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Langue française

Connecteurs et relations causales


Laurence Danlos

Citer ce document / Cite this document :

Danlos Laurence. Connecteurs et relations causales. In: Langue française, n°77, 1988. Syntaxe des correcteurs. pp. 92-127;

doi : 10.3406/lfr.1988.4739

http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1988_num_77_1_4739

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Laurence Danlos
LADL (CNRS)

CONNECTEURS ET RELATIONS CAUSALES

Notre démarche pour étudier les connecteurs dans le cadre des


relations causales sera la démarche inverse de celle traditionnellement
utilisée en linguistique : nous partirons d'un type de relation causale et
nous étudierons les formes permettant d'exprimer ce type de relation
causale. A l'inverse, la majorité des études linguistiques partent d'un
ensemble de formes et elles décrivent les propriétés syntaxiques et/ou
sémantiques de ces formes (e.g. l'article de A. Borillo dans ce numéro
sur les formes (P) quand (P)' ou Quand (P)' , (P)). En traitement
automatique du langage naturel, notre démarche correspond à la
génération de textes (i.e. passage d'une représentation abstraite à un texte),
tandis que la démarche traditionnelle en linguistique correspond à
l'analyse de textes (i.e. passage d'un texte à une représentation abstraite). La
démarche « génération » offre des perspectives nouvelles sur l'étude du
langage naturel. Ainsi, nous verrons qu'elle permet de mettre en évidence
de nombreux cas d'interdiction difficilement décelables dans une démarche
« analyse ». Par exemple, le discours.

(1) Mes chemises ont été entassées dans l'armoire. Elles ont été froissées par
Luc.

n'évoque pas une relation causale dont la cause serait l'entassement des
chemises, contrairement au discours suivant obtenu à partir du précédent
en intervertissant froissées et entassées dans l'armoire :

(2) Mes chemises ont été froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire par
Luc.

Ces interdictions conduisent à la notion de « grammaire de discours » :


une grammaire de discours pour une relation sémantique donnée est la
liste des structures de discours permettant d'exprimer cette relation
sémantique, les structures de discours intégrant des informations tant

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sur la linéarisation en phrases que sur les constructions syntaxiques des
phrases en jeu. Cette liste est un point de passage obligé car les cas
d'interdiction ne sont pas toujours prédictibles à partir d'autres données
syntaxiques ou sémantiques. Ainsi, le fait que (1) n'exprime pas une
relation causale ne peut pas être expliqué par une règle sur Tordre des
informations du type :
dans un discours exprimant une relation causale, le résultat doit
apparaître avant la cause (comme en (2))
puisque le discours suivant obtenu à partir de (2) en intervertissant
l'ordre des phrases évoque une relation causale dont la cause est
l'entassement des chemises :

(3) Mes chemises ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont été
froissées.

Le fait que (1) n'évoque pas une relation causale ne peut pas non plus
s'expliquer par la position du complément d'agent : celui-ci figure dans
— la deuxième phrase en (1) qui n'évoque pas une relation causale;
— la deuxième phrase en (2) qui évoque une relation causale;
— la première phrase en (3) qui évoque une relation causale;
— la première phrase en (4) ci-dessous qui n'évoque pas une relation
causale dont la cause est l'entassement des chemises :

(4) Mes chemises ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire.

La démarche « génération » suppose que la relation sémantique de


départ soit cernée de façon aussi précise que possible. Nous allons donc
tenter de cerner un type de relation sémantique : les « relations causales
directes » qui constitueront l'objet de cette étude. Auparavant, une
remarque : une stricte inversion des phrases du discours (2) aurait
débouché sur le discours

(3') Elles ont été entassées dans l'armoire par Luc. Mes chemises ont été
froissées.

et non sur (3). Le discours (3') est difficilement interprétable à cause du


pronom elles : sauf intonation particulière \ ce pronom ne peut pas être
coréférent au nom mes chemises, contrairement au pronom elles de (3).
Les phénomènes de pronominalisation ne seront pas traités ici. Les
exemples qui vont être présentés ont été construits de façon à ce que les
éventuels pronoms qui y figurent n'engendrent aucune ambiguïté et
réfèrent à des noms déjà cités. Signalons toutefois que la
pronominalisation dans le cadre du discours est un de nos axes de recherche et que
nous utilisons les résultats exposés dans cette étude pour aborder cette

1. Les intonations particulières ne seront pas prises en compte dans cette étude qui ne concerne
que des textes écrits : les jugements d'acceptabilité qui seront portés sur les textes sont des jugements
de lecture.

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question de façon rigoureuse et utilisable dans un système de traitement
automatique du langage naturel (L. Danlos et F. Namer 1988).

1. Notion de relation causale directe

Nous définissons une relation causale directe de la façon suivante :


la cause est une action effectuée par un agent humain H 2, cette action
affecte « directement » une entité X qui représente un humain ou un objet
concret; le résultat est un changement d'état physique pour l'entité X.
La notion de relation causale directe est illustrée par les exemples suivants
dont la partie soulignée correspond à la formulation du résultat, le reste
à la formulation de la cause :

Marie a un bleu. Luc lui a donné un coup de poing.


Cette lettre est devenue illisible car Luc a renversé du café dessus.
Luc a sali ma robe en renversant du café dessus.
Luc a entassé mes chemises dans V armoire. Elles sont froissées.
Luc a renversé la carafe qui s'est cassée.
Luc a soufflé sur le château de sable le démolissant.

Nous opposons les relations causales directes aux relations causales «


indirectes » en posant que les premières se limitent à une seule relation de
cause à effet contrairement aux secondes. Ainsi, la chaîne causale 3 :

[cause Marie a bu beaucoup de cognac.

résultat Marie a la gueule de bois.

est une relation causale directe car elle se limite à une seule relation de
cause à effet, abstraction faite des réactions physiologiques de Marie qui
peuvent être décrites par une chaîne causale arbitrairement longue. Par
contre, la chaîne causale

i— cause Luc a servi beaucoup de coqnac à Marie.


<П)Г
W résultat Marie a la gueule de bois.

est une relation causale indirecte car c'est une abréviation d'une chaîne
causale comportant au moins deux relations de cause à effet :

г-
С cause
résultat-,
— i Marie
Luc
., a. servi
a bu
, beaucoup
, r de
, cognac
coqnac.
v à Marie.

l> résultat Marie a la gueule de bois.

2. Dans la majorité de nos exemples, cet agent humain sera désigné par le prénom Luc.
3. La notion de chaîne causale est discutée dans (Z. S. Harris 1968).

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La différence extra-linguistique entre (I) et (II) se relève dans des
différences linguistiques. Ainsi, un discours de forme Le fait que < CAUSE >
donner la gueule de bois à X peut exprimer une relation causale directe
comme (I) mais pas une relation causale indirecte comme (II) 4 :

(1) Le fait ď avoir bu beaucoup de cognac a donné la gueule de bois à Marie.


(2) *Le fait que Luc ait servi beaucoup de cognac à Marie a donné la gueule
de bois à celle-ci.

Citons encore une autre paire contrastant relations causales directes


et indirectes :

(3) Marie est morte. Luc a tiré deux balles sur elle.
(4) PMarie est morte. Luc a tiré deux balles sur son voisin.

Le discours (3) évoque une relation causale directe qui peut être
reformulée de la façon suivante :

(3') Luc a tiré deux balles sur Marie qui est morte.

Par contre, (4) est un discours elliptique mettant en jeu une relation
causale indirecte qui peut être l'abréviation d'une chaîne causale telle
que :

i— cause Luc a tiré deux balles sur le voisin de Marie.


U résultat -i ., . ,.
r— cause — l Marie a eu une crise cardiaque.
3
l» résultat Marie est morte.

Le discours (4) n'est pas reformulable dans une structure analogue


(')
(4') *Luc a tiré deux balles sur le voisin de Marie qui est morte 5.

Les notions de relation causale directe et indirecte sont


respectivement proches des notions de « result causation » et « reason causation »
introduites dans (R. Schank 1975). Schank introduit aussi la notion de
« enable causation » (« relation causale potentielle ») qui s'observe
lorsqu'un procès fournit les conditions pour qu'un événement ait lieu, comme
c'est le cas entre les faits décrits dans Luc a servi beaucoup de cognac à
Marie et Marie a bu beaucoup de cognac.
4. Par contre, un discours juxtaposant les formes X avoir la gueule de bois et < CAUSE> peut
mer tant une relation causale directe qu'une relation causale indirecte :
(1')) Marie a la gueule de bois. Elle a bu beaucoup p de cognac.
g
(2') Marie
Mi a la l gueulel de
d bois.
bi Luc
L luili a servii beaucoup
b d cognac.
de
5. L'inacceptabifité de (4') ne peut être imputée au fait que l'antécédent du pronom relatif est en
position de complément de nom, puisque le discours suivant structurellement identique à (4') est
acceptable :
Luc a tiré deux balles dans le cœur de Marie qui est morte.

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Le fait que nous contraignions le résultat d'une relation causale
directe à être un changement d'état physique pour l'entité X — en
éliminant les changements d'états psychologiques pour les entités humaines
— nous permet de définir avec une certaine précision la notion de relation
causale directe sans entrer dans des débats extra-linguistiques tels que :
doit-on considérer que le discours

Marie est déprimée. Luc Va quittée.


I
met en jeu une relation causale directe ou une relation causale indirecte
qui serait une abréviation d'une chaîne causale telle que :

cause Marie aimait Luc et Luc a quitté Marie.


résultat Marie est déprimée.

Il n'en reste pas moins qu'il faudrait étudier les formulations exprimant
les relations causales (in)directes dont le résultat est un changement
d'état psychologique pour une entité humaine, car celles-ci diffèrent de
celles observées pour les relations causales directes qui nous concernent.
Ainsi, considérons la paire :

(5) Marie est blessée à la tête car Luc lui a donné un coup de poing.

(6) Marie est blessée car Luc Га quittée.

(5) met en jeu un changement d'état physique pour Marie avec l'emploi
concret de blesser (table 32H de (J.-P. Boons, A. Guillet et Ch. Leclère
1976b)), tandis que (6) met en jeu un changement psychologique pour
Marie avec l'emploi abstrait de blesser (table 4 de M. Gross 1975). Or,
seul l'emploi abstrait de blesser peut se construire avec une complétive
sujet. De ce fait, des deux formes structurellement identiques

(5) *(Que + Le fait que) Luc ait donné un coup de poing à Marie Va blessée
à la tête.
(6') (Que + Le fait que) Luc ait quitté Marie Va blessée.

seule la forme (6') est acceptable.


Ces précautions prises pour cerner aussi précisément que possible
la notion de relation causale directe, nous allons examiner comment
exprimer cette relation sémantique. Pour cela, nous commencerons par
recenser les possibilités offertes par la langue française tant au niveau
des modes de linéarisation de deux phrases en un texte qu'au niveau de
la forme des phrases exprimant respectivement la cause et le résultat.
Ces possibilités étant fort nombreuses, nous serons amenés à n'en retenir
qu'un sous-ensemble. Nous déterminerons en 3 les éléments de ce sous-
ensemble qui débouchent effectivement sur des textes acceptables, c'est-
à-dire qui expriment une relation causale directe.
Nous utiliserons le symbole « % » devant un discours pour indiquer

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que le discours n'exprime pas une relation causale directe. Ce symbole
ne signifie donc pas forcément que le discours est mal formé ou qu'il
est ininterprétable : un discours précédé du symbole « ff » peut être bien
formé mais avoir une interprétation autre que celle de relation causale
directe. Un discours précédé de « If » (resp. non précédé de « if ») est
qualifié d'inacceptable (resp. d'acceptable).

2. Possibilités offertes par la langue française

Précisons tout d'abord le point suivant : de nombreuses phrases du


français comportant un objet direct et éventuellement un complément
prépositionnel, c'est-à-dire des phrases de structure No VNj (E + Prép N2) 6
expriment simultanément une action du sujet No (ici considéré comme
humain) et un changement d'état physique pour Nlf ce changement d'état
étant exprimable dans les formes N} être Prép N2, N} être V-pp ou N}
être V-pp Prép N2 :

Luc a mis le livre sur la table => Le livre est sur la table.
Luc a ciré la table => La table est cirée.
Luc a taillé la haie => La haie est taillée.
Luc a enterré le trésor => Le trésor est enterré.
Luc a étalé la carte sur la table => La carte est étalée sur la table.
Luc a entassé mes chemises dans l'armoire => Mes chemises sont entassées
dans l'armoire.
Luc a peint ma chambre en rouge => Ma chambre est peinte en rouge.

Dans ce sens, ces phrases expriment une relation causale directe. Ce type
de relation causale directe a été étudié par (J.-P. Boons, 1985, 1987) et
(A. Guillet et Ch. Leclère, à paraître), et il ne sera pas évoqué dans cet
article qui porte sur des phénomènes de discours, c'est-à-dire sur des
phrases en contexte et non sur des phrases isolées. Autrement dit, nous
nous intéresserons aux relations causales directes dont la cause et le
résultat son explicitement dissociés comme dans :

Luc a froissé mes chemises. Il les a entassées dans l'armoire.


Luc a versé du sable sur le trésor l'enterrant.

2.1. Modes de linéarisation de deux phrases en un texte

Supposons que la phrase < ACT > exprimant la cause d'une relation
causale directe et la phrase < RES > exprimant son résultat aient été
choisies. Pour combiner ces deux phrases en un texte, la langue française
offre les modes de linéarisation suivants :
6. Le symbole No désigne le sujet, N, le premier complément, N2 le second, E la séquence vide.
La notation Л^ V N, (E + Prép NJ représente les deux formes No V N, et No V N} Prép N2.

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(i) Juxtaposition :
Selon l'ordre dans lequel on veut présenter les informations, la
juxtaposition peut se réaliser en

<ACT> . <RES>
= : Luc a renversé cette carafe. Elle est cassée.

ou en :

<RES> . <ACT>
= : Cette carafe est cassée. Luc Va renversée.

Nous ne considérerons que le point « . » comme signe de ponctuation


séparant les deux phrases juxtaposées, en omettant les différences
éventuelles entre le point et d'autres signes de ponctuation.
(ii) Coordination et subordination :
Certaines conjonctions de coordination et de subordination Conj
permettent de former des discours < ACT > Conj < RES > ou < RES >
Conj < ACT > présentant une sémantique de relation causale directe :

Luc a renversé cette carafe et elle s'est cassée.


Cette carafe s'est cassée quand Luc Га renversée.

Nous n'étudierons les discours comportant une conjonction de


subordination que lorsque la subordonnée apparaît après la principale, en
laissant de côté les subordonnées antéposées comme :

Quand Luc a renversé cette carafe, elle s'est cassée.

(iii) Relativation :
Selon la forme de < ACT > et de < RES > , certaines constructions à
relative (explicative) peuvent être utilisées pour exprimer une relation
causale directe :

Cette carafe a été renversée par Luc qui l'a cassée.


Cette carafe, qui a été renversée par Luc, s'est cassée.

(iv) Gérondifs et participes présents :


Lorsque < ACT > et < RES > respectent certaines contraintes
formelles, les constructions à gérondif et à participe présent peuvent être
utilisées pour exprimer une relation causale directe :

< RES > en [participe présent < ACT > ].


= : Luc a cassé cette carafe en la renversant.
< ACT > , [participe présent < RES > ].
= : Luc a renversé cette carafe, la cassant.

Néanmoins, nous laisserons de côté ces constructions que nous avons


étudiées en détail dans (L. Danlos 1985, 1987).

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Nous nous concentrerons donc sur la juxtaposition, la coordination,
la subordination et la relativation qui débouchent sur des discours
< ACT > Conn < RES > ou < RES > Conn < ACT > où le connecteur
Conn est un signe de ponctuation, une conjonction de coordination ou
de subordination ou un pronom relatif.

2.2. Formes exprimant la cause et formes exprimant le résultat

Pour un connecteur Conn donné, l'acceptabilité d'un discours


< ACT > Conn < RES > ou < RES > Conn < ACT > dépend de la
forme des phrases < ACT > et < RES > et du temps de leur verbe.
Considérons la relation causale :

i— cause Luc a renversé le café sur ma robe.


L> résultat Ma robe a des taches.

Le résultat peut être exprimé, entre autres, par une des formes suivantes :

// y avoir des taches sur ma robe.


Ma robe avoir des taches.
Luc faire des taches sur ma robe.
Le café faire des taches sur ma robe.
Ma robe être tachée.
Ma robe être tachée par Luc.

La cause peut être exprimée, entre autres, par une des formes suivantes :

Luc renverser le café sur ma robe.


Le café être renversé sur ma robe par Luc.
Le café être renversé sur ma robe.

L'acceptabilité d'un discours < RES > quand < ACT > , par exemple,
dépend de la forme choisie pour les phrases < ACT > et < RES > et
du temps de leur verbe :

H77 y a des taches sur ma robe quand Luc a renversé le café dessus.
1Í7/ y avait des taches sur ma robe quand Luc a renversé le café
dessus.
Il y a eu des taches sur ma robe quand Luc a renversé le café
dessus.
^Ma robe a des taches quand Luc a renversé le café dessus.
?Ma robe a eu des taches quand Luc a renversé le café dessus.
Luc a fait des taches sur ma robe quand il a renversé le café dessus.
1ÍLe café a fait des taches sur ma robe quand il a été renversé dessus
par Luc.
1ÍMa robe est tachée quand Luc a renversé le café dessus.
Ma robe a été tachée quand Luc a renversé le café dessus.

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Ma robe a été tachée quand le café a été renversé dessus par Luc.
Ma robe a été tachée par Luc quand il a renversé le café dessus.

Il y a donc lieu de spécifier les formes et les temps des phrases < ACT >
et < RES > pour déterminer l'acceptabilité des discours < ACT > Conn
< RES > et < RES > Conn < ACT > . Les possibilités offertes par la
langue française pour exprimer ces phrases étant fort nombreuses, nous
n'en étudierons que certaines.

2.2.1. Formes étudiées pour < ACT >

Nous nous limiterons aux formes suivantes pour exprimer la cause,


c'est-à-dire une action effectuée par un agent H :

(Al) H Va (passé composé) W1


= : Luc a entassé mes robes dans Г armoire.
(A2) W être (passé composé) Va-pp W" par H
= : Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc.
(A3) W être (passé composé) Va-pp W"
= : Mes robes ont été entassées dans Г armoire.

La forme (Al) a pour élément prédicatif un « verbe d'action » Va qui est


construit à l'actif, avec l'agent H ayant effectué l'action comme sujet.
L'action dans une relation causale directe affectant directement une entité
X, cette entité figure généralement dans W8, mais dans des positions
syntaxiques diverses, par exemple :
— en position d'objet direct

Luc a entassé mes robes dans l'armoire (les froissant).


Luc a renversé cette carafe (la cassant).
Luc a matraqué Marie (la blessant).

— en position d'objet indirect

Luc a tiré sur Marie (la tuant).


Luc a donné un coup de poing à Marie (lui faisant un bleu).
Luc a renversé du café sur ma robe (la salissant) .
7. Le symbole W désigne une suite de compléments éventuellement vide.
8. Lorsque l'entité X ne figure pas dans W, la relation causale est généralement indirecte :
Luc a entassé mes robes dans le tiroir, froissant mes chemises.
\W =: mes robes dans le tiroir], [X =: mes chemises]
Luc a tiré sur Marie, blessant Eve.
[W =: sur Marie], [X =: Eve]
Toutefois, si on considère que le discours
(1) Luc a plastiqué la maison de Marie, la blessant.
met en jeu une relation causale directe, on voit qu'il en est de même pour le discours suivant :
(2) Luc a plastiqué la maison de Marie, blessant son chien.
bien que X =: le chien de Marie ne figure pas dans W =: la maison de Marie. Ces deux discours
comportent une relation locative implicite, respectivement :
Marie était dans sa maison
Le chien de Marie était dans la maison de Marie
En ce sens, X figure implicitement dans W.

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— en position de complément de nom d'un objet direct ou indirect

Luc a tiré deux balles dans le cœur de Marie (la tuant).


Luc a donné un coup de poing dans les tibias de Marie (lui faisant un bleu).
Luc a plastiqué la maison de Marie (la blessant) .

Selon le verbe Va, la forme (Al) peut subir certaines transformations


syntaxiques. Seule la transformation passive sera considérée : nous
étudierons la forme passive avec agent correspondant à (A2) et la forme
passive sans agent correspondant à (A3).

2.2.2. Formes étudiées pour < RES >

Nous nous limiterons aux résultats exprimés dans une des formes
suivantes :

(RI) H Vr (passé composé) X =: Luc a froissé mes robes.


(R2) X être (passé composé) Vr-pp par H =: Mes robes ont été froissées
par Luc.
(R3) X être (passé composé) Vr-pp =: Mes robes ont été froissées.
(R4) X être (présent) Vr-pp =: Mes robes sont froissées.
(R5) X se Vr (passé composé) =: Mes robes se sont froissées.

Ces formes mettent toutes en jeu un verbe plein Vr qui est construit :
— à l'actif avec l'agent H comme sujet et l'entité X comme objet
direct dans (RI);

— àaulaparticipe
passif
formesans
avec
pronominale
passé
agent
adjectival
avec
« neutre
l'entité
avec »l'entité
X comme
avec l'entité
X comme
sujet
X comme
dans
sujet (R3)
(R2)
dans
sujet; (R4)
dans;

(R5) ».
On notera que la seule différence entre (R3) et (R4) est le temps des
verbes : passé composé pour le passif sans agent de (R3) et présent pour
le participe passé adjectival de (R4). Le choix d'une forme (Ri) dépend,
entre autres, des conditions d'énonciation du discours. Ainsi la forme
(R4) au présent suppose que l'entité X est dans l'état décrit par Vr-pp au
moment de l'élocution de la phrase, ce qui n'est pas forcément le cas
pour les autres formes (Ri). Néanmoins, nous ne traiterons pas les
conditions d'énonciation des discours < RES > Conn < ACT > et < ACT >
Conn < Res > .
Les phrases < RES > qui n'ont pas comme élément prédicatif un
verbe plein Vr entrant dans la construction (Al) ne sont donc pas étudiées
ici. Indiquons simplement que < Res > peut être exprimé par d'autres
constructions à verbe plein (e.g. des constructions intransitives comme

9. Nous faisons référence à la forme pronominale « neutre » établie dans (J.-P. Boons, A. Guillet et
Ch. Leclère 1976a).

101
Marie saigne du nez) ou par des constructions à verbe support 10 suivi
d'un élément prédicatif non verbal :

X être Adj.
Ma robe est sale.
Cette lettre est illisible.
X avoir Dêt N W.
Ma robe a des taches.
Marie a des blessures.
Marie a un bleu.
Marie a la gueule de bois.
X être Prép С W.
Ma robe est en lambeaux.
Ce tableau est de traviole.

Ces phrases à verbe support peuvent admettre des variantes aspectuelles :

X devenir Adj.
=: Cette lettre est devenue illisible.
X attraper Dêt N W.
=: Marie a attrapé mal à la tête.
X Vmt Prép CW.
=: Ma robe part en lambeaux.

et des opérateurs causatifs :

TV rendre X Adj.
=: Luc a rendu cette lettre illisible.
N donner Dêt N W à X.
=: Le fait ď avoir bu beaucoup de cognac a donné la gueule de bois à Marie.
N mettre X Prép С W.
=: Luc a mis ma robe en lambeaux.

L'étude de l'articulation de la phrase exprimant la cause avec celle


exprimant le résultat lorsque cette dernière est construite autour d'un verbe
support, d'une variante aspectuelle de verbe support ou d'un opérateur
causatif doit se faire dans le prolongement de l'étude proposée ici
restreinte aux cas où la phrase exprimant le résultat est construite autour
d'un verbe plein Vr.

3. Discours exprimant une relation causale directe

Nous allons donc étudier les discours < ACT > Conn < RES > et
< RES > Conn < ACT > construits avec < RES > = (Rl), (R2), (R3),
10. La notion de verbe support, ainsi que celle de variante aspectuelle de verbe support et d'opérateur
causatif, sont présentées, entre autres, dans (M. Gross 1981), le numéro 69 de Langue Française et
(L. Danlos à paraître).

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(R4) ou
nous utiliserons
(R5) et <des
ACTexemples
> = (Al),
spécifiques
(A2) ou de
(A3).
(Ri)Dans
et (Aj),
un premier
à savoir temps,
:

(RI) Luc a froissé mes robes.


(R2) Mes robes ont été froissées par Luc.
(R3) Mes robes ont été froissées.
(R4) Mes robes sont froissées.
(R5) Mes robes se sont froissées.
(Al) Luc a entassé mes robes dans V armoire.
(A2) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc.
(A3) Mes robes ont été entassées dans Varmoire.

Nous examinerons en 4 dans quelle mesure les acceptabilités


observées avec ces exemples spécifiques sont valables pour d'autres exemples.
Nous utiliserons des étiquetages tels que (RI). (Al) pour représenter
un discours dont le résultat est exprimé par la forme (RI) à laquelle est
juxtaposée la forme (Al) exprimant la cause. Ces étiquetages ont pour
but non seulement d'indiquer la forme des discours, mais aussi leur
interprétation. Considérons le discours :

Luc a froissé mes robes. Il les a entassées dans l'armoire.

Celui-ci peut être interprété comme une relation causale directe dont la
cause est exprimée dans la seconde phrase, le résultat dans la première,
ou bien comme une relation causale indirecte dont la cause est exprimée
dans la première phrase, le résultat dans la seconde. L'étiquetage (RI).
(Al) correspond à l'interprétation de relation causale directe, tandis que
(Al). (RI) correspond à l'interprétation de relation causale indirecte. Ce
discours peut aussi être interprété comme une succession de deux procès
(P) et (P') sans relation de cause à effet. Cette interprétation
correspondrait à un étiquetage du type (Pl).(P'l). Rappelons que nous ne
considérons un discours comme acceptable que s'il exprime une relation
causale directe. Ainsi le discours (R2) et (A3) est inacceptable :

(R2) et (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc et elles ont été entassées
dans l'armoire.

Ce discours jugé inacceptable peut cependant recevoir d'autres


interprétations : il peut recevoir l'interprétation (A2) et (R3) mettant en jeu une
relation causale indirecte ou une interprétation du type (P2) et (P'3)
mettant en jeu une succession de deux événements sans relation de cause
à effet n. Nous ne porterons des jugements d'acceptabilité que sur des
discours étiquetés afin d'éviter toute ambiguïté d'interprétation.
Les discours construits avec < RES > = (R3), (R4) ou (R5) et
< ACT > = (A3) ne mentionnent pas l'agent H ayant effectué Faction :
11. Ce discours devient aussi acceptable si on lui adjoint une troisième phrase :
Mes robes ont été froissées par Luc et elles ont été entassées dans le tiroir. Ten déduis donc que
c'est Luc qui les a entassées dans le tiroir.

103
(A3).(R3) Mes robes ont été entassées dans V armoire. Elles ont été
froissées.
(R4) car (A3) Mes robes sont froissées car elles ont été entassées dans Гаг-
moire.

Nous n'étudierons pas ces discours qui ne doivent être retenus qu'en
l'absence d'informations sur l'agent H.

3.1. Juxtaposition

3.1.1. Discours <ACT> . <RES>


Lorsque l'action est exprimée à l'actif, i.e. < ACT > = (Al), les
discours < ACT > . < RES > ont les acceptabilités suivantes :

(Al). (RI) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Il les a froissées.
(A1).(R2) l^Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées
par celui-ci.
(A1).(R3) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées.
(A1).(R4) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles sont froissées.
(A1).(R5) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles se sont froissées.

Tous les discours (Al). (Ri) sont acceptables sauf (Al). (R2) qui est
douteux et qui n'évoque pas une relation causale directe entre les deux
phrases 12. Le caractère douteux de (A1).(R2) ne change guère si la forme
pronominale celui-ci est remplacée par une autre forme pronominale ou
par une redescription de l'agent H :

(A1).(R2) l^Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées
par (lui + cet imbécile).

Lorsque l'action est exprimée au passif avec agent, i.e. < ACT > =
(A2), on obtient les résultats suivants :

(A2).(R1) ?Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Il les a
froissées.
(A2).(R2) l^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont
été froissées par celui-ci.
(A2).(R3) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont
été froissées.
(A2).(R4) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles sont
froissées.
(A2).(R5) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles se
sont froissées.

Le discours (A2). (RI) est maladroit, mais ce caractère maladroit semble


atténué si le pronom il est remplacé par une redescription de H :

12. Ce discours peut à la rigueur évoquer une succession de deux événements sans rapport de cause
à effet.

104
(A2).(R1) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Cet imbécile
les a froissées.

Par contre, le caractère douteux de (A2).(R2) ne disparaît pas lorsque la


forme pronominale celui-ci est remplacée par une autre forme
pronominale ou par une redescription de H :

(A2).(R2) ?^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont
été froissées par (lui + cet imbécile).

Lorsque l'action est exprimée au passif sans agent, i.e. < ACT > =
(A3), les discours (A3). (RI) et (A3).(R2) sont inacceptables car la
juxtaposition des deux phrases n'évoque pas une relation causale directe :

(A3). (RI) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire. Luc les a froissées.
(A3).(R2) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire. Elles ont été froissées
par Luc 13.

3.1.2. Discours <RES> . < ACT >


Lorsque l'action est exprimée au passif sans agent, i.e. < ACT > =
(Al), tous les discours (Ri). (Al) sont acceptables :

(RI). (Al) Luc a froissé mes robes. Il les a entassées dans l'armoire.
(R2).(A1) Mes robes ont été froissées par Luc. Il les a entassées dans
l'armoire.
(R3).(A1) Mes robes ont été froissées. Luc les a entassées dans l'armoire.
(R4).(A1) Mes robes sont froissées. Luc les a entassées dans l'armoire.
(R5).(A1) Mes robes se sont froissées. Luc les a entassées dans l'armoire.

Lorsque l'action est exprimée au passif avec agent, i.e. < ACT > =
(A2), on observe les résultats suivants :

(R1).(A2) 7% Luc a froissé mes robes. Elles ont été entassées dans l'armoire
par celui-ci.
(R2).(A2) Mes robes ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire par celui-ci.
(R3).(A2) Mes robes ont été froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire
par Luc.
(R4).(A2) Mes robes sont froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire
par Luc.
(R5).(A2) Mes robes se sont froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire
par Luc.

Le discours (R1).(A2) est stylistiquement désagréable, même si la forme


pronominale celui-ci est remplacé par une redescription de H :

(R1).(A2) l^Luc a froissé mes robes. Elles ont été entassées dans l'armoire
par cet imbécile.
13. Rappelons que les discours (A3).(R3), (A3).(R4) et (A3).(R5) ne sont pas retenus car ils ne
mentionnent pas l'agent H (ici Luc).

105
Lorsque Faction est exprimée au passif sans agent, i.e. < ACT > =
(A3), les discours (RI). (A3) et (R2).(A3) sont difficilement
compréhensibles, en tout cas, ils n'évoquent pas une relation causale directe entre
les deux phrases :

(RI). (A3) ^Luc a froissé mes robes. Elles ont été entassées dans l'armoire.
(R2).(A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire.

3.1.3. Bilan sur la juxtaposition

a) Quand la phrase exprimant le résultat ne mentionne pas l'agent,


i.e. < RES > = (R3), (R4) ou (R5), la juxtaposition de < ACT > et
< RES > constitue toujours un discours exprimant une relation causale,
quel que soit < ACT > et quel que soit l'ordre des informations (i.e.
discours < ACT > . < RES > ou discours < RES > . < ACT > ). Par
contre, quand la phrase exprimant l'action ne mentionne pas l'agent,
i.e. < ACT > = (A3), la juxtaposition de (A3) et de < RES > ne constitue
jamais un discours exprimant une relation causale. On opposera ainsi
les discours construits avec < RES > = (R3) qui sont acceptables dès
que la phrase exprimant l'action mentionne l'agent, i.e. < ACT > =
(Al) ou (A2)

(R3).(A1) Mes robes ont été froissées. Luc les a entassées dans l'armoire.
(R3).(A2) Mes robes ont été froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire
par Luc.
(A1).(R3) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées.
(A2).(R3) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont été
froissées.

et les discours construits avec < ACT > = (A3) obtenus à partir des
précédents en interchangeant entasser dans V armoire et froisser :

(A3). (RI) %Mes robes ont été entassées dans l'armoire. Luc les a froissées.
(A3).(R2) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire. Elles ont été froissées
par Luc.
(RI). (A3) ^Luc a froissé mes robes. Elles ont été entassées dans l'armoire.
(R2).(A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire.

b) Quand les phrases exprimant l'action et le résultat mentionnent


toutes deux l'agent, i.e. < ACT > = (Al) ou (A2) et < RES > = (RI)
ou (R2), les acceptabilités obtenues sont diverses. Examinons-les du point
de vue de l'ordre des informations :
- les discours (Al). (RI) et (RI). (Al) sont tous deux parfaits :

(Al). (RI) Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Il les a froissées.
(RI). (Al) Luc a froissé mes robes. Il les a entassées dans l'armoire.

106
La juxtaposition n'impose donc pas d'ordre sur les informations quand
les deux phrases sont à l'actif.
— les discours (R2).(A1) et (R2).(A2) commençant par le résultat sont
tous deux acceptables, contrairement au discours (A1).(R2) et (A2).(R2)
obtenus en changeant l'ordre des informations :

(R2).(A1) Mes robes ont été froissées par Luc. (Il + Cet imbécile) les a
entassées dans l'armoire.
(R2).(A2) Mes robes ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire par (celui-ci + cet imbécile).
(A1).(R2) ?^Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées
par (celui-ci + cet imbécile).
(A2).(R2) 7^ Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Elles ont
été froissées par (celui-ci + cet imbécile).

— le discours (A2).(R1) commençant par l'action est quasiment acceptable,


tandis que (R1).(A2) est douteux :

(A2).(R1) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. (?Il + cet
imbécile) les a froissées.
(R1).(A2) l^Luc a froissé mes robes. Elles ont été entassées dans l'armoire
par (celui-ci + cet imbécile).

Au total, il n'y a pas de relation entre l'acceptabilité d'un discours


juxtaposant les phrases (RI) ou (R2) et (Al) ou (A2) et l'ordre dans lequel
ces phrases sont juxtaposées. On peut envisager de faire appel à d'autres
règles pour expliquer les diverses acceptabilités de ces 8 discours, par
exemple :
Règle 1 : la juxtaposition de deux phrases dont les sujets ne sont
pas coréférents est inacceptable;
ou bien
Règle 2 : la juxtaposition de deux phrases, l'une à l'actif, l'autre au
passif avec agent, n'est acceptable que si la phrase au passif avec agent
précède la phrase à l'actif.
Néanmoins, soit ces règles sont fausses (cas de la Règle 1 qui a pour
exceptions les discours (R2).(A1) et (A2).(R1) 14), soit leur pertinence
linguistique n'est pas claire : cas de la Règle 2 qui est juste (elle rend
compte des acceptabilités de (A1).(R2), (A2).(R1), (R2).(A1) et (R1).(A2)),
mais dont le statut est discutable : est-ce une règle d'une portée plus
large qui refléterait, par exemple, une contrainte stylistique s'appliquant
à d'autres types de juxtapositions, ou est-ce simplement une condition
booléenne sur les différents paramètres en jeu qui permet de rendre
compte de quatre acceptabilités? Dans l'état actuel des connaissances sur
le discours, rien ne permet d'affirmer que la Règle 2 s'applique à d'autres
exemples que ceux à partir desquels elle a été établie.
c) En conclusion, les acceptabilités des discours juxtaposant < RES >
14. Cette règle présente encore plus d'exceptions si on prend en compte les discours construits avec
< RES > = (R3), (R4) ou (R5) qui sont tous acceptables, que les sujets des deux phrases juxtaposées
soient coréférents ou non.

107
et < ACT > n'obéissent qu'à des règles dont la pertinence linguistique
reste à démontrer. C'est le cas pour la Règle 2 posée en b), et pour les
règles posées en a) que nous rappelons :
— la juxtaposition de < ACT > et d'une phrase < RES > ne
mentionnant pas l'agent, i.e. < RES > = (R3), (R4) ou (R5), est acceptable;
— la juxtaposition de (A3) et de < RES > est inacceptable.
Par contre, nous allons voir que les acceptabilités des discours (Aj).(Ri)
et (Ri).(Aj) sont en corrélation avec les acceptabilités des discours (Aj) Соя/
(Ri) et (Ri)Con/ (Aj). Plus précisément, les corrélations sont les suivantes :
— un discours (Aj).(Ri) est acceptable si et seulement si il existe une
conjonction de coordination ou de subordination Conj tel que (Aj)Con/
(Ri) soit acceptable;
— un discours (Ri).(Aj) est acceptable si et seulement si il existe une
conjonction de coordination ou de subordination Conj tel que (Ri) Conj
(Aj) soit acceptable.
Z.S. Harris (1968, 1982) analyse une juxtaposition de plusieurs
phrases comme une unique phrase composée de sous-phrases reliées par
des connecteurs autres que des signes de ponctuation. Les corrélations
que nous allons établir entre les acceptabilités des discours (Aj).(Ri) et
(Aj)Cozy'
(Ri) d'une part, (Ri).(Aj) et (Ri)Conj (Aj) d'autre part, montrent
que l'analyse de Z. Harris est justifiée pour les juxtapositions exprimant
la relation causale directe qui nous concerne.

3.2. Coordination et subordination

Indiquons tout de suite que les conjonctions de coordination et de


subordination imposent toutes un ordre de discours. Ainsi, la conjonction
de coordination et est envisageable dans un discours < ACT > et
< RES > (e.g. Luc a entassé mes robes dans l'armoire et elles se sont
froissées), mais pas dans un discours < RES > et < ACT > (e.g. ^Mes
robes se sont froissées et Luc les a entassées dans Varmoire). De même,
la conjonction de subordination parce que est envisageable dans un
discours < RES > parce que < ACT > mais pas dans un discours < ACT >
parce que < RES > .

3.2.1. Discours <ACT> Conj < RES >


3.2.1.1. Discours <ACT> donc < RES >
Nous supposerons qu'une phrase introduite par donc est séparée de
la phrase précédente par une virgule. Rappelons que la conjonction donc
se place au début ou dans le groupe verbal de la phrase qu'elle introduit :
Luc vient de partir (donc il n'est pas loin + il n'est donc pas loin). On
constate qu'une relation causale directe est rendue d'une façon ' plus
naturelle lorsque donc est dans le groupe verbal de < RES > . Ainsi,
lorsque
ou (R5), <et RES
que >< ne
ACTmentionne
> mentionne
pas l'agent,
l'agent,i.e.
i.e. < <RES
ACT> >= =(R3),
(Al)(R4)
ou
(A2), les discours < ACT > donc < RES > sont acceptables (comme les

108
discours < ACT > . < RES > ) et ils sont plus naturels lorsque donc
n'apparaît pas en tête de phrase :

(Al) donc. (R3) Luc a entassé mes robes dans V armoire (?donc elles ont été
froissées + elles ont donc été froissées).
(Al) donc (R4) Luc a entassé mes robes dans l'armoire (?donc elles sont
froissées + elles sont donc froissées).
(Al) donc (R5) Luc a entassé mes robes dans l'armoire (?donc elles se sont
froissées + elles se sont donc froissées) .
(A2) donc (R3) Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc (?donc
elles ont été froissées + elles ont donc été froissées) .
(A2) donc (R4) Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc (Pdonc
elles sont froissées + elles sont donc froissées).
(A2) donc (R5) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc (?donc
elles se sont froissées + elles se sont donc froissées).

Il en est de même pour les discours (Al) donc (RI) et (A2) donc (RI) qui
sont acceptables comme les discours (Al). (RI) et (A2).(R1) :

(Al) donc (RI) ?Luc a entassé mes robes dans l'armoire, donc (il + cet
imbécile) les a froissées.
(Al) donc (RI) Luc a entassé mes robes dans l'armoire, (il + cet imbécile)
les a donc froissées.
(A2) donc (RI) ?Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc, donc
(il + cet imbécile) les a froissées.
(A2) donc (RI) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc, (?il +
cet imbécile) les a donc froissées.

Les discours (A3) donc (Ri) sont inacceptables (comme les discours
(A3). (Ri)) quelle que soit la position de donc dans (Ri) :

(A3) donc (RI) f Mes robes ont été entassées dans l'armoire (donc Luc les a
froissées + Luc les a donc froissées).
(A3) donc (R2) f Mes robes ont été entassées dans l'armoire (donc elles ont
été froissées par Luc + elles ont donc été froissées par Luc).

Les discours (Al) donc (R2) et (A2) donc (R2) sont bien formés, mais
ils n'ont pas une sémantique de relation causale directe :

(Al) donc (R2) ^Luc a entassé mes robes dans l'armoire (donc elles ont +
elles ont donc) été froissées par (lui + cet imbécile).
(A2) donc (R2) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc (donc
elles ont + elles ont donc) été froissées par (lui + cet
imbécile).

En effet, ces discours reçoivent l'interprétation suivante : Luc a entassé


mes robes dans l'armoire, c'est donc lui qui les a froissées. Rappelons que
les discours (A1).(R2) et (A2).(R2) sont eux stylistiquement désagréables :

(A1).(R2) l^Luc a entassé mes robes dans l'armoire. Elles ont été froissées
par (lui + cet imbécile).

109
(A2).(R2) 7^ Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc. Elles ont
été froissées par (celui-ci + lui + cet imbécile).

En conclusion, un discours (Aj) donc (Ri) exprime correctement une


relation causale directe si et seulement si le discours (Aj).(Ri) exprime
correctement une relation causale directe. On peut donc considérer, en
accord avec l'analyse de Z. S. Harris, qu'une forme (Aj).(Ri) est une forme
réduite de (Aj) donc (Ri), en faisant abstraction des éventuelles différences
entre signes de ponctuation [Ponct] :

Luc a entassé mes robes dans Г armoire [Ponct] il les a donc froissées.
= Luc a entassé mes robes dans l'armoire [Ponct] il les a froissées.

Certains adverbes sont à rapprocher de la conjonction de


coordination donc, par exemple : ce faisant, par conséquent, en conséquence.
Nous n'étudierons pas ici l'insertion de ces adverbes dans les
juxtapositions <ACT> . <RES> :

Luc a entassé mes robes dans l'armoire. (Ce faisant + par conséquent), il
les a froissées.
?Luc a entassé mes robes dans Г armoire. En conséquence, il les a froissées.

3.2.1.2 Discours <ACT> et < RES >


Le discours (Al) et (RI) est bien formé mais il évoque une succession
dans le temps des deux phrases coordonnées plutôt qu'une relation causale
directe :

(Al) et (RI) ^Luc a entassé mes robes dans l'armoire et il les a froissées.

Dans le prolongement de l'analyse de Z. S. Harris selon laquelle une


juxtaposition de deux phrases serait une réduction d'un discours
comportant un connecteur autre qu'un signe de ponctuation, on pourrait avancer
l'hypothèse qu'un discours coordonnant deux phrases par la conjonction
et est une réduction d'un discours où la conjonction et est assortie d'un
adverbe précisant sa sémantique. Dans ce sens, le discours (PI) et
ensuite (PI)

(PI) et ensuite (P' 1) Luc a entassé mes robes dans l'armoire et ensuite il les
a froissées.

permettrait l'effacement de l'adverbe ensuite

(PI) et (PI) Luc a entassé mes robes dans l'armoire et il les a froissées.

tandis que le discours (Al) et-ce-faisant (RI)

(Al) et ce faisant (RI) Luc a entassé mes robes dans l'armoire et ce faisant,
il les a froissées.

110
ne permettrait pas l'effacement de l'adverbe ce faisant :

(Al) et (RI) ÏÏLmc a entassé mes robes dans l'armoire et il les a froissées.

Le discours (A2) et (R2), comme (Al) et (RI), évoque une succession de


deux événements et non une relation causale directe :

(A2) et (R2) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc et elles ont
été froissées par (celui-ci + cet imbécile).

Par contre, l'insertion de et dans les discours (A1).(R4), (A1).(R5), (A2).(R4)


et (A2).(R5) ne change pas l'acceptabilité : les discours (Al) et (R4), (Al)
et (R5), (A2) et (R4) et (A2) et (R5) évoquent une relation causale directe
entre les deux phrases coordonnées :

(Al) et (R4) Luc a entassé mes robes dans Г armoire et elles sont froissées.
(Al) et (R5) Luc a entassé mes robes dans l'armoire et elles se sont froissées.
(A2) et (R4) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc et elles sont
froissées.
(A2) et (R5) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc et elles se
sont froissées.

La situation est moins claire pour (A1).(R3) et (A2).(R3) : les discours


(Al) et (R3) et (A2) et (R3) sont douteux :

(Al) et (R3) ?Luc a entassé mes robes dans l'armoire et elles ont été froissées.
(A2) et (R3) ?Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc et elles ont
été froissées.

Les discours (Al) et (R2) et (A2) et (RI) sont stylistiquement désagréables


et ils n'évoquent guère une relation causale directe, comme c'était le cas
pour les discours (A1).(R2) et (A2).(R1) :

(Al) et (R2) ^Luc a entassé mes robes dans l'armoire et elles ont été froissées
par celui-ci.
(A2) et (RI) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc et il les a
froissées.

Quant aux discours (A3) et (Ri), ils sont interdits comme les
discours (A3). (Ri) :

(A3) et (RI) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire et Luc les a froissées.
(A3) et (R2) ^Mes robes ont été entassées dans l'armoire et elles ont été
froissées par Luc.

3.2.1.3. Comparaison entre les discours < ACT > . < RES > et
<ACT> Conj <RES>
A part et et donc, il n'existe aucune conjonction de coordination ou
de subordination permettant de construire un discours < ACT >
Conj < RES > avec une sémantique de relation causale directe. En par-

111
ticulier, les conjonctions de subordination qui seraient envisageables pour
introduire < RES > excluent pour les textes où elles figurent
l'interprétation de relation causale directe :

^Luc a entassé mes robes dans l'armoire (de sorte que + afin que + pour
que) elles soient froissées.

Le tableau 1 récapitule les acceptabilités des discours < ACT > Conn
< RES > . Dans ce tableau, une ligne indique les choix pour < ACT >
et < RES > , i.e. < ACT > = (Al), (A2) ou (A3), < RES > = (RI), (R2),
(R3), (R4) ou (R5) 15, une colonne indique un choix de connecteur, i.e.
Conn = [Ponct], et ou donc. A l'intersection d'une ligne et d'une colonne :
— un signe « + » signifie que le discours est bien formé et qu'il a
une sémantique de relation causale;
— un signe « — » signifie que le discours est mal formé et/ou qu'il
n'a pas une sémantique de relation causale;
— un signe « ? » signifie que le discours est douteux d'un point de
vue stylistique et/ou sémantique.
En génération automatique de textes, le signe « ? » devrait être
interprété comme un « — ». En effet, on peut poser comme principe que
les textes produits par la machine doivent être non ambigus et d'un style
soutenu. Par exemple, on peut imposer que la machine n'engendre pas
le discours

(1) Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc et elles ont été
froissées.

qui est ambigu : il exprime une relation causale directe ou une succession
de deux événements dans le temps. Par contre, en analyse automatique
de textes, le signe « ? » devrait être interprété comme un « + ». En effet,
on ne peut pas attendre de l'usager qu'il s'exprime dans un style châtié,
par exemple, qu'il évite l'emploi de (1) pour exprimer une relation causale
directe. Bien entendu, il existe en analyse automatique une part
d'arbitraire entre les signes « ? » et « — » puisqu'on ne peut pas être sûr que
l'usager évitera, par exemple, l'emploi de

Luc a entassé mes robes dans V armoire et il les a froissées.

pour exprimer une relation causale directe, bien que ce discours


s'interprète plutôt comme une succession dans le temps de deux événements
que comme une relation causale directe.

15. Les combinaisons avec < ACT > - (A3) et < RES > = (R3), (R4) ou (R5), qui ne mentionnent
pas l'agent H ayant effectué l'action, ne figurent pas dans ce tableau, puisqu'elles ont été écartées de
cette étude.

112
Tableau 1

Conn [Ponct] done et

(Aj) Conn

Conn (Rl) + + _
(Al)
Conn - - -
(Al) (R2)
(Al) Conn (R3) + + ?
(Al) Conn (R4) + + +
(Al) Conn (R5) + + +
Conn + + -
(A2) (Rl)
Conn - - -
(A2) (R2)
(A2) Conn (R3) + + ?
(A2) Conn (R4) + + +
(A2) Conn (R5) + + +
Conn - - -
(A3) (Rl)
Conn — — —
(A3) (R2)

Ce tableau met en évidence les corrélations suivantes : un discours (Aj).(Ri)


est acceptable si et seulement si le discours (Aj) donc (Ri) l'est; un discours
(Aj) et (Ri) est acceptable si le discours (Aj).(Ri) l'est.

3.2.2. Discours < RES > Conj < ACT >

3.2.2.1. Discours <RES> car < ACT >


Nous donnons ci-dessous les acceptabilités des discours (Ri) car (Aj) :

(Rl) car (Al) Luc a froissé mes robes car (?il + cet imbécile) les a
entassées dans Varmoire.
(R2) car (Al) Mes robes ont été froissées par Luc car (?il + cet imbécile)
les a entassées dans l'armoire.
(R3) car (Al) Mes robes ont été froissées car Luc les a entassées dans
l'armoire.
(R4) car (Al) Mes robes sont froissées car Luc les a entassées dans
l'armoire.
(R5) car (Al) Mes robes se sont froissées car Luc les a entassées dans
l'armoire.
(Rl) car (A2) l^Luc a froissé mes robes car elles ont été entassées dans
l'armoire par (celui-ci + cet imbécile).
(R2) car (A2) Mes robes ont été froissées par Luc car elles ont été entassées
dans l'armoire par (?celui-ci + cet imbécile).
(R3) car (A2) Mes robes ont été froissées car elles ont été entassées dans
l'armoire par Luc.
(R4) car (A2) Mes robes sont froissées car elles ont été entassées dans
l'armoire par Luc.
(R5) car (A2) Mes robes se sont froissées car elles ont été entassées dans
l'armoire par Luc.

113
(RI) car (A3) fîLiic a froissé mes robes car elles ont été entassées dans
l'armoire.
(R2) car (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc car elles ont été entassées
dans l'armoire.

On constate que les acceptabilités des discours (Ri) car (Aj) sont les mêmes
que celles des discours (Ri).(Aj). Les seules différences entre ces deux
types de discours sont que (RI) car (Al), (R2) car (Al) et (R2) car (A2)
demandent une redescription de l'agent dans la seconde phrase, tandis
qu'une forme pronominale est acceptable dans les discours (RI). (Al),
(R2).(A1) et (R2).(A2) :

(RI) car (Al) Luc a froissé mes robes car (?il + cet imbécile) les a entassées
dans l'armoire.
(RI). (Al) Luc a froissé mes robes. (Il + Cet imbécile) les a entassées dans
l'armoire.
(R2) car (Al) Mes robes ont été froissées par Luc car (?il + cet imbécile)
les a entassées dans l'armoire.
(R2).(A1) Mes robes ont été froissées par Luc. (Il + Cet imbécile) les a
entassées dans l'armoire.
(R2) car (A2) Mes robes ont été froissées par Luc car elles ont été entassées
dans l'armoire par (?celui-ci + cet imbécile).
(R2).(A2) Mes robes ont été froissées par Luc. Elles ont été entassées dans
l'armoire par (celui-ci + cet imbécile).

Le fait que les acceptabilités des discours (Ri).(Aj) et (Ri) car (Aj) soient
les mêmes (à des phénomènes de pronominalisation près) va dans le sens
de l'analyse de Z. S. Harris : on peut considérer qu'un discours (Ri).(Aj)
est une forme réduite de (Ri) car (Aj) :

Mes robes sont froissées [Ponct] car elles ont été entassées dans l'armoire.
= Mes robes sont froissées [Ponct] elles ont été entassées dans l'armoire.

3.2.2.2. Discours < RES > (parce que + du fait que) < ACT >
Les acceptabilités des discours < RES > (parce que + du fait que)
< ACT > sont à rapprocher de celles des discours < RES > car < ACT >
dans les limites suivantes :
— lorsque le discours (Ri) car (Aj) est interdit, il en est de même pour
les discours (Ri) parce que (Aj) ou (Ri) du fait que (Aj). C'est le cas pour
(Aj) = (A3) quel que soit (Ri), par exemple (R2) :

(R2) car (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc car elles ont été
entassées dans l'armoire.
(R2) parce que (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc (parce que + du
fait que) elles ont été entassées dans l'armoire.

C'est aussi le cas pour (RI) car (A2) :

(RI) car (A2) t^Luc a froissé mes robes car elles ont été entassées
dans l'armoire par (celui-ci + cet imbécile) .

114
(RI) parce que (A2) l^Luc
elles aont
froissé
été entassées
mes robes
dans
(parce
V armoire
que par
+ du(celui-ci
fait que)
+
cet imbécile).

— lorsque les discours (Ri) car (Aj) sont parfaitement acceptables et sans
restriction de pronominalisation, i.e. discours (Ri) car (Al) et (Ri) car
(A2) avec i = 3, 4 ou 5, les discours (Ri) parce que (Aj) et (Ri) du fait
que (Aj) sont acceptables, bien que peut-être moins naturels :

(R4) car (Al) Mes robes sont froissées car Luc les a entassées dans
Varmoire.
(R4) parce que (Al) Mes robes sont froissées (parce que + du fait que) Luc
les a entassées dans l'armoire.
(R3) car (A2) Mes robes ont été froissées car elles ont été entassées
dans l'armoire par Luc.
(R3) parce que (A2) Mes robes ont été froissées (parce que + du fait que)
elles ont été entassées dans l'armoire par Luc.

— lorsque les discours (Ri) car (Aj) sont un peu maladroits, i.e. discours
(RI) car (Al), (R2) car (Al) et (R2) car (A2), il en est de même pour les
discours (Ri) parce que (Aj) et (Ri) du fait que (Aj), la maladresse des
discours (Ri) du fait que (Aj) étant accentuée :

(RI) car (Al) Luc a froissé mes robes car (?il + cet imbécile) les a
entassées dans l'armoire.
(RI) parce que (Al) Luc a froissé mes robes parce que (?il + cet imbécile)
les a entassées dans l'armoire.
(RI) du fait que (Al) Luc a froissé mes robes du fait que (?il + ?cet imbécile)
les a entassées dans l'armoire.

3.2.2.3. Discours < RES > (quand + lorsque) < ACT >
Rien que les conjonctions quand et lorsque soient habituellement
qualifiées de temporelles, elles peuvent être utilisées pour formuler une
relation causale directe. Nous n'avons observé aucune différence
d'acceptabilité entre les discours comportant la conjonction quand et ceux
comportant la conjonction lorsque. Les discours < RES > quand
< ACT > sont inacceptables lorsque < RES > est construit autour d'un
participe adjectival présent, i.e. < RES > = (R4) :

(R4) quand (Al) ^Mes robes sont froissées quand Luc les a entassées dans
l'armoire.
(R4) quand (A2) ^Mes robes sont froissées quand elles ont été entassées dans
l'armoire par Luc.

Hormis le cas (Ri) = (R4), les discours (Ri) quand (Aj) ont les mêmes
acceptabilités que (Ri) car (Aj) à quelques phénomènes de
pronominalisation près, ce qui est illustré par les exemples suivants :

115
(RI) car (Al) Luc a froissé mes robes car (?il + cet imbécile) les a
entassées dans l'armoire.
(RI) quand (Al) Luc a froissé mes robes quand (il + ?cet imbécile) les
a entassées dans l'armoire.
(RI) car (A2) l\Luc a froissé mes robes car elles ont été entassées dans
l'armoire par (celui-ci + cet imbécile).
(RI) quand (A2) ^Luc a froissé mes robes quand elles ont été entassées
dans l'armoire par (celui-ci + cet imbécile).
(R5) car (A2)' Mes robes se sont froissées car elles ont été entassées
dans l'armoire par Luc.
(R5) quand (A2) Mes robes se sont froissées quand elles ont été entassées
dans l'armoire par Luc.
(R2) car (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc car elles ont été
entassées dans l'armoire.
(R2) quand (A3) ^Mes robes ont été froissées par Luc quand elles ont été
entassées dans l'armoire.

3.2.2.4. Discours < RES > depuis que < ACT >
A l'inverse des discours < RES > (quand + lorsque) < ACT > , les
discours < RES > depuis que < ACT > ne sont acceptables que lorsque
< RES > = (R4) :

Mes robes sont froissées depuis que Luc les a entassées dans l'armoire.
Mes robes sont froissées depuis qu'elles ont été entassées dans l'armoire
par Luc.
^Mes robes (se sont + ont été) froissées depuis que Luc les a entassées dans
l'armoire.
^Mes robes (se sont + ont été) froissées depuis qu'elles ont été entassées
dans l'armoire par Luc.

3.2.2.5. Comparaison entre les discours < RES > . < ACT > et < RES >
Conj <ACT>
On pourrait envisager d'autres conjonctions de subordination
permettant de former des discours < RES > Conj < ACT > avec une
sémantique de relation causale directe, par exemple la conjonction après
que :

?Mes robes ont été froissées après que Luc les ait entassées dans l'armoire.

Néanmoins, nous arrêterons là notre investigation sur les discours


< RES > Conj < ACT > .
Le tableau 2, construit sur les mêmes principes que le tableau 1,
récapitule les acceptabilités des discours < RES > Conn < ACT > avec
Conn = [Ponct], car, parce que (du fait que), quand (lorsque) ou depuis
que.

116
Tableau 2

^""-\^^ Conn [Ponct] car parce que quand depuis que

(Ri) Conn (Aj) ^""~\^^

+ + ? + 1
+ + ? + 1
(RI) Conn
(R2)
(R3)
(R4)
(R5) Соли (Al) + + + + 1
+ + + +
+ + + + 1
(RI) б?о«о (А2) 1
(R2) Conn (A2) + + + 1
(R3) Conn (A2) + + + + 1

.
(R4) Сопл (А2) + + + +
(R5) Conn (A2) + + + + 1
(Rl) Conn (A3)
(R2) Conn (A3) - - - - -

Nous avons déjà signalé que les discours (Ri).(Aj) et (Ri) car (Aj) avaient
les mêmes acceptabilités à des phénomènes de pronominalisation près,
et que ces acceptabilités étaient aussi celles des discours (Ri) parce que
(Aj) et (Ri) du fait que (Aj), bien que ces derniers paraissent moins
naturels. On observe de plus la corrélation suivante : un discours (Ri).(Aj)
est accceptable si et seulement si l'un au moins des discours (Ri) quand
(Aj) et (Ri) depuis que (Aj) est acceptable.

3.3. Relativation

Nous allons étudier les discours comportant une principale (Ri)


(resp. (Aj)) et une relative de type explicative (Aj) (resp. (Ri)). Toutes les
phrases (Ri) et (Aj) mentionnent l'entité X (en position sujet ou objet
direct) et certaines de ces phrases mentionnent l'agent H (en position
sujet ou complément d'agent). Les relatives que l'on peut former à partir
des paires (Ri), (Aj) ont donc pour antécédent soit le sujet de la principale
soit son objet direct ou son complément d'agent. Nous supposerons que
l'objet direct ou le complément d'agent de la principale apparaît toujours
en dernière position 16. Cette supposition nous permet de ne distinguer
que deux configurations : 1) la relative a pour antécédent le dernier
élément de la principale, 2) la relative a pour antécédent le sujet de la
principale. Ces deux configurations sont réalisables si (Ri) et (Aj)
mentionnent toutes deux l'agent H (i.e. (Ri) = (Rl) ou (R2), et (Aj) = (Al)
ou (A2)), une seule de ces configurations est réalisable si (Ri) ou (Aj) ne
mentionne que l'entité X (i.e. (Ri) = (R3), (R4) ou (R5), ou (Aj) = (A3)).
16. Cette supposition implique que nous tronquerons éventuellement la principale afin que son
objet direct apparaisse en dernière position. Ainsi, nous utiliserons l'exemple Luc a entassé mes chemises
au lieu de Luc. a entassé mes chemises dans l'armoire afin que l'objet direct soit en dernière position.

117
Les acceptabilités données ci-dessous ne concernent que les configurations
réalisables.

3.3.1. Relatives accrochées au dernier élément de la principale


Les acceptabilités des discours comportant une relative qui a pour
antécédent le dernier élément de la principale sont les suivantes :

(Al)rel (RI) ^Luc a entassé mes robes qu'il a froissées.


(Al)rel (R2) l^Luc a entassé mes robes qui ont été froissées par celui-ci.
(Al)rel (R3) Luc a entassé mes robes qui ont été froissées.
(Al)rel (R4) Luc a entassé mes robes qui sont froissées.
(Al)rel (R5) Luc a entassé mes robes qui se sont froissées.
(A2)rel (RI) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc qui les
a froissées.
(A2)rel (R2) l^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc par (qui
+ lequel) elles ont été froissées.
(Rl)rel (Al) ^Luc a froissé mes robes qu'il a entassées dans l'armoire.
(R2)rel (Al) Mes robes ont été froissées par Luc qui les a entassées dans
l'armoire.
(Rl)rel (A2) l^Luc a froissé mes robes qui ont été entassées dans l'armoire
par celui-ci.
(R2)rel (A2) l^Mes robes ont été froissées par Luc par (qui + lequel) elles
ont été entassées dans l'armoire.
(Rl)rel (A3) ^Luc a froissé mes robes qui ont été entassées dans l'armoire.

On peut dégager de ces acceptabilités les observations suivantes :


- les seuls discours acceptables sont construits autour d'un pronom relatif
sujet : les pronoms relatifs objets débouchent sur des textes douteux :

(Al)rel (RI) ЦХис a entassé mes robes qu'il a froissées 1?.


(Rl)rel (Al) ^Luc a froissé mes robes qu'il a entassées dans l'armoire.

Les pronoms relatifs de forme par (qui + lequel) débouchent sur des
textes stylistiquement désagréables :

(A2)rel (R2) l^Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc par (qui
+ lequel) elles ont été froissées.
(R2)rel (A2) l^Mes robes ont été froissées par Luc par (qui + lequel) elles
ont été entassées dans l'armoire.

— les discours construits avec un pronom relatif sujet ont des


acceptabilités similaires à celles des discours juxtaposant les deux phrases. Plus
précisément, les discours (Al)rel (R2) et (Rl)rel (A2) sont aussi
désagréables que les discours (A1).(R2) et (R1).(A2) :
17. Le caractère douteux de ces textes est peut-être plus évident si l'agent Luc est remplacé pary'e:
*J'ai entassé mes robes que j'ai froissées. Ces textes perdent leur caractère douteux si l'adjectif possessif
mes est remplacé par l'article défini les, mais on a alors affaire à une interprétation restrictive de la
relative et non à une relation causale : J'ai entassé les robes que j'ai froissées.

118
(Al)rel (R2) ?lfLwc a entassé mes robes qui ont été froissées par celui-ci.
(A1).(R2) l^Luc a entassé mes robes. Elles ont été froissées par celui-ci.

Par contre, les discours (Al)rel (R3), (Al)rel (R4), (Al)rel (R5), (A2)rel
(RI) et (R2)rel (Al) sont tout autant acceptables que les
discours (A1).(R3), (A1).(R4), (A1).(R5), (A2).(R1) et (R2).(A1), ils peuvent
même paraître stylistiquement mieux formés :

(A2)rel (RI) Mes robes ont été entassées dans V armoire par Luc qui les a
froissées.
(A2).(R1) Mes robes ont été entassées dans l'armoire par Luc. Il les a
froissées.
(R2)rel (Al) Mes robes ont été froissées par Luc qui les a entassées dans
l'armoire.
(R2).(A1) Mes robes ont été froissées par Luc. Il les a entassées dans
l'armoire.

3.3.2. Relatives accrochées au sujet de la principale

La notation (Al)srel (RI) représente un discours dans lequel une


relative (RI) est accrochée au sujet de la principale (Al). Nous donnons
ci-dessous les acceptabilités des discours dont la relative décrit le résultat
(i.e. discours (Aj)srel (Ri)) :

(Al)srel (RI) ^Luc, qui a froissé mes robes, les a entassées dans l'armoire.
(Al)srel (R2) ^Luc, par qui mes robes ont été froissées, les a entassées.
(A2)srel (RI) ^Mes robes, que Luc a froissées, ont été entassées dans l'armoire
par celui-ci.
(A2)srel (R2) ^Mes robes, qui ont été froissées par Luc, ont été entassées
dans l'armoire par celui-ci.
(A2)srel (R3) ^Mes robes, qui ont été froissées, ont été entassées dans
l'armoire par Luc.
(A2)srel (R4) ?Mes robes, qui sont froissées, ont été entassées dans l'armoire
par Luc.
(A2)srel (R5) ^Mes robes, qui se sont froissées, ont été entassées dans
l'armoire par Luc.
(A3)srel (RI) ^Mes robes, que Luc a froissées, ont été entassées dans
l'armoire.
(A3)srel (R2) ^Mes robes, qui ont été froissées par Luc, ont été entassées
dans l'armoire.

Tous les discours (Aj)srel (Ri) sont donc inacceptables sauf (A2)srel (R4) :

(A2)srel (R4) ?Mes robes, qui sont froissées, ont été entassées dans l'armoire
par Luc.

Lorsque la relative accrochée au sujet de la principale décrit la cause


(i.e. discours (Ri)srel (Aj)), les acceptabilités obtenues sont variables :

119
(Rl)srel (Al) Luc, qui a entassé mes robes dans l'armoire, les a froissées.
(R2)srel (Al) l^Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire, ont été
froissées par celui-ci.
(R3)srel (Al) ?Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire, ont été
froissées.
(R4)srel (Al) Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire, sont froissées.
(R5)srel (Al) ?Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire, se sont
froissées.
(Rl)srel (A2) ?*\\Luc, par (qui + lequel) mes robes ont été entassées, les a
froissées.
(R2)srel (A2) l^Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc, ont
été froissées par celui-ci.
(R3)srel (A2) ?Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc,
ont été froissées.
(R4)srel (A2) Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc,
sont froissées.
(R5)srel (A2) ?Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc, se
sont froissées.
(R2)srel (A3). ^Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire, ont été
froissées par Luc.

Le discours (R4)srel (Al) construit avec un pronom relatif objet semble


aussi acceptable que le discours (R4)srel (A2) construit avec un pronom
relatif sujet :

(R4)srel (Al) Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire, sont froissées.
(R4)srel (A2) Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc, sont
froissées.

L'acceptabilité de ce type de discours semble diminuée si le résultat est


exprimé au moyen de (R3) ou (R5) au lieu de (R4) :

?Mes robes, que Luc a entassées dans l'armoire (ont été + se sont) froissées.
?Mes robes, qui ont été entassées dans l'armoire par Luc (ont été + se sont)
froissées.

4. Acceptabilité des discours (Aj) Conn (Ri) et (Ri) Conn (Aj)

Les acceptabilités des discours (Aj) Conn (Ri) et (Ri) Conn (Aj) que
nous venons de décrire reposaient sur des phrases spécifiques de forme
(Aj) ou (Ri), à savoir (RI) =: Luc a froissé mes robes, (Al) =: Luc a
entassé mes robes dans l'armoire, les autres phrases (Aj) et (Ri) se
déduisant par transformations syntaxiques. Nous allons examiner la validité
de ces jugements d'acceptabilité pour d'autres phrases de forme (Aj) ou
(Ri). Dans un premier temps, nous laisserons de côté la relativation. Nous
nous concentrerons donc sur les résultats récapitulés dans les tableaux
1 et 2 qui concernent la juxtaposition, la coordination et la subordination.
Nous allons voir que les signes « + » qui figurent dans ces tableaux
(correspondant à des discours inacceptables) restent valables quels que

120
soient (Aj) et (Ri), mais que les signes « + » ou « ? » (correspondant à
des discours acceptables ou douteux) ne sont pas valables quels que soient
(Aj) et (Ri).
Les différents paramètres qui peuvent influer sur l'acceptabilité des
discours (Aj) Conn (Ri) ou (Ri) Conn Aj sont :
— les propriétés syntaxiques de (Al);
-les propriétés syntaxiques de (RI);
— la nature de l'agent H et de l'entité X;
— les propriétés aspectuelles et sémantiques de (RI).
Nous allons passer en revue ces paramètres un à un : l'influence
d'un de ces paramètres sera étudiée « toute chose étant égale par ailleurs »,
c'est-à-dire sans tenir compte de l'influence des autres paramètres.

4.1. Propriétés syntaxiques de (Al)

La phrase Luc a entassé les robes dans l'armoire a pour objet direct
l'entité X et elle permet le passif, ce qui n'est pas toujours le cas pour
les phrases de forme (Al) :

(Al) =: H Va (passé composé) W.


=: Luc s'est assis sur mes robes (les froissant) .
=: Luc a posé les planches contre la glace (la rayant) .
=: Luc a envoyé un ballon dans les carreaux (les cassant).
=: Luc a accroché un paquet à la branche (la cassant).

Pour les phrases de forme (Al) qui ne permettent pas le passif (e.g. Luc
s'est assis sur mes robes), les discours construits avec < ACT > au passif
avec agent (A2) ou au passif sans agent (A3) sont toujours inacceptables.
Examinons dans quelle mesure le fait que l'entité X ne soit pas en position
d'objet direct dans (Al) peut altérer l'acceptabilité des discours (Al) Conn
(Ri) et (Ri) Conn (Al). Les discours (Al) Conn (R2), avec Conn = [Ponct],
donc ou et, restent inacceptables quelle que soit la position de X dans W
et quelle que soit la phrase de forme (R2) :

(Al) Conn (R2) ^Luc a posé les planches contre la glace ([Ponct] + donc +
et) elle a été rayée par (lui + celui-ci + cet imbécile).
(Al) Conn (R2) ^Luc a envoyé un ballon dans les carreaux ([Ponct] + donc
+ et) ils ont été cassés par (lui + celui-ci + cet imbécile).
(Al) Conn (R2) ^Luc s'est assis sur mes robes ([Ponct] + donc + et) elles
ont été froissées par (lui + celui-ci + cet imbécile).

L'acceptabilité des discours (Al) Conn (Ri)avec (Ri) ^ (R2) n'est pas
altérée par la position de X dans W (toute chose étant égale par ailleurs) :

(Al) Conn (RI) ^Luc a posé les planches contre la glace ([Ponct] + donc +
et) il Га rayée.
(Al) Conn (R3) Luc s'est assis sur mes robes ([Ponct] + donc + ?et) elles
ont été froissées.

121
(Al) Conn (R4) Luc a envoyé un ballon dans les carreaux ([Ponct] + donc +
et) ils sont cassés.
(Al) Conn (R5) Luc a accroché un paquet à la branche ([Ponct] + donc +
et) elle s'est cassée.

Par contre, le fait que l'entité X ne soit pas en position d'objet direct
dans W peut altérer l'acceptabilité des discours (Ri) Conn (Al) avec Conn
= [Ponct], car, parce que, quand, depuis que. En effet, l'entité X étant
obligatoirement mentionné dans (Ri), il peut être difficile de trouver une
forme pronominale ou un groupe nominal défini référant à X, qui n'est
pas en position d'objet direct dans W :

(RI) Conn (Al) l^Luc a rayé la glace ([Ponct] + car + quand) il a posé les
planches contre (E + elle + celle-ci + la glace).
(R4) Conn (Al) l^Les carreaux sont cassés ([Ponct] + car + depuis que)
Luc a envoyé un ballon (dans (eux + ceux-ci + les
carreaux) + dedans).

Les phrases de forme (Al) qui n'ont pas l'entité X comme objet
direct peuvent permettre la transformation passive, les formes (A2) et
(A3) n'ont alors pas X comme sujet. Les discours construits avec < ACT >
= (A3) sont toujours inacceptables :

(A3) Conn (RI) ^Les planches ont été posées contre la glace ([Ponct] + donc
+ et) Luc Га rayée.
(A3) Conn (R2) %Un ballon a été envoyé dans les carreaux ([Ponct] + donc
+ et) ils ont été cassés par Luc.
(RI) Conn (A3) ^Luc a cassé la branche ([Ponct] + car + quand) un paquet
y a été accroché.
(R2) Conn (A3) f Les carreaux ont été cassés par Luc ([Ponct] + car + quand)
un ballon a été envoyé dedans.

Les discours (A2) Conn (R2) et (RI) Conn (A2) sont toujours
inacceptables :

(A2) Conn (R2) ^Les planches ont été posées contre la glace par Luc ([Ponct]
+ donc + et) elle a été rayée par (lui + celui-ci + cet
imbécile) .
(RI) Conn (A2) ^Luc a cassé les carreaux ([Ponct] + car + quand) un ballon
a été envoyé dedans par (lui + celui-ci + cet imbécile).

Les autres discours construits avec < ACT > = (A2) sont plus ou moins
naturels :
(A2).(R4) ?Un ballon a été envoyé dans les carreaux par Luc. Ils se sont
cassés.

4.2. Propriétés syntaxiques de (RI)

La phrase Luc a froissé mes robes de forme (RI) =: H Vr (passé


composé) X permet la formation du passif, le participe passé adjectival

122
et la forme pronominale neutre. Mais ceci n'est pas le cas de toutes les
phrases de forme (RI). Certaines de ces phrases ne permettent pas le
participe passé adjectival :
Luc a tué Marie => *Marie est tuée.
Luc a séché mes robes => *Mes robes sont séchées.
Luc a empuanti la cuisine => *La cuisine est empuantie.

Les discours construits avec < RES > = (R4) sont alors interdits. De
même, certaines phrases de forme (RI) ne permettent pas la forme
pronominale neutre :
Luc a taché mes robes => *Mes robes se sont tachées.
Luc a tué Marie => *Marie s'est tuée 18.

Les discours construits avec < RES > = (R5) sont alors interdits.
Les contraintes que nous venons de signaler concernent la forme (RI)
prise isolément. Il existe aussi des contraintes lexicales sur le choix du
verbe Vr de (RI) lorsque cette forme est prise en contexte. Considérons
la phrase de forme (RI) : Luc a assassiné Marie qui permet les formes
passives (R2) et (R3). La juxtaposition de ces phrases (RI), (R2) ou (R3)
avec < ACT > donne les mêmes acceptabilités que celles du tableau 2 :

(RI). (Al) Luc a assassiné Marie. Il a plastiqué sa maison.


(R3).(A1) Marie a été assassinée. Luc a plastiqué sa maison.
(R2).(A2). Marie a été assassinée par Luc. Elle a été fusillée par ce criminel.

Par contre, la juxtaposition de < ACT > avec ces phrases (RI), (R2) ou
(R3) donne toujours des discours inacceptables :

(Al). (RI) *Luc a plastiqué la maison de Marie. Il Га assassinée.


(A1).(R3) *Luc a plastiqué la maison de Marie. Elle a été assassinée.
(A2).(R2) *Marie a été fusillée par Luc. Elle a été assassinée par ce criminel.

On remarquera que ces discours deviennent acceptables dès que le verbe


assassiner est remplacé par tuer. Il ne s'agit donc pas d'une contrainte
venant de la structure du discours, mais d'une contrainte venant du
verbe assassiner : celui-ci ne peut pas s'employer après une phrase
décrivant l'acte perpétré pour commettre l'attentat (sans la présence d'adverbe
de manière (L. Danlos 1985)). Cette interdiction, qui serait difficilement
décelable dans une démarche « analyse », n'est certainement pas isolée,
bien que les contraintes lexicales au niveau du discours soient un domaine
largement ignoré.

4.3. Nature de l'agent H et de l'entité X

Dans les phrases Luc a entassé mes robes dans l'armoire et Luc a
froissé mes robes qui nous ont servi d'exemples, l'agent H =: Luc et
18. Cette phrase est acceptable avec l'interprétation réfléchie de la forme pronominale.

123
l'entité X =: mes robes sont des groupes nominaux définis. Les
acceptabilités des discours (Aj) Conn (Ri) et (Ri) Conn (Aj) peuvent changer
si H et X sont représentés par des groupes nominaux indéfinis :

(R3) quand (A2) Une femme a été tuée quand une bombe a été envoyée
dans un magasin par un terroriste.
(R3) quand (A2) l^Marie a été tuée quand une bombe a été envoyée dans
un magasin par Luc.

ou par des pronoms de la première ou deuxième personne :

(R3).(A2) Mes chemises ont été froissées. Elles ont été entassées dans Гаг-
moire par Luc.
(R3).(A2) ?Mes chemises ont été froissées. Elles ont été entassées dans Par-
moire par (moi+toi).

4.4. Propriétés aspectuelles et sémantiques de (RI)

Rappelons que nous avons laissé de côté les conditions dénonciation


des discours < ACT > Conn < Res > et < Res > Conn < Act > (e.g.
est-ce que l'état affectant l'entité X est vrai au moment de l'élocution du
discours?), bien que ces conditions influent sur les acceptabilités des
discours. De même, nous laisserons de côté des questions comme : est-
ce que l'état affectant l'entité X est provisoire ou permanent? Cependant,
ces questions influent sur l'acceptabilité, comme le montre la paire :

(A1).(R3) Luc a entassé mes robes. Elles ont été froissées.


(A1).(R3) ?Luc a renversé la carafe. Elle a été cassée.

Le premier discours, qui est acceptable, met en jeu un changement d'état


normalement provisoire, tandis que le second, qui est douteux, met en
jeu un changement d'état normalement permanent.
Il existe encore d'autres facteurs (éventuellement mal identifiés) qui
font qu'un discours (Aj) Conn (Ri) ou (Ri) Conn (Aj) soit acceptable quand
il est construit à partir des phrases Luc a entassé mes robes dans l'armoire
et Luc a froissé mes robes, et qu'il soit inacceptable quand il est construit
avec d'autres phrases (Aj) et (Ri). Par exemple, les discours (Ri) car (Aj)
sont acceptables dès que les discours (Aj). (Ri) le sont pour la paire Luc
a entassé mes robes dans l'armoire et Luc a froissé mes robes, mais ceci
n'est pas le cas pour la paire Luc a tiré sur Marie et Luc a tué Marie :

(RI). (Al) Luc a tué Marie. Il a tiré sur elle.


(RI) car (Al) ?^Luc a tué Marie car il a tiré sur elle.
(R3).(A1) Marie a été tuée. Luc a tiré sur elle.
(R3) car (Al) ?^f Marie a été tuée car Luc a tiré sur elle 19.

19. Le discours
(1) Luc a tué Marie. Il a tiré sur elle.
apparaît comme un contre-exemple à l'analyse de la juxtaposition de Z. S. Harris dans la mesure où il

124
Néanmoins, il n'existe, à notre connaissance, aucun cas de la situation
inverse, c'est-à-dire qu'un discours (Aj) Conn (Ri) ou (Ri) Conn (Aj) soit
inacceptable quand il est construit à partir des phrases Luc a entassé
mes robes dans l'armoire et Luc a froissé mes robes, et qu'il soit acceptable
quand il est construit avec d'autres phrases (Aj) et (Ri).
La même conclusion ne peut pas être tirée pour les discours utilisant
la relativation comme mode de linéarisation puisque la relativation dépend
de la forme des phrases (Aj) : ainsi un discours de structure (A2)rel(R4)
n'est réalisable que si l'entité X est en position de complément dans (A2)
(et donc pas en position d'objet direct dans (Al)) :

(A2)rel(R4) Les planches ont été posées par Luc contre la glace qui est rayée.
(A2)rel(R4) Un ballon a été envoyé par Luc dans les carreaux qui sont cassés.

On ne peut donc pas comparer l'acceptabilité de ces discours avec celle


d'un discours de même structure construit avec une phrase de forme (A2)
où l'entité X est en position sujet (e.g. Mes robes ont été entassées dans
l'armoire par Luc). Il faudrait examiner s'il existe des inacceptabilités
qui subsistent quelle que soit la forme de (Al), par exemple l'inaccep-
tabilité de (Al)rel(Rl) :

(Al)rel(Rl) ^Luc a entassé mes robes qu'il a froissées.


(Al)rel(Rl) ^Luc a envoyé un ballon dans les carreaux qu'il a cassés.
(Al)rel(Rl) ^Luc a posé les planches contre la glace qu'il a rayée.

5. Conclusion

Les acceptabilités des discours utilisant la juxtaposition, la


coordination et la subordination pour connecter les phrases < ACT > et
< RES > sont résumées dans le tableau 3. A l'intersection d'une ligne
et d'une colonne, le signe « — » indique que le discours (Aj) Conn (Ri)
ou (Ri) Conn (Aj) est inacceptable quelles que soient les phrases (Aj) et
(Ri), un blanc indique que l'acceptabilité de ce discours varie selon les
phrases (Aj) ou (Ri).

n'existe aucune conjonction de subordination ou de coordination qui puisse remplacer le point séparant
les deux phrases juxtaposées :
%Luc a tué Marie (car + parce que + du fait que + Pquand) il a tiré sur elle.
Toutefois, la construction à gérondif est une bonne paraphrase de (1)
Luc a tué Marie en tirant sur elle.

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Tableau 3

[Ponct] done et car parce que quand depuis que

(Al) Conn (Rl) 1 1 1 1


(Al) Conn (R2) - - - 1 1 1 1
(Al) Conn (R3) 1 1 1 1
(Al) Conn (R4) 1 1 1 1
(Al) Conn (R5) 1 1 1 1
(A2) Conn (Rl) 1 1 1
(A2) Conn (R2) - - - 1 1 1
(A2) Conn (R3) 1 1 1
(A2) Conn (R4) 1 1 - 1
(A2) Conn (R5) 1 1 1
(A3) Conn (Rl) — — — —
(A3) Conn (R2) — — _
(Rl) Conn (Al) 1 1 III
(R2) Conn (Al) 1 1
(R3) Conn (Al) 1 1
(R4) Conn (Al) 1 1 -
(R5) Conn (Al) 1 1 1
(Rl) Conn (A2) 1 1 III
(R2) Conn (A2) 1 1
(R3) Conn (A2) 1 1
(R4) Conn (A2) 1 1 -
(R5) Conn (A2) 1 1 1
(Rl) Conn (A3)
(R2) Conn (A3) - - - - - - -

Ce tableau met sur le même plan Tinacceptabilité de (A3).(R1) et de


(Al) parce que (Rl), par exemple. L'inacceptabilité de (Al) parce que (Rl)
ou de tout discours (Aj) parce que (Ri) est un fait de langue bien connu
qui relève de la règle suivante :
Règle 3 : La conjonction parce que ne peut pas être utilisée pour
introduire une subordonnée décrivant le résultat du procès décrit dans
la principale.
Par contre, Tinacceptabilité de (A3).(R1) ou de toute relation causale
directe dont la cause est exprimée par la forme (A3) n'est pas un fait de
langue connu. Cette inacceptabilité peut être formulée dans la règle
suivante :
Règle 4 : Dans un discours exprimant une relation causale directe,
la cause (i.e. une action effectuée par un agent H) ne peut pas être
exprimée dans une construction au passif sans agent lorsque le résultat
mentionne l'agent H 20.

20. La cause peut être au passif sans agent (i.e. < ACT > = (A3)) lorsque le résultat ne mentionne

126
La Règle 4 contient des précisions sur les constructions syntaxiques des
phrases en jeu contrairement à la Règle 3. De telles précisions sont un
point de passage obligé. En effet, la version « positive » de la Règle 3
Règle 3' : La conjonction parce que est utilisée pour introduire une
subordonnée décrivant la cause du procès décrit dans la principale,
qui ne contient pas de précisions sur les formes des phrases en jeu est
fausse : elle ne prend pas en compte des inacceptabilités telles que :

(RI) parce que (A3) ^Luc a froissé mes robes parce qu'elles ont été entassées
dans le tiroir.

Le fait que nous ayons apporté des précisions formelles sur les phrases
composant les discours étudiés nous a permis de mettre en évidence
certaines interdictions. Néanmoins, ces précisions formelles ne sont pas
suffisantes dans la mesure où elles ne permettent pas de traiter les cas
non interdits : ceux-ci sont acceptables ou non selon des paramètres qui
doivent être formalisés.
Les cas non interdits constituent les structures de discours qui
permettent d'exprimer une relation causale directe. La liste de ces structures
de discours doit être répertoriée dans une « grammaire de discours » car
les cas interdits ne sont pas prédictibles à partir d'autres données
linguistiques.

BIBLIOGRAPHIE
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Schank, R. (1975), Conceptual Information Processing, North Holland, Amsterdam.

pas l'agent (i.e. < RES > = (R3), (R4) ou (R5))


Mes chemises ont été froissées. Elles ont été entassées dans l'armoire.
Mes chemises ont été entassées dans l'armoire.
l'armoi Elles ont été froissées.
mais de tels discours ne mentionnent pas l'agent H.

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