Trois chapitres :
Chapitre 4) Inégalités et classes sociales
Chapitre 5) Mobilité sociale et égalité des chances
Chapitre 6) Intervention de l’Etat et justice sociale
Analyse nominaliste (NC) : la structure sociale est une construction dépendante de l’observateur et non une représentation
de la réalité.
Analyse réaliste (NC) : Les classes sociales existent réellement, elles sont les moteurs de l’histoire, notamment par le conflit
qui les oppose.
Capital économique (au sens de Bourdieu) (NC) : revenu et patrimoine dont dispose un individu ou un ménage.
Capital culturel (NC) : titres scolaires, mais également dispositions corporelles et familiarité vis-à-vis des biens culturels et
plus globalement de la culture légitime.
Capital symbolique (NC) : considération que confère la possession des trois autres formes de capital.
Catégories socioprofessionnelles (NPT) : Ensemble d’individus rassemblés à partir de leur situation socioprofessionnelle
(profession, mais aussi mode de vie) et caractérisé par une certaine homogénéité sociale.
Classe en soi (NC) : Ensemble d’individus occupant une même place dans les rapports de production et partageant un même
mode de vie.
Classe pour soi (NC) : Ensemble d’individus qui ont consciences d’appartenir à une même classe sociale, d’avoir les mêmes
intérêts et qui s’organisent pour les défendre.
Epargne (NC) : part du revenu non consommée.
Genre (NC) : Système de bicatégorisation hiérarchisé entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et
représentations qui leur sont associées (masculin/féminin).
Groupes de statut (NPT) : Groupe social dont les membres partagent un même style de vie et un même niveau de
prestige social qui lui est associé, indépendamment de leurs ressources économiques.
Groupe social (NPP) : Groupe d’individus en interaction et qui se définissent eux-mêmes comme membres du groupe.
Habitus (NC) : Ensemble des dispositions, des schèmes de perception et d’action incorporés par l’individu au cours de la
socialisation primaire et qui reflètent les caractéristiques sociales de son environnement d’origine.
Inégalités économiques (NPT) : accès différencié aux ressources économiques (revenus ou patrimoine) à l’intérieur
d’une société.
Inégalités sociales (NPT) : accès différencié aux ressources non économiques (pouvoir, savoir, culture légitime,
logement, santé, etc.)
Lutte des classes (NC) : Antagonisme entre classes sociales à partir d’intérêts contradictoires et pouvant prendre la
forme extrême de la guerre civile.
Moyennisation (NC) : tendance à la réduction des inégalités de niveaux de vie qui se traduit par le développement des
couches moyennes dans la société.
Niveau de vie (NC) : quantité de biens et services à laquelle donne accès un revenu ; le niveau de vie individuel est
mesuré par le revenu disponible par unité de consommation.
Patrimoine (NC) : stock qui se compose des avoirs d’un agent économique (propriétés immobilières, valeurs mobilières
comme les actions et les obligations).
Profit (NPP) : revenu de l’entreprise provenant de l’excédent de ses recettes sur l’ensemble de ses coûts
Rapports sociaux de production (NC) : modalités selon lesquelles les hommes (et les classes sociales) entrent en
relation pour produire, échanger et répartir les richesses.
Revenu (NPP) : flux de ressources issus de l’activité économique que perçoit un agent économique. On distingue les
revenus primaires qui rétribuent la participation à l’activité productive des revenus de transfert qui proviennent des
opérations de redistribution des administrations publiques.
Revenu disponible (NC) : revenu qui reste à la disposition des ménages (pour la consommation et l’épargne) après
redistribution ; revenu disponible = revenus primaires + revenus de transfert – prélèvements obligatoires.
Revenus de transfert (NPP): revenus issus des opérations de redistribution et versés par la Sécurité sociale ou l’Etat aux
ménages (exemples : pensions de retraite, allocations chômage).
Salaire (NPP) : revenu du travail d’une personne liée par contrat de travail à un employeur.
Stratification sociale (NPT) : répartition de la population en groupes sociaux hiérarchisés selon le pouvoir qu’ils
détiennent, la richesse économique qu’ils concentrent et/ou le prestige dont ils bénéficient.
Structure sociale (NPT) : répartition de la population en groupes sociaux différenciés au sein d’une société donnée.
Style de vie (NC) : ensemble d’attitudes et de pratiques caractéristiques d’un groupe social.
Taux de pauvreté (NC) : proportion de personnes qui se situent en-dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté
est égal à 60% du revenu médian.
Sujets de bac possibles
EC1 :
EC2 :
→ Vous présenterez le document puis vous caractériserez les inégalités de patrimoine qu'il met en évidence. (%
cumulés du patrimoine)
→ Vous présenterez le document puis vous caractériserez les inégalités qu'il met en évidence. (courbe de Lorenz)
→ Vous présenterez le document puis vous mettrez en évidence l'évolution du patrimoine brut des ménages en
France entre 1998 et 2010. (Taux de variation du patrimoine par dixième de population)
→ Vous présenterez le document puis vous caractériserez l'évolution des inégalités face au chômage qu'il met en
évidence. (évolution du taux de chômage par sexe)
→ Vous présenterez le document puis vous comparerez la situation économique des 18-29 ans aux autres tranches
d'âge. (niveau de vie médian et taux de pauvreté selon l’âge)
→ Vous présenterez le document puis vous caractériserez l'évolution de l'équipement en multimédia des ménages
par catégorie socioprofessionnelle.
EC3 :
Dissertation
→ Comment rendre compte aujourd'hui de la structure sociale en France ?
→ Dans quelle mesure les classes sociales existent-elles aujourd'hui en France ?
Introduction générale du chapitre
L’idéal démocratique, bien analysé par Tocqueville, est marqué par une « passion pour l’égalité ». Il est donc
intéressant de confronter cet idéal avec la réalité inégalitaire de nos sociétés. La démocratie est toujours à
construire et il est important d’avoir conscience de l’écart entre les grands principes qui en sont au fondement
et l’état actuel de nos sociétés.
Dans ce chapitre, il s’agira donc dans un premier temps de dresser l’état des lieux des inégalités actuelles dans
notre pays, aussi bien les inégalités économiques que les inégalités sociales. On montrera également que
certaines de ces inégalités ont tendance à se cumuler et à affecter en priorité certains groupes.
Puis, dans un second temps, nous nous demanderons si l’affirmation de la tendance séculaire à la
moyennisation de la société ne doit pas aujourd’hui être remise en cause. Derrière cette question, en apparaît
une autre : a-t-on assisté au cours du 20ème siècle à une disparition des classes sociales ? Et n’assiste-t-on pas,
ces dernières années, à une évolution des inégalités propice au retour des classes sociales ?
Cela nous permettra de poser la question « Comment rendre compte de la structure sociale aujourd’hui ? »
et de confronter les différentes analyses théoriques à la réalité de nos sociétés.
Précisons tout d’abord que nous parlerons le plus souvent et sauf précision contraire d’inégalités de situation.
Toutes les différences ne sont pas pour autant synonymes d’inégalités. Une différence ne devient une
inégalité que si elle concerne un accès différencié à des ressources socialement valorisées. Les différences ne
deviennent des inégalités que si elles se traduisent en termes d'avantages ou de désavantages sur une
échelle d’appréciation.
La société définit des biens sociaux valorisés et constitue donc les différences en inégalités ; celles-ci sont
donc socialement construites.
Une même moyenne peut cacher des situations très diverses quant à la répartition de la grandeur étudiée
autour de la moyenne. C’est pourquoi on est amené à se servir d’autres indicateurs : quantiles, représentation
graphique par la courbe de Lorenz et indice de Gini.
Pour mesurer les inégalités de richesse (salaires, revenus, patrimoines) les statisticiens rangent les individus
par ordre croissant du plus riche au moins riche. Ils décomposent ensuite la totalité de ces individus en 10
groupes de taille égale.
Voir diapos 1, 2 et 3 : présentation des déciles pointés et des dixièmes de population. Préciser qu’il existe
différents quantiles qu’il faut connaître.
Revenus primaires
Revenus de
Revenus Revenus du
Salaires transfert
mixtes patrimoine
Oumar reçoit 1 500 par mois en tant que vendeur dans un magasin de x
portables
Sabine touche 1 000 euros de pension de retraite de la caisse nationale x
d’assurance vieillesse
Marc reçoit 600 euros par mois pour un emploi à mi-temps dans une x
usine
Youssef perçoit 26 euros d’honoraire par patient reçu dans son cabinet x
médical
Isabelle reçoit 650 euros par mois de loyer pour l’appartement qu’elle a x
mis en location
Mona reçoit 1 500 euros de traitement par mois en tant que professeur x
de SES stagiaire
François, actuellement en congé maladie reçoit 70 euros par jour x
d’indemnité de la Caisse nationale d’assurance maladie
Lamia a revendu des actions et a fait une plus-value de 2 500 euros x
Nathalie qui a acheté des obligations d’une grande entreprise reçoit x
chaque mois 100 euros d’intérêt
La boulangerie de Sophie a fait 2000 euros de bénéfices le mois dernier x
Ibrahima qui a acheté des actions a reçu cette année 2300 euros de x
dividendes
Carlo vient d’être licencié et perçoit 850 euros d’allocations chômage x
D’après l’insee, en France, en 2009, les 10% des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles avaient un
niveau de vie inférieur à 10 410 euros par an.
D’après l’insee, en France, en 2009, les 10% des individus ayant les niveaux de vie les plus élevés avaient un
niveau de vie supérieur à 35 840 euros par an.
3) Quel décile pointé représente la médiane de cette distribution statistique ? Explicitez pour quelqu’un qui n’y
connaît rien.
D5. Niveau de vie qui sépare la distribution statistique en deux parties de taille égale telles que 50% des
individus ont un niveau supérieur à D5 et 50% des individus ont un niveau de vie inférieur à D5.
4) Calculez le rapport interdéciles D9/D1. Puis, en utilisant vos réponses 1) et 2), faites une phrase donnant la
signification précise du résultat trouvé.
D’après l’insee, en France, en 2009, le niveau de vie minimal des 10% des individus les plus riches était 3,4 fois
supérieur au niveau de vie maximal des 10% des individus les plus pauvres.
OU
D’après l’insee, en France, en 2009, le niveau de vie des 10% des individus les plus riches était AU MOINS 3,4
fois supérieur au niveau de vie des 10% des individus les plus pauvres.
5) Quelles sont les limites de cet indicateur D9/D1 pour donner une image complète des inégalités ?
Voir diapos 9 à 11
Remarque : les inégalités de salaire sont moins importantes que les inégalités de niveau de vie. Car les salaires
sont répartis de manière moins inégalitaire que les revenus du patrimoine.
1) Expliquez pourquoi il est logique que la donnée pour D1 soit plus faible que le D1 du tableau précédent.
La donnée pour D1 représente ici le niveau de vie moyen des individus se trouvant dans le premier dixième de
population (10% des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles).
Or, D1 (décile pointé) représente le niveau de vie MAXIMAL des 10% des individus ayant les niveaux de vie les
plus faibles.
Selon l’insee, en France, en 2009, les 10% des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles avaient un
niveau de vie annuel de 7 910 euros en moyenne.
3) Calculez le rapport D10/D1. Puis, faites une phrase permettant de donner la signification du résultat obtenu.
6,71. Le niveau de vie moyen des 10% des individus les plus riches était 6,71 fois supérieur au niveau de vie
moyen des 10% des individus les plus pauvres.
4) Pourquoi le rapport D10/D1 peut-il être considéré comme un meilleur indicateur d’inégalités que le rapport
D9/D1 utilisant les déciles pointés ?
Parce qu’il rend compte de ce qui se passe en-dessous du décile pointé D1 (il utilise la moyenne des niveaux
de vie des individus qui se trouvent en-dessous du décile pointé D1) et au-dessus du décile pointé D9 (il utilise
la moyenne des niveaux de vie des individus qui se trouvent au-dessus du décile pointé D9).
Moyenne Déciles
du décile pointés
D1 7 910 10 410
D2 11 790 13 010
D3 14 100 15 160
D4 16 090 17 050
D5 18 050 19 080
D6 20 180 21 310
D7 22 650 24 100
D8 25 990 28 170
D9 31 430 35 840
D10 53 220
Insee.
1) Quel est le niveau de vie annuel du plus riche des 10% les plus pauvres ?
10 410
2) Quel est le niveau de vie annuel moyen des 10% les plus pauvres ?
7 910
3) Quel est le niveau de vie annuel du plus pauvre des 10% les plus riches ?
35 840.
4) Quel est le niveau de vie annuel moyen des 10% les plus riches ?
53 220
Exercice polycopié n°4
La dispersion des niveaux de vie mensuels individuels
en France métropolitaine en 2007 (en euros)
% du revenu disponible % cumulé du
total perçu par le décile revenu
D1 3,7 3,7
D2 5,3 9 → point A de la courbe
D3 6,3
D4 7,3 22,6
D5 8,1 30,7
D6 9,3 40
D7 10,3 50,3
D8 11,6 61,9
D9 14,1 76 → point B de la courbe
D10 24,1
15,3
100
Les 10% des individus ayant les niveaux de vie les plus élevés (les plus riches) se partageaient 24,1% du revenu
total.
Les 50% des individus ayant les niveaux de vie les plus faibles (les plus pauvres) se partageaient 30,7% du
revenu total.
Voir diapos 12 à 14
Voir diapo 15
La courbe de Lorenz est une représentation graphique qui permet d’étudier la concentration d’une
distribution statistique.
→ En abscisse la part cumulée des ménages ou des individus classés par ordre croissant de revenus ou
de patrimoine.
→ En ordonnée, on place la part cumulée des revenus ou du patrimoine total.
→ La courbe de Lorenz représente graphiquement la fonction qui, à la part (x) des ménages les moins
riches associe la part (y) de l’ensemble du revenu total ou du patrimoine total qu’ils perçoivent.
→ La répartition égalitaire des revenus ou du patrimoine est représentée par la première bissectrice.
Cette droite est appelée droite d’équirépartition.
→ Plus la courbe est éloignée de la droite d’équirépartition, plus la distribution est inégalitaire.
5) Faites une phrase avec le point A de la courbe de Lorenz.
D’après l’insee, en France, en 2007, les 20% des individus les plus pauvres se partagent 9% du revenu
disponible total.
D’après l’insee, en France, en 2007, les 10% des individus les plus riches se partagent 24% du revenu
disponible total.
Remarque : les données sur les revenus utilisées par l’Insee pour établir les ratios d’inégalité ne reflètent pas
toute la réalité : elles ne portent en effet que sur une partie des ressources des ménages. Les revenus
comptabilisés par l’Insee comprennent les revenus disponibles, une fois retirés les impôts directs et ajoutés
les prestations sociales, mais une grande partie des revenus du patrimoine (dividendes, intérêts, loyers
perçus, etc.) n’est pas prise en compte. Or ces derniers sont très majoritairement reçus par les catégories les
plus aisées. Et ils ont progressé nettement plus rapidement que les revenus salariaux ces dernières années. Si
l’on intégrait ces revenus dans le calcul des revenus, on observerait une remontée des inégalités à partir de la
fin des années 90. Pas une explosion, mais une inversion de tendance.
1)
Faux – Vrai–Faux–Vrai
3)
Les 50% des ménages les plus pauvres se partageaient 30% du revenu total.
4)
Les 30% des ménages les plus riches se partageaient 50% du revenu total.
Ou Les 70% des ménages les plus pauvres se partageaient 50% du revenu total.
Voir diapo 17
Les inégalités de patrimoine
D’après l’insee, en France, en 2009, les 20% des ménages les plus pauvres se partagent 10% du revenu
disponible total.
D’après l’insee, en France, en 2009, les 10% des ménages les plus riches se partagent 50% du patrimoine total.
Patrimoine (NC) : stock qui se compose des avoirs d’un agent économique (propriétés immobilières, valeurs
mobilières comme les actions et les obligations).
La propension à épargner s’élève avec le revenu. Cela signifie que sur 100 euros de revenus, un ménage
pauvre en épargnera peut-être 10 alors qu’un ménage riche en épargnera 30.
Donc plus l’inégalité de revenus est forte, plus les inégalités de patrimoine vont s’accroître.
Patrimoine financier :
Intérêts et dividendes.
Plus-values lors de la revente des titres.
Patrimoine immobilier :
Loyers
Plus-value lors de la revente du bien immobilier.
Deux raisons :
Les ménages pauvres ont un patrimoine beaucoup plus faible, voire inexistant, donc reçoivent peu de
revenus du patrimoine.
Les ménages riches ont non seulement un patrimoine élevé, mais en plus il est beaucoup plus
rémunérateur (placements financiers plus rémunérateurs que livret A !)
Ces revenus du patrimoine accroissent encore le patrimoine, donc la richesse appelle la richesse. On dit que
les inégalités économiques sont cumulatives.
Exercice polycopié n°6
Remplissez le schéma avec les mots ou expressions suivants : revenus élevés – épargne – revenus du
patrimoine – origine sociale favorisée (héritage + donations)
Constitution
d’un patrimoine
Constitution Revenus du
d’un patrimoine patrimoine
1) Jusqu’à quelle période observe-t-on une réduction des inégalités de niveaux de vie ?
1) A quelles conditions la croissance forte des Trente glorieuses a-t-elle pu s’accompagner d’une réduction des
inégalités ?
SMIG : évolution proportionnelle aux prix. Donc simple maintien du pouvoir d’achat du salaire minimum, pas
de rattrapage du salaire moyen, voire aggravation de l’écart puisque le pouvoir d’achat du salaire moyen
progresse lui. Conçu pour assurer un minimum vital aux travailleurs et les protéger contre la pauvreté.
SMIC : La loi stipule qu’ « en aucun cas l’accroissement annuel du pouvoir d’achat du salaire minimum de
croissance ne peut être inférieur à la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires
moyens enregistrés par le ministère du travail ». Le gouvernement a en outre la possibilité d'accorder des
« coups de pouce », ce qu'il fait en pratique régulièrement.
Conçu pour assurer une réduction des inégalités entre salariés ou au minimum empêcher qu’elles
augmentent.
Donc le SMIC depuis sa création a eu tendance à se rapprocher du salaire moyen. Partage des gains de
productivité. De 1945 à 1975, le salaire réel net moyen a été multiplié par trois : plus de chemin a été
parcouru en trente ans qu’au cours des 300 ans précédents !
Politiques de redistribution.
Plein-emploi.
Le temps de rattrapage du salaire des cadres par celui des ouvriers était de l’ordre d’une trentaine d’années.
Pour un jeune ouvrier, le niveau de vie du cadre était ainsi accessible à l’aune d’une vie et dans les classes
populaires, on attendait pour ses enfants un sort sans conteste meilleur.
Idée que malgré les inégalités qui existaient, les progrès étaient à la portée d’une vie. Cela n’est plus le cas
avec le net ralentissement de la progression des salaires observée depuis trente ans.
La période des 30 glorieuses a permis ce processus, car cette période est caractérisée par ce que l’on a appelé
le « compromis fordiste ». Les gains de productivité engendrés par ce mode de régulation fordiste (division du
travail) ont favorisé une forte hausse des salaires et une baisse substantielle des prix des biens d’équipements
(économie d’échelle), donc une hausse du pouvoir d’achat.
L'ensemble des salariés sont intégrés dans une série d'institutions légales ou conventionnelles qui
garantissent la diffusion des effets de la croissance par des hausses de salaires, mais aussi par une extension
et une amélioration du dispositif de protection sociale. C'était ce que certains économistes appellent le
"compromis fordiste". Nul, ou presque, n'est laissé pour compte, même si le partage des fruits de la
croissance demeure inégalitaire.
1.3. Le creusement récent des inégalités économiques
Revoir document polycopié n°2
La baisse des inégalités mesurées par le rapport interdéciles a cessé à partir des années 1990.
1. EXPLIQUER. Pourquoi les inégalités de revenus salariaux se sont-elles accrues depuis les années 1980 ?
PT biaisé en faveur du travail qualifié. Nouvelles technologies développeraient des emplois nécessitant
davantage de travail qualifié (le PT serait complémentaire du travail qualifié). Cela se ferait donc au détriment
du travail peu qualifié qui serait en partie détruit par le PT (le PT serait substituable au travail qualifié).
Donc les rémunérations se creuseraient entre le travail qualifié et le travail peu qualifié au détriment de ce
dernier.
La mondialisation mettrait en concurrence les salariés peu qualifiés des pays développés avec les salariés peu
qualifiés des pays en développement qui sont beaucoup moins bien payés. Donc la concurrence internationale
engendrerait une pression à la baisse des salaires des salariés peu qualifiés, d’où l’augmentation des inégalités
salariales.
Financiarisation de l’économie. Pression de la part des détenteurs d’action pour que les dividendes
augmentent et que les salaires augmentent peu. Evoquer ici les investisseurs institutionnels qui exigent des
taux de rentabilité de 15% sur les fonds placés. Pression à la baisse des salaires. Pression répercutée
également sur les sous-traitants qui la répercutent eux-mêmes sur leur main d’œuvre.
La part des dividendes dans la VA en France a considérablement augmenté. Or, ce sont les ménages aisés qui
perçoivent ces dividendes, d’où l’accroissement des inégalités.
3. RÉCAPITULER. Récapituler les quatre facteurs ayant favorisé une hausse des inégalités de revenus.
Voir diapos 22 à 28
Revoir diapo 20
Document polycopié n°5
D’après l’insee, en France, en 2004, les 1% des ménages les plus riches avaient un patrimoine supérieur à
1 270 000 euros.
D’après l’insee, en France, en 2004, les 10% des ménages les plus riches se partageaient 46% du patrimoine
total.
D’après l’insee, en France, en 2010, les 10% des ménages les plus riches se partageaient 48% du patrimoine
total.
Augmentation : en 2010, les 1% les plus riches se partagent 17% du patrimoine total alors qu’ils ne s’en
partageaient que 13% en 2004.
Nous nous sommes cantonnés pour le moment à l’analyse d’inégalités économiques. Nous allons à présent
ajouter d’autres formes d’inégalités que nous qualifierons d’inégalités sociales (même si cette distinction a
finalement peu de sens).
Par ailleurs, on va à présent raisonner à partir d’inégalités entre groupes sociaux, d’abord caractérisés par leur
appartenance socio-professionnelle. Puis on verra que les critères de différenciation sociale sont aujourd’hui
multiples en abordant les inégalités entre sexes et entre catégories d’âge.
2. Les inégalités entre groupes socioprofessionnels
2.1. La nomenclature des PCS : un outil pour analyser la stratification sociale
Voir power point sur les PCS
1) Calculez la progression de la part pré-engagée des dépenses dans le revenu disponible des ménages.
+15 points en 50 ans (principalement liée à la hausse des prix des loyers).
2) Calculez la part des dépenses pré-engagées dans le revenu disponible pour les quintiles Q1 et Q5. Quelle information
peut-on tirer de cette comparaison concernant la consommation des différentes PCS ?
Les ménages d’ouvriers et d’employés disposent de moins de possibilités de faire des choix quant à leur consommation
car une bonne part de leur revenu disponible est déjà réservé chaque mois à des dépenses telles que le loyer,
l’électricité, le gaz, assurances, frais bancaires, téléphone, abonnement télévision, etc. On peut considérer que c’est une
inégalité de consommation.
On pourrait ajouter que pour un même produit, on ne consomme pas la même gamme en fonction de son revenu. On
peut penser évidemment aux marques et aux degrés très différents de qualité des différents produits. Par exemple
supermarché discount versus magasins bio.
Une nouvelle domesticité ? André Gorz parlait d’une société de valets.
En 2006, d’après France portrait social, 30% des ménages appartenant au dixième le plus riche utilisent des services à
domicile (+10 points en 10 ans) contre moins de 10% des ménages appartenant aux 70% des ménages les plus pauvres.
2.3. Des inégalités sociales entre groupes socioprofessionnels
Bordas p.301
Principale raison pour ne pas partir = raisons financières.
43% des cadres partent plusieurs fois contre 10% des ouvriers.
1) Quels nouveaux critères de différenciation entre salariés sont mis en avant dans le texte ?
Souffrance au travail
Exposition plus forte à la précarité et au chômage dans les catégories populaires. Cela traduit des
inégalités importantes de statut. Conditions de vie plus stables pour les cadres, rapport à l’avenir
moins incertain. Voir dualisation au sein du monde des salariés.
niveau de protection sociale qui est lié au statut dans l’emploi (notamment droits à la retraite).
Crise de la société salariale. Le statut d’actif occupé est aujourd’hui moins intégrateur, moins protecteur,
notamment pour les salariés du bas de l’échelle sociale.
Voir diapo 36 et 37
2) A votre avis, quelles PCS sont les plus touchées par ces évolutions ?
On pourrait imaginer des salaires plus élevés (salaires compensatoires) pour les PCS qui subissent ces
inégalités. Mais dans la réalité, ils perçoivent également des salaires plus faibles (idée de cumul des
inégalités).
Face à la santé
Bordas document 4 p.289 Les inégalités sociales face à la mort
À 35 ans, une femme peut espérer vivre en moyenne encore 49 ans et un homme 43 ans, dans les
conditions de mortalité observées en 2000-2008 en France métropolitaine. Différente selon le sexe,
l'espérance de vie l'est aussi selon la catégorie sociale. Ainsi, l'espérance de vie d'une femme cadre de 35 ans
est de 52 ans tandis que celle d'une ouvrière n'est que de 49 ans. L'espérance de vie des ouvrières
d'aujourd'hui correspond à celle des femmes cadres au milieu des années quatre-vingt. De leur côté, les
hommes cadres de 35 ans peuvent espérer vivre encore 47 ans et les hommes ouvriers 41 ans. Par ailleurs, les
cadres, hommes ou femmes, ont également une espérance de vie sans incapacité plus longue que les
ouvriers. Les écarts d'espérance de vie illustrent bien les inégalités sociales face à la mort, mais il s'agit d'une
moyenne qui ne met pas en évidence le risque de mourir précocement par exemple. Pour les hommes comme
pour les femmes, ce risque est plus élevé pour les ouvriers que pour les cadres. Parmi les hommes, un ouvrier
sur deux n'atteindrait pas 80 ans, contre un cadre sur trois.
Les natures mêmes des professions exercées expliquent en partie ces écarts. En effet, les cadres ont moins
d'accidents, de maladies ou d'expositions professionnels que les ouvriers. Par ailleurs, ils appartiennent à un
groupe social dont les modes de vie sont favorables à une bonne santé : les comportements de santé à risque,
les moindres recours et accès aux soins, ou encore l'obésité sont plus fréquents chez les ouvriers que chez les
cadres. Enfin, l'état de santé peut lui-même influer sur l'appartenance à une catégorie sociale : une santé
défaillante peut empêcher la poursuite d'études, le maintien en emploi, ou rendre plus difficiles les
promotions et l'accès aux emplois les plus qualifiés en cours de carrière.
Les écarts d'espérance de vie entre catégories sociales sont stables depuis 25 ans.
Nathalie BLANPAIN, « L'espérance de vie s'accroit, les inégalités sociales face à La mort demeurent», Insee Première, n° 1372,
octobre 2011.
Ecart d’espérance de vie à la naissance entre cadres et ouvriers qui est de 6 ans (3 ans entre les femmes
cadres et ouvrières).
De plus, espérance de vie sans incapacité moins longue.
Révèlent des inégalités de conditions de vie entre cadres et ouvriers (lieu de résidence, alimentation, accès
aux soins).
Révèlent aussi des inégalités de conditions de travail.
3. Analyser. Les inégalités de niveau de vie ou de travail suffisent-elles à expliquer ce type d'inégalités
sociales?
Les personnes les plus démunies n’ont pas le choix de leur logement. Elles prennent ce qu’elles sont en mesure de
payer : souvent des HLM dans des quartiers dits sensibles. On retrouve donc dans les zones sensibles une forte
homogénéité sociale (contraire de la mixité sociale) : des ménages démunis, souvent immigrés, plus souvent au
chômage et dans la précarité que la moyenne de la population.
Par ailleurs, les ménages plus favorisés (classes moyennes et SURTOUT classes dominantes) cherchent à éviter les
membres des classes populaires et à se rapprocher des quartiers composés principalement de ménages favorisés.
Stratégies d’évitement de toute mixité sociale. Culte de l’entre-soi. Phénomène de gentrification : éviction des ménages
populaires des quartiers autrefois qualifiés de « populaires » par les membres des classes moyennes; ceci en raison de la
hausse considérable des prix de l’immobilier. Voir Paris et proche banlieue.
D’après l’auteur c’est ce second phénomène qui explique principalement le phénomène de ségrégation spatiale.
2) Citez trois éléments permettant de stimuler l’attrait d’un quartier.
3) Expliquez le lien existant entre ségrégation spatiale et reproduction sociale. Montrez que les inégalités peuvent être
considérées comme cumulatives.
Ménages populaires vivent dans des logements moins spacieux et ont tendance à vivre dans des quartiers où la plupart
des individus sont membres des catégories populaires. Plusieurs effets sur la réussite scolaire.
Les conditions de travail pour les enfants de milieux populaires sont parfois problématiques (problème du
surpeuplement de certains logements et du manque de calme pour travailler sereinement). Surpeuplement - à
origine sociale égale - augmente d'environ 50% le risque d'échec à l'école.
Les jeunes de milieux populaires, du fait de la ségrégation spatiale, ont tendance à fréquenter dans leurs
quartiers des jeunes de même milieu social. Absence de mixité sociale ; or toutes les enquêtes montrent que la
mixité sociale joue positivement pour les élèves de milieux populaires que ce soit en termes d’ambition
scolaire (fréquentation d’élèves en réussite et à l’ambition élevée), qu’en termes d’acquisition de certaines
normes et valeurs qui favorisent la réussite scolaire. Au contraire, la ségrégation spatiale (qui est aussi une
ségrégation sociale) conduit les jeunes de milieux populaires à ne fréquenter que des jeunes de leur milieu, ce
qui peut constituer un obstacle à l’acquisition des dispositions nécessaires à la réussite scolaire (certains
groupes de pairs affublent les élèves en réussite (ou qui jouent le jeu de l’école) de vocables tels que
« bouffons » ou « intellos »). Norme de virilité dans les groupes de pairs masculins : un trop grand
investissement scolaire peut être perçu comme une plongée dans l’univers de la féminité.
Les élèves sont scolarisés en fonction de leur lieu d’habitation. Les élèves de milieux populaires sont donc
scolarisés dans des établissements (parfois en Zep) dont les élèves sont plus souvent en difficulté. Si l’on ajoute
que les familles de catégories favorisées sont expertes dans le détournement des règles de sectorisation et
donc que ces établissements sont souvent privés des meilleurs élèves du quartier, on comprend le rôle néfaste
que la ségrégation spatiale peut jouer sur la réussite scolaire des élèves de milieux populaires.
Ménages démunis quartiers sensibles Réussite des enfants plus difficile Difficulté d’insertion sur le marché du
travail et emploi faiblement qualifié Reproduction sociale.
Faire remarquer que l’on remarque une hiérarchie identique, quelle que soit la pratique, entre cadres, membres des
professions intermédiaires, employés, ouvriers.
1) Comment ont évolué les inégalités de pratiques culturelles entre 1973 et 2008 ?
Plutôt eu tendance à augmenter. La fréquentation des musées a eu plutôt tendance à baisser dans la plupart des
catégories, mais elle a augmenté chez mes cadres.
3. Les inégalités économiques n’expliquent pas en premier lieu les inégalités culturelles. Ce sont les habitudes
culturelles, l’éducation. Par exemple, les patrons ont un taux de non-fréquentation similaire à celui des
employés. Et les employés ont un taux de non-fréquentation inférieur à celui des ouvriers alors qu’ils ont le
même revenu.
1) Pourquoi Pierre Bourdieu a intitulé son ouvrage sur l’étude de la genèse du jugement de goût « La Distinction » ?
Les membres des classes dominantes ont un habitus qui les conduit à adopter des pratiques peu partagées, donc
distinctives. Leur habitus de classe est marqué par cette recherche inconsciente de la Distinction. Inconsciente car
l’individu qui adopte les pratiques les plus légitimes ne se dit pas : « je vais les adopter pour me distinguer ». Il les
adopte par goût, mais il n’a pas conscience que ce goût est construit socialement.
L’habitus des classes dominantes va les conduire à adopter les goûts et les pratiques considérés comme légitimes, mais
de manière inconsciente. Les biens qu’ils vont posséder et leurs pratiques vont donc les distinguer des pratiques et des
goûts des autres classes. Dans leur habitus est donc inscrite la volonté inconsciente de se démarquer, de se distinguer
des autres groupes pour affirmer la singularité de leur groupe et justifier en retour leur position dominante.
Quand on parle de la « Culture » ou de quelqu’un de « cultivé », on parle en fait de la culture légitime dominante (celle
des dominants).
2) Quels profits psychologiques les dominants tirent-ils de l’inégalité d’accès à la culture légitime ?
Le fait que la culture légitime dominante (donc la plus valorisée) soit celle des dominants conduit ceux-ci à penser qu’ils
sont dans le vrai « comme il faut », que leur existence vaut plus que celle des membres des groupes dominés. Profit
psychologique à adopter des pratiques distinctives, éloignées du « commun ».
A l’inverse, les dominés éprouvent un sentiment d’infériorité. « Je ne vaux pas grand-chose », « Je suis bête », « Je suis
ignorant », « Je suis inculte », « Je n'aime pas la grande musique ». Leurs pratiques sont parfois méprisées. On peut
penser à la figure du « beauf », c’est un « beauf » parce qu’il adopte telle ou telle pratique qui est illégitime aux yeux
des membres de la société, y compris d’une certaine manière par ceux qui les adoptent.
Essayez de retenir l’idée que le fait d’aimer ou de ne pas aimer ces activités ne présage en rien d’une qualité supérieure
de la personne et encore moins d’une qualité naturelle.
3) Montrez à partir de vos deux réponses précédentes que les différences de pratiques culturelles entre groupes
socioprofessionnels ne peuvent être considérées comme de simples différences.
Ces différences apportent des profits de distinction, donc des avantages symboliques (hiérarchie du prestige) ; on peut
donc bien parler d’inégalités et non de simples différences.
Inégalités scolaires
Document polycopié n°14
D’après Gaëlle Henri-Panabière, en 2010, en France, 17,6% des élèves dont les parents sont scolairement peu
dotés étaient en réussite.
D’après Gaëlle Henri-Panabière, en 2010, en France, 44% des élèves dont les parents sont scolairement bien
dotés étaient en réussite.
Lien important entre le niveau de diplôme des parents et la réussite des enfants. Nous développerons cette
question dans le chapitre sur la mobilité sociale.
3) Ce tableau permet-il d’affirmer que tous les enfants fortement dotés en capital culturel sont en réussite ?
que tous les enfants de milieux faiblement dotés en capital culturel sont en échec ?
Non. L’histoire de chaque élève est singulière et nous verrons que certaines familles de milieux populaires,
malgré leur faible capital culturel, parviennent à offrir un contexte de socialisation qui permet la réussite.
A l’inverse, le capital culturel ne se transmet pas automatiquement et ne garantit pas la réussite. Certaines
conditions doivent être réunies.
Document polycopié n°15
1) Quelle est la proportion d’enfants d’ouvriers parmi les enfants entrés en 6ème en 1995 ?
38%
2) Pourquoi peut-on dire que les enfants d’ouvriers sont sous-représentés parmi les inscrits en classes
préparatoires ?
8% parmi les inscrits en classes préparatoires contre 38% en 6ème, ils sont donc bien sous-représentés par
rapport à ce qu’ils devraient représenter si la réussite était indépendante de l’origine sociale.
3) Quelle est la proportion d’enfants d’ouvriers parmi les enfants entrés en 6ème en 1995 ?
16%
4) Pourquoi peut-on dire que les enfants d’ouvriers sont sous-représentés parmi les inscrits en classes
préparatoires ?
54% parmi les inscrits en classes préparatoires contre 16% en 6ème, ils sont donc bien sur-représentés par
rapport à ce qu’ils devraient représenter si la réussite était indépendante de l’origine sociale.
Il y a donc bien inégalité des chances de réussite scolaire liée à l’origine sociale.
3. Des inégalités qui font système et sont cumulatives
Document polycopié n°16 Des inégalités économiques et sociales qui se cumulent
A plusieurs reprises, cependant, nous avons eu l'occasion de relever entre ces différents aspects (des inégalités
entre catégories sociales) des relations étroites et complexes. Ainsi les inégalités de revenu disponible ne
peuvent qu'engendrer des inégalités de patrimoine ; inversement, ces dernières contribuent aux premiè res par
le biais des revenus patrimoniaux. De même, des inégalités de conditions de travail découlent des inégalités face
à la maladie et à la mort ; et les inégalités face au logement contribuent aux inégalités face à la santé et face à
l'école. Ou encore les inégalités de situation dans la division sociale du travail engendrent dans la descendance
des dispositions ou des capacités diverses face à la formation scolaire, qui se traduiront par des résultats
scolaires inégaux, débouchant sur des qualifications professionnelles inégales et des insertions inégales dans la
division sociale du travail, la boucle étant bouclée.
Ces quelques exemples suggèrent que les inégalités forment système. D'une part, elles s'engendrent les unes
les autres ; d'autre part, elles contribuent à former un processus cumulatif, au terme duquel les privilèges se
regroupent à l'un des pôles de l'échelle sociale tandis qu'à l'autre pôle se multiplient les handicaps ; enfin, elles
tendent à se reproduire dans le cours des générations.
Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Déchiffrer les inégalités, Syros, 1999.
1) Montrez à l’aide d’un exemple que les inégalités sociales peuvent engendrer des inégalités économiques.
Inégalités de réussite scolaire Inégalités de situation dans la division sociale du travail (travail peu qualifié et instable
/ travail qualifié et stable) Inégalités de revenus …
2) Montrez à l’aide d’un exemple que les inégalités économiques peuvent engendrer des inégalités sociales.
Inégalités économiques Inégalités de logement Inégalités de conditions de vie des élèves Inégalités de réussite
scolaire…
3) Complétez le schéma avec les expressions suivantes : emploi stable et qualifié, revenus élevés, revenus du patrimoine,
épargne, capital culture élevé, niveau de diplôme élevé, santé, logement et lieu de résidence privilégiés.
Origine sociale
favorisée
Constitution
d’un patrimoine
Capital culturel Niveau de Emploi stable et
élevé diplôme élevé qualifié Santé
Logement et
Revenus élevés
lieu de
Origine sociale résidence
favorisée privilégiés
Epargne
Constitution Revenus du
d’un patrimoine patrimoine
Inégalités cumulatives : les inégalités subies ne sont pas distribuées au hasard. Les inégalités dans différents domaines
ont tendance à se retrouver chez les mêmes ménages.
Bénéficiaires : hommes. Les hommes tirent des profits symboliques et matériels au fait d’être des hommes.
Opprimées : femmes. Il existe à l’inverse des coûts symboliques et matériels au fait d’être des femmes.
Le genre est un rapport social hiérarchisé. Non seulement la socialisation de genre construit des êtres
humains différents : les hommes et les femmes, mais aussi et surtout deux catégories dont les membres
occupent des places très différentes dans la hiérarchie fondée sur l’appropriation des biens matériels et des
biens symboliques (le prestige, la reconnaissance).
2) D’après le texte, pourquoi faut-il parler DU genre et pas DES genres ? Justifiez votre réponse.
LE genre est le rapport social, le système, le diviseur, qui divise et hiérarchise les sexes. Quand vous voulez désigner les
deux groupes, il est préférable de parler DES sexes et pas des genres.
3) Le genre structure fortement nos catégories de pensée notamment à partir de couples d’opposition
fondés sur l’opposition féminin/masculin. Pour chacun des couples présentés dans le document,
indiquez quelle est la valeur qui induit davantage de reconnaissance sociale dans la société actuelle.
Ces valeurs sont-elles le plus souvent associées au masculin ou au féminin ?
Le genre conduit donc à dévaloriser le féminin et donc par la même occasion les femmes et à valoriser le masculin et
donc les hommes. Valence différentielle des sexes.
Passage cours magistral sur la socialisation de genre après avoir demandé aux élèves ce qu’ils ont retenu de leurs cours de première sur le sujet.
Par socialisation de genre, on entend les processus par lesquels les individus assignés depuis leur naissance à une classe de sexe apprennent à se
comporter, à sentir et à penser selon les formes socialement associées à leur sexe et à « voir » le monde au prisme de la différence des sexes. A
l’instar de la socialisation de classe par exemple, il ne s’agit pas seulement d’un processus de différenciation : il s’agit aussi pour chaque individu
sexué d’apprendre à se situer et à situer les objets et les êtres qui l’entourent au sein d’une hiérarchie sociale et symbolique entre les hommes et
les femmes, entre le masculin et le féminin.
(…)
La socialisation se traduit par un processus très largement pratique et inconscient : toute la force de la socialisation est de transformer des
contraintes sociales en évidences « naturelles » ou en « choix » individuels. La socialisation de genre est moins un apprentissage d’idées qu’un
apprentissage pratique de gestes, de réflexes, de sentiments, de manière d’éprouver le monde et ses divisions. Il passe par des rituels, des jeux,
une certaine expérience de l’espace, plus que par l’application consciente et volontaire de normes explicites. (…) Si la contrainte sociale est
suffisamment bien intériorisée, elle n’est pas ressentie comme telle mais au contraire comme l’expression d’un caractère personnel (une fille qui
« adore » jouer à la poupée, un garçon qui est « passionné » par le foot) ou comme l’expression d’un déterminisme naturel (les filles seraient
naturellement plus « calmes », « douces », « délicates » et « disciplinées » que les garçons). (…)
Le genre s’élabore dans les interactions quotidiennes, il est « fait » et « refait » à chaque fois qu’une personne « sexuée » en rencontre une autre.
Socialisation de genre (ce qui est attendu des personnes des deux sexes est déterminé par l’ordre du genre) → identité de genre (= façon dont les
êtres humains pensent et ressentent leur identité individuelle au regard des deux sexes définis et construits par l’ordre du genre ; identité de
genre peut être totalement conforme au sexe = cisgenre ou transgresser l’ordre du genre lorsque l’identité de genre ne correspond pas
pleinement – voire pas du tout – au sexe) :
→ Généralisation de l’échographie : on connaît le sexe de l’enfant avant la naissance. Choix de la couleur des vêtements, papier peint de la
chambre, couleur des meubles, choix du prénom ; donc dès que l’enfant vient au monde, son univers est sexué. Cette sexuation des
univers enfantins est récente et s’est accentuée (avant enfants habillés de la même couleur, la généralisation du rose pour les filles est
récente, encore en 1943 rose/rouge pour les garçons et blanc/bleu pour les filles car couleur de la vierge).
→ Façon dont l’entourage de l’enfant (notamment les parents) tolère ou pas certains comportements, interprète différemment ces
comportements en fonction de leur sexe. Pleurs davantage tolérés chez les filles, censurés chez les garçons ; c’est l’inverse pour la
colère. Propreté et ordre davantage exigés des filles. Garçons davantage incités à la pratique sportive et plus des sports tournés vers la
performance et la compétition (hexis corporelle masculine avec exigences de force, de violence, de résistance physique). Exemple de la
danse, moyen d’incorporation d’une hexis corporelle féminine, apprentissage du contrôle et de la grâce. Renforcement différentiel : les
parents récompensent et encouragent davantage les comportements « masculins » chez les petits garçons et les comportements
« féminins » chez les petites filles. Opère par sélection a posteriori des conduites conformes plutôt que par injonction explicite ex ante.
Transgression davantage tolérée chez les filles, car peut permettre de se grandir socialement en adoptant les pratiques des dominants
(souvent des hommes).
→ Rôle des groupes de pairs. Notamment exigence de virilité dans les groupes de pairs masculins. Culture du sentiment dans les groupes
de pairs féminins.
→ Les enfants acquièrent par eux-mêmes des connaissances sur les rôles dévolus à chaque sexe à travers leur observation du monde
sexué (imitation des modèles parentaux notamment). Partage des rôles chez leurs parents notamment, pratiques, goûts de l’un et de
l’autre qui respectent eux-mêmes les lois du genre. Opposition des fonctions symboliques : autorité/maternage (au nom du lien
naturalisé avec l’enfant). Enfants capables très jeunes d’identifier les tâches dites « féminines » (ménage, cuisine, soin aux autres) et les
tâches dites « masculines » (lire le journal, descendre les poubelles, bricoler).
→ Ségrégation de genre : existence d’institutions qui séparent, trient et isolent les garçons des filles tout en rassemblant les garçons entre
eux et les filles entre elles. Cour d’école ou pause-café (observations montrent qu’une ségrégation s’opère), activités sportives
(vestiaires des filles et vestiaires des garçons), domaine professionnel (éducatrice de crèche et ouvriers du bâtiment). → Ségrégation
sexuée est un instrument central de la construction de rôles de sexe différenciés (et, en retour, la construction des rôles sexués
(re)produit ces espaces ségrégués). En favorisant, les sociabilités et interactions entre personnes du même sexe, elle contribue à
favoriser le développement, dans les deux classes de sexe, de « cultures » distinctes. Elle contribue par ailleurs à renforcer la croyance
dans la distinction naturelle entre les sexes (exemple des toilettes).
→ Le genre des objets et contenus culturels. « Agents périphériques de socialisation ». Vêtements. Jouets (opposition public/privé, engins
motorisés pour les garçons, « barbie, un jouet de fille…devant les autres garçons » : dans les enquêtes, il n’est pas rare que les garçons
disent aimer ce jouet, jouets de garçons favorisent la manipulation, la mobilité, l’invention et le goût de l’aventure, ceux des filles
davantage l’intérêt porté à soi et aux autres, séduction et maternité). Le genre dans les productions culturelles : albums, livres et
magazines (héros plus souvent masculins, personnages féminins souvent cantonnés à l’univers domestique et aux soins aux enfants,
rôles professionnels souvent uniquement masculins, ségrégation sexuée au-delà du marché du travail réel, le courage reste la valeur
fédératrice de l’identité masculine et seuls les personnages masculins secondaires ont droit aux larmes). Publicité : hommes toujours
plus grands que les femmes, femmes en position d’infériorité (genou fléchi, tête penchée, rêveuse, voire couchées, alors que les
hommes sont debout, forts, tiennent les femmes par l’épaule), deux tiers des personnes de parents sont des femmes. Asymétrie de
genre concernant la beauté des personnages de publicité : les mannequins femmes sont présentes dans tous les territoires et quand on
a un mannequin homme (rasoir, shampoing), ils ont aussi une activité active : plongeurs, entraîneurs sportifs, pilotes… Mangas (shojos
pour les filles / shonen pour les garçons).
Socialisation de genre conduit à une profonde intériorisation des « lois du genre » : cela permet à chaque individu d’inventer son propre rôle,
d’improviser son comportement et ses goûts, mais dans un cadre borné par les lois du genre.
Bordas Document 1 p.294
1. En 2008, dans un couple, les femmes s’occupent seules du repassage dans 80% des couples, de la
préparation des repas dans 71% des couples, etc.
2. L’arrivée d’un enfant renforce l’inégalité sexuelle des tâches domestiques puisqu’il est généralement admis
dans un couple que la femme doit davantage s’en occuper que l’homme. Elle peut même décider de réduire
son activité professionnelle (temps partiel), voire d’arrêter de travailler pour se consacrer à l’éducation de son
enfant. Cela n’est quasiment jamais le cas de l’homme.
A l’arrivée du troisième enfant, le taux d’activité chute à 42,8% pour les femmes et reste à 94,9% pour les hommes !
Explication de ces inégalités domestiques par les rapports de genre et notamment la socialisation de genre.
→ Ce que nous sommes en tant qu’homme et en tant que femme à l’âge adulte est une construction
sociale. Nous intérioriserons nos identités masculine et féminine, nos rôles sociaux, au cours du
processus de socialisation qui est différentielle. Les parents et la société dans son ensemble n’ont pas
les mêmes attentes vis-à-vis des garçons et des filles. Les enfants vont peu à peu se conformer à ce
que la société attend d’eux. On ne naît pas homme ou femme, on le devient (Simone de Beauvoir)
→ On offre par exemple des jeux d’imitation des tâches ménagères et de maternage aux petites filles.
Elles intériorisent donc l’idée que faire ces tâches sera partie intégrante de leur vie à l’âge adulte. Elles
sont préparées à accepter d’y consacrer une partie de leurs temps, alors que l’on n’y prépare pas les
garçons. Cette socialisation différentielle se fait aussi par l’imitation des modèles parentaux. On peut
penser aux contes pour enfants et aux histoires qu’on leur raconte qui comportent de multiples
stéréotypes sexués.
→ Par ailleurs, la socialisation des filles comporte des attentes concernant le soin, le rangement, l’ordre,
la propreté. Elles vont donc intérioriser des exigences de propreté et de rangement supérieures à
celles des hommes. Résultat : dans le couple, les interactions conduisent peu à peu à remettre en
place les inégalités de partage même lorsque les deux conjoints ont au départ un idéal égalitaire.
Lorsque les hommes repoussent le moment de ranger, de nettoyer un appartement, etc., les femmes
qui acceptent plus difficilement de vivre dans le désordre, vont parfois finir par les réaliser pour ne
pas avoir à attendre que leur mari s’en occupe.
→ Enfin pour ce qui concerne les tâches parentales, les stéréotypes laissent penser que la femme est
plus compétente, notamment lorsque les enfants sont en bas âge. C’est le fameux instinct maternel
que personne n’a pourtant démontré scientifiquement. Cette prétendue compétence supérieure des
femmes, si elle existe, relève d’une construction sociale et non d’un instinct. Il n’en demeure pas
moins qu’elle est très présente dans les esprits, ce qui conduit les femmes à passer plus de temps
auprès des enfants que les hommes.
→ Important : comme tous ces comportements relèvent d’une construction sociale, cela signifie qu’ils
peuvent être transformés. Ce qui est construit par la société peut être déconstruit.
4.
Puisque les femmes se consacrent davantage à la sphère privée que les hommes, il leur est plus difficile de
grimper dans la hiérarchie de l’entreprise (plafond de verre). → Ainsi, sur 100 dirigeants d’entreprise, 82,8 en
moyenne sont des femmes.
Les chefs d’entreprise et responsables des ressources humaines ont tendance à considérer qu’elles
s’investissent moins dans leurs tâches professionnelles (critères de présentéisme et nécessaire mobilité
géographique qui les conduit à discriminer les femmes pour l’accès aux promotions). Les hommes
parviennent à négocier cette disponibilité nécessaire à leur carrière avec leurs conjointes, c’est beaucoup
plus difficile pour les femmes de faire l’inverse (une femme qui rentre souvent tard du bureau et s’absente
certains week-ends sera perçue comme une « mauvaise mère »).
Idée que le genre est un principe structurant des organisations : critères du bon salarié, de la compétence
professionnelle, ne sont pas neutres ; il doit être totalement impliqué dans son travail et être totalement
disponible pour l’organisation (modèle de surinvestissement professionnel) : plus facile pour les hommes de
répondre à ce type de critères.
Il s’agit de l’une des explications de l’inégalité salariale de genre : dans le privé, le salaire moyen mensuel net
des hommes est 25 % plus élevé que celui des femmes.
On peut évoquer également les discriminations à l’embauche. Ayant en tête les contraintes sociales
domestiques des femmes, les recruteurs leur proposent davantage des emplois à temps partiel qu’aux
hommes : sur 100 salariées, 30,1 en moyenne sont à temps partiel (contre seulement 6,7 des salariés
hommes).
Enfin, il ne faut pas négliger l’intériorisation de ces inégalités par les femmes, ce qui peut les conduire à
réduire (inconsciemment) leurs ambitions.
Remarque : 27% des plus aisés ont recours à une assistante maternelle contre 7% des plus pauvres. Garde par un
parent inactif dans 33% des cas pour les plus pauvres et 3% pour les plus aisés. Ici l’inégalité de genre est renforcée par
l’inégalité de classe.
Conclusion : contraintes familiales ne s’exerce pas dans un vide organisationnel. Les effets du genre sont aussi présents
dans les organisations elles-mêmes. De plus, il y a une valorisation différentielle des métiers « féminins » et des métiers
« masculins ».
Voir diapo 39
Remarque : il ne s’agit pas de nier que les inégalités hommes/femmes ne se sont pas réduites. Conséquences du
mouvement féministe : le droit a évolué (contraception, avortement, condamnation du viol entre époux, lois sur
l’égalité salariale), la norme égalitaire s’est diffusée notamment dans les classes moyennes (les discours de justification
des inégalités hommes/femmes) ont décliné et les femmes ont massivement investi la sphère professionnelle et des
métiers qui leur étaient autrefois interdits, notamment dans des professions élevées dans la hiérarchie sociale.
4.2. Les inégalités entre classes d’âge
Document polycopié n°18 Le sacrifice des générations ?
« Les nouvelles générations de plus en plus diplômées sont, en même temps, de plus en plus en difficulté
face au marché du logement et aux conditions de stabilité dans le monde du travail. Chaque nouvelle
génération entrant dans le monde du travail fait face à une situation de précarité d'intensité croissante à des
niveaux de diplômes chaque fois plus élevés ! Pourtant, chaque fois, une promesse leur est offerte :
« Aujourd'hui, à 20, 25 ans vous connaissez des difficultés mais dans 10 ou 15 ans vous aurez rattrapé vos
retards de carrière! » Or, mon travail met en évidence le fait que ces promesses de rattrapage n'ont été que
très partiellement respectées au cours de ces 12 dernières années. [...]
L'un des éléments centraux de la consommation post moderne d'accès à la culture, ce sont les départs en
vacances. Dans les années 70, les voyages formaient la jeunesse. Plus vous étiez jeunes, plus les départs
étaient nombreux et lointains avec de longues nuitées hors du domicile. Aujourd'hui, la courbe des départs en
vacances est totalement transformée : les voyages forment la séniorité. Le point haut des départs en vacances
se situe lorsque l'on est propriétaire, que l'on a remboursé ses crédits, que l'on bénéficie d'une situation
salariale ou d'une retraite stabilisée... Les nouvelles générations, pour qui, les stages, les conditions d'emplois,
le remboursement du logement impliquent un certain nombre de soirées nouilles au beurre... devant la
télévision, ont considérablement perdu en termes de journées passées hors du domicile. Lorsqu'ils partent en
vacances, la plupart du temps, c'est dans la résidence secondaire de papa/maman.
« Le clivage des générations : une fracture qui s’amplifie et qui questionne les politiques de la jeunesse », Conférence
de Louis Chauvel, 12 mai 2011.
1. Quels sont les deux idées mises en évidence par Louis Chauvel dans le premier paragraphe?
Les nouvelles générations sont moins bien loties que leurs parents sur le marché du travail, alors
même qu’elles sont plus diplômées.
Le temps de rattrapage augmente.
Les inégalités de départ en vacances montrent que ce sont les séniors qui partent plus. Les parents
sont mieux lotis que leurs enfants. Les séniors actuels ont vécu l’essentiel de leurs carrières durant
une période beaucoup plus favorable que la période actuelle.
3. Quels aspects semblent indiquer que les générations nées après 1970 sont moins bien loties que les
précédentes ?
Inégalités sur le marché du travail, inégalités de consommation, inégalités d’accès au logement, les
générations nées après 1970 connaissent une situation dégradée par rapport à leurs parents.
5. Une comparaison internationale des niveaux d’inégalités
L’indice de Gini mesure le degré d’inégalité. Il se calcul à partir de la courbe de Lorenz. Il est compris entre 0
(égalité parfaite) et 1 et n’a pas d’unité (plus il est proche de 1, plus il y a d’inégalités).
Il s’obtient en faisant le calcul suivant : Aire comprise entre la courbe de Lorenz et la diagonale / aire du
triangle composé de la droite d’équirépartition et du coin droite.
1) Quelle évolution globale des inégalités dans les différents pays depuis la fin des Trente glorieuses laisse
entrevoir ce graphique ?
2) Quels sont les deux pays ayant le niveau d’inégalité le plus élevé ? ceux ayant le niveau d’inégalité le plus
faible ? où se situe la France ?
Communiqué de presse des trentenaires de l’UMP : "Si Vincent Peillon s’offusque du fait que l’enseignement
catholique diffuse des valeurs catholiques, poursuivent-ils, il devrait être d’autant plus choqué par le
sectarisme de certains manuels scolaires et de certains professeurs d’économie au lycée qui ont, pour leur part,
leur ancien testament marxiste, leur évangile par Keynes et par Bourdieu et leur croisade anti-entreprise et
anti-mondialisation". On voit que certains groupes d’intérêt dans la société semblent vouloir que soit
abandonnée toute réflexion sur la structuration de nos sociétés. Vous devez donc saisir la chance que vous
avez en SES de pouvoir réfléchir à ces questions de manière non dogmatique et sans écarter aucune position
en présence dans ce débat.
La société est composée de groupes qui ne sont pas simplement juxtaposés les uns à côté des autres, mais
hiérarchisés, c’est à dire que certains sont « en haut » de l’échelle, d’autres « en bas », certains « au-dessus »,
d’autres « en-dessous ». Cela signifie qu’il existe des inégalités économiques et sociales entre ces différents
groupes et qu’on peut classer ces groupes sur une échelle d’appréciation (stratification sociale). Si on associe
inégalités et stratification sociale, c’est tout simplement parce que l’existence de groupes hiérarchisés se voit
à travers les inégalités qui les caractérisent.
Marx et Engels (Manifeste du parti communiste en 1848) « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été
que l’histoire de luttes de classes ». Depuis, cette notion n’a cessé de diviser et d’opposer sociologues,
économistes, historiens, politistes. Les enjeux ne sont en effet pas seulement théoriques, mais comportent
une dimension politique. Les thèses des uns et des autres sur ce sujet expriment en partie leurs positions
politiques.
L’analyse en terme de classe sociale part du constat suivant : les sociétés contemporaines se présentent
toutes comme un regroupement d’ensembles à la fois segmentés, hiérarchisés et conflictuels. Ces sociétés
présentent des différenciations internes : tous leurs membres ne s’y ressemblent pas, ne présentent pas les
mêmes caractéristiques sociales, ne possèdent pas les mêmes attributs sociaux. Plus encore, il se forme à
l’intérieur de cette société des groupements d’individus partageant des manières de vivre, de faire, de penser
qui leur sont communes et qui les différencient d’autres groupements du même genre. (Alain Bihr, Les
rapports sociaux de classe).
Au cours de ce chapitre, on se demandera en quoi les différentes analyses de la stratification sociale sont
encore pertinentes pour analyser la différenciation sociale dans nos sociétés. Les classes sociales existent-elles
encore aujourd’hui ? Les ouvriers forment-ils encore une classe sociale ? Et la bourgeoisie ? Le processus de
moyennisation a-t-il rendu obsolète toute analyse en termes de classes sociales ?
Document polycopié n°22 Castes, ordres, classes
Les castes sont des groupes sociaux strictement délimités et strictement hiérarchisés selon un ordre de
dignité, de prestige ou de «pureté» reconnu et accepté par tous. Chaque individu naît dans une caste dont il
ne peut sortir, au sein de laquelle il devra se marier, et chacun sait à quelle caste il appartient. Le système de
castes repose sur des fondements religieux, par exemple en Inde sur le fait que certaines fonctions sont
sacrées, et d'autres impures. La caste définit le métier et les droits particuliers qui ne sont pas les mêmes
selon les différentes castes ; la caste définit aussi le degré de pouvoir auquel on peut prétendre.
Les trois états de l'Ancien Régime avaient des droits différents. Des fonctions étaient réservées à un état et
d'autres lui étaient interdites ; par exemple, un noble dérogeait s'il pratiquait certaines activités économiques.
De même, le clergé disposait de certains privilèges en matière d'impôts par exemple et avait aussi certains
droits. Il y avait définition de droit d'un groupe social avec ses privilèges, son autorité et aussi ses limites.
Enfin, le tiers état, comme son nom l'indique, c'était le reste, et chacun qui n'était ni noble, ni prêtre, était du
tiers. Ce qui caractérisait les états, c'était leur définition juridique : ils avaient une existence de droit.
Par opposition, on parle de classes lorsque la division de la société en groupes n'a pas d'existence légale. S'il
est écrit dans la Constitution que tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit, il n’y a donc plus de
différence entre ce qui est permis à un noble et à un bourgeois. Il n’y a plus que des différences de fait, liées
aux capacités individuelles. A quoi on répond qu’il y a quand même des groupes inégaux puisque le fils
d’ouvrier, dès sa naissance, a déjà un destin fort différent du destin d’un fils de bourgeois.
Henri Mendras, Eléments de sociologie, Armand Colin, Paris, 2003.
Castes et ordres ont en commun d’être des groupes fermés : on y naît, on y meurt (statut assigné à vie), on se
marie dans sa caste ou dans son « état ». Autres similitudes : l’appartenance de caste ou d’ordre commande des
fonctions définies et des droits différents (privilèges ou obligations) ; castes et ordres ont une existence officielle
(réglementation religieuse ou définition juridique).
Néanmoins, le système des ordres – du moins au 18ème siècle – est plus souple que le système des castes. En
particulier, des (riches) roturiers peuvent accéder à la noblesse par la grâce du roi, en occupant telle ou telle
charge royale.
3) « Tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit. » Cette formule signifie-t-elle que toute inégalité a
disparu suite à la révolution française ?
La Révolution française (cf. la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) et les constitutions post-
révolutionnaires proclament l’égalité civile et politique des individus quelle que soit leur condition économique et
sociale : égalité en droit, égalité devant la justice, droits de vote et d’éligibilité pour tous les citoyens (ces derniers
droits ne seront effectifs qu’en 1848 pour les hommes, en 1944 pour les femmes).
La Révolution française nous a donné l’égalité civile et politique, mais elle ne nous a pas donné l’égalité
économique et sociale. Avec l’avènement des sociétés démocratiques, l’égalité est inscrite dans le droit. On
aboutit donc à des sociétés égalitaires en droit. Cependant, nous avons vu que des inégalités de fait persistent ;
ces sociétés demeurent hiérarchisées.
Il n’y a plus d’aristocratie et de tiers-état, mais certains auteurs vont parler de bourgeoisie, de classe ouvrière,
d’autres de classes dominantes, de classes moyennes et de classes populaires.
4) Remplissez le tableau suivant avec les termes ou expressions suivants :
Différenciation religieuse – de droit - de fait – très forte – parfaite – forte - Inde traditionnelle – Ancien Régime - Profession, niveau d’instruction,
pouvoir, prestige – différenciation juridique – Sociétés modernes
Castes/ordres/classes :
→ Ordre = division politico-juridique ; hiérarchies = naissance + droit.
→ Classes : pas consacrées par le droit, hiérarchisation économique dans sociétés fondées sur l’égalité
civile et politique. Classe est une construction intellectuelle ordre : directement observable.
→ Caste : reproduction sociale héréditaire stricte, groupes sociaux hermétiques entre eux dont certains
se caractérisent par la répulsion qu’ils produisent. ordres : pas parfaitement étanches et ne se
reproduisent pas forcément selon un principe héréditaire.
1. Les analyses fondatrices de la stratification sociale et leurs
prolongements contemporains
1.1. L’analyse de Marx : les classes sociales sont tout !
Eléments biographiques :
Karl MARX (1818 – 1883)
Philosophe, économiste, sociologue allemand dont l’œuvre a marqué l’histoire de la pensée économique par
l’analyse critique qu’il fait du capitalisme.
Contextualisation
Marx (1818-1883) écrit dans un contexte particulier : il observe les mutations de l'organisation de la production
notamment en Angleterre. Il est frappé par une contradiction entre l'organisation industrielle gage d'efficacité
donc de progrès et la grande misère de la classe ouvrière.
Son analyse du capitalisme l’amène à une critique radicale de ce système et à un engagement dans le combat
politique contre le capitalisme.
Qu’est-ce qu’une
classe sociale A la fois une classe en soi et une classe pour soi.
« réelle »
Par la lutte des classes. C’est dans la lutte que les acteurs prennent conscience de leur
Comment
appartenance à une même classe.
adviennent les
Les défaites comme les victoires cimentent le groupe, lui donnent conscience de lui-
« classes réelles »
même, l’instituent en agent historique.
Voir diapo 40
Conscience de classe
Classe en soi et identité collective Classe pour soi Lutte des classes
Organisation politique
Remarque : à long terme, le développement progressif des rapports capitalistes voue ces groupes au déclin
inéluctable. Telle est la « loi de bipolarisation » selon laquelle la structure sociale s’achemine vers une forme
simple dans laquelle ne subsisteraient pratiquement que des représentants du capital et la masse du salariat.
Théorie de l’exploitation
Pour Marx, la valeur d’échange d’une marchandise (son prix) est égale aux heures de travail qui ont servi à la
produire.
Exemple : si une chaise nécessite 10 heures de travail et qu’une table nécessite 20 heures, combien vaut une table ?
(deux chaises).
Comment est créée cette valeur ? Pourquoi Marx parle d’exploitation des ouvriers ?
Pour Marx, la valeur d’une marchandise ne provient que du travail car les machines et les matières premières ont été
produites à partir du travail.
Pour Marx, la force de travail (à la fois les capacités physiques et intellectuelles que l’homme engage lorsqu’il
produit) d’un homme est une marchandise comme les autres. C’est cette « puissance de travail » que le capitaliste
achète sur le marché.
La valeur de la force de travail est donc égale à la quantité d’heures de travail nécessaire à sa production. Puisque
produire la force de travail, c’est, pour le travailleur, consommer les biens indispensables à son existence, il s’ensuit
immédiatement que la valeur de la force de travail est égale au temps de travail nécessaire à la production des
marchandises qui assurent sa reproduction, c’est-à-dire aux moyens de subsistance (nourriture, vêtements, logement)
nécessaires à un ouvrier pour être à nouveau en état de travailler chaque jour. Le travail est une dépense d’énergie
intellectuelle et physique et cette énergie doit être reconstituée. La valeur de la force de travail est donc la valeur des
biens qui permettent cette reconstitution. De plus, ce sont les générations des travailleurs qui doivent être reproduites,
ce qui implique la prise en compte des dépenses d’éducation par exemple.
L’invalidation en disant que les ouvriers actuels gagnent plus que ce qui est juste nécessaire pour reproduire leur force
de travail n’est pas convaincante. En effet, Marx prévoyait que les conditions de vie dans une société allaient évoluer
avec celle-ci et que donc le niveau de vie des ouvriers allait aussi s’accroître ; mais pour lui ils continueraient d’être
rémunérés en dessous de ce qu’ils rapportent à l’entreprise. L’expression « moyens de subsistance » est une notion
relative au contexte de chaque société.
Mais le capitaliste, en achetant la force de travail, a acquis le droit de se servir de cette force, de la faire travailler
pendant toute la journée ou toute la semaine ; en achetant la force de travail de l’ouvrier, il a acquis le droit de
l’utiliser comme bon lui semble. En effet, la force de travail est une marchandise comme les autres ; or, lorsque vous
avez acheté une marchandise, vous avez acquis le droit de l’utiliser autant que vous le voulez.
Donc le capitaliste rémunérera le salarié avec un salaire représentant par exemple 6 heures de travail journalier alors
que celui-ci aura produit pendant 10 heures par jour. Il y a donc un sur-travail qui n’est pas rémunéré, il est volé au
salarié.
Pendant ces 4 heures non payées, le salarié crée de la valeur qui est approprié par le capitaliste. C’est ce que Marx
appelle la plus-value. Le capitaliste a alors volé 4 heures de travail par jour à l’ouvrier ; c’est en ce sens que Marx parle
d’exploitation. Les prolétaires produisent plus de valeur que ce qu’ils reçoivent comme salaire. En fait, les capitalistes
s’approprient la valeur créée par les ouvriers (d’où le terme d’exploitation).
La force de travail est la seule marchandise qui a cette propriété de créer plus de valeur qu’elle n’en coûte.
C’est parce que le capitaliste a acheté cette force de travail, qu’il peut s’approprier la valeur créée par elle. De plus, le
capitaliste possède la matière première et les moyens de production, et l’ouvrier transmet de la valeur à un objet qui
appartient au capitaliste.
Pour Marx, seul le travail crée de la valeur, le capital ne crée pas de valeur. En effet, le capital ne s’est constitué qu’à
partir d’une appropriation antérieure de plus-value par les capitalistes, à partir d’une partie du produit de la classe
laborieuse qui lui a été volée au cours de périodes antérieures.
Parce qu’ils n’ont que leur travail pour vivre (ils ne possèdent pas les moyens de production) et ne possèdent pas
non plus les moyens de subsistance. A la fin de sa journée de travail, l’ouvrier se trouve tout autant démuni qu’au
début, il est contraint de recommencer l’échange de sa force de travail contre les moyens de subsistance indispensables
à lui-même et à sa famille.
De plus, les ouvriers se font concurrence et si une partie d’entre eux accepte l’exploitation, les autres sont contraints
de l’accepter sous peine de mourir de faim. D’où l’importance pour les capitalistes de disposer d’une armée de
chômeurs, que Marx appelle l’armée de réserve, prêts à remplacer les ouvriers récalcitrants. Enfin, une autre raison de
l’acceptation de l’exploitation : l’illusion propre au capitalisme et à l’utilisation de la monnaie pour payer les salaires de
croire que c’est le temps de travail qui est payé alors que c’est le droit d’utiliser la force de travail.
Cette situation permet aux propriétaires des moyens de production d’accumuler du capital, c’est-à-dire d’acquérir de
nouveaux moyens de production (accumulation du capital).
Voilà pourquoi la fin de l’exploitation nécessite la fin du rapport de production capitaliste, (caractérisé par le fait
que les moyens de production sont possédés par les capitalistes qui peuvent donc exploiter les ouvriers) donc la fin du
capitalisme. Les rapports sociaux de production capitalistes sont donc fondamentalement des rapports de domination
d’une classe par une autre.
Marx théorise une grande crise du capitalisme (baisse tendancielle du taux de profit et crise de surproduction) et
une Révolution qui permettra aux prolétaires de s’approprier collectivement les moyens de production. Voir schéma du
document 4 p.185.
Pour Marx, l’histoire, c’est l’histoire de la lutte des classes.
1.2. L’analyse wébérienne : les classes sociales sont quelque chose !
Les classes sociales existent bien, mais toute la différenciation sociale ne peut se réduire à celles-ci.
2) Quelle est la différence fondamentale entre l’approche de la stratification sociale de Weber et celle de Marx ?
Ces trois dimensions étaient réunies dans la classe sociale chez Marx alors que ces trois ordres de hiérarchies
peuvent se recouper chez Weber (l’ordre politique est ainsi fréquemment lié aux deux autres ordres, les membres
de l’élite économique sont souvent au sommet de l’échelle politique et statutaire), mais ne se recouvrent pas
nécessairement. On peut se trouver tout en haut dans une échelle et plus bas dans une autre. Trois sphères
d’activité sociale conduisant à l’établissement, chacune, d’une hiérarchie spécifique. Chaque ordre a une certaine
autonomie par rapport aux deux autres.
3) A partir document 3 p. 187 du manuel, expliquez comment se caractérise un style de vie chez Weber.
Un groupe de statut est un groupe social dont les membres partagent un même style de vie et un même niveau de
prestige social qui lui est associé, indépendamment de leurs ressources économiques.
Le « style de vie », ou « mode de vie », peut se voir dans le quartier habité ou la fréquence et le mode des relations
sociales. Par exemple, la consommation, et plus particulièrement les consommations ostentatoires sont une façon
de se distinguer. Chaque style de vie jouit d’un certain prestige et les individus qui partagent ce style de vie
forment un groupe de statut.
Condition = (prestige) = privilège négatif ou positif de considération sociale revendiqué de façon efficace. Fondée
sur :
1. Mode de vie.
2. Type d’instruction formelle et possession des formes de vie correspondantes.
3. Prestige de la naissance ou de la profession.
Le partage d’une même condition peut déboucher sur l’appartenance à un ordre (« stand ») entendu comme
un groupe statutaire : pluralité d’individus qui se caractérisent par une considération particulière et
éventuellement un monopole particulier à leur condition. L’appartenance à un ordre débouche sur un même
style de vie.
4) Complétez le schéma suivant avec les mots ou expressions suivants : politique, économique, social, prestige,
pouvoir, richesse, partis politiques, groupes de statut, classes sociales.
+ + +
Hiérarchie Hiérarchie Hiérarchie
selon la selon le selon le
richesse prestige pouvoir
- -
-
5) Remplissez le tableau ci-dessous permettant de comparer les analyses de la stratification sociale de Marx et
Weber.
Points communs Différences
→ Domination de certains groupes qui se situent → Pas nécessairement de conscience de classe
en haut de la hiérarchie sociale. Chez Weber, chez Weber pour définir une classe sociale.
les groupes statutaires mettent en œuvre une
distinction qui participe à un processus global → Réalisme / nominalisme
de domination, y compris économique.
→ MARX Situation économique = unique critère
→ Une définition proche des critères objectifs de différenciation sociale.
permettant de parler de classes sociales. → WEBER Situation économique : un critère de
différenciation sociale parmi d’autres.
1.3. Un prolongement contemporain des analyses de Marx et Weber : l’espace
social représenté par Pierre Bourdieu
Bourdieu (1930-2002)
Bourdieu a développé une sociologie critique destinée à mettre au jour les mécanismes de domination à
l’œuvre au sein de nos sociétés, ces mécanismes fonctionnant d’autant mieux qu’ils restent cachés.
Le rôle des intellectuels, et en particulier de la sociologie, est selon Bourdieu de mettre en évidence ces
mécanismes cachés, de débusquer les discours faussement scientifiques (critique du rôle des sondages et de
l’usage d’un certain économisme).
Comme toute science, la sociologie doit dévoiler, mettre au regard de tous ce qui est caché. Il ne faut voir
aucun fatalisme lorsque la sociologie nous permet de découvrir des mécanismes extrêmement puissants qui
permettent à la domination de se reproduire. Il y a bien fallu découvrir la loi de la gravité pour arriver à la
maîtriser et faire voler des avions. Il est donc nécessaire de connaître les mécanismes qui font la pesanteur du
social pour se libérer quelque peu du déterminisme.
On a souvent reproché à Bourdieu de donner une image « surdéterminée » de l’homme qui conduirait à
une sorte de fatalisme rendant illusoire toute forme d’action politique. Bourdieu a au contraire montré que
loin de conduire à un « pessimisme désenchanteur », la connaissance sociologique crée les conditions d’une
transformation de la société. Il faut progresser dans la connaissance de la nécessité pour progresser dans la
liberté possible.
C’est une chance d’étudier Bourdieu, c’est difficile, mais cela en vaut la peine !
Marx a souligné l’importance des données économiques et sociales (place dans la production, rapport à la propriété des
moyens de production, part dans la richesse issue de la production) pour comprendre l’organisation de la société et le
positionnement des individus à l’intérieur des groupes sociaux structurant cette société. Bourdieu ne nie pas
l’importance de ce qu’il appelle le capital économique (patrimoine et revenu).
On peut ajouter la mise en évidence de rapports d’exploitation (rapports de domination chez Bourdieu) d’une partie de
la population par une autre.
2) Qu’est-ce qui distingue l’analyse de Bourdieu de celle de Marx et le rapprocherait de la théorie de Weber ?
Bourdieu se rapproche de Weber car il considère comme lui que la stratification sociale ne s’organise pas uniquement
autour de la distribution du capital économique. La stratification est pluridimensionnelle (hiérarchie économique, mais
aussi hiérarchie du savoir).
On verra également que l’on retrouve chez Bourdieu le concept de légitimité et que sa vision des classes est plutôt
nominaliste.
3) Expliquez aujourd’hui quel est le facteur déterminant de la reproduction sociale d’après Pierre Bourdieu.
Pour Marx, c’est essentiellement dans l’ordre économique et dans l’appropriation des richesses produites
par une classe particulière qu’il faut rechercher la domination.
Bourdieu revient sur l’économisme de l’analyse marxiste qui ramène tout au rapport de production et avec
l’objectivisme qui oublie les luttes symboliques.
A l’époque de Marx, le capital économique était prépondérant. La société s’étant complexifiée, il faut définir
de nouveaux concepts permettant de rendre compte des mécanismes qui conduisent à la reproduction des
inégalités. Importance du diplôme dans les sociétés contemporaines, donc de la forme de capital qui permet
le mieux de rendre compte de ces inégalités, à savoir le capital culturel.
Bourdieu a ajouté le capital culturel dont la possession est un élément essentiel de différenciation entre les
individus et les groupes sociaux dans les sociétés contemporaines. Capital car ressource rare inégalement
distribuée, donc donne des profits de rareté, notamment l’accès à des positions économiques privilégiés,
mais aussi du prestige et éventuellement du pouvoir.
Capital social : relations, connaissances de différents milieux (exemple typique des parents qui trouvent un
emploi ou un logement à leurs enfants grâce à leurs relations, le fameux piston). Réseau de relations utiles.
Capital symbolique : réputation et prestige personnel. Confère une légitimité à la possession des autres
formes de capitaux, notamment le capital économique.
1.3.2. Analyse de l’espace social, pratiques culturelles et habitus
A priori, s’intéresser aux goûts des individus en matière de cinéma ou de musique semble un peu farfelu pour
qui veut étudier la hiérarchie sociale et la domination. Et pourtant…
Bourdieu s’attaque dans La Distinction non seulement aux logiques de différenciation sociale dans les
pratiques culturelles, aux mécanismes sociaux de construction du jugement, mais aussi à l’usage social de
ce jugement.
Fonction sociale de la culture légitime dominante dans une société hiérarchisée. Les dominants ne peuvent se
maintenir par la force dans une société démocratique, ils doivent légitimer leur position, en obtenant
l’acceptation par les dominés de la hiérarchie sociale telle qu’elle est. Les systèmes de goût et les pratiques
culturelles participent fondamentalement à la reproduction des rapports de domination
1. L’axe vertical, ensemble des ressources des agents, va du plus au moins ; sous ce rapport, les catégories
sociales sont classées selon une échelle décroissante du volume de ces ressources. L’espace social mis en
évidence ici est donc une représentation de la hiérarchie sociale. Les groupes qui se situent en haut du
graphique occupent les positions dominantes. Les distances spatiales sur le papier sont aussi des distances
sociales !
Remarque : La vision qu’a Bourdieu des classes sociales est plutôt nominaliste. Les membres de profession
proches dans l’espace social ont des choses en commun, ce qui l’amène à distinguer trois classes : la classe
dominante, les classes moyennes, les classes populaires. Mais c’est le chercheur qui a construit ces trois
catégories, elles n’existent pas nécessairement dans la réalité comme acteur collectif ayant une conscience de
classe. Leurs membres ont des intérêts communs, mais pour que ces classes existent réellement, il faut les
construire politiquement.
2.
→ Il existe une corrélation entre la place occupée dans la hiérarchie sociale et le style de vie. Les goûts et
les attitudes sont caractéristiques d’une position sociale.
Le capital global (axe vertical) permet d’observer des pratiques différentes mais, à capital économique
identique, on constate aussi des différences en fonction du capital culturel.
L’axe horizontal représente la structure des ressources (poids relatif du capital économique et du capital
culturel) ; il met en évidence des différences de composition des ressources ; dans ce cas, excluant le
classement croissant ou décroissant selon une échelle. Donc différenciation interne au sein des classes
sociales.
Deux principes de différenciation à l’œuvre : capital économique et capital culturel : les agents ont d’autant
plus en commun qu’ils sont proches dans ces deux dimensions et d’autant moins qu’ils sont plus éloignés.
Deux groupes éloignés sur le papier ont peu de choses en commun.
Il y a de plus d’après Bourdieu une cohérence dans les pratiques culturelles des individus dans les différents
domaines (musique, cinéma, lecture, visite ou pas de musées, intérêt ou pas pour les spectacles sportifs,
programmes télévisuels choisis…).
Tel individu aimera la chanteuse Jennifer, les films avec Christian Clavier, lit peu et surtout des romans
policiers… Apparemment ces différentes pratiques n’ont pas de lien. Mais le sociologue met en évidence le
lien qui unit ces pratiques et ce lien c’est l’habitus qui résulte de l’histoire sociale de l’individu et de sa
position dans l’espace social. A chaque situation (choisir un artiste, un film, lire ou pas…), l’habitus va produire
des réponses et ces réponses auront une cohérence.
Tel autre individu aimera lui le jazz, les films de Woody Allen, lira beaucoup et surtout des ouvrages de
sociologie.
→ L’habitus permet d’expliquer le lien entre position dans l’espace social et pratiques culturelles.
La sociologie de Pierre Bourdieu s’est bâtie contre l’idéologie du don de nature ou du goût naturel. Face à
ceux qui pensaient (et pensent parfois encore) que la sensibilité culturelle ou esthétique est une chose innée
ou en tout cas inéducable, la théorie de la légitimité culturelle s’est attachée à montrer qu’il existe une
correspondance statistique entre la hiérarchie des arts (ou des genres) et la hiérarchie sociale/scolaire des
consommateurs ou des publics.
Bourdieu s’attaque aux idées communes : « les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas ! » ou « tous les
goûts sont dans la nature » ; et bien si cela se discute ! et non ils ne sont pas du tout dans la nature !
Il s’intéresse aux mécanismes sociaux de construction du jugement.
Habitus : ensemble des dispositions, des schèmes de perception et d’action incorporés au cours de la
socialisation primaire et qui reflètent les caractéristiques sociales de son environnement d’origine
Voilà ce qu’en disait Bourdieu dans un entretien : « Les jugements de goût sont à la fois quelque chose de
très superficiel et de très profond à travers lesquels les gens révèlent ce que j’appelle un habitus. C’est un
grand mot pour dire quelque chose que je crois très complexe, c’est-à-dire une espèce de petite machine
génératrice qui engendre des foules de réponses à des foules de situations – des réponses qui
apparemment n’ont aucun lien entre elles et qui, du point de vue du sociologue, en ont un, parce que le
sociologue reconstruit cette petite machine à partir de laquelle les gens se prononcent. Ce qui fait que la
sociologie enseigne que, dans ces jugements naïfs, imprudents, ils livrent beaucoup d’eux-mêmes. »
L’identité sociale du sujet de goût tient au moins autant à l’adhésion positive aux préférences de son milieu,
pour laquelle il est en quelque sorte programmé par ses dispositions, qu’au dégoût exprimé pour les
préférences attribuées aux autres groupes sociaux.
A travers nos goûts, nos attitudes et nos pratiques culturelles (ces décisions qui paraissent anodines), c’est
toute notre histoire sociale et notre place dans la structure sociale qui s’exprime.
L’habitus offre plutôt des tendances, un espace de réponses possibles à une situation, au regard de notre
position dans l’espace social.
L’habitus offre une certaine marge de liberté mais dans un espace borné, un individu ouvrier issu d’un milieu
ouvrier qui a fait des études courtes et vit en couple avec une ouvrière pourra aimer au cinéma aller voir des
films comiques, d’actions, des films d’horreur… (il a donc une marge importante de liberté)… Par contre, il a
très peu de chances d’aller voir un film d’auteur asiatique.
→ Habitus de classe.
Il existe autant d’habitus individuels que d’individus car il est exclu que tous les membres de la même classe
(ou même deux d’entre eux) aient fait les mêmes expériences et dans le même ordre. Donc habitus
individuels. Mais des individus proches dans l’espace social auront de fortes chances d’avoir un habitus
proche. Ainsi Pierre Bourdieu affirme que l’on peut repérer des classes d’habitus individuels (des habitus
individuels très proches les uns des autres) à tel point que l’on peut parler d’habitus de classe.
Habitus de la classe dominante : aisance face à la culture dominante et volonté de distinction par adoption
des pratiques les plus légitimes. Les pratiques culturelles des classes à fort capital culturel s’affirment comme
indépendantes de toute fonction. Il ne s’agit plus de se divertir ou de se reposer mais de se cultiver : acquérir
des connaissances pour le seul plaisir de les acquérir.
Habitus des classes moyennes : bonne volonté culturelle (cherchent à adopter les pratiques dominantes mais
ne disposent pas des codes culturels pour y parvenir avec autant d’aisance que les dominants).
Habitus de classe des classes populaires : goût du nécessaire. Les pratiques culturelles dans les classes les plus
démunies de capital scolaire se définissent donc essentiellement par leur fonction de divertissement et de
repos par rapport à la contrainte du travail. On observe aussi une prééminence de la fonction sur la forme. Un
meuble sera préféré à un autre pour sa robustesse, un appartement pour son côté pratique, de même qu’un
vêtement. Ce qui est transmis par la famille représente plus que des connaissances : des dispositions envers la
connaissance. Dans les classes populaires, ces dispositions envers la connaissance révèlent un sentiment
d’indignité (ce n’est pas pour nous, ce n’est pas accessible), d’où une auto-exclusion des pratiques les plus
légitimes.
3. Idée de violence symbolique (qui conduit à légitimer la domination), de domination. Certaines pratiques
sont plus légitimes que d’autres car associées aux catégories sociales qui ont le plus de prestige. De plus,
violence symbolique liée au niveau de diplôme.
Entre ces classes le conflit n’est pas une nécessité mais il existe bien des rapports de domination et des
luttes, notamment pour le contrôle du capital culturel, enjeu majeur selon Bourdieu. Les classes dominantes
cherchent ainsi à imposer leur modèle culturel et leur vision du monde aux autres classes par le biais de
pratiques de distinction, pour cela elles doivent contrôler les institutions productrices de légitimité comme
l’école ou l’État. Il y a donc chez elles une stratégie consciente de reproduction. Bourdieu tente de dépasser
l’opposition entre classes réelles et constructions du sociologue, qui distingue le réalisme marxien du
nominalisme wébérien, en proposant la notion de « classes virtuelles ».
Celles-ci, construites par le sociologue peuvent néanmoins prendre corps à travers un processus de
mobilisation et de représentation, ce qui semble être observable pour la classe dominante. En ce sens, la
définition des classes elle-même est perçue comme un enjeu dans la lutte que se livrent les classes.
L’adoption de certaines pratiques par les membres des classes dominantes apparaît innée, naturelle, presque
génétique ! En effet, les individus n’ont pas conscience du fait que leurs pratiques sont le produit de leur
habitus lui-même structuré par leur histoire sociale et leur place dans l’espace social.
Questions à se poser pour débattre de la question de la pertinence des analyses en termes de classe sociale. Possibilité
de partir de la définition de Chauvel :
Classes =
→ Catégories inégalement positionnées et dotées dans le système productif. Possibilité de mobiliser soit
Marx (place dans les rapports sociaux de production), soit Weber (situation économique et sociale
différente (voir partie 1 avec panorama des inégaliés ; version moins exigeante).
→ Identité de classe :
Identité temporelle (stabilité et reproduction du groupe, homogamie). Voir chapitre 5 sur la
mobilité sociale.
Identité culturelle (partage de références symboliques et de modes de vie permettant une
inter-reconnaissance). Possibilité de faire référence à Bourdieu et à ses analyses de la
domination symbolique.
Identité collective (capacité à agir collectivement pour défendre ses intérêts). Marx.
1. La PCS n° 6 n’est plus la première PCS en France, on constate une montée des catégories les plus qualifiées
et du secteur des services.
Le groupe ouvrier a ainsi perdu les figures de proue qui le structuraient socialement et symboliquement : les
mineurs ont disparu depuis longtemps, plus récemment les sidérurgistes, les métallurgistes, les travailleurs de
l’automobile aux effectifs fortement réduits, n’ont plus la place centrale qu’ils occupaient dans les années
1960. Même les catégories ouvrières de certains grands services (les cheminots) n’échappent pas au
rétrécissement de leurs rangs.
2. La tertiarisation de l’économie et la montée de la qualification expliquent ces évolutions.
3. Ces évolutions entraînent une moindre visibilité de la classe ouvrière en France, une importance numérique
plus forte de catégories sociales à l’identité moins forte. Ces transformations ont conduit une partie des
sociologues à en conclure que l’analyse en termes de classes sociales n’était plus pertinente pour comprendre
notre société.
L’idée est que si la classe moyenne regroupe une majorité de la population, l’analyse en termes de classes
sociales en lutte (perspective marxiste) perd de sa pertinence.
Mais d’autres sociologues soulignent que les classes populaires (ouvriers + employés) regroupent encore près
de 50% de la population active et que leur situation dans l’univers professionnel demeure dominée.
Document polycopié n°24 Vers une grande classe moyenne
Plusieurs arguments tentent de valider cette hypothèse de la moyennisation. En termes de modes de vie : la
réduction de l'éventail des revenus, le rapprochement des structures de consommation des ménages, la diffusion rapide
des nouveaux biens et services dans la population. En termes d'attitudes : la similitude de l'évolution des
comportements en matière de conjugalité, de modèles familiaux ; la « privatisation » du mode de vie des classes
populaires et inversement, la moindre prégnance des rituels bourgeois dans les classes moyennes ; la scolarisation de
masse et ses effets (hausse du niveau d'instruction, condition juvénile, flux de mobilité). (…) Ce phénomène de long
terme aurait une double incidence : un glissement vers le haut (« up-grading » dans la terminologie des sociologues
anglo-saxons) ou encore une amélioration du « statut social moyen » (O. Galland et Y. Lemel, La nouvelle société
française, 1998) ; une segmentation plus fine et plus complexe du corps social autorisant davantage de fluidité et de
circulation (rôle d'interface des professions intermédiaires).
Serge Bosc, Stratification et classes sociales, © Armand Colin, 2004.
1) Recensez les facteurs économiques, mais aussi sociaux, qui conduisent à un effacement des frontières entre
classes sociales.
Tendance séculaire à la réduction des inégalités, notamment durant la deuxième moitié des Trente
glorieuses. Développement d’une consommation de masse et de la protection sociale. Accès aux
standards de confort du logement. Plein-emploi. Rapprochement entre groupes sociaux au niveau
économique (embourgeoisement des ouvriers). La moyennisation signifie ici que la classe moyenne
deviendrait le groupe majoritaire dans la société par réduction des inégalités économiques entre les
groupes extrêmes. Voir aussi partie 1.
Moyennisation culturelle : rapprochement des modèles familiaux, repli sur la sphère privée.
Affaiblissement des rituels bourgeois dans les classes moyennes. Développement du libéralisme
culturel porté par mai 68 et les années 70. Diffusion des modèles culturels forgés dans les couches
moyennes. Homogénéisation progressive des comportements, des pratiques et des styles de vie (il y
aurait, avec la montée de l'individualisme, un desserrement des liens entre les conduites et les
appartenances sociales).
Démocratisation quantitative et scolarisation de masse. En 1975, parmi les personnes sorties de
l’école depuis moins de 5 ans, il y avait 4 fois plus de non diplômés que de diplômés du supérieur. En
2008, il y a trois fois plus de diplômés du supérieur que de non diplômés. La croyance en l’école se
généralise dans toutes les catégories sociales.
Les frontières entre d’éventuelles classes sociales seraient donc beaucoup moins marquées à tel point que
certains parlent de fin des classes sociales.
1. Les approches « stratificationnistes » sont « nominalistes » : les sociologues ou les statisticiens distinguent
plus ou moins arbitrairement des couches (strates) dans une échelle continue de positions.
Plutôt inspirées par l’analyse de Weber.
2. Ces approches sous-entendent une conception de la société sans lutte des classes, où les différences entre
strates sociales sont quantitatives mais non qualitatives. Les strates s’empilent (allant des groupes d’individus
ayant les situations les plus enviables en termes de revenus ou de prestige vers les moins enviables, mais on
peut facilement passer d’une strate à une autre. Entre ces couches ou strates, il y a de simples différences de
degré (du plus au moins), mais aucune différence de nature, de simples différences quantitatives, mais non
qualitatives. Dans cette perspective, on se trouve davantage devant des luttes de places que des luttes de
classes.
3.1.2. Un affaiblissement de la conscience de classe dans les catégories populaires
(une destructuration du monde populaire)
Les ouvriers ont pour une bonne part perdu cet espoir de faire évoluer leur situation collectivement. Comme
faire évoluer leur situation individuellement est peu probable et qu’elle a plutôt tendance à se dégrader,
tendance à s’en prendre aux fractions les plus précarisées et en difficulté : les immigrés, les chômeurs de
longue durée (qualifiés d’ « assistés »).
2) Pourquoi les auteurs parlent-ils d’une « honte » qui se serait emparée des milieux populaires ?
Les ouvriers aspirent aux mêmes modes de vie que les classes moyennes. Sur le plan scolaire, il y a une
aspiration à la réussite et beaucoup moins de comportements d'auto-exclusion. Uniformisation de la
consommation, moyennisation, embourgeoisement des ouvriers.
Elévation de la qualification personnelle des ouvriers, ils exercent souvent un emploi dont la qualification est
inférieure à celle qu’ils possèdent. Ce niveau de diplôme plus élevé les rapprocherait des membres des autres
groupes.
Sur de nombreux plans, les jeunes issus de parents ouvriers ne reproduiront plus la culture de leurs parents,
la culture ouvrière. Dévalorisation de la condition ouvrière, les jeunes ne s’identifient plus aux modèles de
leurs parents.
Dans ces conditions il est difficile de parler encore de classe ouvrière. Stéphane Beaud et Michel Pialoux
préfèrent parler de condition ouvrière pour montrer qu'il reste des situations spécifiques, une « classe sur le
papier », mais la diminution de la conscience de classe ne permet plus de véritablement parler de « classe
mobilisée ».
Une certaine baisse de la syndicalisation et de la conflictualité (en tout cas sous ses formes traditionnelles)
dans les entreprises.
La fierté d'être ouvrier a disparu, tout ce qui fait ouvrier, que ce soit dans les modes de vie ou dans les
manières d'être, dans les représentations politiques est déprécié.
A nuancer : certaines enquêtes montrent que quand on demande aux individus de définir leur position avec une
question ouverte, et après reclassement en trois réponses « en haut », « au milieu », « en bas », les ouvriers sont une
immense majorité à se classer « en bas » et les cadres une majorité à se classer « au milieu » et « en haut ».
Document 3 p.199 Bordas
2. Un ouvrier sur deux se reconnaît dans les catégories populaires. Autant dans les classes moyennes.
L’identification à la classe sociale ouvrière n’est donc pas évidente ; il est intéressant de rappeler le
témoignage de Cédric et Alexandre qui refusent de se définir comme ouvriers.
3. Le sentiment d’appartenance à une classe sociale est donc faible, l’assimilation aux classes moyennes est
générale pour toutes les PCS.
Cependant, des individus avec des niveaux de revenu très différents se définissent comme membre des
classes moyennes, ce qui laisse penser à un affaiblissement des frontières de classe. Les classes moyennes
n’existent pas réellement, nous pouvons donc parler de brouillage de classes dans la mesure où les classes
moyennes sont multiples et peu identifiables.
4. On peut se demander comment un individu décide de son appartenance à telle ou telle classe. Le débat
peut avoir lieu avec les élèves de la classe, en faisant remarquer que leurs connaissances en matières de
stratification sociales sont sans doute supérieures à la moyenne grâce aux cours de SES…
Donc idée que la conscience d’appartenir à la classe ouvrière tend à diminuer. Critère subjectif permettant
de définir une classe sociale dans une perspective marxiste semble s’affaiblir.
1) Présentez l’évolution du vote à gauche des ouvriers et des employés depuis 1988.
Régression du vote à gauche chez les ouvriers et employés, malgré une légère hausse en 2007.
2) Sur quoi semble s’être reporté le vote ouvrier ? Existe-t-il toujours une spécificité du vote ouvrier ?
En 1995 sur la droite et en 2002 sur l’extrême droite. Le vote ouvrier semble donc perdre de sa spécificité.
3) Pourquoi la somme des votes ouvriers à gauche, droite et extrême droite ne vaut-elle pas 100 ?
Parce que le % est calculé sur les inscrits, donc il faut y ajouter l’abstention qui a augmenté notamment en
2002.
A chaque élection, environ 60% des électeurs potentiels ne vont pas voter soit parce qu’ils ne sont pas inscrits,
soit parce qu’ils s’abstiennent. Topo sur les chiffres de l’abstention donnés dans les soirées électorales : ne
tiennent pas compte de la non inscription sur les listes électorales.
L’analyse du vote des classes populaires tendrait à penser que la conscience de classe et la mobilisation
s’est réduite au cours du temps. Les ouvriers formeraient donc moins une classe pour soi.
2.2. La grille de lecture en termes de classes sociales demeure féconde
2.2.1. Les groupes sociaux demeurent hiérarchisés
Voir partie 1
→ La société française demeure fragmentée : inégalités économiques, mais aussi de logement, de santé,
de conditions de travail et d’emploi, d’accès aux vacances, inégalités culturelles, etc. On n’assiste donc
pas vraiment à une uniformisation des modes de vie comme le prétendent les partisans de la thèse de
la moyennisation.
→ De plus les inégalités formes systèmes et sont cumulatives : cumul d’avantages pour certains groupes
et de désavantages pour d’autres.
→ Inégalité des chances. TRES IMPORTANT.
→ La société française demeure hiérarchisée en groupes relativement cloisonnés.
L’approfondissement des inégalités dans la période récente résulte de la moindre capacité des dominés à
mener des luttes pour améliorer leur sort. La montée du chômage, la précarisation, le capitalisme financiarisé,
la mondialisation, l’avènement du néolibéralisme, autant de phénomènes qui rendent la mobilisation plus
compliquée qu’auparavant et qui expliquent que la situation des dominés se soit dégradée ces trente
dernières années. Par ailleurs, ces phénomènes (baisse d’impôts, financiarisation de l’économie,
mondialisation) relèvent de décisions politiques sur la base de rapports de force entre groupe sociaux.
Warren Buffet : « La lutte des classes existe et nous sommes en train de la remporter ! »
Au contraire, durant les Trente glorieuses, le rapport de force était beaucoup plus favorable aux ouvriers qui y
ont su par leurs luttes obtenir certains compromis qui ont amélioré leurs conditions d’existence.
2) Quelles peuvent être les conséquences d’une telle composition sur les politiques menées?
Dans une perspective bourdieusienne, on peut argumenter que notre vision du monde, nos opinions
politiques, notre conception de l’intérêt général, sont très dépendantes de la place que l’on occupe dans
l’espace social.
On peut donc penser que même lorsqu’ils agissent sincèrement selon leurs convictions et le souci de l’intérêt
général, les dirigeants politiques prendront des décisions conformes aux intérêts de leur classe sociale.
2.2.2. La bourgeoisie : une classe mobilisée
Séparez votre feuille en deux colonnes dans lesquelles vous noterez d’un côté tous les éléments permettant
de penser que les critères objectifs sont réunis pour parler de classe sociale en soi et de l’autre tous les
éléments subjectifs qui permettront de parler de classe pour soi. Vous puiserez des arguments dans les
extraits vidéo et dans les documents polycopiés n°30 et 31
Sociologues qui travaillent depuis près de 20 ans sur le sujet de la grande bourgeoisie. Un
livre au CDI qui est assez facile à lire « Sociologie de la bourgeoisie ».
1. Capital économique
Possédez-vous un portefeuille de valeurs mobilières ?
Disposez-vous d’au moins une personne à temps plein pour vos besoins domestiques ?
En plus de votre résidence principale, disposez-vous d’au moins deux autres résidences ?
Etes-vous assujetti à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ?
Possédez-vous des biens mobiliers ou immobiliers à l’étranger ?
2. Capital culturel
Etes-vous élève ou ancien élève d’une grande école ?
Enfant, vos parents vous emmenaient-ils dans les musées de façon régulière ?
Allez-vous au théâtre, au concert ou à l’Opéra au moins une fois par mois en moyenne ?
Achetez-vous des œuvres d’art ou des antiquités ?
Parlez-vous au moins deux langues étrangères ?
4. Capital symbolique
Etes-vous dans le Bottin mondain ?
Des rues portent-elles le nom de membres de votre famille ?
Votre famille dispose-t-elle d’une maison de maître ?
Etes-vous membre actif d’une société caritative ?
Etes-vous membre de la Légion d’honneur ?
La grande bourgeoisie est probablement la dernière classe sociale qui possède tous les attributs d’une classe
pour soi au sens de Marx :
ils partagent les mêmes conditions matérielles d’existence : place privilégiée dans les rapports de
production (soit propriétaire des moyens de production, soit cadre dirigeant), revenus et patrimoine
élevés (au sens de Bourdieu = fort capital économique).
ils ont conscience d’appartenir à une même classe (homogamie sociale, culte de l’entre-soi avec
cooptation, rallyes, inscription dans une lignée…).
Ils luttent pour défendre leurs intérêts. Le dernier livre des Pinçon, Pinçon-Charlot, montre qu’ils
savent se mobiliser pour défendre les beaux espaces (rénovation des châteaux que certains habitent
avec les deniers de l’Etat et mobilisation dans des associations de défense du patrimoine historique,
utilisation de leurs réseaux dans les sphères du pouvoir pour faire enfouir des routes à proximité de
leurs quartiers d’habitation), vote très marqué à droite (Sarkozy et le bouclier fiscal).
Conclusion : si les classes sociales sont mortes, où est passé le corps ?!
Document polycopié n°32
Louis Chauvel montrait en particulier que si l’identification subjective à une classe avait décliné dans les
enquêtes d’attitude 1 les inégalités entre catégories socio-professionnelles (conçues comme un instrument
d’objectivation empirique des « classes ») [Briand, Chapoulie, 1985] avaient plutôt tendance à stagner voire à
augmenter dans de nombreux domaines, créant une situation paradoxale de décalage croissant entre les
dynamiques objectives, polarisant les groupes sociaux et leurs traductions subjectives, notamment sous la
forme d’identification à une « classe ».
Ajoutant la proportion des employés à celle des ouvriers, il rappelait aussi, contre les prophéties
mendrasiennes de la « moyennisation » [Dirn, 1998, p. 21-24], le maintien d’un poids prédominant des «
classes populaires » dans la structure des actifs et plus largement au sein de la population (lorsqu’on tient
compte de la dernière catégorie occupée par les retraités).
Ces constats ne semblent pas avoir été remis en cause par les évolutions récentes dans différents domaines
tels que la santé, l’éducation, les conditions de travail, la consommation 2… Comment alors expliquer ce
sentiment de « disparition » qui persiste au sujet des « classes sociales », dans un contexte pourtant a priori
favorable à un regain d’intérêt pour ce concept ?
Frédéric Lebaron, « L’éternel retour des classes sociales », Revue Française de Socio-Économie 2012/2 (n° 10).
1) Pourquoi peut-on affirmer avec plus de certitude que les classes sociales existent au sens de Weber qu’au
sens de Marx ?
Chauvel : les classes existent encore si définition Weber, mais pas si définition de Marx (seule la bourgeoisie
correspond encore totalement à cette définition).
Parler « des genres » au pluriel pose un problème en instaurant une confusion entre deux usages du terme
genre, l’un renvoyant à un simple fait social qui pourrait s’extraire du sexe, l’autre à un rapport social
dichotomisant. L’usage du terme genre au singulier permet ainsi de souligner la démarche selon laquelle le
genre est un « diviseur », au sens d’un système de relations sociales produisant deux sexes posés comme
antagonistes : les hommes et les femmes. Les parties divisées ne forment plus l’explication mais ce qui est à
expliquer.
(…)
Le « genre » est le système de division hiérarchique de l’humanité en deux moitiés inégales. » explique
Christine Delphy. C’est à ce titre que pour les féministes matérialistes, le genre peut être pensé comme
synonyme des termes de « patriarcat » ou « d’oppression des femmes ». Il renvoie à un rapport social marqué
par le pouvoir et la domination, et dont il faut repérer les bénéficiaires et les opprimés dans le même
mouvement analytique.
Le genre n’est pas seulement un système d’inégalités entre les sexes : il est aussi un système signifiant, qui
structure fortement les catégories de pensée. La dichotomie féminin-masculin sous-tend en effet toute une
série d’autres dichotomies fondamentales de la pensée, selon des modalités variables en fonction des
sociétés. Dans les sociétés modernes occidentales, les oppositions suivantes sont structurées par la
dichotomie féminin-masculin : faiblesse/force, sensibilité/rationalité, émotion/raison,
altruisme/individualisme, don/calcul, tradition/modernité, concret/abstrait, répétition/innovation… (…) Dans
le monde de l’entreprise, des normes telles que la compétitivité et le surinvestissement professionnel
apparaissent sous un jour nouveau dès lors que l’on rappelle qu’il s’agit de valeurs socialement construites
comme masculines. En retour, une telle analyse symbolique peut contribuer à expliquer la reproduction des
inégalités matérielles entre les femmes et les hommes dans les entreprises.
(…)
Une démarche induite par le concept de genre consiste à appréhender les relations sociales entre les sexes
comme un rapport de pouvoir. Les études sur le genre ne disent pas seulement que les deux sexes sont
socialement « différents », elles montrent également que le rapport est hiérarchisé : dans la quasi-totalité des
sociétés connues, la distribution des ressources (économiques, politiques) et des valorisations symboliques
tend à être inégale, avec des modalités et une intensité variables.
(…)
Le genre désigne [donc] le système de bicatégorisation hiérarchisé entre les sexes (hommes/femmes) et entre
les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin).