprise ou un office commercial, avec une
comptabilité organisée29.
Le financement triangulaire
Tableau N°7 : Le financement triangulaire de l’ANSEJ
Montant de
Apport personnel Crédit sans intérêt Crédit bancaire
l’investissement
5 000 000 DA 1% 29% 70%
10 000 000 DA 2% 28% 70%
Source : Antenne ANSEJ de Béjaïa.
28
Les propos du ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, tiré du site internet :
http://www.elmoudjahid.com/fr/flash-actu/6894.
29
Selon les déclarations du ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, tiré du site internet
http://www.yourdz.com/algerie-info/algerie-la-zakat-sera-geree-par-une-entreprise/
30
Pour bénéficier de ce dispositif, il faut que la personne remplisse quatre critères ; être âgé entre 19 et 35 ans
(l’âge limité est de 40 ans si l’investissement crée au moins trois emplois permanents), être chômeur, posséder
un savoir-faire certifié et en relation avec l’activité considérée et mobiliser un apport personnel modulé selon le
coût du projet.
14
Le financement triangulaire de l’ANSEJ exige un apport personnel de 1%, offre un
crédit sans intérêt représentant 29% du montant du projet et le reste sera sous forme de crédit
bancaire, si le montant d’investissement est de 5 000 000 DA. Si le montant est de
10 000 000 DA, un apport personnel de 2% est exigé et le crédit sans intérêt est d’ordre de
28% du total du projet.
Le financement mixte
Tableau N°7 : Le financement mixte de l’ANSEJ
Apport personnel Crédit sans intérêt
Montant de l’investissement
Inférieur ou égale à 5 000 000 DA 71% 29%
De 5 000 001 à 10 000 000 DA 72% 28%
Source : Antenne ANSEJ de Béjaïa.
Dans le financement mixte, l’ANSEJ accorde des crédits sans intérêts, ce qui rend ce
produits conforme aux principes de la Chari’a. Cependant, le montant de crédit sans intérêt ne
représente que 29% du total de l’investissement. Cette formule ne répond pas aux besoins des
pauvres qui n’ont aucun sou et soucieux du respect des principes de la Chari’a. Dans le
cadre du financement triangulaire, le crédit bancaire est rémunéré par l’intérêt dont le taux
est bonifié jusqu'à 1%. Les avis sont partagés sur ce taux .en effet, en raison de l’absence
d’institution de microfinance islamique et devant la nécessité de recourir au financement
proposé par l’ANSEJ, Certaines Fatouwas interprète 1% comme une commission de service
et non pas comme usure (riba), d’autres le considèrent comme (riba). Les pouvoirs publics et
les autorités religieuses devront coopérer afin de proposer des produits conformes aux
principes de l’Islam et adaptés à la situation des jeunes chômeurs.
Jusqu’à 2004, l’ANSEJ a permis la création de 183 124 entreprises avec environ 485 704
postes d’emplois. Le nombre d’entreprises créées a presque doublé entre 2008 et 2009 et entre
2010 et 2011. Cela est dû aux nouvelles dispositions adoptées par le gouvernement.
Figure N°2 : Evolution des entreprises et des emplois créés par l’ANSEJ au niveau
national
160000
140000
120000
100000
40000
20000
15
Le nombre d’entreprise créées a fortement augmenté à partir de 2009 par rapport aux années
précédentes, et ce en raison de la baisse du montant de l’apport personnel exigé aux jeunes
chômeurs qui est passé de 10% à 5%, puis à 1%.
Les prêts accordés par l’ANGEM sont en augmentation continue depuis 2005 jusqu'à
mars 2012, et passent de 3 329 crédits en 2005 à 345 127 en mars 2012.
Tableau N°9 : Evolution des emplois créés par l’ANGEM au niveau national
Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Mars
2012
Emplois
4994 33331 25846 63149 91101 77166 161420 60684
créés
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Le microcrédit est un prêt accordé à des catégories de citoyens sans revenus et/ou disposant de petits revenus
instables et irréguliers. Il vise l'intégration économique et sociale des citoyens ciblés à travers la création
d'activités de production de biens et services.
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www.angem.dz.
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Source : Etabli à partir des données tirées de www.angem.dz.
Les emplois créés par l’ANGEM à travers les prêts accordés sont aussi en hausse
continue, où ils passent de 4 994 emplois en 2005 à 517 691 en mars 2012.
Jusqu’à juin 2007, le nombre d’entreprises créées au niveau national était de 549 entreprises
avec 1198 emplois crées.
Tableau N° 11: Dispositif de soutien à la création d’activité au 31/12/2006
Nombre de dossiers déposés Déposés Accord Rejetés par PNR
hommes femmes total auprès des notifiés par les banques accordés
banques les banques par la
CNAC
42 802 3 667 46 473 16 661 6 953 4 811 4 946
Source : établi à partir des données tirées de www.cnac.dz.
Au niveau national, le nombre des micros entreprises créées dans le cadre du dispositif CNAC
a considérément augmenté. Entre le 1er janvier et le 31 août 2011, la CNAC a validé 57 490
dossiers de jeunes promoteurs. Cela représente une augmentation de 477% par rapport à la
même période de 2010.
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Rapport de la CNAC.
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www.cnac.dz.
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Conclusion
Dans des contextes d'exclusion financière touchant non seulement les franges les plus
pauvres mais aussi les classes moyennes des pays en voie de développement, la Microfinance
islamique (MFI) est un véritable levier de réduction de la pauvreté. Il implique la mise en
place de services financiers pour les personnes à revenus modestes et les démunies qui, à
cause de leur position économique, sont exclues du système financier classique. L’accès aux
services de crédit, de projets, d'épargne, d’assurance et de transfert d’argent est simplifié pour
une participation des personnes à faibles revenus financiers.
Les institutions financières islamiques mettent en avant les engagements religieux et les
responsabilités sociales pour atteindre certains objectifs à savoir la justice sociale, la
distribution équitable des richesses et le développement économique. Elles ne peuvent l’être
réellement que dans la mesure où elles réussissent à traduire concrètement les valeurs éthiques
d’équité et de solidarité humaine de l’islam. Leur approche consiste à concilier les impératifs
de performance économique et d’utilité sociale et conjuguer la rentabilité économique à la
rentabilité sociale, l’éthique à la commercialité.
La mise en place de services financiers pour les personnes à revenus modestes, permet
d'élever le revenu familial et la sécurité économique, de réunir des fonds et de réduire la
vulnérabilité; de créer une demande pour d'autres articles et services (notamment la
nourriture, l’éducation, et la santé) ; et de stimuler les économies locales. Beaucoup d'études
sur la pauvreté indiquent, cependant, que l'exclusion des personnes à revenus modestes du
système financier est un sérieux facteur qui contribue à leur incapacité à participer à l’action
de développement.
Elle constitue également un puissant instrument de paix sociale. En effet, lorsque les
pauvres peuvent compter sur ces institutions pour lancer et développer des activités
génératrices de revenu, ils s’éloignent de plus en plus des vices qui naissent généralement de
l’oisiveté tels que le vol et la criminalité.
L’analyse du bilan du fonds de la zakat montre l’importance socio-économique de la
Zakat dans sa contribution à répondre aux besoins des pauvres et des démunis, tout en
participant à la création de richesses à travers les crédits sans intérêt accordés aux porteurs de
petits projets économiques. Cependant, les spécialistes jugent que les ressources collectées
sont modeste et en deçà des prévisions. L’institutionnalisation du fonds de la Zakat
permettra de gagner en efficacité en constituant des réserves monétaires conséquentes en
mesure de venir en aide aux plus démunis, de financer des petits projets créateurs de richesses
et d'emploi. Ainsi la mise en place d’un nouveau mode de gestion de ce fonds s’impose,
c’est pourquoi les pouvoirs publics prévoient la création d’une société commerciale qui
s’occupera de la gestion de la collecte et la distribution des ressources de la Zakat.
L’institution du Waqf contribue aussi dans le développement socio-économique du pays
notamment avec la promulgation de la loi n° 01 /07 /2001 autorisant l’utilisation de Wakf
dans le financement des projets de développement.
La réglementation bancaire, inadaptée aussi bien à la finance islamique que à la
microfinance, n’a pas permet l’essor d’Institutions de Microfinance Islamique capable de
prendre en charge le financement des microprojets. L’ONG Touiza, en offrant des
microcrédits solidaires non rémunéré, rejoint les aspirations d’IMFI. L’extension de l’activité
de Touiza nécessite une redéfinition de son statut en tant que Institution de Microfinance.
Le projet pilote mené à Ghardaïa par la Société de services non financiers (FIDES- Algérie)
devrait se généraliser à travers le territoire national pour financer les Très Petites Entreprises
travaillant en dehors du système bancaire.
Les dispositifs du gouvernement pour la réduction du chômage (ANSEJ, ANGEM, CNAC)
qui monopolisent l’activité de microcrédit devront tenir compte des sensibilités religieuses
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des pauvre en leur offrant des produits respectant les principes de l’Islam et pourquoi ne pas
tout simplement renoncer au taux d’intérêt.
Quand bien même la pauvreté ne serait liée qu'à l'accès aux services financiers, les
potentialités de ces derniers à impulser un cercle vertueux s'avèrent limitées. La microfinance
n'est en effet pas un remède miracle qui, à lui seul, peut faire disparaître la pauvreté dans le
monde mais les efforts sur le plan du micro-financement à coté de plusieurs autres outils de
développement économique et social, permettront quand même de faire reculer ce
phénomène.
Bibliographie
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