Daniel Ray
Professeur associé
Grenoble Ecole de Management, Institut du Capital Client
Christophe Haon
Maître de conférences - IEP Grenoble
Professeur attaché - Grenoble Ecole de Management, Institut du Capital Client
CERAG - UMR 5820 du CNRS
David Gotteland
Professeur assistant – Grenoble Ecole de Management, Institut du Capital Client
CERAG – UMR 5820 du CNRS
Adresse de correspondance :
Daniel Ray - Grenoble Ecole de Management
12 rue Pierre Sémard - 38 000 Grenoble
daniel.ray@grenoble-em.com
Les auteurs tiennent à remercier les trois relecteurs anonymes du 23ème Congrès de l’AFM
pour leurs suggestions et leurs commentaires.
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Actes du XXIIIème Congrès International de l’AFM – 31 mai & 1er juin 2007, Aix-les-Bains
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Actes du XXIIIème Congrès International de l’AFM – 31 mai & 1er juin 2007, Aix-les-Bains
Des entreprises aussi variées que Décathlon, Michelin ou encore Hewlett Packard,
cherchent à maximiser le retour sur investissement des actions liées à la fidélisation de leurs
clients. A ce titre, ces entreprises s’interrogent sur leurs choix d’affectation de ressources :
faut-il prioritairement investir dans des actions de communication destinées à renforcer
l’image de l’entreprise, ou dans des actions d’amélioration de la satisfaction des clients ? Car
si l’image médiatise partiellement le lien satisfaction – fidélité (Johnson et al., 2001), (i) la
potentielle absorption, par l’image, des bénéfices d’une satisfaction accrue limite ses effets
sur la fidélité ; (ii) tout investissement en image peut se révéler plus performant, en termes
d’accroissement de la fidélité, qu’un investissement équivalent en satisfaction. Par ailleurs,
ces choix d’affectation de ressources entre image et satisfaction sont-ils généralisables, ou
dépendent-ils au contraire du contexte propre au marché concerné, et notamment de son
intensité concurrentielle ? Comme le soulignent Rust et al. (2004), le choix d’investir en
priorité sur l’image ou sur la satisfaction est lié à la nature et à l’intensité du lien satisfaction–
fidélité au sein du marché concerné, mais aussi au statut potentiel de l’image au sein de cette
chaîne.
Le lien satisfaction-fidélité a été largement abordé dans la littérature. En effet, en tant
que fondement de nombreuses politiques Qualité (cf. la norme ISO 9000, version 2000) et
Marketing (programmes CRM, baromètres de satisfaction), l’existence et la nature de ce lien
ont toujours été au cœur des préoccupations académiques et managériales. Pourtant, les très
nombreuses recherches qui lui ont été consacrées ne convergent ni sur son existence, ni sur sa
nature, ni sur son intensité : certains courants de littérature posent la question de la linéarité
ou non d’un lien entre satisfaction et fidélité (Agustin et Singh, 2005), là où d’autres intègrent
des variables médiatrices (Morgan et Hunt, 1994 ; Macintosh et Lockshin, 1997 ; Aurier,
Benavent et N’Goala, 2001) ou modératrices (Mittal et Kamakura, 2001). Ainsi, malgré
l’attention portée à cette problématique au plan académique et managérial, aucune conclusion
ne semble s’imposer à l’heure actuelle. Il apparaît ainsi que “[a] considerable lack of clarity
exists on how to best specify the relationship among the different customer evaluative
judgments” (Streukens et de Ruyter, 2004, p. 99). Une telle absence de consensus clair autour
de la nature et de la force de la relation satisfaction-fidélité peut être expliquée par différents
facteurs affectant la compréhension et la modélisation de ce lien. Une approche combinée de
deux de ces facteurs, étudiés jusqu’alors de façon indépendante dans la littérature, constitue
l’objet des deux premières parties de cet article :
o le statut de l’image, qui fait l’objet de controverses importantes (Andreassen et
Lindestad, 1998 ; Andreassen, 2001 ; Johnson et al., 2001 ; Suh et Yi, 2006) est
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Actes du XXIIIème Congrès International de l’AFM – 31 mai & 1er juin 2007, Aix-les-Bains
questionné. Poursuivant les propositions de Johnson et al. (2001), nous testons le rôle de
l’image en tant que médiateur partiel de la relation satisfaction-fidélité, pour conclure à
la stabilité de ce statut, indépendamment d’autres facteurs tels que l’intensité
concurrentielle, le risque perçu et l’implication. Ainsi, les choix d’investissement entre
politique d’image ou de satisfaction doivent nécessairement prendre en compte ces
résultats. Notre apport est ici théorique ;
o le rôle modérateur de l’intensité concurrentielle (Fornell, 1992 ; Anderson, 1994 ; Jones
et Sasser, 1995 ; Fornell et al., 1996), qui a, jusqu’ici, toujours été étudié en s’appuyant
sur des comparaisons intersectorielles. Ceci pose la question du contrôle des autres
variables caractéristiques d’un secteur, celles-ci pouvant également avoir un effet sur la
relation. Nous proposons ici une mesure absente de ces biais, qui permet de revisiter
certaines conclusions précédemment admises. Notre apport est à la fois
méthodologique et théorique.
Les résultats divergents constatés dans la littérature à propos des liens entre satisfaction et
fidélité soulignent, encore à l’heure actuelle, que “a definitive and consensual formulation
has not yet emerged” (Agustin et Singh, 2005, p. 97). Comme souligné précédemment,
diverses voies de recherche coexistent. Cet article se situe dans une perspective d’intégration
d’effets médiateurs et/ou modérateurs au sein de la relation satisfaction-fidélité, et exclut donc
d’autres pistes telles que l’asymétrie ou la non-linéarité. Portant plus particulièrement sur la
question du retour sur investissement des politiques de renforcement de l’image et/ou de la
satisfaction, cet article se concentre donc sur l’effet de l’image au sein du lien satisfaction -
fidélité, et exclut de ce fait la confiance, l’engagement, ou encore l’attachement (Morgan and
Hunt, 1994 ; Garbarino et Johnson, 1999). Poursuivant les pistes initiées par Johnson et al.
(2001), Andreassen (2001) et Suh et Yi (2006), le modèle développé ici est en effet plus
particulièrement centré autour d’un potentiel effet médiateur (partiel) de l’image.
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Fidélité
La définition de la fidélité continue d’être l’objet de nombreux débats et controverses.
Classiquement, trois visions coexistent, et deux approches ont été récemment proposées. La
première vision classique, purement comportementale, et la seconde, attitudinale, ont été
réunis autour d’un troisième courant de littérature qui considère ce concept comme dual, c'est-
à-dire à la fois attitudinal et comportemental : la fidélité s’expliquerait par une attitude
positive et s’exprimerait dans un comportement de réachat (Trinquecoste, 1996). Parmi les
deux approches plus récemment proposées, le courant relationnel considère que la fidélité est
fondée sur un réel engagement du consommateur vis-à-vis de la marque (Aurier et al., 2001),
et non plus sur une simple attitude positive (cf. la vision classique dite composite ou duale de
la fidélité. Enfin, Oliver (1999) propose une conceptualisation plus dynamique de la fidélité
en considérant que celle-ci évolue selon quatre phases : fidélité cognitive, affective, conative,
puis « fidélité action ». Nous considérons ici la fidélité au sens d’Oliver (1997, p. 392):
“Customer Loyalty is a deeply held commitment to rebuy or repatronize a preferred product
or service consistently in the future, despite situational influences and marketing efforts
having the potential to cause switching behavior”. Cette conception s’inscrit donc dans le
troisième courant évoqué précédemment (vision duale ou composite de la fidélité).
Satisfaction
Depuis les travaux séminaux d’Oliver (1980), la satisfaction est classiquement considérée
comme le résultat d’un processus de comparaison entre la performance perçue par le
consommateur et ses attentes préalables (i.e. disconfirmation). La nature cognitive, affective,
ou duale de la satisfaction a fait l’objet d’un nombre important de controverses, de même que
son statut transactionnel (Oliver, 1980), cumulatif (Fornell, 1992), voire relationnel (Aurier,
Benavent et N’Goala, 2001). Une approche transactionnelle de la satisfaction, contrairement à
une acception plus relationnelle, permet de renforcer sa validité discriminante par rapport à
d’autres concepts proches, notamment l’attitude et donc l’image. Le rôle de l’image au sein de
la chaîne satisfaction-fidélité constituant le thème central de cette recherche, nous avons donc
volontairement privilégié une conceptualisation transactionnelle de la satisfaction. Toutefois,
le choix d’une vision transactionnelle de la satisfaction peut poser question par rapport au test
empirique qui concerne ici une relation de service durable en B to B. Mais, à nos yeux, la
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relation contractuelle étant annuelle, voire plus, la notion de « transaction » couvre donc
l’ensemble de la prestation (le questionnement a d’ailleurs été formulé en ce sens), là où une
vision « relationnelle » de la satisfaction aurait nécessairement dû couvrir plusieurs périodes
contractuelles, ce qui aurait aussi, en plus des remarques formulées plus haut, posé la question
de la capacité du répondant à porter un jugement (arrivée récente au poste concerné,
méconnaissance de l’historique de la relation, etc.). Ainsi, à l’instar d’Oliver (1997), nous
considérons la satisfaction comme “the consumer’s fulfillment response. It is a judgment that
a product or service feature, or the product or service itself, provided (or is providing) a
pleasurable level of consumption-related fulfilment, including levels of under- or
overfulfillment” (Oliver, 1997, p. 13).
L’image peut être définie comme des associations et des impressions qu’un
consommateur a en mémoire à propos d’une entreprise (Keller, 2003). Selon Dowling (1986;
1988), l’image est fondée sur des évaluations, des sentiments et des attitudes. L’image se
forme ainsi à partir de deux types d’antécédents : les expériences de consommation, mais
aussi l’ensemble des informations directes et indirectes que reçoit le consommateur à propos
de l’entreprise concernée (publicité, marketing direct, bouche à oreille…). Ainsi, comme le
souligne Zins (2001), l’image peut être considérée comme la résultante d’une accumulation,
au cours du temps, d’expériences et/ou d’informations issues du marché (Selnes, 1993;
Andreassen & Lindestad, 1998).
L’impact de l’image sur la fidélité constitue un sujet depuis longtemps débattu dans le
domaine de la Distribution, comme en témoignent les articles référents de Martineau (1958) et
Hirschman (1981). Ces auteurs, dont les thèses sont confirmées par la méta-analyse de Pan et
Zinkhan (2006), soulignent le rôle primordial de l’image du magasin dans les comportements
d’achat. Le rôle de l’image en tant qu’antécédent de la fidélité a aussi été mis en évidence
dans d’autres secteurs, tels que l’aéronautique (Ostrowski et al., 1993), ou encore la banque
(Bloemer et al., 1998). Plus encore, le recours à des validations empiriques fondées sur des
baromètres nationaux tels que le Norvegian Customer Satisfaction Barometer (Andreassen,
2001) confirme que le rôle de l’image, dans la construction de la fidélité, est indépendant du
secteur concerné.
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Le lien entre satisfaction1 et image fait l’objet de deux visions opposées. Grönroos
(1984) souligne en effet que la relation entre ces deux concepts est réversible : l’image se
construit -entre autres- à partir de la qualité des services offerts au consommateur, et
inversement, influence la perception de qualité que peut avoir ce même client. Cette
réversibilité s’explique, au plan conceptuel, par une relation longitudinale entre ces deux
concepts, l’image étant une forme d’attitude. En se rapportant aux travaux fondateurs d’Oliver
(1980), on peut en effet supposer que l’image qu’a un consommateur en t1 participe à former
ses attentes. A ce titre, l’image constitue un antécédent de la satisfaction en t2, celle-ci
participant ensuite à construire l’image en t3. Cette dernière est donc construite à partir de
l’image en t1, de la satisfaction en t2 (expérience de consommation), et, comme souligné
précédemment, d’informations issues du marché.
Dans ce cadre, la question de la nature du lien causal entre satisfaction et image est
posée. Mais d’un point de vue méthodologique, lorsque les mesures de satisfaction et d’image
sont collectées au sein d’un même questionnaire, c'est-à-dire sans décalage dans le temps,
l’image est mécaniquement influencée par la satisfaction liée aux expériences de
consommation récentes (Johnson et al., 2001). A ce titre, dans le cas d’une collecte
simultanée, intégrer l’image en tant que variable conséquente à la satisfaction « reflects both
the degree to which customer’s purchase and consumption experiences enhance a product’s
or service provider’s corporate image and the consistency of customer’s experiences over
times » (Johnson et al., 2001, p. 231).
Le modèle testé ici inclut une médiation partielle de l’image dans laquelle la
satisfaction exerce une influence à la fois directe et indirecte (via l’image) sur la fidélité. Ce
type de médiation partielle a été retenu pour trois raisons complémentaires. En premier lieu,
pour prendre en compte la façon dont les expériences du consommateur affectent directement
sa fidélité. Car même si aucun consensus ne semble clairement émerger, la très abondante
littérature sur le lien direct satisfaction – fidélité ne permet en aucun cas d’exclure l’hypothèse
d’une influence directe de la satisfaction sur la fidélité. En second lieu car la recherche
référente du domaine (Jonhson et al., 2001), effectuée conjointement par les responsables de
différents baromètres nationaux de satisfaction2 à partir de l’étude des limites de ces
baromètres, recommande une modélisation de ce type (p. 232). Ces auteurs arguent
1
A l’instar de Zeithaml (2000), nous ne distinguerons pas ici la qualité perçue de la satisfaction. En effet, la
proximité et le sens de la chaîne causale entre ces deux concepts ont fait l’objet de nombreuses controverses (De
Ruyter et al., 1997, N’Gobo 1997), et, à notre connaissance, aucun consensus n’a encore été trouvé à ce sujet.
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L’American Customer Satisfaction Index (ACSI), le Swedish Customer Satisfaction Barometer (SCSB), et le
Norvegian Customer Satisfaction barometer (NCSB).
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notamment du fait que l’inclusion d’un lien direct image – fidélité permet de mieux prendre
en compte les effets, sur la fidélité, des évaluations qu’ont en mémoire les consommateurs à
moyen et long terme, celles-ci comprenant aussi d’éventuelles nouvelles marques au sein de
l’ensemble évoqué. Enfin, une telle approche est, de plus, cohérente avec le cadre théorique
proposé par Olson (1972), au sens où le consommateur s’appuie, dans son comportement, sur
deux types de signaux : les uns de nature intrinsèques et les autres de nature extrinsèques. La
satisfaction est ainsi associée à des signaux intrinsèques (satisfaction sur chaque attribut) alors
que l’image est plus fondée sur des signaux extrinsèques. Or le recours à des signaux
extrinsèques dépend du degré d’assurance qu’a le consommateur vis-à-vis de ses signaux
intrinsèques. On peut ainsi supposer que l’impact de l’image sur la fidélité sera d’autant plus
faible que la satisfaction sera fortement structurée dans l’esprit du consommateur (Andreassen
et Lindestad, 1988). Au total, en modélisant le lien satisfaction – fidélité à travers une
médiation partielle de l’image, nous suivons Agustin et Singh (2005, p. 97) dans leur idée que
“partial mediation respects the view that our understanding of mechanisms is tentative and
evolving”, ce qui paraît ici, au vu de la littérature, particulièrement approprié.
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Les développements précédents nous amènent à formuler des hypothèses relativement aux
deux points suivants : (i) l’existence d’un effet médiateur partiel de l’image sur la relation
satisfaction-fidélité, et ce indépendamment du degré d’intensité concurrentielle ; (ii)
l’existence d’un effet modérateur positif de l’intensité concurrentielle sur la chaîne
satisfaction - image - fidélité
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Pour les raisons développées plus haut, et à l’instar d’Andreassen (2001), de Johnson et al.
(2001) et de Suh et Yi (2006), nous supposons que l’image constitue un médiateur partiel de
la relation satisfaction-fidélité. Afin d’établir la stabilité de ce statut de modérateur partiel de
l’image, nous testons les hypothèses de médiation partielle avant et après ouverture du marché
étudié à la concurrence.
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TEST EMPIRIQUE
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Au sens du terme anglo-saxon « Utilities »
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L’acceptation de l’entreprise de fournir les données présentées ici s’est faite sous condition expresse d’une
totale confidentialité, pour d’évidentes raisons stratégiques en période d’ouverture de marché. Compte tenu du
contexte étudié (ex monopole), nous ne pouvons donc pas dévoiler ici la nature exacte des produits et services
concernés. Nous tenons par ailleurs à remercier les collaborateurs concernés au sein de cette entreprise pour leur
aide tout au long de ce projet.
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Conception du questionnaire
Le questionnaire a été classiquement construit en deux étapes successives. Une
première étape de nature qualitative a permis de recenser et de structurer les différentes
dimensions de la satisfaction d’un client professionnel vis-à-vis des produits et services
concernés. D’éventuelles disparités au sein de la cible Professionnels ont été prises en compte
à travers l’interrogation, par entretiens semi-directifs, de clients provenant de chacun des 14
segments initiaux. Une analyse de contenu a ensuite permis de mettre en évidence les grandes
dimensions constitutives de la satisfaction (i.e. : relation commerciale, accueil, informations
fournies…). Enfin, ces résultats ont été confrontés aux visions d’experts internes afin de
vérifier la complétude des dimensions retenues. Un questionnaire quantitatif a ensuite été
construit à partir de ces données. Les échelles de mesure des attributs ont été constituées d’un
seul item par attribut de satisfaction. En effet, à l’instar des recommandations de Kekre,
Krishnan et Srinivasan (1995), qui constatent que les instruments mono-items de satisfaction
proposent des qualités psychométriques suffisantes, une telle approche semble prépondérante
dans la littérature. Différents auteurs recommandent ainsi de privilégier des instruments
mono-items pour déterminer les attributs les plus contributeurs à la satisfaction globale des
consommateurs (Yi, 1990 ; Fornell, 1992 ; Fornell et alii, 1996). LaBarbera et Mazursky
(1983) affirment même que, dans le cas d’études de satisfaction importantes –telle que cette
présente recherche-, les instruments mono-items améliorent la qualité de mesure en regard
d’instruments multi-items. Le questionnaire a, classiquement, été testé et remanié à partir
d’Analyses en Composantes Principales exploratoires. Il comprend finalement 93 items,
regroupés par sous-dimensions de satisfaction. La cohérence interne de chacune de ces
grandes dimensions est satisfaisante, au sens de Nunnally et Bernstein (1994). Les alpha de
Cronbach varient en effet, pour chacune des deux vagues, de 0,824 à 0,925, à l’exception
d’une dimension ayant un alpha de 0,694. La cible concernée présentant à la fois les capacités
cognitives et un niveau suffisant d’implication vis-à-vis de la problématique étudiée, une
échelle d’intervalle à dix échelons a été retenue afin d’offrir une plus grande précision
(Fornell et alii, 1996). Une question de satisfaction globale a été ajoutée au questionnaire à
partir d’une échelle similaire à celles utilisées pour les attributs. Pour des raisons propres à
l’entreprise concernée, les mesures d’image et de fidélité utilisées ici sont elles aussi mono-
item (Bloemer et De Ruyter, 1997), sur une échelle d’intervalle à dix échelons. A l’instar de
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nombreuses recherches du domaine, la mesure de fidélité retenue ici est une intention de
réachat (LaBarbera et Mazursky, 1983 ; Cronin et Taylor, 1992). Enfin, dans le questionnaire,
la mesure d’image a été volontairement positionnée avant les mesures de satisfaction et de
fidélité, afin de ne pas biaiser les résultats.
Lors des deux enquêtes, le recueil de données a été effectué par une société d’études de
marché à partir d’un système CATI (Computer Assisted Telephone Interviewing). La
représentativité de l’échantillon a été assurée à partir d’un tirage aléatoire par taux de
sondage. Les quotas utilisés combinaient des données internes liées au chiffre d’affaires et
aux ventes en volume, et les 14 segments de clientèle Professionnels. Les bases de données
ainsi obtenues ont été purifiées avant analyse (n final Base1 = 2241 ; n final Base 2 = 1815).
de l’intervalle de
Borne inférieure
confiance à 95%
confiance à 95%
indépendante(s)
Etat du marché
Signification
dépendante
Variable(s)
Coefficient
Variable
5
Le caractère mono-item des mesures utilisées conduisant à de trop faibles degrés de libertés, l’utilisation de
modèles d’équations structurelles ne permettait pas le calcul des indices d’ajustement usuels.
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Comme le montre le tableau 1, le modèle de médiation partielle est supporté, que ce soit avant
(H1) ou après (H2) l’ouverture du marché à la concurrence.
Discussion intermédiaire
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Or Dowling et Staelin (1994) suggèrent que l’un des moyens de réduction du risque
perçu consiste à approfondir l’évaluation des alternatives. Un tel approfondissement des
alternatives induit donc, indirectement, un renforcement de l’implication du client vis-à-vis de
l’achat considéré (Valette-Florence, 1989). Et si le rôle modérateur de l’implication dans la
relation directe satisfaction-fidélité a été largement étudié (Oliva et al., 1992 ; Anderson,
1994 ; Bloemer et Kasper, 1995 ; N’Gobo, 1998), l’intégration des effets de l’implication au
sein de la chaîne satisfaction - image - fidélité n’a fait l’objet, à notre connaissance, que d’une
publication récente (Suh et Yi, 2006). Aussi, dans la perspective d’explorer de manière plus
approfondie le rôle de l’image, avons-nous essayé de comprendre comment implication et
risque perçu pouvaient interagir au sein de la chaîne satisfaction - image - fidélité6.
En prolongeant les résultats observés dans la littérature, nous avons tout d’abord
vérifié l’existence du rôle modérateur de l’implication au sein du lien direct satisfaction –
fidélité, et ce en cas de faible vs. fort risque perçu. Dans un second temps, et dans les mêmes
conditions (faible vs. fort risque perçu), nous avons testé ce même rôle non plus au sein du
lien direct satisfaction-fidélité, mais au sein de notre modèle incorporant une médiation
partielle de l’image. Comme le montrent les résultats obtenus, l’introduction de ces deux
modérateurs permet de mieux comprendre le rôle exact de l’image au sein de la relation
satisfaction-fidélité.
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L’effet modérateur de l’implication a aussi été validé dans deux cas de modélisation non linéaire de la relation
satisfaction-fidélité (Oliva et al., 1992 ; N’Gobo, 1998). Nous ne détaillons pas ici les résultats concernés, ceux-
ci dépassant largement le cadre de la problématique traitée.
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Le risque perçu devrait être ici plus important avant l’ouverture du marché, du fait de
l’incertitude qui pèse à la fois sur le nombre et les qualités des futurs concurrents, mais aussi
sur les composantes structurelles du marché : futur environnement normatif et législatif,
évolution des prix, etc. Après l’ouverture, comme le soulignent les experts internes interrogés
au sein de l’entreprise, ces questions sont moins critiques pour les clients. En effet, les
nouveaux entrants proposent des offres clairement établies, et ont déjà pris des parts de
marché. Les alternatives sont ainsi mieux connues en t2 qu’en t1, et, de ce fait, l’incertitude
réduite. Cette hypothèse est confirmée par nos études empiriques, les répondants s’estimant
mieux informés sur le marché en t2 qu’en t19(p < 0,01). L’effet modérateur du risque perçu
peut donc être directement mesuré à travers la comparaison des résultats des deux vagues,
avant (fort risque perçu) et après l’ouverture (plus faible risque perçu)10.
A partir de ce constat, une simple lecture du tableau 1 montre que le risque perçu ne semble
pas modérer le lien direct satisfaction – fidélité, la différence entre les deux coefficients
obtenus n’étant pas significative (cf. les intervalles de confiance).
Pour tester les effets combinés de l’implication et du risque perçu au sein de la chaîne
satisfaction - image - fidélité, nous avons utilisé la procédure proposée par Muller, Judd, et
Yzerbyt (2005), fondée, là encore, sur une série de régressions multiples11. Comme souligné
plus haut, l’effet de l’implication dans le cas d’un risque perçu fort a pu être testé en utilisant
les données collectées avant ouverture du marché (t1), alors que le cas d’un risque perçu plus
faible l’a été sur les données après ouverture du marché (t2).
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Le test de comparaison de moyenne effectué sur les résultats des deux vagues concernant le niveau
d’informations perçu des répondants est significatif (p < 0,01).
10
Comme attendu, l’implication moyenne reste quant à elle forte et stable (environ 7,4 sur 10) avant et après
ouverture du marché, notamment du fait du caractère professionnel des sujets de l’échantillon et de l’importance
des produits et services concernés dans leurs propres processus de production : l’ouverture du marché ne modifie
en rien ces phénomènes. Le constat d’une telle stabilité conforte, de plus, la fiabilité de la mesure retenue ici (cf.
la dimension « importance perçue » de l’implication)
11
La méthode proposée par Muller, Judd, et Yzerbyt (2005) n’est pas détaillée ici. Sa complexité nécessiterait en
effet d’importants développements qui débordent le cadre de cet article. Bien que celle-ci s’apparente, dans ses
grandes lignes, à celle exposée par Chumpitaz et Vanhamme (2003), elle diffère quant aux conditions à respecter
pour conclure à l’existence d’une modération médiatisée. Cette différence tient à des développements
méthodologiques ultérieurs aux travaux sur lesquels s’appuient Chumpitaz et Vanhamme (Brauer, 2000 ;
Handelmann et Arnold, 1999). De même, nous ne présentons pas ici les tableaux de résultats issus de la mise en
œuvre de cette méthode, ceux-ci réclamant de nombreuses explications et commentaires. L’ensemble des
équations et résultats pourront toutefois être fournis au lecteur sur simple demande.
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Prolongeant des résultats déjà connus ou certaines pistes issues de la littérature, nous avons
tout d’abord étudié les rôles combinés du risque perçu et de l’implication au sein de la relation
directe satisfaction-fidélité pour nous intéresser ensuite à cette même problématique, mais
cette fois au sein de la chaîne satisfaction - image – fidélité. La comparaison des résultats
devrait ainsi permettre de mieux comprendre le rôle exact de l’image.
Comme le montre le graphique 2, sous la condition de fort risque perçu (avant ouverture),
l’implication modère le lien satisfaction - fidélité. Nous retrouvons ainsi un résultat
précédemment mis en évidence dans la littérature. Mais si l’on introduit l’image en tant que
médiateur, le rôle modérateur de l’implication change de nature. En effet, si la modération
s’applique sur la relation image – fidélité, prolongeant ainsi les conclusions de Suh et Yi
(2006), elle ne s’applique plus sur le lien direct satisfaction-fidélité, ni sur le lien satisfaction
– image. Par ailleurs, l’effet de cette modération diminue.
Implication Implication
Implication
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en tant que médiateur partiel conduit à retrouver une modération de l’implication conforme à
celle mise en évidence en t1 : absence de modération du lien direct satisfaction-fidélité ni de la
relation satisfaction – image, mais modération de la relation image – fidélité. D’un point de
vue managérial, un effet contraire au cas précédent est ici observé : si l’image médiatise le
lien satisfaction - fidélité, les effets des politiques de satisfaction, sur la fidélité, dépendront
alors du niveau d’implication des consommateurs, rendant leurs bénéfices sur la fidélité plus
volatiles.
De façon plus générale, quel que soit le niveau de risque perçu, les investissements sur
l’image semblent générer d’autant plus de fidélité que les consommateurs sont impliqués. De
l’ensemble de nos résultats, nous pouvons donc tirer des perspectives de recherche
intéressantes mais aussi une proposition. En effet, la modération de la relation satisfaction –
fidélité par l’implication (au sens de Muller, Judd et Yzerbyt, 2005) n’ayant pu être observée
que dans la condition de risque perçu élevé (i.e. avant ouverture), nous amène à formuler :
P1 : l’effet amplificateur (modération positive) de la relation satisfaction – fidélité par
l’implication est lui-même modéré positivement par le degré de risque perçu.
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l’intensité concurrentielle sur la relation satisfaction - image - fidélité, fournit des résultats
divergents de ceux attendus au vu de la littérature, et fondés sur des méthodes classiques de
comparaisons intersectorielles (Fornell, 1992 ; Anderson, 1994 ; Jones et Sasser, 1995 ;
Fornell et al., 1996).
Ces différents résultats nous ont ensuite incité à explorer plus avant le rôle d’autres
variables sur la chaîne satisfaction - image – fidélité. En prolongeant les travaux récents de
Suh et Yi (2006), nous avons testé, à titre exploratoire, les effets modérateurs combinés de
deux variables reconnues dans la littérature portant sur le lien direct satisfaction - fidélité :
l’implication et du risque perçu. Nos résultats indiquent que, selon le niveau de risque perçu,
les effets de l’implication diffèrent. Lorsque le risque perçu est fort, l’implication modère la
relation satisfaction - fidélité, cette modération étant médiatisée par l’image (modération
médiatisée). Lorsque le risque perçu est faible, l’implication modère la médiation, par
l’image, du lien satisfaction – fidélité (médiation modérée), cette modération étant
particulièrement importante pour la relation image – fidélité. Ces différents résultats ouvrent,
selon nous, de nouvelles perspectives pour l’étude des phénomènes de médiation et de
modération de la relation satisfaction-fidélité, mais questionnent surtout sur le niveau de
complexité des liens étudiés.
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Il est utile de rappeler que de nombreuses recherches académiques sont fondées sur l’utilisation de ces
modèles, ou sur les résultats obtenus à partir de ceux-ci.
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Apports méthodologiques
Le recours à une approche longitudinale et non plus intersectorielle pour tester l’effet
modérateur de l’intensité concurrentielle a permis d’éliminer les potentiels effets d’autres
variables non mesurées. Comme semblent l’indiquer nos résultats, cette approche offre une
vision plus précise de la complexité des effets de l’intensité concurrentielle.
Apports managériaux
Les implications managériales de cette recherche paraissent importantes et directement
opérationnelles en termes de retour sur investissement. En premier lieu, la relation
satisfaction-fidélité doit être appréhendée non seulement directement, mais aussi au travers du
prisme de l’image. De ce fait, l’affectation des ressources entre satisfaction et image constitue
une question centrale en termes de retour sur investissement. Le poids de l’image dans la
construction de la fidélité doit donc impérativement (i) être calculé13; (ii) être utilisé par les
managers pour effectuer leurs choix d’investissement entre satisfaction et image, ceux-ci
dépendant bien évidemment aussi des niveaux respectifs obtenus par l’entreprise sur chacune
de ces deux variables.
En second lieu, le poids de l’image semble peu fluctuant (cf. sa stabilité malgré des
degrés d’intensité concurrentielle différents). En d’autres termes, lorsque l’intensité
concurrentielle s’accroît, l’impact de la satisfaction sur la fidélité ne semble pas se renforcer,
contrairement à ce qui a pu être affirmé. Prioriser systématiquement la satisfaction lorsque
l’intensité concurrentielle s’accroît paraît donc quelque peu hâtif.
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Ce calcul est propre à chaque entreprise à un instant t, et ne peut de ce fait être généralisé à un secteur.
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