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L'Information Grammaticale

Place de la coordination
Jack Feuillet

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Feuillet Jack. Place de la coordination. In: L'Information Grammaticale, N. 46, 1990. pp. 4-7.

doi : 10.3406/igram.1990.1933

http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1990_num_46_1_1933

Document généré le 27/09/2015


PLACE DE LA COORDINATION

Jack FEUILLET

Il en est de la coordination comme des autres ble défini après précision les conjonctions de
phénomènes linguistiques : on peut en avoir une conception maxi- subordination, les adverbes et les particules, c'est-à-dire, à
maliste ou minimaliste, ou bien encore une vision figée, l'exception du premier type, exactement les éléments dont on se
illustrée par la liste mnémotechnique qu'on inculque aux débarrasse au plus vite dans une description parce qu'ils
élèves francophones mais, ou, et, donc, or, ni, car. Les sont proprement inclassables. Les linguistes ne sont pas
linguistes ne sauraient bien évidemment se satisfaire d'un masochistes à ce point et ils fournissent toujours tant bien
modèle qui semble tombé du ciel : si l'on inclut donc et or, que mal une liste de coordonnants, se résignant à
pourquoi faudrait-il exclure c'est pourquoi ou par dessiner une zone aux contours flous.
conséquent ? Qu'est-ce qui sépare mais de cependant et Il y a une autre solution face à ces difficultés qui
pourquoi l'addition, marquée par et, exclurait-elle de même ou apparaîtraient vite insurmontables : c'est de définir a posteriori la
également ? Trancher plus ou moins arbitrairement oour coordination, une fois achevée la comparaison des
tracer les limites d'une zone linguistique est certes soj.ent inventaires, en partant du principe qu'il y a certainement un plus
nécessaire, mais cette opération ne se justifie qu'après petit dénominateur commun, un « noyau dur » qui
une large discussion des données et une justification s'impose au-delà des divergences de détail. Et il est vrai qu'on
rigoureuse des critères que l'on estime opératoires. le trouve assez facilement : toutes les grammaires citent
Dans l'analyse traditionnelle en parties du discours, les au moins le copulatif ef, le disjonctif (ou l'alternatif) ou, et
coordonnants sont des conjonctions qui se distinguent des l'adversatif mais. Mais très vite, les divergences
subordonnants, rattachés à la même classe, par la apparaissent qui concernent non seulement les autres types de
fonction : le subordonnant est un indice de dépendance, alors coordonnants, mais aussi les inventaires des copulatifs,
que le coordonnant joint des unités de statut égalitaire des disjonctifs et des ad versât if s. Voici quelques
(phrases, groupes, mots) exerçant la même fonction. il ustrations.
Cette explication semble assez puissante pour que le Pour l'albanais, Boissin (1 975 : 209-1 1 ) ajoute les
théoricien puisse faire l'économie de précisions conjonctions conclusives pra, andaj, prandaj « aussi, partant,
supplémentaires et se contente d'envisager les cas-limites dans donc, c'est pourquoi, par conséquent », tandis que Buch-
le périmètre qu'il a ainsi délimité, du genre : pourquoi une holz - Fiedler (1987 : 503-506) distingue sept types de
chanson d'Alain Barrière commence-t-elle par Et je reste parataxe (copulative, disjonctive, adversative, restrictive,
des heures à regarder la mer ? Qu'est-ce qu'un causale, consécutive et concessive) en précisant s'il s'agit
coordonnant qui ne coordonne apparemment rien ? Ou encore : de vraies conjonctions ou d'adverbes conjonction nels
pourquoi car est-il une conjonction de coordination et (Konjunktionaladverbieri). Pour l'anglais, Eckersley (1 967 :
parce que une conjonction de subordination, alors que 306-310) distingue quatre groupes : celui de and « et »,
tous les deux sont censés exprimer la cause ? Et même s'il comprenant aussi both... and, as well as, and also,
répond à cette question, il ne pourra éviter de s'en poser furthermore, besides, likewise, moreover, again, celui de but
une autre, déjà signalée au début de cet exposé : à partir « mais » avec yet, still, however, nevertheless « toutefois,
de quand a-t-on affaire à un adverbe (ou à une locution cependant, néanmoins », celui de or « ou » et celui de so
adverbiale) et non plus à un coordonnant, et quelles sont « donc » comprenant therefore, according, thus, hence,
les raisons qui empêchent de réunir mais et cependant, ou consequently. Il précise à cette occasion que « quelques
donc et c'est pourquoi ? Enfin, si l'on fait une incursion adverbes fonctionnent comme conjonctions reliant des
dans d'autres langues, on pourra se demander ce qui énoncés indépendants : then, therefore, so consequently,
sépare les coordonnants des particules : si les premiers only, again. Pour le grec ancien, Croiset - Petitjean (1 901 :
constituent une partie du discours, doivent-ils comprendre 430) ajoute aux trois types habituels les particules
des éléments soudés à un autre mot (lat. -que, -vé) et qui causales ycup « en effet » (lat. enim), icat yap « et en effet » et les
n'ont donc pas d'autonomie syntaxique ou des petits mots particules conclusives o-uv « cela étant, donc », oukouv
enclitiques comme gr. uiv, 8e, yrip ou russe ie ? On « donc », apot « donc, comme de juste », tovvdv « c'est
provoquerait ainsi une réaction en chaîne : afin de cerner le pourquoi ». On notera à cette occasion qu'on trouve dans
phénomène de la coordination, il faudrait avoir au les particules adversatives non seulement aXkd « mais »
(lat. at, sed) mais aussi Se « mais, d'autre part » (lat. au- nombreux éléments, et il faut chercher des critères encore
tem), U.T1V, uxVcot, « cependant, kootoi « toutefois, o'u,<dç plus précis.
« néanmoins ». On a une position voisine chez Berguin et L'allemand semble bénéficier d'une situation
al. (1 958 : 92) pour le latin où les adversatives sont
divisées en marquants d'opposition forte (sed* mais », atqui avantageuse, car les coordonnants se distinguent des autres
joncteurs par le fait qu'ils ne comptent pas comme
« et pourtant », verum « mais au fait », Immo « mais si membres de phrase et qu'ils ne peuvent donc pas « couvrir » le
(non) », at* mais, de son côté »), d'opposition faible (au-
tem, vero « or, d'ailleurs, d'autre part », ceterum « du verbe conjugué, qui doit être, dans l'indépendante, en
deuxième position. Appliquant ce critère à la lettre Helbig -
reste, d'ailleurs, mais ») et d'opposition avec concession Buscha (1984 : 447-449) ne retient que les coordonnants
((at) tamen « cependant, pourtant, toutefois », nihilominus simples und* et », oder* ou », aber* mais », sondern*
« néanmoins »). Autrement dit, aux trois types de base mais (au contraire) », doch, jedoch, allein* mais,
cités partout, s'ajoutent un, deux, ou trois autres types cependant », denn* car », beziehungsweise « ou », das heiBt *
selon les auteurs : les conjonctions de coordination c'est-à-dire », et les coordonnants complexes entweder...
causales, consécutives (ou conclusives), restrictives ou oder * ou... ou », weder... noch « ni... ni », nicht nur...
concessives (parfois avec rattachement des restrictives aux sondern auch * non seulement... mais encore », sowohl...
adversatives, ou avec distinction entre restrictives et ais auch « aussi bien... que ». Mais pour rester fidèle à ce
concessives, comme chez Buchholz - Fiedler). La problématique principe, la grammaire en question est obligée de
se restreint puisque l'accord est général sur l'existence de
distinguer quatre groupes d'éléments : ceux qui sont toujours
coordonnants copulatifs, disjonctifs et adversatifs (même conjonctions, ceux qui sont conjonctions et adverbes con-
si les constituants, en dehors de ET, OU, MAIS, varient). jonctionnels (doch, selon qu'il couvre ou non le verbe
Resterait à traiter les autres cas et surtout à situer la conjugué), ceux qui sont conjonctions, adverbes et particules
coordination par rapport aux autres éléments de la langue.
(aber et allein : Wir gehen fori, aber ihr bleibt zu Hause
On ne peut séparer la coordination de la juxtaposition. En « Nous sortons, mais vous, vous restez à la maison » ;
effet, certaines langues ne possèdent pas de [...], ihr bleibt aber zu Hause * [...] tandis que vous, vous
coordonnants à proprement parler : c'était à l'origine le cas du turc restez à la maison » ; [...], ihr aber bleibt zu Hause [...]
mais en ce qui vous concerne, vous restez à la maison »),
qui procédait par juxtaposition (avec pause) ou qui utilisait
des adverbes signifiant « aussi, cependant, autrement » et jedoch qui est à la fois conjonction (Wir gehen fort,
(Bazin 1978 : 147) : bu evbûyùk, gûzel* cette maison est jedoch ihr bleibt zu Hause), adverbe conjonctionnel ([...],
grande et belle » ; une autre solution était d'utiliser ile jedoch bleibt ihr zu Hause), adverbe ([...], ihr bleibtjedoch
« avec » en postposition : MehmeV le Mustafa geldiler zu Hause) et particule ([...], ihr jedoch bleibt zu Hause).
« Mehmet et Mustafa sont venus ». Sinon, tous les Mais ce principe n'est pas appliqué à entweder qui couvre
coordonnants de base sont empruntés : ve« et » (arabe wa), ou non le verbe conjugué, ni à noch dans la séquence
ya « ou » (persan), am(m)a « mais » (arabe ammâ). On weder... noch qui compte comme membre de phrase. On
notera aussi que l'équivalence et= avec est fréquemment peut aussi se demander pourquoi ne sont pas intégrées
les erlàuternde Konjunktionen (Admoni 1970 : 210),
attestée, mais que la préposition et la conjonction se
distinguent normalement par leur position (Schachter 1985 : comme das heiBt, nàmlich * c'est-à-dire », sozusagen
* pour ainsi dire », kurz* bref », zum Beispiel * par
48) : haussa Johnda Bill sun zo « John et Bill sont venus »
/ John ya zoda Bill « John est venu avec Bill », japonais exemple ») qui sont « hors construction ». La plupart des
John to Billga k'ita « John et Bill sont venus » / John ga Bill grammairiens allemands sont gênés par le cadre étroit que
to kita « John est venu avec Bill ». fournit la définition traditionnelle de la conjonction, et
parlent soit de unechte Konjunktionen « fausses
Le critère positionnel ne fonctionne cependant pas conjonctions » (Admoni), soit de Konjunktionaladverbien *
toujours, comme on le voit avec le turc, mais aussi avec le adverbes conjonctionnels » (Helbig - Buscha, Jung), ou
latin où -que et -ve sont enclitiques. On ne peut cependant préfèrent établir des types de Verbindungen (* liaisons ») ou de
pas refuser le statut de coordonnants à ces éléments qui Beziehungen (* relations ») : causale, restrictive,
n'ont pas d'autre sens. Quelles que soient les difficultés, le concessive, etc. Le théoricien se trouve donc pris entre deux
critère de l'égalité statutaire des unités reliées est feux : d'un côté, s'il s'en tient à l'unique critère syntaxique
fondamental, et c'est lui qui doit être utilisé en premier, car le de « non-membre de phrase », il ne pourra dresser qu'un
coordonnant fait partie des marquants relationnels inventaire très réduit (avec des problèmes d'interprétation
(appelés selon les terminologies relateurs ou connecteurs), qui pour aber doch, jedoch, allein, entweder, noch), d'un autre
se divisent, selon P. Garde (1 981 : 1 86), en connecteurs côté, si l'on se fonde sur des critères uniquement
horizontaux (conjonctions de coordination) et connecteurs sémantiques, on court le risque d'étendre indéfiniment la liste des
verticaux (conjonctions de subordination et prépositions). conjonctions (Glinz 1968 : 260).
La difficulté reste qu'il y a beaucoup d'éléments qui font Le critère de compatibilité fournit des renseignements
« fonction de » joncteurs, et même si l'on durcit la précieux : le fait que et, ou, mais sont incompatibles entre
définition du coordonnant en disant qu'il n'a pas de fonction à eux justifie l'existence en français des trois types
l'intérieur d'une seule unité linguistique (Feuillet 1988 : sémantiques fondamentaux que l'on a dégagés. On peut
194), on peut encore hésiter sur le statut et la fonction de l'appliquer à d'autres langues, et on constaterait que les excep-
tions apparentes ne sont pas des objections : l'arabe wa les jonctifs qui ne relient que des phrases et qui sont
lâkin, littéralement « et mais », ne se distingue pas de làkin divisés en jonctifs antinomiques (adversatif mais) et en
seul ; l'allemand oderaber, littéralement « ou mais », n'est jonctifs dialectiques (causal, consécutif), une place
pas l'association de deux coordonnants, car aber n'est pas spéciale étant réservée au jonctif justificatif (russe ved). Cette
ici une conjonction, mais une « particule énonciative ». exclusion de l'adversatif mais ne laisse pas d'être
Enfin, on peut ajouter un trait important : et, ou , mais étonnante : certes, celui-ci n'a pas le même comportement
joignent aussi bien des phrases et des phrasèmes que des syntaxique que et et ou dans la mesure où il ne peut
groupes fonctionnels et des noyaux d'unités linguistiques. coordonner des noyaux verbaux qu'après négation (il ne
Cette dernière caractéristique restreint considérablement pleure pas, mais chante) et qu'il s'emploie relativement
la liste des postulants au statut de coordonnants, et rarement avec des noms (Je veux des soldats, mais des
élimine en particulier caret donc de la sacro-sainte liste des hommes I, qui peut s'interpréter comme introduisant une
conjonctions françaises. Il faut avouer qu'il est bien difficile proposition elliptique : mais qui soient des hommes). En
de les mettre sur le même plan que les autres, car ils ne revanche, il n'y a pas de restrictions avec les adjectifs et
relient que des « propositions » au sens traditionnel du les adverbes (Un homme riche, mais avare ; il conduit vite,
terme. Les difficultés soulevées par carsont révélatrices ; mais prudemment), et il serait pour le moins arbitraire de
on constate qu'il n'est pas attesté dans certaines langues : rétablir à chaque fois une proposition sous-entendue. Il n'y
l'albanais n'utilise dans la parataxe causale que la mélodie a par conséquent pas lieu de remettre en question la
phrastique et la pause, ainsi que le roumain ; le russe l'a composition du noyau dur.
pratiquement perdu (ibo est archaïque) et se sert de Avantd'envisager le traitement des autres joncteurs, il faut
potomu £to, le bulgare de zaïtoto, mais ce sont des compléter les inventaires des copulatifs, des disjonctifs et
subordonnants ayant le sens de « parce que ». Or, il est
des adversatifs. Si l'on peut intégrer sans peine les
impossible d'assimiler car et parce que : en allemand, denn ne complexes et... et, ou... ou, ni... ni, soit., soit, on éprouve
compte pas comme membre de phrase alors que weil plus de difficultés à se prononcer sur des variantes
entraîne la position finale du verbe conjugué. Les marquées de l'addition comme de plus, en outre, de surcroît,
remarques de Thomson - Martinet (1 984 : 1 14) sur les par-dessus le marché ainsi que sur des éléments
différences entre for* car » et because * parce que » s'appliquent
considérés traditionnellement comme des adverbes (aussi,
également au français. Ainsi, la proposition introduite par également, de même, pareillement) ou des « locutions
for * ne peut précéder la proposition principale ; ne peut conjonction ne Iles » comme par contre, en revanche, au contraire.
être précédée de not, but ou toute autre conjonction (He On sait pourquoi il en est ainsi : on n'arrive pas à
stole, not because he wanted the money but because he déterminer avec précision la fonction de ces adverbes ou
liked stealing * Il volait, non parce qu'il avait besoin de cet locutions, car il y a obligatoirement deux unités linguistiques
argent, mais parce qu'il aimait voler ») ; ne peut être impliquées ; la formation de certains d'entre eux en
employé pour répondre à une question ; ne peut être la
allemand indique qu'il y a souvent l'amalgame d'un relateur
reprise d'une proposition antérieurement exprimée ». (préposition) et d'un anaphorique (auBerdem* outre
Comme ajoutent à juste titre les auteurs, for exprime la cela », zudem * [qui s'ajoute] à cela », dazu) ou un groupe
raison et non la cause. nominal figé (gleichfalls * gleichen Falls « du même cas =
S'interrogeant sur le rattachement de la coordination également »). A cela s'ajoute que beaucoup de linguistes
conclusive, exprimée en roumain par deci « donc », prin ur- répugnent à parler de fonction « additive » pour les
mare, în consecint a * par conséquent », de acea « c'est adverbes.
pourquoi » aux autres types, I. Baciu (1978 : 88-89) fait D'un point de vue strictement syntaxique, on aurait
remarquer, à la suite de la Grammatica limbil romane tendance à ne pas les considérer comme des coordonnants
(Grammaire de l'Académie des Sciences de Roumanie),
qu'elle est à la limite de la coordination et de la « purs », car ils sont compatibles avec et, ou, mais, mais
d'un de vue axiologique, ces scrupules seraient inutiles.
subordination, et il invoque les arguments suivants : Faut-il, à l'instar des grammairiens allemands, introduire la
- à la différence des types copulatif, disjonctif et dénomination mixte d'« adverbes conjonctionnels »? En
adversatif, on ne peut inverser les propositions sans ce cas, le risque est grand de noyer la spécificité des
fausser gravement le sens, coordonnants dans l'océan des adverbes ; on s'en tiendra
- la coordination conclusive est impossible entre deux donc à la définition étroite donnée précédemment : il n'y a
membres de la proposition. coordonnant que lorsque l'élément considéré n'a pas de
- l'emploi du même mode dans les deux propositions fonction ni dans l'une ni dans l'autre des unités reliées et
n'est pas obligatoire : au contraire, la conclusive est qu'il ne sert qu'à établir une connexion entre les dites
très fréquemment au subjonctif. unités. En revanche, si ces conditions ne sont pas
remplies - et même si le désigné ne peut se comprendre sans
Cette séparation prend une forme légèrement différente référence au contexte - il est préférable de le rattacher
chez Tesnière (1969 : 330-338). Ce linguiste distingue autre part, surtout s'il n'est pas neutre sémantiquement.
d'une part les jonctifs adjonctif et disjonctif (qui sont aussi Après tout, dans les langues slaves, on fait la différence
bien jonctifs de mots que jonctifs de phrases, d'autre part entre la conjonction /«et » et l'adverbe /'« aussi ».
Les problèmes sont encore plus complexes pour les pas pour la jonction qui, il ne faut pas l'oublier, comprend
autres joncteurs. Certes, on pourrait à la limite tous les réunir aussi la juxtaposition, la succession et des phénomènes
sous l'étiquette d'« argumentatifs », solution envisageable prosodiques, comme la pause et la courbe mélodique. Et
d'un point de vue énonciatif, bien que les procédés de l'on a finalement respecté l'exigence méthodologique posée
découpage soient un peu à part. En fait, il faut avouer qu'il au début : trouver, parmi tous les inventaires proposés par
n'existe aucune solution idéale : la succession linéaire différents auteurs dans différentes langues, le plus petit
(d'abord... puis, ensuite... enfin) peut être rattaché au dénominateur commun.
temps, le découpage (premièrement... deuxièmement ; en
partie... en partie) au lieu ou au temps (tantôt... tantôt) ; en BIBLIOGRAPHIE
dehors de car, de donc et de or, on a la possibilité de
trouver des fonctions circonstancielles pour par Admoni Wladimir 1970 : Der deutsche Sprachbau (3.
conséquent, certes, néanmoins ou à plus forte raison. Mais la Auflage), Mùnchen, Verlag CH. Beck.
tâche est beaucoup plus difficile quand il s'agit de c'est-à- Baciu loan 1978 : Précis de grammaire roumaine, Lyon,
dire, à savoir, ou d'ailleurs. Si l'on a une conception mini- l'Hermès.
maliste, on ne retiendra que car, donc, or, et on donnera Bazin Louis 1 978 : Introduction à l'étude pratique de la
ainsi raison à la grammaire traditionnelle, mais si l'on a une langue turque, Paris, Maisonneuve.
conception maximaliste, on intégrera non seulement les Berguin h. et al. 1958 : Grammaire latine, Paris, Hatier.
jonctifs dialectiques comme les appelle Tesnière, mais Boissin Henri 1975 : Grammaire de l'albanais moderne,
aussi tous les argumentatifs et les illustratifs. C'est plutôt Paris, Chez l'auteur.
cette solution qui rendrait le mieux compte de tous les Buchholz Oda, Fiedler Wilfried 1987 : Albanische
phénomènes de jonction. Grammatik, Leipzig, Verlag Enzyklopâdie.
On proposerait ainsi, à côté des jonctifs coordonnants, Croiset A., Petitjean j. 1901 : Grammaire grecque, Paris,
deux grandes catégories : Hachette.
- les caténatifs : découpage, succession temporelle, Eckersely CE. et J.M. 1967 : A Comprehensive English
succession logique (y compris c'est pourquoi, par Grammar for foreign Students (6th impr.), London,
conséquent), Longmans.
- les argumentatifs qui cherchent à emporter la Feuillet Jack 1988 : Introduction à l'analyse
conviction du locuteur ou à restreindre la validité du propos morphosyntaxique, Paris, P.U. F.
(certes, nonobstant, à la rigueur) ou à l'illustrer (par Fourquet Jean 1952 : Grammaire de l'allemand, Paris,
exemple, c'est-à-dire). Hachette.
Garde Paul 1981 : « Des parties du discours, notamment
On passe facilement d'un type à l'autre dans la mesure où, en russe », B.S.LP, tome LXXXVI, fasc. 1 , p. 1 55-1 82.
par exemple, les dialectiques peuvent prendre la forme Glinz Hanz 1 962 : Die innere Form des Deutschen (5.
d'un syllogisme, comme celui cité par J. Fourquet (1952 : Auflage). Bern, Francke Verlag.
206) qui n'a pu se résigner à ne retenir que denn * car » Helbig Gerhardt, Buscha Joachim 1984 : Deutsche
parmi les articulations logiques : [donnée de départ] Was Grammatik (8. Auflage), Leipzig, Verlag Enzyklopâdie.
selten ist, istteuer* Ce qui est rare est cher » ; [relais] Nun Schachter Paul 1985 : « Parts-of-speech systems » in
ist ein billiges Pfredetwas Seltenes* Or, un cheval à bon Shopen Timothy (éd.), Language typology and
marché est une chose rare » [conclusion] Also ist ein syntactic description, vol. I, Cambridge University Press, p. 3-
billiges Pferd teuer « Donc un cheval à bon marché est
61.
cher ». Tesnière Lucien 1969 : Eléments de syntaxe structurale
L'exposé semble reposer sur un paradoxe : alors qu'on (2e édit.), Paris, Klincksieck.
s'est efforcé d'introduire des limitations de plus en plus Thomson A.-J., Martinet A.-V. 1984 : Grammaire de
grandes à la définition de la coordination, on a eu tendance l'anglais d'aujoud'hui, Oxford, Oxford University Press/
par la suite à élargir considérablement la notion de « Paris, Presses Pocket.
jonction » en intégrant des éléments que les grammaires Jack FEUILLET
n'auraient pas songé à citer. Mais le paradoxe n'est inalco - Paris
qu'apparent : on peut avoir une conception extensive de la
jonction, mais restrictive de la coordination. Il semble bien que
si l'on ne procède pas ainsi, on ne dispose plus
d'arguments pour expliquer la présence de car, donc, or, et
l'exclusion de en effet, par conséquent, c'est pourquoi. On
ne peut guère espérer mieux que l'application des critères
syntaxiques de l'incompatibilité, de l'absence de fonction
dans l'une ou l'autre unité reliée et de la non-restriction des
types d'unités connectées pour délimiter la coordination
proprement dite. Mais ces conditions très strictes ne valent

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