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Les Européens veulent interdire le libra, la monnaie

numérique de Facebook
Plusieurs pays européens, dont la France, se préparent à mettre leur veto au projet de
monnaie virtuelle libra, dangereux pour l’économie mondiale, selon le ministre français
de l’économie, Bruno Le Maire.

« Le libra n’est pas le bienvenu en Europe », a déclaré Bruno Le Maire, le ministre


français de l’économie, lors d’une conférence de presse à Washington, le 18 octobre. Jose
Luis Magana / AP

Chaque jour, le libra subit les foudres de ses opposants les plus farouches, les Etats. Le
G7, le groupe des sept pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, Etats-Unis,
France, Royaume-Uni, Italie et Japon), était déjà convenu jeudi, à Washington, que la
condition sine qua non pour lancer les cryptomonnaies stables, comme le libra, était
l’instauration d’un cadre juridique. Un cap supplémentaire a été franchi, vendredi
18 octobre, quand Bruno Le Maire, le ministre français de l’économie, a annoncé que la
France, l’Italie et l’Allemagne préparaient ensemble une série de mesures pour interdire
en Europe la future cryptomonnaie de Facebook, dont le lancement est prévu en 2020.

« Nous prendrons dans les semaines qui viennent, notamment avec Olaf Scholz et Roberto
Gualtieri, mes homologues allemand et italien, un certain nombre d’initiatives pour
marquer clairement que le libra n’est pas le bienvenu en Europe, parce que c’est notre
souveraineté qui est en jeu », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse en marge des
réunions du FMI et de la Banque mondiale à Washington.

« Nous n’accepterons pas qu’une entreprise multinationale privée ait (…) la même
puissance monétaire que les Etats souverains, qui sont soumis au contrôle démocratique ;
car la grande différence entre Facebook et les Etats, c’est que nous sommes soumis au
contrôle démocratique, c’est-à-dire au contrôle du peuple », a-t-il ajouté.

De leur côté, les ministres des finances du G20 ont préconisé vendredi d’« évaluer » les
risques que posent les monnaies numériques stables, c’est-à-dire adossées à un panier
de devises telles que l’euro ou le dollar et d’y « remédier » avant que celles-ci ne soient
lancées.

« Préserver l’autonomie des Etats démocratiques »


Citant en particulier le blanchiment d’argent, le financement illicite ou la fragilisation de
la protection des consommateurs et des investisseurs, la présidence japonaise du G20 a
de plus demandé au FMI d’examiner les implications macroéconomiques « incluant les
problématiques de souveraineté monétaire des Etats membres en prenant en compte les
caractéristiques des pays ».
Mais les Européens semblent vouloir aller plus loin, en interdisant purement et
simplement la monnaie de Facebook. Olaf Scholz a emboîté le pas à son homologue
français : « Je suis favorable à ne pas permettre l’instauration d’une telle monnaie
mondiale, car c’est la tâche des Etats démocratiques. »

Il reconnaît également la nécessité de réformer le secteur des banques et des services


financiers pour rendre les paiements internationaux transfrontaliers plus simples, plus
rapides et moins chers, « mais en même temps, il est nécessaire de préserver l’autonomie
des Etats démocratiques », a-t-il poursuivi.

De son côté, le ministre italien des finances, Roberto Gualtieri, a souligné : « Il y a un fort
consensus de la communauté internationale pour ne pas autoriser le développement des
monnaies privées », relevant « un trop grand risque systémique » et qu’« à la place, il
fallait moderniser » les services bancaires.

Stabilité et intégrité financières


« Je le répète, notre priorité aujourd’hui est de travailler avec les régulateurs pour
répondre à leurs questions légitimes et leur donner toutes les garanties nécessaires », a
réagi Bertrand Perez, le directeur général de l’Association libra, officiellement lancée
lundi à Genève. « Le projet libra a été créé pour compléter le système existant et non pour
remplacer les monnaies souveraines », a en outre commenté l’association dans un
communiqué.

Bruno Le Maire a semblé écarter l’idée de travailler main dans la main avec Facebook,
relevant un élément litigieux : le fait que le libra sera adossé à un panier de devises. « Il
suffira que Facebook décide d’avoir plus d’euros ou plus de dollars pour avoir un impact
sur le niveau de change de l’euro ou du dollar et donc un impact direct sur le commerce,
l’industrie, les Etats qui ont comme monnaie de référence l’euro ou le dollar », a-t-il ajouté,
y voyant un affaiblissement potentiel de l’indépendance de la politique monétaire.

« Veut-on que la politique monétaire soit aux mains d’une multinationale privée comme
Facebook ? Ma réponse est clairement non », a-t-il conclu. Il a toutefois souligné qu’il
n’était pas contre l’établissement d’une monnaie numérique publique, sur laquelle la
France est disposée à travailler « dans un cadre européen ».

Le FMI a rappelé vendredi sa position sur les monnaies virtuelles stables : tirer les
bénéfices de l’innovation tout en minimisant les risques. Si ces monnaies offrent la
promesse d’inclure plus de personnes dans les systèmes de paiement, pour l’heure,

« elles n’ont pas encore été généralement testées et posent des risques importants, tels que
la stabilité et l’intégrité financières, la protection des consommateurs et de la vie privée », a
commenté pour l’Agence France-Presse Tobias Adrian, directeur du département des
marchés des capitaux.

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