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LES SOURCES ITALIENNES


DE L’HISTOIRE
DU
MAGHREB MÉDIÉVAL
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ISBN : 2-912946-91-3
© EDITIONS BOUCHÈNE, 2006.
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DOMINIQUE VALÉRIAN

LES SOURCES ITALIENNES


DE L’HISTOIRE
DU
MAGHREB MÉDIÉVAL
INVENTAIRE CRITIQUE

EDITIONS BOUCHENE
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Introduction

Se faisant face, de part et d’autre de la Méditerranée, l’Europe et le Maghreb


ont très tôt entretenu des relations suivies. Dans l’antiquité Rome se
fournissait largement en céréales dans ces terres que les guerres puniques
avaient ouvertes à la colonisation. La fin de l’empire romain, le recul de
l’économie en Europe occidentale et la conquête arabe de l’Afrique du Nord
et d’al-Andalus ont pendant un temps fortement perturbé ces relations
commerciales1. Pour autant les contacts n’ont jamais totalement cessé.
Pendant longtemps cependant ils sont marqués essentiellement par l’hostilité,
avec des razzias musulmanes contre les côtes chrétiennes, allant jusqu’à la
conquête de la Sicile par les Aghlabides d’Ifrîqiya. Peu à peu, l’essor
économique des grandes cités portuaires italiennes, catalanes ou de la France
méridionale permet la renaissance des routes de navigation et des échanges
entre les deux rives. Dès lors le Maghreb affirme résolument son ancrage
économique en Méditerranée occidentale, au détriment souvent des liens
directs avec l’Orient musulman, il est vrai déjà relâchés au niveau politique.
Si les pays d’Islam conservent une réelle unité religieuse et culturelle,
l’affaiblissement du califat abbasside, puis l’émergence de califats rivaux en
Occident à partir du Xe siècle, achèvent de ruiner l’unité politique de cet
espace. Partant de ce constat, certains historiens, notamment à l’époque
coloniale, ont développé un discours qui insiste sur le caractère naturellement
amical des liens entre les deux rives 2. D’autres à l’inverse ont insisté sur le
caractère tout aussi naturellement hostile des relations entre l’Islam
maghrébin et la chrétienté latine 3. Si cette approche, encombrée souvent de
considérations morales et idéologiques, doit être rejetée, il n’en reste pas
moins que les relations sont constantes entre les deux rives, quelle que soit
leur nature, et que l’ancrage du Maghreb à la Méditerranée occidentale est
une des composantes importantes de son histoire médiévale.
1. Voir en particulier H. Pirenne, Mahomet et Charlemagne, Paris, 1937, rééd. 1992.
2. Voir en particulier les études de Louis de Mas-Latrie, notamment Aperçu des relations
commerciales de l’Italie septentrionale avec l’Algérie au Moyen Âge, Paris, 1845 (appendice au
Tableau de la situation des établissements français en Algérie 1843-1844). On retrouve cependant cette
approche dans des travaux plus récents, qui insistent également sur la nécessaire amitié entre
les deux rives. Voir par exemple le titre d’un colloque organisé en 1998 à Rome à l’occasion du
800e anniversaire de l’ordre des Trinitaires : La Liberazione dei ‘cativi’ tra cristianità e islam. Oltre
la crociata e il gihâd: tolleranza e servizio umanitario. Atti del Congresso interdisciplinare di studi
storici (Roma, 16-19 settembre 1998), dir. G. Cipollone, Cité du Vatican, 2000.
3. Cf. R. Panetta, I Saraceni in Italia, Milan, 1973.
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Cette ouverture à l’Europe et à la mer est une évolution décisive à bien des
égards pour le Maghreb. Comme j’ai pu le constater dans le cadre du port
de Bougie, l’histoire non seulement économique, mais aussi politique voire
sociale, est en partie marquée par cette évolution 1. Or les sources arabes ne
parlent qu’exceptionnellement de ces relations avec les puissances
chrétiennes, sinon sur le mode de la nécessaire confrontation avec l’infidèle.
Il y a à cela une explication idéologique évidente, car dans un contexte
marqué, en Orient mais aussi en Occident, par l’esprit de guerre sainte, des
relations normales avec les chrétiens sont inimaginables ou au moins
inavouables. Mais la raison principale de cette lacune documentaire réside
dans la nature des sources arabes. Celles-ci sont pour l’essentiel textuelles.
Chroniques, descriptions géographiques, relations de voyages, recueils de
biographies ou de consultations juridiques, sont autant de textes qui
n’accordent qu’une très faible place aux questions économiques, en particulier
aux relations avec la mer 2. Il n’y a là rien de surprenant car leurs auteurs sont
rarement issus des milieux marchands et n’ont guère de raisons de s’intéresser
à ces problèmes. La mer, d’une manière générale, est le plus souvent absente 3.
Mais cette lacune n’est pas compensée, comme c’est le cas en Europe
occidentale, par la présence de documents d’archives. Ces documents sont
en effet exceptionnels pour l’époque médiévale dans le monde arabe, à
l’exception de l’espace syro-égyptien 4. Les raisons de cette singularité sont
liées en partie à un usage de l’écrit différent 5. Mais cette explication est
insuffisante, car il existait un notariat musulman et une chancellerie, qui
produisaient des actes en abondance 6. Ces lacunes sont donc surtout dues
à l’absence de continuité étatique dans la conservation des archives 7.
1. D. Valérian, Bougie, port maghrébin à la fin du Moyen Âge (1067-1510), sous la direction de
M. Balard, Université Paris I, décembre 2000 (à paraître).
2. B. Rosenberger, «L’Histoire économique du Maghreb», Handbuch der Orientalistik, sechster
Band - Geschichte der Islamischen Länder, sechster Abschnitt, Wirtschaftsgeschichte des vorderen
Orients in islamischer Zeit, Teil 1, Leyde – Cologne, 1977, p. 205.
3. Il faut attendre les Ottomans pour avoir une véritable littérature de la mer. A. Miquel, «La
géographie arabe après l’an Mil», Popoli e paesi nella cultura altomedievale. Settimane di studio del
Centro Italiano di Studi sull’alto Medioevo, 29, Spolète, 1983, p. 170. Mais même à l’époque
moderne l’intérêt pour la mer apparaît peu dans les textes. S. Boubaker, «La perception de la
Méditerranée en Tunisie», La Méditerranée tunisienne, Paris, 2000, p. 23-25.
4. Cl. Cahen, «L’histoire économique de l’orient musulman médiéval», Studia islamica, 3, 1955,
p. 93-115, rééd. Les Peuples musulmans dans l’histoire médiévale, Damas, 1977, p. 214.
5. P. Guichard, Les Musulmans de Valence et la reconquête (XIe-XIIIe siècle), vol. I, Damas, 1990,
p. 40, qui qualifie le document écrit de «sorte d’accessoire ou de “lubrifiant” de la vie administrative
et sociale plutôt que le fondement même des relations entre les individus et les institutions».
6. Certains de ces documents de chancellerie ont d’ailleurs été conservés, car insérés dans
des chroniques.
7. Guichard, Les Musulmans de Valence, op. cit., p. 40-41. Les archives sont le plus souvent
conservées dans les familles et on ne trouve pas, comme en Europe, des minutiers de notaires
conservés dans des archives propres. Un document génois de 1475 nous apprend ainsi que les
notaires musulmans ne conservent pas les documents qu’ils ont instrumentés. Archivio di
Stato di Genova, notai antichi, filza 871, notaio Emanuele Granello, n° 274, 296 (documents de
1479), cité par L. Balletto, «Famiglie genovesi nel Nord-Africa», Dibattito su grandi famiglie del
mondo genovese fra Mediterraneo ed Atlantico. Atti del convegno Montoggio, 28 ottobre 1995, dir.
G. Pistarino, Gênes, 1997, p. 59.
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Ces manques pèsent lourdement sur la recherche en histoire économique


et sociale du monde musulman médiéval 1, notamment en raison de la rareté
des données quantitatives fiables. Ils peuvent cependant être partiellement
comblés en recourrant aux ressources des archives européennes, et plus
généralement de la documentation latine 2. Ces fonds, d’une très grande
richesse, sont conservés principalement dans les grands ports de l’Europe
méridionale. On les trouve à Marseille 3, à Barcelone, Valence et Majorque,
et surtout dans les archives italiennes. Leur volume, comme leur apport, sont
certes très inégaux. Selon les villes, les politiques de conservation des
documents (publics ou privés) varient. Parfois les fonds remontent jusqu’au
XIIe siècle (Gênes), mais le plus souvent ne commencent qu’au XIIIe, voire
au XIVe ou au XVe siècle. Par ailleurs les destructions (incendies, guerres)
qu’ont connues au cours des siècles les fonds conservés rendent l’ensemble
encore un peu plus disparate et lacunaire. Malgré tout, ces derniers
constituent un ensemble documentaire considérable et d’une grande richesse.
La confrontation par l’historien des sources arabes et latines, pour féconde
qu’elle soit, ne va cependant pas sans poser de problèmes. Les premières
tournent le dos à la mer, alors que les secondes ignorent presque totalement
l’arrière-pays maghrébin. Les informations recueillies sont donc complé-
mentaires, mais difficiles à intégrer, sinon d’un point de vue strictement
chronologique. Pourtant l’apport des sources latines est essentiel, en
particulier pour comprendre l’évolution de l’activité commerciale des
principaux ports maghrébins, et donc l’économie de la façade maritime.
Or à partir du Xe siècle, et surtout du XIIe siècle, le Maghreb se tourne plus
résolument vers la mer, délaissant en partie des régions qui furent, au début
de la période islamique, le cœur politique et économique des États successifs 4.
Les capitales des nouvelles dynasties, comme les nouveaux pôles
économiques sont tous ou presque sur des sites littoraux, ou en contact
étroit avec la mer. C’est le cas en particulier en Ifrîqiya avec Tunis et Bougie,
mais aussi Djerba, Sfax, Sousse, Bône, Collo, etc. Dans le Maghreb central
si la capitale abdelwadide, Tlemcen, est à l’intérieur des terres, elle est très
liée aux grands ports d’Oran et Hunayn (One), alors qu’Alger connaît un
essor important qui en fit, à l’époque moderne, la capitale de la régence
turque. Enfin à l’Ouest, le Maroc reste ancré à l’intérieur, avec Marrakech
ou Fès, mais les ports de la côte septentrionale comme Ceuta, Salé ou Alcudia
sont très actifs, surtout à partir de l’époque almohade, et entretiennent des
relations suivies avec les cités marchandes européennes (chrétiennes mais
aussi musulmanes en al-Andalus).

1. Cahen, «L’histoire économique», art. cité, p. 212.


2. Les textes et documents disponibles sont rédigés d’abord en latin, puis progressivement
dans les langues vernaculaires issues du latin.
3. Cf. D. Valérian, «Les archives de Marseille, sources de l’histoire du Maghreb médiéval :
le cas du port de Bougie (XIIIe - XVe siècle)», Annales du Midi, 233, 2001, p. 5-26.
4. M. Chapoutot-Remadi, «Fronte sahariano e fronte mediterraneo», Hinterland, 3e année, n° 15-
16, 1980, p. 10-21.
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Un deuxième problème se pose pour l’exploitation des données des


archives européennes, ou des sources latines d’une manière générale. Il est
bien sûr légitime pour l’historien d’utiliser des sources apportant un point
de vue extérieur à la région étudiée. C’est même une nécessité, en particulier
lorsque l’on aborde la question des relations entre l’Europe et l’Islam. Mais
les documents latins ne donnent qu’une image partielle de l’économie des
ports maghrébins et de leur arrière-pays. De même les textes considèrent le
plus souvent les pays musulmans comme des régions hostiles, et insistent
soit sur le danger qu’ils représentent, soit sur les possibilités d’expansion de
la chrétienté qu’ils offrent.
Pour autant les lacunes des sources arabes, autant que les relations très
étroites du Maghreb avec la Méditerranée dans les derniers siècles du Moyen
Âge, obligent à prendre en considération cette documentation extérieure,
dans toute sa diversité. Jusqu’à présent, à l’exception de Robert Brunschvig 1,
ces sources ont été essentiellement exploitées par les spécialistes de l’expansion
européenne, dans une perspective européocentrique, voire campaniliste.
Ces travaux sont cependant essentiels, car ils permettent de repérer les
principaux fonds disponibles et intéressant le Maghreb. En inversant la
perspective, et en considérant les États musulmans comme de véritables
acteurs régionaux et non comme de simples objectifs passifs de l’expansion
européenne, ces textes et documents européens doivent également être
exploités pour étudier l’évolution des relations du Maghreb avec l’espace
méditerranéen. Plus généralement ils permettent l’analyse de l’histoire du
Maghreb médiéval en soi, dans la mesure où ces relations avec l’Europe sont
aussi la conséquence, autant que le reflet, de l’évolution propre de la région.

Les principaux fonds utiles sont conservés dans les archives et bibliothèques
d’Espagne, de France et d’Italie. Ce sont les sources italiennes qui vont
retenir ici notre attention. Il serait sans doute souhaitable d’étendre ce travail,
notamment à l’aire catalano-aragonaise, mais cela dépasserait trop largement
mes compétences. Surtout, ma fréquentation de ces textes et documents
italiens, au cours d’un long et beau séjour dans la Péninsule, m’a convaincu
de l’intérêt d’en offrir aux chercheurs un inventaire qui puisse faciliter les
recherches à venir.
L’apport principal de ces documents est d’abord d’ordre économique et,
dans ce domaine, il comble en partie les lacunes des textes arabes. Les
archives, publiques comme privées, fournissent des données quantitatives
absentes ailleurs. Elles permettent de suivre l’évolution des échanges du
Maghreb avec l’Europe méditerranéenne, mais aussi avec le reste du monde
musulman (Orient et al-Andalus) lorsque les navires chrétiens sont utilisés,
et au-delà avec des régions plus éloignées (Asie, Europe continentale). Plus
largement, ces informations renseignent sur les activités des ports maghrébins

1. R. Brunschvig, La Berbérie orientale sous les Hafsides, des origines au XVe siècle, Paris, 2 vol.,
1940-1947. Dans cette thèse Robert Brunschvig n’avait cependant utilisé que les sources éditées.
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et de leur arrière-pays (jusqu’aux connexions avec les routes sahariennes),


en montrant les produits drainés jusqu’à la mer.
Cet apport a cependant ses limites, qui sont tout d’abord quantitatives. Si
la documentation notariale, marchande ou douanière, fournit des séries
parfois importantes, il convient d’être prudent dans leur traitement et leur
interprétation. La nature de chaque source et les conditions de sa production
doivent être prises en compte avec soin pour en cerner les insuffisances. Les
contrats de notaires conservés ne rendent compte que d’une faible part des
échanges, en raison des pertes documentaires, mais aussi de l’usage variable,
selon les lieux et les époques, de l’acte notarié dans les transactions
commerciales. Les données quantitatives ne doivent donc pas être considérées
de manière absolue. Elles permettent avant tout de faire des comparaisons
et de suivre des évolutions relatives.
Les limites de cette documentation latine sont également qualitatives. Les
informations recueillies permettent de connaître dans une certaine mesure
l’économie maghrébine, mais ne rendent pas compte de certains secteurs
importants. Seuls sont connus les produits faisant l’objet d’un commerce
maritime à longue distance, et principalement avec l’Europe. De nombreuses
productions agricoles ou artisanales, parfois essentielles, n’apparaissent
donc pas. D’une manière générale l’économie littorale est davantage mise
en lumière, alors que les villes et les campagnes de l’intérieur n’interviennent
qu’indirectement1. Enfin il ne faut pas oublier que certains produits, dont
le commerce est prohibé pour des raisons stratégiques ou religieuses, ne
peuvent figurer dans la documentation, sauf indirectement, lorsqu’une
fraude est découverte et dénoncée.
L’activité sur mer ne se limite cependant pas au commerce. Elément
essentiel de l’économie méditerranéenne, la piraterie a connu des périodes
d’intense activité au Maghreb comme dans les ports européens au Moyen
Âge, en particulier à partir de la fin du XIVe siècle. Son étude permet
d’appréhender non seulement l’importance économique de cette activité
(et son corollaire, les rachats de captifs), mais aussi, par les informations sur
les prises, de mieux connaître les courants d’échanges en Méditerranée.
L’histoire politique du Maghreb est quant à elle relativement bien connue
grâce aux chroniques arabes. Celles-ci cependant sont des reconstructions,
avec des buts le plus souvent politiques et laissent (volontairement ou
involontairement) bien des aspects dans l’ombre. Sans être d’un apport
considérable, les documents et les textes italiens peuvent à l’occasion fournir
des informations complémentaires utiles. Les souverains européens, comme
les grandes cités marchandes, sont en effet très attentifs à la situation
politique du Maghreb et en particulier à sa stabilité. Dans le cas de la Sicile
(normande, puis angevine et aragonaise) ou de la Couronne d’Aragon, cet

1. On peut cependant trouver des mentions de quelques grandes villes de l’intérieur


fréquentées par les Européens comme Tlemcen, Fès ou Constantine, alors que les régions plus
lointaines ne sont connues par les Européens, sauf exception, que de manière indirecte.
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intérêt correspond à des visées expansionnistes. Le plus souvent cependant


l’objectif est simplement d’assurer aux marchands les meilleures conditions
possibles pour leurs affaires, et pour cela entretenir de bonnes relations
avec les autorités en place. Ces relations diplomatiques avec les puissances
chrétiennes sont le plus souvent absentes des chroniques arabes, sinon sur
le mode de la dénonciation d’un acte de gouvernement impie. Elles sont
pourtant essentielles pour comprendre la politique des souverains
maghrébins, qui privilégient le plus souvent la venue des marchands
européens dans leurs ports, source de fortes rentrées fiscales, et donc les
relations pacifiques avec les États chrétiens.
En revanche les sources pour l’histoire religieuse sont encore mal connues.
Les archives du Vatican ont été peu exploitées à ce jour pour l’étude des relations
avec le Maghreb au Moyen Âge, notamment pour celle de l’effort missionnaire.
L’étude d’Anna Ajello sur les franciscains et l’Islam au XIIIe siècle 1 s’appuie
uniquement sur les sources éditées, et demanderait à être élargie 2.

Le travail en archives est souvent long et parfois désespérant, surtout


lorsque les instruments de travail manquent. Il existe certes un inventaire
des fonds manuscrits relatifs à l’histoire de l’Afrique du Nord existant en
Italie, entreprise commencée en 1971 et poursuivie depuis3. Mais ces ouvrages
sont utiles essentiellement pour l’histoire moderne et surtout contemporaine 4.
Pour le Moyen Âge, il faut se livrer d’abord à un long travail de repérage
des sources, puis de dépouillement. Il n’existe pas à ce jour de présentation
d’ensemble des ressources des documents italiens pour l’histoire du Maghreb
médiéval, qui permette un travail plus rapide sur ces fonds exceptionnels 5.
Lors du quatrième Colloque international d’histoire maritime de 1959,
portant sur les sources de l’histoire maritime en Europe du Moyen Âge au
XVIIIe siècle, plusieurs fonds italiens avaient été présentés, mais ces
communications, utiles pour un premier travail de repérage, restent trop
imprécises pour le Maghreb et le monde musulman en général 6. De même

1. A. Ajello, La Croce e la spada. I Francescani e l’Islam nel Duecento, [Naples], 1999.


2. C’est le cas également du mémoire de DEA de Cl. Maillard, Missions et conversions au
Maghrib. XIIIe–XVe siècles, sous la direction de Fr. Micheau, Université Paris 1, 2003-2004
(consultable au Centre d’études byzantines et du Proche-Orient de l’Université Paris 1).
3. C. Giglio, M. Mozzati, dir., Inventario delle Fonti manoscritti relative alla storia dell’Africa del
Nord esistenti in Italia, Leyde, puis Rome (Istituto di storia ed istituzioni dei paesi afro-asiatici
della Università di Pavia), 6 vol., 1971 s.
4. Voir également pour l’époque moderne la présentation du travail de Ch. de La Véronne,
«Sources européennes de l’histoire du Maghreb», Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études,
4e section, Sciences historiques et philologiques, 1969-1970.
5. Pour une présentation très générale des sources italiennes sur le Moyen Âge, voir A. Petrucci,
Medioevo da leggere. Guido allo studio delle testimonianze scritte del Medioevo italiano, Turin, 1992, qui
donne notamment une liste des grandes collections d’éditions de textes et de documents.
6. Voir en particulier R.-H. Bautier, «Sources pour l’histoire du commerce maritime en
Méditerranée du XIIe au XVe siècle», Les Sources de l’histoire maritime en Europe du Moyen Âge
au XVIIIe siècle, actes du IVe colloque international d’histoire maritime, Paris, 20-23 mai 1959, dir.
M. Mollat, Paris, 1962, p. 137-179.
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plusieurs travaux ont montré l’intérêt de tel ou tel fonds d’archives pour
l’histoire de la navigation et du commerce des grands ports italiens.
Le but que je propose donc ici est de rassembler ces informations, en
utilisant les travaux existant et en les complétant par mes propres
dépouillements dans les archives 1. Il s’agira de montrer, pour chaque fonds,
ses principales caractéristiques et son apport potentiel pour l’historien du
Maghreb médiéval. Cet inventaire critique permettra donc de mesurer
l’intérêt des grands types de sources disponibles en Italie, et d’en repérer la
localisation dans les différents fonds d’archives. Il ne s’agit donc pas de
présenter toutes les sources sur les relations entre l’Italie et le Maghreb,
dont certaines peuvent se trouver dans d’autres fonds d’archives, notamment
en Catalogne ou en Provence. À l’inverse nombre de documents italiens
sont essentiels pour connaître les activités des autres marchands européens
au Maghreb, et seront pris en considération.

Si on peut trouver des documents dans les archives ecclésiastiques


(principalement des évêchés) ou communales, c’est dans les Archives d’État
que sont conservés les documents les plus nombreux. Les chercheurs
disposent aujourd’hui d’inventaires de ces fonds, souvent précis, grâce à la
Guida generale degli Archivi di Stato italiani, publiée entre 1981 et 1994 en
4 volumes 2. Outre la description des différentes séries, l’historique des fonds
est précisé, ainsi que la fonction des différentes institutions qui produisent
les documents, ce qui permet de se faire une idée de leur contenu et de
leurs limites éventuelles. D’autres inventaires plus précis, édités ou
disponibles à l’état manuscrit aux archives 3, viennent compléter ces ouvrages.
Les sources utiles pour l’histoire du Maghreb sont de natures extrêmement
variées. En faire une typologie générale est assez difficile, car chaque fonds
possède sa propre histoire et sa propre logique de classement. On peut
cependant, de manière schématique, distinguer deux grandes catégories
de sources: documentaires d’une part, qui peuvent être de nature privée
(commerciale principalement) ou publique (politique, judiciaire ou
comptable), et narratives d’autre part (le plus souvent des chroniques) 4.

1. Je me limiterai aux sources écrites, qui sont les plus abondantes. Les données archéologiques
(notamment les études de monnaies ou de céramiques) ou cartographiques ne seront donc pas
prises en compte. Sur ce dernier point, voir notamment K. Kretschmer, Die italienischen Portolane
des Mittelalters. Ein Beitrag zur Geschichte der Kartographie und Nautik, Berlin, 1909, et plus
récemment P. Gautier Dalché, Carte marine et portulan au XIIe siècle. Le Liber de existencia
riveriarum et forma maris nostri Mediterranei, Rome, 1995 (sur un portulan pisan).
2. Guida generale degli Archivi di Stato italiani, Rome, 4 vol., 1981-1994. Ces inventaires sont
également consultables en ligne sur le site des archives d’État italiennes:
http://www.archivi.beniculturali.it.
3. Ces inventaires sont signalés dans la Guida generale.
4. Ce classement reste bien sûr sommaire. On peut par exemple rencontrer le texte d’un traité
de paix dans un registre de notaire, et des informations sur des opérations commerciales dans
les délibérations d’une Commune.
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La documentation commerciale
Les documents les plus abondants sont les contrats notariés et les écritures
commerciales privées. Leur répartition est cependant inégale dans le temps
et dans l’espace. Les très abondantes archives notariales génoises contrastent
avec la pauvreté des fonds pisans ou vénitiens, alors qu’à Florence ou Prato
sont conservés de nombreux livres de comptes, que l’on ne trouve pas
ailleurs. Si les actes notariés, en particulier, sont extrêmement abondants, il
ne faut cependant pas perdre de vue que seule une petite partie d’entre
eux a été conservée jusqu’à nous.
Les documents les plus utiles et les plus nombreux sont les contrats de
commerce maritime. Un traitement statistique peut donc leur être appliqué,
même si les résultats obtenus ne sauraient être considérés autrement que
comme des indications relatives, permettant de faire des comparaisons, ou
de suivre des évolutions lorsque l’on dispose de corpus homogènes sur
une longue durée. Ils sont de plusieurs types 1. Leur interprétation n’est pas
toujours aisée, car ces contrats dissimulent parfois des opérations de prêt à
intérêt interdites par l’Église, et les sommes inscrites par le notaire ne
correspondent pas nécessairement à la transaction réelle. Par ailleurs toutes
les caractéristiques de la transaction n’étaient pas forcément mises par écrit,
le notaire se limitant le plus souvent à enregistrer les éléments susceptibles
de donner lieu à contestation, car le contrat avait valeur de preuve. Il est donc
nécessaire de bien connaître, pour chaque port, le fonctionnement et l’usage
de ces contrats. La commande et la societas maris sont les plus anciens, et
longtemps les plus usités 2. Les deux contrats associent un capitaliste et un
marchand, qui dans le cas de la societas participe également à l’apport de
capital. Le document mentionne les noms des parties prenantes, ou de leurs
représentants, les sommes engagées et la répartition des profits, parfois les
produits exportés (plus rarement le contrat précise en quelles marchandises
le capital et les profits doivent être réinvestis outre-mer), le navire et les
destinations. Parfois celles-ci restent cependant imprécises, et le contrat
laisse souvent une certaine liberté au marchand, notamment pour poursuivre
sa route vers d’autres marchés ou faire des escales là où il le juge utile.
Les opérations de change maritime ont pris, selon les lieux et les époques,
des formes différentes, mais ayant en commun un changement de monnaie
d’une place à l’autre 3. Ces documents, d’interprétation souvent délicate (ils
peuvent dissimuler un prêt à intérêt, voire être des opérations totalement

1. Les historiens du droit commercial ont consacré de très nombreuses études aux contrats
commerciaux, d’un point de vue avant tout juridique. Il ne saurait être question ici de les citer
tous. Voir en particulier l’étude, déjà ancienne, d’A.-É. Sayous, Le Commerce des Européens à Tunis
depuis le XIIe siècle jusqu’à la fin du XVIe siècle, Paris, 1929.
2. Cf. G. Mignone, «Commenda e società: riflessioni d’oggi su un antico tema», Rivista di storia
del diritto italiano, 69, 1996, p. 155-204, et la bibliographie citée dans l’article.
3. Voir en particulier les travaux de R. De Roover, «Le Contrat de change depuis la fin du
XIIIe siècle jusqu’au début du XVIIe siècle», Revue belge de Philologie et d’histoire, 1946-1947,
p. 111-128; id., L’Évolution de la lettre de change XIVe-XVIIe siècles, Paris, 1953.
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fictives), sont utiles pour l’étude des rapports entre monnaies (de compte
ou réelles) 1 et de la circulation des pièces et des métaux. Mais les contrats
font également apparaître des produits (qui peuvent servir notamment de
gage à l’opération de change), les noms des investisseurs et des marchands,
et parfois ceux des navires.
Plus tardifs, les contrats d’assurance maritime n’apparaissent que vers le
milieu du XIVe siècle 2. Ils prennent d’abord, notamment à Gênes, la forme
d’un prêt fictif, l’assureur reconnaissant avoir reçu de l’assuré une somme
qu’il promet de restituer dans un délai fixé par le contrat, sauf si la
marchandise ou le navire assurés arrivent à bon port. L’assureur, qui n’a en
réalité touché que le montant de la prime (jamais mentionné) doit, en cas de
sinistre, verser au marchand la somme qu’il s’est engagé à rembourser. Par
la suite le prêt est remplacé par une vente, également fictive, dont le prix ne
sera payé à l’assureur qu’en cas de perte des marchandises 3. Ce type de
contrat permet de connaître la nature des marchandises transportées, et
souvent le navire utilisé. Lorsque le marchand doit se faire rembourser ces
sommes, un nouveau contrat peut enregistrer l’opération, indiquant souvent
l’origine de la perte (naufrage, acte de piraterie).
Enfin les contrats de nolis, ou de location de navire, bien que peu nombreux,
sont presque toujours d’une grande richesse. L’embarcation est souvent
décrite avec précision, en indiquant ses caractéristiques, le matériel pris à
bord (voiles, ancres, barques, etc.) et la composition de l’équipage. Les
conditions du voyage sont fixées, avec les dates de départ, les escales et
leur durée, la possibilité ou non de changer de trajet en cours de route,
l’attitude à adopter lorsque se présente l’occasion de s’emparer d’un autre
navire, etc. Certains précisent enfin des limites spécifiques aux ports
maghrébins, en relation notamment avec des mesures de boycott prises par
les États européens et surtout avec le problème des captifs qui pourraient
être tentés de fuir à bord des navires chrétiens 4. Enfin le coût du nolis est
donné, soit globalement, pour l’ensemble de la cargaison du navire, soit
pour chaque produit. Dans ce dernier cas, un tarif est donné pour chaque
type de marchandise chargée dans le port européen, ou au retour dans les
ports maghrébins, ce qui permet de disposer de listes de chargements des
navires, précisant parfois la part occupée par chaque type de produit.

1. En tenant compte cependant, autant que possible, de la marge prise par le changeur, qui
n’apparaît jamais en tant que telle et reste toujours masquée.
2. E. Bensa, Il Contratto di assicurazione nel medio evo, Gênes, 1884; L. A. Boiteux, La Fortune
de la mer. Le besoin de sécurité et les débuts de l’assurance maritime, Paris, 1968 ; F. Melis, Origini e
sviluppi delle assicurazione in Italia (sec. XIV-XVI), I, Le fonti, Rome, 1975 ; id., «Sulla realtà
dell’assicurazione nei trasporti marittimi (sec. XIV-XV)», I Trasporti e le comunicazioni nel
Medioevo, dir. L. Frangioni, Prato, 1984, p. 225-237.
3. M. Balard, «Assurances et commerce maritime à Gênes dans la seconde moitié du XIVe
siècle», Les transports au Moyen Âge. Actes du VIIe congrès des Historiens médiévistes de l’enseignement
supérieur public, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 85, 2, 1978, p. 273-282.
4. Les risques de représailles sur les marchands en cas d’aide apportée à un captif expliquent
que certains contrats de nolis prévoient que les captifs chrétiens ne pourront embarquer à bord.
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16 DOMINIQUE VALÉRIAN

D’autres contrats peuvent être également utilisés, même s’ils concernent


de manière plus indirecte le commerce maritime. Certaines procurations
donnent pouvoir de régler des affaires pendantes dans les ports maghrébins,
ou au contraire confient à quelqu’un les affaires d’un marchand sur le point
de partir en mer. De même celui qui s’apprêtait à entreprendre un long
voyage dressait parfois avant le départ son testament, indiquant son intention
de se rendre au Maghreb. Les testaments font par ailleurs apparaître des dons
en faveur du rachat des captifs en terre musulmane, et montrent la
mobilisation des sociétés portuaires face à ce problème. Les contrats de
rachat réunissaient les proches d’un captif et un marchand, spécialisé ou non
dans les rachats. Les premiers s’engageaient à payer le marchand au retour
de la personne du Maghreb, mettant pour cela leurs biens présents et futurs
en gage, et parfois avançant une partie de la rançon. Ces contrats sont
cependant assez rares en Italie.
On peut trouver également dans les registres de notaires des contrats liés
à l’activité de course. Ce peut être en particulier des associations de
financement d’entreprises de course, qui prévoient la répartition du butin.
Mais les objectifs sont rarement fixés avec précision, le contrat stipulant
simplement parfois la possibilité d’aller dans les eaux africaines.
Une fois débarqués dans les ports chrétiens, les produits maghrébins
étaient vendus et redistribués, sur les marchés de l’intérieur et parfois dans
d’autres pays européens. C’est ainsi que dans les archives des grands centres
industriels italiens il n’est pas impossible de trouver la trace de laine, de cuir
ou de cire «barbaresque», voire d’une origine plus précise (Tunis, Bougie
surtout). Mais c’est dans les ports que ces opérations sont les plus visibles,
l’origine du produit ayant tendance à se perdre lorsqu’il quitte son port
d’arrivée. Les ventes ne faisaient cependant l’objet d’un contrat devant
notaire que lorsque le paiement était différé, ou plus rarement lors de la vente
d’une marchandise devant arriver prochainement dans le port. Ces
documents permettent de saisir l’attrait des produits maghrébins, et leurs
prix 1. Il faut cependant se méfier des dénominations de produits, qui sont
parfois trompeuses. L’indication de l’origine géographique peut correspondre
à un trafic ancien qui n’a plus de réalité, alors que les marchands ont conservé
la dénomination générique du produit, sans lien avec son origine véritable 2.
Il est donc prudent de confronter ces données avec celles fournies par les
contrats maritimes pour vérifier la réalité des courants d’échanges.
Parmi les produits importés du Maghreb il en est un d’un genre particulier:
les esclaves. L’origine des esclaves vendus sur les marchés italiens varie
selon les époques. Bien souvent ce sont des gens venus d’Asie, mais on

1. En tenant compte du fait que ce prix est souvent majoré dans le contrat en cas de vente à
crédit.
2. C’est le cas par exemple des peaux d’agneaux de Bougie, appelées bougie, bogiet, etc. Mais
le mot en vient à désigner toute peau d’agneau fine, et l’on trouve alors des «bogy de Spayne»,
voire des «bougies romaniotes de Lombardie». R. Delort, Le Commerce des fourrures en Occident
vers la fin du Moyen Âge, Rome, 1975, p. 88.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 17

trouve également des esclaves «maures», ou venus d’Afrique noire,


transportés par caravanes jusqu’aux ports maghrébins, en particulier en
Tripolitaine. On les retrouve ensuite dans les documents notariaux, soit
pour leur vente, soit plus rarement pour leur affranchissement. On peut
également les rencontrer dans les cadastres qui donnent les listes des
habitants et de leurs biens. Il est souvent difficile de déterminer avec précision
l’origine de ces personnes, qui n’est pas toujours indiquée. L’onomastique
arabe n’est pas suffisante pour conclure à une origine maghrébine, et le
baptême entraîne un changement de nom, qui complique encore l’enquête 1.
Il faut enfin dire un mot des contrats instrumentés par les notaires italiens
dans les ports maghrébins. Ils sont peu nombreux, et d’autant plus précieux2.
Si l’on y voit rarement apparaître les partenaires musulmans, ces documents
nous donnent en revanche une bonne image de l’organisation interne de ces
communautés expatriées, voire de leur vie quotidienne. Exceptionnellement
on peut trouver également des actes instrumentés sur les navires par le
notaire du bord, notamment lors des escales dans les ports maghrébins.

Les contrats notariés ne sont cependant pas les seules sources possibles
pour l’étude des activités commerciales. À partir du XIVe siècle en particulier,
nombre d’opérations n’ont plus besoin d’être enregistrées devant un notaire
public. Il suffit alors qu’elles soient notées dans les livres de comptes des
marchands, ces écritures privées ayant valeur probatoire devant un tribunal.
Dans certaines villes, comme Florence, Prato ou Venise, cette source est
capitale, même si la compréhension de ces écritures comptables n’est pas
toujours facile. Le marchand note dans ses livres toutes ses opérations de
vente ou de prêt et ses investissements, y compris parfois ceux réalisés par
ses correspondants sur les places étrangères 3.
Enfin la correspondance marchande est riche d’informations diverses.
On y trouve bien sûr des données sur les différentes places, les prix et les
disponibilités des marchandises, les difficultés éventuelles que rencontrent
les négociants. Mais on peut également y trouver des informations d’ordre
politique, voire religieux ou culturel. Les plus intéressantes de ces lettres sont
celles envoyées par les agents des compagnies de commerce (facteurs) à la
maison-mère. Ils y détaillent leurs activités, insèrent des extraits de comptes,
de factures, des listes de produits, de chargements de navires, mais aussi des
nouvelles plus personnelles qui nous rendent plus vivante la vie des
Européens outre-mer 4. Pour le Maghreb, ces lettres sont cependant peu
nombreuses. On en trouve à Gênes, Venise, Prato (fonds Datini), ainsi qu’à

1. Sur l’esclavage, voir en particulier les travaux de Ch. Verlinden, et notamment L’Esclavage
dans l’Europe médiévale, t. II, Italie - Colonies italiennes du Levant - Levant latin - Empire byzantin
(Université de Gand, Travaux de la Faculté des Lettres, vol. 119), Gand, 1977.
2. On en trouve pour Gênes, Pise et Venise.
3. Voir en particulier F. Melis, Las fuentes especificas de la historia económica, Valladolid, 1977,
notamment les p. 74 s.
4. Ibid., p. 68-71.
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18 DOMINIQUE VALÉRIAN

Pise, dont les archives conservent des lettres écrites en arabe par des
marchands de Tunis à leurs correspondants pisans.

La documentation publique
La documentation publique peut se subdiviser en trois groupes : les fonds
proprement politiques, émanant des divers organes de gouvernement, les
fonds judiciaires et les archives conservant la comptabilité publique.
Très tôt les monarchies, comme les cités-État, ont organisé la conservation
de leurs archives publiques. La complexité grandissante des organes de
gouvernement se traduit par la multiplication des fonds au XIVe et surtout
au XVe siècle. Il est donc nécessaire, pour en comprendre l’intérêt, de connaître
l’origine des différentes institutions, ainsi que leurs fonctions et attributions,
ce qui permet de voir si leur rôle est purement local ou touche également
aux relations avec l’extérieur et notamment la Méditerranée. L’évolution de
ces organes de gouvernement doit également être prise en compte, car
certains se sont vus déposséder à un moment d’une partie de leurs
prérogatives, au profit d’autres instances, et les documents qu’ils produisent
perdent dès lors une grande partie de leur intérêt 1. Pour se repérer dans la
multiplicité des fonds, il est possible de se reporter à la présentation faite dans
les inventaires d’archives (notamment la Guida generale degli archivi di Stato,
qui donne l’historique de chaque série), ou aux études sur la vie politique
des différents États ou communes.
Une première série de documents est constituée par les Statuts, qui
organisent les institutions politiques ou économiques et les relations sociales
dans la cité. Ces Statuts ont le plus souvent été conservés avec soin, parfois
recopiés et compilés jusqu’à l’époque moderne, et édités très tôt. Ces textes
ne sont cependant pas nécessairement le reflet de situations réelles. Ils
doivent donc d’une part être remis dans le contexte précis de leur rédaction
(souvent en plusieurs phases), et d’autre part être analysés en tant que
sources normatives. Deux grandes séries peuvent être utiles pour l’étude du
Maghreb. D’une part les textes organisant la vie maritime, le commerce
lointain et les communautés latines présentes dans les ports maghrébins, qui
montrent l’importance, à certaines époques, des relations avec le Maghreb.
D’autre part les statuts des métiers, ou Arts, liés à l’activité commerciale
maritime: métiers du commerce et de la navigation, mais aussi secteurs de
l’artisanat utilisant des produits maghrébins comme la laine et les cuirs.
On peut alors trouver des informations sur la qualité des produits
maghrébins, sur la concurrence à laquelle ils doivent faire face, voire sur
d’éventuelles prohibitions de ces importations sur les marchés européens.
Autre type de texte normatif, les traités de paix et de commerce ont été le plus
souvent édités, notamment dans l’ouvrage pionnier de Louis de Mas-Latrie 2.

1. Le cas le plus évident est le Grand Conseil de Venise, qui s’efface derrière le Sénat.
2. L. de Mas-Latrie, éd., Traités de paix et de commerce et documents divers concernant les relations
des Chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au Moyen Âge, Paris, 1866, suppl. 1872.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 19

Les plus anciens n’ont pas été conservés et ne sont connus que par des
mentions dans les chroniques ou dans les traités postérieurs. Les premiers,
au XIIe siècle, sont encore assez sommaires, mais progressivement ils
deviennent plus précis, prenant en considération des situations nouvelles
ou jusque-là réglées par la coutume 1. Ce sont des accords politiques, qui
engagent les États et leur responsabilité: ils ne réglementent donc pas tous
les aspects des relations entre leurs sujets, mais uniquement ce qui relève de
la souveraineté de l’État, dans toutes ses dimensions. Ainsi ils garantissent
en principe la libre circulation des personnes et des biens, parfois assortie
de limites, notamment territoriales. Ils organisent surtout le séjour et les
affaires des marchands européens en terre maghrébine, en précisant le cadre
juridique de leur présence et les relations avec le pouvoir musulman (justice,
taxes diverses). Ils fixent donc le cadre, toujours provisoire 2, des relations
politiques entre les États maghrébins et européens, même si les nombreuses
protestations contre leur violation montrent les difficultés de leur application
dans les faits.
Les autres documents, qui montrent la pratique quotidienne des relations
diplomatiques avec le Maghreb, peuvent être, d’un point de vue formel,
divisés en trois groupes : les décrets ou décisions politiques, les procès-
verbaux des assemblées et la correspondance. Sur le fond cependant, ces
différents types de documents donnent des informations sensiblement
identiques. Ils montrent tous la place qu’a eue le Maghreb pour les États
intéressés par le commerce et la navigation en Méditerranée, la continuité,
mais aussi les difficultés de ces relations.
Ces informations sont d’abord d’ordre diplomatique. Les lettres échangées
avec les souverains maghrébins (ou parfois leurs représentants) 3 sont surtout
instructives pour connaître les difficultés des relations commerciales et de
la vie des Européens dans les ports africains. Les protestations occupent en
effet une grande place dans cette correspondance. De part et d’autre on se
plaint des actes de piraterie, des fraudes, des confiscations ou des
séquestrations, autant de violations des traités signés 4. Parfois on trouve des
suppliques envoyées par les consuls ou les marchands, invitant leurs
gouvernants à intervenir en leur faveur dans un conflit, ou à protester
auprès des souverains musulmans. Enfin la correspondance avec les autres

1. En ce sens l’apparition de clauses nouvelles peut être interprétée comme l’adaptation de


la norme à une réalité nouvelle, et donc comme l’émergence d’un problème inédit à résoudre,
mais aussi comme la nécessité de mettre par écrit une coutume plus ancienne pour clarifier
certaines situations donnant lieu à litiges.
2. Les traités perpétuels sont exceptionnels, et n’ont d’ailleurs guère plus de longévité dans
les faits que les trêves.
3. Les lettres envoyées par les souverains musulmans sont conservées le plus souvent dans
leur traduction latine ou italienne, mais parfois également en arabe.
4. Paradoxalement l’absence de trace de conflits dans la documentation est plutôt le signe
d’une interruption des relations économiques et politiques, et donc d’une aggravation de la
situation. Il est évident qu’en l’absence de trêve une telle correspondance ne se justifie pas, et
qu’en l’absence de relations commerciales la piraterie perd beaucoup de son intérêt.
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20 DOMINIQUE VALÉRIAN

États chrétiens est essentielle, car les actes de piraterie les plus fréquents
restent, quoi qu’en dise la mémoire collective, principalement le fait de
chrétiens contre d’autres chrétiens. Il n’est donc pas rare de trouver des
plaintes à l’encontre de pirates d’une puissance européenne ayant attaqué
des navires italiens commerçant avec le Maghreb (ou inversement). En
mettant en lumière les difficultés de la navigation et du commerce avec le
Maghreb, ces documents permettent en effet d’avoir une connaissance plus
nette de la réalité des activités commerciales au Maghreb, car ces plaintes
sont souvent riches de précisions sur les routes suivies, les produits
transportés, les modalités des échanges, etc.
D’une manière générale, les problèmes de sécurité des marchands ont
beaucoup préoccupé les États chrétiens, soucieux d’assurer à leurs citoyens
ou sujets les conditions de leur activité marchande. Plus encore, il a fallu,
d’abord au IXe-Xe siècle, puis de nouveau à partir de la fin du XIVe siècle,
renforcer la sécurité des côtes italiennes contre les razzias opérées par les
pirates maghrébins 1. L’organisation de la sécurité maritime est donc un
souci récurrent : il faut organiser des escortes navales pour les convois
commerciaux et une surveillance des côtes, voire mettre en place des armadas
(souvent communes à plusieurs États) pour lancer des expéditions punitives
contre les côtes africaines 2. Cette lutte contre la piraterie étant souvent
insuffisante, l’État doit parfois intervenir pour indemniser les pertes subies
par les marchands soit sur mer, soit dans les ports maghrébins (confiscations),
ou pour organiser le rachat des captifs. Cela passe notamment par
l’organisation d’expéditions punitives, mais plus souvent par l’octroi d’un
droit de marque ou de représailles à une victime 3. D’autres solutions, moins
brutales et surtout moins lourdes de conséquences, sont cependant de plus
en plus mises en place, notamment la création d’un impôt spécial et provisoire
sur le commerce visant à rembourser les victimes d’actes de piraterie. C’est
souvent une taxe qui pèse sur les échanges avec une place donnée, parfois
celle dont est originaire le pirate supposé.
Si les conflits occupent une grande place dans la documentation, ils ne
doivent pas faire oublier que très souvent les États sont en paix. En
témoignent les élections d’ambassadeurs, de consuls, les cadeaux envoyés
aux souverains maghrébins. Les instructions données aux ambassadeurs,
enfin, sont souvent très instructives pour connaître les enjeux de ces relations

1. Cela est particulièrement vrai en Sicile et en Italie du Sud. Cf. Castrum 7. Zones côtières
littorales dans le monde méditerranéen au Moyen Âge : défense, peuplement, mise en valeur, Actes du
colloque international organisé par l’Ecole française de Rome et la Casa de Velázquez, Rome, 23-26 octobre
1996, dir. J.-M. Martin, Rome-Madrid, 2001.
2. Ces expéditions peuvent avoir des objectifs de conquête territoriale, parfois appuyés par
un discours de guerre sainte. Les États italiens (exception faite de la monarchie normande de
Sicile) ont cependant peu participé à ces entreprises, ou n’en ont pas été le moteur, situé le plus
souvent dans la péninsule Ibérique.
3. Cf. R. Mas-Latrie, «Droit de marque et de représailles au Moyen Âge», BEC, 6e série, t. 2,
Paris, 1866, p. 529-577.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 21

diplomatiques, car elles détaillent notamment les arguments que l’envoyé


est autorisé à employer face au souverain maghrébin, les limites qu’il ne doit
pas dépasser, etc.
Les États se soucient d’ailleurs avant tout d’organiser le commerce avec
le Maghreb. Si dans l’ensemble les échanges sont libres, certains produits
entraînent l’intervention publique. Le commerce des produits stratégiques,
tout d’abord, est interdit par l’Église, relayée par les États. Le contrôle est
certes moins sévère que pour les pays de l’Orient musulman, davantage
concernés par l’effort de guerre sainte. Mais en principe tout ce qui peut
renforcer le potentiel militaire des souverains maghrébins ne peut leur être
vendu. Cela concerne essentiellement les métaux (notamment le fer) et le bois
ou les matériaux de construction navale. Ces prohibitions sont régulièrement
réaffirmées, signe souvent de leur inefficacité. Elles sont par ailleurs assez
vite contournées par l’octroi officiel de licences dérogatoires. D’autres
produits font l’objet parfois d’une intervention de l’État. C’est le cas tout
d’abord des céréales. Dans l’Italie du Sud et en Sicile, excédentaires, les
exportations sont contrôlées et il faut demander des licences d’exportation
à un office spécial. Ailleurs au contraire l’État organise les importations,
qui peuvent se faire en partie dans les régions du Maghreb excédentaires.
Il en va de même pour le sel, que Venise va chercher notamment en Ifrîqiya
orientale, et dont le commerce est très étroitement contrôlé par la République.
Enfin on voit au XVe siècle des États intervenir pour l’exploitation par les
Européens du corail maghrébin.
Outre le contrôle des échanges de ces produits, l’organisation des convois
de navires a fait l’objet d’une réglementation et d’un encadrement parfois
très stricts, notamment à Venise et Florence, qui mettent en place des lignes
de navigation passant par les côtes maghrébines.

Les fonds judiciaires sont beaucoup moins nombreux. Les procès liés au
commerce et à la navigation relevaient parfois de juridictions propres, qui
ont pu conserver leurs archives. Dans certains cas cependant ce sont les
notaires, parfois spécialisés (notaires judiciaires à Gênes par exemple) qui
enregistraient les différents témoignages et les décisions de justice. Les
procès intéressant le Maghreb sont tout d’abord liés au commerce, et donc
au respect des clauses des contrats notariaux. Ces documents permettent
d’entrer ainsi dans la réalité de la pratique commerciale, masquée parfois
par le côté trop formel des contrats. On peut par ailleurs trouver des procès
pour actes de piraterie, qui étaient traités parfois par des cours spéciales,
devant lesquelles les musulmans eux-mêmes pouvaient en principe porter
plainte.

La dernière catégorie de documents publics regroupe tout ce qui est lié à


la gestion financière de l’État. La comptabilité publique médiévale est
souvent difficile à comprendre, en raison de la complexité de ses règles et
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22 DOMINIQUE VALÉRIAN

de l’enchevêtrement des organismes chargés de cette gestion, sans parler de


la pratique d’affermage des revenus de l’État, dont l’exemple sans doute le
plus abouti se rencontre à Gênes. La superposition des taxes, parfois créées
pour faire face à une situation exceptionnelle mais se pérennisant, complique
encore un peu plus leur étude. Bien qu’elles figurent parfois dans les mêmes
registres, les dépenses et les recettes doivent être distinguées. Dans les
dépenses on peut trouver des informations sur les frais d’ambassades, les
cadeaux envoyés à un souverain ami, qui complètent les informations des
fonds de nature plus strictement diplomatique. C’est également dans ces
rubriques que l’on trouvera les dépenses d’armement de navires de guerre
pour lutter contre la piraterie ou entreprendre une expédition contre le
Maghreb.
Mais les documents les plus intéressants sont les recettes, apportées
notamment par les impôts indirects pesant sur l’activité commerciale.
Quelques comptes de douane ont été conservés, qui permettent parfois un
début d’étude sérielle. Mais ils sont assez exceptionnels. Les tarifs douaniers,
plus nombreux et surtout mieux conservés, indiquent souvent les taxes
pesant plus particulièrement sur les produits maghrébins 1, montrant leur
arrivée sur les marchés italiens, parfois en provenance des ports de la
péninsule Ibérique par lesquels ils ont transité. Les taxes ne pèsent cependant
pas uniquement sur les produits. Leur variété, née de l’imagination
inépuisable du législateur, permet souvent de mesurer l’ampleur des
échanges avec les pays du Maghreb. L’étude sérielle de ces données doit
néanmoins prendre en considération l’objet précis de l’impôt, qui peut
porter, par exemple, sur les contrats d’assurance ou de nolis, sur l’ensemble
des mouvements du port ou seulement sur certains navires (par destination 2,
ou par origine du patron), ou simplement sur certains types de produits. Bien
souvent ce n’est donc qu’une partie des mouvements du port qui est visible
dans ces séries douanières. Enfin il faut tenir compte de l’importance,
impossible à évaluer, de la fraude.

Chroniques et textes divers


Si la plus grande partie de la documentation est tirée des archives, les
textes italiens peuvent également être mis à contribution. Ce peut être des
chroniques, mais aussi des récits, contes, hagiographies ou autres textes de
nature religieuse.
Les chroniques italiennes permettent de connaître les débuts des relations
avec le Maghreb, à une époque où les documents d’archives sont encore rares,
et inutiles pour notre sujet 3. Elles montrent les conflits entre les deux rives,

1. On les trouve principalement dans les tarifs douaniers des ports, mais également parfois
pour les péages des grandes cités de l’intérieur.
2. C’est notamment le cas des taxes destinées à rembourser des pertes dues à des actes de
piraterie.
3. Beaucoup ont été éditées dans les volumes des Rerum Italicarum Scriptores (RIS) ou dans
la série Fonti per la Storia d’Italia (FSI).
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 23

marqués principalement par des actions de piraterie et de razzias, et par


l’occupation de la Sicile par les musulmans d’Ifrîqiya, puis leur expulsion
par les Normands 1. La lutte entre l’Islam et la chrétienté continue, aux
siècles suivants, d’alimenter les récits des chroniqueurs. La renaissance de
la piraterie musulmane au XIVe siècle y est notamment largement évoquée.
Outre les chroniques, d’autres types de textes montrent l’importance de ce
péril dans les mentalités italiennes. Les vies de saints, comme les contes et
autres récits, mettent en scène des histoires de pirates, de captifs et de
libérations plus ou moins miraculeuses 2. À l’inverse les entreprises de razzias
ou de conquêtes territoriales lancées avec plus ou moins de succès par les
puissances européennes sont mises en valeur par les chroniqueurs. Les
grandes armadas dirigées contre le Maghreb ont ainsi laissé des traces
importantes. Enfin les luttes entre États italiens, ou chrétiens plus
généralement, ont des incidences sur le commerce et la navigation au
Maghreb. Les chroniqueurs italiens racontent ainsi les exploits de leurs
corsaires ou les méfaits des flottes ennemies dans les eaux, voire dans les ports
maghrébins. Dans ces textes le patriotisme des auteurs est souvent très
marqué. Dans bien des cas la rédaction de l’histoire de la ville est d’ailleurs
une fonction officielle, qui peut être confiée à des hommes de premier plan,
en charge de magistratures urbaines, ou au contraire à des anonymes. Tous
font preuve d’une partialité évidente dans les conflits qui déchirent la
Méditerranée.
Les auteurs les plus tardifs cependant ne s’arrêtent pas à ces aspects
conflictuels. Nombreux sont ceux qui, parce qu’ils participaient aux affaires
de leur cité, ou parce qu’ils avaient accès aux archives de la chancellerie,
avaient une connaissance précise des relations diplomatiques avec les États
musulmans. Ils insèrent parfois dans leurs récits des informations sur les
ambassades ou les traités signés avec les souverains maghrébins. Enfin
plusieurs de ces auteurs étaient issus des milieux marchands, quand ils ne
pratiquaient pas eux-mêmes le commerce. Ils sont donc particulièrement
sensibles à l’activité maritime et commerciale de leurs compatriotes. Ils
fournissent alors des renseignements parfois très précis sur les lignes de
navigation (surtout dans le cas où celles-ci sont organisées par l’État) et les
affaires économiques. Cette présence de la mer et du commerce se traduit
également par des récits nombreux liés à la navigation, mettant en scène les
dangers de la mer et notamment les tempêtes et les naufrages au large des

1. Les chroniques les plus anciennes sont nombreuses à faire référence à la présence
musulmane en Italie, parfois de manière très incidente. Je n’indiquerai donc que les plus
souvent citées.
2. De nombreux récits hagiographiques mettent en scène des situations de captivité chez les
musulmans. Ils doivent être interprétés naturellement pour ce qu’ils sont, et avant tout comme
un témoignage de la peur suscitée en Italie par les pirates maghrébins et la captivité, avec le
risque d’abjuration qui en découlait. Une même prudence s’impose pour les chroniques
tardives (souvent d’époque moderne) des ordres religieux spécialisés dans les rachats de
captifs comme les Trinitaires.
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24 DOMINIQUE VALÉRIAN

côtes africaines, révélant souvent, au-delà des conventions littéraires, des


informations intéressantes sur les activités commerciales.
Les marchands ont également écrit des textes, destinés à un usage pratique.
Ces manuels de commerce, rédigés dans les grands centres économiques
italiens, nous donnent des renseignements souvent précieux sur les produits
échangés et les conditions des échanges.
La confrontation entre l’Islam et la chrétienté, qui fut politique et
commerciale, a enfin été d’ordre théologique. On peut donc trouver des
textes de controverse religieuse plus spécialement destinés aux efforts
missionnaires au Maghreb, même s’ils traitent plus souvent de l’islam en
général 1. De même les sources franciscaines et dans une moindre mesure des
autres ordres religieux rapportent des cas de martyres de frères allés au
Maghreb pour prêcher ou racheter des captifs. La nature apologétique de
ces textes doit bien sûr être prise en considération. Mais ils donnent une
indication assez sûre de l’esprit missionnaire, notamment pour le XIIIe siècle.
Enfin les archives vaticanes conservent, notamment dans les registres
pontificaux, des documents qui nous renseignent sur la politique de la
papauté à l’égard du Maghreb. Je ne traiterai cependant pas de ces aspects
religieux, qui dépassent assez largement le cadre strictement italien 2.

Les sources italiennes relatives à l’histoire du Maghreb au Moyen Âge se


caractérisent donc par une très grande diversité. Elles rendent possibles
des approches variées, principalement dans le champ de l’histoire politique
et économique. Elles permettent, plus largement, de saisir la complexité
des relations qui se nouent en Méditerranée occidentale, et dans lesquelles
le Maghreb occupe une place essentielle.
Il va sans dire que cet inventaire ne saurait avoir prétention à l’exhaustivité.
Il est dépendant des travaux réalisés jusqu’à présent par les historiens et
archivistes, et de mes propres investigations 3. Il ne fait pas de doute que
certains fonds restent encore à ce jour largement inexploités ou mal connus 4,
et l’on peut souhaiter que les pistes exposées ici permettront à l’avenir de
nouvelles découvertes.

1. J. V. Tolan, Les Sarrasins. L’islam dans l’imagination européenne au Moyen Âge, Paris, 2003.
2. On trouvera des indications sur les sources franciscaines éditées dans Ajello, La Croce e la
spada, op. cit., et plus généralement dans Maillard, Missions, op. cit.
3. Je ne saurais citer ici tous les chercheurs ou archivistes qui m’ont, au cours de ces années
passées au contact des sources italiennes, orienté dans mes recherches. Je tiens tout
particulièrement à remercier Michel Balard, Henri Bresc et Jean-Marie Martin, qui ont bien voulu
relire les chapitres concernant la Ligurie, la Sicile et l’Italie du Sud.
4. Dans certains cas cependant j’indiquerai des séries qui, sans avoir été sollicitées jusqu’à
présent par les chercheurs pour l’histoire du Maghreb ou de ses relations avec l’Europe, m’ont
semblé prometteuses en raison de leur nature.
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Remarques sur la présentation


Il ne saurait bien sûr être question de donner la référence de chaque document
intéressant le Maghreb. Ne seront donc indiquées que les séries, en les situant dans
l’ensemble des fonds, et en signalant à l’occasion certains registres ou pièces d’un
intérêt particulier. Les numéros et les dates extrêmes des registres (ou autres pièces)
seront donnés et, lorsque les séries se prolongent à l’époque moderne, le numéro du
dernier registre du XVe siècle sera indiqué (prenant arbitrairement l’année 1500
comme limite).
Les éditions de documents seront données dans le corps du texte, qu’il s’agisse
d’éditions complètes ou de documents isolés insérés dans des travaux historiques.
Les études utilisant des documents inédits intéressant le Maghreb seront signalées
en notes de bas de page, ce qui permettra de retrouver au besoin les références
précises des documents. En revanche celles qui utilisent les documents édités, trop
nombreuses, ne seront pas mentionnées.

Abréviations

ASLSP: Atti della Società ligure di storia patria (Gênes)


BEC: Bibliothèque de l’École des chartes
BSP: Bollettino storico pisano
FSI: Fonti per la storia d’Italia, publiés par l’Istituto storico italiano per il medio evo
MEFR: Mélanges de l’École française de Rome
NAS: Notizie degli archivi di Stato
MGH, SS: Monumenta Germaniae historica, Scriptores
PAS: Pubblicazioni degli Archivi di Stato
RIS: Rerum italicarum scriptores (première et seconde séries)

not.: notaire
min. : minutier
reg.: registre
a. : année
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CHAPITRE I
La Ligurie: Gênes et Savone

Gênes est, avec Pise, la ville qui a le plus développé ses affaires au Maghreb
et ses archives sont de loin les plus riches sur le sujet. D’abord marqués par
un climat d’hostilité 1, ces contacts laissent rapidement place à de fructueuses
affaires commerciales. Pour les Génois, le Maghreb n’a certes pas l’importance
des marchés orientaux. Il attire des investisseurs de moins grande envergure,
et n’est pas monopolisé par les grands négociants, comme l’est le commerce
oriental. Il en résulte une mobilisation de larges pans de la population,
intéressés aux profits qu’il génère.
L’étude de ces échanges a très tôt fait l’objet d’études, rendues possibles
par les richesses de la documentation génoise. Les travaux de Roberto
Sabatino Lopez, Eugene H. Byrne, Guglielmo Caro, Erik Bach, Michel
Balard, Gabriella Airaldi, Laura Balletto ou Georges Jehel ont montré en
particulier l’intérêt que représentaient pour l’étude de ces échanges les très
nombreux minutiers de notaires conservés à l’Archivio di Stato. Plus tardifs,
d’autres documents peuvent être rassemblés à partir des fonds (politiques
pour l’essentiel, mais aussi de comptabilité publique) de l’Archivio segreto,
et ceux de la Banque de San Giorgio 2.

I. — Les notaires (notai antichi)

1. Les notaires du milieu du XIIe au premier tiers du XIVe siècle


Pour les XIIe et XIIIe siècles au moins, les notaires offrent une mine
considérable de documents commerciaux susceptibles de montrer les
caractères et l’évolution des relations avec les principaux ports du Maghreb
(Tunis, Bougie et Ceuta pour l’essentiel). C’est incontestablement, pour
l’Italie, la série la plus ancienne et la plus complète de documents
commerciaux disponible pour l’histoire du Maghreb.

1. Des sources très variées, notamment des chroniques, rapportent les expéditions musulmanes
contre les côtes de l’Italie du Nord et de Provence. Voir leur présentation critique par B. Luppi,
I Saraceni in Provenza e in Liguria e nelle Alpe Occidentali, Bordighera, 1952 (Collana storica
archeologica della Liguria occidentale, 10), p. 3-73. Il prend en compte non seulement les
chroniques, mais aussi les hagiographies, documents divers, les traces archéologiques,
toponymiques, voire linguistiques de la présence musulmane dans la région.
2. Pour une présentation générale des sources génoises pour l’histoire de la navigation et du
commerce médiéval, voir R.-H. Bautier, «Note sur les sources de l’histoire économique
médiévale dans les archives italiennes. Gênes et Savone», Mélanges d’archéologie et d’histoire, 60,
1948, p. 181-210.
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28 DOMINIQUE VALÉRIAN

Les actes les plus nombreux, au moins jusqu’à la fin du XIIIe siècle, sont
les commandes, mais on rencontre également des contrats de societas maris,
des changes et quelques nolis. Leur apport est essentiel pour l’étude des
milieux en relation avec le Maghreb. Ceux-ci sont très larges, à la différence
de ce que l’on constate pour le commerce oriental. Les marchés maghrébins
attirent en effet de très nombreux opérateurs moyens, parfois occasionnels,
en plus des grands négociants présents sur tous les marchés des mondes
chrétiens et musulmans. Mais ces documents renseignent surtout sur les
différents aspects des échanges maritimes (produits, navigation, monnaies 1,
etc.). À ces contrats de commerce maritime s’ajoutent des actes de ventes,
sur le marché de Gênes, de produits maghrébins, principalement des laines 2
et des cuirs, mais aussi de l’alun. Les marchandises sont ensuite transportées
dans les grands centres urbains d’Italie et d’Europe, notamment par
l’intermédiaire des marchands lombards ou toscans. Enfin quelques
documents éclairent l’organisation des communautés génoises dans les
ports maghrébins, autour notamment des consuls, des scribae et des
fondouks 3.

1. Cf. P. Fr. Casaretto, «La moneta genovese in confronto con le altre valute mediterranee
nei secoli XII e XIII», ASLSP, 55, 1928; G. Jehel, «Besants et dinars à Gênes au XIIIe siècle», État
et colonisation au Moyen Âge et à la Renaissance, sous la dir. de M. Balard, Lyon, 1989, p. 55-70.
2. R. S. Lopez, «Le origini dell’arte della lana», Studi sull’ economia genovese nel Medio Evo,
Turin, 1936, p. 63-181.
3. Il existe de nombreuses études sur le commerce génois au Maghreb citant des documents
inédits extraits des notaires du XIIIe siècle. Voir en particulier, outre les travaux cités supra,
R. S. Lopez, «I Genovesi in Africa Occidentale nel Medio Evo», Studi sull’economia genovese nel
Medio Evo, I, Turin, 1936, p. 1-61 ; R. H. Bautier, «Les relations commerciales entre l’Europe
et l’Afrique du Nord et l’équilibre économique méditerranéen du XIIe au XIVe siècle», Bulletin
philologique et historique du Comité des travaux scientifiques et historiques, 1955, p. 399-416, rééd.
Commerce méditerranéen et banquiers italiens au Moyen Âge, Londres, 1992 ; R. D. Face, «Symon
de Gualterio : a Brief Portrait of a Thirteenth-Century Man of Affairs», Economy, Society,
Government in Medieval Italy. Essays in Memory of Robert L. Reynolds. Exploration in Economic
History, 7, 1969-1970, p. 75-94 ; Ch.-E. Dufourcq, «Aperçu sur le commerce entre Gênes et le
Maghrib au XIIIe siècle», Économies et sociétés au Moyen Âge. Mélanges offerts à Édouard Perroy,
Paris, 1973, p. 721-736 (à partir des actes du notaire Salmone, mais références imprécises);
L. Balletto, «Da Genova al Maghrib: 1222-1226», Archivio storico sardo di Sassari, 8, 1982, p. 305-
316; ead., «I Genovesi a Tunisi sulla fine del Duecento», La Storia dei Genovesi. Atti del convegno
di studi sui ceti dirigenti nelle istituzioni della Repubblica di Genova, Genova, 1983, Gênes, 1987, p. 81-
97; ead., «Tra il regno di Tunisi e la Riviera ligure di Ponente alla fine del Duecento», Intemelion.
Cultura e territorio, 1, 1995, p. 15-24; ead., «Tra Genovesi e Musulmani nel XIII secolo», Mesogeios,
7, 2000, p. 153-183 ; M. Balard, «Notes sur le commerce génois en Tunisie au XIIIe siècle»,
Cahiers de Tunisie, XLIII, n° 155/156, 1991, p. 369-386 ; G. Jehel, Les Génois en Méditerranée
occidentale (fin XIe-début XIVe siècle). Ébauche d’une stratégie pour un empire, s. l. [Amiens], 1993
(nombreuses références, mais malheureusement souvent fautives) ; id., «Les Placentins en
Afrique du Nord au Moyen Âge», Precursori di Cristoforo Colombo. Mercanti e banchieri piacentini
nel mondo durante il medioevo. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Auditorium Cristoforo
Poggiali, Piacenza, 10-12 settembre 1992, Bologne, 1994, p. 169-179 ; id., «Jews and Muslims in
Medieval Genoa: from the Twelfth to the Fourteenth century», Mediterranean Historical Review,
10, 1995, p. 120-132 ; O. R. Constable, Trade and Traders in Muslim Spain. The Commercial
Realignment of the Iberian Peninsula, 900-1500, Cambridge, 1994 ; Valérian, Bougie, op. cit.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 29

Les documents sur la piraterie, les captifs et l’esclavage sont assez peu
nombreux à cette époque. On rencontre tout de même des ventes d’esclaves
sarrasins, mais qui sont le plus souvent d’origine ibérique 1, des contrats
liés à l’organisation d’expéditions de course 2, des mentions de restitution de
marchandises prises à des musulmans par des corsaires 3 et quelques
testaments montrant des dons pour le rachat des captifs 4.

Le plus ancien minutier conservé, celui de Giovanni Scriba (1156-1164),


contient de nombreux actes concernant le Maghreb.
M. Chiaudano, M. Moresco, éd., Il Cartolare di Giovanni Scriba, Turin,
1935, 2 vol. (dont des fragments du minutier du notaire Lanfranco pour
l’année 1180).
La plupart des actes du XIIe siècle ont fait l’objet d’une édition, dans la
collection Notai liguri dei secoli XII e XIII:
M. Chiaudano, éd., Oberto Scriba de Mercato 1186, Gênes, 1940 (t. 4).
M. Chiaudano, R. Morozzo della Rocca, éd., Oberto Scriba de Mercato
1190, Gênes, 1938 (t. 1).
M. W. Hall-Coll, H. C. Krueger, R. L. Reynolds, éd., Guglielmo Cassinese,
1190-1192, Turin, 1938, 2 vol. (t. 2).
J. E. Eierman, H. C. Krueger, R. L. Reynolds, éd., Bonvillano (1198),
Turin, 1939 (t. 3).

Seuls quelques documents du XIIe siècle n’ont pas été à ce jour édités
intégralement :
Not. Oberto Scriba de Mercato: notai ignoti, busta 1, doc. 1 (1180); notai,
min. 2 (1182-1184).
Oberto de Placentia: Manoscritti 102 (1198).
R. Di Tucci, Studi sull’economia genovese del secolo XII. La nave e i contratti
marittimi. La banca privata, Turin, 1933, édite certains de ces documents de
la fin du XIIe siècle.

Les actes notariés les plus nombreux intéressant le Maghreb datent


cependant du XIIIe siècle. Les minutiers sont classés par notaires, avec
parfois un certain désordre chronologique et la présence, dans les registres
d’un notaire, d’actes instrumentés par d’autres personnes. Les documents

1. M. Balard, «Remarques sur les esclaves à Gênes dans la seconde moitié du XIIIe siècle»,
Mélanges d’archéologie et d’histoire, 80, 1968, p. 627-680 (ventes, rachats, affranchissement) ;
Ch. Verlinden, «Le recrutement des esclaves à Gênes du milieu du XIIe siècle jusque vers 1275», Fatti
e idee di storia economica nei sec. XII-XX. Studi dedicati a Franco Borlandi, Bologne, 1977, p. 37-58.
2. L. Balletto, «Mercanti, corsari e pirati nei mari della Corsica (sec. XIII)», Miscellanea di storia
italiana e mediterranea per Nino Lamboglia, Collana storica di fonti e studi, 23, Gênes, 1978, p. 171-
263.
3. Lopez, «I Genovesi in Africa Occidentale», art. cité, p. 17.
4. St. A. Epstein, Wills and Wealth in Medieval Genoa, 1150-1250, Cambridge, Mass., 1984; id.,
Genoa and the Genoese, 958-1528, Chapel Hill, 1996.
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30 DOMINIQUE VALÉRIAN

issus des 150 premiers registres, correspondant pour l’essentiel aux notaires
du XIIIe siècle, ont fait l’objet récemment d’un reclassement. Ils sont
consultables désormais sur photographies, rangées dans des boîtes par
notaires et par ordre chronologique 1. Des tables de concordances avec les
minutiers originaux sont disponibles en salle de lecture et complètent
l’inventaire édité de Giorgio Costamagna 2. Les minutiers suivants (à partir
du registre n° 151) conservent en revanche l’ordre ancien et sont consultables
sur les originaux. Il existe un inventaire imprimé pour les registres n° 150-
299 3. Pour les autres, il faut recourir à la vieille pandetta des notaires,
manuscrite et consultable en salle de lecture.
La plupart des notaires utiles sont ceux ayant instrumenté à Gênes, souvent
près du port où se négociaient les principales affaires commerciales. Mais
les notaires travaillaient également dans les ports où résidait une
communauté génoise suffisamment importante. Ces notaires d’outre-mer
sont surtout importants dans les colonies génoises d’Orient. Beaucoup de
ces registres ont été publiés 4, et on rencontre parfois des documents qui
intéressent le commerce maghrébin, lequel ne passait pas toujours par la
métropole. En revanche rares sont les actes instrumentés au Maghreb et
conservés dans les archives de Gênes. Le gros et très riche registre de Pietro
Battifoglio fait exception, mais pour le reste il ne subsiste que des épaves de
minutiers. Parmi ces notaires de Gênes du XIIIe siècle, certains ont travaillé
plus particulièrement pour une clientèle marchande, même s’il n’est pas
rare de trouver des documents isolés chez un notaire a priori peu intéressé
aux choses de la mer et du commerce lointain. Je n’indiquerai ici que les
notaires les plus importants, qui montrent une véritable spécialisation dans
les affaires d’outre-mer 5.
- Bartholomeus Fornarius (1236-1272), min. 18/II, 21/I, 26/II, 27, 28, 29,
30/II, 71.
- Ianuinus de Predono (1251-1254), min. 18/I-II, 28, 30/I, 34.
- Iohannes de Corsio (1262-1301), min. 16/II, 33, 81- 89, 105, 121.
- Iohannes Vegius (1243-1257), min. 20/I-II, 21/I, 24, 54.
- Angelinus de Sigestro (1255-1292), min. 34, 39, 55/I-II, 60, 61, 62, 63/II, 78.

1. Les actes de notaires inconnus ont été regroupés à part. En revanche les notaires aujourd’hui
identifiés mais qui avaient été rangés autrefois dans le fonds des notai ignoti ont pris place dans
le classement général par notaires. Cf. M. Bologna, Archivio di Stato di Genova, notai ignoti :
frammenti notarili medioevali, inventario, Rome, 1988 (PAS, 104). Inventaire topographique, par
notaire et par lieu d’instrumentation.
2. G. Costamagna, Cartolari notarili genovesi (1-149). Inventario, 2 vol., Rome, 1956 et 1961 (PAS,
22 et 41). Le premier volume est un inventaire topographique, le second un inventaire classé
par notaires, par ordre chronologique et par lieu d’instrumentation.
3. M. Bologna, Archivio di Stato di Genova, cartolari notarili genovesi (150-299), inventario,
Rome, 1990 (PAS, 111).
4. Notamment dans la série Notai genovesi in oltremare, publiée à Gênes dans la Collana
storica di Fonti e Studi dirigée par G. Pistarino.
5. Le nom des notaires est donné dans leur forme latine, qui est celle adoptée dans les
inventaires cités supra.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 31

- Bonusvassallus de Cassino (1228-1252), min. 17, 21/I, 24, 26/I.


- Conradus de Capriata (1258-1265), min. 12/I, 34, 35, 65, 105.
- Manuel de Albara (1258-1292), min. 9/II, 33, 35, 63/I, 71, 73, 81, 96.
- Ingo Contardus (1234-1262), min. 7, 16/II, 20/II, 23/I, 26/I, 143.
- Parentinus de Quinto (1270-1318), min. 8, 9/I-II, 10, 16/II, 24, 37, 52, 77,
87, 89-90, 92-94, 97, 105, 109, 132-134, 136, 140.
- Matheus de Predono (1244-1267), min. 18/II, 31/I-II, 32, 129.
- Guilielmus de Sancto Georgio (1264-1306), min. 36, 70-72, 74, 75/I-II, 118.

Nombreux sont les documents qui ont été édités, soit intégralement, soit
sous forme de régestes. Il s’agit soit d’éditions de minutiers entiers de
notaires (en particulier pour les notaires d’outre-mer), soit de choix de
documents relatifs aux relations entre Gênes et certaines régions d’Italie ou
d’Europe, mais qui font apparaître la place du Maghreb dans les réseaux
commerciaux génois.
- M. W. Hall-Coll, H. C. Krueger, R. G. Reinert, éd., Notai liguri dei secoli
XII e XIII, t. 5: Giovanni di Guiberto (1200-1211), Gênes, 1939-1940, 2 vol.
- H. C. Krueger, R. L. Reynolds, éd., Notai liguri dei secoli XII e XIII, t. 6:
Lanfranco (1202-1226), Gênes, 1951-1953, 3 vol.1
- G. Pistarino, éd., Notai genovesi in oltremare. Atti rogati a Tunisi da Pietro
Battifoglio (1288-1289), Gênes, 1986 2.
- M. Balard, éd., Gênes et l’Outre-Mer, I, Les actes de Caffa du notaire Lamberto
di Sambuceto, 1289-1290, Paris-La Haye, 1973 (commerce entre la mer Noire
et les côtes africaines).
- R. Doehaerd, éd., Les Relations commerciales entre Gênes, la Belgique et
l’Outre-Mont, d’après les archives notariales génoises aux XIIIe et XIVe siècles,
Bruxelles-Rome, 1941, 2 vol. : exportations au Maghreb de tissus venus
d’Outre-Mont (France, Allemagne).
- A. Ferretto, éd., «Documenti intorno alle relazioni fra Alba e Genova
(1141-1270)», Biblioteca della Società storica subalpina, 22, 1906.
- id., éd., Liber Magistri Salmonis, sacri Palatii notarii, 1222-1226, ASLSP, 36,
1906.
- id., éd., Codice diplomatico delle relazioni fra la Ligura, la Toscana e la Lunigiana
ai tempi di Dante (1265-1321), ASLSP, 31, fasc. 1-2, 1901-1903.
- id., éd., Annali storici di Sestri Ponente e delle sue famiglie (dal secolo VII al
secolo XV, ASLSP, 34, 1904.
- N. Calvini, E. Putzulu, V. Zucchi, éd., Documenti inediti sui traffici
commerciali tra la Liguria e la Sardegna nel sec. XIII, I, Padoue, 1957.

1. Cf. E. Bach, «Études génoises; le minutier de Lanfranco», Studi in onore di Armando Sapori,
I, Milan, 1957, p. 375-389.
2. Nombreuses informations sur la communauté génoise à Tunis à la fin du XIIIe siècle. Ce
registre avait fait l’objet de régestes établis par G. Jehel, «Catalogue analytique et chronologique
des actes du notaire Petrus Batiolius rédigés à Tunis du 20 décembre 1288 au 24 juin 1289», Cahiers
de Tunisie, t. XXV, n° 99/100, 1977, p. 69-137.
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32 DOMINIQUE VALÉRIAN

- R. Di Tucci, éd., «Documenti inediti sulla spedizione e sulla maona dei


Genovesi a Ceuta (1234-1237)», ASLSP, 64, 1935, p. 271-340: à partir des
notaires Ianuinus de Predono, Enricus de Porta, Bonusvassallus de Cassino,
Iohannes Vegius.
- C. Desimoni, éd., «Actes passés à Famagouste, de 1299 à 1301, par devant
le notaire Lamberto de Sambuceto», Archives de l’Orient latin, II, 1884,
documents, p. 3-120, puis Revue de l’Orient latin, I, 1893, p. 58-139, 275-312,
321-53; II, 1894, p. 1-34, 216-231.
- V. Polonio, éd., Notai genovesi in Oltremare. Atti rogati a Cipro da Lamberto
di Sambuceto (3 luglio 1300-3 agosto 1301), Gênes, 1982 (min. 125; contrats pour
le Maghreb instrumentés à Chypre).
- L. T. Belgrano, éd., Documenti genovesi editi e inediti riguardanti le due
crociate di San Ludovico IX, re di Francia, Gênes, 1859 (notaires Iohannes de
Corsio, Guilielmus de Sancto Georgio, Iachinus Nepitella, Angelinus de
Sigestro, Bartholomeus de Fontemaroso, Bartholomeus Fornarius).

Certaines études sont par ailleurs accompagnées de documents en


appendice, tirés des minutiers de notaires génois du XIIIe siècle:
- R. S. Lopez, La prima crisi della banca di Genova (1250-1259), Milan, 1956.
- id., «L’Attività economica di Genova nel marzo 1253, secondo gli atti
notarili del tempo», ASLSP, 64, 1935, p. 166-270: régestes des documents du
mois de mars 1253, extraits des minutiers des notaires Ianuinus de Predono,
Bartholomeus Fornarius, Iohannes Vegius, Wilielmus de Pelio.
- id., «I Genovesi in Africa Occidentale nel Medio Evo», Studi sull’economia
genovese nel Medio Evo, I, Turin, 1936, p. 1-61 (éditions partielles de quelques
actes notariés).
- L. Balletto, Genova nel Duecento, uomini nel porto e uomini sul mare, Gênes,
1983 : documents sur la piraterie tirés des registres du notaire Leonardus
Negrinus, 1274 (accords d’armement en course, prêts).
- ead., «Genova e la Sardegna nel sec. XIII», Saggi e documenti, I, Gênes, 1978,
p. 59-263: régestes à partir des registres des notaires Salmonus (1222-1226),
Urso de Sestri (1224-1225), Lanfrancus (1225).
- ead., «Tra Genovesi e Musulmani nel XIII secolo», Mesogeios, 7, 2000,
p. 153-183 (fragment d’un registre de notaire génois de Tunis, 1260).
- E. H. Byrne, Genoese shipping in the twelfth and thirteenth centuries,
Cambridge (Mass.), 1930 : éd. d’actes des notaires Johannes q. Guiberti
(1202-1203), Lanfrancus (1214), Bartolomeus Fornarius (1251-1253), Angelinus
de Sigestro (1291).
- G. Airaldi, «I Genovesi nel mondo islamico, carta sarracenica e carta in
arabico», Critica storica, mars 1972, p. 106-121 (commandes pour Ceuta, 1227).
- L. de Mas-Latrie, éd., Traités de paix et de commerce et documents divers
concernant les relations des Chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale
au Moyen Âge, Paris, 1866 (quelques actes notariés, dont certains se trouvaient
à l’époque aux archives de Turin).
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 33

- A. M. Boldorini, Da Tunisi a Trapani con i genovesi alla seconda crociata di


Luigi IX (1270-1271), Gênes, 1967.

2. Les notaires du XIVe siècle


À partir des années 1320-1330 les contrats notariés intéressant le commerce
maritime avec le Maghreb se font plus rares 1. Cela est dû sans doute en
partie à un ralentissement des affaires avec le Maghreb, surtout à partir du
milieu du XIVe siècle, mais aussi à une modification des pratiques
marchandes 2. Les transactions les plus courantes ne nécessitent plus de
passer devant un notaire, et il suffit alors de les noter dans les livres de
compte des marchands, qui avaient valeur probatoire devant les tribunaux,
mais qui malheureusement ont rarement été conservés. Si l’on rencontre
encore des contrats de commenda, ils se font cependant beaucoup plus rares
qu’aux époques précédentes. En revanche de nouveaux types de contrats
apparaissent, qui sont enregistrés devant notaires. C’est le cas en particulier
des assurances 3. Ces contrats indiquent, outre la destination et les noms
des marchands impliqués dans le transport, les marchandises transportées,
qui servent de gage à l’assurance. Les ports maghrébins touchés par les
navires génois tendent au XIVe siècle à se diversifier, par rapport à l’époque
précédente. Tunis s’affirme comme la principale destination, mais les Génois
partent également pour Bougie, Ceuta, Oran, Tlemcen, Alcudia, en plus
des destinations imprécises comme «Berbérie» ou «Garbo». Certains notaires
semblent avoir été en partie spécialisés dans ce type de contrats, ou du
moins avoir eu une clientèle de marchands engagés dans le commerce
maritime. C’est donc dans leurs minutiers que l’on a le plus de chances de
trouver des documents commerciaux pour le Maghreb. Les plus utiles sont:
- Tommaso de Casanova (1323-1357), en particulier les min. 228 (1342-1349),
229 (1343), 230 (1343), 231 (1344), 232 (1346-1347), 233 (1347-1348), 234 (1348),
235 (1350), 236 (1350), 237 (1351), 238 (1351 ?), 239 (1354-1357), 240 (1354-1357).
- Andreolo Caito (1370-1395): min. 309/I (1339-1345), 309/II (1370), 310
(1374-1379), 312 (1393), 313 (1393-1396), 314 (1405-1409).

1. Gabriella Airaldi parle d’un «iato informativo tra Duecento e Quattrocento per l’aera
nordafricana». G. Airaldi, «Da Genova al Maghreb nel Basso Medioevo», Italia e Algeria. Aspetti
storici di un’amicizia mediterranea, dir. R. H. Rainero, Milan, 1982, p. 73. Cette lacune
documentaire n’est cependant pas propre au commerce avec le Maghreb.
2. Cf. L. Liagre de Sturler, Les relations commerciales entre Gênes, la Belgique et l’Outremont d’après
les archives notariales génoises (1320-1400), Bruxelles-Rome, 1969, I, p. XXXV. Très complète
présentation des sources génoises du XIVe siècle dans l’introduction de cet ouvrage.
3. Sur la forme et le fonctionnement des contrats d’assurances à Gênes, voir notamment
E. Bensa, Il contratto di assicurazione nel medio evo, Gênes, 1884; D. Gioffrè, «Note sull’assicurazione
e sugli assicuratori genovesi tra medioevo ed età moderna», ASLSP, n. s. 9, 1969, p. 27-51 ;
H. Groneuer, «Die Seeversicherung in Genua am Ausgang des 14. Jahrhunderts», Beiträge zur
Wirtschafts-und Sozialgeschichte des Mittelalters. Festschrift für Herbert Helbing zum 65. Geburtstag,
Cologne-Vienne, 1976, p. 218-260 ; M. Balard, «Assurances et commerce maritime à Gênes
dans la seconde moitié du XIVe siècle», Les transports au Moyen Âge. Actes du VIIe congrès des
Historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest,
85, 2, 1978, p. 273-282.
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34 DOMINIQUE VALÉRIAN

- Giovanni Bardi et Terramo Maggiolo (1360-1400): min. 320 (1362), 321


(1379), 322 (1376-1386), 323 (1388-1390), 324 (1396-1398), 379 (1360-1388), 380
(1376-1384), 381 (1382-1385), 382 (1400).
Outre les assurances, on trouve dans ces registres d’autres types de contrats
commerciaux tels que des commandes (mais souvent sans précision de
destination), des changes 1, des nolis, des procurations, des ventes d’esclaves
maghrébins 2, quelques cas de vols ou de piraterie, ou des affaires liées à la
douane ou au consulat de Tunis 3. Les opérateurs et les trajets se diversifient.
Il n’est pas rare de rencontrer dans ces minutiers des marchands pisans,
florentins, voire valenciens ou majorquins, qui participent à des opérations
commerciales outre-mer, les cargaisons étant parfois assurées pour des
voyages entre le Maghreb et Porto Pisano ou Naples, ou pour le transport,
depuis Majorque vers Gênes, de produits d’origine africaine (dattes, cuirs,
laines). Les trajets réalisés par les navires sont en effet dans la seconde
moitié du XIVe siècle souvent plus complexes. Les navires peuvent relier
directement Gênes à un port du Maghreb, mais plus souvent viennent
d’Orient, ou parfois des ports atlantiques (notamment des Flandres), en
faisant escale sur les côtes maghrébines, le contrat laissant une plus ou
moins grande liberté au patron du navire et aux marchands. Enfin les
notaires enregistraient des contrats pour des voyages ne passant pas par
Gênes, mais reliant directement les escales orientales aux ports de la péninsule
Ibérique ou de l’Atlantique, en suivant les côtes maghrébines 4.
Il reste quelques actes conservés du notaire Ianoto Berignano qui a
instrumenté dans le fondouk des Génois de Bougie entre novembre et
décembre 1347 (min. 275/II, f. 48r-50v), mais rien pour les autres ports
maghrébins. De même dans les actes du notaire Nicolò de Sigestro (min. 465),
qui instrumente à Pantelleria à la fin du XIVe siècle, on trouve des
informations utiles sur le commerce avec Tunis 5. Notons pour finir la
possibilité de trouver des actes concernant le Maghreb dans le minutier du
notaire Garibaldo (min. 211, 1310-1325), qui travaille pour l’archevêque de
Gênes Porchetto Spinola, actif comme marchand notamment au Maghreb 6.

1. Cf. P. Spufford, W. Wilkinson, S. Tolley, Handbook of Medieval Exchange, Londres, 1986, qui
utilisent les contrats de change génois avec le Maghreb. R. De Roover, «The Cambium
Maritimum Contract According to the Genoese Notarial Records of the XII th and XIIIth c.»,
Economy, Society, Government in Medieval Italy. Essays in Memory of Robert L. Reynolds. Exploration
in Economic History, 7, 1969-1970, p. 15-33.
2. Bien que plus souvent il s’agisse d’esclaves tatares.
3. Il n’existe pas d’étude sur les relations avec le Maghreb à partir des notaires pour cette
période. Le travail le plus utile reste G. Petti Balbi, Simone Boccanegra e la Genova del ‘300,
Gênes, 1991.
4. Cela est particulièrement net dans les registres de Caito à partir de la fin du XIVe siècle,
quand Alexandrie retrouve de l’importance dans le commerce génois.
5. Cf. G. G. Musso, Navigazione e commercio genovese con il Levante nei documenti dell’ Archivio
di Stato di Genova (sec. XIV-XV), Rome, 1975 (PAS, 84).
6. A. Assini, «Genova negli anni di Enrico VII di Lussemburgo: le fonti archivistiche», La
Storia dei Genovesi, 8, Gênes, 1988, p. 369-387.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 35

Éditions de documents divers conservés dans les registres de notaires:


- L. Liagre de Sturler, éd., Les relations commerciales entre Gênes, la Belgique
et l’Outremont d’après les archives notariales génoises (1320-1400), Bruxelles-
Rome, 1969, 2 vol.
- Mostra storica del documento assicurativo XIV-XVI secolo, Gênes, 1969
(régestes; assurance de 1393 pour Tunis – not. Caito).
- G. Jehel, «Une ambassade génoise à Tunis en 1391-1392», Oriente e
Occidente tra medioevo ed età moderna. Studi in onore di Geo Pistarino, éd.
L. Balletto, Gênes, 1997, p. 541-579 (procès verbal d’une commission
d’enquête à la suite d’une ambassade à Tunis ; document de 1392, not.
Canella Giuliano, min. 478, filza 1).
- G. G. Musso, «Genovesi e Catalogna nell’ultimo medioevo: documenti
d’Archivio», Mostra documentaria Liguria-Catalogna, XII-XV secolo, Gênes,
1971 (avec un appendice documentaire par M. S. Jacopino, G. Pastorino,
R. Urbani).
- G. Petti Balbi, «Il trattato del 1343 tra Genova e Tunisi», Saggi e documenti
I, Gênes, 1978, p. 297-322 (édition du traité conservé dans les actes du
notaire Benedetto Visconte, filza 350 [1350-1353])

3. Les notaires du XVe siècle


Avec le XVe siècle, le nombre de documents s’accroît fortement1.
Prolongeant une évolution déjà perceptible au siècle précédent, le notaire
n’est plus utilisé pour les actes les plus courants de la pratique commerciale
(commandes, prêts, ventes), qui sont enregistrés directement dans les livres
de comptes des marchands 2. Il en résulte que nous ne disposons plus de
séries, comme pour le XIIIe siècle. En revanche les actes notariés sont souvent,
pris séparément, plus riches en informations diverses, en particulier lorsque
survient une contestation. La nature des documents est donc très variée. On
trouve encore des nolis, des contrats d’assurance 3, des changes, des
procurations, des testaments, des ventes, quelques rares commandes, des
contrats d’engagement de marins. Mais on trouve également des lettres
envoyées par des marchands, ou par la curia arcivescovile aux chapelains
des communautés génoises au Maghreb, des documents liés à des conflits

1. Les actes, qui ne sont plus recopiés dans des registres mais sur des feuilles isolées, sont
regroupés dans des filze. Chaque document est en principe numéroté et l’ensemble classé dans
l’ordre de cette numérotation, ou dans l’ordre chronologique. Les manipulations successives
de ces registres ont cependant peu à peu introduit un grand désordre dans les filze. Il n’existe
pas d’inventaire imprimé, et il faut, comme souvent pour les notaires du XIVe siècle, avoir recours
à la vieille pandetta des notaires disponible en salle de lecture. Pour cette période, voir la
présentation des sources de la thèse de J. Heers, Gênes au XVe siècle. Activité économique et
problèmes sociaux, Paris, 1961. De même, présentation générale des sources génoises dans
l’introduction de R. Doehaerd et Ch. Kerremans, Les relations commerciales entre Gênes, la
Belgique et l’Outremont d’après les archives notariales génoises, 1400-1440, Rome-Bruxelles, 1952.
2. Heers, Gênes au XVe siècle, op. cit., p. 4.
3. Cf. Bensa, Il contratto di assicurazione, op. cit.; G. Giacchero, Storia delle assicurazioni marittime.
L’esperienza genovese dal Medioevo all’età contemporanea, Gênes, 1984.
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36 DOMINIQUE VALÉRIAN

commerciaux entre Génois ou survenus dans les ports maghrébins, enfin des
informations sur les compagnies commerciales génoises présentes dans les
grandes places maghrébines, et plus largement les communautés génoises
outre-mer et leurs relations avec leurs partenaires locaux 1.
Tunis reste le principal port fréquenté par les marchands génois. Mais
ces derniers sont également actifs dans d’autres zones du littoral africain
(Tripoli, les Monts de Barca, Djerba, Sfax, Sousse, Marsacares – La Calle –,
Bône, Stora, Bougie, Ténès, Oran) et dans des villes de l’intérieur (Constantine,
Tlemcen). Par ailleurs les escales maghrébines, comme cela est déjà le cas à
partir du milieu du XIVe siècle, sont intégrées davantage encore dans des
circuits complexes, qui ne passent pas nécessairement par la métropole.
Les navires génois les relient aux ports du bassin oriental de la Méditerranée
(principalement Alexandrie et Chio), aux ports de la péninsule Ibérique (en
particulier Malaga, Almeria, Cadix) et du Nord-ouest de l’Europe (Angleterre,
Flandres) 2. Enfin ils assurent des liaisons entre les ports maghrébins eux-
mêmes. Ces lignes de navigation sont utilisées par les marchands génois, mais
aussi par des Maghrébins ou pour transporter les biens de ces derniers. On
rencontre également des négociants des autres grands ports méditerranéens,
et en particulier les Catalans 3.
Les produits échangés connaissent quelques évolutions par rapport aux
époques antérieures. Pour l’essentiel, le Maghreb continue d’importer des
tissus, venus parfois de Flandre, d’Angleterre ou de la péninsule Ibérique 4,
du coton, du papier et parfois des produits métalliques (en dépit des interdits
pontificaux). Il exporte en retour des céréales 5, de l’or, des esclaves 6, de
l’huile, de la cire, du corail, des laines (en moins grandes quantités
qu’auparavant) et des cuirs 7, mais aussi des chevaux, des noisettes, des
fèves, du thon, de la grana (cochenille).

1. C’est le cas en particulier pour la communauté génoise de Marsacares ou de Tabarka,


intéressées à la pêche du corail. Cf. Ph. Gourdin, «La première intervention européenne dans
l’exploitation du corail maghrébin. Les Catalans et les Siciliens à Tabarka (1446-1448)», Anuario
de Estudios Medievales, 27, 1997, p. 1021-1044.
2. Souvent cependant les ports maghrébins ne sont présents dans les contrats de nolis que
comme escales possibles, les marchands et les patrons du navire gardant une grande liberté
de s’y arrêter ou pas.
3. J. Heers, «Les Catalans à Gênes vers 1450. Étude sociale», Atti del III convegno internazionale
di studi Colombiani, Genova, 7 e 8 ottobre 1977, Gênes, 1979, p. 19-50. Nombreux documents en
particulier sur le commerce des esclaves.
4. Voir en particulier J. Heers, «La mode et les marchés des draps de laine : Gênes et la
Montagne à la fin du Moyen Âge», Annales ESC, 26, 1971, p. 1093-1117, rééd. Société et économie
à Gênes (XIVe-XVe siècle), Londres, 1979.
5. Voir en particulier J. Heers, «L’expansion maritime portugaise à la fin du Moyen Âge : la
Méditerranée», Revista da Faculdade de Letras de Lisboa, s. 2, XXII, 1956, p. 5-33, rééd. Société et
économie, op.cit.
6. Les esclaves «maures» ne deviennent nombreux sur le marché génois qu’après le milieu
du XVe siècle. Cf. D. Gioffrè, Il mercato degli schiavi a Genova nel secolo XV, Gênes, 1971.
7. En particulier Ph. Gourdin, «Les approvisionnements en cuir de la ville de Gênes pendant
la deuxième moitié du XVe s. (d’après les actes du notaire Nicolò Raggi)», Nuova Rivista Storica,
LXXV/111, 1991, p. 571-612.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 37

Enfin les pirates et les corsaires continuent de sévir dans les eaux de la
Méditerranée, et on peut trouver chez les notaires des documents faisant suite
à la capture d’une cargaison par des musulmans (notamment en cas
d’assurance), ou à l’inverse faisant référence à des entreprises corsaires ou
pirates génoises, à des rachats de captifs maghrébins et des actes prévoyant
leur retour chez eux sur des navires génois 1.
Il n’y a pas de spécialisation des notaires, comme pour les siècles
précédents, ce qui rend la recherche plus longue et difficile. Il est possible
néanmoins de s’appuyer sur les travaux existants, qui signalent de nombreux
documents sur les relations avec le Maghreb 2. Certains notaires méritent par
ailleurs d’être signalés plus particulièrement. Ce sont tout d’abord ceux qui
instrumentent outre-mer. Ils font une place importante aux affaires
commerciales et, pour ceux qui sont installés dans les ports maghrébins, sont
utiles pour l’étude des communautés génoises.

1. En revanche il y a peu de documents sur les rachats de Génois en terre africaine.


2. Outre les travaux cités supra, voir la thèse de Jacques Heers (qui a dépouillé les notaires pour
la période 1447-1466). Heers, Gênes au XVe siècle, op. cit. Il donne de nombreuses références au
Maghreb, tirées des notaires génois. À compléter avec plusieurs de ses articles: «Le royaume de
Grenade et la politique marchande de Gênes en Occident», Le Moyen Âge, 63, 1957, p. 87-121, rééd.
Société et économie, op. cit.; «Gênes et l’Afrique du Nord vers 1450: les voyages “per costeriam”»,
Anuario de Estudios Medievales, 21, 1991, p. 233-245. Rossana Urbani a, dans plusieurs articles très
riches, présenté les ressources documentaires des notaires génois pour l’histoire du commerce
maghrébin et donne de nombreuses références: R. Urbani, «Fonti per il commercio mediterraneo
ligure nell’ultimo medioevo: i rapporti con l’Africa settentrionale», Atti del IV Convegno internazionale
della ceramica, 1971, Gênes, 1971, p. 431-437; ead., «Note d’archivio sui notai genovesi del 400:
l’attività di Bartolomeo Canessa», La Berio, XI, 1, 1971, p. 10-21; ead., «Ricerche d’archivio sui
rapporti tra Genova e il Nord-Africa alla fine del Quattrocento», Archivi e cultura, 7, 1973, p. 137-
146; ead., «Ricerche d’Archivio sui rapporti tra Genova e il Nord Africa alla fine del Quattrocento»,
Ricerche di archivio e studi storici in onore di G. Costamagna, Fonti e Studi, 8, Rome, 1974, p. 137-146;
ead., «Genova e il Maghrib tra il ‘400 e ‘500 (nuovi documenti archivistici)», Genova, la Liguria e
l’Oltramare tra medioevo ed età moderna. Studi e ricerche d’archivio, Gênes, 1976, p. 185-206. L.
Balletto, «Gênes et le Maghreb au XVe siècle», L’Occident musulman et l’Occident chrétien au Moyen
Âge, Rabat, 1996, p. 91-106; ead., «Famiglie genovesi nel Nord-Africa», Dibattito su grandi famiglie
del mondo genovese fra Mediterraneo ed Atlantico. Atti del convegno Montoggio, 28 ottobre 1995, dir.
G. Pistarino, Gênes, 1997, p. 49-71. G. G. Musso, «Genovesi e Catalogna nell’ultimo medioevo:
documenti d’Archivio», Mostra documentaria Liguria-Catalogna, XII-XV secolo, Gênes, 1971, p. 7-
64. D. Gioffrè, Il mercato degli schiavi, op. cit.; G. Petti Balbi, «Gli insediamenti genovesi nel
Nord-Africa durante il ‘400», Medioevo Mezzogiorno Mediterraneo. Studi in onore di Mario Del
Treppo, dir. G. Rossetti et G. Vitolo, Naples, 2000, p. 121-137; Ph. Gourdin, «Émigrer au XVe siècle.
La communauté ligure des pêcheurs de corail de Marsacares, I, Étude de la population et des
modalités de départ», MEFR, 98/2, 1986, p. 543-605; id., «Émigrer au XVe siècle. La communauté
ligure des pêcheurs de corail de Marsacares, II, Vie quotidienne, pouvoirs, relations avec la
population locale», MEFR, 102/1, 1990, p. 131-171; id., «Italiens et Européens en Afrique du Nord
pendant la deuxième moitié du XVe siècle. Contacts avec la population locale (d’après les archives
de Gênes et de Savone)», État et colonisation au Moyen Âge et à la Renaissance, dir. M. Balard,
Lyon, 1989, p. 365-376; id., Les relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le
Maghreb au XVe siècle, Thèse sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse, II, Etude
de cas: Tabarka (XVe-XVIIIe siècle). Histoire d’un comptoir européen en terre africaine; id., «L’Afrique
du Nord est-elle au Moyen Âge le “grenier à blé” de l’Europe méditerranéenne?», Romanité et
cité chrétienne. Permanences et mutation, intégration et exclusion du Ier au VIe siècle. Mélanges en
l’honneur d’Yvette Duval, Paris, 2001, p. 151-168; id., «Les relations entre la Sardaigne et le Maghreb
au Moyen Âge», Mélanges de l’Ecole française de Rome, Moyen Âge, 113/1, 2001, p. 129-147; Valérian,
Bougie, op. cit.
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38 DOMINIQUE VALÉRIAN

- Cassano Casella, de Sestri Ponente (filza 1150bis), est le notaire de


Marsacares, où il est attesté entre 1469 et 1472, puis en 14801.
- Agostino Testa (filza 1471), notaire génois de Tunis entre 1501 et 1503, puis
de 1512 à 1515.
- Tommaso de Recco (filze 847-848), qui réside à Chio (1449-1460).

Certains notaires de Gênes sont par ailleurs particulièrement riches en


documents sur le commerce maritime:
- Antonio Fazio: filze 575-595bis (1408-1465).
- Bartolomeo Rizzo: filze 715-720 (1436-1458).
- Oberto Foglieta: filze 721-760 (1436-1504). Nombreux nolis en particulier.
- Cristoforo de Rapallo: filze 671-683bis (1430-1470). Nombreux documents
sur les pêcheries de corail de Marsacares.
- Emmanuele Granello: filze 871-872bis (1450-1489).
- Tommaso Duracino: filze 888-915bis (1452-1497).
- Bartolomeo Canessa: filza 949 (1461-1504), en relation avec la perception
du Drictus Tunisi 2.
- Giovanni de Vultabio: filza 1009 (1465-1473).
- Niccolo Raggi : filze 1017-1038 (1466-1499). Documents très variés,
notamment ventes de cuirs 3 et d’esclaves, mais aussi contrats de commerce
maritime.
- Martino Brignole: filze 1245-1248bis (1483-1490).
- Antonio Pastorino: filze 1290-1336 (1485-1526).
- Girolamo de Ventimiglia. Dans la filza 1041, plusieurs lettres envoyées
de Malaga par Lucca Centurione en 1455, sur le commerce entre la péninsule
Ibérique et le Maghreb 4.

Enfin les notaires judiciaires, qui s’occupent notamment des conflits


commerciaux, ont laissé des documents intéressant les relations avec le
Maghreb à partir des dernières années du XIVe siècle 5. Les actes de Pietro
de Sarzano (notai giudiziari, n° 3-4, 1395-1408), notaire de l’Officium Robarie,
montrent en particulier des affaires de piraterie.
- A. Roccatagliata, éd., L’Officium Robarie del comune di Genova (1394-97),
Gênes, 3 vol., 19896.

1. Cf. Gourdin, «Émigrer au XVe siècle», art. cité, I, p. 547-548.


2. Cf. Urbani, «Note d’archivio», art. cité. Le drictus Tunisi était un droit exceptionnel pesant
sur le commerce avec le sultanat hafside, destiné à rembourser des dommages causés par des
actes de piraterie.
3. Gourdin, «Les approvisionnements», art. cité.
4. Il existe également de ce notaire des actes instrumentés pour le compte de l’Ufficio della
mercanzia, dans la série notai giudiziari (n° 38, a. 1468).
5. Inventaire manuscrit en salle de lecture. Une soixantaine de filze jusqu’à la fin du XVe siècle.
6. Voir également R. de Mas-Latrie, «L’Officium robarie ou l’Office de la piraterie à Gênes
au Moyen Âge», BEC, 53, 1892, p. 264-272 ; A. Roccatagliata, «Alle origini dell’ufficio “pro
robariis” del comune di Genova», Studi e testi del Civico Istituto Colombiano, 9, Saggi e Documenti,
VII, 2, Gênes, 1986, p. 151-184.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 39

Éditions de documents divers:


- Bensa, Il Contratto di assicurazione, op. cit. (acte de 1426; not. Brancha de
Bagnaria).
- Mostra storica del documento assicurativo, op. cit. (acte de 1416, not. Martino
de Morano).
- R. Doehaerd, Ch. Kerremans, éd., Les relations commerciales entre Gênes,
la Belgique et l’Outremont d’après les archives notariales génoises, 1400-1440,
Rome-Bruxelles, 1952.
- Ph. P. Argenti, The Occupation of Chio by the Genoese and their Administration
of the Island, 1346-1566, Cambridge, 1958, vol. 3 (documents).
- Urbani, «Ricerche d’archivio», art. cité (documents en appendice).
- ead., «Note d’archivio», art. cité (documents en appendice).
- Musso, «Genovesi e Catalogna», art. cité. Affaires de piraterie en
particulier.
- R. Urbani, G. N. Zazzu, éd., The Jews in Genoa, I, 507-1681, Leyde –
Boston – Cologne, 1999. Régestes de quelques documents, notamment sur
l’expulsion des juifs d’Espagne vers le Maghreb (1493).
- L. Balletto, «Da Capriata d’Orba alla Spagna ed alla Barbaria nel tempo
di Cristoforo Colombo», Il Monferrato: crocevia politico, economico e culturale
tra Mediterraneo e Europa. Atti del Convegno internazionale, Ponzone, 9-12 giugno
1998, éd. G. Soldi Rondinini, Ponzone, 2000, p. 299-319.

II. — La documentation politique

Moins anciens que les fonds notariaux, les registres de la Commune sont,
à partir du XIVe siècle, d’une grande richesse pour comprendre l’évolution
des relations politiques entre Gênes et le Maghreb. Leur intérêt dépasse
cependant largement le seul champ de la diplomatie et ils sont utiles pour
tout ce qui touche à la navigation en Méditerranée, à son organisation et à
ses problèmes. Ces documents sont rassemblés pour l’essentiel dans le
fonds de l’Archivio segreto, qui comporte plusieurs centaines de registres
pour la période médiévale 1.

Les traités et privilèges considérés comme les plus importants pour la


Commune ont fait l’objet très tôt (au XIIIe siècle) de transcriptions dans des
volumes spéciaux, plusieurs fois complétés. Ces Libri Iurium, dont on compte
dix volumes, conservent des documents remontant à 958, année de la
reconnaissance des coutumes de Gênes. Le premier volume regroupe des
documents allant jusqu’au XIIIe siècle. Le deuxième, rédigé au XVe siècle, des
documents allant de 1339 à 1424. Le troisième volume va de 1447 à 1514, et
le neuvième, correspondant à la domination française, de 1396 à 1409. Une

1. Inventaire manuscrit en salle de lecture. Chaque sous-série a sa propre numérotation,


qui s’ajoute à la numérotation générale que l’indiquerai.
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40 DOMINIQUE VALÉRIAN

édition partielle en a été faite au XIXe siècle 1. Une nouvelle édition est
aujourd’hui proposée dans la collection Fonti des Pubblicazioni degli Archivi
di Stato 2. Par ailleurs un document de 1392 a été publié par Louis de Mas-
Latrie 3.
Outre ces Libri Iurium, qui ne conservent cependant que peu de documents
utiles pour le Maghreb, plusieurs séries importantes composent le fonds de
l’Archivio segreto. Chacune a sa propre logique archivistique mais toutes,
d’un point de vue documentaire, apportent des informations assez
semblables.

Plusieurs séries sont plus particulièrement riches en documents liés à


l’activité diplomatique de Gênes:
- Materie politiche, à partir de 958: reg. 2720-2733, 2737A-B 4. C’est la série
des traités de paix et de commerce en particulier. La plupart ont été édités
par Louis de Mas-Latrie 5. On y trouve également des affaires de piraterie.
Inventaire chronologique avec régestes sommaires 6.
Le registre 2737D («écrits en langues orientales et africaines») conserve
plusieurs documents en arabe. Les documents médiévaux ont été publiés
par Michele Amari:
M. Amari, «Nuovi ricordi arabici sulla storia di Genova», ASLSP, 5, 1867,
p. 549-635 + 39 p. (textes arabes).
- Le registre 2774C («Negoziazioni con Oriente e Africa», 1400-1730)
conserve également des documents du XVe siècle concernant les relations
avec le Maghreb: traité de 1465 avec Tunis, correspondance diplomatique 7,
instructions à des ambassadeurs, affaires de piraterie et de captifs, conflits
dans les ports maghrébins, commerce (notamment de céréales), taxes
extraordinaires sur le commerce avec l’Ifrîqiya.
En revanche le registre 2774D («Notizie politiche e del commercio di
Levante e costa d’Africa», 1400-1830) ne présente pas d’intérêt pour la
période médiévale.

1. Libri Jurium reipublicae Genuensis, t. I-II, Turin 1854-1857 (Historiae patriae monumenta, 7-
8), pour les documents allant de 958 à 1447. Lorsque ce travail fut réalisé une partie importante
des documents se trouvait encore à Paris. Plus récemment C. Imperiale di Sant’Angelo a
entrepris d’éditer les documents les plus anciens (jusqu’en 1202) : Codice diplomatico della
repubblica di Genova, Rome, 1936-1942, 3 vol. (FSI, 77, 79, 89).
2. Huit volumes parus à ce jour, dont une introduction qui présente le fonds. D. Puncuh,
A. Rovere, I Libri Iurium della Repubblica di Genova, introduzione, Gênes, 1992.
3. Mas-Latrie, Traités, op. cit., p. 133. Voir également du même, «Documents relatifs au commerce
des Génois sur la côte de l’Afrique au Moyen Âge», BEC, 4e série, t. III, 1857, p. 439-452.
4. Régestes manuscrits: Archivio Segreto, reg. 2737F.
5. Éd. Mas-Latrie, Traités, op. cit. Ces documents se trouvaient à son époque dans les Archives
de Turin, mais ont depuis réintégré celles de Gênes. Un document du 30/11/1238 concernant
un accord d’entraide mutuelle entre Gênes et Venise, notamment dans les eaux de Tunis, a été
édité par E. Winkelamnn, Acta imperii inedita, vol. 2, Innsbruck, 1885, n° 1028.
6. P. Lisciandrelli, «Trattati e negoziazioni politiche della Repubblica di Genova (958-1797).
Regesti», ASLSP, n. s., I (LXXV), 1960.
7. Éd. Mas-Latrie, Traités, op. cit.; documents en arabe édités par Amari, «Nuovi ricordi», art. cité.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 41

- La série des Instructiones et relationes (buste 2707 A-B 1), qui commence en
1396, conserve des instructions données par le doge ou le conseil des Anziani
aux ambassadeurs envoyés à Tunis 2. Pour certains documents dont les
originaux sont perdus, on trouve des copies du XVII e siècle faites par
Agostino Franzoni dont les transcriptions se trouvent dans le fonds manoscritti
n° 652-653 («Istruzioni agli ambasciatori»).

Les autres séries de l’Archivio Segreto, dont celles des Diversorum, assez
semblables dans leur contenu, conservent des documents très variés qui
concernent des décisions de la Commune. On y trouve des informations
notamment en matière de politique étrangère (envois d’ambassades,
instructions, présents), d’administration, de questions financières (droits
exceptionnels perçus sur le commerce avec le sultanat hafside, financement
d’ambassades, de la protection des convois), économiques (prohibitions et
contrebande, achats ou ventes de céréales au Maghreb, pêche du corail au
Maghreb), sanitaires (mesures contre la propagation de la peste), d’élection
à des offices publics (consuls d’outre-mer). Beaucoup de documents sont liés
à l’application difficile des conventions de paix signées avec les Hafsides.
À certaines époques abondent les affaires liées à la piraterie (armement de
navires par la Commune, condamnations de pirates, suppliques de
marchands) et aux rachats (notamment par l’intermédiaire de l’Ufficio di
Misericordia). Enfin les conflits qui peuvent survenir dans les villes
maghrébines, et impliquant des Génois, aboutissent parfois à une intervention
directe des autorités de la métropole, surtout quand l’ensemble de la
communauté génoise est touchée ou menacée (séquestrations, confiscations,
dettes impayées, violences, etc.) 3. Ces documents commencent à partir du
dernier tiers du XIVe siècle, mais sont rares jusqu’au deuxième quart du

1. Inventaire et régestes manuscrits en salle de lecture.


2. Il n’est pas exclu par ailleurs que dans les instructions pour des ambassades envoyées à
d’autres souverains chrétiens (notamment en Espagne) se trouvent des informations concernant
la situation au Maghreb, notamment des affaires de piraterie.
3. Ces séries politiques et diplomatiques ont été abondamment utilisées par E. Marengo,
Genova e Tunisi (1388-1515), ASLSP, 32, Gênes, 1901. On trouve également des références dans
d’autres travaux: E. Basso, «Pirati e pirateria a Genova nel Quattrocento», La Storia dei Genovesi,
11, Gênes, 1991, p. 327-351; Gourdin, «Italiens et Européens en Afrique du Nord», art. cité; id.,
«Émigrer au XVe siècle», art. cité ; id., Les relations politiques, op. cit.; L. Balletto, «Gênes et le
Maghreb au XVe siècle», art. cité ead., «Battista Aicardo di Porto Maurizio, detto Scarincio,
corsaro-pirata del secondo Quattrocento», Corsari, «Turchi» e Barbareschi in Liguria. Atti del I
convegno di Studi, Ceriale, 7-8 giugno 1986, Albenga, 1987, p. 143-170; Fr. Martignone, «Politica
ed economia in Genova sulla fine del Quattrocento», Studi Genuensi, 5, 1964-1965, p. 99-125 ;
Heers, Gênes au XVe siècle, op. cit. ; G. Petti Balbi, «Il consolato genovese di Tunisi nel
Quattrocento», Archivio storico italiano, 576, 1998, p. 226-256; ead., «Gli insediamenti genovesi»,
art. cité ; G. Olgiati, «Angelo Giovanni Lomellino: attività politica e mercantile dell’ultimo
podestà di Pera», La Storia dei Genovesi, 9, Gênes, 1989, p. 139-196 ; Jehel, Les Génois en
Méditerranée, op. cit. ; id., «Proposition pour une théorie du partage du monde, l’exemple
génois», Le Partage du monde. Échanges et colonisation dans la Méditerranée médiévale, dir. M. Balard
et A. Ducellier, Paris, 1998, p. 367-373 ; Valérian, Bougie, op. cit.
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42 DOMINIQUE VALÉRIAN

XVe siècle, quand les relations reprennent vraiment entre Gênes et le Maghreb
(pour l’essentiel avec les Hafsides de Tunis) 1.
- Diversorum cancellariae Communis Janue (ou Diversorum libri), dont les
documents les plus anciens remontent à 1380 : reg. 496 (a. 1380) – 657
(a. 1499-1500) 2. Procès-verbaux des réunions du conseil des Anziani et du
doge, et copie de tous les décrets, décisions et accords.
- Diversorum communis Janue (ou Diversorum cancellariae, ou diversorum
foliacia), à partir de 1375: filze 3021 (a. 1375-1419) à 3075 (a. 1499), 3130A 3.
Informations sensiblement identiques à celles de la série précédente. Le
Manoscritto 673 («Sommario delle materie contenuti nei registri Diversorum
Communis Ianue, 1373-1405») contient des régestes de documents
aujourd’hui perdus. Il est malheureusement en très mauvais état de
conservation.
- Litterarum, à partir de 1411 : reg. 1777 à 1813 (a. 1498-1499) 4. Lettres
envoyées par la Commune aux souverains étrangers, aux consuls, aux
Génois installés outre-mer et à diverses autorités. On peut trouver également
des lettres adressées à la Commune. Elles renseignent sur les relations
diplomatiques, mais aussi sur tous les problèmes de navigation et de
commerce qui ont de près ou de loin des incidences diplomatiques avec les
souverains maghrébins ou européens.
- La série Politicorum, qui commence en 1383, est en revanche pauvre en
documents sur le Maghreb: reg. 1647-16495.
- De la série Maritimarum, qui conserve des documents très variés en
relation avec les affaires maritimes, seule la première filza (n° 1665, a. 1472-
1540) est utile pour la période.

Éditions diverses:
- Mas-Latrie, Traités, op. cit. Outre les fonds cités, quelques éditions de
documents aujourd’hui égarés. Certains documents avaient fait l’objet d’une
première édition du même, accompagnée de commentaires: «Documents
relatifs au commerce des Génois», art. cité.
- Marengo, Genova e Tunisi, op. cit. Nombreux documents en appendice.
- Nombreux régestes dans N. Jorga, «Notes et extraits pour servir à
l’histoire des croisades au XVe siècle», Revue de l’Orient Latin, IV, 1897, p. 25-
118, 226-320, 503-622 ; V, 1897, p. 108-212, 311-388 ; VI, 1898, p. 50-143,
370-434 ; VII, 1900, p. 38-107, 375-429 ; VIII, 1900-1901, p. 1-115, 267-310.
Pour la première moitié du XVe siècle.
- Balletto, «Battista Aicardo di Porto Maurizio», art. cité (documents en
appendice).

1. Marengo, Genova e Tunisi, op. cit., p. 36.


2. Régestes manuscrits aux Archives, pour les registres 502 (a. 1408) à 514 (a. 1429-1446).
3. Régestes manuscrits aux Archives.
4. Les registres 1957/I-Q contiennent des régestes des Litterarum.
5. Régestes manuscrits.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 43

- M. Buongiorno, L’Amministrazione genovese nella «Romania», Gênes, 1973


(éd. d’une liste des magistratures génoises de 1380, citant le consulat de
Tunis).
- R. S. Lopez, Genova marinara nel Duecento. Benedetto Zaccaria, ammiraglio
e mercante, Milan, 1933, appendice documentaire.
- G. Olgiati, Classis contra regem Aragonum (Genova, 1453-1454).
Organizzazione militare ed economica della spedizione navale contro Napoli,
Cagliari, 1990.

III. — Documents à caractère fiscal et douanier et comptabilité publique

Les archives de Gênes conservent un nombre considérable de documents


à caractère comptable. Leur exploitation n’est pas aisée, en raison de la
complexité des fonds et des règles de comptabilité publique. Par ailleurs
progressivement les revenus de la Commune sont affermés, pour passer
totalement sous le contrôle de la Banque de San Giorgio au début du XVe
siècle. Certains de ces fonds ont été exploités par les historiens de Gênes, mais
il est encore difficile de se faire une idée précise de l’ensemble. Les documents
se répartissent entre deux fonds principaux, celui de l’Antico Comune, qui
regroupe les registres de comptabilité de la Commune, et celui, plus tardif,
de la banque de San Giorgio. Mais on peut trouver d’autres informations
dispersées dans d’autres fonds.

Le plus ancien document génois faisant apparaître des relations


commerciales avec le Maghreb est un tarif de douane, conservé dans un
registre de copies de documents relatifs à l’archevêché de Gênes, compilé
en 1143, le Registrum Curiae 1. Ce tarif, ou Decima maris, donne la liste des taxes
payées à l’archevêque, et cite les échanges avec la Barbarie, Africa (Mahdia),
Tunis et Bougie.
L. T. Belgrano, éd., Registro della Curia arcivescovile di Genova, ASLSP, 2,
Gênes, 1862.

Certains tarifs douaniers ont été conservés dans le fonds Manoscritti,


membranacei. Ils indiquent notamment les taxes pesant sur le commerce et
sur les consulats et scribaniae de Tunis et de Bougie. Compilé en 1428, mais
rassemblant les tarifs de presque toutes les gabelles des XIVe et XVe siècles,
le Liber Institutorum Cabellarum veterum montre les taxes pesant sur le
commerce de Tunis, celles payées pour les marchandises appartenant aux
marchands musulmans et transportées sur les navires génois entre Alexandrie
et Tunis, et celles touchant certains produits maghrébins. Un tarif de 1444
enfin porte sur les transports entre l’Atlantique et le Maghreb.

1. Le registre est conservé à l’Archivio della cattedrale di San Lorenzo. V. Vitale, «Le fonti
della storia medievale genovese», Storia di Genova, 3, Milan, 1942, p. 317.
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44 DOMINIQUE VALÉRIAN

D. Gioffrè, éd., Liber Institutorum Cabellarum veterum, Acta italica, 12


(Fondazione italiana per la storia amministrativa, dir. Gianfranco Miglio),
Milan, 1967.

À partir du milieu du XIVe siècle, et pour l’essentiel jusqu’aux premières


décennies du XVe siècle, les registres comptables de l’Antico Comune apportent
des informations variées, bien que très dispersées, sur le Maghreb 1.
- Massaria communis Ianue: Antico Comune, reg. 1-40 (a. 1340-1442) 2.
- Le principal organe de contrôle financier était l’office des Magistri
racionales. Les séries des Introitus et exitus (Antico Comune, reg. 44-61, a. 1340-
1395), des Sententiae (id., reg. 65-95, a. 1354-1427) et des Apodixiae (id., reg.
97-115, a. 1379-1437) 3 offrent des documents portant notamment sur les
missions diplomatiques, les dépenses d’armement (notamment contre la
piraterie), le trafic maritime.
- Deux autres séries sont consacrées aux dépenses liées à l’armement des
galères (pour des expéditions armées, mais aussi pour des envois
d’ambassades) et aux dépenses de construction ou de salaires des équipages.
Ce sont les séries Galearum marinariorum introitus et exitus 4 et Galearum
marinariorum rationes 5. Le registre 731 (a. 1390) concerne en particulier les
dépenses liées à l’expédition lancée cette année-là contre le Maghreb. On peut
trouver également dans ce fonds des informations sur des affaires de piraterie.
- Ambaxiatorum expensae (reg. 116-121, a. 1367-1387): dépenses d’ambassades.
Une ambassade en Angleterre ayant été financée par un impôt spécial sur le
commerce maritime, le registre douanier qui a enregistré les entrées fiscales
afférentes est conservé dans cette série (Antico Comune, reg. 118, Ambasciata
Anglie introytus et exitus). Il est édité par J. Day, Les Douanes de Gênes 1376-
1377, Paris, 2 vol., 1963 6.
- Les impôts indirects, en particulier ceux touchant le commerce maritime,
ont été le plus souvent affermés, laissant peu de traces dans les archives de
la Commune. Quelques registres ont cependant été conservés 7. Ceux du

1. Inventaire numérique manuscrit en salle de lecture. Sur ce fonds, voir la présentation


très détaillée de V. Polonio, L’Amministrazione della Res publica genovese fra tre e Quattrocento.
L’Archivio «Antico Comune», ASLSP, n. s., vol. XVII, fasc. 1, Gênes, 1977. Quelques études
ont mis à profit ces fonds: Petti Balbi, Simone Boccanegra, op. cit.; Musso, Navigazione e commercio
genovese, op. cit.; Urbani, «Genova e il Maghrib», art. cité.
2. Rossana Urbani cite ce fonds en relations avec le Maghreb, mais sans précision. Urbani,
«Genova e il Maghrib», art. cité.
3. Registre de la magistrature chargée du contrôle comptable de certains offices, dont la
Mercanzia et la Gazaria.
4. Antico Comune, Reg. 689-756, a. 1350-1461.
5. Id., Reg. 628-688, a. 1351-1427. Avec notamment les rôles et les salaires des équipages. Les
équipages de galères comptent parfois des gens originaires du Maghreb, d’après Musso,
Navigazione e commercio genovese, op. cit, p. 187-188.
6. La taxe frappa le commerce génois d’août 1374 à décembre 1377. On trouve quelques
voyages pour le Maghreb (Tunis).
7. Antico Comune, reg. 509-510, 740, 783 (Drictus Granate), 788 (Drictus Catalanorum), 790
(id.). Cf. Day, Douanes, op. cit. ; Polonio, L’Amministrazione, op. cit., p. 74.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 45

Drictus Catalanorum portent sur le trafic des Catalans à Gênes en 1386 et en


1392-1393. Outre un navire en provenance de Tunis, on y trouve des
importations par Gênes de produits d’origine sans doute africaine
(notamment des dattes et des cuirs).
R. Callura Cecchetti, S. Maris Zunino, G. Luschi, éd., Genova e Spagna nel
XIV secolo. Il «Drictus catalanorum», 1386, 1392-1393, Gênes, 1970.
- L’Ufficio victualium (reg. 139-162, a. 1378-1500 ; plusieurs registres
disparus) était chargé du contrôle des approvisionnements en nourriture de
Gênes. Ses registres notent les arrivées de céréales, avec leur provenance 1.

Le second fonds important est celui, immense, de la banque de San Giorgio.


La Commune de Gênes, contrainte de s’endetter, avait concédé à des
associations de créanciers, nommées compere, les revenus de certaines taxes.
Les dettes n’étant jamais vraiment éteintes le plus souvent, les diverses
compere finissent pas se regrouper dans la banque de San Giorgio, créée en
1407 2. L’administration de la banque en vient peu à peu à se substituer à celle
de la Commune, et possède ses propres archives.
Véritable État dans l’État, la Casa di San Giorgio avait sa propre chancellerie,
mais l’apport de ces registres est très faible pour le Maghreb 3.
Les documents les plus utiles sont donc les registres de comptes. Leur
sécheresse, tout autant que leur complexité, sont un peu décourageantes. Ils
montrent le plus souvent uniquement les opérations touchant les parts des
compere, sans référence aux revenus de l’impôt auquel celles-ci sont attachées 4.
Certains fonds réservent cependant des informations intéressantes pour le
commerce avec l’Afrique du Nord.
Les plus souvent sollicités sont les Caratorum veterum, registres douaniers
qui montrent, pour certaines années, le commerce réalisé par les Génois. Les
carati maris, d’abord taxe générale sur la navigation, deviennent par la suite
un impôt pesant plus précisément sur les marchandises 5.

1. On y trouve également des mémoires des scribes de l’Office, relatifs à diverses affaires de
transport de grains. Peut-être y a-t-il, ponctuellement, des importations de grains maghrébins.
2. Sur le fonctionnement complexe de la banque de San Giorgio, voir principalement Heers,
Gênes au XVe siècle, op. cit., qui l’utilise largement; H. Sieveking, «Studio sulle finanze genovesi
nel Medioevo e in particolare sulla Casa di S. Giorgio», ASLSP, 35, 1905. Voir également la
présentation générale du fonds par G. Felloni, Inventario dell’Archivio del Banco di San Giorgio.
Presentazione, Rome, 1989.
3. Voir Primi cancellieri, filza 88 (Oriente, dont Tunis), qui est cependant très pauvre pour le
Maghreb. Les registres de la série Cancelleria, qui commencent en 1479, ne semblent pas très
utiles d’après les inventaires disponibles en salle de lecture. Voir également Urbani, «Fonti per
il commercio», art. cité, p. 435.
4. C’est le cas en particulier de la Compera Tunetis de 1443 (Compere e mutui anteriore a San
Giorgio). Sur ce fonds, voir D. Gioffrè, «Il debito pubblico genovese. Inventario delle compere
anteriori a San Giorgio o non consolidate nel Banco (secc. XIV-XIX)», ASLSP, n. s., 6, 1966, p. 11-
336.
5. Cf. R. Di Tucci, «Le imposte sul commercio genovese durante la gestione del Banco di San
Giorgio», Giornale storico e letterario della Liguria, 1929, p. 209-219 ; 1930, p. 1-12, 147-169, 243-
262, 341-360.
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46 DOMINIQUE VALÉRIAN

ASG, Archivio di San Giorgio, sala 38/54, Caratorum Veterum:


- Reg. 1551 (a. 1423-1425). Sommes levées, au titre du drictus Catalanorum,
sur les navires venant notamment de Valence ou de Majorque. On y trouve
des importations de produits africains, notamment des dattes et des cuirs.
- Reg. 1552 (a. 1445-1448). Taxe pesant sur les navires ou les marchands
génois effectuant des trajets ne passant pas par Gênes. On y trouve des
listes de marchandises établies par les scribes des navires, avec parfois le lieu
de chargement ou de déchargement, le nom du propriétaire, le navire
(parfois il s’agit des galées florentines ou vénitiennes). Les trajets sont très
divers, reliant les ports maghrébins (essentiellement Tunis, mais aussi Tripoli,
Djerba, Bougie, Oran, Hunayn) au reste de la Méditerranée (Naples, Sicile,
Majorque, Malaga, Ancône, et en Orient Chio, Alexandrie et la Syrie) et à
l’Atlantique (Cadix, Flandres, Angleterre). Particulièrement intéressants
sont les voyages «per costeriam», c’est-à-dire longeant les côtes du Maghreb.
Le document le plus complet est le registre de Filippo de Negrono, qui
effectue en 1448 un voyage le long des côtes africaines, et qui détaille les
transactions commerciales effectuées dans les différentes escales avec les
marchands musulmans 1.
- Reg. 1553 (a. 1457). Du même type que le précédent, mais moins riche.
- Reg. 1555 (a. 1495-1498). Idem. On y trouve notamment des transports
de grains de Sicile au Maghreb, des cuirs maghrébins chargés à Cadix pour
Gênes, et nombreux voyages en relation avec Chio 2.

Les registres des différentes gabelles acquises par San Giorgio montrent
parfois les opérations commerciales ou les voyages vers le Maghreb. Ils
restent cependant très incomplets, sauf pour quelques années. Surtout, ils
ne concernent, le plus souvent, qu’une partie du commerce génois, celui qui
est touché par la taxe en question 3. Certains registres sont cependant très
riches.
- Gabella Securitatis 4 : taxe portant sur les contrats d’assurance. Ces comptes
donnent les trajets effectués, les noms des marchands et des patrons de
navires, la somme assurée et le taux de l’assurance. On y trouve de très
nombreux trajets pour le Maghreb, notamment dans le registre 1865 (a. 1485).

1. Sur ce registre, voir en particulier Heers, «Gênes et l’Afrique du Nord vers 1450», art. cité;
du même, «L’expansion maritime portugaise à la fin du Moyen Âge: la Méditerranée», Revista
da Faculdade de Letras de Lisboa, s. 2, XXII, 1956, p. 5-33, rééd. Société et économie, op. cit.; E. Ashtor,
Levant Trade in the Later Middle Ages, Princeton, 1983 ; M. Fennell Mazzaoui, The Italian Cotton
Industry in the Later Middle Ages, 1100-1600, Cambridge, 1981 ; Gourdin, Les relations politiques,
op. cit.
2. Sur ce registre, voir D. Gioffrè, «Il commercio d’importazione genovese alla luce dei
registri del dazio (1495-1537)», Studi in onore di Amintore Fanfani, V, Milan, 1962, p. 115-242.
3. Sur toutes ces gabelles, voir principalement Heers, Gênes au XVe siècle, op. cit.
4. San Giorgio, sala 37, reg. 1861 (a. 1340), 1862 (a. 1366), 1862/I (a. 1359), 1863 (a. 1360),
1864 (a. 1363), 1864 (a. 1363), 1865 (a. 1485). Cf. G. Giacchero, «I Genovesi assicuratori
marittimi nell’arco di cinque secoli», La Storia dei Genovesi, 6, Gênes, 1986, p. 51-89.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 47

- Gabella pannis lombardi 1 : taxe portant notamment sur les exportations de


textiles (lombards, mais pas seulement) au départ de Gênes (rubrique missis
extra Ianuam). On y trouve les noms des marchands, des patrons de navires,
la nature des textiles et les destinations. Plusieurs de ces voyages ont pour
destination le Maghreb.
- Censarie nove liber debitoris 2 : Le premier intérêt de ce registre est la taxe
pesant sur les nolis. Dans cette rubrique sont indiqués, pour chaque navire,
les destinations, les noms des marchands et des patrons, les cargaisons
(notamment nombreuses importations de grains au départ du Maghreb
oriental). D’autres rubriques enregistrent les taxes perçues sur les ventes, sur
le marché génois, de diverses marchandises. Si l’origine des nombreux
esclaves n’est pas indiquée, on trouve en revanche quelques indications de
laines ou de peaux d’agneaux maghrébines.
- Gabella marinariorum (1482) : taxe pesant sur les armateurs ou patrons
de navires de 500 mines ou plus. Les comptes indiquent le nom du patron
et du bâtiment, l’itinéraire, la durée du voyage, le nombre d’hommes et le
montant de l’impôt. Plusieurs voyages pour Tunis ou la Berbérie, parfois en
passant par la péninsule Ibérique. Ce registre a été édité par M. L. Balletto,
Navi e navigazione a Genova nel Quattrocento. La «Cabella marinariorum» (1482-
1491), Gênes, 1973.
- Le registre de la gabelle Venuta piccola conserve le livre de comptes de
Giovanni Piccamiglio, édité par J. Heers, Le livre de comptes de Giovanni
Piccamiglio, homme d’affaires génois, 1456-1459, Paris, 1959. On y trouve
quelques affaires en relation avec le Maghreb (notamment des assurances).
- Les registres de la Cabella granorum ne semblent pas présenter d’intérêt
particulier pour l’étude du commerce des grains 3. En revanche on y trouve
une série de lettres du marchand Giovanni da Pontremoli, éditées par
D. Gioffrè, Lettere di Giovanni da Pontremoli, mercante genovese 1453-1459,
Gênes, 1982. Sur 166 lettres, 56 sont envoyées à des marchands résidant ou
se rendant au Maghreb et concernent Sfax, Tunis, Marsacares, Bône, Stora,
et surtout Constantine.
Enfin il faut noter qu’un petit registre de douane est conservé, pour les
dernières années du XVe siècle, dans la série des Cartulari e manuali des
Padri del Comune. Ce sont des taxes portant sur les navires entrant dans le
port de Gênes. La série commence en 1487 et indique la provenance et la
destination des navires, certains venant du Maghreb 4.

1. San Giorgio, sala 37, reg. 1643 (a. 1357), 1644 (a. 1453), 1644A (a. 1453), 1645 (a. 1478),
1646 (a. 1444).
2. Un seul registre pour le XVe siècle : San Giorgio, sala 36, reg. 1039 (a. 1450).
3. Sala 37, reg. 790-814A (1334-1500). Le registre 813 (a. 1481), que j’ai consulté, ne montre
que les mouvements de parts (luoghi) de la compera.
4. Cf. E. Grendi, «Traffico portuale, naviglio mercantile e consolati genovesi nel Cinquecento»,
Rivista storica italiana, 80, 1968, p. 593-629; M. Calegari, «Navi e barche a Genova tra il XV e
il XVI secolo», Miscellanea di storia ligure, 3, Guerra e commercio nell’evoluzione della marina
genovese tra XV e XVII secolo, t. I, Gênes, 1970, p. 13-55.
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48 DOMINIQUE VALÉRIAN

IV. — Chroniques génoises

Comme toutes les grandes cités marchandes, Gênes a eu ses chroniqueurs,


qui ont chanté la grandeur de son aventure maritime. Pourtant la République
n’ayant jamais vraiment eu de politique de conquête au Maghreb, et s’étant
limitée à une expansion commerciale pacifique, le Maghreb n’apparaît dans
les chroniques qu’assez rarement 1.
Les récits des premières années de la puissance génoise rapportent les
débuts difficiles des relations avec les puissances musulmanes d’Afrique. Les
premiers contacts furent violents, faits de raids et d’actions pirates de part
et d’autre, qui assurent finalement à Gênes – et aux autres puissances
chrétiennes – une certaine suprématie sur mer. Par la suite, à l’exception des
entreprises génoises contre Ceuta dans les années 1230 2, le Maghreb
n’apparaît qu’indirectement dans les récits, lorsque ceux-ci évoquent les
luttes entre puissances chrétiennes et les captures de navires commerçant
avec l’Afrique du Nord. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIVe siècle que le
Maghreb redevient un acteur véritable des chroniques, avec les attaques
génoises contre les côtes d’Ifrîqiya (attaque de Tripoli en 1355), la
recrudescence de la piraterie musulmane et les réactions des puissances
chrétiennes européennes (en particulier les expéditions de 1388 et 1390).
La chronique de Gênes commence avec le récit de Caffaro, un homme
d’État qui se fit le chantre de la grandeur de sa ville, mettant en avant les
exploits susceptibles d’unir ses concitoyens. Il mène cette histoire officielle
de la Commune de 1099 à 1163. Il est ensuite remplacé par plusieurs auteurs,
souvent simples scribes de la chancellerie, parfois travaillant collectivement.
La chronique de l’archevêque dominicain de Gênes Jacques de Voragine, qui
couvre notamment les dernières années du XIIIe siècle, présente en revanche
peu d’intérêt pour le Maghreb.
- L. T. Belgrano, C. Imperiale di Sant’Angelo, éd., Annali genovesi di
Caffaro e de’ suoi continuatori dal MXCIX aL MCCXCIII, Rome, 5 vol., 1890-
1929.
- G. Monleone, éd., Annali genovesi dopo Caffaro e i suoi continuatori. Iacopo
da Varagine, Giorgio Stella, Gênes, 3 vol., 1941 (FSI, 84-86).
Après une interruption au XIVe siècle, la chronique de Gênes reprend
avec Giorgio Stella 3 (qui va jusqu’en 1405) puis son frère Giovanni (qui
poursuit jusqu’en 1441). Leur travail est continué par le chancelier de la
République Bartolomeo Senarega (1488-1514) puis par Antonio Gallo (né vers
1440) 4. Enfin pour la fin du XVe siècle les Annales de Giustiniani, auteur du

1. Sur les chroniqueurs génois, voir la présentation rapide de V. Polonio, «Le maggiori fonti
storiche del medioevo ligure», Studi Genuensi, 5, 1964-1965, p. 5-38 ; V. Vitale, «Le fonti della
storia medievale genovese», Storia di Genova, 3, Milan, 1942, p. 313-337.
2. Cf. Ch.-E. Dufourcq, «La question de Ceuta au XIIIe siècle», Hesperis, 42, 1955, p. 67-127.
3. Cf. G. Balbi, «Giorgio Stella e gli “Annales Genuenses”», Miscellanea storica ligure, 2,
Milan, 1961, p. 123-215.
4. Quelques informations sur les conquêtes espagnoles au début du XVIe siècle.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 49

XVIe siècle, apportent quelques informations sur les relations difficiles entre
Gênes et les puissances maghrébines.
- Giorgio et Giovanni Stella, Annales Genuenses, éd. G. Petti Blabi, RIS 1,
XVII, 2, Bologne, 1975. Trad it. Giovanni Monleone, «Gli Annali di Giorgio
Stella, 2° volume (1333-1382)», La Berio, X, 1970 - XII, 1972. Réédité à part, Annali
genovesi dopo Caffaro e i suoi continuatori. Giorgio Stella (parte seconda), Gênes, 1972.
- Bartolomeo Senarega, De rebus Genusensibus, éd. E. Pandiani, RIS, XXIV,
parte VIII, Bologne, 1932.
- Antonio Gallo, Commentari de rebus genuensium et de navigatione Columbi,
éd. E. Pandiani, RIS, XXIII, parte I, 1910.
- Agostino Giustiniani, Annali della Repubblica di Genova, éd. G. B. Spotorno,
Gênes, 1854, 2 vol.
- Uberto Foglietta, Istorie di Genova, tr. Fr. Serdonati, Gênes, 1597, rééd. anast.
Bologne, 1969 (XVIe siècle).

V. — Textes et documents divers

Le livre de comptes du marchand Battista de Lucco (a. 1472-1476), conservé


à l’Archivio storico de Gênes, a été édité par L. Balletto, Battista de Luco,
mercante genovese del secolo XV e il suo cartulario, Gênes, 19791. Il fournit
notamment des informations sur un voyage effectué à Tunis (où Battista de
Lucco est en relations d’affaires avec des marchands musulmans), Chio et
Alexandrie, en 1472-1473.
Les lettres (envoyées ou reçues à titre privé) de Jacobo Bracelli, chancelier
de la République de Gênes de 1422 à 1464, ont été éditées à partir de plusieurs
manuscrits par G. Balbi, L’Epistolario di Iacopo Bracelli, Gênes, 1969. Dans la
correspondance de cet humaniste (allant de 1432 à 1464), on trouve plusieurs
lettres qui concernent les côtes africaines.
Les lettres de l’archevêque de Gênes Pileo de Marini, conservées à l’Archivio
capitolare di San Lorenzo (cathédrale), ont été éditées par D. Puncuh,
«Carteggio di Pileo de Marini, arcivescovo di Genova (1400-1429)», ASLSP,
ns., 11 (85), fasc. 1. On y trouve notamment des informations sur les rachats
de captifs à Tunis par l’Office de la Misericordia, qui avait à sa tête l’archevêque
de Gênes.
Enfin Ora Limor a édité le texte anonyme (dont le manuscrit est conservé
à la bibliothèque universitaire de Gênes) d’une controverse religieuse entre
le marchand génois Guglielmo Alfachino et le juif Abraham, dont l’action
est située à Ceuta en 1179 2 : O. Limor, éd., Die Disputationen zu Ceuta (1179)
und Mallorca (1286). Zwei antijüdische Schriften aus dem mittelalterlichen Genua,
MGH, Quellen zur Geistgeschichte des Mittelalters, 15, Munich, 1994.

1. Voir également G. Rebora, «Libri di conti di mercanti genovesi nel sec. XV», Atti del III
convegno di studi colombani, Gênes, 1979, p. 199-218 (étude de sept livres de comptes génois).
2. Cf. O. Limor, «Missionary Merchants : Three Medieval Anti-Jewish Works from Genoa»,
Journal of Medieval History, 17, 1991, p. 35-51.
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50 DOMINIQUE VALÉRIAN

VI. — Savone

Savone a eu très tôt des relations commerciales avec le Maghreb. Son


développement a cependant été rapidement freiné par sa puissante rivale
génoise, qui en 1153 n’autorise les Savonais à dépasser la Sardaigne ou
Barcelone qu’à condition de passer au préalable par Gênes, de transporter
une majorité de marchands génois, de revenir décharger à Gênes et de
participer aux frais des consuls génois à l’extérieur 1. Les preuves d’un
commerce et de lignes de navigation avec le Maghreb existent pourtant,
bien que les archives de Savone n’aient pas la richesse de celles de sa voisine 2.
Quelques documents normatifs ont été conservés, mais n’apportent guère
d’information précise. Ils montrent cependant l’existence de liens avec
l’Afrique du Nord. Les Statuts de la Commune, dont la rédaction date, selon
les auteurs, de la fin du XIIIe ou du XIVe siècle, envisagent le cas d’un voyage
à «Septa vel [Yspania] vel in Garbo vel in Barbaria».
L. Balletto, éd., Statuta antiquissima Saone (1345), 2 vol., Gênes, 1971.

Les archives de Savone conservent une série importante de parchemins,


certains étant des contrats commerciaux pour le Maghreb, ou des documents
relatifs à des affaires de piraterie.
A. Roccatagliata, éd., Pergamene medievali savonesi (998-1313), Società
savonese di storia patria, Atti e memorie, n. s., vol. 16, 1982; 17, 1983.
F. Noberasco, éd., «Le pergamene dell’Archivio comunale di Savona»,
Atti della Società savonese di storia patria, 1, fasc. 2, 1919; 22, 1940 (régestes).

Le registre de notaire le plus ancien conservé à Savone est celui d’Arnaldo


de Cumano et de Giovanni di Donato, qui couvre les années 1178-1188 3.
Pour le début du XIIIe siècle on peut avoir recours également aux actes des
notaires Martino (a. 1202-1206) 4, du pseudo-Uberto (a. 1213-1216), et de
Saono (a. 1216-1217), tous conservés dans la série Antichi cancellieri (Antichi
regimi, Commune; 4 reg., 1178-1217).

1. A. Bruno, «Antico commercio e navigazione dei Savonesi nel Mediterraneo e nel Levante»,
Bollettino della società Storica Savonese, I, 1898, p. 112.
2. Pour une présentation générale des fonds de Savone, outre la Guida generale degli Archivi di
Stato, voir V. Polonio, «Le maggiori fonti storiche del medioevo ligure», Studi Genuensi, 5, 1964-
1965, p. 5-38; A. Bruno, Gli Antichi archivi del Comune di Savona, Savone, 1890; R.-H. Bautier,
«Note sur les sources de l’histoire économique médiévale dans les archives italiennes. Gênes
et Savone», Mélanges d’archéologie et d’histoire, 60, 1948, p. 181-210 ; G. Pistarino, «Nota sulle
fonti della storia savonese», Miscellanea di storia savonese, Gênes, 1978, p. 87-96.
3. Cf. S. Origone, «Commercio marittimo nella Savona del XII secolo», Società savonese di storia
patria. Atti e memorie, 30, 1994, p. 51-61; F. Noberasco, «Savona allo spirale del secolo XII», Atti
della Società Savonese di Storia Patria, 14, 1932, p. 212-269.
4. On y trouve notamment des documents sur plusieurs procès pour affaires commerciales
liées au Maghreb ou pour des problèmes de piraterie. Cf. R.-H. Bautier, «Les relations
commerciales entre l’Europe et l’Afrique du Nord et équilibre économique méditerranéen du
XIIe au XIVe siècle», Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1715), Paris, 1953-1954, rééd.
Commerce méditerranéen et banquiers italiens au Moyen Âge, Londres, 1992, p. 409.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 51

L. Balletto, G. Cencetti, G. Orlandelli, B. M. Pisoni Agnoli, éd., Il cartulario


di Arnaldo de Cumano e Giovanni di Donato (Savona, 1178-1188), 2 vol., Rome, 1978.
D. Puncuh, éd., Il Cartulario del notaio Martino: Savona, 1203-1206, Gênes, 1974.
Mis à part ces quelques registres anciens, la documentation notariale ne
devient importante qu’à partir des années 1360, en raison d’un incendie
survenu en 1362 1. Robert-Henri Bautier cite pour cette époque Leonardo
Rusca (a. 1364-1391), Leonardo Griffi (a. 1377), Antonio Griffi (depuis
1384) 2. Mais c’est surtout pour le XVe siècle que les archives notariales de
Savone ont été mises à contribution pour les études sur les relations avec le
Maghreb 3. Comme dans le cas de Gênes, on constate un essor du commerce
avec les ports du bassin occidental de la Méditerranée à partir du milieu du
XVe siècle. Outre des informations sur les échanges commerciaux, on trouve
dans ces registres des données sur la participation des gens de Savone à
l’exploitation du corail de Marsacares. Parmi ces notaires, certains semblent
plus particulièrement utiles pour le commerce maritime. Ce sont
M. Guglielmi 4, G. Monelia 5, A. Giretto 6, L. Moreno 7, P. Odino 8, G. Zocco 9
et T. Zocco 10. Enfin dans la série des Notai distrettuali, les minutiers du
notaire Valentino Scotti, d’Albenga, conservent de nombreux actes sur
l’exploitation du corail de Marsacares 11.
Enfin deux fonds de nature judiciaire montrent des affaires concernant le
Maghreb. Le «liber maleficiorum», conservé pour l’année 1250, enregistre
les procès qui concernent le podestat, et on y trouve des affaires liées au trafic
maritime avec le Maghreb.
V. Pongiglione, éd., «Il libro del podestà di Savona dell’anno 1250», Atti
della Società savonese di storia patria, 28, 1956, p. 57-233, et à part, Savone, 1956.
Par ailleurs les registres de la Curia civile, pour le XVe siècle, peuvent être
utilisés pour l’étude des affaires commerciales 12.

1. G. Ferrari Alfonso, «Rapporti commerciali tra Savonesi e Catalani nel secolo XIV», Atti
del I congresso storico Liguria-Catalogna, Bordighera, 1974, p. 235.
2. Bautier, «Notes sur les sources», art. cité.
3. Ph. Gourdin, «Émigrer au XVe siècle. La communauté ligure des pêcheurs de corail de
Marsacares, I, Étude de la population et des modalités de départ», MEFR, 98/2, 1986, p. 543-
605; voir surtout, pour les relations commerciales, les très riches études de Filipo Noberasco
et Carlo Varaldo : F. Noberasco, «I commerci savonesi del sec. XV», Atti della Società Savonese
di Storia Patria, 7, 1924, p. 43-123; C. Varaldo, «Savona nel secondo Quattrocento. Aspetti di
vita economica e sociale», Savona nel Quattrocento e l’istituzione del Monte di Pietà, Savone, 1980,
p. 7-163. Ces travaux s’appuient sur des sondages effectués dans les notaires du XVe siècle.
4. Année 1430.
5. Deux registres, 1446-1453, 1454-1459.
6. Années 1468-1470.
7. Trois buste, 1470-1472, 1473-1474, 1480.
8. Une busta, de l’année 1480.
9. Quatre buste, 1479, 1479-1480, 1°, 1479-1480, 2°, 1480-1481.
10. Cinq buste, 1470-1474, 1°, 1470-1474, 2°, 1475-1476, 1475-1477, 1476-1477.
11. Neuf registres (1470-1498). Gourdin, Les relations politiques, op. cit., p. 20.
12. A. Nicolini, «Note sui profitti della proprietà navale a Savona a metà del Quattrocento»,
Società savonese di storia patria. Atti e memorie, 20, 1986, p. 69-82. Il utilise, à propos de procès
concernant des navires ayant fréquenté notamment le Maghreb, le Liber testium de 1443-1444
de la Curia civile.
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CHAPITRE 2
Toscane

I. — Pise
Pise figure parmi les premiers ports à commercer avec les pays musulmans,
en particulier avec le Maghreb, où elle est sans doute plus présente que les
autres cités maritimes. Le désastre de la Meloria, en 1284 face à Gênes,
réduit certes ses activités commerciales en Méditerranée, mais n’anéantit pas
la puissance des marchands pisans, qui profitent en particulier des navires
des autres nations. À partir du début du XVe siècle, elle est absorbée par
Florence, mais son port (Porto Pisano) reste actif, au moins jusqu’au
développement de Livourne dans les années 1420 1.
Mais les ressources documentaires sont très inférieures à celles de sa
grande rivale ligure, en raison des destructions qui affectèrent ses archives.
La documentation notariale, en particulier, y est très pauvre. Il faut donc
recourir à des informations très dispersées et lacunaires 2.

1. Documents de nature commerciale


Les archives notariales ont été détruites en grande partie au début du
XIVe siècle. Il ne reste donc plus guère de traces de la grande époque de
l’expansion commerciale pisane au Maghreb. Le fonds du Diplomatico de
l’Archivio di Stato, qui regroupe des documents isolés provenant de fonds
versés récemment aux archives, offre cependant des informations
intéressantes, bien que très dispersées 3. Moins exploités, d’autres fonds
conservent des documents commerciaux tels que des livres de comptes de
marchands, ou quelques minutiers de notaires 4. Mais la grande majorité

1. Sur les relations entre Pise et le Maghreb, voir principalement M. Bensaci, Pise et le Maghrib
au Moyen Âge, thèse de troisième cycle, sous la dir. de Ch.-E. Dufourcq, Université Paris X, 1979.
Ce travail est consultable à la bibliothèque universitaire de l’Université de Paris X-Nanterre.
Plus récemment, M. Tangheroni, «Sui rapporti commerciali tra Pisa e la Tunisia nel Medioevo»,
Italia ed i paesi mediterranei. Vie di comunicazione, scambi commerciali e culturali al tempo delle
Repubbliche marittime, Pise, 1988, p. 75-90.
2. Pour les sources toscanes éditées, voir M.-L. Ceccarelli Lemut, Repertorio delle fonti
documentarie edite del Medioevo. Italia; Toscana, Pise, 1977, qui fait une présentation des différentes
éditions, avec un index par fonds d’archives.
3. Le plus souvent seuls les documents d’intérêt durable, c’est-à-dire concernant les biens
immobiliers, étaient conservés. Les contrats commerciaux restent donc exceptionnels.
4. Ottavio Banti estimait, en 1983, que de nombreux documents privés restaient non encore
explorés dans les archives. O. Banti, «I Rapporti tra Pisa e gli stati dell’Africa settentrionale
tra l’XI e il XIV secolo», Le Ceramiche medievali delle chiese di Pisa, Pise, 1983, p. 14.
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54 DOMINIQUE VALÉRIAN

des registres de notaires pisans (XIVe et XVe siècles) sont actuellement


conservés à l’Archivio di Stato de Florence 1.

Les pièces du Diplomatico sont regroupées par fonds d’origine, sans qu’il
soit possible d’en dégager une logique claire. Ainsi on peut trouver dans le
Diplomatico d’un monastère des documents concernant un marchand actif
dans un port maghrébin. Chaque série est pourvue de régestes manuscrits
disponibles en salle de lecture. Bien que peu nombreux, ces documents
présentent l’intérêt parfois d’avoir été rédigés dans les ports du Maghreb.
C’est le cas en particulier de plusieurs testaments de marchands installés
outre-mer, qui permettent d’avoir une image des communautés pisanes
présentes dans les ports maghrébins 2. On trouve par ailleurs des contrats de
commerce maritime et de nolis, souvent très riches. Parmi les nombreux fonds
du Diplomatico 3, on peut trouver des documents intéressant le Maghreb
dans les suivants: Deposito Alliata 4, Cappelli, Monastero degli Olivetani di Pisa,
Opera della Primaziale, Acquisto Roncioni, Monastero di S. Silvestro di Pisa,
Simonelli provenienza Raù, Upezzinghi, Trovatelli.
Éditions diverses:
- Fr. Artizzu, éd., Documenti inediti relativi ai rapporti economica fra la
Sardegna e Pisa nel Medioevo, Padoue, 1961 et 1962, 2 vol.
- Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit., appendice.
- Mas-Latrie, Traités, op. cit. 5

L’Archivio arcivescovile de Pise conserve quelques registres de notaires ou


documents isolés, dont l’intérêt dépasse parfois la simple gestion des biens
ecclésiastiques. On peut y trouver en particulier quelques contrats de
commerce maritime, mais aussi des informations sur les nominations de
chapelains pour les communautés pisanes installées au Maghreb. Dans le

1. Cf. infra et M. Luzzati, «I registri notarili pisani dal XIII al XV secolo», Sources of Social
History: Private Acts of the Late Middle Ages, dir. P. Brezzi et E. Lee, Rome-Toronto, 1984, p. 7-
21. Seuls trois registres subsistent dans le fonds des archives notariales de l’Archivio di Stato de
Pise, mais ils concernent le collège des notaires et son fonctionnement.
2. Voir en particulier M. Bensaci, «Familles et individualités pisanes en relation avec le
Maghreb», Cahiers de Tunisie, XXVIII, n° 113/114, p. 57-75 ; ead., Pise et le Maghrib, op. cit. Ce
fonds a également été largement mis à contribution par E. Cristiani, Nobiltà e popolo nel comune
di Pisa, Naples, 1962 (série de fiches, par familles, certaines actives dans le commerce
maghrébin) ; G. Rossi Sabatini, L’Espansione di Pisa nel Mediterraneo fino alla Meloria, Florence,
1935; M.-L. Ceccarelli Lemut, «L’uso della moneta nei documenti pisani dei sec. XI e XII», Studi
sugli strumenti di scambio a Pisa nel Medioevo, Pise, 1979, p. 47-127 (usage à Pise de besants
«massamutini») ; M. Tangheroni, Politica, commercio agricoltura a Pisa nel Trecento, Pise, 1973 ;
D. Herlihy, Pisa in the early renaissance. A study of urban growth, New Haven, 1958, trad. italienne
Pisa nel Duecento, Pise, 1973.
3. Inventaire dans la Guida generale degli Archivi di Stato.
4. Cf. M. Tangheroni, Gli Alliata, una famiglia pisana nel medioevo, Padoue, 1969.
5. Certains des documents avaient déjà été édités par Louis de Mas-Latrie (parfois avec une
date différente) dans «Documents sur l’histoire de l’Algérie et de l’Afrique septentrionale
pendant le Moyen Âge. Relations avec Pise», BEC, 2e série, t. V, 1848-1849, p. 134-154.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 55

fonds Luoghi vari (du Diplomatico), dont les parchemins ont été édités jusqu’à
l’année 1280, on trouve un document concernant une société de mer pour
Tunis en 1279:
- L. Carratori Scolaro, R. Pescaglini Monti, éd., Carte dell’Archivio
arcivescovile di Pisa, Fondo Luoghi vari, 2, 1251-1280, Pise, 1993, n° 71.
Mais ce sont surtout chez les notaires de la Mense archiépiscopale (série
Contratti), qui ont laissé des minutiers complets à partir du milieu du XIIIe
siècle, que l’on peut espérer trouver quelques documents 1. Plusieurs de ces
registres ont été édités dans le cadre de Tesi di Laurea des universités de Pise
ou de Florence 2. Voir également des éditions de documents isolés dans :
- Mas-Latrie, Traités, op. cit.3
- Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit., appendice.

Deux autres fonds, qui concernent en principe également des affaires


ecclésiastiques, sont en réalité intéressants pour le commerce avec le Maghreb.
Il s’agit des archives des Ospedali riuniti di Santa Chiara 4, et celles de l’Opera
del Duomo. Dans les deux cas on trouve des protocoles de notaires (à partir
du milieu du XIIIe siècle) 5, et surtout des livres de comptes de marchands,
arrivés dans les archives à l’occasion d’un legs. Plusieurs de ces protocoles
et livres de comptes ont été utilisés pour l’étude des activités des marchands
pisans, montrant des liens avec le Maghreb 6.
1. Ce fonds conserve 4 minutiers de notaires pour la première moitié du XIIIe siècle, 3 pour
la seconde moitié, 12 pour la première moitié du XIVe siècle, 6 pour la seconde, 9 pour la
première moitié du XVe siècle, et 12 pour la seconde. Luzzatti, «I registri», art. cité. Il est
cependant difficile de se prononcer sur leur intérêt pour les affaires maritimes. Voir l’inventaire
de L. Carratori, Inventario del Archivio arcivescovile di Pisa, Pise, 1986, qui donne une description
rapide de chaque registre.
2. Voir la liste qu’en donne Carratori, Inventario, op. cit. Certaines sont consultables à la
bibliothèque du Dipartimento di Medievistica de l’Université de Pise.
3. Les références de Mas-Latrie, très imprécises, ne permettent pas de situer avec certitude
les fonds utilisés. Il semble cependant qu’ils appartiennent à cette série des Contratti de la
Mensa de l’Archivio arcivescovile.
4. Inventaire : B. Casini, Il fondo degli Ospedali Riuniti di S. Chiara di Pisa, Pise, 1961 ; voir
également du même, «Archivio degli spedali riuniti di Santa Chiara», Archivio storico italiano,
114, 1956, p. 530-533; «Archivio degli spedali riuniti di Santa Chiara. Corrige», Archivio storico
italiano, 118, 1960, p. 431-436.
5. R. S. Lopez, «The Unexplored Wealth of the Notarial Archives in Pisa and Luca», Mélanges
d’histoire du Moyen Âge dédiés à la mémoire de Louis Halphen, Paris, 1951, p. 417-432 ; Luzzatti,
«I registri», art. cité, qui donne la répartition des registres par demi-siècle, dans les deux séries.
Ospedali riuniti : 22 registres pour le XIIIe siècle, dont le n° 2064 (a. 1240-1241), 32 pour la
première moitié du XIVe siècle, 23 pour la seconde, 17 pour la première moitié du XVe siècle,
4 pour la seconde ; Opera del Duomo: 1 reg. pour la seconde moitié du XIIIe siècle, 2 pour la
première moitié du XIVe, 11 pour la seconde, 10 pour la 1re moitié du XVe, 4 pour la seconde.
6. Pour le fonds de l’Ospedale: M. Berti, «Commende e redditività di commende nella Pisa
della Ia meta del Trecento», Studi in memoria di Federigo Melis, II, Naples, 1978, p. 53-145 (reg.
1969, activité de Michele di Lorenzo puis Nezone del Genovese, à partir de 1319, notamment
commerce maritime). T. Antoni, «I costi industriali di una azienda conciaria della fine del
Trecento (1384-1388)», BSP, 42, 1973, p. 9-52, et id., «Costi e prezzi del ferro in Pisa alla fine
del Trecento», BSP, 40-41, 1972, p. 75-105 (reg. 1398, livre de la compagnie Pacini et Talomè,
1396-1298, avec notamment des achats de cuir de Berbérie). Voir également l’utilisation de ce
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56 DOMINIQUE VALÉRIAN

Éditions:
- Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit.
- T. Antoni, éd., Il Bilancio di una azienda laniera del Trecento (1347), Pise, 1966.
- M. Di Sacco, Le Relazioni commerciali con la Tunisia attraverso la contabilità
del Ranieri del Testaio, Thèse dactyl., Université de Pise, Facoltà di economia
e commercio, 1955-1956 1.
Enfin les archives privées des grandes familles pisanes conservent parfois
des documents sur les activités commerciales de l’époque médiévale et
apportent des précisions sur les grandes familles impliquées dans les affaires
méditerranéennes. Plusieurs ont été versées à l’Archivio di Stato (Alliata,
Bracci, Cappelli, etc.). Louis de Mas-Latrie a édité deux documents extraits
des archives privées Roncioni pour le premier (a. 1240), et de celles de la
famille Caetani pour le second (a. 1263) : Mas-Latrie, Traités, op. cit.2 Le
document des archives Caetani a depuis été republié, avec une date différente
(a. 1274), par Gelasio Caetani, Varia. Raccolta delle carte più antiche dell’Archivio
Caetani e Regesto delle pergamene del fondo pisano, Cité du Vatican, 1936.
Le fonds Salviati, déposé en 1984 à la Scuola normale superiore de Pise,
conserve également des livres de comptes, notamment d’une filiale de
Lisbonne en relation avec les marchés maghrébins 3.

2. La documentation politique
Les documents permettant de connaître la politique des autorités pisanes au
Maghreb sont rares, en raison des destructions, puis du passage sous domination
florentine de la ville. Les fonds les plus utiles sont ceux classés dans la section
Comune A, qui regroupe des séries antérieures à la domination florentine 4.
Mais on trouve également des documents importants dans le Diplomatico.

fonds (parfois nommé spedali, ou spedali diversi) par Bensaci, Pise et le maghrib, op. cit; ead.,
«Familles», art. cité; Cristiani, Nobiltà, op. cit. Pour l’Opera del Duomo, voir P. Pecchiai, «Una
famiglia di mercanti pisani nel Trecento», Studi storici, 15, 1906, p. 69-114, 205-224, 289-312, 417-
444; 16, 1907, p. 85-101, 171-184; 17, 1908, p. 607-625 (reg. 1286, livre de la famille des Delle
Brache, marchands de laine, milieu du XIVe siècle); Antoni, «I costi industriali», art. cité (reg.
1285, livre de comptes de Bartolomeo di Tingo, a. 1385-1389, marchand de cuir à Pise); F.
Melis, «Note di storia della banca pisana nel Trecento», La Banca pisana e le origini della banca
moderna, Florence, 1987, p. 55-293.
1. D’après Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit.; Opera del Duomo, Reg. 1332, livre de comptes
des années 1422-1430, d’un marchand spécialisé dans le commerce avec Tunis). Voir aussi
Ph. Gourdin, Les Relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le Maghreb au XVe
siècle, Thèse sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse.
2. Publié précédemment avec une introduction par le même, «Charte de nolisement de l’an
1264 pour un voyage de Pise à Bougie», BEC, 2e série, t. 4, 1847-1848, p. 244-256.
3. M. Berti, «Le aziende da Colle: una finestra sulle relazioni commerciali tra la Toscana ed
il Portogallo a metà del Quattrocento», Toscana e Portogallo. Miscellanea storica nel 650° anniversario
del Studio Generale di Pisa, Pise, 1994, p. 57-106, rééd. Nel Mediterraneo ed oltre. Temi di storia e
storiografica marittima toscana (secolo XIII-XVIII), Pise, 2000, p. 191-240.
4. Cf. Casini, Inventario, op. cit. Les fonds de la commune conservés à l’Archivio di Stato ont
été classés en trois tranches chronologiques: Comune, Divisione A (Pise république indépendante
jusqu’en 1406) ; Divisione B (première domination florentine, 1406-1494) ; Divisione C (seconde
période de liberté, 1494-1509).
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 57

La série Atti pubblici du Diplomatico contient des documents à caractère


public, de nature très variée 1. Certains sont écrits en arabe, avec parfois
une traduction contemporaine. Ces documents arabes, qui étaient autrefois
conservés aux archives de Florence, ont été publiés et traduits par Michele
Amari 2 :
M. Amari, éd. et trad. it., Diplomi arabi del R. Archivio fiorentino, Florence,
1863, 1867 (Appendice).
On y trouve une correspondance avec les souverains maghrébins ou leurs
représentants (notamment des agents des douanes), des lettres de marchands,
des traités de paix, des instructions pour des ambassadeurs, des sauf-
conduits (généraux ou particuliers), des documents concernant des problèmes
commerciaux, douaniers ou de piraterie (notamment liés aux rachats de
captifs).

Les Statuts de la Commune ont été bien conservés, et se trouvent dans la


section Comune A. Les Constituti usus, rédigés à partir du milieu du XIIe
siècle et modifiés jusqu’en 1281, contiennent plusieurs chapitres sur la
navigation et le commerce. Les textes les plus intéressants sont cependant
ceux qui règlent l’activité maritime et l’organisation des communautés
pisanes outre-mer. Le Breve Curiae Maris rassemble les normes des années
1297-1305 et le Breve dell’Ordine del Mare a été rédigé en 1323, puis complété
entre 1335 et 1343 3. On y trouve, outre des informations générales sur la
navigation et le commerce pisans, les règlements concernant l’élection des
consuls de Pise à Tunis et Bougie et l’organisation des communautés pisanes
outre-mer, la gestion des fondouks, mais aussi l’interdiction de capturer
des musulmans dont le souverain n’est pas ennemi de la République, de
vendre des marchandises prohibées, enfin un tarif douanier pour les produits
maghrébins. Ils ont été pour l’essentiel édités par Francesco Bonaini:
Fr. Bonaini, éd., Statuti inediti della città di Pisa dal XII al XIV secolo, Florence,
1845-1870, 3 vol.

1. Inventaire sommaire dans B. Casini, Inventario del’Archivio del Comune di Pisa (secolo XI -
1509), Livourne, 1969.
2. Louis de Mas-Latrie a repris les traductions et les textes en latin et langues vernaculaires.
Mas-Latrie, Traités, op. cit. Le traité de 1234 a été édité à partir d’un manuscrit de la bibliothèque
Saint Marc de Venise, et ne se trouve pas actuellement dans cette série Atti pubblici du Diplomatico.
Il a été édité une première fois par Flaminio del Borgo au XVIIIe siècle (F. del Borgo, Raccolta
di scelti diplomi pisani, Pise, 1765), mais il est préférable cependant de recourir à l’édition
d’Amari. Il en est de même le traité de 1358 avec le sultan mérinide, qui a été édité à partir d’une
copie privée du XVIIe siècle de Navaretti.
3. Cf. M. Chiaudano, «Breve Curiae Maris pisanae civitatis», Novissimo digesto italiano, 2, Turin,
1974, p. 575. L’Ordre de la Mer, qui regroupait les métiers intéressés aux affaires maritimes et
commerciales, avait pour fonction de régler toutes les affaires liées à la mer et aux comptoirs
pisans outre-mer. Ses pouvoirs s’étendaient aux relations diplomatiques, à la régulation du
commerce, à la lutte contre la piraterie et à la nomination des consuls outre-mer. Cf. A. Schaube,
Das Konsulat des Meeres in Pisa, Leipzig, 1888.
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58 DOMINIQUE VALÉRIAN

Les autres registres de la section Comune A intéressent surtout l’activité


diplomatique, les difficultés des relations entre Pise et les souverains
maghrébins (pour l’essentiel d’Ifrîqiya), et la vie des communautés pisanes
outre-mer.
La série Instrumentari conserve le texte en italien d’un accord de paix de
1397 avec le sultan de Tunis (dans la section Privilegi), édité par Louis de Mas-
Latrie 1. Les traités passés avec Florence 2 citent des taxes douanières que
doivent payer dans le port de Pise les Florentins pour les laines de Berbérie
(Comune A, n° 29). On y trouve surtout un inventaire de la fin du XIVe siècle
des actes publics de la Commune (Comune A, n° 27), qui reprend les
documents existant par ailleurs, mais signale également des pièces
aujourd’hui disparues. Il a été édité par B. Casini, «Gli atti pubblici del
comune di Pisa secondo un inventario della fine del Trecento», BSP, 28-29,
1959-1960, p. 63-89.
Le registre 46 (Consoli del Mare, a. 1245) intéresse les colonies pisanes au
Maghreb, les consuls outre-mer (copies de lettres envoyées aux consuls des
Pisans de Tunis) et les relations avec le sultan de Tunis 3. D’autres fonds
pourraient s’avérer utiles pour l’étude des relations diplomatiques avec le
Maghreb: la série provvisioni e consigli 4 conserve notamment des instructions
des savi pour les ambassadeurs 5 et le carteggio del Comune 6 les lettres envoyées
ou reçues par la commune.
Les autres documents concernent les délibérations et les actes des Anziani
de Pise. La série Deliberazioni, ou Provvisioni degli Anziani e Consigli del popolo 7
conserve des documents très variés, notamment des dépenses d’ambassades,
des élections d’officiers, des décisions liées à la lutte contre la piraterie.
Peut-être y a-t-il là des informations sur le Maghreb. Il en est de même pour
la correspondance des Anziani conservée dans la série Carteggio degli Anziani 8,
et les Atti degli Anziani 9. Enfin le fonds Consoli del mare governatori di Pisa 10
correspond à l’époque de la première domination florentine, qui s’exerçait
par l’intermédiaire des consuls de mer, à compétence très large, notamment
commerciale.

1. Mas-Latrie, Traités, op. cit., p. 70-87.


2. Cf. F. Rizzeli, I Porti della Repubblica di Pisa nel secolo XIV. Contributo alla storia della marina
pisana, Lecce, 1903 (à propos du traité de 1323). P. Silva, «L’ultimo trattato commerciale tra Pisa
e Firenze», Studi Storici, 17, 1908, p. 627-702 (traité de 1369).
3. Cf. R. Trevisan, «Per la storia dell’Ordo Maris di Pisa in torno alla meta del Duecento: il
registro “Comune A 46”», Pisa e la Toscana occidentale nel Medioevo, I, A Cinzio Violante nei suoi
70 anni, Pise, 1991, p. 325-366 ; Herlihy, Pisa, op. cit. (qui donne par erreur la côte A 81).
4. Comune A, reg. 47-78 (a. 1317-1403).
5. Sur l’institution des savi, voir C. Rossi, «Il consiglio dei savi nel governo della Repubblica
Pisana», Studi storici, 5, 1896, p. 449-484.
6. Comune A, Buste 79-80 (a. 1182, 1371-1372).
7. Comune A, reg. 81-203 (a. 1298-1406). Inventaire: Ordinamento e inventario delle provvisioni
e consigli degli anziani del Popolo, Pise, 1901.
8. Comune A, reg. 204-213 (a. 1333-1394). Ce fonds semble cependant d’intérêt très local.
9. Une busta et 3 registres. On y trouve notamment des salaires pour ambassadeurs.
10. Une busta, 1425-1427.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 59

Éditions diverses:
Mas-Latrie, Traités, op. cit.
F. del Borgo, Raccolta di scelti diplomi pisani, Pise, 1765.
Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit., appendice.

3. Documents de nature financière ou douanière


Les Statuts de Pise donnent parfois des indications sur les tarifs douaniers,
montrant en particulier les marchandises importées depuis le Maghreb. On
peut les compléter par certains fonds classés dans les séries Comune A, B et C.
Le registre 240 de la Gabella maggiore 1 conserve un tarif douanier de l’année
1362, qui cite plusieurs types de produits maghrébins entrant à Pise par la
porte de la Degazia del Mare (dattes, peaux et cuirs, laine). Il a été édité par
B. Casini, «Il “breve” delle gabelle delle porta della Degazia del Mare di Pisa
del 1362», Studi per Enrico Fiumi, Pise, 1979, p. 373-429.
Dans la section Comune B (première domination florentine) deux séries
concernent les taxes portuaires. On y trouve notamment les comptes de la
douane, avec la liste des produits maghrébins entrés dans le port de Pise (pour
l’essentiel de la cire et des cuirs, parfois de la laine ou des esclaves 2). Ce sont
les séries entrata e uscita del camarlingo generale et entrata e uscita del camarlingo
delle gabelle, et notamment dans celle-ci les registres entrata delle mercanzie (ou
delle porte) 3.
Ces registres douaniers se prolongent, dans la section C (1494-1509), avec
la série Camarlingo della gabella maggiore o dogana, où on peut s’attendre à
trouver également des informations sur le commerce avec le Maghreb.
Enfin dans la section Dominazione fiorentina la série Gabella dei contratti, qui
débute en réalité en 1407, conserve également des séries de comptes douaniers
pour le XVe siècle 4.
Outre les registres douaniers, les archives de Pise conservent plusieurs
cadastres (catasto) très détaillés, qui apportent des informations sur les
activités et les biens de la population pisane. Les registres 1527-1588 du
fonds Fiumi e Fossi 5 contiennent le cadastre 6 et les estimations des biens des
Pisans pour les années 1405, 1407, 1412, 1427-1430, 1435-1436, 1441-1443, 1447,
1461, 1482 et 14917. La déclaration obligatoire (portata) des biens mobiliers,

1. Comune A, reg. 240 (a. 1362). En revanche il n’est pas sûr que les registres suivants (241-
253, a. 1362-1403) soient utiles.
2. Cf. M. Berti, Commercio all’ingrosso e al minuto dei panni di lana a Pisa nei primi decenni della
dominazione fiorentina, Pise, 1980.
3. Comune B, reg. 23-51. Cf. B. Casini, «Operatori economici stranieri a Pisa (1406-1416)», Studi
in memoria di Federigo Melis, III, Naples, 1978, p. 193-243 (nombreuses références à des
importations maghrébines).
4. Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit. ; Casini, «Operatori economici», art. cité.
5. Ce fonds se trouve dans la section Dominazione fiorentina (Ufficio dei fossi), bien qu’il
conserve des documents remontant à 1405. Cf. B. Casini, «Il fondo dell’ufficio dei fossi
nell’Archivio di Stato di Pisa», NAS, 13, 1953, p. 102-106.
6. Y sont notés également les Pisans installés hors de Pise.
7. La plupart de ces registres concernent cependant le contado, et non la ville de Pise
proprement dite. Cf. Guida generale, op. cit., III, p. 666.
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60 DOMINIQUE VALÉRIAN

qui accompagne le cadastre proprement dit, fait apparaître des produits


d’origine maghrébine, notamment chez les professionnels du cuir ou de la
laine, avec des indications de prix. Y figurent également les sociétés
commerciales, les dettes et les créances de chacun. Enfin on y trouve des
esclaves (mais sans indication d’origine semble-t-il) et l’indication de Pisans
retenus captifs au Maghreb et de biens pris par des pirates (musulmans ou
autres). Bruno Casini a fait une présentation des données du cadastre de
1428-1429 1 :
- B. Casini, éd., Il catasto di Pisa del 1428-29, Pise, 1964.

4. Chroniques et textes divers


Les chroniques pisanes sont surtout utiles, concernant l’histoire du
Maghreb, pour les XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire la période de lutte contre
les incursions musulmanes en Italie et des premières expéditions chrétiennes
au Maghreb. Plusieurs textes rapportent ces événements glorieux pour la cité.
- Bernardo Maragone, Annales Pisani, éd. M. Lupo Gentile, RIS 2, VI, parte
2, Bologne, 1936-1944 (mort entre 1188 et 1190 ; utile pour les relations
politiques avec le Maghreb au XIIe siècle).
- Cronaca di Pisa di Raneiri Sardo, éd. O. Banti, Rome, 1963, FSI 99 (va
jusqu’en 1400 environ, mais est surtout utile pour les XIe et XIIe siècles).
- Diverses chroniques ou fragments de chronique édités dans RIS, 6, Milan,
1725, parfois reprises par Michele Lupo Gentile dans la nouvelle édition des
RIS: Cronica varia pisana; Chronicon Pisanum seu fragmentum auctoris incerti;
Chronicon aliud breve pisanum incerti auctoris ab anno MCI usque ad annum
MCCLXVIII, RIS2, VI, parte 2, Bologne, 1936-1944.
- G. Scalia, éd., «Il Carme pisano sull’impresa contro i Saraceni del 1087»,
Studi di filologia Romanza, Scritti in onore di Silvio Pellegrini, Padoue, 1971, p. 565-
627; trad. ital. A. Giacomini, Gli Arabi in Italia: cultura, contatti e tradizioni,
dir. Fr. Gabrieli, Milan, 1979, p. 718-724.
- C. Calisse, éd., Liber Maiolichinus de gestis Pisanorum illustribus, Rome, 1904
(FSI 29). Poème sur des expéditions pisanes contre les Baléares 2.

À ces chroniques il faudrait ajouter d’autres textes, liés au contexte pisan.


C’est tout d’abord le cas du Liber abaci du mathématicien Leonardo Fibonacci,
qui séjourna durant son enfance et son adolescence à Bougie, où son père
était scriba de la nation pisane, et où il suivit un «enseignement admirable»
qui lui permit de transmettre à l’Europe une partie de l’héritage

1. Il a regroupé, sous forme de tableaux, les informations les plus importantes, mais reste
souvent imprécis sur l’origine des produits. Voir du même une analyse du contenu du cadastre:
B. Casini, «Aspetti di vita economica e sociale di Pisa dal catasto del 1428-1429», BSP, 31-32,
1962-1963, p. 1-144 ; voir également Bensaci, «Familles», art. cité.
2. Sur cette expédition voir également G. Scalia, «Epigrafia pisana, testi latini sulle spedizioni
contro le Baleari del 1113-15 e su altre imprese anti-saracene del sec. XI», Miscellanea di studi
ispanici dell’Istituto di letteratura spagnola e ispano-americana dell’Università di Pisa, 6, Florence, 1963,
p. 234-286.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 61

mathématique arabe. L’intérêt du Liber abaci, au-delà de l’histoire des sciences


(il dit finalement assez peu de chose de cet enseignement) réside dans les
exemples que l’auteur prend pour appuyer ses démonstrations et ses
explications, qui sont souvent empruntés au monde du commerce, et sont
une source d’information importante pour l’étude des ports maghrébins:
Leonardo Pisano (Fibonacci), Scritti, éd. B. Boncompagni, Rome, 1857; trad.
angl. Laurence Sigler, Fibonacci’s Liber Abaci, New York, 2002.
Enfin les sermons de l’évêque de Pise Federico Visconti, récemment édités,
citent parfois des exempla mettant en scène des moments de la vie des marins
ou des marchands allant au Maghreb. Ils montrent également une familiarité
avec le monde maghrébin et celui du commerce 1 :
N. Bériou, dir., Les Sermons et la visite pastorale de Federico Visconti, archevêque
de Pise (1253-1277), Rome, 2001.

II. — Florence

Privée de débouché maritime propre jusqu’à la conquête de Pise au début


du XVe siècle, Florence a cependant très tôt entretenu des relations
commerciales et politiques avec le monde musulman, par l’intermédiaire des
ports de l’Adriatique (Ancône) ou de la Tyrrhénienne (Pise, et surtout
Gênes). En 1421 elle lance des convois de galères qui touchent les ports
maghrébins, mais qui ne rencontrent pas le succès de leurs rivaux vénitiens
et sont abandonnés dès 1480 2. Les études manquent malheureusement pour
connaître avec précision ces échanges. Les registres de notaires, très
abondants, n’ont pas été à ce jour exploités dans ce sens. Les documents de
nature commerciale existent cependant, notamment les livres de compte
des compagnies marchandes. Quant à la documentation politique, elle existe
mais reste à ce jour peu exploitée pour l’histoire méditerranéenne de Florence.
Sans doute un travail plus approfondi serait-il nécessaire pour connaître la
valeur des archives florentines pour l’histoire du Maghreb 3.

1. M. Tangheroni, «Sui rapporti commerciali tra Pisa e la Tunisia nel Medioevo», Italia ed i
paesi mediterranei. Vie di comunicazione, scambi commerciali e culturali al tempo delle Repubbliche
marittime, Pise, 1988, p. 82.
2. M. E. Mallett, The Florentine galleys in the fifteenth century, Oxford, 1967.
3. Ce qui suit s’appuie sur les études existantes, et ne saurait constituer que des pistes.
Outre le chapitre consacré à l’Archivio di Stato de Florence dans la Guida generale degli archivi di
Stato, voir sur ces archives A. Gherardi, Inventario sommario dell’Archivio di Stato di Firenze,
Florence, 1903. De même R.-H. Bautier, «Notes sur les sources de l’histoire économique
médiévale dans les archives de Toscane», Mélanges d’archéologie et d’histoire, 58, 1941-1946. Voir
également le site internet, particulièrement riche, des Archives :
http://www.archiviodistato.firenze.it.
On y trouve, outre l’inventaire des fonds et des instruments de travails disponibles sur
place, un certain nombre de documents numérisés (cf. infra).
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62 DOMINIQUE VALÉRIAN

1. Chancellerie et documentation politique


Les documents de la Chancellerie de la République sont les plus utiles pour
connaître la politique de Florence en Méditerranée 1. Ils renseignent sur les
relations diplomatiques, mais surtout sur la politique économique et l’activité
des organismes officiels liés au commerce et à l’organisation des convois de
galères.

Le Diplomatico conserve, comme à Pise, certains documents isolés, parfois


anciens, dont certains sont de nature publique et diplomatique 2.
Mais les documents politiques se trouvent principalement dans la section
Antichi regimi, Repubblica, qui comporte plusieurs séries:
Celle des Capitoli tout d’abord, conserve les lettres envoyées aux souverains
étrangers, les instructions aux ambassadeurs, et les actes de nature
diplomatique comme les traités de paix signés avec les puissances étrangères 3.
Dans l’importante série Signori on trouve la correspondance avec les
représentants à l’étranger et les élections d’ambassadeurs. Particulièrement
intéressantes sont les lettres envoyées par la chancellerie, qui en 1437 est
divisée en deux: la Prima cancelleria s’occupe alors plus spécialement des
relations diplomatiques et de la correspondance avec l’étranger ou concernant
les affaires méditerranéennes (Missive della prima cancelleria et responsive 4),
avec également les élections d’ambassadeurs (série Legazioni e commissarie 5),
les affaires de piraterie 6, les licences de commerce avec l’ennemi,
l’organisation des galées de la République 7.
La série des Provvisioni 8 conserve la législation quotidienne des conseils
de Florence. Elle est presque continue depuis la fin du XIIIe siècle 9, et y sont
conservées notamment des informations d’ordre politique et économique
(tarifs douaniers 10, organisation des galées 11, contrôle du commerce des
grains, élections à certaines charges), ainsi que des affaires liées à la piraterie.
1. Sur la chancellerie, et les différents fonds de ses archives, voir D. Marzi, La Cancelleria della
Repubblica fiorentina, Rocca S. Casciano, 1910.
2. Diplomatico, Riformagioni, atti pubblici. Voir les inventaires n° 182-189 en salle de lecture,
et désormais consultables, comme une grande partie de ce fonds, sous forme numérique.
3. Les documents couvrent la période 1138-1798, avec 69 registres pour la série principale.
Les 16 premiers registres (jusqu’en 1260) ont fait l’objet d’un inventaire-régestes, de C. Guasti,
I capitoli del comune di Firenze. Inventario e regesto, Florence, 1866-1893, 2 vol. Il existe par ailleurs
aux archives un inventaire et index partiel des noms de personnes et de lieux, de 1850, et un
inventaire sommaire de 1959.
4. Missive: 58 registres, 1308-1554 ; Responsive: 43 filze, 1340-1531.
5. Legazioni e commissarie, elezioni, istruzioni e lettere a oratori, 28 registres, 1393-1530.
6. Cf. J. Heers, Gênes au XVe siècle. Activité économique et problèmes sociaux, Paris, 1961.
7. Mallett, The Florentine Galleys, op. cit.
8. Cf. B. Barbadoro, «Gli atti consiliari del Comune di Firenze», Archivio storico italiano, 92,
1934, p. 67-120.
9. 518 registres, 1281-1530.
10. Cf. R. Davidsohn, Forschungen zur Geschichte von Florenz, Berlin, 1901, III, p. 102.
11. M. E. Mallett, «The Sea Consuls of Florence in the Fifteenth Century», Papers of the
British School at Rome, 27, 1959, p. 156-169 ; id., The Florentine Galleys, op. cit.; E. Ashtor, Levant
Trade in the Later Middle Ages, Princeton, 1983.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 63

Dans les Tratte 1, on trouve trace des délibérations pour les élections aux
différents offices et des informations sur les galées de l’État 2. Le système
complexe d’élection aux diverses charges de l’État fut défini en 1328, et la
chancellerie des Tratte était chargée de veiller à ces procédures et de les
enregistrer.
Les Signori, Dieci di balia, Otto di pratica 3 et les registres de la Balia 4,
conservent des textes de nature politique et diplomatique 5. Les Dieci di balia,
institués en 1338, étaient chargés des affaires militaires et, avec la Signoria
et les Collèges, de la diplomatie, fonctions qu’ils conservent jusqu’en 1480
lorsque ces dernières sont transférées aux Otto di pratica.
Les Consulte e libri fabrarum 6 et les Consulte e pratiche 7, qui correspondent
aux avis sollicités pour aider les délibérations des conseils dans les affaires
d’importance, notamment en matière diplomatique 8, n’ont pas été utilisés
jusqu’à présent pour l’histoire des relations avec le Maghreb, mais pourraient
se révéler intéressantes, bien que les registres édités à ce jour n’aient rien
montré d’utile. Il en est de même des registres comptables de la Camera del
Comune 9.
Michele Amari a publié plusieurs documents sur les relations politiques
entre Florence et le monde musulman au XVe siècle:
M. Amari, éd. et trad. it., Diplomi arabi del R. Archivio fiorentino, Florence,
1863, 1867 (Appendice, qui comprend la majeure partie des documents
florentins).
Certains documents concernant les relations avec l’Orient, mais faisant
apparaître également les destinations maghrébines des galées florentines,
ont été édités par G. Müller, Documenti sulle relazioni delle città toscane
coll’Oriente cristiano e coi turchi fino all’anno MDXXXI, Florence, 1879.

Les magistrats chargés plus spécialement des affaires liées à la mer étaient
cependant, comme à Pise, les consuls de mer, institués en 1421 après l’acquisition
de Livourne (même si le fonds conserve des documents antérieurs)10. Ils
décident des élections de consuls, des ambassades et des relations avec les
puissances étrangères, de la construction navale et de l’organisation des galées.

1. 408 registres, 1328-1532.


2. Mallett, The Florentine Galleys, op. cit.
3. 90 registres, 1287-1530. Dont Missive originali, 12 registres, 1287-1530; Legazioni e commissarie,
missive e responsive, 78 registres, 1399-1529. Cf. M. del Piazzo, Signoria, Dieci di balia, Otto di pratica:
legazioni e commissarie, missive e responsive. Inventario sommario, Rome, 1960.
4. 57 registres, 1342-1534. Inventaire en salle de lecture.
5. Utilisés par Mallett, The Florentine Galleys, op. cit.
6. 72 registres, 1280-1533.
7. 74 registres, 1349-1530.
8. Cf. G. Pampaloni, «Gli organi della Repubblica fiorentina per le relazioni con l’esterno»,
Rivista di studi politici internazionali, 20, 1953, p. 261-296.
9. 2797 registres, 1289-1533.
10. Mallett, «The Sea Consuls», art. cité; A. Grunzweig, «Le fonds du consulat de la mer aux
Archives de l’État à Florence», Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 10, 1930, p. 5-121.
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64 DOMINIQUE VALÉRIAN

Le fonds du consulat de mer, bien que peu volumineux 1, est donc essentiel
pour l’étude des relations avec le Maghreb et la navigation. On y trouve des
statuts, des délibérations, notamment des informations sur l’organisation des
galées florentines en Méditerranée, des tarifs de nolis 2.

2. Réglementation de l’économie et du commerce


Les Arts ont à Florence, comme dans les autres grandes cités, encadré
l’activité industrielle et commerciale 3. Les documents les concernant sont
répartis entre le Diplomatico et la section Università e arti. Les Arts les plus
importants pour le commerce maghrébin sont celui des marchands (arte dei
mercatanti), du change (arte del cambio), et de la laine (arte della lana) et des
cuirs (Vaiai e pellicciai puis Vaiai e cuoiai). On y trouve en particulier des
décisions réglementaires concernant les échanges avec le Maghreb 4. Les
Statuts de la Laine ont été édités, à partir de plusieurs manuscrits par
A. M. E. Agnoletti, Statuto dell’Arte della Lana di Firenze (1317-1319), Florence,
1940 (Fonti e studi sulle corporazioni artigiane del Medio Evo, 1).
La pratique du commerce, quant à elle, était encadrée à Florence par
l’office de la Mercanzia, créé au début du XIVe siècle par les sept Arts majeurs
pour arbitrer les affaires les concernant. Devenu peu après (1309) magistrature
d’État, il se voit confier les causes liées au commerce, aux représailles, à la
navigation parfois 5. Comme pour les Arts, les documents de la Mercanzia sont
répartis entre le Diplomatico 6 et la section Repubblica 7. Outre les Statuts, on
trouve une correspondance (lettere missive), de très nombreux procès (plaintes,
enquêtes, condamnations 8), des registres de représailles et un journal des
officiers chargés du tonlieu des marchandises appartenant à des Florentins
et passant par Gênes ou Pise. Bien que peu exploré jusqu’à présent pour
l’histoire du commerce méditerranéen 9, ce fonds gigantesque semble très
riche pour connaître l’activité des Florentins outre-mer 10.

1. 18 registres et fascicules, 1362-1363, 1421-1531. Inventaire sommaire de la première moitié


du XXe siècle en salle de lecture.
2. Fonds utilisé dans : Vita mercantile italiana. Rassegna di documenti degli Archivi di Stato
d’Italia, Rome, 1956 ; Mallett, The Florentine Galleys, op. cit.; Grunzweig, «Le fonds du consulat
de la mer», art. cité.
3. Sur les Arts, voir A. Doren, Le arti fiorentine, Florence 1940, 2 vol.
4. Voir en particulier, pour les laines maghrébines, H. Hoshino, L’Arte della lana in Firenze nel
Basso Medioevo. Il commercio della lana e il mercato dei panni fiorentini nei secoli XIII-XV, Florence, 1980.
5. A. Grunzweig, «Les origines de la Mercanzia de Florence», Studi in onore di Gino Luzzatto,
I, Milan, 1949, p. 220-253 ; id., «Le fonds de la Mercanzia aux Archives de l’État à Florence au
point de vue de l’histoire de Belgique», Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 12, 1932,
p. 61-119; 13, 1933, p. 5-184 ; 14, 1934, p. 23-57.
6. Tribunale della mercanzia, 66 parchemins, 1284-1706.
7. Mercanzia, registres à partir de 1311. Le fonds comprend plusieurs séries. Inventaire en salle
de lecture.
8. Notamment dans la série atti in cause ordinari, à partir de 1314.
9. Voir cependant A. Astorri, La mercanzia a Firenze nella Prima metà del Trecento, Florence, 1998
(étude surtout institutionnelle) ; Hoshino, L’Arte della lana, op. cit.
10. Les dépouillements d’A. Grunzweig, pour la Belgique et le début du XIVe siècle, suggèrent
la richesse de ce fonds pour tout ce qui touche au grand commerce. Grunzweig, «Le fonds de
la Mercanzia», art. cité.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 65

Régestes dans R. Davidsohn, Forschungen zur Geschichte von Florenz, Berlin,


1896-1908, vol. 3.

3. Documents commerciaux
Il existe aux archives de Florence un fonds considérable de registres de
notaires. Mais les documents les plus sollicités pour l’histoire du commerce
florentin sont les livres de comptes, conservés dans des fonds variés.

Les actes notariés sont en effet nombreux, mais à la différence de Gênes,


ils ont été peu utilisés pour l’histoire du commerce méditerranéen. Sans
doute sont-ils, il est vrai, surtout utiles pour connaître les transactions
foncières. À Florence en effet les opérations commerciales les plus courantes
se traitent très tôt sans l’intermédiaire du notaire 1. Pourtant il n’est pas
exclu de trouver des documents utiles. Le Diplomatico conserve, comme à
Pise, des actes concernant le commerce maritime 2. Mais le fonds le plus
important est le notarile antecosimiano 3, en particulier les notaires ayant
instrumenté à Pise 4 ou à Gênes.

Édition diverses:
- Contrat d’assurance de 1329 dans E. Bensa, Il Contratto di assicurazione
nel medio evo, Gênes, 1884, p. 190-191 (Diplomatico, Riformagioni).
- Prêt pour Tunis de 1277 dans Davidsohn, Forschungen, op. cit., vol. 3,
n° 94 (Diplomatico, Santo Spirito).

L’intérêt des archives de Florence réside cependant dans la richesse des


écritures privées (registres de comptes 5 et lettres principalement) 6. Ces
documents, très nombreux, sont dispersés dans différents fonds, familiaux
pour l’essentiel.

1. F. Melis, Las fuentes especificas de la historia económica, Valladolid, 1977, p. 72-73.


2. Il existe aux archives 131 volumes de régestes du Diplomatico. Utilisé par D. Abulafia, «A
Tyrrhenian triangle : Tuscany, Sicily, Tunis, 1276-1300», Studi di storia economica toscana nel
Medioevo e nel Rinascimento in memoria di Federigo Melis, Pise, 1987, p. 53-75. L’ensemble des
inventaires, ainsi qu’une partie importante du fonds lui-même (jusqu’à la fin du XIVe siècle),
ont été numérisés et sont consultables sous cette forme aux Archives.
3. Index des noms de notaires dans A. Gherardi, Inventario sommario dell’Archivio di Stato di
Firenze, Florence, 1903. Index des lieux d’instrumentation, et index alphabético-chronologique
en salle de lecture. Utilisé par K. Shimizu, «Le attività marinare a Pisa nella prima metà del
Trecento», Studies in the Mediterranean world. Past and Present, XI, Tokyo, 1988, p. 99-111 ;
R. Davidsohn, Storia di Firenze, Florence, 1956-1968.
4. Cf. supra sur Pise. M. Luzzati, «I registri notarili pisani dal XIII al XV secolo», Sources of
social history : Private acts of the late Middle Ages, dir. P. Brezzi et E. Lee, Rome - Toronto, 1984,
p. 7-21. Il existe à l’Archivio di Stato de Pise un inventaire de ces notaires (avec les dates
extrêmes), réalisé par D. Marzi, Archivio notarile antecosimiano depositato nel R. Archivio di Stato
di Firenze. Indice alfabetico dei notai pisani o rogati in Pisa. Cf. Bensaci, Pise et le Maghrib, op. cit.
5. Il existe une série spéciale pour les livres de comptes: Libri di commercio, 2510 registres (1413-
XIXe siècle). Inventaire en salle de lecture pour les 1860 premiers.
6. Melis, Las fuentes especificas, op. cit., p. 85.
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66 DOMINIQUE VALÉRIAN

La série Medici avanti il principato, composée pour l’essentiel de livres de


comptes et d’une riche correspondance 1, donne des informations sur les
affaires de la famille Médicis, mais plus généralement sur le commerce et
la navigation en Méditerranée 2.
Dans la section Archivi di famiglie e di persone, plusieurs dépôts
correspondant aux grandes familles marchandes florentines ont également
montré leur intérêt, notamment pour les activités de leurs filiales à Tunis ou
le commerce de produits maghrébins. C’est le cas en particulier des archives
Strozzi 3, Del Bene 4, Ricasoli 5. À la bibliothèque Riccardiana de Florence est
conservé le livre de commerce des Peruzzi 6, pour les années 1335-1343, qui
a été édité par A. Sapori, I Libri di commercio dei Peruzzi, Milan, 1934.
Enfin dans les fonds des corporations religieuses ou des hôpitaux (dans la
section Opere pie, istituzioni di assistenza e beneficenza, ospedali) on trouve
également des livres de comptes, entrés dans ces archives à l’occasion d’un don 7.

4. Chroniques et récits
La chronique la plus utile pour Florence est celle de Giovanni Villani
(mort en 1348) et de ses continuateurs, son frère Matteo (mort en 1363) et son
neveu Filippo (mort en 1406). On y trouve des informations d’ordre politique
et diplomatique, mais aussi économique 8.
Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. G. Porta, Parme, 1990-1991, 3 vol.
Cronica di Matteo e Filippo Villani, éd. I. Moutier, 6 t. en 3 vol., Florence, 1925-
1826 ; pour les six premiers livres on dispose de la nouvelle édition de
G. Porta (en cours), Cronica, vol. 1, Parme, 1995.

1. 166 filze. Inventaire: Archivio mediceo avanti al principato, Rome, 1951-1963 (PAS, 2, 18, 28,
50), avec index des auteurs et des destinataires des lettres. L’ensemble du fonds a été entièrement
numérisé et est accessible (ainsi que l’inventaire) sur le site de l’Archivio di Stato de Florence:
http://www.archiviodistato.firenze.it.
2. Utilisé par Mallet, Florentine Galleys, op. cit. ; Heers, Gênes au XVe siècle, op. cit. ; R. De
Roover, The Rise and Decline of the Medici Bank, Cambridge, Mass., 1963.
3. Strozziane. Cinq séries, pourvues d’inventaires anciens. Utilisé par E. Ashtor, A Social and
Economic History of the Near East in the Middle Ages, Londres, 1976; Davidsohn, Storia di Firenze,
op. cit.
4. Cf. Hoshino, L’Arte della lana, op. cit.; id., «Francesco di Iacopo Del Bene, cittadino fiorentino
del Trecento», Annuario dell’istituto giapponese di cultura, 4, 1966-1967, p. 29-119, 5, 1967-1968,
p. 111-190 (avec une édition du Libro bianco dell’arte della lana de Francesco di Iacopo del Bene,
1355-1371).
5. Abulafia, «A Tyrrhenian Triangle», art. cité.
6. Les Peruzzi avaient une succursale à Tunis. Ce registre de compte est important pour l’étude
des produits achetés à Tunis, les opérations de changes et l’organisation de la filiale.
7. Utilisé par Ashtor, A Social and Economic History, op. cit.; Ch. Verlinden, «L’esclavage dans
le Centre et le Nord de l’Italie continentale au bas Moyen Âge», Bulletin de l’institut historique
belge de Rome, 40, 1969, p. 93-155; M. Del Treppo, I Mercanti catalani e l’espansione della Corona
d’Aragona nel secolo XV, Naples, 1972.
8. Giovanni, qui fut maître de la monnaie à Florence, raconte par exemple comment le sultan
hafside fut impressionné par la qualité des florins d’or. Cf. également C. Schiaparelli,
«Dichiarazione di alcuni capitoli della Cronaca di Giovanni Villani relativi alla storia dei Beni
Hafs (Hafsiti) in Tunisi», Rendiconti della Reale Accademia dei Lincei, classe di scienze morali,
storiche, série V, I, 1892, p. 701-711, 746-768.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 67

Le Florentin Benedetto Dei (1418-1492), qui voyagea notamment au


Maghreb, a laissé une chronique qui couvre le XV e siècle et fournit des
informations, quelque peu disparates, sur la région et le commerce avec la
Toscane. Benedetto Dei, La Cronica dall’anno 1400 all’anno 1500, éd. R. Barducci,
Florence, 1985.
Enfin deux auteurs florentins ont évoqué dans leurs récits le Maghreb,
montrant la place de cette région et de ses habitants dans l’imaginaire de leur
époque: Dante 1, dans la Divine Comédie, et Boccace 2, dans le Decameron. On
y trouve à diverses reprises mentions des ports du Maghreb, où se déroulent
plusieurs récits du Decameron, de voyages se terminant (plus ou moins
volontairement) sur les côtes africaines, et de musulmans.

III. — Les archives Datini de Prato

Les archives de la compagnie Datini de Prato, couvrant la fin du XIVe et


le début du XVe siècles, sont connues pour leur richesse en matière d’histoire
économique. L’Institut Datini de Prato, longtemps dirigé par Federigo
Melis 3, a permis, autour de ce fonds exceptionnel, un développement
important des études d’histoire économique 4. Francesco Datini de Prato, qui
fut à la tête d’une importante compagnie de commerce, fit don à sa mort,
en 1410, de l’ensemble de sa fortune, en demandant de conserver l’ensemble
de ses archives 5. L’essentiel du fonds est composé de livres de comptes et
de lettres, envoyées par les correspondants de la compagnie, et classé par
succursales. Francesco Datini avait des activités couvrant notamment le
Maghreb et plus généralement l’ensemble de la Méditerranée. Les archives
conservent des lettres envoyées d’Alcudia (à Majorque), Fès (à Majorque),
Hunayn (à Valence et Majorque), Alger (à Majorque), Dellys (à Majorque),
Bône (à Pise et Majorque), Sousse (à Majorque) et Tunis (à Florence, Pise,
Barcelone et Majorque). Ces lettres sont bien sûr d’un grand intérêt pour
connaître la situation économique et commerciale de ces places. Mais on
1. 1265-1321.
2. 1313-1375. Il rédige le Decameron entre 1348 et 1353. Il fut également marchand, notamment
à Naples pour la compagnie Bardi, et diplomate.
3. Federigo Melis a consacré une grande partie de ses travaux à ce fonds. Voir en particulier
F. Melis, Aspetti della vita economica medievale, Sienne, 1962 ; id. «Note di storia della banca
pisana nel Trecento», La Banca pisana e le origini della banca moderna, Florence, 1987, p. 55-293 ;
id., «Tentativi di censimento dei mercanti-banchieri pisani nella seconda metà del ‘300», Studi
in onore di Giuseppe Chiarelli, 4, Milan, 1974, p. 3687-3701, rééd. La Banca pisana e le origine della
banca moderna, dir. M. Spallanzani, Prato, 1987, p. 223-254 ; id., «La formazione dei costi
nell’industria laniera alla fine del Trecento», Economia e Storia, 1, 1954, p. 31-60, 150-190, rééd.
Industria e commercio nella Toscana medievale, Florence, 1989, p. 212-307.
4. Le site internet de l’Institut présente les activités en cours, et des travaux en relation avec
l’histoire économique et plus particulièrement les archives Datini. http://www.istitutodatini.it.
5. Sur Francesco Datini, voir, outre les travaux de Federigo Melis, I. Origo, Le Marchand de
Prato, Paris, 1959. Pour une présentation du fonds, de son histoire et de son organisation, voir
Guida generale degli Archivi di Stato, s. v. Firenze, et Melis, Aspetti della vita economica, op. cit.; Guido
Pampaloni, Inventario sommario dell’Archivio di Stato di Prato, Florence, 1958.
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68 DOMINIQUE VALÉRIAN

trouve également des informations sur le Maghreb dans la correspondance


échangée entre les filiales espagnoles et la maison-mère, en particulier sur
les produits maghrébins transitant par la Péninsule 1, mais aussi sur la
possibilité d’y effectuer des ventes, notamment de draps. Les autres
succursales sont moins intéressées au commerce maghrébin, même si on peut
à l’occasion trouver des informations dans leurs archives 2. De même les
livres de comptes des filiales montrent la circulation de produits maghrébins
comme les cuirs 3 et dans une moindre mesure les laines, la cire, le lin, le coton,
les dattes ou le blé. On trouve également plusieurs listes de prix et de
chargements de navires 4. Bien qu’exceptionnels, quelques documents sont
écrits en hébreu ou en arabe (a. 1393-1397) 5. Enfin on trouve des informations
sur la piraterie et le problème des captifs 6.
Éditions de documents:
- Melis, Aspetti della vita economica, op. cit.
- F. Melis, éd., Documenti per la storia economica dei secoli XIV-XV, Florence, 1972.
- Palermo, Il Porto di Roma, op. cit.
- B. Dini, éd., Una pratica di mercatura in formazione (1394-5), Florence, 1980
(livre de comptes de Majorque, a. 1394-1395).
- E. Bensa, Il Contratto di assicurazione nel medio evo, Gênes, 1884 (assurance
de 1384 pour Tunis ; document traduit en anglais dans R. S. Lopez,
I. W. Raymond, Medieval Trade in the Mediterranean World, New York, 1955).
- I. Houssaye, Recherche sur les activités de la compagnie Datini dans les pays
musulmans, 2 vol., mémoire de maîtrise, Université Paris XII-Val de Marne, 1999 7.
- C. Trasselli, «Sicilia, Levante e Tunisia nei sec. XIV e XV», Mediterraneo e Sicilia
all’ inizio dell’ epoca moderna, Cosenza, 1977 (1re éd. Trapani 1952), p. 71-169.

1. Voir notamment D. Abulafia, «El comercio y el reino de Mallorca, 1150-1450», in D. Abulafia,


B. Garí, dir., En las costas del Mediterráneo occidental. Las ciudades de la Península Ibérica y del reno
de Mallorca y el comercio mediterráneo en la Edad Media, Barcelone, 1996, p. 115-154 ; B. Dini,
éd., Una pratica di mercatura in formazione (1394-5), Florence, 1980.
2. Cf. L. Palermo, Il Porto di Roma nel XIV e XV sec. Strutture socio-economico e statuti, Rome,
1979 (commerce romain se faisant souvent par l’intermédiaire de Pise). Sur la succursale
d’Avignon, voir notamment R. Brun, «Annales avignonnaises de 1382 à 1410. Extrait des
Archives Datini», Mémoires de l’Institut historique de Provence, 12, 1935, p. 17-142 ; 13, 1936,
p. 58-105; 14, 1937, p. 5-57 ; 15, 1938, p. 21-52, 154-192.
3. R. Delort, Le Commerce des fourrures en Occident vers la fin du Moyen Âge, Rome, 1975
(livres de comptes des filiales de Florence et de Pise).
4. E. Ashtor, «L’exportation des textiles occidentaux dans le Proche-Orient musulman au bas
Moyen Âge (1370-1517)», Studi in memoria di Federigo Melis, II, Naples, 1978, p. 303-377; J. Heers,
«Il commercio nel Mediterraneo alla fine del sec. XIV e nei primi anni del XV», Archivio storico
italiano, t. CXIII, fasc. 2, 1955, p. 157-209, rééd. Société et économie à Gênes, Londres, 1979 (article
écrit à partir des archives de Prato, avec extraits de documents).
5. Pampaloni, Inventario, op. cit., p. 83.
6. D. Ventura, «Cronaca di un riscatto. Dalle lettere di Giovanni Carocci, mercante pisano
“schiavo” in Tunisi (1384-87)», Ricerche storiche, 22, 1992, p. 3-20, avec nombreux extraits des
lettres envoyées par un captif à Francesco Datini.
7. Cité par Ph. Gourdin., Les relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le
Maghreb au XVe siècle, Thèse sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse, p. 68.
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CHAPITRE 3
Venise

À la différence des cités marchandes italiennes de la côte tyrrhénienne,


Venise a toujours privilégié ses relations avec l’Orient, et n’a considéré le
Maghreb que comme une destination secondaire, complémentaire des
marchés orientaux. Elle n’a pas pour autant négligé totalement cette zone
d’activité, comme le montrent les traités régulièrement renouvelés avec les
souverains ifrîqiyens 1. À partir du XVe siècle, la République organise des
lignes de galères qui touchent les ports maghrébins et les relient au reste du
bassin méditerranéen, en particulier à l’Orient. Cette implication forte de
l’État, caractéristique à bien des égards du commerce vénitien, se traduit par
l’importance des fonds documentaires publics, alors que les sources notariales
sont rares et les documents commerciaux très dispersés. Enfin plusieurs
fonds de type judiciaire peuvent être mis à contribution pour l’étude des
échanges et de la navigation. Le fonds principal est celui de l’Archivio di Stato 2,
même si on peut également trouver des manuscrits utiles dans des
bibliothèques comme celle de la Marciana 3.

I. — La documentation politique
Les très nombreux fonds de nature politique sont essentiels pour retracer
l’histoire des relations diplomatiques entre Venise et le Maghreb (principalement
avec l’Ifrîqiya hafside) 4, mais aussi pour comprendre les échanges commerciaux
et le fonctionnement des communautés vénitiennes en terre africaine.
1. Sur les relations entre Venise et le Maghreb, voir principalement B. Doumerc, Venise et
l’émirat hafside de Tunis (1231-1535), Paris, 1999, et les articles du même auteur cités infra.
2. Outre la présentation de la Guida generale degli Archivi di Stato, il existe un inventaire
général ancien, mais toujours utile, des Archives de Venise : A. Da Mosto, L’Archivio di Stato
di Venezia. Guida generale storico descrittivo ed analitico, Rome, 2 vol., 1937 et 1940. Le premier
volume est consultable en ligne sur le site des Archives d’État :
http://archivi.beniculturali.it/Biblioteca/damosto_testo/screenDamosto.pdf.
Voir également A. Grunzweig, «Les archives d’État de Venise», Bulletin de l’Institut historique
belge de Rome, XIV, 1934, p. 57-70.
3. Pour une présentation générale des fonds vénitiens pour l’histoire du Maghreb (médiéval
et moderne), voir en particulier M. P. Pedani, «Venezia e il Maghreb nei documenti dell’Archivio
di Stato di Venezia», Quaderni di Studi Arabi, 10, 1992, p. 159-173. Voir également la présentation
des sources du livre de G. Luzzatto, Storia economica di Venezia dall’XI al XVI secolo, Venise, 1961,
p. 239-251.
4. Sur les relations politiques entre Venise et les Hafsides, voir principalement Doumerc, Venise
et l’émirat hafside, op. cit., ainsi que A. Sacerdoti, «Venezia e il regno hafsida di Tunisi : trattati
e relazioni diplomatiche (1231-1534)», Studi veneziani, 8, 1966, p. 303-346.
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70 DOMINIQUE VALÉRIAN

Les relations, souvent difficiles, avec les États musulmans d’Afrique du


Nord ont en effet laissé de très nombreuses traces dans les archives de
Venise. Aux traités, signés avec Tunis et parfois Tripoli, s’ajoutent une
correspondance diplomatique et des échanges d’ambassades. Le financement
de ces dernières (souvent par des taxes exceptionnelles), l’élection des
envoyés de la République, les instructions du Sénat, les cadeaux adressés
aux sultans sont autant d’informations qui permettent de suivre assez bien
la diplomatie hafside entre la fin du XIIIe et le début du XVIe siècle. Les
délibérations du Sénat, en particulier, sont riches en notices sur les problèmes
qui pouvaient se poser dans les ports maghrébins (conflits commerciaux,
affaires de douane, confiscations, emprisonnements de Vénitiens). Comme
pour les autres puissances chrétiennes, Venise a dû faire face au
développement de la piraterie maghrébine (et à la fin du XVe siècle à celle
des Turcs installés dans les ports maghrébins). Celle-ci occasionne des
tensions durables, entraîne parfois des représailles (boycotts d’escales, ou
plus rarement expéditions militaires, notamment celle de 1388 contre Djerba
menée avec d’autres puissances chrétiennes), et surtout pose le problème des
captifs et de leur rachat (on trouve parfois également mention de fuites de
captifs chrétiens à bord des navires vénitiens, en violation des accords
passés).
La piraterie musulmane est cependant, dans les documents vénitiens,
beaucoup moins présente que celle pratiquée par les chrétiens. Cette dernière
apparaît dans la correspondance échangée avec les puissances chrétiennes,
ou faisant référence à l’activité des pirates catalans (surtout), génois et, à la
fin du XVe siècle, français, dans les eaux fréquentées par les navires vénitiens
commerçant avec le Maghreb. Ces documents sont intéressants pour voir ce
que transportent les navires vénitiens (marchandises et marchands
musulmans). On trouve enfin, bien sûr, des mentions d’actes de piraterie de
la part des Vénitiens contre les Maghrébins.
En raison de la forte intervention de l’État vénitien dans les affaires
économiques, ces documents de nature politique sont très riches pour l’étude
du commerce proprement dit. En principe certains produits ne doivent pas
être exportés dans les pays musulmans, mais la correspondance avec la
papauté montre une interprétation assez large de ces prohibitions. Ces
produits stratégiques continuent d’être vendus, comme le montrent certaines
délibérations du Sénat. Les produits les plus visibles dans la documentation
sont cependant les produits licites. Pour cela nous disposons de tarifs
douaniers concernant les importations de produits maghrébins
(essentiellement des laines et des cuirs, mais aussi du coton parfois). Certains
produits particulièrement importants apparaissent par ailleurs dans ces
documents. C’est le cas des céréales, qu’en vertu des traités les Vénitiens
pouvaient acheter dans le sultanat hafside, du sel de Tripolitaine, très
contrôlé par l’État, et du corail de Marsacarès et plus tardivement de Tabarka
(exploité par les Génois). Enfin le trafic (souvent interdit) des esclaves noirs
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 71

a laissé quelques traces dans les registres du Sénat. À l’inverse, les produits
exportés par les Vénitiens peuvent être étudiés grâce d’une part aux listes
qui figurent dans les mises à l’encan des galères, et d’autre part aux licences
accordées pour exonérer de taxes d’importation les marchandises qui n’ont
pas réussi à être vendues au cours du voyage au Maghreb.
Ces documents, et singulièrement les registres de délibérations du Sénat,
sont surtout essentiels pour l’étude de l’organisation des lignes de galères
de l’État (mude) 1. Ces lignes, qui dans un premier temps ne touchent que de
manière secondaire les côtes africaines, deviennent à partir de 1436 un
élément important du commerce maritime des ports maghrébins. Une
première ligne, dite de Barbarie, est créée cette année-là et en 1460 s’ajoute
la ligne du Trafego, qui relie les ports d’Ifrîqiya (Tunis, les ports du Sahel et
Tripoli) à l’Égypte et à la Méditerranée orientale. Les mises à l’encan (incanti)
des galères sont riches en informations sur le fonctionnement de ces convois
(équipage, armement, noms des capitaines, soutien éventuel d’autres navires
de guerre). Elles permettent, grâce au prix des adjudications et aux
subventions accordées, de mesurer et de suivre l’intérêt des marchés
maghrébins pour les opérateurs vénitiens. Elles montrent enfin l’intégration
du Maghreb dans le reste du bassin méditerranéen, aussi bien en Orient
(l’Égypte notamment, mais aussi Beyrouth, Candie et Modon) qu’en Occident
(notamment avec les ports de la péninsule Ibérique). Les ports les plus
importants, pour lesquels les durées d’escale sont les plus longues, sont
ceux d’Ifrîqiya orientale (Tunis surtout, ainsi que Tripoli et les ports du
Sahel), mais les galées font également halte à Bougie et Alger, ou dans les
ports du sultanat de Tlemcen et du Maroc (essentiellement Oran, Hunayn
et Alcudia).
Enfin la documentation politique permet l’étude de l’organisation de la
communauté vénitienne à Tunis. La nomination des consuls est toujours
enregistrée, et leurs prérogatives fixées avec précision. On trouve également
des informations sur les fondouks, et accessoirement sur les chapelains
vénitiens.

1. Le Grand Conseil
Organe suprême de la République, le Grand Conseil (Maggior Consiglio)
détient le pouvoir législatif. Les registres de ses délibérations sont donc
essentiels pour la connaissance de la politique vénitienne en Méditerranée.

1. La bibliographie sur les mude vénitiennes est très abondante. Voir en premier lieu D. Stöckly,
Le système de l’incanto des galées du marché à Venise (fin XIIIe-milieu XVe siècle), Leyde, 1995. Ead.,
«Les premiers convois de galées commerciales vénitiennes en direction de la Barbarie au milieu
du XVe siècle», Cahiers de Tunisie, n° 155-156, 1993, p. 479-511; B. Doumerc, «La crise structurelle
de la marine vénitienne au XVe siècle: le problème du retard des mude», Annales ESC, 40, 1985,
p. 605-623; id., «Le galere da mercato», Storia di Venezia, Temi, Il Mare, Rome, 1991, p. 357-395;
F. C. Lane, «Fleets and Fairs - the Function of the Venetian Muda», Studi in onore di A. Sapori, I,
Milan, 1957, p. 651-663; A. Sacerdoti, «Note sulle galere da mercato veneziane nel XV secolo»,
Bollettino dell’Istituto di storia della società e dello stato veneziano, IV, Venise, 1962, p. 80-105.
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72 DOMINIQUE VALÉRIAN

Ce conseil, qui regroupe l’ensemble du patriciat, a en principe pour fonction


de nommer aux principaux offices (dont les consuls, les ambassadeurs, les
capitaines de galées), et de décider de la politique de l’État. Peu à peu
cependant il délègue la plupart de ses prérogatives, notamment au Sénat.
Les registres des délibérations du Grand Conseil sont donc riches surtout
jusqu’au XIVe siècle, et perdent une grande partie de leur intérêt par la
suite 1. La série principale est celle des Deliberazioni 2. Les premiers registres
ont été édités:
- R. Cessi, éd., Deliberazioni del Maggior Consiglio, I, Liber Comunis
(Plegiorum). Acta consilii Sapientum, Atti delle Assemblee costituzionali italiane
del Medio Evo al 1831, ser. III, sez. I, vol. 1, Bologne, 1950 (a. 1223-1229).
- id., Deliberazioni del Maggior Consiglio di Venezia, II, Liber Comunis; liber
consiliorum ad tempus expirantium; liber continens consilia specialium personarum;
liber officiorum, Atti delle Assemblee costituzionali italiane del Medio Evo al 1831,
ser. III, sez. I, vol. 2, Bologne, 1931 (a. 1232-1282).
- id., Deliberazioni del Maggior Consiglio di Venezia, III, Liber Luna, liber
Caneta, liber Pilosius, Atti delle Assemblee costituzionali italiane del Medio Evo
al 1831, ser. III, sez. I, vol. 3, Bologne, 1934 (a. 1282-1299).

Éditions diverses:
- Mas-Latrie, Traités, op. cit..
- Fr. Thiriet, éd., Délibérations des Assemblées vénitiennes concernant la
Romanie, I-II, Paris, 1966, 1971, 2 vol. (régestes).
- R. Cessi, L. Luzzatti, éd., Le Regolazione delle Entrate e delle spese (sec.
XIII-XIV), Padoue, 1925 (1339, taxes sur les laines du Maghreb).
- G. Luzzatto, éd., I prestiti della Repubblica di Venezia, sec. XIII-XV.
Introduzione storica e documenti, Reale Accademia dei Lincei, Documenti finanziari
della Repubblica di Venezia, ser. III, vol. I, parte 1, Padoue, 1929 (financements
d’ambassades, affaires de course).

1. Utilisé par Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit. ; id., «Le consulat vénitien de Tunis
(1470-1473)», Cahiers de Tunisie, n° 155/156, 1991, p. 447-478; R. Cessi, «Le relazioni commerciali
tra Venezia e le Fiandre nel sec. XIV», Politica ed economia di Venezia nel Trecento, Rome, 1952,
p. 71-172; A. Ducellier, «Raguse, l’Italie et la Berbérie au Moyen Âge : à propos de quelques
documents inédits ou peu connus», Cahiers de Tunisie, n° 61/64, 1968, p. 27-44 ; Fr. C. Lane,
«Venetian Merchant Galleys, 1300-34: Private and Communal Operation», Speculum, 38, 1963,
p. 179-205, tr. it. dans Le Navi di Venezia, Turin, 1983, p. 49-81 ; Sacerdoti, «Venezia e il regno
hafsida», art. cité; id., «Il consolato veneziano del regno hafsida di Tunisi (1274-1518)», Studi
Veneziani, 11, 1969, p. 531-535 (sur le fonctionnement de la communauté vénitienne à Tunis);
J.-Cl. Hocquet, Voiliers et commerce en Méditerranée, 1200-1650, Lille, 1979 (sur le sel de Ras al-
Makhbaz).
2. Commune I (a. 1232-1282), Commune II (a. 1248-1282) Fractus (a. 1240-1282), Luna (a. 1282-
1286), Zaneta (a. 1286-1291), Pilosius (a. 1292-1299), Magnus et Capricornus (a. 1299-1308),
Presbiter (a. 1308-1315), Clericus civicus (a. 1315-1318), Fronensis (a. 1318-1325), Spiritus (a. 1325-
1349), Novella (a. 1350-1384), Leona (a. 1384-1415), Ursa (a. 1415-1454), Regina (a. 1455-1479),
Stella (a. 1480-1502), Deda (a. 1503-1521). Divers registres de copies d’époque moderne.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 73

2. Les registres du Sénat


À partir du XIVe siècle, le Sénat devient progressivement l’organe essentiel
de décision de la République. Les registres conservant ses délibérations
sont donc essentiels pour l’étude des relations avec le Maghreb, et ils ont été
largement sollicités par les historiens de Venise 1. À l’exception des premières
années, couvertes par le registre 1 (a. 1293-1303), les débuts du XIVe siècle
sont mal documentés. Des registres 2 à 14 (a. 1303-1332) en particulier n’ont
été conservées que les rubriques. Le tout a été édité :
- R. Cessi, P. Sambin, éd., Le Deliberazioni del consiglio dei Rogati (senato).
Serie «mixtorum», vol. I, Libri I-XIV, Venise, 1960 (éd. du reg. 1 et rubriques
pour les autres).
- M. Brunetti, R. Cessi, Le Deliberazioni del Consiglio dei rogati (senato); serie
«mixtorum», vol. 2, Libri XV-XVI, Venise, 1961.
- G. Giomo, «Regesto dei Libri Misti del Senato ; le rubriche dei Libri
Misti perdute trascritte», Archivio veneto, 16, 1878, p. 126-34, 251-273; 17, 1879,
p. 48-57; 18, 1880, p. 314-338; 19, 1881, p. 96-117; 20, 1882, p. 81-95, 293-
313; rééd. à part, Amsterdam, 1970.
Jusqu’en 1440 les délibérations du Sénat sont notées dans les registres
Senato Misti 2. Après cette date, les décisions concernant les affaires maritimes
et la politique étrangère en Méditerranée sont contenues dans des registres
spéciaux, les Senato Mar 3 (le reste des activités du Sénat se trouvant dans les
registres Senato Terra, qui n’ont donc très peu d’intérêt direct pour le
Maghreb). Enfin à partir de 1469 des registres spéciaux (Senato, Incanti)
conservent les textes des incanti de galères 4. À partir de 1401 certaines

1. Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit.; id., «La crise structurelle», art. cité; id., «Le consulat
vénitien», art. cité ; id., «Le galere da mercato», art. cité; id., «Venise et la dynastie hafside à la
fin du XVe siècle», Cahiers de Tunisie, XXIX, n° 117-118, 1981, p. 573-81 ; id., «Les relations
commerciales entre Djerba et la République de Venise à la fin du Moyen Âge», Actes du colloque
sur l’histoire de Jerba (avril 1982), Djerba, 1986, p. 45-54; id., «La ville et la mer: Tunis au XVe siècle»,
Actes du IVe congrès international d’histoire et de civilisation du Maghreb (avril 1986), Cahiers de Tunisie,
XXXIV, n° 137-8, 1986, p. 111-130; A. Sacerdoti, «Il consolato veneziano», art. cité; id., «Venezia
e il regno hafsida», art. cité ; id., «Note sulle galere», art. cité; A. Ducellier, «Raguse, l’Italie et
la Berbérie», art. cité; J.-Cl. Hocquet, Le Sel et la fortune de Venise. Vol. 1: Production et monopole,
Villeneuve d’Ascq, 1978 ; id., Voiliers et commerce, op. cit.; R. Delort, Le Commerce des fourrures
en Occident vers la fin du Moyen Âge, Rome, 1975 (peaux et fourrures du Maghreb) ; L. Greco,
«Sulle rotte delle galere veneziane: il cartulario di bordo del prete Giovanni Manzini (1471-1486)»,
Archivio Veneto, ser. V, 172, 1991, p. 5-37 ; F. C. Lane, Venetian Ships and Shipbuilders of the
Renaissance, Baltimore, 1934, tr. Navires et constructeurs à Venise pendant la Renaissance, Paris, 1965;
Stöckly, «Les premiers convois», art. cité; ead., Le système de l’incanto, op. cit.; R. Cessi, «Venezia
e i regni di Napoli e Sicilia nell’ultimo trentennio del sec. XIV», Archivio storico per la Sicilia
orientale, 8, 1911, p. 321-358 ; E. Ashtor, Levant trade in the Later Middle Ages, Princeton, 1983 ;
D. Valérian, «Ifrîqiyan Muslim Merchants in the Mediterranean at the End of the Middle
Ages», Mediterranean Historical Review, 14/2, 1999, p. 47-66.
2. Reg. 15 (a. 1332-1333) – 60 (a. 1437-1440), avec registres de copies d’époque moderne.
Giomo, «Regesto», art. cité, donne la liste des registres, avec les dates extrêmes.
3. Reg. 1 (a. 1441-1444) – 15 (a. 1500-1503).
4. Le premier registre couvre les années 1469-1489. Le deuxième possède les incanti des
années 1489-1496, puis passe directement à l’année 1525.
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74 DOMINIQUE VALÉRIAN

décisions sensibles sont notées dans les registres des Secreti, qui fournissent
des informations touchant notamment à la diplomatie. Les deux registres
des Sindicati 1 enfin conservent les pouvoirs donnés aux ambassadeurs
envoyés aux souverains du Maghreb, mais on y trouve d’autres informations
concernant la navigation et le commerce avec la région 2.

Éditions diverses:
- H. Noiret, éd. Documents inédits pour servir à l’histoire de la domination
vénitienne en Crète de 1380 à 1485, Rome, 1892 (éd. et régestes).
- R. Brown, éd., Calendar of State papers and manuscripts relating to English
affairs existing in the Archives and collections of Venice and other libraries of
Northern Italy, I, 1202-1509, Londres, 1864 (analyses et trad.)
- Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit. (appendice).
- Fr. Thiriet, éd., Régestes des délibérations du Sénat de Venise concernant la
Romanie, Paris, 1958-1961, 3 vol.
- N. Jorga, éd., «Notes et extraits pour servir à l’histoire des croisades au
XVe siècle», Revue de l’Orient Latin, 4, 1897, p. 25-118, 226-320, 503-622; 5, 1897,
p. 108-212, 311-388; 6, 1898, p. 50-143, 370-434; 7, 1900, p. 38-107, 375-429;
8, 1900-1901, p. 1-115, 267-310 (éd. et régestes).
- baron Blanc, Le flotte mercantili dei Veneziani (transcriptions des incanti, 1332-
1347) 3.
- B. Doumerc, Venise et l’espace maritime occidental au XVe siècle: une tentative
de reconversion commerciale, thèse d’Etat, sous la direction d’A. Ducellier,
Université de Toulouse, 1989 (documents en annexe).

3. Les registres de la Cancelleria Secreta


Dans cette section des archives sont regroupés des fonds très nombreux
et divers, ayant trait en particulier aux relations diplomatiques. La
Chancellerie secrète, séparée au début du XVe siècle de la chancellerie ducale,
s’occupait plus spécialement des affaires politiques, notamment de
diplomatie.
Les registres des Pacta 4 conservent des documents importants pour les
relations internationales, en particulier l’essentiel des traités de paix passés
avec les Hafsides, mais aussi un accord avec un marchand pour la livraison
de sel de Ras al-Makhbaz 5. Plusieurs de ces traités ont été publiés par Louis
de Mas-Latrie 6. Dans cette même série se trouve le Codex Trevisianus, qui

1. Reg. 1 (a. 1329-1425) et 2 (a. 1425-1507).


2. Voir également les deux buste des «Dispacci antichi di ambasciatori, rettori e altre cariche
e lettere antiche», 1321-1599.
3. D’après Stöckly, Le Système de l’incanto, op. cit., p. 251. Cet ouvrage se trouve à la bibliothèque
de l’Université de Strasbourg.
4. Cf. L. de Mas-Latrie, «Rapport sur le recueil des Archives de Venise intitulé “Libri
Pactorum” ou “Patti”», Archives des missions scientifiques et littéraires, 2, 1851, p. 261-300, 341-
385, qui édite l’inventaire du XVIe siècle du fonds, classé par pays.
5. Hocquet, Voiliers et commerce, op. cit.
6. Mas-Latrie, Traités, op. cit.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 75

conserve des copies de textes de nature diplomatique, dont une longue


protestation envoyée au sultan de Tunis à la fin du XIIIe ou au début du XIVe
siècle, et éditée par G. L. Tafel et G. M. Thomas, Urkunden zur älteren
Handels- und Staatsgeschichte der Republik Venedig, Vienne, 1856-1857 (Fontes
rerum austriacarum 12-14), 3 vol., rééd. anast. Amsterdam, 1964 (n° 391).

Les Libri Commemoriali regroupent, pour les XIVe et XVe siècles, des copies
de documents divers concernant les relations de la République avec l’étranger
(lettres de souverains, de consuls, de capitaines de galées, traités,
ambassades), les problèmes de piraterie (représailles, rachats de captifs,
etc.) et de commerce (produits prohibés, sel, litiges commerciaux). Il ont
été édités par R. Predelli, I Libri Commemoriali della Repubblica di Venezia –
Registri, Monumenti storici della Deputazione Veneta di Storia patria, Venise,
8 vol., 1876-1914.
La série Miscellanea atti diplomatici e privati conserve quelques originaux
des traités avec Tunis, édités par Mas-Latrie, Traités, op. cit.
Les Documenti turchi e altri, qui intéressent essentiellement les relations avec
l’empire ottoman, peuvent cependant concerner également le Maghreb 1.
Inventaire et régestes dans M. P. Pedani, A. Bombaci, éd., I «documenti
turchi» dell’Archivio di Stato di Venezia, Venise, 1994.
Enfin dans les Materie miste notabili on trouve un matériel de nature très
diverse, produit ou reçu par le Collegio ou le Sénat, qui souvent n’a pas
trouvé place dans les autres séries 2.

4. Divers
Le Collegio avait une activité consultative pour des affaires venant ensuite
en discussion au Sénat ou au Grand Conseil. Ses registres peuvent donc,
ponctuellement, compléter les délibérations de ces deux assemblées pour les
affaires diplomatiques, économiques ou fiscales. Le registre des Lettere segrete
du Minor Consiglio a été édité par G. Giomo, «Lettere del Collegio: minor
consiglio, 1308-1310», Miscellanea di Storia veneta, ser. III, t. 1, 1910, p. 269-
403. Les autres séries sont plus tardives. Ce sont celles du Notatorio del
collegio 3, des Lettere secrete 4, des Secreti 5 et Commissioni 6.
Éditions diverses: Jorga, «Notes et extraits», art. cité.
Deux fonds donnent des listes de nominations de patriciens aux charges
de consuls, d’ambassadeurs et de capitaines des galées de Barbarie. Le

1. La série commence en 1454.


2. Cette série, qui commence au XIIIe siècle, est citée par Pedani, «Venezia e il Maghreb», art.
cité.
3. A. 1327-1391, puis à partir de 1397. Utilisé par Hocquet, Voiliers et commerce, op. cit. (sel
de Tripolitaine).
4. Un registre, a. 1486-1489.
5. 7 registres, a. 1354-1495 (délibérations politiques).
6. Deux registres, a. 1489-1494, 1408-1413. Cité par Sacerdoti, «Venezia e il regno hafsida di
Tunisi», art. cité.
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76 DOMINIQUE VALÉRIAN

Segretario alle voci enregistrait les élections à ces offices, les dates d’entrée en
charge et de sortie 1. Par ailleurs les registres Prove di età dei patroni delle
galere de la section Avogaria di Comun répond à la nécessité, pour tout
patricien voulant commander les galées de l’État, de prouver qu’il a plus de
30 ans 2. Enfin un manuscrit de la bibliothèque Marciana (Registro dei regimenti,
manoscritti italiani, classe VII, n° 8383) donne la liste des consuls et des
capitaines de galées. Il a été partiellement édité par Doumerc, Venise et
l’émirat hafside, op. cit., appendice.

II. — La documentation commerciale


La documentation commerciale à Venise est, pour le Maghreb, très
dispersée. L’absence d’un fonds de notaires comparable à celui de Gênes rend
les recherches plus difficiles, et la récolte bien plus maigre.
Il existe quelques documents montrant les réglementations du commerce
maritime. Les Consoli dei mercanti avaient pour fonction la tutelle des
marchands et du commerce, avec de larges compétences, et étaient chargés
de la sécurité de la navigation, mais ils perdent progressivement de leur
compétence face aux juges des pétitions 3. Les Sopraconsoli dei mercanti
s’occupaient des situations de faillites, puis acquirent des compétences en
matière de représailles 4. Les fonds conservés, surtout tardifs, sont cependant
très maigres pour la période, et essentiellement normatifs, donc peu précis
sur les situations réelles. Il en va de même du fonds des Cinque savi alla
mercanzia. L’institution date du XVIe siècle et avait des fonctions en matière
de commerce, de navigation, de douane, et d’organisation des communautés
vénitiennes à l’étranger, mais les documents de ce fonds remontent à des
époques plus anciennes 5, et peut-être y trouve-t-on des informations sur le
Maghreb. De même les registres des magistratures chargées de
l’approvisionnement en huile (Provveditori agli olii 6) ou en blé (Ufficiali al
frumento 7) peuvent éventuellement conserver des documents utiles.
Mais ce sont les documents de la pratique commerciale, très dispersés, qui
sont les plus prometteurs.

1. Les notaires
Les contrats notariés sont pour une grande partie conservés dans le fonds
de la Cancelleria inferiore, qui collectait les actes des notaires défunts déposés
à la basilique Saint-Marc. Leur classement est très aléatoire, et l’inventaire
1. Registres à partir de 1349, avec copies remontant à 1260.
2. Greco, «Sulle rotte delle galere veneziane», art. cité ; Stöckly, «Les premiers convois», art.
cité; Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit.
3. Capitolare del primo Cinquecento (1 registre, a. 1240–1770); Scritture antiche di venete mercanzie
(1 fascicule, a. 1490-1508). Inventaire de la fin du XIXe siècle.
4. Capitolare del primo seicento (1 registre, a. 1275-1615).
5. Inventaire de 1955 en salle de lecture.
6. Documents à partir de 1269 ; un registre pour la période médiévale.
7. Documents à partir de 1233.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 77

qui en a été fait à la fin du XIXe siècle n’est pas toujours fiable 1. L’intérêt de
ce fonds réside en particulier dans la conservation de minutiers, ou plus
souvent d’épaves de minutiers, de notaires ayant instrumenté outre-mer
(Tunis 2, mais surtout en Orient 3) ou à bord des navires vénitiens. On y
trouve des informations essentielles sur les transactions faites dans les ports
musulmans, ainsi que sur la participation des acteurs économiques locaux.
Les relations commerciales entre le Maghreb et l’Orient (musulman ou
chrétien) y sont particulièrement visibles 4. Enfin on peut y trouver des
mentions d’esclaves venus du Maghreb ou d’Afrique noire 5. Le registre de
Giovanni Manzini, notaire à bord des galères de Berbérie en 1474-1475, a été
édité par Lucia Greco, Quaderno di bordo do Giovanni Manzini: prete-notaio e
cancelliere (1471-1484), Venise, 1997 6.
Éditions de documents divers:
- R. Morozzo della Rocca, A. Lombardo, éd., Documenti del commercio
veneto dei sec. XI-XIII, Rome, 1940 (Regesta chartarum Italiae, 28 et 29).
- Ch. Verlinden, «Marchands chrétiens et juifs dans l’Etat mameluk au
début du XVe siècle d’après un notaire vénitien», Bulletin de l’Institut historique
belge de Rome, 51, 1981, p. 19-86 (à partir du notaire Nicola Venier, a. 1417-
1422).

1. B. Cecchetti, Archivio di Stato di Venezia. Statistica degli atti custoditi nella sezione notarile, Venise,
1886. Da Mosto, L’Archivio di Stato, op. cit., donne en appendice la liste des notaires, avec
indication des dates et lieux d’instrumentation, mais cette liste n’est pas non plus toujours fiable.
Le fonds compte 243 buste, souvent très désordonnées.
2. Le notaire Francesco Belletto a instrumenté à Tunis vers 1470 et a laissé un petit cahier (busta
27). Cf. Doumerc, «Le consulat vénitien», art. cité ; D. Valérian, «Ifrîqiyan Muslim Merchants
in the Mediterranean at the End of the Middle Ages», Mediterranean Historical Review, 14/2, 1999,
p. 47-66 ; Ph. Gourdin., Les Relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le
Maghreb au XVe siècle, Thèse sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse.
3. C’est le cas notamment de Nicolo Turiano, chancelier du consul vénitien à Alexandrie, qui
instrumente entre 1426 et 1456 à Alexandrie, et parfois à Beyrouth (busta 211), ou des notaires
Nicolo Venier (busta 230) et Antonio Vataciis (busta 222), tous deux du début du XVe siècle. Cf.
E. Ashtor, «L’exportation des textiles occidentaux dans le Proche-Orient musulman au bas
Moyen Âge (1370-1517)», Studi in memoria di Federigo Melis, II, Naples, 1978, p. 303-377 ; id.,
«Observations on Venetian Trade in the Levant on the XIVth Century», Journal of European
Economic History, 5, 1976, p. 533-586. Ces notaires d’Alexandrie sont utiles pour l’étude des
relations entre le Maghreb et l’Égypte qui se font en partie par l’intermédiaire des Vénitiens.
Il faut noter également le fonds très volumineux des notaires des Candie, qui remonte au XIVe
siècle.
4. Voir en particulier Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit.; id., «La ville et la mer», art.
cité; Ducellier, «Raguse, l’Italie et la Berbérie», art. cité.
5. Cf. Ch. Verlinden, «Le recrutement des esclaves à Venise aux XIVe et XVe siècles», Bulletin
de l’Institut historique belge de Rome, 39, 1968, p. 83-202 (qui donne également des références aux
notaires de Candie).
6. Sur l’apport de ce registre, voir également L. Greco, «Galeotti, ufficiali e mercanti sulle
rotte delle galere veneziane del XV secolo», L’Uomo e il mare nella civiltà occidentale : da Ulisse a
Cristoforo Colombo. Atti del convegno, Genova, 1-4 giugno 1992, ASLSP, n.s., vol. 32/2, p. 165-185;
ead., «Sulle rotte delle galere veneziane : il cartulario di bordo del prete Giovanni Manzini
(1471-1486)», Archivio Veneto, ser. V, 172, 1991, p. 5-37; A. Ducellier, «Le Registre de Giovanni
Manzini. Notaire sur les galées vénitiennes de Barbarie (1472-1476)», Cahiers de Tunisie, XLIII,
n° 155/156, 1991, p. 513-534.
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78 DOMINIQUE VALÉRIAN

2. Les Procurateurs de Saint-Marc


Les archives des Procurateurs de Saint-Marc sont nées pour l’essentiel
des dons faits par les particuliers à la basilique, et gérés par ces magistrats 1.
On y trouve donc des pièces versées au moment du don, et qui renseignent
souvent sur les activités commerciales passées du donateur. Ce fonds est
exceptionnel car il conserve des registres de comptabilité et des documents
marchands de natures très diverses, notamment des lettres 2, des listes de prix,
des manuels de commerce 3, etc. Les documents sont classés par commissarie,
c’est-à-dire par nom de donateur 4. Certains d’entre eux, qui appartiennent
aux grandes familles patriciennes et marchandes, ont laissé des documents
importants pour le commerce 5. C’est le cas par exemple des Morosini (Citra,
busta 197, avec les comptes relatifs à un voyage au Maghreb en 1487 6), ou
des Querini (Citra, busta 271 7).
Éditions diverses: F. Melis, éd., Documenti per la storia economica dei secoli
XIV-XV, Florence, 1972.

3. Fonds divers
Le fonds Miscellanea Gregolin conserve notamment plusieurs séries de lettres
de marchands 8. Certaines ont été envoyées depuis les villes orientales (Syrie
surtout) 9, et plus souvent des places commerciales de la péninsule Ibérique
(notamment Valence et Barcelone). Il ne semble pas en revanche qu’aient été
conservées des lettres envoyées depuis le Maghreb, mais on trouve cependant
dans ces missives des informations sur les relations commerciales entre les ports
maghrébins et les autres places méditerranéennes.

1. Cf. R. C. Mueller, «The Procurator of San Marco in the XIIIth and XIVth c. : a Study of the
Office as a Financial and Trust Institution», Studi Veneziani, 13, 1971, p. 105-220.
2. Cf. infra sur le fonds Miscellanea Gregolin. Voir également B. Doumerc, «Par Dieu écrivez
plus souvent ! La lettre d’affaires à Venise à la fin du Moyen Âge», La circulation des nouvelles
au Moyen Âge. XXIVe Congrès de la SHMES, Avignon, juin 1993, Rome – Paris, 1994, p. 99-109.
3. Cf. Vita mercantile italiana. Rassegna di documenti degli Archivi di Stato d’Italia, Rome, 1956,
n° 33.
4. Ces buste sont réparties en trois séries (Ultra, Citra, Misti). Il en existe des inventaires
assez précis en salle de lecture.
5. Cf. Ashtor, «L’exportation des textiles», art. cité; Delort, Le Commerce des fourrures, op. cit.;
Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit.
6. Cf. Doumerc, «La crise structurelle», art. cité.
7. Voir en particulier l’étude, à partir de ce fonds, de G. Luzzatto, «L’attività commerciale
di un patrizio veneziano del Quattrocento», Rivista di Storia economica 8, 1943, p. 1-22, rééd. Studi
di storia economica veneziana, Padoue, 1954, p. 167-194; G. Dalla Santa, «Di un patrizio mercante
veneziano del Quattrocento e di Francesco Fidelfo suo debitore», Nuovo Archivio veneto, n. s.,
11, 2, 1906, p. 63-88 ; Delort, Le Commerce des fourrures, op. cit. ; Doumerc, «Les relations
commerciales entre Djerba», art. cité ; id., «La ville et la mer», art. cité.
8. Archivi diversi, Gregolin. Ce fonds, constitué par l’archiviste Francesco Gregolin au XIXe siècle,
est assez disparate, et conserve notamment des lettres privées et commerciales. Il en existe un
inventaire de la fin du XIXe siècle en salle de lecture. Cf. Doumerc, «Par Dieu écrivez plus
souvent!», art. cité.
9. F. C. Lane, Andrea Barbarigo, Merchant of Venice 1418-1449, Baltimore, 1944, tr. it. I mercanti
di Venezia, Turin, 1982.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 79

Le fonds de la famille Barbarigo (lettres, livres de comptes) 1 a été utilisé


par Frederic C. Lane, et contient quelques documents sur le Maghreb 2.
Enfin dans la section Miscellanea di carte non appartenente a nessun archivio on
trouve des documents sur le commerce maritime, notamment des livres de
comptabilité et des lettres commerciales, qui pourraient intéresser le Maghreb.
Les Statuts maritimes de Venise ont été édités, à partir de plusieurs
manuscrits, et montrent, outre les règles générales appliquées à la navigation,
des indications propres aux destinations maghrébines (notamment les Monts
de Barca) : R. Predelli, A. Sacerdoti, éd., «Gli statuti marittimi veneziani
fino al 1225», Nuovo Archivio Veneto, n.s., 4, 1902, p. 113-161, 267-291 ; 5,
1903, p. 161-251, 314-355.

III. — La documentation judiciaire


Plusieurs magistratures avaient à Venise pouvoir de juger des délits
commerciaux ou liés à la navigation, avec des systèmes d’appel qui
expliquent que l’on trouve des documents utiles dans différentes séries.
La série la plus souvent utilisée est celle des Sentenza a giustizia des Giudici
di Petizion 3. Ce tribunal avait autorité pour juger notamment toutes les
affaires commerciales impliquant des Vénitiens et mettant en jeu des sommes
supérieures ou égales à 50 livres (puis 50 ducats) 4. Il concerne donc les
patrons, les membres de l’équipage, les marchands, les représentants outre-
mer des sociétés marchandes, et fait également apparaître les partenaires
locaux, notamment musulmans. On trouve dans ces procès des témoignages,
des comptes, des preuves écrites ou orales, qui sont une mine de
renseignements sur la pratique des affaires et les problèmes posés aux
marchands. On rencontre des mentions de voyages pour le Maghreb à partir
de 1406, mais celles-ci deviennent plus nombreuses à partir des années
1420 5. Ces documents, souvent très riches et précis sur les problèmes liés à
la navigation et au commerce, ont été utilisés notamment pour l’étude des
assurances à Venise par Karin Nehlsen-von Stryk, qui donne la liste des
conflits relevant des assurances pour des transports vers le Maghreb entre
1430 et 1460 6. Mais il est possible de trouver des informations sur tous les

1. Cf. É. Vallet, Marchands vénitiens en Syrie à la fin du XVe siècle, Paris, 1999.
2. Archivio privato, Barbarigo-Grimani.
3. Frammenti antichi appartenenti a serie diverse, 15 buste (1290-1613); Sentenze a giustizia, à
partir de 1366 (les 200 premiers registres concernent les XIVe et XVe siècles).
4. Sur ce Tribunal, voir notamment G. I. Cassandro, «La curia di petizion», Archivio Veneto,
ser. 5, part. 2, 20, 1937, p. 1-210.
5. Stöckly, «Les premiers convois», art. cité, p. 480.
6. K. Nehlsen-von Stryk, «Die venezianische Seeversicherung im 15. Jh.», Abhandlungen zur
rechtswissenschaftlischen Grundlagenforschung, 64, Munich, 1986, tr. it. L’assicurazione marittima
a Venezia nel XV secolo, Rome, 1988. Ces documents montrent les trajets, les noms des patrons,
des marchands, les sommes engagées et les types de marchandises, ainsi que la raison de la
perte (notamment un acte de piraterie).
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80 DOMINIQUE VALÉRIAN

aspects du commerce maritime vénitien dans le monde musulman, et


notamment les galées de Berbérie et du Trafego 1. Outre la série des Sentenze
a giustizia, le fonds des Petizion comprend plusieurs autres sous-séries, dont
celle des Estraordinario notari, qui conserve des documents intéressant le
Maghreb 2.
Autre instance judiciaire, les Giudici al Forestier 3 s’occupaient notamment
des affaires entres étrangers et Vénitiens, touchant parfois au commerce, et
au XIVe siècle leurs fonctions s’étendent aux conflits liés au droit maritime.
On y trouve par exemple une liste de chargement des galées de Berbérie de
1470-1471 4.
Les Avocats de la Commune (Avogaria di comun) étaient chargés de veiller
aux intérêts de la Commune, et donc de contrôler l’application des lois,
notamment en matière fiscale5. La série des Raspe conserve en particulier les
décisions judiciaires en deuxième instance, et touchant notamment aux
affaires mettant en cause les patrons de galères 6.
Enfin les registres de grâces (Grazie) du Cassiere della bolla ducale 7 montrent
des affaires liées à la navigation avec le Maghreb 8 et aux consulats d’outre-
mer, avec des information d’ordre diplomatique (ambassades, affaires de
rachats).
Éditions:
- E. Favaro, éd., Cassiere della Bolla ducale. Grazie - Novus Liber 1299-1305,
Fonti per la storia di Venezia, sez. 1, Venise, 1962 (édition du 1er registre, avec
une présentation générale et un inventaire du fonds jusqu’au milieu du
XVe siècle).
- Jorga, «Notes et extraits», art. cité (éditions et régestes).

IV. — Les chroniques


Comme pour les autres grandes cités méditerranéennes, les chroniques
vénitiennes ont chanté la grandeur de l’expansion maritime de la République
et notamment sa lutte contre les puissances musulmanes. C’est le cas en
particulier de l’Istoria Veneticorum qui s’achève au début du XIe siècle et

1. Doumerc, «La ville et la mer», art. cité; Ashtor, «L’exportation des textiles», art. cité ; id.,
«Pagamento in contanti e baratto nel commercio italiano d’Oltremare (secoli XIV-XVI)», Storia
d’Italia. Annali 6 : Economia naturale, economia monetaria, Turin, 1983, p. 363-396 ; id., «The
Venetian Supremacy in Levantine Trade: Monopoly or Pre-colonialism?», The Journal of European
Economic History, t. 3, n° 1, 1974, p. 5-53, rééd. Studies in the Levantine Trade in the Middle Ages,
Londres, 1978 ; id., Levant Trade, op. cit.
2. Reg. 1-32 pour les XIVe et XVe siècle.
3. Documents à partir de 1320.
4. Vita mercantile italiana. Rassegna di documenti degli Archivi di Stato d’Italia, Rome, 1956,
n° 126.
5. Utilisé par Doumerc, Venise et l’émirat hafside, op. cit.
6. Stöckly, «Les premiers convois», art. cité.
7. 25 registres, a. 1299-1445.
8. Cf. Hocquet, Voiliers et commerce, op. cit. (sur le sel).
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 81

rapporte les incursions musulmanes en Méditerranée et la résistance des


Vénitiens et de la papauté.
Giovanni Diacono, Istoria Veneticorum, éd. et trad. ital. L. A. Berto, Bologne,
1999 (Fonti per la Storia dell’Italia medievale, 2).
Les auteurs tardifs ont cependant montré également un intérêt réel aux
affaires commerciales et à la navigation. Plusieurs de ces textes sont encore
à l’état manuscrit, notamment dans les bibliothèques de Venise1.
Les premières grandes chroniques, de la fin du XIIIe siècle et du XIVe
siècle, montrent surtout la lutte contre Gênes et ses répercussions sur le
commerce et la navigation avec le Maghreb. C’est le cas du texte de Martin
da Canal, un auteur mal connu (et peut-être pas vénitien), qui écrit à la fin
du XIIIe siècle une histoire de Venise, ou des récits de Pietro Giustinian (qui
mène jusqu’en 1358) et du doge Andrea Dandolo (qui va jusqu’en 1339,
avec une suite écrite par Raffaelo de Caresino jusqu’en 1388).
- Martin da Canal, Les estoires de Venise, Cronaca veneziana in lingua francese
dalle origini al 1275, éd. A. Limentani, Civiltà Venezia, Fonti e Testi, XII,
Florence, 1972.
- Venetiarum Historia vulgo Petro Iustiniano Iustiniani filio adiudicata, éd.
R. Cessi, F. Bennato, Venise, 1964.
- Andrea Dandolo, Chronica per extensum descripta a. 46-1280 d. C, éd.
E. Pastorello, RIS2 12/1, 1937-1958.
La chronique d’Antonio Morosini, qui pour l’essentiel reste inédite 2, offre
une «quantité exceptionnelles d’informations sur le trafic maritime» 3. Écrit
entre 1380 et 1433, le récit débute à la fin du XIe siècle, mais ne devient
vraiment original à partir de 1414. Morosini a pu avoir accès à des documents
de la chancellerie ducale et à d’autres fonds officiels, notamment pour
l’organisation des galées, et est donc une source de premier ordre.
Plus tardives (elles couvrent les années 1457-1500), les Annales de Domenico
Malipiero sont également très utiles pour tout ce qui touche au
fonctionnement des lignes de galées, aux problèmes de navigation
(notamment la piraterie), aux échanges commerciaux et aux relations
diplomatiques avec les États maghrébins. Il en est de même des «Journaux»
(Diari) de Girolamo Priuli (un marchand et banquier, dont le récit couvre les
années 1494-1512) et surtout de Marino Sanudo. Le récit de ce dernier,
commencé en 1496, est imprégné par l’esprit de guerre sainte qui anime
ces dernières années du siècle (avec notamment les préparatifs et la réalisation

1. Cf. F. Thiriet, «Les chroniqueurs vénitiens de la Marcienne et leur importance pour


l’histoire de la Romanie gréco-vénitienne», Mélanges d’archéologie et d’histoire, 66, 1954, p. 241-
292 (notamment pour la chronique d’Antonio Morosini).
2. Il existe à la bibliothèque Marciana une copie du XIXe siècle d’un original conservé à
Vienne. Les extraits édités par L. Dorez, Cronica, Paris, 1898, concernent pour l’essentiel
l’histoire du royaume de France.
3. F. C. Lane, «La marine marchande et le trafic maritime de Venise à travers les siècles»,
Les Sources de l’histoire maritime en Europe du Moyen Âge au XVIIIe siècle, actes du IVe colloque
international d’histoire maritime, Paris, 20-23 mai 1959, Paris, 1962, p. 10.
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82 DOMINIQUE VALÉRIAN

de la croisade d’Afrique par les Espagnols, et des récits de conversions de


l’islam au christianisme et réciproquement). La course et la piraterie y sont
également très présentes, avec en particulier l’arrivée récente des Turcs en
Méditerranée occidentale. Mais comme les autres chroniqueurs, Sanudo
attache également une grande importance au commerce et aux lignes de
navigation, copiant ou résumant parfois des lettres écrites par les patrons
de galères, et donnant une multitude d’informations sur les échanges
commerciaux des Vénitiens (ou d’autres) au Maghreb. Enfin une chronique
anonyme vénitienne, conservée à la bibliothèque nationale de Florence,
donne des informations sur le commerce maghrébin 1.
- Domenico Malipiero, Annali Veneti, dall’anno 1457 al 1500, éd. A. Sagredo,
Archivio Storico Italiano, ser. 1, VII, 1843-1844, p. 3-586, 589-720.
- Girolamo Priuli, I Diarii, éd. A. Segre, RIS2, XXIV, 3, 1940.
- Marino Sanudo, Diarii, éd. F. Stefani et al., Venise, 1879-1903, 58 vol.
(a. 1496-1533).

1. Anonima cronaca veneta, manuscrit BN Florence, fondo Gino Capponi, 1855 (CXLVI), citée
par E. Ashtor, «The Wheat Supply of the Mamluk Kingdom», Asian and African Studies, 18, 1984,
p. 283-295.
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CHAPITRE 4
Sicile et Italie du Sud

La proximité des côtes africaines a très tôt favorisé les entreprises de


conquête ou de razzias musulmanes en Italie du Sud et en Sicile 1. Par la suite
la Sicile a conservé, après la prise de l’île par les Normands à la fin du XIe
siècle, des relations privilégiées avec le Maghreb.
Sur le plan politique, les souverains normands 2 et leurs successeurs ont
cherché, avec des bonheurs variables, à imposer des formes de domination
politique sur le Maghreb oriental (conquêtes, tribut). Les diverses
souverainetés étrangères, en particulier celle de la Couronne d’Aragon,
expliquent cependant qu’une partie des fonds documentaires de la politique
sicilienne en Afrique se trouve non pas en Sicile mais à Barcelone, notamment
dans les archives de la Couronne d’Aragon.
Sur le plan économique et commercial, la proximité de l’île avec les côtes
maghrébines en a fait un des points d’appui majeurs du commerce avec les
ports de la rive sud, principalement ceux d’Ifrîqiya orientale. Par ailleurs grâce
à sa position centrale, entre les deux bassins occidental et oriental de la
Méditerranée, elle est un lieu de passage privilégié pour de nombreux
marchands italiens, en particulier du Nord de la Péninsule, mais aussi pour
les sujets de la Couronne d’Aragon venus de Barcelone, Majorque ou Valence.
Le commerce sicilien avec le reste de la Méditerranée a ainsi été très largement
pris en mains par des opérateurs étrangers à l’île 3. Il n’est donc pas surprenant
de trouver des informations sur les relations commerciales entre la Sicile et
le Maghreb dans les archives des grandes cités marchandes du reste de la
Méditerranée. À l’inverse, les fonds siciliens sont riches en documents sur
l’activité des mêmes marchands étrangers à l’île, en relation avec l’Afrique
du Nord.

Les fonds siciliens conservent donc de nombreux documents sur le


Maghreb, principalement dans les archives de Palerme, Trapani et dans

1. Il existe des textes arabes écrits dans le contexte sicilien, dont la célèbre géographie d’Idrîsî.
Il n’en sera cependant pas question ici. On pourra se reporter à M. Amari, Biblioteca arabo-sicula,
XXX, et à la présentation des sources de la thèse d’A. Nef citée infra, p. 351-359.
2. Cf. A. Nef, L’élément islamique dans la Sicile normande: identités culturelles et construction d’une
nouvelle royauté (XIe–XIIe siècle), Thèse de l’Université Paris X - Nanterre, sous la direction
d’H. Bresc, 2001.
3. Cf. D. Abulafia, The Two Italies: Economic Relations between the Norman Kingdom of Sicily and
the Northern Communes, Cambridge, 1977.
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84 DOMINIQUE VALÉRIAN

une moindre mesure Messine 1. Ils sont en général relativement tardifs, du


XIVe et surtout du XVe siècle. Enfin, il intéressent essentiellement les ports
du Maghreb oriental, en particulier Tunis, les ports du Sahel (Sousse,
Monastir, Sfax) et les îles (Djerba, Kerkenah).
Il n’existe pas à ce jour d’étude d’ensemble sur les relations entre la Sicile
et le Maghreb, même si cette question a été abordée dans le cadre de travaux
sur la Sicile ou la Méditerranée. Une présentation générale des fonds siciliens
pour l’histoire du commerce a été faite en 1959 par Carmello Trasselli au cours
du quatrième colloque international d’histoire maritime consacré aux sources
de l’histoire maritime en Europe 2. Le même a réalisé une étude fournie sur
les relations entre la Sicile et la Tunisie, à partir notamment des archives de
Trapani 3. Le travail d’ensemble le plus importante reste cependant la thèse
d’Henri Bresc, qui offre une présentation des sources et des informations très
nombreuses sur les différents aspects de ces relations 4.

I. — Palerme
Le fonds le plus riche pour la Sicile est celui de sa capitale Palerme. En plus
des documents touchant directement la ville, on trouve des informations
concernant le reste de l’île et ses principaux ports. Comme pour l’ensemble
de la Sicile, les fonds palermitains utiles ne remontent guère au-delà du
XIVe siècle, à l’exception notable de quelques minutiers de notaires. Pour les
époques plus anciennes il faut donc se reporter soit à des documents d’autres
origines (en particulier génois, pour le commerce), soit aux chroniques qui
donnent des informations sur la politique entreprise en direction du Maghreb.

1. La documentation politique
La documentation publique, répartie entre plusieurs fonds de l’Archivio
di Stato et de l’Archivio storico (commune), intéresse bien sûr les relations
politiques avec le Maghreb oriental, ainsi que les affaires liées à la piraterie,
mais aussi les aspects économiques. En effet le commerce sicilien, où le blé
joue un rôle de premier plan, est en partie contrôlé par l’État, à travers des
institutions comme le Maître portulan, qui gère les exportations de grains.

1. Il faut cependant souligner que, pour la Sicile davantage que pour les autres ports italiens,
de nombreux documents utiles sont conservés hors de l’île: dans les grandes cités marchandes
du Nord (notamment Gênes), mais surtout dans les Archives de la chancellerie de la Couronne
d’Aragon, conservées à Barcelone. Il faut également signaler les archives de Malte, en particulier
les actes du conseil de la ville, qui à partir de 1450 donnent des informations en relation avec
le Maghreb, notamment sur la piraterie. Cf. G. Wettinger, éd., Acta iuratorum et consilii civitatis
et insulae Maltae, Palerme, 1993.
2. C. Trasselli, «Les sources d’archive pour l’histoire du trafic maritime en Sicile», Les Sources
de l’histoire maritime en Europe du Moyen Âge au XVIIIe siècle, actes du IVe colloque international
d’histoire maritime, Paris, 20-23 mai 1959, Paris, 1962, p. 105-119.
3. C. Trasselli, «Sicilia, Levante e Tunisia nei sec. XIV e XV», Mediterraneo e Sicilia all’inizio
dell’epoca moderna, Cosenza, 1977 (1re éd. Trapani, 1952), p. 71-169.
4. H. Bresc, Un Monde méditerranéen; économie et société en Sicile, 1300-1450, Rome-Palerme, 1986.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 85

Plusieurs séries offrent des documents émanant du souverain ou de ses


représentants. Il s’agit de la chancellerie (Cancelleria), du Protonotaro del
regno, ainsi que les lettres des rois et des vice-rois (Lettere reali, lettere viceregie).
Ces séries conservent des documents d’intérêts assez comparables, même
si leur forme diffère.
La chancellerie, qui existe dès l’époque normande, a pour fonction
d’enregistrer tous les actes produits par le pouvoir central 1. Les registres les
plus anciens remontent à la fin du XIIIe siècle 2. Mais la série ne devient
vraiment complète qu’à partir des années 1330, et surtout pour le XVe siècle3.
Le Protonotaro del regno a également pour fonction l’enregistrement des
documents émanant du souverain 4. On y trouve donc des documents assez
semblables aux précédents. La série ne commence qu’au milieu du XIVe
siècle 5. Mais, comme pour la chancellerie, le volume des actes devient
important surtout au XVe siècle 6.

Enfin les lettres royales et des vice-rois, conservées dans deux sous-séries
du Tribunale del Real Patrimonio (Lettere reali et Lettere viceregie) 7, conservent
la correspondance émise par les souverains ou leurs représentants. Les
quatre registres des lettres royales vont de 1397 à 1406 8, et les lettres des vice-
rois commencent en 1423 9.
L’Archivio storico del Comune de Palerme conserve également une série de
documents officiels qui intéressent à l’occasion les relations avec le Maghreb.
Les registres des Lettere ed Atti du Sénat, dont plusieurs ont fait l’objet d’une
édition, complètent la documentation de l’Archivio di Stato.
Plusieurs de ces registres ont été édités dans la série Acta curie felicis urbis
Panormi. Voir notamment
P. Corrao, éd., Registri di lettere ed atti (1328-1333), Palerme, 1986 (vol. 5).
L. Sciascia, éd., Registri di lettere (1321-22 e 1335-36), Palerme, 1987 (vol. 6).
P. Sardina, éd., Registri di lettere e atti (1395-1410), Palerme, 1994 (vol. 11).

Ces documents, de nature très variée, montrent tous l’intervention du


souverain ou de ses représentants. Leur intérêt dépasse donc très largement
l’histoire strictement politique ou diplomatique. On peut certes trouver des
informations sur les ambassades (instructions, dépenses d’ambassade), les

1. Répertoire numérique : Archivio di Stato di Palermo, R. Cancelleria di Sicilia. Inventario


sommario (secc. XIII-XIX), Rome, 1950 (PAS, 3).
2. Reg. 1, a. 1299-1358; Reg. 2, a. 1285-1332.
3. Reg. 1-38 : XIVe siècle ; reg. 39-201 : XVe siècle.
4. Il en existe un inventaire sommaire en salle de lecture des archives.
5. Reg. 1, a. 1349-1363.
6. Documents du XIVe siècle jusqu’au reg. 13 (a. 1398-1400); première moitié du XVe siècle
jusqu’au reg. 42 (a. 1449-1450); seconde moitié du XVe siècle jusqu’au reg. 193 (a. 1499-1500).
7. Inventaire sommaire manuscrit en salle de lecture des archives.
8. Reg. 1 (a. 1397) ; 2 (a. 1404) ; 3 (a. 1404); 4 (a. 1406).
9. Reg. 1-41, première moitié du XVe siècle ; reg. 42-196, seconde moitié.
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86 DOMINIQUE VALÉRIAN

négociations de paix ou les traités 1. L’organisation par le souverain des


expéditions navales contre les côtes musulmanes laisse également dans ces
fonds des traces importantes. Mais ce qui est plus particulièrement mis en
lumière sont les cas de piraterie ou de fraude. La piraterie sicilienne, et ses
corollaires l’esclavage et le rachat des captifs, ont fait l’objet de plusieurs
études qui se sont appuyées sur ces fonds des archives de Palerme 2. Selon
que la Sicile est en guerre ou non avec le sultanat hafside, le souverain
accorde des lettres de course ou au contraire prend des mesures pour
réprimer les actes de piraterie à l’encontre des sujets hafsides, à bord des
navires musulmans ou chrétiens. La défense des côtes siciliennes,
particulièrement touchées à partir du milieu du XIVe siècle, préoccupe par
ailleurs les souverains qui s’attachent à renforcer les postes de défense 3 et
les flottes destinées à combattre les pirates. En aval, les autorités siciliennes
peuvent reconnaître la légalité de prises faites contre des musulmans, ou à
l’inverse réclamer leur restitution pour ne pas nuire aux bonnes relations
politiques et économiques avec le sultanat. Ces documents informent de
manière indirecte sur les relations commerciales entre la Sicile et le Maghreb
(capture de cargaisons destinées aux marchés africains ou en revenant,
plaintes de marchands au roi, détaillant les produits transportés et les ports
fréquentés), et plus généralement sur la navigation commerciale au large du
Maghreb (prises de navires musulmans, ou de navires chrétiens portant
des marchands et des marchandises musulmans, notamment entre l’Orient
et le Maghreb). D’une manière générale les captifs, des deux côtés,
apparaissent en grand nombre dans ces fonds, notamment pour leur rachat4.
Ces fonds sont également intéressants pour l’étude du commerce illicite, ou
plus généralement des fraudes. On y trouve des cas de marchands ou de
patrons de navires devant payer une amende pour avoir exporté des produits

1. Voir en particulier V. D’Alessandro, Politica e società nella Sicilia aragonese, Palerme, 1963 ;
Fr. Giunta, «Sicilia e Tunisia nei secoli XIV e XV», Medioevo Mediterraneo. Saggi storici, Palerme,
1954, p. 137-190 ; G. La Mantia, «La Sicilia ed il suo dominio nell’Africa settentrionale dal
secolo XI al XV», Archivio Storico Siciliano, 44, 1922, p. 154-265 ; C. Trasselli, «Sicilia, Levante
e Tunisia nei sec. XIV e XV», Mediterraneo e Sicilia all’ inizio dell’ epoca moderna, Cosenza, 1977
(1re éd. Trapani 1952), p. 71-169 (qui transcrit partiellement certains documents).
2. H. Bresc, «Pantelleria entre l’Islam et la chrétienté», Cahiers de Tunisie, XIX, 71/72, 1971,
p. 105-127; id., «Course et piraterie en Sicile (1250-1450)», Anuario de Estudios Medievales, 10,
1980, p. 751-765 ; id., «La course méditerranéenne au miroir sicilien (XIIe - XVe siècles)»,
L’Exploitation de la mer. La mer, moyen d’échange et de communication. VIe rencontres internationales
d’archéologie et d’histoire, Antibes, octobre 1985, Juan-les-Pins, 1986, p. 91-110 ; id., Arabes de
langue, juifs de religion. L’évolution du judaïsme sicilien dans l’environnement latin, XIIe-XVe siècles,
Paris, 2001; D’Alessandro, Politica, op. cit.; C. Trasselli, «Note sui Ragusei in Sicilia», Economia
e Storia (Milan), 12, 1965, p. 40-79.
3. Cf. F. Maurici, «Le difese costiere della Sicilia (secoli VI – XV)», Castrum 7. Zones côtières
littorales dans le monde méditerranéen au Moyen Âge : défense, peuplement, mise en valeur, Actes du
colloque international organisé par l’Ecole français de Rome et la Casa de Velázquez, Rome, 23-26
octobre 1996, éd. J.-M. Martin, Rome – Madrid, 2001, p. 177-204.
4. Cf. S. Fodale, «Il riscatto dei Siciliani “captivi” in Barberia (XIV-XV secolo)», Quaderni
medievali, 12, 1981, p. 61-84.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 87

interdits aux musulmans (du fer notamment), ou pour n’avoir pas payé les
taxes correspondantes à ces exportations (pour des esclaves des Monts de
Barca par exemple) 1. Ces registres conservent également des décisions
royales relatives à des conflits commerciaux, notamment avec des marchands
étrangers, dont certains pourraient concerner le Maghreb. On peut y trouver
par ailleurs des informations sur les monnaies 2. Enfin certains documents
sont relatifs aux opérations de commerce du Real Patrimonio, notamment dans
les Lettere viceregie3.

On trouve dans ces fonds quelques tarifs douaniers du début du XIVe


siècle (pour Palerme, Messine, Agrigente et Trapani), qui permettent de
voir certains produits importés par l’île depuis le Maghreb, ainsi que les taxes
levées sur les marchands originaires d’Afrique du Nord (juifs ou musulmans),
et sur les anciens captifs rentrant chez eux.
G. La Mantia, éd. Le Pandette delle gabelle regie antiche e nuove di Sicilia nel
secolo XIV, Palerme, 1906, rééd. anastatique en annexe de R. M. Dentici
Buccellato, éd., Fisco e società nella Sicilia Aragonese. Le pandette delle gabelle regie
del XIV secolo, Acta curie felicis urbis Panormi, 2, Palerme, 1983, p. 211-321 (à
partir d’un manuscrit du XIVe siècle conservé dans le vol. 5 du Protonotaro
del regno).

Édition de documents divers:


B. et G. Lagumina, éd., Codice diplomatico dei Giudei di Sicilia, I, 1, Documenti
per servire alla storia di Sicilia, Ia serie, Diplomatica, vol. 6, Palerme, 1884; id.,
I, 2, ibid., vol. 12, Palerme, 1890.
F. Lionti, éd., Codice diplomatico di Alfonso il Magnifico, I, 1416-1417,
Documenti per servire alla storia di Sicilia, vol.15, 1891 (rachats de captifs).
Fr. Giunta, «Fra Giuliano Mayali, agente diplomatico di Alfonso il
Magnanimo (1390 (?)-1470)», Archivio storico siciliano, ser. 3, vol. 2, 1947,
p. 153-183 (régestes et éd. partielles 4).
H. Bresc, «Le royaume normand d’Afrique et l’archevêché de Mahdiyya»,
Le Partage du monde. Échanges et colonisation dans la Méditerranée médiévale, dir.
M. Balard et A. Ducellier, Paris, 1998, p. 347-366 (inventaire du trésor de
l’église de Mahdia, vers 1160, conservé dans les archives de la Chapelle
palatine de Palerme).
Trasselli, «Sicilia, Levante e Tunisia», art. cité.

1. Bresc, Arabes de langue, op. cit.


2. St. R. Epstein, An Island for itself. Economic Development and Social Change in Late Medieval
Sicily, Cambridge, 1992, p. 308 (fonte de dinars maghrébins).
3. Elles complètent les données contenues dans les registres des Tribunale del Real Patrimonio
et Conservatoria di registro (cf. infra).
4. Francesco Giunta cite également dans cet article des documents conservés dans les archives
du monastère de San Martino et dans les parchemins San Martino de l’Archivio di Stato de
Palerme, qui intéressent une ambassade à Tunis.
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88 DOMINIQUE VALÉRIAN

2. Le Real Patrimonio
La deuxième série importante de documents relatifs au Maghreb est liée
à l’implication de la Couronne dans les affaires économiques, en particulier
à travers le Real Patrimonio, qui gérait et surveillait les exportations de
certains produits comme les céréales.
La Sicile est en effet un des greniers à blé de la Méditerranée occidentale.
Si elle exporte principalement en direction des autres terres chrétiennes,
elle envoie parfois une partie de sa récolte vers les pays musulmans, en
particulier en Ifrîqiya. Ce commerce, qui fait parfois l’objet d’interdits
pontificaux ou royaux, est en effet bien attesté à certaines époques. Le Maître
portulan avait notamment pour fonction de vendre les céréales et d’acheter
sur les marchés maghrébins des produits qui étaient ensuite ramenés en Sicile.
Ce commerce «officiel» a laissé des traces importantes, principalement dans
les registres du Tribunale del Real Patrimonio et dans ceux des Conservatoria
di registro.
Organisme de contrôle en matière financière, le Real Patrimonio avait des
officiers chargés de veiller aux intérêts économiques du souverain, avec
une autorité judiciaire, notamment en matière commerciale 1. Les différentes
séries qui constituent le Tribunale del Real Patrimonio, si elles dépassent
largement le simple cadre des affaires économiques 2, sont d’une grande
utilité pour l’étude des échanges commerciaux avec le Maghreb.
Les registres comptables du Maestro Portulano ne sont conservés de manière
continue qu’à partir du XVIe siècle. Certains registres du XVe siècle se trouvent
cependant dans la série Miscellanea (ou: numerazione provvisoria) du fonds du
Tribunale del Real Patrimonio 3. Des mentions d’exportation de grains vers le
Maghreb, ou des procès pour exportations illégales, peuvent s’y trouver 4.

1. C. Trasselli, «L’Archivio del Patrimonio del Regno di Sicilia», NAS, 14, 1, 1954, p. 106-127;
P. Corrao, «L’Ufficio del Maestro Portulano in Sicilia fra Angioini ed Aragonesi», La Società
mediterranea all’epoca del Vespro. XI Congresso di storia della Corona d’Aragona (Palermo - Erice 25-
30 aprile 1982), II, Palerme, 1983, p. 419-431. Sur ce fonds, voir L. Salamone, «L’archivio del
Maestro Portulano del Regno di Sicilia», Archivio storico messinese, 63, 1993, p. 75-124.
2. Cf. supra les Lettres royales et des vice-rois.
3. Cf. L. Salamone, «La numerazione provvisoria del Tribunale del Real Patrimonio
nell’Archivio di Stato di Palermo», Archivio storico messinese, 73, 1997. On trouve dans cette même
série d’autres livres de comptes de la fin du XVe siècle, qui pourraient conserver des documents
sur le commerce avec le Maghreb. Les registres du Maestro Portulano, dispersés dans la série,
sont les suivants (Le plus anciens se trouve dans le fonds Biblioteca, manoscritto n° 34, a. 1396-
1402): reg. 95 (a. 1407-1408), 1031 (a. 1416-1417), 94 (a. 1431-1432), 732 (a. 1442-1443), 886 (a.
1443-1444), 91 (a. 1451-1452), 90 (a. 1455-1456), 715 (a. 1456-1457), 717 (a. 1460-1461), 717 (a.
1460-1461), 50 (a. 1465-1466), 700 (a. 1468-1469), 560 (a. 1469-1470), 698 (a. 1473-1474), 45 (a.
1479-1480), 5 (a. 1485-1486), 100 (a. 1487-1488), 93 (a. 1489-1490), 6 (a. 1496-1497), 490 (a.
1497-1498), 92 (a. 1499-1500), 786 (a. 1500-1501), 805 (fin XVe ou début XVIe siècle).
4. Les destinations sont cependant rarement précisées, les comptes n’indiquant le plus
souvent que le nom du navire et des personnes chargées de l’exportation des grains. Il faudrait
donc pouvoir croiser ces informations avec d’autres, notamment celles fournies par les actes
notariés de la même époque. E. Ashtor, «Pagamento in contanti e baratto nel commercio
italiano d’Oltremare (secoli XIV-XVI)», Storia d’Italia. Annali 6 : Economia naturale, economia
monetaria, Turin, 1983, p. 363-396 ; M. Aymard, «Le blé de Sicile, année 1500», Studi dedicati a
Carmello Trasselli, dir. G. Motta, Messine, 1983, p. 77-97.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 89

Les registres des Atti, conservés à partir de 1429, concernent les activités
du tribunal du Real Patrimonio 1. On y trouve des décisions de justice
concernant des affaires commerciales, notamment de contrebande.

La série Conservatoria di Registro (dans la section Conservatoria del Real


Patrimonio), «substitut commode des fonds perdus des Maîtres racionaux»
(Bresc), conserve des documents relatifs aux opérations commerciales de la
Curia regis, notamment en Afrique du Nord. Le registre le plus ancien de la
sous-série mercedes contient des documents remontant au milieu du XIIIe siècle
(reg. 1, a. 1252-1451), mais la série ne devient vraiment fournie qu’à partir
du début du XVe siècle 2. La sous-série computa commence au début du XVe
siècle (reg. 841, a. 1411-1423), et compte une quarantaine de registres jusqu’à
la fin du siècle (reg. 878, a. 1499-1500). Ces deux sous-séries, qui rassemblent
des registres comptables, sont très riches pour l’étude du commerce «d’État»
avec l’Ifrîqiya, et plus généralement tout ce qui, pour des raisons fiscales ou
de monopole, intéresse le Trésor. On y trouve, notamment dans les rubriques
negocia curia ou commissiones, plusieurs comptes d’expéditions de blé, qui
précisent parfois les taxes payées dans les ports musulmans et les achats
effectués sur place 3. Ces documents sont utiles pour connaître non seulement
les modalités de vente (produits, prix, taxes, mesures, monnaies, partenaires
ifrîqiyens), mais aussi de transport (navires, patrons, nolis). De manière
plus marginale on peut y trouver également des frais d’ambassade au sultan
de Tunis, des mentions de procès pour contrebande avec le Maghreb, des
problèmes liées à la piraterie 4 : autant d’affaires diverses, que l’on rencontre
dans d’autres types de fonds, et qui sont reprises ici car elles impliquent des
entrées ou des sorties d’argent.
Ces données peuvent être complétées par le fonds de la Secrezia di Palermo,
office chargé notamment d’enregistrer les marchandises entrant ou sortant
du port (sauf celles concernant le Maestro Portulano, c’est-à-dire les céréales,
les chevaux et biscuits) 5. La série des Lettere conserve les lettres reçues ou
envoyées par les Secrezie des différentes villes (parfois aux autorités
étrangères), les ordres du gouvernement central, les notifications aux patrons,

1. Cf. A. Giuffrida, La Giustizia nel Medioevo siciliano, Palerme, 1975, p. 108-109. Il existe un
inventaire dactylographié de ce fonds en salle de lecture de l’Archivio di Stato. Les 62 premiers
volumes datent du XVe siècle : Reg. 1-9, a. 1429-1450 ; Reg. 10-57, a. 1451-1500.
2. Cet office n’est créé qu’en 1414. Le reg. 2 commence au milieu du XIVe siècle (a. 1360-1415),
puis les documents couvrent le XVe siècle : reg. 3-30 (première moitié) ; reg. 31-84 (seconde
moitié). Il existe des copies du XVIIIe siècle (reg. 690-776). Inventaire sommaire manuscrit en
salle de lecture.
3. Cf. Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit. ; id., «Les jardins de Palerme (1290-1460)»,
Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 84, Rome, 1972, p. 55-127, rééd. Politique et société
en Sicile, XIIe-XVe siècles, Londres, 1990 ; Epstein, An Island for itself, op. cit.
4. Cf. C. Trasselli, «Genovesi a Sicilia», ASLSP, n. s. 9 (83), fasc. 2, 1969, p. 153-178.
5. D’après Trasselli, «Les sources d’archive», art. cité. On y trouve des documents concernant
l’Orient, et peut-être également le Maghreb. Cf. E. Ashtor, A Social and Economic History of the
Near East in the Middle Ages, Londres, 1976.
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90 DOMINIQUE VALÉRIAN

etc. Celles de Palerme remontent à 1406 (reg. 28, a. 1406-1420) 1. Une cour
spéciale était par ailleurs chargée de juger les affaires de sa compétence. La
série des Atti, qui débute en 1415 2, conserve des documents liés à ces affaires.

3. Les Notaires
Comme pour les autres grands ports italiens les notaires de Palerme sont
d’une grande utilité pour les études d’histoire économique 3. Beaucoup
d’entre eux se sont spécialisés dans un type de clientèle, et il est donc
possible de dégager quelques notaires plus particulièrement utiles pour le
commerce maritime avec le Maghreb 4. Ils sont conservés dans la série des
notai defunti. Les plus utilisés sont ceux de la prima stanza 5, mais certains actes
de ces mêmes notaires se trouvent également dispersés dans les séries des
Spezzoni et des Miscellanea notarili 6.
Les fonds notariaux palermitains sont assez tardifs. Les registres les plus
anciens datent de l’extrême fin du XIIIe et du début du XIVe siècle. Les
registres du notaire Adamo de Citella (a. 1286 - 1299), en partie conservés
à l’Archivio storico, ont été édités:
P. Burgarella, éd., Le Imbreviature del notaio Adamo de Citella a Palermo (1°
registro: 1286-1287), Rome, 19817.
P. Gulotta, éd., Le Imbreviature del notaio Adamo de Citella a Palermo (2°
registro, 1298-99), Fonti e Studi del corpus membranarum italicarum, ser. 3,
Imbreviature matricole statuti e formulari notarili medievali, 2, Rome, 1982 8.

1. Inventaire manuscrit en salle de lecture. Reg. 38-41 (première moitié du XVe siècle) ; reg.
42-56 (seconde moitié).
2. Inventaire manuscrit en salle de lecture. Reg. 549 (a. 1415-1419); reg. 550 (a. 1448-1449);
reg. 551-566 (a. 1450-1500).
3. Sur les notaires siciliens et le droit commercial voir en particulier N. Giordano, «Il diritto
marittimo siciliano dalle origini al secolo XIV (contributo alla storia del diritto siculo)», Archivio storico
siciliano, n. s., 41, 1916, p. 359-387; 42, 1917, p. 20-49; 43, 1921, p. 251-278; 44, 1922, p. 53-69.
4. Voir en particulier la présentation des registres notariés dans Bresc, Un monde méditerranéen,
op. cit., p. 25-27. Il s’arrête cependant au milieu du XVe siècle. Pour la seconde moitié du siècle,
qui voit les relations commerciales avec le Maghreb se développer, les études manquent
malheureusement.
5. Inventaire manuscrit en salle de lecture, avec dates extrêmes pour chaque notaire. Henri
Bresc a cependant relevé des documents intéressants la piraterie et les esclaves, ainsi que les
juifs originaires du Maghreb, dans les actes de notaires de Corleone déposés dans la quinta stanza.
Reg. 54, Enrico de Pittacolis (a. 1396-1397) ; reg. 8, Nardino de Pittacolis (a. 1383). Bresc,
«Pantelleria», art. cité ; id., «Un épisode de la guerre de course», art. cité ; id., Arabes de langue,
op. cit.
6. Cf. Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit., p. 25-27, qui donne les références des Spezzoni
pour les différents notaires.
7. Voir également les régestes de P. Burgarella, «Il protocollo del notaio Adamo de Citella
dell’anno 1286-1287», Archivio storico della Sicilia Orientale, 75, 1979, p. 435-553 ; certains
documents ont également été publiés antérieurement par R. Zeno, Documenti per la storia del
diritto marittimo nei secoli XIII e XIV, Turin, 1936.
8. Voir également R. Starrabba, «Catalogo ragionato di un protocollo del notaio Adamo de
Citella dell’anno XII indizione 1289-9 che si conserva nell’Archivio comunale di Palermo»,
Archivio Storico siciliano, XII, XIII, XIV, 1887-1889 (régestes pour l’essentiel). Certains documents
ont été édités par Zeno, Documenti, op. cit.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 91

Pour les XIVe et XVe siècles les notaires cités pour le Maghreb sont les
suivants 1 :
- Les registres de Bartolomeo Citella (a. 1306-1309) ont été transférés dans
la Biblioteca Manoscritti (n° 127a-b)2.
- Reg. 1-5: P. de Salerno (a. 1323-1340).
- Reg. 76: Rogerio de Citella (a. 1326-1327).
- Reg. 77-78: Giacomo de Citella (a. 1328-1329 ; 1331-1332).
- Reg. 81 : Rustico de Rusticis (a. 1337-1348). Notaire pisan exerçant à
Palerme, en particulier pour ses co-nationaux. Nombreux documents
concernant le grand commerce maritime 3.
- Reg. 79: Enrico de Citella (a. 1343-1356), riche en informations d’ordre
commercial.
- Reg. 117-132: Bartolomeo Bononia (a. 1344-1385). Nombreux contrats de
commerce.
- Reg. 134-135 : Stefano Amato (a. 1347-1354, 1355-1356). Notaire qui
exerce à la porte de la Cour des Génois, et instrumente de nombreux contrats
de commerce maritime 4.
- Reg. 604-606: Paolo Rubeo (a. 1410-1419).
- Reg. 798-815 : Antonio Aprea (a. 1426-1458). Documents notamment
sur la piraterie et les activités des Génois à Palerme 5.
- Reg. 839-841: Guglielmo Mazzapiede (a. 1427-1440). Notaire du consulat
catalan à Palerme.
- Reg. 843-861 : Giacomo Comito (a. 1427-1485). Notaire très riche en
contrats maritimes, notamment en nolis, changes et assurances par des
marchands étrangers. Ventes d’esclaves.
- Reg. 792-795: Giovanni Traverso, (a. 1456-1469).
Comme dans les autres fonds de notaires, on trouve dans ces registres des
documents de nature commerciale (céréales, textiles, esclaves des Monts
de Barca), ou liées à la navigation (nolis), ainsi que des affaires de piraterie
et de captifs, ou des incidents survenus dans les ports musulmans. La
situation particulière de la Sicile, ancienne terre musulmane, et peut-être la
proximité avec l’Ifrîqiya, expliquent également que l’on trouve, davantage

1. Outre la thèse d’Henri Bresc, voir notamment du même, «La course méditerranéenne»,
art. cité ; I. Peri, La Sicilia dopo il Vespro. Uomini, città e campagne, 1282-1376, Bari, 1982 ;
Ch. Verlinden, «L’esclavage en Sicile au bas Moyen Âge», Bulletin de l’institut historique belge de
Rome, 35, 1963, p. 13-113 ; G. Petralia, Banchieri e famiglie mercantile nel Mediterraneo aragonese.
L’emigrazione dei Pisani in Sicilia nel Quattrocento, Pise, 1989 ; A. Giuffrida, «Aspetti della
presenza genovese in Sicilia nei secoli XIV e XV», Saggi e documenti, I, 1978, p. 263-293; Trasselli,
«Sicilia, Levante e Tunisia», art. cité.
2. Certains actes de 1308-1309 ont été édités par Zeno, Documenti, op. cit.
3. Sur ce notaire cf. F. Lionti, «Le Società dei Bardi, dei Peruzzi e degli Acciajuoli in Sicilia»,
Archivio storico siciliano, n. s., 14, 1889, p. 189-230.
4. Voir notamment A. Giuffrida, «La realtà economica della presenza genovese in Sicilia nel
secolo XIV», Genova e Pisa, Atti del seminario di studi sulle interrelazioni tra il regno di Sicilia e i comuni
di Genova e di Pisa nell’età di Enrico VII di Lussemburgo, Istituto storico siciliano, Palerme, 1988, p. 79-
85. Certains actes de 1350 ont été édités par Zeno, Documenti, op. cit.
5. J. Heers, Gênes au XVe siècle. Activité économique et problèmes sociaux, Paris, 1961.
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92 DOMINIQUE VALÉRIAN

que dans les autres ports d’Italie, des marchands maghrébins, juifs 1 ou
musulmans, qui viennent commercer dans l’île, sur leurs propres navires ou
sur des navires chrétiens.
Éditions de documents divers des archives de Palerme:
- Sh. Simonsohn, tr., The Jews in Sicily, II, 1302-1391, Studia post-biblica,
vol. 48, 3, Leyde, 2000.
- H. Bresc, «Un épisode de la guerre de course: l’échec d’une ambassade
sicilienne auprès de Martin, duc de Montblanc (1383)», Archivio storico per
la Sicilia Orientale, 66, 1970, p. 137-144.
- R. Zeno, éd., Documenti per la storia del diritto marittimo nei secoli XIII e XIV,
Turin, 1936.
- A. Giuffrida, «Frammenti di corrispondenza commerciale del genovese
Giovanni Gregorio Stella residente a Tunisi (1479-1480)», Cahiers de Tunisie,
XX, 77/78, Tunis, 1972, p. 25-37 (sur un procès, devant la Magna Curia Regia
de Palerme, pour un conflit commercial survenu à Tunis. Archivio di Stato
di Palermo, Corte pretoriana, vol. 5, fasc. 8).

II. — Autres ports de Sicile

1. Messine
Les Statuts et privilèges de Messine montrent que, à l’époque aragonaise,
la ville entretenait des relations commerciales suivies avec le Maghreb et avait
un consul à Tunis. Ils montrent également la dégradation progressive de la
situation à partir de la fin du XIVe siècle, en raison de la piraterie 2 :
C. Giardina, éd., Capitoli e privilegi di Messina, Palerme, 1937.
Par contre il est difficile de connaître la réalité de ce commerce jusqu’au
XIVe siècle. Pour le XVe siècle, et en dépit de destructions importantes en 1943,
les archives de Messine 3 conservent des minutiers de notaires utiles pour
l’étude du commerce maghrébin 4. Le notaire Andriolo en particulier rédige
dans les années 1416-1430 des contrats liés aux affaires avec l’Orient et le
Maghreb, notamment à la traite des esclaves des Monts de Barca 5. D’autres
notaires semblent avoir travaillé pour les marchands allant outre-mer. C’est
le cas notamment de Francesco Mallono (1425-1437) et Matteo Pagliarino
(1469-1470, 1491) 6.
1. Voir notamment Bresc, Arabes de langue, op. cit., qui utilise largement ces notaires.
2. Cf. C. Trasselli, I privilegi di Messina e di Trapani, Palerme, 1949, rééd. Messine, 1992.
3. Outre le chapitre sur Messine dans la Guida generale degli archivi di Stato, voir Gino Nigro,
M. Alibrandi, «L’Archivio di Stato di Messina e i documenti che custodisce (1184-1955)»,
Archivio storico messinese, 3e série, vol. 17-19, 1968, p. 57-92.
4. Inventaire non publié de D. Coppola, Inventario degli atti notarili di Messina (1400 – 1854).
19 registres pour le XVe siècle.
5. M. Alibrandi, «Messinesi in Levante nel Medioevo», Archivio storico siciliano, ser. III, 21-
22, 1971-1972, p. 97-110.
6. D’après L. Genuardi, Il contratto di commenda marittima secondo l’uso di Riviera di Sicilia,
Messine, 1928 ; C. Trasselli, «Sulla economia siciliana del Quattrocento», Archivio storico
messinese, 40, 1982, p. 5-29 ; Ashtor, A Social and Economic History, op. cit.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 93

2. Syracuse
À partir de la fin du XVe siècle, les notaires de Syracuse peuvent être utiles
pour l’histoire du commerce maritime, notamment pour les relations avec
Tripoli 1. Eliyahu Ashtor a utilisé, pour les échanges avec l’Orient, les notaires
Niccolò Vallone et Antonio Piduni 2.

3. Trapani
Face à la côte orientale du Maghreb, Trapani a joué un rôle important
dans les relations entre la Sicile et l’Afrique du Nord 3. La documentation y
est cependant relativement tardive. Mis à part le minutier du notaire d’Erice
Giovanni Maiorana (1297-1300), les registres n’apparaissent qu’en 1391, et
ne deviennent vraiment utiles pour l’histoire du commerce maritime qu’à
partir de 1420 4. Comme pour Palerme, ces notaires renseignent sur ce
commerce, souvent pris en main par les marchands et les navires des cités
de la Péninsule, ainsi que sur les problèmes de piraterie et de captifs, et sur
les pêcheries de corail de Tabarka. Mais on trouve également dans ces
minutiers des copies de délibérations de nature publique ou de lettres reçues
ou envoyées par les autorités communales, et conservées par les notaires 5.
Ils ont été exploités en particulier par Philippe Gourdin 6, Carmello Trasselli 7
et Henri Bresc 8. Les plus souvent cités pour les relations avec le Maghreb sont:
1. Information orale de Henri Bresc.
2. Ashtor, A Social and Economic History, op. cit. ; id., «Pagamento in contanti», art. cité. Voir
également R. M. Rizzo Pavone, «Gli archivi di Stato siciliani e le fonte per la storia degli
ebrei», Italia judaica. Atti del V Convegno internazionale, Palermo, 1992, Rome, 1995, p. 75-88.
3. Ph. Gourdin, «Émigrer au XVe siècle. La communauté ligure des pêcheurs de corail de
Marsacares, II, vie quotidienne, pouvoirs, relations avec la population locale», MEFR, 102/1,
1990, p. 131-171 ; id., «La première intervention européenne dans l’exploitation du corail
maghrébin. Les Catalans et les Siciliens à Tabarka (1446-1448)», Anuario de Estudios Medievales,
27, 1997, p. 1021-1044 ; id., «Cristoforo de Recco, un marchand génois à Trapani au temps de
la Sicile aragonaise (1407-1435)», Oriente e Occidente tra medioevo ed età moderna. Studi in onore
di Geo Pistarino, dir. L. Balletto, Gênes, 1997, p. 421-439.
4. C. Trasselli, «I fondi archivistici della sezione di Archivio di Stato di Trapani», NAS, 8, 1948,
p. 44-45 ; R.-H. Bautier, «Sources pour l’histoire du commerce maritime en Méditerranée du
XIIe au XVe siècle», Les Sources de l’histoire maritime en Europe du Moyen-Âge au XVIIIe siècle, actes
du IVe colloque international d’histoire maritime, Paris, 20-23 mai 1959, dir. M. Mollat, Paris, 1962,
p. 137-179.
5. C. Trasselli, «L’Archivio notarile nella sezione di Archivio di Stato di Trapani», NAS, 8,
1948, p. 134-136. On trouve également dans ces registres des plaintes et actes émanant des
différents tribunaux de la ville, comme celui des consuls de mer. Ibid.
6. Ph. Gourdin, Les relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le Maghreb au
XVe siècle, Thèse sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse; II, Etude de cas: Tabarka
(XVe-XVIIIe siècle). Histoire d’un comptoir européen en terre africaine; id., «L’Afrique du nord est-
elle au Moyen Âge le “grenier à blé” de l’Europe méditerranéenne?», Romanité et cité chrétienne.
Permanences et mutation, intégration et exclusion du Ier au VIe siècle. Mélanges en l’honneur d’Yvette
Duval, Paris, 2001, p. 151-168.
7. C. Trasselli, «Sicilia, Levante e Tunisia nei sec. XIV e XV», Mediterraneo e Sicilia all’ inizio
dell’epoca moderna, Cosenza, 1977 (1re éd. Trapani 1952), p. 71-169 (qui donne la transcription
partielle de certains documents).
8. Voir notamment Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit. ; id., «Course et piraterie», art. cité;
id., Arabes de langue, op. cit.
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94 DOMINIQUE VALÉRIAN

- Alemano Zuccalà: reg. 8526-8535 (a. 1408-1449).


- Giovanni Scanatello: reg. 8537-8564 (a. 1418-1461).
- Giovanni de Nuris: reg. 8567-8571 (a. 1420-1440).
- Giovanni et Giacomo Miciletto: reg. 8587-8598 (a. 1432-1467).
- Durdugla de Durdugla: reg. 8602-8619 (a. 1437-1464).
- Francesco Milo: reg. 8621-8632 (a. 1419-1456).
- Benedetto Trusello: reg. 8680-8692 (a. 1445-1471).
- Giovanni Forziano: reg. 8737-8755 (a. 1439-1476).
- Andrea Sesta: reg. 8820-8852 (a. 1481-1515).

A. Sparti, éd., Il Registro del notaio Ericino Giovanni Maiorana (1297-1300),


Palerme, 1982.

Outre les actes des notaires, on conserve à Trapani, à la Bibliothèque


Fardeliana, les actes et les lettres du Sénat de la ville (du XVe siècle pour
l’essentiel), qui renseignent sur la situation en Méditerranée et notamment
sur la piraterie1 : Atti del Senato, Registro di lettere (ou: Archivio del Comune) 2.
Edition de quelques documents concernant le Maghreb dans
- C. Trasselli, I privilegi di Messina e di Trapani, Palerme, 1949, rééd. Messine,
1992 (appendice: «Relazioni estere e consolati trapanesi nel sec. XV»).
- id., «Sicilia, Levante e Tunisia», art. cité.

III. — Campanie et Italie du Sud


Avec notamment Amalfi, la Campanie a été parmi les premières régions
en relations avec le monde musulman 3. La mention, dans la documentation
entre le IXe et le XIe siècle, de sous mancosus et de tari qui pourraient pour
certains d’entre eux au moins avoir été frappés au Maghreb, atteste en
particulier de ces relations 4. Sa place diminue par la suite, avec l’essor de
Gênes, Pise et Venise, mais les manuels de commerce de la fin du XIIIe et du
XIVe siècle montrent le maintien de ces relations à un bon niveau 5. Les
témoignages sont cependant rares pour suivre l’évolution de l’activité de ces
marchands au Maghreb.
On rencontre à l’occasion dans les documents des mentions de monnaies
almoravides, ou marabotins, qui pourraient être le reflet d’échanges

1. Gourdin, Les relations politiques, op. cit.; Trasselli, «Sicilia, Levante», art. cité.
2. I (1399-1430), II (1430-1489), III (après 1439).
3. Voir en particulier Cl. Cahen, «Amalfi en Orient à la veille, au moment et au lendemain
de la première croisade», Amalfi nel Medioevo: convegno internazionale, 14-16 giunio 1973, Salerne,
1977, p. 269-283.
4. J.-M. Martin, «Economia naturale ed economia monetaria nell’Italia meridionale longobarda
e bizantina (secoli VI-XI)», Storia d’Italia. Annali, 6, Economia naturale, economia monetaria, éd.
R. Romano, U. Tucco, Turin, 1983, p. 198-202.
5. Voir, par exemple, le manuel pisan de 1278 et Pegolotti. Cf. infra le chapitre sur les manuels
de commerce.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 95

commerciaux avec le Maghreb, sans que l’on sache cependant par quels
circuits ces pièces sont parvenues dans la Péninsule 1.
Les archives des villes de la côte amalfitaine sont pour notre objet d’un
faible intérêt. Certains minutiers tardifs de notaires amalfitains sont conservés
à l’Archivio di Stato de Salerne 2, auxquels il faut ajouter deux registres de
notaires proprement salernitains 3. Mais dans les deux cas, ces documents
montrent un trafic essentiellement local 4. Les informations que l’on peut
glaner sont donc très rares. On trouve simplement, dans les archives
épiscopales, un contrat de commande de 1254, édité par Jole Mazzoleni,
Pergamene degli archivi vescovili di Amalfi e Ravello, I, 998-1264, Naples, 1972.
De même, certains documents concernant Gaète sont conservés au Mont
Cassin, et montrent d’une part les problèmes liés à la piraterie musulmane
jusqu’au début du XIe siècle, d’autre part les relations commerciales précoces
avec Tunis (un document de 1125):
Codex diplomaticus Cajetanus, Mont-Cassin, 1887-1891 (Tabularium Casinense,
I-II), rééd. anast. ibid., 1969.

Les archives de Naples 5 ont connu de très graves dommages, notamment


durant la seconde guerre mondiale. De la période souabe, seul un registre
de Frédéric II, couvrant les années 1239-1240, a été édité, avant d’être détruit
en 1943. Il a fait l’objet d’une réédition récente: Il registro della cancelleria di
Federico II del 1239-1240, éd. Cristina Carbonetti Vendittelli, Rome, 2002, 2
vol. (Fonti per la storia dell’Italia medievale. Antiquitates, 19) 6. On y trouve
une correspondance générale concernant le royaume de Sicile, et notamment
quelques informations sur les relations avec les Hafsides.
Depuis la fin de la guerre les archivistes s’attachent à reconstituer au
mieux le fonds des registres détruits de la chancellerie angevine, en faisant
appel aux travaux antérieurs, et aux transcriptions, microfilms ou
reproductions photographiques faites avant le bombardement. Aujourd’hui
l’archivio angioino ricostruito est constitué de transcriptions, régestes, notices,

1. Cf. pour les Pouilles J.-M. Martin, La Pouille du VIe au XIIe siècle, Rome, 1993, p. 457-458,
qui cite des documents concernant Bari et Trani.
2. Six registres, a. 1362-1408 ; 167 registres, a. 1417-1519.
3. Aloysius Orofinus (1492-1493), Vincentius Cicalese (1493-1494). Sur les notaires de l’Archivio
di Stato de Salerne, voir L. Cassese, «I notari nel Salernitano ed i loro protocolli dal 1362 alla
fine del ’700», NAS, 8, 1948, p.142-170.
4. Cf. M. Del Treppo, A. Leone, Amalfi medioevale, Naples, 1977. Teobaldo Filesi a fait deux
sondages dans les minutiers des notaires amalfitains de Salerne, mais sans résultat. T. Filesi,
Inventario delle fonti manoscritte relative alla storia dell’Africa del Nord esistenti in Italia, III, Gli
archivi pubblici della Campania e in particolare l’Archivio di Stato di Napoli, dalle origine al 1912, Leyde,
1973, p. 277.
5. Pour une présentation générale des fonds intéressant l’époque médiévale, voir C. Buonaguro,
I. Donsi Gentile, I fondi di interesse medievistico dell’Archivio di Stato di Napoli, Salerne, 1999 (Iter
Campanum, 9).
6. Une première édition en avait été faite par G. Carcani, Constitutiones regni Siciliae, Naples,
1786, rééd. anast. Messine, 1992. Voir aussi J. L. A. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica
Friderici secundi, 6 vol. en 12 parties, Paris, 1852-1861 (vol. V, qui reprend l’édition de Carcani).
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96 DOMINIQUE VALÉRIAN

reproductions de documents 1. Ce travail de longue haleine, commencé par


Riccardo Filangieri est aujourd’hui continué. Quarante-six volumes,
constitués par ordre chronologique, ont déjà été publiés depuis 1950 à partir
de ce fonds:
I Registri della Cancelleria Angioina ricostruiti da Riccardo Filangieri con la
collaborazione degli archivisti napoletani, Naples, depuis 1950.
On y trouve des informations sur les relations politiques avec le Maghreb
(pour l’essentiel avec Tunis, notamment autour de la croisade de Louis IX),
et sur le commerce, en particulier les exportations de grains en direction des
côtes africaines, qui étaient contrôlées par l’État. D’autres éditions, antérieures
ou postérieures à la guerre, offrent des documents provenant des registres
angevins 2 :
L. de Mas-Latrie, éd., «Relations commerciales de Florence et de la Sicile
avec l’Afrique au Moyen Âge», BEC, 4e série, t. V, Paris, 1859 (sur la croisade
de 1270).
C. Minieri Riccio, Saggio di codice diplomatico, formato sulle antiche scritture
dell’Archivio di Stato di Napoli, Naples, 1878-1883, 2 vol. (documents de nature
politique des années 1270-1280).
R. Davidsohn, Forschungen zur Geschichte von Florenz, Berlin, 1896-1908,
vol. 2 (régestes), n° 153 (a. 1290, transport de Naples à Tunis).
Fr. Cerone, «La politica orientale de Alfonso di Aragona», Archivio storico
per le province napoletane, 27, 1902, p. 3-93, 384-456, 555-634, 774-852 ; 28,
1903, p. 154-212.
M. de Boüard, éd., Actes et lettres de Charles Ier roi de Sicile concernant la France
(1257-84), Paris, 1926 (dont documents sur la croisade de Louis IX).
L. Genuardi, «Commercio e diritto marittimo in Napoli nei secoli XIII, XIV
e XV», Studi di storia napoletana in onore di Michelangelo Schipa, Naples, 1926.
N. Nicolini, éd., Codice diplomatico sui rapporti veneto-napoletani durante il
regno di Carlo I d’Angiò (Regesta chartarum Italiae, 36), Rome, 1965 (exportations
de céréales, a. 1274-1277).
R. Lefevre, La crociata di Tunisi del 1270 nei documenti del distrutto Archivio
angioino di Napoli, Rome, 1977 3.

Pour la période aragonaise, les fonds ont été un peu moins touchés par les
destructions 4. Les registres de la chancellerie (Cancelleria aragonese), à partir
du milieu du XVe siècle 5, montrent les relations diplomatiques avec Tunis

1. Voir Guida Generale degli archivi di Stato, s. v. Napoli ; Buonaguro, Donsi Gentile, I fondi di
interesse medievistico, op. cit., notamment p. 20-24.
2. Voir également la riche bibliographie donnée dans la Guida, op. cit.
3. Voir également R. Lefevre, «I documenti sulla crociata di Tunisi del 1270 distrutti
nell’incendio dell’Archivio di Stato di Napoli», NAS, 9, 1949, p. 22-29.
4. J. Mazzoleni, «Fonti per la storia dell’epoca aragonese esistenti nell’Archivio di Stato di
Napoli», Archivio storico per le province napoletane, n.s., 33, 1952, p. 125-154; 35, 1955, p. 351-373.
5. 7 reg., 1452-1495. Régestes J. Mazzoleni, Regesto della cancelleria aragonese di Napoli, Naples,
1951 (PAS, 7).
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 97

perturbées par les problèmes de piraterie, mais aussi toujours marquées


par le commerce des grains 1. De même, les registres de la Tesoreria generale,
et notamment de la série Cedole, montrent de manière plus indirecte des
affaires liées au Maghreb (commerce, piraterie, dépenses d’ambassades)2.
F. Trinchera, Codice aragonese o sia lettere regie, ordinamenti ed altri atti
governativi de’ sovrani aragonesi in Napoli riguardanti l’amministrazione interna
del reame e le relazioni all’estero, Naples, 1866-1874, 3 vol. (dont des documents
aujourd’hui détruits).
N. Barone, éd., «Le Cedole di tesoreria dell’Archivio di Stato di Napoli,
dal 1460 al 1504», Archivio storico per le province napoletane, 9, 1884, p. 5-34,
205-248, 387-429, 601-637; 10, 1885, p. 1-47 (régestes partiels).
A. M. Compagna Perrone Capano, éd., Frammenti di Cedole della Tesoreria
(1438-1474). Albarani della Tesoreria (1414-1488), Fonti Aragonesi, 10, Naples,
1979.
Enfin les fonds de la Camera della Sommaria, à partir de 1444, intéressent
ce qui touche à la fiscalité, et notamment les douanes du royaume 3. On
trouve, notamment dans la série Partium des informations relatives au
commerce du blé avec le Maghreb 4.
Le registre XLVI Sigillorum Summarie Magni Sigilli (1469-1470) 5, qui contient
quelques informations liées à des ambassades avec les Hafsides ou des
problèmes de captifs à Tunis, a été édité par B. Mazzoleni, Fonti Aragonesi,
3, Naples, 1963.

En revanche les registres notariés napolitains sont tardifs. Pour les notaires
de Naples, la série ne commence vraiment qu’en 1462, et est peu abondante
pour le XVe siècle. Certains de ces notaires semblent cependant plus utiles
pour le commerce maritime (notamment Petruccio Pisani), mais aussi pour
les problèmes liés aux rachats de captifs au Maghreb 6.
Il faudrait enfin citer le fonds des Processi antichi, qui conservent des
documents relatifs à des procédures judiciaires liées au commerce maritime,
notamment des Catalans et des Italiens du Nord.

1. Fonds utilisé Irma Schiappoli, Napoli aragonesi : traffici e attività marinare, Naples, 1972.
2. Fragments à partir de 1432. Ibid.
3. Voir le détail des fonds dans Buonaguro, Donsi Gentile, I fondi di interesse medievistico, op.
cit.
4. Cf. A. Silvestri, Il commercio a Salerno nella seconda metà del Quattrocento, Salerne, 1952, qui
cite également, toujours dans la Sommaria, la série Significatoriarum, à propos encore
d’exportations de grains au Maghreb.
5. Actuellement conservé dans le Musée de l’Archivio di Stato de Naples.
6. L. Genuardi, «Commercio e diritto marittimo in Napoli nei secoli XIII, XIV e XV», Studi
di storia napoletana in onore di Michelangelo Schipa, Naples, 1926, et à part, 16 p. ; Ashtor, A Social
and Economic History, op. cit. ; Silvestri, Il commercio a Salerno, op. cit.
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98 DOMINIQUE VALÉRIAN

IV. — Textes siciliens et d’Italie du Sud


Les chroniques siciliennes sont importantes en raison de l’étroitesse des
liens entre la Sicile et l’Ifrîqiya, et des conquêtes entreprises de part et
d’autre. On y trouve donc des informations sur la période musulmane, puis
sur la politique africaine des Normands et de leurs successeurs.
G. Del Re, éd., Cronisti e scrittori sincroni della dominazione normana nel
Regno di Puglia e Sicilia, Naples, 1845 (recueil de textes de chroniqueurs
pour la Sicile normande, avec édition et trad. italienne).
G. Cozza-Luzi, B. Lagumina, éd., La cronaca sicolo-saracena di Cambridge,
Documenti per servire alla Storia di Sicilia, IV, 2, Palerme, 1890.
Gaufredus Malaterra, De Rebus gestis Rogerii Calabriae et Siciliae comitis et
Roberti ducis fratris eius, éd. E. Pontieri, RIS, V/1, Bologne, 1925-1928; trad.
ital. E. Spinnato, Imprese del Conte Ruggero e del fratello Roberto il Guiscardo,
Palerme, 2000 (moine bénédictin du XIe siècle).
Guillaume de Pouille, La Geste de Robert Guiscard, éd. et trad. M. Mathieu,
Palerme, 1961 (a. 1017-1085).
(Pseudo) Ugo Falcando, La Historia o liber de regno Sicilie e la epistola ad Petrum
Panormitane urbis thesaurarium, éd. G. B. Siragusa (FSI, 22), Rome, 1897 ;
trad. it. U. Santini, Il Libro del Regno di Sicilia, Cosenza, 1990 ; trad. angl.
Graham A. Loud et Th. Wiedemann, The History of the Tyrants of Sicily by
‘Hugo Falcandus’ 1154-69, Manchester – New-York, 1998 (période 1154-1169).
Anonymi Vaticani Historia Sicula a Normannis ad Petrum Aragonensem, éd.
Muratori, Milan, 1726 (RIS 8), p. 740-780.
Bartolomeo de Neocastro, Historia Sicula 1250-1293, éd. G. Paladino, RIS,
XIII/3, 1921 (proche de Jacques d’Aragon, mort en 1294-1295; sur la période
allant de 1250 à 1293; informations notamment sur la croisade de 1270 et
l’expédition de Collo de 1282 puis celle menée contre Djerba).
Nicolo Speciale, Historia Sicula ab anno MCCLXXXII ad ann. MCCCXXXVII,
éd. R. Gregorio, Bibliotheca scriptorum qui res in Sicilia gestas sub aragonum
imperio retulere, Palerme, 1791, p. 283-508 (sur l’occupation de Djerba).
Extraits de la Chronique de l’abbaye de Saint-Martin près de Palerme (a.
1438, 1443, 1451) éd. L. de Mas-Latrie, «Relations commerciales de Florence
et de la Sicile avec l’Afrique au Moyen Âge», BEC, 4e série, t. V, Paris, 1859.

Plusieurs textes ont été écrits en Campanie ou d’une manière générale en


Italie du Sud, notamment des chroniques du Mont-Cassin ou d’autres
monastères. Ils sont surtout utiles pour l’étude des incursions musulmanes
en terre italienne et la première réaction chrétienne 1. Les textes plus tardifs
peuvent servir pour l’étude des tentatives d’expansion en Afrique.

1. Cf. J.-M. Martin et Gh. Noyé, «Les façades maritimes de l’Italie du Sud : défense et mise
en valeur (IVe-XIIIe siècle)», Castrum 7. Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen au Moyen
Âge: défense, peuplement, mise en valeur, Actes du colloque international organisé par l’Ecole français
de Rome et la Casa de Velázquez, Rome, 23-26 octobre 1996, éd. J.-M. Martin, Rome – Madrid,
2001, p. 467-512.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 99

Sermo de virtute et sermo de transitu sancti Constantii, éd. A. Hofmeister,


MGH, SS, XXX/2, p. 1016-1022 (texte de la fin du Xe siècle, sur les incursions
musulmanes dans la région d’Amalfi).
«La cronaca della dinastia capuana», éd. N. Cilento, Italia meridionale
longobarda, Milan-Naples, 1966, p. 103-174 (sur la présence et les menaces
musulmanes en Italie du Sud au IXe-Xe siècle).
Erchemperto [Erchempert du Mont Cassin], Historia Langobardorum
Beneventanorum, éd. G. H. Pertz et G. Waitz, MGH, SS, Rerum
Langobardicarum et italicarum, saec. VI-IX, Hanovre, 1878, rééd. anast. 1988,
p. 230-264; trad. ital. G. Sperduti, Storia dei Longobardi, Cassino, 1999 (id.).
Giovanni Diacono [Jean Diacre] et al., Gesta episcoporum Neapolitanorum,
II, éd. G. Waitz, MGH, SS, Rerum Langobardicarum, op. cit., p. 424-435 (id.).
Vita Athanasii Episcopi Neapolitani, éd. G. Waitz, ibid., p. 439-449 (id.).
Chronica Sancti Benedicti Casinensis, éd. G. Waitz, ibid., p. 466-480 (id.).
Chronica Monasterii Casinensis, éd. H. Hoffmann, MGH, SS, 34, 1980 (va
jusqu’en 1138).
Annales Casinenses a. 1000-1212, éd. G. H. Pertz, MGH, SS, 19, 1866.
Amato di Montecassino, Storia de’ Normanni volgarizzata in antico francese,
éd. V. de Bartholomaeis (FSI 76), Rome, 1935, rééd, avec une trad. ital. de
G. Sperduti, Storia dei Normanni, Cassino, 1999 (moine et évêque, il écrit sa
chronique dans les années 1076-1078).
Chronicon Vulturnense del monaco Giovanni, éd. V. Federici, Rome, 3 vol.,
1925-1938 (FSI, 58, 59, 60).
Saba Malaspina, Chronik, éd. W. Koller et A. Nitsche, MGH, SS, 35, 1999
(chronique écrite à la fin du XIIIe siècle, qui consacre de larges passages à
la politique africaine des États italiens, notamment des Angevins, entre
1250 et 1285).
Romuald de Salerne, Chronicon, éd. C. A. Garufi, RIS2, VII/1, 1914; trad.
angl. partielle en annexe de The History of the Tyrants of Sicily by ‘Hugo
Falcandus’, op. cit., p. 219-243 (archevêque de Salerne, peut-être apparenté
aux rois normands de Sicile, auteur d’une histoire universelle allant jusqu’en
1178).
Anonymi Barensis Chronicon, éd. Muratori, Milan, 1724 (RIS, 5), p. 145-156
(a. 855-1119).
Annales Barenses et Lupus Protospatarius, éd. G. H. Pertz, MGH, SS, 5,
1844. (a. 605-1102).
Vita di Sant’Elia il Giovane, éd. et trad. ital. G. Rossi Taibbi, Palerme, 1962
(hagiographie en grec d’un saint du IXe siècle, écrite entre 930 et 940; récits
de miracles liés aux razzias musulmanes en Italie du sud)
M. Salzman, éd. et trad., The Chronicle of Ahimaaz, New York, 1924; trad.
ital. C. Colafemmina, Sefer Yu.hasin. Libro delle discendenze: vicende di una
famiglia ebraica di Oria nei secoli IX-XI, Cassano delle Murge, 2001. Sorte de
chronique écrite en hébreu par Ahimaaz, né en 1017 à Capoue dans famille
de rabbins; commence avec le règne de Basile le Macédonien et se termine
en 1054. Intéresse en particulier l’Ifrîqiya et les Fatimides.
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100 DOMINIQUE VALÉRIAN

Chronicon Salernitanum, éd. U. Westerbergh, Stockholm, 1956 (Studia Latina


Stockholmiensa, 3) (va jusqu’en 974).
Dans les Nouvelles de Masuccio Salernitano enfin, on trouve des épisodes
en relation avec le Maghreb (et la piraterie). L’ouvrage, composé de 50
nouvelles, a été terminé en 1475.
Masuccio Salernitano, Il Novellino, éd. A. Mauro, Bari, 1940.
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CHAPITRE 5
Fonds d’archives divers

1. Milan
Sans être un port, Milan a cependant entretenu des relations diplomatiques
avec le Maghreb, notamment au moment de sa domination sur Gênes et
après. On trouve donc, pour le XVe siècle, quelques informations utiles sur
la situation en Méditerranée occidentale (ambassades, problèmes de piraterie
et de captifs), notamment dans la section Archivio sforzesco.
Dans la série Carteggio sforzesco, qui débute en 1450 (actes de la chancellerie
des Sforza), le Carteggio estero concerne les relations avec les puissances
étrangères. On y trouve notamment la correspondance avec les souverains
étrangers ou les représentants du duc de Milan 1. Même s’il n’est pas exclu
de trouver, dans les lettres échangées avec les grands ports italiens (et
notamment Gênes 2) des informations utiles, c’est surtout dans la busta sur
la Berbérie et Tunis que sont conservés les documents les plus importants 3.
Enfin il n’est pas exclu de trouver des données intéressantes dans les fonds
plus généraux, comme les Missive ducali (correspondance avec les
fonctionnaires du duché), ou le Carteggio generale. Il en est de même pour la
section Registri sforzeschi, où la série Registri delle missive conserve des lettres
envoyées par la chancellerie secrète, notamment aux ambassadeurs 4, ou
celle des Missive e responsive 5.

1. Cf. la présentation de ce fonds par L. Fumi «Relazione sui lavori di riordinamento


dell’archivio ducale sforzesco. Carteggio generale, potenze estere. Registri a cura di G. Vittani»,
Annuario del R. Archivio di Stato in Milano, n. 2, 1912, p. 41-46, rééd. Archivi e archivisti milanesi,
éd. A. R. Natale, Milan, 1975, II, p. 309-322.
2. 90 boites, 1464-1478, 1487-1499.
3. Berbérie, 1473-1484 ; Tunis, 1452 et XVIe siècle. Cf. G. Romano, «Guiniforte Barzizza
all’impresa di Gerba del 1432, e un poemotto inedito di Antonio Canobio sullo stesso
avvenimento», Archivio storico siciliano, n.s., 17, 1892, p. 1-21 ; id., «Filippo Maria Visconti e i
Turchi», Archivio Storico lombardo, 7, a. 17, 1890, p. 585-618 ; G. Petti Balbi, «Gli insediamenti
genovesi nel Nord-Africa durante il ‘400», Medioevo Mezzogiorno Mediterraneo. Studi in onore di
Mario Del Treppo, éd. G. Rossetti et G. Vitolo, Naples, 2000, p. 121-137 ; ead., «Il consolato
genovese di Tunisi nel Quattrocento», Archivio storico italiano, 576, 1998, p. 226-256; Ph. Gourdin,
Les relations politiques et économiques entre l’Italie tyrrhénienne et le Maghreb au XVe siècle, Thèse
sur travaux, Université Paris I, 2001, I, Volume de synthèse.
4. 252 registres, 1447-1535. Les deux premiers registres ont été édités, mais ne présentent
cependant guère d’intérêt. Archivio di Stato di Milano, Archivio ducale sforzesco. Registri delle
missive, Milan 1981.
5. 187 registres, 1447-1535.
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102 DOMINIQUE VALÉRIAN

Éditions diverses:
- L. Osio, éd., Documenti diplomatici tratti dagli archivi milanesi, Milan, 1869,
3 vol.
- Mas-Latrie, Traités, op. cit. (pour l’époque de la domination génoise).

Il existe un registre de taxes douanières du XVe siècle, qui mentionne des


laines du Maghreb et de Tunis. Il a été édité par A. Noto, Liber datii mercantie
communis Mediolani. Registro del secolo XV, Milan, 1950.
Enfin P. Mainoni a utilisé les documents de l’Archivio Borromeo, qui
rassemble les papiers d’une compagnie qui avait une filiale à Barcelone et
des activités au Maghreb 1.

2. Modène
L’Archivio di Stato de Modène conserve, dans la section estero de la
Cancelleria, une série Carteggi di oratori, agenti e corrispondenti presso le corti,
dit également Carteggio ambasciatori, qui concerne les relations de la Maison
d’Este avec l’étranger 2. Une busta rassemble les documents sur Tunis (a. 1464-
1573).

3. Plaisance
Ville de l’intérieur, Plaisance avait une forte activité industrielle, notamment
textile, et se fournissait en partie en laine d’Afrique du Nord. Outre les
Statuts des marchands (mention d’importations de laines du Maghreb), le
fonds des Hospices civils (ospizi civili) de Plaisance conserve des documents
commerciaux recueillis à l’occasion de dons de marchands 3.
Corpus Statutorum mercatorum Placentie (secoli XIV-XVIII), éd. P. Racine,
P. Castignoli, Milan, 1967.

4. Sardaigne
Bien que située sur une des principales routes menant les navires au
Maghreb, la Sardaigne n’a conservé que peu de documents sur ce commerce.
Les historiens de l’île, face à la relative pauvreté des archives, se sont surtout
tournés vers les documents pisans, toscans ou génois, et surtout vers les fonds
de la Couronne d’Aragon. Les informations sur le Maghreb sont donc très
pauvres. Dans la section Antico archivio regio de l’Archivio di Stato de Cagliari
se trouve un document du XIVe siècle donnant la liste des taxes douanières
pesant sur le commerce maghrébins, notamment celles devant être payées

1. P. Mainoni, Mercati lombardi tra Barcelona e Valencia nel Basso medioevo, Bologne, 1982.
2. Cf. G. Ognibene, «Le relazioni della casa d’Este coll’estero», Atti e memorie della R.
deputazione di storia patria per le province modenesi, série V, 3, 1904, p. 223-315.
3. R.-H. Bautier, «Les relations économiques des occidentaux avec les pays d’Orient, au
Moyen Âge. Points de vue et documents», Société et compagnies de commerce en Orient et dans
l’Océan indien, Paris, 1971, p. 263-331 ; P. Racine, Plaisance du Xe à la fin du XIIIe siècle, essai
d’histoire urbaine, Lille, 1980.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 103

par les juifs et musulmans maghrébins 1. De même on y trouve des décisions


d’interdire l’exportation de céréales en direction des pays musulmans2.

5. Ancône
Ancône fut souvent entravée dans son développement par Venise. Elle eut
cependant des relations avec la Méditerranée, en dehors de l’Adriatique.
L’orientation semble plutôt orientale 3, mais les navires anconitains devaient
également se rendre parfois au Maghreb. Les notaires d’Ancône, dont la série
commence en 1391, ont été mis à profit pour l’Orient par Eliyahu Ashtor 4,
mais il peuvent également se révéler utiles pour le commerce maghrébin 5.
Outre les minutiers de notaires, les registres de délibération de la Commune
(Atti consigliari) peuvent apporter des informations intéressant le Maghreb 6.

1. P. Amat di San Filippo, Indagini e studi sulla storia economica della Sardegna, Turin, 1902.
2. M. Tangheroni, Aspetti del commercio dei cereali nei paesi della Corona d’Aragona, I, La Sardegna,
Pise, 1981.
3. M. Balard, A. Ducellier, «L’apport des archives italo-dalmates à la connaissance du
Proche-Orient médiéval», Akten des XVI Internationaler Byzantinisten Kongress, Jahrbuch der
Österreichischen Byzantinistik, 31, 1981, 1er cahier, qui évoquent également de l’intérêt des
archives notariales de Manfredonia, Barletta, Molfetta, Bari, Monopoli, Lecce, voire de Tarente.
4. E. Ashtor, «Il commercio levantino di Ancona nel Basso Medioevo», Rivista Storica italiana,
88, 1976, p. 213-253 ; id., «Il commercio italiano col Levante e il suo impatto sull’economia
tardomedioevale», Aspetti della vita economica medievale. Atti del Convegno di studi nel X anniversario
della morte di F. Melis, Firenze-Prato, 10-14 marzo 1984, Florence, 1985, p. 15-63; id., A Social and
Economic History of the Near East in the Middle Ages, Londres, 1976. Dans ces travaux, consacrés
essentiellement à l’Orient musulman, Eliyahu Ashtor indique les principaux notaires utiles pour
l’étude du commerce maritime en Méditerranée. Voir aussi P. Earle, «The Commercial
Development of Ancona, 1479-1551», Economic History Review, ser. II, 22, 1969, p. 28-44.
5. Voir en particulier A. Ducellier, «L’Adriatique et la Berbérie au Moyen Âge : Trafic
d’appoint ou trafic caché», Cahiers de Tunisie, XXIX, n° 117/118, 1981, p. 561-572.
6. Le Sel et la fortune de Venise.Vol. 1 : Production et monopole, Villeneuve d’Ascq, 1978.
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CHAPITRE 6
Manuels de commerce

À partir de la fin du XIIIe siècle apparaît un nouveau type de texte, destiné


à l’usage des marchands. Ces ouvrages, auxquels on a pris l’habitude de
donner le nom de pratica di mercatura 1, étaient destinés à fournir aux
négociants des informations sur les marchés sur lesquels ils devaient se
rendre. Les auteurs en sont des marchands eux-mêmes, ayant souvent
travaillé comme agents ou facteurs des grandes compagnies de commerce
italiennes, et avaient donc une connaissance concrète des affaires. Ils peuvent
avoir recours notamment aux informations, écrites ou orales, données par
les autres marchands de la compagnie, aux lettres envoyées depuis les
marchés lointains, ou encore aux livres de comptes. De même ils peuvent
avoir eu accès aux tarifs douaniers, à des Statuts, ou à des listes de prix et
mesures 2. Enfin ils utilisent parfois des livres d’abaque. Cela ne les empêche
pas cependant de se servir également de textes plus anciens, dont ils recopient
parfois textuellement des passages, sans nécessairement les actualiser. Il
est donc nécessaire, afin de dater avec sûreté les informations, de confronter
l’apport des manuels successifs et d’en distinguer les différentes strates de
rédaction.
Ces réserves faites, les Manuels de commerce sont très riches en
informations, notamment pour des villes ou régions pauvres en archives
commerciales, comme l’Italie méridionale. La connaissance des équivalences
de poids et mesures étant pour le marchand indispensable, pour chaque place
étaient donc indiqués les types de poids et mesures employés, pour chaque
produit. Étaient ensuite notées les équivalences avec les systèmes des régions
avec lesquelles des échanges avaient lieu, montrant ainsi, au-delà des aspects
purement métrologiques, les réseaux de commerce et de navigation en
Méditerranée 3. Il en va de même pour les équivalences de monnaies, encore
que dans ce domaine les fluctuations rendent l’information fragile. Le
marchand devait également avoir connaissance des charges pesant sur ses
affaires. Celles-ci étaient très diverses, et variables selon les lieux. C’était

1. Ce nom leur fut donné au XVIIIe siècle par Giovanni Francesco Pagnini della Ventura, qui
édita plusieurs de ces textes. G. Fr. Pagnini della Ventura, éd., Della decima e di varie altre
gravezze imposte dal Comune di Firenze, IV, Lisbonne, 1766, rééd anast. Bologne 1967.
2. B. Dini, éd., Una pratica di mercatura in formazione (1394-5), Florence, 1980, p. 53-65.
3. Cf. L. Balletto, «Bougie nei manuali toscani di mercatura del Due-trecento», Italia e
Algeria,aspetti storici di un’amicizia mediterranea, dir. R. H. Rainero, Milan, 1982, p. 81-95.
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106 DOMINIQUE VALÉRIAN

d’abord les droits de douane payables dans les ports, et en cela les Manuels
de commerce complètent utilement les traités de paix. Mais à ces taxes
venait s’ajouter une multitude de droits divers dus pour le portage, les
courtiers, les interprètes, etc. Certains textes, les plus précis, donnent
également des indications diverses sur les us et coutumes du lieu, ou
fournissent un lexique des mots les plus usuels du commerce dans les
différentes langues utilisées. Enfin on peut trouver des descriptions plus
précises de certains types de produits, avec les qualités correspondant aux
différentes origines.

Depuis la première édition (parfois fautive) de Giovanni Francesco Pagnini


della Ventura au XVIIIe siècle, plusieurs textes ont été publiés. Les archives
et les bibliothèques (notamment à Florence et Venise) conservent cependant
encore plusieurs manuels inédits 1.
Le texte le plus ancien connu est un manuel pisan de 1278. Il a été édité
par R. S. Lopez, G. Airaldi, «Il più antico manuale italiano della mercatura»,
Miscellanea di studi storici, II, Collana storica di fonti e studi 38, Gênes, 1983, p. 99-
133 2.
C’est cependant au XIVe et au XVe siècle que le genre se développe
vraiment, principalement dans les centres toscans et à Venise:
C. Ciano, éd., La Pratica di mercatura datiniana (sec. XIV), Milan (Biblioteca
della rivista economica e Storia, 9), 1964 (écrit pour la compagnie Datini de
Prato).
Francesco Balducci Pegolotti, La Pratica della mercatura, éd. A. Evans,
Cambridge, Mass., 1936 (le texte de loin le plus célèbre, écrit par un agent
de la compagnie Bardi de Florence, vers 1340).
A. Stussi, éd., Zibaldone da Canal, manoscritto mercantile del sec. XIV, Fonti
per la storia di Venezia, sez. 5, fondi vari, Venise, 1967; tr. angl. J. E. Dotson,
Merchant Culture in Fourteenth Century Venice : the Zibaldone da Canal,
Binghamton (Medieval and Renaissance Text and studies, 98), 1994 (deuxième
ou troisième décennie du XIVe siècle).
R. Cessi, V. Orlandini, éd., Tarifa zoè noticia dy pexi e mexure di luoghi e
tere che s’adovra mercadantia per el mondo, Venise, 1925 (Venise, seconde moitié
du XIVe siècle ou début du XVe siècle; utilise beaucoup Pegolotti).
A. Borlandi, éd., Il Manuale di mercatura di Sanminiato de’Ricci, Gênes, 1963
(écrit à Gênes par un marchand florentin, et daté de 1416, mais reprenant
un texte de 1396).

1. Cf. B. Casini, «Operatori economici stranieri a Pisa (1406-1416)», Studi in memoria di


Federigo Melis, III, Naples, 1978, p. 193-243 ; Vita mercantile italiana. Rassegna di documenti degli
Archivi di Stato d’Italia, Rome, 1956, n° 35 ; E. Ashtor, «Pagamento in contanti e baratto nel
commercio italiano d’Oltremare (secoli XIV-XVI)», Storia d’Italia. Annali 6 : Economia naturale,
economia monetaria, Turin, 1983, p. 363-396.
2. Voir également les analyses de R. S. Lopez, «Un texte inédit: le plus ancien manuel italien
de technique commerciale», Revue historique, 243, 1970, p. 67-76 ; id., « Stars and Spices: the
Earliest Italian Manual of Commercial Practice», Economy, Society, Government in Medieval Italy.
Essays in Memory of Robert L. Reynolds. Exploration in Economic History, 7, 1969-1970, p. 35-42.
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LES SOURCES ITALIENNES DE L’HISTOIRE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 107

F. Borlandi, éd., El Libro di mercatantie et usanze de paesi, Turin (Documenti


e studi per la storia del commercio e del diritto commerciale italiano, 7), 1936
(attribué à Giorgio di Lorenzo Chiarini; rédigé vers 1450).
G. Fr. Pagnini della Ventura, éd., «Giovanni di Antonio Da Uzzano: La
Pratica della mercatura (1442)», Della decima e di varie altre gravezze imposte
dal Comune di Firenze, IV, Lisbonne, 1766, rééd. anast. Bologne 1967 (texte
achevé en 1440)1.

1. Cf. U. Tucci, «Per un’ edizione moderna della Pratica di mercatura dell’ Uzzano», Studi
di storia economica toscana nel Medioevo e nel Rinascimento in memoria di Federigo Melis, Pise, 1987,
p. 365-389, qui critique l’édition de Pagnini della Ventura.
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Table des matières

Introduction 7
La documentation commerciale 14
La documentation publique 18
Chroniques et textes divers 22

CHAPITRE I
La Ligurie: Gênes et Savone
I. Les notaires (notai antichi) 27
1. Les notaires du milieu du XIIe au premier tiers du XIVe siècle 27
2. Les notaires du XIVe siècle 33
3. Les notaires du XVe siècle 35
II. La documentation politique 39
III. Documents à caractère fiscal et douanier et comptabilité publique 43
IV. Chroniques génoises 48
V. Textes et documents divers 49
VI. Savone 50

CHAPITRE 2
Toscane
I. Pise 53
1. Documents de nature commerciale 53
2. La documentation politique 56
3. Documents de nature financière ou douanière 59
4. Chroniques et textes divers 60
II. Florence 61
1. Chancellerie et documentation politique 62
2. Réglementation de l’économie et du commerce 64
3. Documents commerciaux 65
4. Chroniques et récits 66
III. Les archives Datini de Prato 67

CHAPITRE 3
Venise
I. La documentation politique 69
1. Le Grand Conseil 71
2. Les registres du Sénat 73
3. Les registres de la Cancelleria Secreta 74
4. Divers 75
II. La documentation commerciale 76
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110 DOMINIQUE VALÉRIAN

1. Les Notaires 76
2. Les Procurateurs de Saint-Marc 78
3. Fonds divers 78
III. La documentation judiciaire 79
IV. Les chroniques 80

CHAPITRE 4
Sicile et Italie du Sud
I. Palerme 84
1. La documentation politique 84
2. Le Real Patrimonio 88
3. Les Notaires 90
II. Autres ports de Sicile 92
1. Messine 92
2. Syracuse 93
3. Trapani 93
III. Campanie et Italie du Sud 94
IV. Textes siciliens et d’Italie du Sud 98

CHAPITRE 5
Fonds d’archives divers
1. Milan 101
2. Modène 102
3. Plaisance 102
4. Sardaigne 102
5. Ancône 103

CHAPITRE 6
Manuels de commerce
105

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