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Revue des Études Grecques

Le Compendium Timaei de Galien


André-Jean Festugière, R. M. Tonneau

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Festugière André-Jean, Tonneau R. M. Le Compendium Timaei de Galien. In: Revue des Études Grecques, tome 65, fascicule
304-305, Janvier-juin 1952. pp. 97-118;

doi : https://doi.org/10.3406/reg.1952.3262

https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1952_num_65_304_3262

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39-

LE COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ DE GALIEN

Galien a consacré au Timée deux ouvrages : des υπομνήματα,,


en quatre livres, sur les parties médicales du Timée (environ
Tim. 41 d 4 ou 42 e 5 à 92 b/c).(i) et une Synopse où Epitomé
de ce dialogue (2).
Le Commentaire (Υπομνήματα) n'est connu que par un assez
loag fragment grec et. quelques extraits d'auteurs arabes et
juifs. Du fragment grec parut d'abord une traduction latine
de Gadaldinus chez les Juntes (3). Le texte grec fut publié
pour la première fois en 1848 par Ch. Daremberg (4), qui
semble avoir redécouvert à la Bibliothèque Nationale
(aujourd'hui Β. N. 2383) le manuscrit même dont s'était servi
Gadaldinus (S). Ce même texte, joint à quelques extraits de Rhazi
et de Maimonide, a été réédité en 1934 par H. 0. Schroder

(i) Cf. Libr. Propr. 13, p. 122.9 (Script. Min. II Mûller) : icspl των έ*ν τφ
Πλάτωνος Τιμαίω ιατρικώς ιίρημένων υπομνήματα τέτταρα, de plac. H. et ΡΙ.Ύ
ρ. 708.2 Μ. ταΰτα μέν ίκανα· περί χυμών εΐρηται. .., βΐμέλλομεν ...ίξηγεΐσθαι τα χατα
τον Τίμαιον ΐατριχώς β!ρημίνα, de tremore, VII 632.1 Kûhn περί μέν ouv τής
Πλάτωνος δόξης κατά την έξήγησιν των εν τφ Τιμα(φ γ (γραμμένων ΐατριχώς έπισχι-
ψόμεθα. La discussion de Schroder (ν. infra), pp. χ s., sur le point de savoir si
ce Commentaire médical s'inspire du Commentaire hypothétique de Posidonios
paraît entièrement vaine. Aussi bien l'auteur avoue (p. xi) : Praeterea Galtno,
ulpote medico sua arte dignissimo, opus non fuit aliorum commenlaria de rebus
medicinalibus consulere.
• (2) Cf. Libr. Propr. 13, p. 122.9 Πλατωνικών διαλόγων συνόψιως οχτώ.
(3) Deuxième édition latine de Galien, Venise^ 1550. Traduction corrigée dans
la ?e édition. Cf. B. 0. Schroder, Galeni in Platonis Timaeum Cemmentarii
Fragmenta, CMG, Suppl. I (Teubner, 1934), pp. xviu s.
(4) Fragments du Commentaire de Galien sur le Timée de Platon, Paris, Masson,
1848. ,
(5) Sur Taccord de la traduction latine et du texte grec, cf. Schroder, l. c,
p. xix.
REG, LXV, 195Î, n· 304-305. 7
98 A. J. FESTUGIÈRE

(cf. p. 97, n. 3), avec un utile commentaire et un essai de


reconstruction des quatre livres de Galien (/. c, pp. 34 s.).
Le fragment parisien concerne Tim.- 76 d 3 - 80 c 8, soit la
formation des ongles, l'origine des végétaux, surtout le rôle et
la distribution des vaisseaux, en particulier des vaisseaux
respiratoires : Galien propose sur ce point une explication des
« nasses » (κυρτοί) de Tim. 78 b 4, et cette exégèse a donné lieu
elle-même à bien des discussions chez les modernes (1).
De la Synopse nous' ne possédons qu'une version arabe (par
H u nain Ibn Ishaq, ixe s.) qui vient d'être publiée par M. R.
Walzer (2). Laissant à un spécialiste tout ce qui concerne le.
texte arabe (v. infra), je voudrais marquer l'intérêt de ce
travail, non pas tant pour l'intelligence du Timée que pour la
connaissance du platonisme du n° siècle. Il est clair en effet
que la Synopse de Galien appartient au même genre de
littérature scolaire que les manuels d'Albinos (Dîdaskalikos, en part,
ch. 8 ss., 162.21 ss. H.), d'Apulée {de Platone I, ch. 5 ss.,
p. 86.9 ss. Th.), et la partie relative aux doctrines
platoniciennes dans la Vie de Platon de Dïogène Laerce (ÏII '40 ss.
τ& δε άρέσκοντα αυτφ κτλ., en part* 40-41).
De la Synopse de Galien, en huit livres, des dialogues
platoniciens, Hunain, au ix° siècle, ne connaissait plus que quatre
livres (3). Le premier résumait Craiyle, Sophiste^ Politique^
Parménide, Euthydème ; le second, Rép. Ï-IV ; le troisième,
Rép. V-X et Timée ; le «quatrième, LowI-XII. Gomme le marque
M. W. (p. i), ce classement de Galien ne correspond ni aux
.

trilogies d'Aristophane de Byzance, ni aux tetralogies de Thra-

(1) Cf. Λ. Ε. Taylor, A Commentary etc., pp. 548 ss.


(2) (raient Compendium Timaei Platonis, edid. Paulus Kraus et Ricardus Walzer
(Corpus Platonicum Medii Aevi,' Plato Arabus, vol. I). Londres, The \Varburg
Institute, 1951. In-4«, xn-HS p. (index grec-arabe, pp. 103-H8) -+- 67 p. de texte
arabe avec index arabe-grec. La première partie, qui seule m'intéresse ici,
comporte l'Introduction (l De Galeni paraphrati pp. 1-17 [II De Interprète pp. 18-21,
III De ratione vertendi pp. 21-29, IV Descriplio Codicutn pp. 29-30 : vide infra])
et la Version Latine (pp. 33-96) avec des notes au bas de la page.
(3) W., p. 97 = Schr., p. xiv.
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN 99

syllos ou Derkyllidès (Alb. Isag.i, p. 149.5 ss. H.) (1), ni à


l'ordre adopté par Albinos [Isag. 3, p. 148.30 ss. H.). De ces
quatre livres de la Synopse, Hunain dit avoir traduit les trois
premiers. Il ne subsiste apparemment que la version de la
paraphrase du Timée.
Sans analyser ici tout l'ouvrage de Galien, j'insisterai sur
certains passages controversés dans l'exégèse du Timée. Les
chiffres initiaux indiquent page et ligne de l'édition Walzer.

A. — Génération du monde, ch. l-lli (36.24 - η.Π).

Après un prologue où il indique le sujet du Timée (33.1-4),


en résume très brièvement (34.5-11) l'affabulation, en
caractérise le style (sermo... brevissimus est 34.14 s.) et observe que,
pour bien comprendre cet ouvrage, il faut être instruit dans la
science physique (qui in hac disciplina se exercitaverit 35.22 s.)
et s'être familiarisé avec les dialogues de Platon (qui in ceteris
Piatonis libris se exercitaverit 36.26 s.), Galien aborde
directement le problème de la genèse du monde par la citation (36.24)
de Tim. 27 d 6 - 28 a 1 τι το δν άεί..., δν δε ουδέποτε. Galien
semble avoir le second άεί (το γιγνό^ενον j*èv άεί = quod continue
gignitur) avec A, P, Eusèbe et Philopon, cf. W. p. 6.14 s. et
ad 36.25 (2). Lisant ce second άεί, Galien a évidemment το
γιγνόρενον et non το γενόμενον que donnent Proclus (I, 227.5
lemma : mais γιγνο'μενον dans le p.'commentaire et dans la
citation 275.13) et Athénagore (19, 135.6 Geffcken).
36.27 Distinguit enim a sitbstantia quae intellectu apprehen-
ditur ... substantiam sensibilem (3). Ce distinguit traduit

(1) Noter pourtant que la suite Rép. Tim. Lois est celle aussi des tétralogie»
VIH-IX.
(2) Ajouter Albinos, cf. infra, p. 101.
(3) Substantiel sennibilis a sans doute un cachet aristotélicien (W. ad loç.), mais
a été préparé par Tim. 35 a i τής αμέριστου ...ουσίας χαΐ της αδ περί τα
σώματα γιγνομέντ,ς μ*ρ(«της, cf. Albin. Did. M, p. 169.20 H. λέγων ούν είναι
τίνα νοητήν ούσίαν αμέριστον, χαΐ ίλλην π»ρΙ τα σώματα μιρκττήν ύπεβ-
τήσατο έμφαίνων, δτι Ικατέραςτών ουσιών ίνάπτεσθαι δύναται τ^ νοήσει (se. -^
400 A. J. FESTUGIÈRE

τέον 27 c 5, et Galien le comprend clairement comme une


distinction des deux substances, non au sens alambiqué deProclus
(I 258.16) διοριστέον τας υποθέσεις. ;
37.31. Necessario igitur (se. d'après la doctrine de Rép.) hoc
loco quidquid sensu percipitur 'id quod continue gignitur* nun-
cupavit, atque quidquid intellectu tantum apprehenditur 'id
quod in aetérnurn esï nuncupavit. Cf. Tim. 28 a 1 Το μεν δή
νοήσει... περιληπτον αεί κατά ταύτα δν, το δ' αύ δόξτ^ (χετ' αίσθήσεως
αλόγου δοξαστόν γιγνόμενον..., δντως δε ουδέποτε δν. En
quidquid etc. Galien répond à la question quid est etc., comme en
το μεν δή κτλ. Platon répond à τι το δν αεί κτλ. L'être éternel est
l'être intelligible, l'être toujours en devenir et jamais existant
est l'être sensible. Le témoignage de Galien confirme ici
l'interprétation de Proclus (I 240.17 ss.) et de Cornford (Plato's
Cosmology, p. 22, n. 4). Autrement dit το μεν δή νοήσει... περι-
ληπτόν et το δ' αύ ...δοξαστόν sont les définitions cherchées, άεί
κατά ταύτα δν et γιγνόαενον... ουδέποτε δν sont les termes à définir
(reprenant à la lettre les termes de la question τι το ον αεί et τι
το γιγνόμενον ...δν δε ουδέποτε), et il ne faut donc pas dé virgule
après περιληπτόν et δοξαστόν. Sans quoi, comme le note Proclus,
on introduit les termes à définir (το αεί δν, το γιγνόμενον.ν. ουδέ
ποτέ δν) dans la définition elle-même. Cicéron, comme les.
modernes (Burnet, Rivaud), fait de άεί κατά ταύτα δν une inci·^
dente, mais traduit bien la suite : alterum quod adfert <ae?>
opinionem.,., id gignitur... nec unquam essè verepotesi.
38.4 ss. L'argumentation Tim. 27 d 5-29 d 5 est la suivante
(cf. Procl., I, 258.12 ss., 264.45 ss.) :
Définitions : τί το δν άεί, τί το γιγνόμενον 27 d 6 - 28 a 4.
1er axiome : παν το γιγνόμενον υπ' αιτίου τίνος εξ ανάγκης
γίγνεσθαι 28 a 4-6 = Cause efficiente.

), Apul. de Plat. I 6, p. 88.1 Tb. ουσίας ...duas esse ait, per quas cuncta
gignantur mundusque ipse ; quorum una cogitatione sola concipitur, altéra sen·
sibus subici potest, p. 88.9 ss. et primae quidem subslantiae..., sbcundak substan-
tiae omnia quae informantur quaeque gignuntur etc. C'est donc une expression
courante chez les Platoniciens du n· siècle.
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE G ALIEN 101
2e axiome : ότου μεν ούν... ου καλόν 28 a 6-b 3 = Cause
«exemplaire.
Application au cas cfu monde : 6 δή πας ουρανός κτλ. 28 b 3 ss.
A la question ην άει η γέγονεν, on répond γέγονεν 28 b 8.
Preuves : ορατός γαρ απτός τε κτλ. 28 b 8-c 2.
Conséquence du 1er axiome : Puisque le monde γέγονεν, il a
un αιτών (quelque difficulté qu'on ait à connaître cet auteur) =
τφ δ' αυ γενομένω κτλ. 28 C 2-5.
Conséquence du 2e axiome : Puisque le monde est beau, la
Cause exemplaire est parfaite, donc immuable, donc
intelligible = τόδε δ' ουν πάλιν επισκεπτέον κτλ. 28 C 5-29 d 5.
Ajoutons que ce passage difficile, qui engage le problème de
l'éternité du monde, a été infiniment discuté depuis l'Ancienne
Académie (Speusippe, Xénocrate) et Aristote (de caelo) jusqu'à
Philopon et Simplicius, qu'au ne siècle, au temps même de
Galien, il est classique dans l'École, les uns penchant pour le
commencement dans le temps (Plutarque, Attikos), les autres
suivant l'interprétation de Crantor, en ce sens que γέγονεν
dénoterait seulement la dépendance dans l'être, que cette
dépendance soit éternelle (puisque la Cause elle-même est éternelle)
ou qu'elle ait commencé à un moment donné, cf. Proclus, I,
276.30 ss. (i).
Il est donc intéressant de voir quelle est ici la paraphrase
de Galien et s'il a pris position dans ce débat. C'est d'autant
plus intéressant que Galien a été, dans sa jeunesse, l'élève, à
Smyrne, d'Albinos (cf. P. W., VII 579.7), et qu'Albinos et
Apulée, Tun et l'autre disciples du platonicien Gaios, ont nié
le commencement temporel du monde, cf. Albin. Did. 14,
p. 169.26 H. όταν δε ειπη γεννητον είναι τον κο'σμον, ούχ ούτως
άκουστέον αυτού, ώς δντος ποτέ χρόνου, εν φ ουκ ην
*όσυ.ος* αλλά διότι άει.εν γενέσει εστί (Albinos lit donc το
γιγνόμενον uiv άεί Tim. 27 d 6) καΐ ε υ.» αίνε ι της αυτού
υποστάσεως άρχικώτερόν τι αίτιον (2), Apul. de Plat. 18, p. 91.12

(1) Voir aussi Taylor, pp. 67-69, Cornford, pp. 24-26.


(2) Cf. Procl. I, 219.2 ss. (sur ·ζ γίγονβν ή xatl άγβνές βστιν Tim. 27 c 5) x«l δ γβ
102 A. J. FESTOG1ÈRE

Th. et hune quidem mundum nunc sine initio esse dicit, àlias
originem habere natumque esse, nullum autem eius exordium
atque ΐΝίτΐϋΜ esse iDEO, quod semper FUERiT ; nativum vero videriy
quod ex his rebus substantia eius et natura constet, quae nos-
cendi sortitae sunt quaiitatem. hinç et tangitur et videtur (ορατός
γαρ απτός τέ εστίν Tim. 28 b 8) sensibusque corporeis est obvius.
sed quod ei nascendi causam deus praestitit^ ideo immortali
perseverantia est semper futurus. Albinos et Apulée
maintiennent donc l'éternité du monde, comme, plus tard, Plotin et
son école (Porphyre, Jamblique, Proclus, cf. Procl. 277.8 ss.).
Galien simplifie l'argumentation de Tim. 27 d 5 ss.
Omettant le 2e axiome (Cause exemplaire), il établit d'abord le
syllogisme suivant :
Tout engendré dépend d'une cause : omne quod gignitùr etc.
[38.3.
Or le monde est engendré : mundus in generatione {versatur)
[38.10
<Donc le monde a une cause>.
γέγονε, dont le sens est équivoque — ou « est né, a été
produit à un moment donné » ou « est un être devenu, dépendant
d'une cause », cf. Aristote de caelol 10-12, 279 b 4 ss., Proclus,
I 279.30 ss. — est donc pris ici dans le sens de la dépendance
dans l'être.
Ce point acquis, Galien pose la question du commencement
dans le temps, 39.41 : Utrum autem ab aeterno fuerit (se. le
monde) an initium habuerit, in eis quae subsequuntur singu-
latim enarrat atque eius generationem initium habuisse dicit.
C'est une affirmation nette : Galien prend cette fois γέγονεν,

Πλατωνικός Άλβΐνος άξιοι κατά Πλάτωνα τον κόσμον άγένητον ίντα γενέσεως αρχήν
ϊχειν · ψ καί πλεονάζειν του όντως όντος (le monde a quelque chose de plus que
l'Etre vrai), εκείνου μόνως άεΐ δντος, τοϋ Si κόσμου -προς τφ αεί είναι καΐ γενέσεως
Ιχοντος αρχήν, Υν' ή καΐ άεΐ ών καΙ γενητός, ούχ οϋτως ων γενητός ως κατά
χρόνον — où γαρ άν ?|v καΐ άεΐ αν — άλλ' ώς λάγον έ*χων γενέσεως δια τ*,ν ε*κ
πλειόνων καΐ άνομο ίων σύνθεσιν, ήν ανόγχαΐον εις έλλην αΐτίαν αύτοΰ
της υποστάσεως (scripsi, coll. τί\ς αύτοΐ3 υποστάσεως ...αίτιον Alb. : την ύπόστασιν
codd.) αναπέμπε ιν πρεσβυτέραν (cp. άρχιχώτερόν τι αίτιον Alb.).
LÉ « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ ». DE GALIEN 103
άπ' αρχής τίνος άρζάρενος dans le sens d'un commencement dans
le temps. Ueius generationem initium habuisse dicit de Galien
s'oppose directement au hune quidefn mundum nunc sine rama
dicit d'Apulée. Quelle que soit l'opinion propre de Galien sur,
l'éternité du monde (1), il interprète ce passage du Timée dans
le sens d'un commencement temporel, au contraire de son
maître Albinos et d'Apulée, mais avec Plutarque et Attikos (2).
39.13 ss. Gomme on l'a vu plus haut (p. 101), après avoir
conclu que le monde γέγονε, et après en avoir donné la preuve,
(ορατός γαρ κτλ. 28 b 8), Platon en tire deux conséquences d'après
les deux axiomes : le monde a une Cause efficiente, quelque
difficulté qu'on ait à connaître l'Auteur du monde; le monde
étant beau, la Cause exemplaire du monde est nécessairement
le Modèle éternel (l'Intelligible).
De la première conséquence, Galien omet le point essentiel
(le monde γενητός a une Cause) pour ne mentionner que le,
secondaire (difficulté de trouver la Cause), mais cette fois par,
une citation littérale (Et dicit : « creatorem mundi etc.). On
observera en outre que cette citation vient brusquement
(initium habuisse dicit. Et dicit), et qu'elle n'a au vrai pas grand
sens une fois omis le point essentiel. Tout s'explique si l'on
songe qu'on a ici un locus fameux (Τον μεν ούν ποιητήν κτλ.
28 c 3) (3), indéfiniment répété sous l'Empire par les chrétiens
comme par les païens (4)■» . -,
Passons à la 2e conséquence, Tim. 28 c 5 ss. Platon raisonne
ainsi : (Étant donné, d'après 28 a 6, qu'il faut un Ouvrier et
un Modèle), ce modèle est-il le Modèle identiquement
immuable, c'est à dire le Modèle Intelligible (το κατά ταύτα καΐ ώβταύ-

. (1) Galien a varié sur ce problème, cf. W., pp. 11-12.


(2) M. W. a déjà noté ce point, pp. 10 s., mais les deux passages qu'il allègue;
43.7 ss., 73.1 (haec omnia erant mundo nondum orto), sont moins probants que
ce premier (39.13).
(3) Dans la v. 1., rêvera (bis) et invcstigandi seraient des additions du
traducteur arabe, l'omission de πατέρα peut être attribuée à Galien lui-même, cf. W.
ad 39.14 et praef. p. 12. . : ·.
(4) Cf. le commentaire de' Geffcken sur Athénagore 6 (p. 124.23 G. : comm.,
pp. 174 s.). Ajouter Hermes ap. Stob., II, p. 9.4 W. = Exe. 1 Scott.
,
404 A. J. FESTUGIÈRE

τω ς έχον 29 a 1 = to λόγω καΐ βρόνήσει περιληπτον καΐ κατοι ταύτα


lyov 29 a 7) où un modèle lui-même devenu? (1) Or le monde
actuel est beau et le Démiurge bon. Donc le modèle ne peut
■être que le Modèle intelligible et immuable. #
La v: 1. ici n'est pas claire, en un point même, semble-t-il,
incorrecte (eum ...permanentem 39.20). En voici le texte, avec
une traduction où je pars de l'hypothèse (plausible) que Galien
a compris l'original grec 39.16 ss: Deinde propositum consi-
derare instituit secundum quod (creator) opus suum exstruxerit ι
■àtque dixit eiim id ita exstruxisse ut semper permaneret. Cuius
vero explicatiOy secundum ipsius (sententiam), haec est quod
{mundus) in meliore condicione quara in qua sit esse nequeat.
Hoc autem modo gigni non potuisset nm eum (legend, id) semper
permanentem (legend, permanens) esse decrevisset — « Ensuite
Platon a entrepris de considérer le Modèle (propositum = παρά-
δειγμ-α, cf. W. ad 39.16) selon lequel le Créateur a fabriqué son
ouvrage. Et il dit que le Créateur (eum)· a conçu (litt. «
construit en pensée », exstrvxisse) le Modèle (id) de telle sorte qu'il
fût éternellement immuable. L'explication de ce point, selon
L'avis de Platon, est que le monde ne saurait être en un état
meilleur que celui en lequel il se trouve. Or le monde n'eût pu
naître de cette manière si Dieu n'avait jugé que le Modèle dût
être éternellement immuable ». L'original grec oblige à voir
dans l'objet immuable ici en question, non pas le monde, mais
le Modèle éternel. Donc id (39.17) n'est pas id opus de 39.17,
mais id propositum de 39.16. Et de même, au lieu de eum
Z.. permanentem esse (39.20), il faut lire id (se. propositum) per*
"manens esse. Et enfin, toujours dans la même hypothèse d'une
paraphrase correspondant à l'original, on doit entendre exstru-
xisse (39.17) au sens spirituel, exstruxisse animo. Dans cette
hypothèse donc, l'erreur viendrait d'un des intermédiaires (2).

(1) La question se réfère au problème de Rép. X 596 bss. (le χλινοποώς) et de


Soph. 265 b i ss. (la μίμησις), cf. Cornford, p. 27.
- (2) Sur les erreurs provenant des intermédiaires, voir le rapport du R. P.
Tonneau, infra, p. 416 ss. .
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN . 10ξ>

Maïs il reste évidemment possible que Galien n'ait pas compris


{assez étrange pourtant !) ou qu'il ait introduit ici un
paragraphe étranger à la question. En fait, c'est plus avant dans le
Tintée qu'il est fait mention de la permanence du monde :
Si h 3 είς δδε μονογενής ουρανός γεγονώς εστίν και ετ' εσται, 38 C 1
το μεν γαρ δή παράδειγμα πάντα αίώνά ε<ττιν δν, ό δ' αύ δια τέλους
■τον άπαντα χρόνον γεγονώς τε καΐ ων καΐ έσόμενος.

Β. — Causes de là génération du monde, 39. 2 f ss.

Deinde pustea tertiam causam considerare instituit... Quam


©uabus illis (se. causis) quas commemoravérât — creatori scilicet
et effigiei ad quam (mundum) creavit — adiunxit.
Nous avons ici un groupe de trois causes. Galien a mentionné
la causa efficiens (37.9) et la cause exemplaire Deinde
proposition considerare instituit 39.16. Reste une troisième cause,
qui est la cause finale, perfectio (τέλος) et id propter quod(xb
oui ένεκα 40.22), dont il est traité présentement. On observera
que, dans cette détermination des trois causes, Galien suit
l'ordre même du Timée : cause efficiente 28 a 4-c 5, cause
exemplaire 28 c 5-29 d 5, cause finale 29 d 6 - 30 c 2, cf. Procl. in
Tim. I, 4.26 ss. έπι δε τούτοις (se. le prologue du Timée) τό τε
■δη [χιουργικον αίτιον παραδίδοται του παντός xatl το παραδειγμα-
τικονκαΐ^ο^τελικόν. Ces trois causes sont dites par Proclus
les κυρίως αίτίαι (2.7) et sont respectivement le νους, la νοητή
αίτια et το αγαθόν (3.4 ss.). Pas plus que dans le Timée, il n'est
fait mention ici, chez Galien, de la cause matérielle: celle-ci
ne sera considérée que plus loin (56.1 ss. -= Tim. 47 e 3 ss.),
et Galien la désignera, comme Platon lui-même, par le terme
de causa erratica (56.8 = το της πλανώ [Λένης είδος αιτίας Tim.
48 a 6/7).
Si Galien suit l'ordre du Timée, on ne peut douter
cependant, qu'il présente le scheme des trois causes avec plus de
rigueur que Platon. Le langage même l'indique. Platon parle
Sans doute de « cause » dans le i<r axiome (28 a 4 υπ' αίτιου
106 A. J. FESTUG1ÈRE

τινός = 28 c 2) et à propos de la cause finale (29 d 6 δι' ηντινα


αίτίαν), mais il n'a pas, comme de juste, les termes
aristotéliciens de causa effidens (seulement τον ποιητή ν 28 c 3) et de id
propter quod, il dit το παράδειγμα et non la Cause exemplaire,,
il ne procède pas par divisions tranchées : Ie cause, 2' cause,
3e cause etc. Tout cela sent l'école. Et c'est en effet un problème
classique dans les écoles, sous l'Empire, que celui des trois
causes de la génération du monde. .11 est intéressant dele
montrer et de situer, cette fois encore, le Compendium de-
Gai ien dans l'ensemble des écrits analogues.

I. La division la plus commune est celle des trois causes-


matérielle, exemplaire, efficiente. .
1) Platoniciens »un" siècle.
Albinos, Did. 8 (162.21 H.) περί τών αρχών... λέγωμεν ,.>καΙ
πρώτον γε περί ύλης.

9 (163.10) αρχικον δε λόγον επεχόύσης της ύλης ετι και άλλας*


αρχάς παραλαμβάνει, τήν τε παραδειγματικών*, τουτέστι τήν*
των ιδεών, καί τήν του πατρός και αιτίου πάντων θεοΰ (cf. Tim -ι
28 c 3 : noter πατρός). Le ch. 9e traite de la cause exemplaire,,
le 10e de la cause efficiente, qui est dite troisième cause (έξης δε-
περί της τρίτης αρχής ποιητέον τον λόγον 164.6. Cp. Gal. 39.24
Deinde ...tertiam causant etc.). * .
·

Apulée, de Plat. I, 5, p. 86.9 Th. Initia rerum tria esse arbi+


tratur Plato, deum et materiam rerumque formas, quas ιδέας:
idem vocat.
Plutarque, qu. conv. VIII 2,4 της εν Τιμαίφ διαιρέσεως, $
διειλε τριχή τα πρώτα ύο* ών την γένεοΊν ό κόσμος εσχεν, ών· το»
μέν Θε6ν..., το δε υλην, το δε ίδέαν καλουμεν. '">

2) DOXOGRAPHIES. .
Aétios, Box, 287.17 D. (περί αρχών) : Πλάτων... τρεις αρχάς,
τον θεον την ΰλην την ίδέαν. é δε θεός νους εστί του κόσμου κτλ.
Indéfiniment répété, soit qu'on emprunte au Ps. Plutarque:
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN 107

(Περί των άρεσκόντων κτλ.), soit que les auteurs se


recopient les uns les autres : cf. Ps. Justin, coh. ad Gent. 6
(source de Cyrille, adv. Jul. II, p. 48 Β G), Irénée, c. haer. II
14.2 M. (II 18.3 Harv.), Hippolyte {Dox. 567.7), Épiphane
{Dox. 587.8, 589.17), Hermias {Dox. 653.28).
3) Péripatéticiens du ii'/hi* siècle.
Alexandre d'Ap h rodise ap. Simplic, in phys., p. 26. 13 D. ό
μέντοι 'Αλέξανδρος ώς τρεΤς λέγοντος (se. του Πλάτωνος) τας άργας
απομνημονεύει την υλην καί το ποιούν καΐ το παράδειγμα. Source.:
doxographie ou tradition scolaire.

II. Cette même division trinaire a été présentée également


sous une autre forme.
Aétios, Dox. 309.14 (περί αιτίων) : Πλάτων τριχώς το αίτιον ·
ύφ' ού*
φησί γάρ, εξ β δ προς δ (cause exemplaire : modèle vers
lequel regarde le Démiurge, cf. Tim. 28 a 6 δτου μεν ούν αν ό
δημιουργός προς τ.ο κατά τα ύτα έχον βλέπων άεί, c 6 προς
πότε ρον των παραδειγ μάτων ό τεκταινόμενος αύτον άπηργά-
ζετο, 29 a 7, Sénèque id ad quod infra), κυριώτερον δε ηγείται το
ύφ' ου * τούτο. δε ήν το ποιούν, δ έστι νους.
Selon W. Theiler, qui a particulièrement étudié cette « prà-
positionale Formulierung » (1), l'origine est sans doute
Aristote, par exemple Phys. Β 6,198 a 25 (το oui Ινεκα, το δθεν ή κίνη-
σις), mais Aristote n'a pas encore ce scheme rigoureux Ocp' oui
εξ ού προς δ. L'un des plus anciens témoins serait Vairon, Ant.
r. d. XV 4, p. 188.23 Agahd : caelum a quo fiat aliquid,
terram de qua fiat, exemplum secundum quod fiat.
Puis vient un texte fameux de Sénèque, ad Luc. ep. 65,
4 ss. (2) : quatre causes d'Aristote [materia, opifex, forma,
propositum totius ôperis) ; 65,7 Platon en ajoute une cinquième,
exemplar, en sorte qu'on a (65,8) : id ex quo, id a quqt id in
quo (forme dans la matière, cf. 58,21), id ad quod^ id propter

(1) W. Theiler, Oie Vorbereitung des Neuplatonismus, 1930, pp. 18 ss.


(2) Cf. Theiler, l. c, pp. 15 sa.
108 A. J, FESTUGIÈRE

quod, ou encore (65, 9/10) la série suivante : 1. faciens (deus),


2. ex quo [materia)> 3. forma [habitus et ordo mundî), 4.
exemplar [ad quod deus... fecit), 5. propositum [pr opter quod fecit).
Ce propositum est la bonitas de Dieu (Sénèque cite ici Tim,
29 d 6 ss.) (1).
Que Sénèque utilise une tradition scolaire, deux textes du
ii* siècle le prouvent amplement :
Albinos, Did. 9, 163.34 ss. (à propos de l'Idée) : ετι γε μην ει
ό κόσμος μη εκ ταύτομάτου τοιούτος έστιν, ου μόνον εκ τινός εστί
γεγονώς, άλλα καΐ υπό- τίνος, και ου μόνον τούτο, άλλα και
π ρ ό ς τι · το δε προς 8 γέγονε τί αν άλλο η ιδέα ; voir aussi Did.
12, 167.54 : άναγκαΐον καΐ το κάλλιστον κατασκεύασμα τον κόσμον
ύπο του θεού δεδημιουργήσθαι προς τίνα ίδέαν κόσμου
αποβλέποντος,... προς ή ν άφομοιωθέντα υπο του δημιουργού
αύτον απειργάσθαι κατά θαυμασιοτάτην πρόνοιαν και δίαιταν ελθόντος
έπι το δημιουργειν τον κο'σμον, διότι αγαθός ην. έκ της πάσης
ούν ΰλης αύτον εδημιούργει.
Sextus Empiricus, adv. math. Χ 7 (= St. V. Fr> II,
ου*
p. 162.19 ss.) ώσπερ τε ει το εξ γίγνεται εστί καΐ το ύφ' οδ
τι γίγνεται και το δ ι' δ, ούτως ύπαρχοι αν και το εν φ τι γίγνεται ·
Ιστι δε το εξ ου τι γίγνεται, οίον υλη, καΐ το υ©' ού, οίον το
αίτιον, καΐ το δ ι' δ, καθάπερ το τέλος * εστίν αρα καΐ το εν
<ji τι γίγνεται, τουτέστιν ό τόπος. Sur la nécessité d'introduire
aussi la cause du lieu, cf. Sen., ep. 65,11 fiaec, quae ab Aristo-
tele et Platone ponitur, turba causarum aut nimium multa aut
nimium pauca comprenait. Nam si, quôcumque remoto quid
effici non potest (cf. Phéd. 99 b 2 άλλο μέν τί έστι το αίτιον τω
οντι, άλλο δε εκείνο άνευ οδ το αίτιον ουκ αν ποτ' εϊη αίτιον, Tim.
46 c 7 ss. les συναίτια), id causam indicant esse faciendi, pauca
dixerunt. Ponant inter causas tempus... Ponant locum : si non
fuerit, ubi fiat aliquid, ne fiet quidem.
Bien des traits, en ces textes, portent la marque de l'école :

(i) Cinq causes encore chez Proclus, in Tim., I, 3.22 D. : τό <$γαθ<ίν, τό νοητόν
•παράδειγμα, xà ποιούν, τό βϊδος {id in quo de Sénèque = «Ιδος ?νυλον), τήν ôicoxei-
μένην φύσιν.
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN 109

1) Varron, Âétios et Albinos ont le même groupe έξ <οΰ W


οί προς δ, sauf que Varron intervertit les deux premiers termes,
ce qui nous ramène au scheme des doxographes θεάς ΰλη είδος.
Sextus Empiricus remplace προς ο par δι' ο (cause finale). Ces
variations témoignent de discussions scolaires.
2) Aétios a la suite θεάς ΰλη ιδέα dans le chapitre περί άρχων,
la suite εξ ου ύφ' ου προς ο dans le chapitre περί αιτίων. De même
Albinos : Première suite : περί των άρχων 162.21, άρχικον
δε λόγον επεχούσης της ύλης ετι καΐ αλλάς αρχάς 163.10, έξης δε
περί της τρίτης αρχής 164.6. Deuxième suite : της ιδέας οΰσης
αιτίας αρχήν (adv.) του είναι εκαστον τοιούτον, οίον αύτη
υπάρχει · άναγκαΐον κτλ. 167.4 (cf. supra p. 108). Ici encore
si'
discussion d'école sur le point de savoir αρχή et αίτιον sont
identiques ou différents (1). L'expression curieuse d'Albinos της
ιδέας ούσης αιτίας αρχήν τού κτλ. = « l'Idée étant tout à fait en
premier la cause de... » indique peut-être un essai de
conciliation. De fait certaines causes, comme le τέλος, peuyent être
dites αίτιον, non αρχή. Dans son enumeration des quatre
causes aristotéliciennes, Sénèque mentionne d'abord (65,4),
comme données d'elles-mêmes, la matière, l'ouvrier, la forme,
puis ajoute : quart a quoque, inquit (se. Aristote), his accedit,
propositum (fin) totius opens. De même, dans l'explication
(65,6), la cause finale garde un caractère accessoire (accedit),
et Sénèque se sent obligé de la défendre : Ergo et haec causa,
est, propter quant fit : an non pittas inter causas facti operis
esse numerandum, quo remoto factum non esset?
3) Et Sénèque et Sextus Empiricus montrent comment on a
procédé dans les écoles à partir de la période éclectique : par
simple addition des causes d'Aristote et de Platon, en sorte
qu'on aboutit à la turba causàrum (Sen. 65,11) où Γ είδος est
deux fois compté, sous la forme platonicienne de Y exemplar (id
ad quod : Idée séparée) et sous la forme aristotélicienne dé
1' είδος ενυλον (id in quo Sen. 65,8 \ forma 65,9 : cf. 58, 18-21

(1) Cf. Theiler, pp. 18 ss. (et 18, n. 1).


110 A. J. FESTUGIÈRE

idea et idos, en particulier 58,21 : alterum (se. idea) exemplar


est, alterum (so. idos) forma ab exemplari swnpta et operi
inposita). Dans d'autres cas, on ajoute à cette tûrba Tune ou
l'autre cause des stoïciens : ainsi le lieu chez Sénèque 65,12 et
Sextus Empiricus (supra, p. 108). La naïveté du procédé éclate
chez Sénèque (65,7) : his (les causes d'Aristote) quintam Plato
adicit exemplar.
Or quelques uns de ces traits apparaissent aussi chez Gàlien.
Langage prépositionnel : propositum secundum quod 39.16,
effigiei adquam 40.23, id propterquod 40.22 (cf. Sen. 65,8).
— Interférence de Γ είδος d'Aristote dans le scheme de Platon :
en 39.16 Deinde propositum (παράδειγμα) considerare instituit
secundum quod etc, il est bien question de l'Idée modèle séparé;
mais en 57.14 Gàlien prononce sans sourciller mundus enim e
materia et forma ortus et natus^st, bien qu'il paraphrase iciTVm.
50 c 6 ss- τριττά, το μεν γιγνο'μενον, το δ' εν φ γίγνεται, το δ' δθ«ν
άφο μο^ού μενον ©ύεται το γιγνόμενον, où ce το όθεν est
manifestement le Modèle séparé (cf. 50 c 4 : les empreintes sont
των δντων άεΐ μιμήματα) (1). Gomme le note M. Walzer (2), Alt
binos a la même doctrine, Did. 4, 155.34 έπε! των νοητών xk
μεν πρώτα υπάρχει, ώς αϊ ίδέαι, τα δέ δεύτερα, ως τα είδη τα
επί τ$ ΰλιρ αχώριστα δντα της ΰλης, Did. 10, 166.2 ει γαρ σώμα
σ θεός, εξ ύλης αν ειη και είδους, δια το πάν σώμα συνδυάσμά τι
είδους,"
είναι εκ τ ε ύλης και του συν αύτγ, δπερ έξομοιου-
ται τ α! ς ίδέαις και μετέχει αυτών δύσφραστον δη τίνα τρόπον
(cf. Tim. 50 c 4 les empreintes sont των δντων αεί μιμήματα,
τυπωθέντα άπ' αυτών τρόπον, τινά δύσφραστον). Nous, avons
rencontré déjà cette distinction de Γ ιδέα séparée et de Γ είδος ενυ-
λον, chez Sénèque 58, 18-21. Elle est évidemment le produit
d'une conciliation entre le pur platonisme et le platonisme
interprété par Aristote, v. gr. Met. A 6,988 a 7 Πλάτων μέν
ούν... ούτω διώρισεν * <ρανερον δ'... δτι δυοΐν αιτία ιν μόνον
κέχρηΐαι, τ^τε του τί έστικαί η| κατά την υλην.
ι

(1) Sur ce passage 57.14 W., cf. Walzer ad loc. etpraef. pp. 9-10.
(2) P.- 9.17 m.
LE <( COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN 111

Tous ces traits du Compendium Timaei, sans parler de la


distinction rigoureuse des causes (supra pp. 105 sq.), montrent
assez combien Galien dépend des enseignements scolaires de
son temps.

III. Les. deux causes.


Plus loin (56. 1 ss.), Galiën présente une autre division,
qui ne comporte plus que deux causes : Gausam igitur omnium
rerum quas creatas hucusgue cbmmemoravit (se. le monde,
l'Ame du monde, les dieux inférieurs, les âmes individuelles),
iNTELLECTUM esse opinatur ; generationem ceterarum quae exstant
rerum ...necessariam esse opinatur... Necessitatem vero causam
erraticam vocat. C'est ici manifestement une paraphrase de
Tim. 47 e 3 ss. (distinction du Νους et de Γ 'Ανάγκη = cause
errante 48 a 6).
Cette réduction à deux causes seulement (1) est ancienne, et
elle jouera un rôle dans l'École a côté de la division trinaire.
Elle paraît déjà chez Théophraste, phys. op. fr. 9 D. (Dox.
484. 19) : Ό μέντοι Θεόφραστος... 'Τούτοις, φησίν, επιγενόμενος
Πλάτων . . . έπέδωκεν εαυτόν και τοις φαινομένοις άψάμενος της περί
φύσεως ιστορίας, εν ·§ δύο τας αρχάς βούλεται ποιείν το {χέν
ύποκεί|Λενον ώς υλην δ προσαγορεύει πανδεχές, το δέ ώς
αίτιον καΐ κινούν 8 περιάπτει τ^ του θεού και τ$ του
αγαθού δυνάμει* (noter l'assimilation de la cause motrice
et de la cause finale, v. infra).
Dans l'École, on peut la suivre chez le péripatéticien Aris-
toklès de Messine (ne siècle ap. J.-C.) ap. Eus. pr. ev. XV 14,.
816 D (» Si. V. F., I, p. 27. 11 A.) : Στοιχεΐον ειναί φασι (les
Stoïciens) των όντων το πυρ, καθάπερ 'Ηράκλειτος, τούτου δ' αρχάς
υλην και θεό ν, ώς Πλάτων. De même dans la source de
Diogène Laerce ITI 41 : δύο δέ των πάντων ,άπέφήνεν άργ άς,
θεό ν και υλην, 8ν και νουν προσαγορεύει και αίτιον. De même

(1) Elle remonte bien au limit (l. c.) et ne doit être confondue ni avec la
division stoïcienne τό ποιούν — to ιτάσχον (ν. gr. Si. V. F., 1, p. 84.5 ss.), ni avec
celle d'Aristote το τί ivn — ή δλτι Met. A 6, 988 a 7 (cité supra p. 110).
112 A. J. FEST13G1ÈRE

enfin dans YAsclepius hermétique, c. 14 (313.3 N.-F. C'est la


iv* section, sur les Principes) : Fuit Deus et υλη, quem Graece
credimus mundum (ici matière) (1).
Cette division binaire était donnée par le Timée lui-même.
Mais certains points de doctrine, dans le "platonisme du
il* siècle, ont pu y contribuer, en portant à réduire à l'unité les
trois κυρίως αίτίαι de Platon, le δημιουργικόν, le παραδειγ|Λατικόν
et le τελικόν (Procl., I, 4. 26 ss.).
Essence (ou forme), cause finale et cause efficiente avaient
été déjà assimilées par Aristole, Phys, Β 7, 198 a 24 έρχεται oV
τα τρία εις εν πολλάκις * το jxèv γαρ τι έστι καΐ το οΰ ένεκα εν εστί,
το δ' δθε'ν ή κίνησις πρώτον (la cause prochaine du mouvement)
τφ ειδει ταύτο τούτοις, et nous avons vu, chez Théophraste (v.
supra, p. 111), la cause efficiente comprendre à la fois la
notion de Dieu et celle du Bien, donc l'efficience et la finalité.
Observons maintenant que, pour le platonisme du n* siècle,,
les Idées sont des pensées de Dieu (2). Déjà Sénèque,
ep. 65, 7 : haec exemplaria rerurà omnium deus intra se
habet ... :.pienus his figuris est, quas Plato ideas appellat.
Albinos, Did. 9, p. 163. 27 H. : είναι γαρ τας ιδέας νοήσεις θεού*·
αιωνίους τε και αυτοτελείς. Attikos ap. Eus. pr. èv, XV 13,.
815 C (3) : νοήσας γαρ (se. 6 Πλάτων) Oeèv αύτος ως των απάντων*
πατέρα και δηιχιουργον καΐ δεσπότην καΙ *ηδε|ΛΟνα, καΐ γνωρίζων εκ
των έργων τον τεχνίτην πρότερον νοήσαι τοΰτο δ .[λέλλει δη[λΐουργη-
σειν, ει(Γ ούτω τφ νοηθέντι κατόπιν επι των πραγμάτων προσάγειν-
τήν ομοιότητα (4), ταύτόν δή (ενο'ητε) τα του θεοίί νοήματα
ν<ώς> πρεσβύτερα των πραγμάτων, <^οντα^> τα των
γιγνο|Λένωνπαραδείγμι.ατα ..., μάλιστα piv και πρώτως αύτα

(i)Mais l'auteur ajoute aussitôt 4 et mundo comitabatw spiritus vel ïnerat


mundo spiritual (= le souffle stoïcien ; souvenir peut-être aussi de la Genèse), et
ce spiritus va être traité plus loin (16, p. 315.13 ss.) en troisième cause, l'auteur
distinguant (a) le àieu summus mente sola in tellegibilis, (b) le souffle qui meut et
gouverne toutes les classes d'êtres sensibles, (c). la matière dite réceptacle {Timée \)
de toutes choses.
(2) Sur ce point, cf. Theiler, op. cit., pp. 15 ss.
(3) Cf. Ph. Merlan, Gnomon, Τι, 1934, pp. 263-210.
(4) Sur ce τόπος, cf. Tbeiler; p. Π. ·
LE «COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ» DE GAL1EN * \


δντα, παραίτια δε και τοις άλλοις του είναι τοιαύτα Ικαστα, οϊαπέρ έστι.
κατά την προς αυτά ομοιότητα (cp. Alb. Did. 167.4 της ιδέας ούσης
αιτίας αρχήν του είναι Ικαστον τοιούτον, οίον αύτη υπάρχει). Ascfe-
pius 14, 313. 5 : inerat mundo spiritus, sed non simïliter ut dep·
NEC Deo haec de QuiBus MUNDos = « le souffle était dans la
matière, mais non pas de la même façon qu'il était en Dieu ou
qu' étaient en Dieu les principes d'où le monde a tiré son orï-
gine ».
Les Idées une fois assimilées aux pensées de Dieu, il n'était
pas difficile de mettre en Dieu aussi le mobile (propositumt
Sen. 65, 10) qui le fait agir et qui est sa propre bonté. Dieu
est le Démiurge et il est bon : αγαθός ήν Tim. 29e 1. Théo-
phraste lie la cause efficiente à la δύναμις de Dieu H du Bien.
\? Asclepius hermétique dit (c. 8, 305.8 N.-F.) : ergo ut tantus
et bonus, esse voluit alium, etc. Ce même Asclepius nous
montre qu'au ne (ou 111e) siècle, .la yolonté de Dieu est tenue
pour identique à sa bonté : 20 (321 .9) Hic ergo^ solus ut omnia,
... semper voluntatis praegnans suae, paru semper quicquid
voluerit procreare. Voluntas eius est bonitas omnis. 26 (330. 2 ss.)
deus ...voluntate sua, quae est dei benignitas. (331.13J Dei
enim natura consilium est voluntatis. — Bonitas summa consi-
lium, ο Trismegiste? — ■ Voldntas, ο Asclepi, consilio nascùur...
Vull autem omnia bona... Omnia autem bona et cogitât et vulL
Comme d'habitude, notre auteur n'est pas clair. Comme
d'habitude aussi, il est un précieux témoin sur les questions
disputées de son temps. De ce nombre est le problème voiuntas
(dei) = bonitas (dei). L'interrogation même du disciple
(Asclepius) le prouve. C'est en ce temps un dogme reconnu que la
voiuntas de Dieu s'identifie à son action créatrice (cf. 8,305.12
voiuntas etenim dei ipsa est summa perfectio), en ce que
vouloir et accomplir coïncident dans le cas de Dieu. Si
Dieu est donc essentiellement activité créatrice, sa voiuntas
exprime son essence : dei ènim natura consilium est voluntatis.
Mais alors, demande Asclepius, en raison évidemment d'un
problème d'école, mais alors, « ce conseil (du Vouloir Divin)
REG, LXV, 1932, n· 304-J05 8
414 A. J. FESTCG1ÊRE

«st donc le Bien suprême ? » Par son tour soudain et brusque,


«ette question décèle son origine. Elle dérive d'une équivalence
généralement admise dans l'École : qui dit Vouloir de Dieu dit
le Bien (1).
On aboutit donc ainsi à ramasser les trois κυρίως αίτίαι en une
seule, Dieu créateur, qui conçoit en lui-même le Modèle et
dont le mobile est le Bien identique à son propre vouloir.
Cette réduction paraît accomplie déjà au temps de Sénèque,
6S, 12 : Sed nos nunc primam et gêneraient quaerimus causant.
Haec simplex esse débet : nam et materia simplex est.
Quaerimus, quid sit causa? Ratio scilicet faciens, id bst deus : ista
enim, quaecûmque rettulistis, non sunt multae et singulae
causae, sed ex una pendent, ex ea quae pacit.
Si, maintenant, la cause exemplaire et la cause finale ont
été absorbées dans leur principe {pendent), la Cause efficiente,
on aboutit au dualisme de deux Causes simples (cf. Sénèque),
Dieu et la matière. Ce dualisme a pu être corroboré par le
dualisme stoïcien ποιουν-πάσχον. Il n'en résulte pas moins de
prémisses proprement platoniciennes, et l'on n'aurait pas de
peine à montrer qu'il a suscité un puissant courant de pensée
platonicienne, à partir justement du 11e siècle.

C. — L'Ame du Monde, ch. IV, 42.1 ss.

Nous avons vu plus haut (p. 103) que, dans la question 3e


l'origine temporelle du monde, Galien se range du côté d'Atti-
koset de Plutarque, contre son maître Albinos et Apulée. Il se
montre donc conséquent lorsqu'il attribue le mouvement
désordonné de la matière à la présence d'une Ame, qui sera
donc nécessairement une Ame mauvaise, cf. 43 7 ss. : Si ergo
anima, secundum (Platonis) sententiam, principium est movendi,

(1) II faut donc garder soigneusement le texte, révélateur en sa brusquerie .


Scott (346.9 s.) corrige : Dei ènim natura consilium est bonitatis (voluntatis codd.)
— Voluntas (Bonilas codd.) etc.
LE «COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ» DE GAL1EN 115

materia autem per se movetur, manifeslum est (maiériam)


animatam esse. Gomme, toutefois, celte Ame motrice die la
matière est perturbata et qu'elle se meut sine ullo ordine. Dieu,
voulant amener la matière à Tordre, lui a infusé une Ame
(bonne), qui est de la nature de l'être immuable (l'Idée)
44.11-13 (1).
Sans entrer ici dans une discussion infinie, exquise
prolonge chez les modernes, je me borne à signaler le point.
Oalien était certainement au courant des disputes scolaires de
son temps. Il a donc fait un choix, et Ton aimerait savoir ce
qui a commandé son choix (2).

Je me suis étendu quelque peu sur ces premiers chapitres


,

du Compendium pour essayer, après M. Walzer, de le remettre


dans son cadre. C'est essentiellement un écrit scolaire, non
seulement par sa forme toute sèche (3), mais encore par ce
qu'il dénote de souvenirs de discussions d'école. (C'est aussi
l'œuvre d'un éclectique, pour qui les doctrines se sont émous-
sées (είδος paradigme et είδος forme). Curieux, le choix^décidé
— car Galien ne discute même pas les autres interprétations —
dans le cas de Yinitium mundi et de l'Ame de la matière. D'au*
tant plus curieux que, dans ces questions, Galien paraît avoir

(1) Sur les ressemblances avec Plutarque {de an. procr.), cf. W. ad 43.10 et
praef., p. 10.18 ss. Je doute qu'il faille ranger Albinos dans la même catégorie
{Did. 13, 169.3 laisse le problème ouvert, sans préjuger le fond : matière mue par
elle-même (mais sans âme), matière mue par une âme). Albinos nie le
commencement temporel (supra, p. 101) et les deux δόξαι vont ensemble.
(2) M. W. ne se prononce pas, cf. praef. p. 12.
(3) G. résume en cinq lignes le discours aux dieux {Tim. 41 a 7 ss.), cf. 48.1 ss.
Deindedixil : Deus... angelis (interprétation arabe des dieux inférieurs) orationem
communem habuit {dicens) etc. On comparera, en contraste, l'abondance des
descriptions (mélange dans le cratère) et des discours dans la Korè Kosmou
hermétique. — 6. résume en deux lignes la belle conclusion Tim. 90 a 2-d 7, cf. Gai.
94.38 s. Inter homines autem felix is est in quo haec anima (le νους, dit δαίμων
σύνοιχος) fortissima et compositissima animae specierum (se. pleinement mat-
tresse du θυμός et de Γβπιβυμητ;χό*ν) invenitur. Sécheresse bien significative,
quand on songe à l'immense influence de ce texte sur le mysticisme païen.
116 R. M. TONNEAU

été sceptique (1). Peut-être le texte de Platon lui semblait-il si


clair que toute autre exégèse dût être, d'emblée, exclue.
A. J. Festugière.

Le tkxtb arabe. — La version de ce Compendium, fait par Galien, du


Timée de Platon nous a été ,conservée complètement dans deux
manuscrits principaux de Constantinople ; l'un FAya Sofya, 2410, f. 1M9*;
l'autre l'Esead, 1933, f. 149P-161V. Un autre manuscrit conservé dans la
Bibliothèque de l'Université de Constantinople A 1458, f. 206*-211T,
contient bien aussi notre texte, mais n'offre guère d'intérêt, car il ne fait
que reproduire le manuscrit Esearl, auquel il ajoute quelques fausses
lectures ou, au mieux, quelques corrections telles qu'un scrihe ignorant
peut en proposer par simple conjecture. Enfin, dans le manuscrit Ahl-
wardt 5031 (= Petermann 578, f. 48 y-85 y), parmi divers fragments de
Platon, on trouve un extrait du Compendium, f. 84>·-85Γ, la fin de l'avant-
dernier chapitre, ce qui correspond, dans l'édition, à la page 32, ligne 1,
jusqu'à la page 33, ligne 12, soit 24 lignes de texte.
Nos deux manuscrits principaux semblent dépendre d'un même
exemplaire assez mauvais ; en effet, la plupart de leurs erreurs les plus
graves sont communes, chacun ayant cependant aussi les siennes
particulières ; «t ces fautes ne sont pas seulement l'omission de mots isolés,
mais par homoeoteleuton l'omission de membres de phrase, sans parler
de ces erreurs que provoque l'écriture arabe par interversion ou
omission de ses points diacritiques ou par la forme trop semblable de
certaines de ses lettres. L'édition signale aussi l'interversion de mots, de
paragraphes. L'éditeur conclut donc : « Quae cum ita sint, coniecturae
quas adhibuimus interdum incertae sunt et plures loci sanari non poterant »
(p. 30).
Quoi qu'il en soit du texte, quelle est du moins la valeur de la version
qu'il contient?
Nôtre meilleur manuscrit, celui de l'Esead 1933, ajoute au titre « ihrag
Hondin ibn Ishaq ». Que signifie ce mot « ihrag » ? S'il s'agit d'une
version, et non d'une édition, Honaïn est-il l'auteur de la version arabe ou,
comme souvent, d'une version du grec en syriaque, version qui aurait,
à son tour, été traduite en arabe par un autre? On expliquerait bien des
fautes de traduction et l'on résoudrait bien des difficultés qu'offre le
texte arabe, si celui-ci était passé par un intermédiaire syriaque. Deux
paragraphes très intéressants de l'Introduction traitent donc « De inter-*

(1) Cf. W., p. 11 et n. 2, qui cite le témoignage d'Averroès (retraduit du latin


en grec par Kalbfleisch) : δ Γαληνός νομίβας μηδένα Ιχειν είδεναι δτι δ κόσμος
αίδιός εστίν ή1 μή... "Οτι ουδέν ασφαλές έχει (se. Galien) κερί του κόσμου πότερον νέος
ή παλαιό";.
LE « COMPENDIUM ΤΙΜΑΕΙ » DE GALIEN 117
prèle» et « De ratione vertendi ». Ils expliquent, et justifient d'avance,
tout le travail d'interprétation et les notes en marge du texte arabe.
Malgré cette indication du manuscrit d'Esead et le témoignage
concordant d'une lettre de Honaïn, disant de ce Compendium « in usum
Mohammadi ibn Musa in linguam arabicam transtuli », on peut cependant
poser la question, et R. Walzer la tranche dans le sens d'une double
version gréco-syriaque et syro-arabe. La question se pose en effet. Le
manuscrit Esead ajoute une note : « Haec omnia vertit Isa ; Honaïn libri
de Re Publica summaria emendavit. » Or les lettres de Honaïn nous font
connaître cet Isa, disciple très cher pour ;qui, bien souvent, son maître
a traduit un texte grec en syriaque, Isa traduisant ensuite cette version
syriaque en arabe. Fut-ce le cas pour le Compendium du Timéel
R. Walzer le pense et tente de le prouver. En quel sens faut-il entendre
le mot « ihrag » de la note initiale ? « Ihrag » signifie littéralement « faire
sortir «; parfois on l'emploie pour signifier « publier » un ouvrage
littéraire ; jamais cependant ce mot ne signifie « traduire » . En syriaque,
au contraire, le terme correspondant» appeq », «faire sortir»,
s'emploie régulièrement pour signifier « traduire ». R. Walzer cite les
dictionnaires de Brockeimann et de Payne-Smith pour confirmer cette
interprétation du mot syriaque. Quant au mot arabe « ihrag », Honaïn
l'emploie avec le sens de « faire un compendium », comme fit Galien,
par exemple. N'ayant pas lui-même fait le compendium, mais l'ayant
traduit, Honaïn n'aurait donc pas employé le terme « ihrag » pour
désigner son travail ; peut-être a-t-ii employé le correspondant syriaque de
ce mot, « appeq », et ajouté à la fin de sa version la note traduite ensuite
avec le reste, trop littéralement cependant, par « ihrag ». Ce mot
représenterait en une traduction, mauvaise par excès de littéralisme, la finale
d'une version syriaque faite en effet par Honaïn. D'ailleurs, nulle version
directe du grec en syriaque ou en arabe n'est attribuée à Isa. Il est donc
probable qu'Isa, cette fois-ci comme très souvent, a traduit en arabe,
comme le dit la note ajoutée, le texte que son maître lui avait préparé
en le traduisant du grec en syriaque. S'il en est ainsi, on comprend
mieux un bon nombre de fautes de l'arabe, qui ne s'expliquent que par
une méprise sur un terme syriaque. C'est un argument de grand poids
pour faire admettre Tinter m édiaire d'une version syriaque.
M. Walzer tire de cette intéressante discussion la conclusion (p. 22)
que l'on pourrait donc distinguer six causes des difficultés que présente
la version arabe : 1° Galien dans son Compendium ; 2° Honaïn a pu se
servir d'un mauvais texte grec; 3° il a pu aussi mal comprendre un
terme grec; 4<> le traducteur arabe a pu prendre un terme syriaque
dans un sens différent ; 5° le mot arabe a pu aussi avoir jadis, à Bagdad,
un sens différent de celui que nous lui donnons aujourd'hui ; 6° enfin,
restent les fautes de nos manuscrits. On comprend l'intérêt qu'offrent
ces résultats pour essayer de pénétrer les mystères que présentent deux
manuscrits difficiles et en mauvais état. M. R. Walzer ne craint pas de
dire (p. 21) : Quamquam igitur Timaei Compendium Graecum non exstat,
118 R. M. TONNEAU
tamen e contextu Platonico cum versione Arabica collato, saepe collegi potest,
quibus philosophiae vocabulis Galenus usus sit (c'est ce que signalent les
notes de là version latine), et quo modo citationum Platonicarum singula
cola coniunxerit. .A la lecture de chacune de ces pages, du texte arabe et
de la version latine, on a bien l'impression que vraiment ce programme
a été réalisé, dans la mesure où il était possible.
L'édition s'enrichit d'un double index grec-arabe et arabe-grec, où
chaque mot technique se trouve noté avec ses références à Galien et à
Platon. On reconnaît ici, comme dans toute cttte édition, la maîtrise
avec laquelle l'auteur domine toute cette littérature.
R. M. Tonneau

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