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Université de Carthage

Institut Supérieur des Beaux-arts de Nabeul

Actes du 2ème colloque


Nabeul - 25 - 26 octobre 2018

Les pouvoirs de l’art

Coordination
Hichem Messaoudi
Houcine ben Slimane & Mounira ben Mustapha

Tunisie - 2019
Comité scientifique
- M. Houcine Ben Sliman, Professeur d’enseignement
supérieur, Institut Supérieur des Sciences Humaines,
Université de Tunis-El Manar.
- Mme Mounira Ben Mustapha, Professeur d’enseignement
2 supérieur, Faculté des Sciences Humaines de Tunis,
Université de Tunis-El Manar.
- M. Hichem Messaoudi, Maître de conférences, Institut des
Beaux Arts de Nabeul, Université de Carthage.
- Mme Moufida Ghodhbane, Professeur, Institut des Beaux
Arts de Nabeul, Université de Carthage.

Révision des textes


- M. Kaiser Jlidi, Maître assistant, Institut des Beaux Arts de
Nabeul, Université de Carthage.
- Mme Saloua Mestiri, Maître assistant, Institut des Beaux
Arts de Nabeul, Université de Carthage.
- Mme Tej El Moul Aouicha, Chef de département, Institut
des Beaux Arts de Nabeul, Université de Carthage.

© Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul


ISBN 978-9938-9936-4-6
Tunisie - 2019
Conception : Taoufik Sassi / impression : Simpact

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018
Sommaire
Préface 7
Hichem Messaoudi
Directeur de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul
Introduction 9
Houcine Ben Sliman
Professeur d’enseignement supérieur, Institut Supérieur des
Sciences Humaines, Université de Tunis-El Manar.
Linda AJMI 11
Pouvoir de l’Art dans la représentation des classes sociales.
Douha ALAYA 23
Le pouvoir de l’art : la peinture comme expression de la réalité.
Imen ALOULOU 35
Le pouvoir de l’artisanat à préserver la mémoire d’une
communauté sociale.
Nadia AYACHI 51 3
Le pouvoir de l’art entre choc esthétique et résistance poétique
dans le réalisme photographique.
Sahar BAKBRAHEM 65
Le pouvoir de l’image publicitaire entre séduction et manipulation.
Nihed BEN CHAABEN TAJOURI 79
Pouvoirs du signe et signes du pouvoir dans l’architecture
funéraire traditionnelle en Tunisie : Lecture de quelques signes.
Amel BEN GRICH 113
Les pouvoirs de l’image photographique.
Jihene BEN HAMMED KHIARI 121
Nouvel " être de l’image " politique en Tunisie.
Samia BEN HMIDA DAOUD 131
Intitulée : Pouvoir mémoriel de la photographie en art : entre
indicialité et fiction ?
Yosr BEN YAHMED SKANDAJI 147
Le design social comme vecteur de changement.
Fatma BORCHANI 155
La Face Cachée de l’art : un pouvoir insoupçonné.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018
Feryel BOUDHINA 167
Le pouvoir de la musique dans l’image cinématographique.
Sondes CHAABANE 173
L’Art : moyen d’endurance du support publicitaire tunisien .
Nesrine CHAARI 187
Quand l’art devient une expérience du réel.
Rym CHERIF 201
Le pouvoir de la peinture dans la publicité.
Abir DAHMEN 213
L’objet de design entre aliénation et opposition.
Natacha DROBNJAK TOUATI 228
Les dialogues muets entre l’Artiste et le spectateur.
Sirine EL MABROUK 251
Les expressions du pouvoir dans l’architecture contemporaine.
Nafissa Hana ELLEUCH 259
Le verre un ‘matériau’ modérateur d’une architecture de
4 dematérialisation.
Ahlem FERJANI 277
L’œuvre picturale et son pouvoir communicationnel.
Asma HAMMAMI 293
L’image picturale à l’épreuve de l’écocitoyenneté.
Sondes HEBIRI 313
La spiritualité comme pouvoir de l’art.
Safa HELALI 325
Pouvoir du cinéma : entre le scriptural et le visuel.
Leila KAROUI 335
Pouvoir(s), contre-pouvoir(s) à travers la mise en scène de soi
dans l’art.
Donia MAALEJ 347
L’interaction entre la musique et l’architecture hospitalière ; vers
une " architecture guérissante ".
Amal MAMI 357
L’art du pouvoir et le pouvoir de l’art dans le cinéma tunisien.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018
Olfa NEJIMA 369
La Défiguration comme forme de résistance contre le formalisme
à travers les pratiques expressionnistes.
Neila RHOUMA 379
Les vertus de l’art du tissage berbères.
Faten RIDENE RAISSI 401
La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage
témoigne une brutalité.
Mohamed Fadhel SAADALLAH 413
L’image à l’épreuve des continents logiques.
Mohamed Ali YOUSSEF 431
Le concept muet. La corporéité signifiante.
Ikram ZEKRI 445
L’art dans la maison Tunisienne entre liberté et vérité de la
" techné " : une approche organisationnelle d’une inspiration
artistique.
5

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018
La révélation de la violence au cinéma : quand un
maquillage témoigne une brutalité

Faten RIDENE RAISSI1

Tout art est un moyen d’expression, voire de communication,


par lequel chaque artiste, tend de passer un message à ses récepteurs
(publics, visiteurs de musées ou expositions, lecteurs de romans, de
poésie, spectateurs…). D’ailleurs, le cinéma fait bien partie des preuves
de la théorie Shannon-Weber, qui installe le réalisateur d’un film comme
émetteur [comparable au peintre pour un tableau, au dramaturge pour une
pièce de théâtre, au Musicien pour une pièce musicale, à l’équipe poète-
chanteur-compositeur pour une chanson, au sculpteur pour une sculpture,
au potier pour une œuvre en terre cuite…], son film comme canal de
communication et son grand public, hétérogène, pouvant regrouper des 401
cinéphiles, des cinéastes, des producteurs, des critiques, des théoriciens de
cinéma, des journalistes, voire des anthropologues ou sociologues, en tant
que récepteurs de son message transmis par le biais de son film, pouvant
être un simple avis, une vision futuriste, un appel à révolution contre une
cause politique ou humaine, qu’elle soit liée à sa propre société, ou partagée
à l’échelle mondiale.

Fig. 1 : Théorie de Communication Shannon-Weber, applicable à tout art, en en


faisant un moyen de communication entre l’artiste et son public.
1
Enseignante-Chercheuse. ESAC Gammarth - U. Carthage.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018 / (pp. 401 - 412)
Faten RIDENE RAISSI

Le cinéma hérite le cadrage de l’art de photographie, le choix


des couleurs et des nuances depuis la peinture, le concept des décors de
l’architecture, les silhouettes des personnages [tels que les imagine le
réalisateur] de la sculpture, la bande et les effets sonores depuis sa « mère-
musique », la direction d’acteurs, le jeu de rôles, le dialogue etc. depuis
le théâtre, la construction narrative, le dialogue et sa locution depuis la
littérature (que ce soit nouvelles, romans ou poèmes), les combats depuis
les arts martiaux….. Ce qui en fait un art qui unit les autres, rendant un
film plus compliqué à décoder qu’un tableau de peinture, une sculpture, un
poème, un roman, une chorégraphie ou une pièce de théâtre…

402

Fig. 2 : Le Cinéma : un mélange de ses arts prédécesseurs

Et si le maquillage adéquat aux différentes situations vécues par les


personnages ou les figurants d’un film, est absent ou « présent mais raté »,
ça devient un maillon brisé de la chaine d’une œuvre cinématographique,
menant à une discontinuité, voire un obstacle devant le message que le
réalisateur estime transmettre. Permettons-nous de nous poser des questions
telles que : Pourquoi maquillons-nous nos visages déjà ? Pourquoi coiffons-
nous nos cheveux avec style ? et ainsi de suite… Ce sont des questions
fondamentales sur le comportement humain qui pourraient échapper à la
prise de conscience de leur signification.
L’étude de la beauté et de ses manifestations est l’un des domaines
les plus intrigants de l’investigation sémiotique. C’est une forme de
partenariat entre nature et culture qui est unique en son genre et nous
permet de comprendre comment développer le sens de nous-même dans
un contexte bien précis et non de l’absolu.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018 / (pp. 401 - 412)
La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage témoigne
une brutalité

Ce qu’on peut distinguer dans le visage et la silhouette d’une même


personne, en pratiquant des tendances variables de maquillage, par la
matière première mais avec un concept qui diffère d’une situation à une
autre, c’est que l’apparence de cette même personne, après l’application
d’un maquillage, peut varier entre neutre et acceptable, assez belle et
complètement minable (fig. 3).

Fig. 3 : Ce que peut faire le maquillage d’une même personne :


cas de la chanteuse britannique Britney Spears

Ce qu’on connait par notre conscience humaine autour du


maquillage est vachement éloigné du sens professionnel du métier 403
artiste-maquilleur(se). Pour une simple citoyenne, le maquillage est un
stabilisateur de la faculté de beauté, qui transforme ce qui est moche
en beau, qui montre une délicatesse, qui rend une mariée princesse, qui
témoigne l’élégance d’une femme d’affaire, la brillance d’une mannequin,
la fraicheur d’une actrice, la grâce d’une ministre… Tandis que pour l’art,
moyen de communication, de passage de messages bien précis, s’ajoutent
aux cas de figures déjà cités, les spécificités d’un défilé de mode, d’un
festival, ou d’un jeu de rôle qui témoigne de l’horreur, de la vulgarité, de la
violence, de la laideur, en tout : UNE BRUTALITE.

Fig. 4 : Maquillage témoignant brutalité :


cas de l’actrice Linda Denise Blair dans son rôle Regan Teresa MacNeil
dans le film d’horreur L’Exorciste du réalisateur William Friedkin : (1973)

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Faten RIDENE RAISSI

Quand les causes traitées dans des films de fiction, qu’il soient du
genre horreur, comique ou dramatique, touchent la brutalité de notre vie
quotidienne, ces dites causes arrivent bien à sensibiliser le grand public, à
travers un décor adéquat à la problématique du film, un jeu d’acteur réaliste
et performant, une bande sonore qui fait bouger tout le corps du spectateur,
qui ne peut se sentir 100% plongé dans la situation illustrée, qu’avec la
présence d’un maquillage qui fonce, la scène qu’il visionne, dans son
inconscient, au point de le faire sentir en train de vivre la conjoncture
illustrée. Et pour faire ces genres de films, le réalisateur s’inspire d’habitude
d’une cause sociale, qu’elle lui soit contemporaine2, du passé vécu3 dans sa
société ou une anticipation d’un futurisme dangereux4.
Dans l’amalgame d’une œuvre cinématographique, le maquillage
représente une des pierres angulaires, pouvant renforcer la véracité de la
2
Tel est le cas du nouveau film intitulé Regarde Moi ‫في عينيّا‬, de l’acteur réalisateur
tunisien Nejib Belkadhi, dans lequel il traite la quête de l’autisme chez les enfants, et
ce dont souffrent, l’enfant malade lui-même et ses parents, vis-à-vis de leur entourage,
en se contentant de critiquer ses cris, ses sanglots, et en accusant les parents de
mauvaise éducation, sans se rendre compte de la grosse problématique dont la famille
souffre durant sa vie quotidienne. Le film Regarde Moi ‫ في عينيّا‬sorti en 2018 et co-
404 produit par Propaganda Productions - Mille et Une Productions - Hakka Distribution,
fût sélectionné et primé dans plusieurs compétitions de festivals internationaux tels
que le festival de FESPACO (Ouagadougou) où il a eu le prix du meilleur scénario,
le prix du meilleur acteur pour Nidhal Saadi obtenu à la fois au festival international
du film de Marrakech, FIFM 2018 et au festival du cinéma Tunisien, en plus des
trois autre prix obtenus au même festival, à savoir: prix du meilleur montage, de la
meilleure musique ainsi que le grand prix.
3
Le premier long métrage de fiction du réalisateur tunisien Abdelhamid Bouchenak,
intitulé Dachra, et classé premier long métrage maghrébin d’horreur traite
d’exorcisme, arômée au cannibalisme. Cette problématique persistait au fil du
temps. Dachra sorti en 2018, a fait le tour du monde en passant dans la sélection de
plusieurs festivals cinématographiques reconnus mondialement tels que : Maskoon
Fantastic Film-Beirut, l’Etrange Festival-Paris France, Fantastic Fest-Texas-
USA, Festival International de Venise-Italie-Semaine des critiques, pour faire une
petite pause durant les JCC 2018 en tant qu’une Séance Spéciale, et continuer
ensuite son trajet de succès en arrachant le prix du public du film le plus effrayant
au festival polonais international de film fantastique : SplatFilmFest 2018, puis en
obtenant quatre récompenses au festival du cinéma tunisien 2019, à savoir: meilleur
réalisateur, meilleure actrice, meilleure photo et meilleur son.
4
Nouri Bouzid était bien futuriste à travers son œuvre Making Of qui aborde le
phénomène islamiste et ce dont peuvent souffrir nos jeunes comme lavage
cerveaux pour devenir des kamikazes. Ce film a reçu plus de 25 prix dans les
festivales internationaux : Prix d›interprétation masculine et du meilleur scénario
au Tribeca Film festival de New York ; le Grand Prix Spécial du Jury au Festival
du film Méditerranée de Bastia ; le Tanit d›or aux Journées Cinématographiques
de Carthage, le Grand Prix Spécial du Jury et Prix d›interprétation masculine au
Festival de New Delhi...

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La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage témoigne
une brutalité

quête à transmettre, au point


que la lutte contre la violence
puisse toucher le fond de l’esprit
de l’audience, qui se croient
en train de vivre la situation
illustrée. La répercussion de
cette dernière peut s’illustrer
que ce soit en temps réel
pendant le visionnage du
film ou ultérieurement par la
création d’une multitude de Fig. 5 : Image extraite de l’atelier :
débats sur la quête traitée par A FEAST OF FLESH… Horror Cosplay
l’auteur de l’œuvre. (MEGHAN, 2014)
Nous essayerons de
disséquer l’utilité du maquillage
dans un film, résultat d’un concept
du réalisateur et chef maquilleur,
qui peut accroître la vulnérabilité
du/des personnage(s) en train
de subir une violence ; entre- 405
autre, un maquillage aussi
judicieux que les comédiens
parviennent à éblouir et rendre la
revendication de ladite brutalité,
immédiatement vivable par les
spectateurs.
L’exemple par lequel
nous témoignerons notre
dissertation, figure dans le long
métrage tunisien de fiction
intitulé Fausse Note du jeune
réalisateur talentueux Majdi Fig. 6 : Affiche du film
(Smiri, 2011)5. Fausse Note Fausse Note de Majdi Smiri
regroupe comme genres : film

5
Majdi Smiri est un artiste pluridisciplinaire, ayant commencé sa carrière en tant que
musicien, puis aussi l’auteur de la série comédienne-policière Bolice Hala Aâdiya,
‫ بوليس حالة عاديّة‬considérée comme une parodie (une forme d’humour qui utilise le
cadre, les personnages, le style et le fonctionnement d’une œuvre ou une institution
pour s›en moquer.) des séries policières internationales, à laquelle s’ajoute un
arôme purement tunisien, qui lance le sourire chez les familles tunisiennes pendant
leurs soirées ramadanesques.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018 / (pp. 401 - 412)
Faten RIDENE RAISSI

noir, policier, action, violence, pour mettre en phare l’arnaque par le biais de
crimes, vire de scènes de violence et harcèlement. Mehdi, 28 ans, architecte,
de son état, se retrouve impliqué malgré lui, dans un trafic organisé par une
bande de mafieux dont le chef est Si Lamine. Sa vie se retrouve totalement
chamboulée par une succession d’évènements massacrants.

Fausse Note est un exemple qui témoigne notre dissertation, par


l’empreinte artistique qu’a laissé la maquilleuse tunisienne Zeineb Ayachi
Gara qui a débuté son expérience depuis 1991 en tant que spécialiste
dans le maquillage artistique, puis enseignante de maquillage à l’institut
de synographies et art dramatique, qui donne des cours dans l’esthétique
du maquillage et des effets spéciaux en cinéma et audiovisuel. Et à titre
d’exemples pour son expérience à succès abondant, nous pouvons citer ses
participations en tant que maquilleuse dans : le long métrage de fiction
Halfaouine de Farid (Boughedir, 1990) où elle a donné vie au personnage
d’ogre, appelé Ghoul6 aux comptes fantastiques tunisiens, que les grand-
mères racontent aux enfants pour une fin éducationnelle ; ainsi que le court
métrage Résistance de Amine (Chiboub, 2013), qui en faisait un bilan de la
révolution après deux ans, en transmettant les pensées d’un jeune homme
qui se réveille, le corps recouvert de blessures et d’ecchymoses fig. 7, pour
406
dire que les objectifs qui furent criés par les rebelles pendant la révolution
(travail, liberté, dignité nationale) demeurent toujours au point mort et le
doute est plus que jamais installé.

Fig. 7 : L’acteur Marwen El Eriene dans le c.m Résistance, maquillé par Z.A.G.

6
Les personnages des deux ogres -Ghoul- interprétés par les acteurs Slah Msaddek
et Salem Ben Hassine, maquillés tous les deux par la baguette magique de Zeineb
Ayachi Gara, sont ajoutés à l’annexe à la fin de l’article.

Les pouvoirs de l’art / Actes du 2ème colloque - Nabeul 25-26 octobre 2018 / (pp. 401 - 412)
La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage témoigne
une brutalité

L’art du maquillage vulgarise autant ou même plus qu’il embellit ;


la preuve en est dans l’acte de sensibilisation contre la violence conjugale
pratiquée à la femme, une campagne-choc lancée par un groupe d’activistes
variant entre citoyens, personnages artistiques et politiques ainsi que des
associations de défense des droits de la femme, luttant contre la censure
pratiquée par les responsables du réseau social Facebook, sur une photo
publiée par une femme qui portait plainte contre son mari, en l’inhibant juste
trois minutes après sa publication par la femme victime. Plusieurs artistes,
dont notamment Rim El-Benna, Fatma Ben Saïdane - Fatma Abada - Amira
Derouiche ont participé à la campagne “#Warri”, qui avait pour thème «La
violence est plus grave que la nudité» (Baya.tn, 2016). Et c’est bien la
maquilleuse Zeineb Ayachi Gara qui a utilisé l’art du maquillage afin de
mettre en phare à quel degré de gravité peut atteindre la violence conjugale
subite par une femme, si elle ne pratique pas son droit de réclamation, afin
de briser le silence quant à la violence contre les femmes en Tunisie.

407

Fig. 8 : Compagne de sensibilisation contre la violence conjugale,


assurée par la maquilleuse Zeineb Ayachi Gara7

Puis, à travers sa participation au long métrage Fausse Note de Majdi


(Smiri, 2011), Zeineb Ayachi Gara a bien montré que le maquillage peut
renforcer l’apparition d’un personnage devant la caméra, voire prouver une
violence qu’il a pratiquée ou subite. C’est ce que témoigne son maquillage
pratiqué au personnage interprété par l’acteur Mohamed Mrad, prouvant
bien qu’il a subit un supplice, un tourment, et ce en donnant vie, par un
simple maquillage, à une blessure, à un hématome8, à une morve9…

7
Crédit Photos de la compagne : le photographe Tunisien Karim Kammoun.
8
Un hématome est un amas de sang apparaissant à l’intérieur d’un tissu après
une hémorragie survenue à la suite d’un choc (par exemple après avoir reçu un
coup de poing). Il peut entraîner un décollement et gonflement de la peau.
9
Une morve est un liquide visqueux qui coule du nez, menant à une sécrétion de
muqueuses.

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Fig. 9 : Maquillage de l’acteur Mohamed Mrad


assuré par la maquilleuse Zeineb Ayachi Gara

De même pour le maquillage pratiqué à l’acteur Lotfi El Ebdelli, à


travers la situation duquel, le réalisateur Majdi Smiri estimais démontrer,
dans ces plans, extraits d’une scène d’investigation, la violence
qu’appliquent les investigateurs pendant l’interrogatoire d’un accusé, la
torture que ces agents d’esprits animalier puissent prouver par leur gestes :
408 un courant répandu sous le règne du détrôné Ben Ali, quand il s’agit de
prisonniers pour avis politique, où des exemples multiples de tortures
s’illustrent, d’abord par un assaut pratiqué par l’agent au personnage joué
par Lotfi Ebdelli, durant lequel il lui cognait la tête au miroir, menant
à sa blessure pour le pousser à parler, et c’est là où intervenait Zeineb
Ayachi Gara, en brisant le miroir, en y ajoutant du liquide rouge vif, puis
en maquillant une blessure au visage de Lotfi El Ebdelli.

Fig. 10 : Assaut de l’agent durant lequel il cognait la tête du personnage au


miroir, menant à sa blessure, pour le pousser à parler.

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La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage témoigne
une brutalité

Un autre maquillage, témoignant une violence, une brutalité, fut


pratiqué au même personnage, joué par Lotfi El Ebdelli, mettant en phare
la baguette magique -si on ose dire- de la maquilleuse Zeineb Ayachi Gara,
prouvant la violence animalière pratiquée par les investigateurs, au point
de lui avoir coupé le doigt pour le pousser à parler : une image qui fait
énormément mal au cœur du spectateur, au point de le convaincre que
le doigt de Lotfi El Ebdelli fût vraiment coupé, alors que ce n’est qu’un
maquillage qui témoigne une brutalité.

409

Fig. 11 : Maquillage prouvant blessure subite suite à sa tête


cognée au miroir par l’agent policier.

Fig. 12 : Scène de torture pratiquée par les investigateurs.

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Et c’est l’utilité du maquillage dans un film, résultat d’un concept


du réalisateur et chef maquilleur, qui peut accroître la vulnérabilité du/des
personnage(s) en train de subir une violence ; entre-autre, un maquillage
aussi judicieux que les comédiens parviennent à éblouir et rendre la
revendication de ladite brutalité, immédiatement vivable par les spectateurs.

Fig. 13 : Résultat du maquillage prouvant une brutalité


410 à travers une scène de tourment

Le maquillage est un art qui a sa propre essence, étant énormément


exploitable pour des fins variées. Ce n’est plus le maquillage routinier
que les maquilleurs utilisent pour rendre intactes les visages de l’invité
d’un interview, d’un animateur ou des protagonistes en train de jouer sur
scène ou devant la caméra, en y couvrant tous les défauts qui y existent
par du fond-de-teint ou des fards-à-joues, additionnés à plusieurs lumières
provenant d’angles variés… Ce ne sont plus ces produits cosmétiques qui
existent et furent utilisés depuis l’Egypte antique, pour des fins sacrées où
ils transportent les visages des déesses , une fois unis avec des colliers,
couronnes, chignons et les deux sceptres souverains, vers l’au-delà… Ce
stabilisateur de la faculté de beauté a bien dépassé ses bornes esthétiques
positives, en circulant de nouvelles visions, lectures, jugements des
différentes situations tamponnées de méchanceté, que puisse traverser un
corps humain pendant la chronologie de sa vie, rendant ainsi ces situations
accidentelles, violentes, agressives, voire cruelles, percevables grâce à
la fiction, reconnaissables, et -si on ose dire- moins brusques, grâce au
domptage de l’imagination humaine à travers les représentations artistiques
qui mettent en phare une brutalité.

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La révélation de la violence au cinéma : quand un maquillage témoigne
une brutalité

Bibliographie
Baya.tn, Campagne #Warri, pour MEGHAN A FEAST OF FLESH…
sensibiliser et briser le silence Horror Cosplay [Online] // CVLT
quant à la violence contre les NATION. - 3rd July 2014. - 18
femmes en Tunisie. - Tunis : Baya. October 2018. - https://www.
tn, 21 Décembre 2016. cvltnation.com/a-feast-of-flesh-
horror-cosplay/.
Boughedir Ferid, Halfaouine,
L’enfant des terrasses- ‫عصفور‬ Smiri Majdi, Fausse Note. -
‫السطح‬. -
ّ Cinétéléfilms, Les Films UnderGround Skills, 2011.
du Scarabée, 1990.
Chiboub Amine Résistance. - Atlas
Vision, 2013.

Annexe : Personnages de l’Ogre maquillés par Zeineb Ayachi Gara


pour le film Halfaouine de Farid (Boughedir, 1990)

411

Personnage de l’ogre-Interprété par l’acteur Salem Ben Hassine

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Faten RIDENE RAISSI

Annexe : Personnages de l’Ogre maquillés par Zeineb Ayachi Gara


pour le film Halfaouine de Farid (Boughedir, 1990) .

Personnage de l’ogre-Interprété par l’acteur Slah Msaddek


412

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