Année 2008.
Master 2 Droit maritime et des transports
Sous la direction de Me Christian Scapel
Pierre Izenic
2
Remerciements
PREAMBULE
Sans qu’il soit utile, dans le cadre de cette étude, de dresser un tableau de
comparaison entre le transport maritime et l’affrètement au voyage, on pourra
mettre en évidence les différences essentielles au travers des personnalités
des acteurs, fréteur et affréteurs, et du particularisme de leur contrat, la charte-
partie.
Certains exemples, bien qu’anciens, illustrent notre étude. Nous les présentons
lorsqu’ils créent une jurisprudence, qu’ils sont toujours d’actualité, ou bien
lorsque la solution apportée ne semble pas évidente.
5
Introduction
Par le plus grand des hasards, les richesses naturelles de notre planète ne se
trouvent pas sur les lieux mêmes de leur emploi.
Minerais et charbons sont aux antipodes : Chine, Australie, Amériques et
Afrique du Sud.
L’or noir le plus proche repose sous les sables du Moyen Orient.
Les bois précieux proviennent des forêts équatoriales.
1
http://www.oecd.org
6
Les affaires sont donc juteuses pour les propriétaires de navires et les fréteurs.
Il suffit d’ailleurs d’observer le carnet de commande des chantiers : Dans tous
les secteurs, hormis la pêche, ils affichent complet jusqu’en 2011.Il y a peu
d’espoir de négocier les prix.
C’est ce que tous s’accordaient à dire fin 2007.
2
Les échos.fr du 12 mai 2008 extraits : Le boom historique de la construction navale se heurte aux restrictions de
crédit. Résultat : les armateurs annulent leurs commandes et les taux de fret s'envolent.
Aujourd'hui, les chantiers navals à travers le monde redoutent l'annulation de 14 milliards de dollars de commandes.
Ainsi, le plus grand constructeur naval au monde, le coréen Hyundai Heavy Industries Co, se voit menacée par des
annulations et des retards de livraison sur un volume qui représente 94% de son chiffre d'affaires annuel par Hyundai.
La cause de ce malaise ? "Le durcissement des conditions de crédit qui conduit les prêteurs à demander aux
emprunteurs de plus grande garanties de dépôt pour leurs financements à court terme", a déclaré Tobias Backer, le
responsable de la division Shippers Amériques chez Fortis. Et le mouvement ne fait que commencer.
Pour l'heure, les annulations ou les retards de livraisons portent sur 250 navires environ, ou 10% du carnet de
commandes, ce qui va rendre le marché de la construction navale plus difficile. Ceci au moment où la demande de
navires neufs émanant de la Chine et de l'Inde pour toutes sortes de marchandises _ des graines de soja au charbon _
n'a jamais été aussi soutenue. Conséquence : faute de faire face à la demande par l'augmentation de la flotte (et sur la
base des commandes en cours, soit 2.561 navires), les prix du transport maritime devraient progresser de 56% au
cours des trois prochaines années, estiment les professionnels des marchés à terme. "Ces annulations conduiront
certainement la hausse des taux de fret maritime du fait du manque de navires,'' explique ainsi Natasha Boyden,
analyste chez Cantor Fitzgerald à New York.
Niveaux records
L'enjeu ne porte pas seulement sur la construction navale mais aussi sur les profits des armements spécialisés dans un
secteur qui, malgré le ralentissement économique aux Etats-Unis, a sur-performé l'an passé grâce à l'appétit de la
Chine pour les matières premières. Ainsi, le Bloomberg Dry Ships Index, qui regroupe 12 compagnies maritimes, a-t-il
progressé de 69% en 2007, alors que l'indice Standard & Poor's 500 Index perdait 7,8% sur la même période. Deux
exemples : STX Pan Ocean Co., une compagnie maritime coréenne, a gagné 62% en 2007 et DryShips Inc, un
armement basé à Athènes, a plus que doublé.
Les stocks de navires en commandes ont été poussés par les taux de fret maritime, qui ont atteint, le 9 mai dernier, leur
plus haut niveau depuis cinq mois - s'inscrivant 7,3% sous le niveau record du 13 novembre 2007. La courbe des taux a
suivi celle de la baisse des commandes. Ainsi, pour les frets secs, le Dry Baltic Index (voir encadré) a augmenté de
58% l'an dernier, alors que le nombre de navires en cours de construction diminuait de 21% au cours de cette période,
selon les données du Lloyd's Registre Fairplay.
Le chargeur Jinhui Holdings Ltd de Hong Kong est un cas d'espèce. En janvier dernier, il a annulé une commande de
deux navires et il est prêt à payer 4 millions de dollars pour sortir du contrat. "Lorsque les gens paient 4 millions de
dollars pour sortir d'un chantier, c'est une dynamique intéressante dans le marché'', estime-ton chez Fortis.
(Source : Bloomberg)
(*) Un nouveau navire Le Cap, un des plus grands navires de charge, coûte environ 155 millions de dollars.
7
3
« c’est la débandade sur le pacifique nord »
L’observation de la courbe des taux de fret du Baltic Dry index montre une
variation, sur les douze derniers mois, à la hausse(+100%) comme à la baisse(-
50%) à quatre reprises. 4
3
Propos de Mr. Bernard Dreyer, Mars 2008, au sujet du trafic conteneurs
4
Source Les échos. Fr. http://bourse.lesechos.fr/bourse/matieres/details_matieres.jsp?
8
Il assure la desserte régulière de ports prédéterminés avec toutes sortes de
marchandises.
C’est le trafic de ligne.
Le tramping
______
9
La liberté contractuelle
Fréteur au voyage et affréteur au voyage ont donc toute latitude pour convenir,
sauf à enfreindre des dispositions d’ordre public, de leurs droits et obligations
respectifs.
5
" (R. Rodière, Traité général de droit maritime : Dalloz 1970, t. I, p. 53)
6
L. n°66-420 du 18 juin 1966
10
Les cocontractants
Le fréteur
7
Droit Maritime Français - 2007 - n°685 - 10-2007 Mtre Marie Noëlle Raynaud,avocat à la
Cour
11
L’ affréteur
8
Exprimée enTPL(tonnes de port en lourd) pour les masses,TxJ N (tonneaux de jauge nette)
pour les volumes.EVP(équivalent 20 pieds) pour les conteneurs.
9
Navire Inger riis(Cass. com. 14 janv. 2004, navire Inger Riis, DMF 2004, 979.voir également
les observations du Pr. Ph. Delebecque, dmf 2004 n°654 12-2004.
12
10
Loi du 18 juin 1966 art.2
11
Professeur de droit maritime à l’université autonome de Barcelone. « curso de derrecho
maritimo » éd.2001,JM Bosch éditor.
12
Avocat au barreau de Caracas. The venezuela legislative treatment of maritime law dmf
1990 n°497.
13
La responsabilité du fréteur est librement négociée.
14
Loi du 18 juin 1966, art.6
13
Le fardeau de la preuve incombe donc au fréteur au voyage. En cas de perte
ou d’avarie à la marchandise, le fréteur devra prouver qu’il a rempli ses
obligations pour s’exonérer de sa responsabilité.
Mr. Jean Pierre Beurier, dont nous reproduisons un extrait de son article 15 ,
démontre l’intérêt qu’un industriel peut trouver à commercer sous le régime de
l’affrètement au voyage.
15
Mr JP Beurier est professeur à l’université de Nantes et directeur du CDMO.
DMF 2004,n°645
14
La charte-partie au voyage
Dans le monde des affaires, rien n’est figé ; l’opportunité crée la fonction.
Selon les perspectives comme des besoins ponctuels, l’affréteur deviendra
armateur, propriétaire ou non, voire fréteur sur certains marchés et affréteur sur
d’autres. Chacun se retrouve d’un coté comme de l’autre de la charte; c’est
dire la maitrise que ces industriels du transport ont des clauses du contrat
d’affrètement, la charte –partie au voyage.
Forme
Loi applicable
16
On trouvera sur le site www.bimco.dk/ une large palette de C/P spécialisées et leurs clauses
additionnelles.
17
Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
15
En droit civil anglais, en l’absence de loi expressément définie par les parties, la
loi régissant le contrat est la loi « with which the contract is most closely
connected » 18
Cette règle s’applique.
S’il est prévu une clause compromissoire fixant le lieu d’arbitrage, sans autre
précision, ce choix traduira la volonté forte des parties de soumettre la charte
partie à la loi du for.
Enfin, une clause valide sous un système de loi et invalide sous un autre est un
indice permettant de déterminer la loi applicable. 21
18
Scrutton on charterparties and bills of lading, 18ème éd. Sweet & Maxwell 1974, page 11.
19
Idem ci-dessus, page 12
20
Camp sentence 1127 du 20 décembre 2005 ; extrait :
21
Idem ci-dessus, page12.
16
Quelques exemples synthétisés ci-dessous,(traduction libre) illustrent le
propos 22 .
Cas 1 : L’affréteur, anglais, affrète un navire français dans un port danois pour
un voyage Haïti- France ou Angleterre ; dans un port portugais, le capitaine fit
un emprunt à la grosse, engageant navire, fret et cargaison. Le propriétaire de
la marchandise, devant payer plus que l’emprunt, réclama des indemnités au
propriétaire du navire. Celui-ci lui abandonna navire et fret. Loi du pavillon
appliquée. (le délaissement étant une solution avantageuse en droit français).
22
: On Charter-parties Scutton p. 12.
Lloyd v. Guibert (1865) L.R. 1 Q.B.115
The Express (1872) LR 3 A & E. 597 .
The Industrie[1894] P 58 (CA).
Re Missouri S.S.Co.(1889) 42 Ch.D.321.
17
Validité
23
Alors que la loi portant statut des navires impose, à peine de nullité, que
soient constatés par écrit « les contrats d’affrètement à temps et contrats
d’affrètement coque-nue conclus et délégations de fret consenties pour une
durée de plus d’un an ou dont la prorogation peut aboutir à une pareille
durée »,on admet ,comme c’est la règle en matière commerciale, toutes formes
de preuves, telles qu’ échanges de courriers, fax, télex ainsi que, depuis juin
2005 24 , le recours, en droit français, aux courriers électroniques « pour mettre à
disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou
services ».
A fortiori, « les informations destinées à un professionnel peuvent lui être
adressées par courrier électronique dès lors qu’il a communiqué son adresse
électronique ». 25 26
Il faut souligner que dans le cas de l’ espèce, l’affréteur était à la fois chargeur
et destinataire ; il est permis de penser que les magistrats ont accordé au
connaissement de charte-partie la qualité d’un connaissement ne pouvant plus
faire référence à la C/P et accordé à ce connaissement la qualité et la portée
prééminentes du contrat de transport signé par le capitaine(ou son agent) ,(bien
qu’il soit largement admis qu’un tel document ne circulant pas n’a que valeur
d’un reçu de marchandises), en se fondant sur l’unicité des personnalités,
23
N°67-5 du 03 janv.1967, art.10 al.2
24
C.com.,art. L.10-3
25
Ord.n°2005-674,16 juin 2005 ; C.civ., art.1369-1&3.
26
Lamy transport,tome2,éd.2008,chap.1049 & 1050,page486
27
Cass.com, 5 mai 2004, navire Hella,DMF 2005, obs .F.Arradon
18
chargeur-affréteur-destinataire pour établir le lien contractuel fréteur / affréteur,
ce qui conduit à l’application des règles strictes du contrat de transport au lieu
de règles contractuelles librement débattues.
Bien souvent, les parties s’accordent rapidement sur les grandes lignes du
contrat. En cas de relations suivies, elles font référence aux « conditions
habituelles ».
De nombreux points « de détail » restent à négocier. Si les choses trainent,
l’existence ou la validité du contrat peut être menacée. La Commercial Court a
réaffirmé, dans son jugement du 9 février 2004, que l’utilisation de l’idiome
« subject details » (ou « sub details »), dans une « recap » (un document
récapitulant les termes d’un contrat de vente ou d’affrètement de navire), a pour
effet de prévenir la conclusion définitive d’un contrat tant que les « details » ne
sont pas satisfaits ou levés.
Résolution
Les chartes parties contiennent souvent des clauses résolutoires dont les trois
plus fréquentes sont les suivantes :
28
Thoresen & Co (Bangkok) Ltd v Fathom & Others [2004] EWHC 167 (Comm). « subject
details »Alexandre Besnard, solicitor, Londres. Dmf 2005 n°655 01-2005
19
La charte Baltime 1939 dispose que le paiement du loyer sera fait d'avance
tous les trente jours et, qu’à défaut, l'armateur aura le droit de retirer le navire
du service des affréteurs, sans préavis et sans intervention judiciaire ou
quelque formalité que ce soit, et sans préjudice de toute réclamation que
l'armateur pourrait par ailleurs avoir à faire à l'affréteur en vertu de la charte. 29
• L’absence du navire promis aux lieu et date prévus (« cancelling date »).
Seul l’affréteur peut l’invoquer, passé un délai raisonnable.
29
Jurisclasseur Transport Fasc.1205
30
Chandris v.Isbrandtsen Moller, 1951 Handy book for shipowners and masters p.196.
31
, dmf 1975,p.297.
20
La résolution d'une charte-partie exige de la part de celui qui l'invoque une
déclaration formelle, à défaut de quoi la charte reste en vigueur, tout
particulièrement quand des amendements ultérieurs y font une référence
explicite. 32
La résolution doit être demandée en justice.
• La force majeure
Lorsque la force majeure est invoquée, celle doit rendre définitive l’impossibilité
de poursuivre l’exécution du contrat 36 .
32
Camp,sentence n°213 du 8 juin 1977 ; dmf 1977 , p.626 .
33
Navire Santa Rita Dmf 1996n°564.
34
Décret 66-1078 du 31 Décembre 1966 art.12 « le contrat est résolu sans dommages-
intérêts de part ni d'autre si, avant le départ du navire, survient une interdiction de
commercer avec le pays pour lequel il est destiné ou tout autre événements de force
majeure qui rend impossible l'exécution du voyage ».
35
Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994
36
Décret 66-1078 du 31 décembre 19966, art. 14
Si la force majeure retarde simplement la sortie du navire, le contrat doit être maintenu et le
retard ne donne lieu à aucune indemnité.
Si la force majeure arrive pendant le voyage, on ne peut pas considérer le contrat comme non
avenu puisqu'il a reçu un début d'exécution. Dans ce cas le contrat est maintenu et il n'y a lieu à
aucune augmentation du fret.
Néanmoins, si l'affréteur préfère rompre le voyage il peut décharger la marchandise à ses frais,
mais il doit alors le fret entier (art. 14 in fine).
21
avait rendu impossible l'exécution de la charte-partie ; il appartenait à l'armateur
seul de juger des inconvénients en résultant pour lui, et d'accepter ou de
refuser la résiliation proposée par l'affréteur. La résiliation unilatérale est donc
le fait de l'affréteur, qui doit indemniser l'armateur de ses conséquences. 37
37
Camp Sentence n°255 du 06 janvier 1978, dmf 1978, p.575
38
Loi du 18 juin 1966, art. 17 :” Titre II : Transport de marchandises
Les dispositions du présent titre s’appliquent :
1° Entre tous les intéressés au transport, en l’absence de charte-partie ;
2° Dans les rapports du transporteur et des tiers porteurs, aux connaissements émis en
exécution d’une charte-partie.
39
: C. Cass. Ch.civ.3, 23 Mars 1965 Ste Emeraude Industrielle et Maritime / Ste comptoir
français de l’industrie des conserves alimentaires
22
Mais, attendu que l’Arrêt constate que le thon congelé, chargé par COFICA, a
été transporté de Dakar à Bordeaux, suivant connaissement intervenu
directement entre la société COFICA et la société S.E.I.M, que la demande
d’indemnisation de la société COFICA est fondée sur un rapport d’expertise
amiable dressé par deux experts choisis d’un commun accord par les deux
sociétés précitées…et que DELHOMMES ,affréteur du navire, est demeuré
étranger au connaissement et à l’expertise amiable… »
En revanche, il a été jugé que l'affréteur qui a délivré des connaissements sous
son seul en-tête a la qualité de transporteur 41 .
40
Voir en ce sens art. du Pr.Y. Tassel »De la clause fio ou bord-à-bord et du destinataire tiers à
la charte-partie », dmf 2007 n°684 09-2007
41
(T. com. Marseille 22 févr. 1972 : DMF 1972, 731).
42
C. Aix-en-Provence (2e Ch.), 26 juin 2006, navire Fortune Bay . DMF HS no 11, juin 2007,
o
n 82.
Définition
Très proches, les termes de l’arrêt rendu dans le procès concernant le navire
Eastern City” fait également autorité :
« A port will not be safe, unless, in the relevant period of time, the particular
ship can reach it, use it and return from it without, in the absence of some
abnormal occurrence, being exposed to danger which cannot be avoided by
good navigation and seamanship”.
43
Leeds Shipping Co. V. Bunge, 1958.Handy book for shipowners and masters, by
H.Holman,16ème éd. M.R HOLMAN.,1964.,pages 183 à 185.
24
navigation à l’approche et dans les ports qu’il a contractuellement accepté de
desservir.
C’est pourquoi l’affréteur garantit souvent, via les clauses générales des C/P,
uniquement les ports non encore désignés. Ainsi, en l’absence de clause
particulière, le fait, pour l’affréteur, de désigner, sans autre précision, les ports
de chargement et/ou déchargement l’exonère de toute garantie. 44
L’expression « safe port Rouen »suppose que le fréteur ait une connaissance
précise de toutes les conditions d’accès, notamment courants et marées. Le
chargement terminé, le temps d’attente d’une marée favorable sera à la charge
du fréteur.
Le port doit être sûr dès la conclusion du contrat, pendant le voyage aller,
durant l’escale et jusqu’à l’éloignement du navire.
44
Camp sentence 1099 du 25 juin 2004
45
A contrario l’absence de balisage d’un haut fond situé dans le chenal de sortie de port a
contribué a qualifier un port « non sur ». Sentence camp1099 du 25 juin 2004.
46
Sentence 1088 du 11 Aout 2003.
47
Ogden v. Graham (1861)
25
Traduction libre : Un navire fut affrété pour se rendre, chargé, « to a safe port in
Chile (with leave to call at Valparaiso) ». A Valparaiso, il reçu l’ordre de se
rendre à Carrisal Bajo, lequel se trouvait fermé sur ordre des autorités
chiliennes pour cause d’émeute. Les affréteurs ignoraient ce fait au moment de
la conclusion de la C/P. Ce port était naturellement sur, mais tout navire qui y
déchargeait sans autorisation risquait la saisie. Le navire attendit à Valparaiso,
38 jours durant, l’autorisation de décharger. Le navire assigna l’affréteur pour
détention. Solution/ Carrisal Bajo fut déclaré non sûr et les propriétaires furent
indemnisés pour rupture du contrat.
Ses accès, ‘au sens large, y compris la route suivie pour l’atteindre, doivent être
sûrs. 49 & 50
Il existe donc une infinité de conditions, propres à chaque cas, pour qu’un port
soit réputé sûr.
En cas de protestation, la preuve de l’insécurité doit être rapportée 51
Depuis le 1er juillet 2004, date d’entrée en vigueur du code ISPS, de nouvelles
adaptations contractuelles sont nécessaires pour déterminer, d’une part,
l’incidence et la répercussion financières de ces nouvelles dispositions, d’autre
part du caractère sûr du port en fonction du niveau atteint 52
48
Société maritime Delmas Vieljeux/Société Cie Groupe Concorde et autres. Bulletin des
transports et de la logistique, n°2698,17Mars 1997,p.227.
49
Palace Co. v. Gans line,1916 risque de torpillage en temps de guerre
50
Grace v. General steam Navigation Co., 1950 “if there is a serious danger of the vessel being
damaged by ice en route to the port.”
51
Sentence camp 1088 du 11 aout 2003.
52
Voir article »les clauses de sûreté maritime dans les chartes parties, auteur Phlilippe Boisson,
La Gazette de la Chambre, n°6.
Voir également sur site Web
http://www.nepia.com/risk/publications/newsletters/pdf/Signals54.pdf l’article « cracking the
code » revue en ligne Signal, page 5, auteur Phil Anderson
26
Choix du quai
53
Handy book for shipowners and masters, déjà cité, p.192
Ireland & Sns v. Southdown S.S Co., Ltd. (1928).
54
On peut lire le statut et les obligations du courtier sur le site : www.french-shipbrokers.org/
55
Camp sentence n°1075 du 13 décembre 2002.
56
Com .20 janv.1987, n°84-17.738, dmf 1988, p.182.
27
En revanche, bien qu’il soit fait obligation au courtier de « se tenir, pour autant
que possible, documenté sur la moralité et la solvabilité des parties qu'il met en
rapport et de les renseigner respectivement, avec la discrétion voulue sur la
crédibilité de leur cocontractant. » 57 , la Cour de Paris a jugé « qu’ un armateur,
victime d’un affréteur insolvable n’était pas fondé à agir en responsabilité contre
le courtier ayant négocié l’affrètement de son navire, au motif que le
renseignement favorable donné par ledit courtier sur la fiabilité de l’affréteur ait
été déterminant pour son engagement alors qu’il avait exprimé lui-même ses
doutes sur la solvabilité de cet affréteur et sur sa capacité à obtenir la cargaison
prévue en exigeant des garanties pour le paiement de son fret et de dix jours de
surestaries au port de charge ». 58
Tout navire, affrété ou non, doit être, du point de vue de la sauvegarde de la vie
humaine, « apte au service auquel il est destiné » 59
Cette obligation fondamentale est sans commune mesure avec celle édictée
par la loi du 18 juin 1966(Titre II, art.21). 61
57
Art.5 des obligations professionnelles des courtiers adhérant à la chambre syndicale des
courtiers d’affrètement maritime et de vente de navires de France.
58
Paris, 30 juin 1989, dmf 1990,p.480.
59
Conv.int. de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention Solas) ,
art.1er,al.2
60
Décret66-1078 du 31 décembre 1966, art.19
Le soin apporté à l’armement du navire pour réaliser le voyage promis est d’une
exigence absolue ;
chargées ».
62
voir en ce sens P. Bonassies-Chr.Scapel Traité de droit maritime (déjà cité) chap. 765 p.496
et suiv.
63
Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005.
29
(Canada, près de Tadoussac).Les soutes étaient à la charge de l’affréteur et il
ne faisait aucun doute pour chacune des parties que le navire
s’approvisionnerait en charbon dans les différents ports qu’il était amené à
desservir au cours de son voyage. La charte prévoyait l’exonération des
responsabilités de chacune des parties, sauf le cas d’innavigabilité. Le navire
appareilla de la Rivière Plate pour St. Vincent, mais, en raison d’une erreur de
calcul du chef mécanicien, les existants de charbon s’avéraient insuffisants
pour rallier St. Vincent, l’obligeant à ravitailler à Pernambuco.
64
Mc Iver &Co., Ltd v. Tate steamers Ltd. (1903) Handy book for shipowners and masters
p.151
65
Kopitoff v. Wilson (1876) ) Handy book for shipowners and masters p.154
30
66
Darling v. Raeburn (1907).
67
Camp sentence n°1037 du 22 juin 2000( échauffement d’une partie de la cargaison de riz en
vrac dû au réchauffage des soutes à combustible)
68
Cours du Cdt G.Figuière : »Le code ISM et la notion de navigabilité »
31
« A l’étude de ce cas, on ne peut que conclure, que dès lors que l’erreur
humaine est inévitable et que la perfection reste un rêve, les tribunaux jugent
avec sagesse que dans la mesure ou l’armement apporte la preuve de sa
diligence pour la mise du navire en état de navigabilité, de son maintien en cet
état, du soin qu’il apporte au choix de ses capitaines et des principaux de
l’équipage, du respect tant de la lettre que de l’esprit du code ISM, une erreur
humaine ne saurait empêcher l’armateur, le transporteur de limiter sa
responsabilité ».
69
The Norway (1865), Handy book for shipowners anr masters p.351.
32
Les contraintes liées au ballastage, nécessaire à la stabilité et à la navigabilité,
sont de la responsabilité du capitaine. Une partie de la marchandise chargée
pourra faire office de ballast sans toutefois pouvoir diminuer la capacité
contractuelle d’emport du navire ni conduire à décharger dans un port
intermédiaire 70 .
Ce point avait toute son importance à l’époque ou la stabilité était assurée soit
par du ballast solide (gueuses de béton, lingots de fonte) soit par une partie de
la marchandise. Les soutes et l’eau de mer ballastée assurent actuellement les
tirants d’eau et la stabilité appropriés, mais les navires seront-ils indéfiniment
autorisés à ballaster et déballaster n’importe où et n’importe quand ?
Mise à la disposition
70
Towse v.Henderson (1850).
71
Camp sentence n°530 du 5 mai 1985 dmf 1985, p.114
72
C.Cass. (ch. com.) – 9 MAI 2007 – Navire Trade Swan - no 06-12644 Sté BOCS GmbH c/ Sté
SUCRIMEX, commentaires Mtre M ;N. Raynaud.dmf 2007 n°685 10-2007 et Pr Y. Tassel dmf
2006 n°669 04-2006
73
Camp sentence n°1098 du 27 mai 2004.dmf 2004. 1040
33
Voir, toutefois, le cas du navire Aello, House of Lords qui, bien que jugé « non
arrivé », a été dédommagé pour l’absence de marchandise prête à être
chargée. 74
74
Navire Aello Hand book for shipowners and Masters, 16ème éd. 1964p.196.
75
Idem ci dessus
76
Idem ci-dessus
77
Camp sentence n°968 du 6 juin 1997
78
Camp sentence n°1023 du 22 décembre 1999
79
Voir supra 33
80
Idem ci dessus
81
Camp sentence n°1024 du 20 décembre 1999
82
Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994, dmf 1995,p.647.
34
Dans cette espèce, les arbitres ont souligné que « le fréteur, en parfaite
connaissance de la position de son navire dans le temps, avait communiqué à
l’affréteur, jour après jour, des prévisions qui ne pouvaient pas être réalisées,
qu’il lui avait donné des informations qui, dans les faits, se sont révélées
inexactes et que, par ailleurs, il n’avait jamais justifié des prétendues
circonstances imprévues, qu’il avait évoquées ». Ils ont ajouté : « il est
manifeste que cette attitude, probablement due à la crainte de perdre
l’affrètement, relève de la « mispresentation ».
Le paiement du fret
Détermination du fret
83
D.66-1078, art.5
84
Trib .com. de la Seine, 15 janvier 1960, dmf 1960, p. 363
35
Non-paiement du fret.
Une autre voie, en droit français, est d’agir, comme le souligne le Pr. A.
Vialard 89 , en action directe sur le fondement de l’art. 14 de la loi du 18 juin
1966. 90
85
Art.2 de la Loi du 18 juin 1966
86
Sentence arbitrale du 31 janvier 1997, n°958, JMM 1997,p.2047.
87
Camp sentence 1132(second degré) du 3 octobre 2006.
88
Navire Symplea,, Ch. Com. Du 18 mars 2003. dmf 2005 n°9 sup.
89
Dmf 2005 n°9 sup.
90
Art. 14 Loi du 18 juin 1966 : « Le fréteur, dans la mesure de ce qui lui est dû par l’affréteur,
peut agir contre le sous-affréteur en paiement du fret encore dû par celui-ci ».
36
Arrivée du navire
Obligation de charger
91
Voir en annexe glossaire des acronymes utilisés dans l’affrètement
92
Camp sentence 1054 du 22 octobre 2001
93
Pr. P.Bonassies, Traité de droit maritime Pierre Bonassies Christian Scapel 2006
L.G.D.J.,page512
94
Grant v. Coverdale 1884
37
L’acheminent de la cargaison est impérative. Si le navire n’est pas autorisé à
accoster en raison de l’absence de tout ou partie de la cargaison, l’affréteur
sera responsable des dommages résultant du délai supplémentaire 95 .
Un navire est affrété pour embarquer du bétail dans un port anglais; bien que
l’embarquement d’un tel cheptel ne fût pas interdit, son acheminement vers ce
port l’était par ordre du Conseil. Les affréteurs furent responsables du délai
consécutif.
95
The Aello[1961]A.C. 135 applying Ardant Sco. V. Weir
96
Australia Federal Court (Queensland District) (11 October 2006), Hyundai Merchant Marine
Co Ltd v Dartbrook Coal(Sales) Pty Ltd - ([2006] FCA 1324) - Australian Federal Court Website
- at <http://www.fedcourt.gov.au>.
97
Camp sentence 79 du 13 mars 1972
98
Scrutton on charters parties, page 150 exemple 1 Adams v. Royalmail Steam Co.(1858):
99
Ralli v.compania Naviera Sola, 1920 Handy book for masters and shipowners p.197
100
Scrutton on charters parties, page 150 exemple 2 (Fenwick v. Schmalz (1868).
38
Un navire fut affrété pour charger du charbon »in regular and customary turn,
except in case of riots, strikes, or others accidents beyond charterer’s contol
delaying or preventing loading ». Une tempête de neige retarda l’acheminement
de la cargaison .Les affréteurs furent déclarés responsables.
Mais c’est encore le cas suivant qui illustre le mieux la portée de cette
obligation 101
(Traduction libre).
Le navire Aello fut affrété sous C/P Centrocon (port charter) pour charger du
grain dans un port de la rivière Panama et compléter à Buenos Aires. En raison
d’une restriction sur les exportations de grain en 1954 au départ de
l’Argentine,et compte tenu de la présence de nombreux navires affrétés pour
ce type de transport, les autorités portuaires avaient instauré un tour d’attente,
interdisant aux navires d’accoster immédiatement , lesquels devaient aller
mouiller dans une zone située à 22 milles des darses, en attente de leur tour.
Pour accoster, la marchandise devait être prête à être chargée et accompagnée
d’un certificat délivré par le Bureau des Grains.
Le 12 octobre 1954, l’Aello se présenta et ne put accoster que le 29 octobre,
pour charger.
Les armateurs réclamèrent :
Soit des surestaries au motif que l’aire de mouillage se situait à l’intérieur de la
zone commerciale de Buenos Aires et que la planche courrait dès l’arrivée du
navire au mouillage.
Soit des indemnités au motif que, si le navire n’est pas « arrivé », il doit
néanmoins être considéré comme tel en raison de l’indisponibilité de la
cargaison.
La Chambre des Lords jugea la zone d’attente en dehors des limites
commerciales du port, mais jugèrent les affréteurs en violation de leur obligation
absolue de fournir la marchandise à l’heure et permettre ainsi au navire d’être
un navire arrivé.
Les affréteurs furent donc condamnés à indemniser le fréteur.
101
Navire Aello (1961) Handy book for masters and shipowners 16ème éd. 1964 p. 196
39
Exemple (traduction libre) : Un navire anglais fut affrété pour se rendre au port
X et y charger une cargaison en 45 jours. Le navire était près à charger le 9
Mars. Du 1er Mars au 1er Avril, l’affréteur a maintes fois confirmé son refus de
charger, mais le capitaine maintint son navire à quai, paré à charger. Le 1er
Avril, avant la date butoir du temps de planche, la guerre éclata entre
l’Angleterre et la Russie. Le capitaine fit appareiller le 22 Avril.
Il fut jugé que le capitaine, n’ayant jamais accepté le refus de charger, l’affréteur
disposait de tout le temps de planche pour satisfaire à ses obligations ;
l’affréteur fut déchargé de ses obligations, l’impossibilité de les exécuter étant
intervenue avant la fin des staries. 104
102
Camp sentence n°858 du 7 décembre 1992
103
Scrutton on charter-parties p.157
104
Reid v. Hoskins (1856) 6 E.& B. 953. scrutton on charter-parties p.157
105
Steven v. Bromley[1919] 2 K.B. 722. Chandris v. Isbrandtsen- Moller [1951] 1 K.B. 24
40
Beaucoup plus contraignante est la clause « full and complete cargo » ; Elle
impose à l’affréteur de charger autant de marchandises que le navire peut
emporter, c’est à dire au delà de la quantité minimale convenue. 106
Cas 1 : Les affréteurs avaient convenu de charger « a cargo of beans, not less
than 6500 tons, but not exceeding 7000tons… ».Les affréteurs soutenaient
avoir entièrement satisfait à leur obligation en chargeant tout tonnage compris
entre 6500 et 7000 tonnes.
Les armateurs obtinrent gain de cause en exigeant que soient chargées 7000
tonnes dès lors que le navire pouvait les embarquer. 107
106
Handy book for shipowners and masters p.209.
107
Jardine Matheson v. Clyde Shipping Co. (1910)Handy book for shipowners and masters
p.209.
108
Camp sentence 844 du 26 juin 1999
41
C’est dire le soin que fréteurs et affréteurs vont consacrer, lorsqu’ils le peuvent,
à la rédaction de ces clauses.
109
Camp sentence 1112 du 19 mai 2005 dmf 2006 n°666 01-2006
110
(V. T. com. Seine, 13 sept. 1978 : DMF 1979, 293).
42
Dans l’affaire Swainston v. Garrick 112 , par accord hors C/P, les affréteurs ont
engagé leur propre manutentionnaire ; les armateurs engagèrent une action
contre leur capitaine en garantie des dommages dont ils ont été tenus pour
responsables en raison d’un mauvais arrimage.
On jugea que l’accord de l’armateur d’autoriser l’affréteur à engager son
manutentionnaire s’est substitué à l’obligation d’arrimage soigneux qu’a le
capitaine envers son armateur.
111
(1860) 6 C.B. 894. Scrutton on charter-parties p.169.
112
Idem ci-dessus
113
Brys & Gylsen v. Drysdale, idem ci-dessus.
43
Au travers de la clause : “the charterers are to have liberty to employ
stevedores and labourers to assist in the... stowage of the cargo ; but such
stevedoresbeing under the control and direction of the master, the charterers
are not in any case to be responsible to the owners for damage or improper
stowage...the liability shall remain the same as if there where carrying out a
voyage on their own account”, les affréteurs ont, avec succès, engagé la
114
responsabilité du fréteur pour mauvais arrimage.
A l’époque de la négociation de cette charte, les taux de fret devaient être
particulièrement bas... 115
L’arrimage
114
Sack v. Ford (1860) 13 C.B. 90 Scrutton of charter-parties p.170
115
Voir en annexe courbe des taux de fret.
116
Anglo-African Co.v. Lamzed (1866) Scrutton on charter-parties p.171.
117
Lord Esher in Harris v.Best, 1892, Handy book for shipowner and masters,p.203
44
(arrimage, saisissage, fardelage, choulage inclus),sont, pour des raisons
impératives de sécurité, de stabilité et d’efforts sur les structures, supervisées
par le capitaine, préposé du fréteur ; ce qui n’exonère pas l’affréteur de sa
responsabilité en cas de dommage résultant d’un mauvais arrimage.
118
Court Line v. Canadian Transport Co. (1940) Handy Book for shipowners and masters p.215
119
Com. 7 novembre 1986, Bull.civ., IV, n°202.L’affrètement maritime, collection maritime, IETM,
p.68.
45
Certaines lois nationales interdisent cependant toute clause exonérant
totalement ou partiellement l’armateur de la responsabilité pour les dommages
résultant d’un mauvais arrimage.
La loi anglaise tolère, hors transport sous Convention de1924 ou autre, que le
fréteur puisse s’exonérer de sa responsabilité résultant d’un mauvais arrimage
si et seulement si le mauvais arrimage ne peut pas compromettre la
navigabilité 120 .
Toute atteinte à la navigabilité rend la clause inopérante.
Les pressions exercées par l’affréteur sur les bords en vue d’accroitre les
cadences au détriment de la stabilité ou pour surcharger le navire impliquera la
coresponsabilité de l’affréteur. 121
Voyage en droiture
D’une façon générale et sans même qu’il soit besoin de le préciser dans la
charte, le navire doit réaliser son voyage en empruntant la route, soit prévue,
soit celle étant à la fois la plus courte, la plus sûre et convenant le mieux à la
marchandise.
En principe, les cocontractants s’accordent sur une route contractuelle.
Les usages comptent beaucoup dans le choix des grandes routes
commerciales : saisons, phénomènes climatiques, prix des soutes, etc.…
120
Handy book for masters and shipowners,p.211
121
Camp sentence 1082 du 14 mars 2003
46
Clause ou non, on admettra qu’un navire se déroute pour les besoins du
voyage (avitaillement, réparations) ou raisons sanitaires.
Citons Lord Justice Scrutton : “Now it is clear that some delays on a voyage
may amount to a deviation.It is not an easy case to prove...But it is quite clear
that every delay is not a deviation.You must have such a delay that it makes the
voyage a different voyage from the contract voyage”.
-Un capitaine qui fait relâche pour éviter d’affronter une tempête exceptionnelle,
telle un ouragan perdra un temps raisonnable.
-A l’inverse, le « Renée Hyaffil » resta à quai durant 23 jours pour éviter une
tempête, qui, compte tenu du lieu et de la saison, n’avait rien d’exceptionnel.
La cargaison de fruits fut perdue et le fréteur fut tenu pour responsable du délai
déraisonnable.
Si l’affréteur décide de « fermer les yeux », et pourvu que la cargaison arrive
sans dommage à bon port, on considère l’affréteur redevable de l’intégralité du
fret.
S’il décide de rompre le contrat, il devra probablement acquitter un fret calculé
sur la base du parcours réalisé.
Si la charte-partie prévoit plusieurs voyages consécutifs, l’affréteur aura loisir de
mettre fin à ses obligations en refusant d’entreprendre le voyage suivant si le
navire s’est dérouté au cours du voyage précédent.
Ces voyages formant un seul et indivisible contrat par l’emploi de l’expression
« consécutifs », la charte- partie tout entière sera résiliée. 123
122
Kish v. Taylor, (1912) Handy book for shipowners and masters p165
123
Cprimera v. Compania Arrendataria (1940) Handy book for shipowners and masters p.173
47
Mais un navire peut-il se dérouter pour compléter un chargement que
l’affréteur n’a pu lui fournir ?
Le vapeur Storviken fut affrété pour acheminer une cargaison de sucre de Java
à destination du Royaume Uni. Les affréteurs s’engagèrent à charger « une
pleine et entière cargaison », mais ne le firent pas.
Au cours du voyage retour, les armateurs décrochèrent un chargement
d’environ 1000 tonnes de tourteaux à Alexandrie et, sans solliciter l’accord des
affréteurs, ni même les informer de leur projet, chargèrent les tourteaux à bord.
Le chargement dura trois jours.
Les armateurs engagèrent une action en paiement du faux fret, les affréteurs
soutinrent que le temps perdu à charger les tourteaux caractérisait un
déroutement justifiant la rupture du contrat, ôtant tout droit d’action aux
armateurs.
Les juges ont estimé que les armateurs avaient raisonnablement agi en
réduisant ainsi le faux fret et leur action ne pouvait être qualifiée de
déroutement 125 .
.
Obligation de décharger
124
Handy book for shipowners and masters p.329
125
Wallem Rederi v. Muller & Co. (1927) ; Handy book for shipowners and masters p.329
48
Cette vente n’est pas toujours finalisée lorsque le navire est en cours de
chargement : recherche d’acheteurs plus généreux, spéculation sur les
fluctuations des cours, etc.
C’est pourquoi, bien souvent, seule une zone de déchargement ou une liste de
ports figure dans la charte-partie.
Une clause précisant “The vessel, on being loading should proceed as ordered
on signing bills of lading” signifie que les ports doivent être désignés avant et
non pas après la signature des connaissements. 126
Ce choix fait est irréversible, sauf à renégocier les termes de la charte avec le
fréteur.
Certaines chartes prévoient que le navire entreprenne son voyage vers la zone
ou un port d’attente.
Le temps d’attente peut être déterminé mais ne doit pas être excessif.
126
A/S Tank v. Agence maritime L.Stranose, (1939) Handy book for shipowners and Masters p.
241
49
Les destinataires réclamèrent réparation de leur préjudice au fréteur pour
rupture de la Charte.
La Court of Appeal confirma la rupture de la charte :
-pour ne pas avoir respecté le temps d’attente minimal de 24 heures.
-Que l’expression « arrivé à St. Vincent » matérialisant une condition de la
vente, les acheteurs étaient donc en droit de résoudre le contrat
Le déchargement
127
Camp sentence(second degré) 1102 du 02 aout 2004
128
Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005
129
Camp sentence (second degré) du 24 octobre 1997.
Voir également la thèse du Pr.A. Sériaux : « la faute du transporteur »éd. Economica 1984, p.97 et suiv.
50
Ainsi, le retard consécutif aux opérations tardives de dédouanement est
imputable à l’affréteur 130 .
La délicate question de savoir qui est responsable des avaries subies par le
navire et provenant d’un incident sur une grue du bord va également se poser.
130
Camp sentence 1044 du 16 janvier 2001
51
est due peut se trouver réduite sur le fondement d'un partage de responsabilité.
Force est pour le Tribunal de constater que l'armateur a commis au moins deux
fautes, ou séries de fautes, parmi celles relevées par l'affréteur, qui n'ont pu
que participer à la réalisation du dommage :
D'une part la désactivation des sécurités de la grue avec clé sur le tableau de
bord, en l'absence d'une présence de l'équipage.
D'autre part l'inexistence de toute procédure écrite quant au maniement des
grues et de leurs sécurités, bien que requise tant par le simple bon sens que
par application du Code ISM.
Le Tribunal, compte tenu de l'importance des fautes relevées à l'encontre de
l'armateur et du lien de causalité partielle mais certaine entre ces fautes et la
réalisation du dommage, considère que s'impose un partage de responsabilité,
dans la proportion de 50 % à la charge de l'affréteur et de 50 % à la charge de
l'armateur.
131
Camp sentence1093 du 21 février 2004
132
Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
52
-Staries, surestaries
Fréteur et affréteur sont convenus d’une durée précise impartie aux opérations
commerciales : le temps de planche ou staries.
Le décompte des staries est complexe et varie beaucoup d’une charte à l’autre.
Bien souvent, les temps de chargement et de déchargement sont dissociés.
D’autre part, la charte ne dit pas tout : certains principes, non écrits, sont
appliqués : « une fois en surestaries, toujours en surestaries » 135
133
Voir en annexe Règles d’interprétations des staries sous charte-partie au voyage de 1993
Auteur Jean yves Grondin.
134
Raymond Achard Jurisclasseur transport,fasc.1221, 02-2005
135
Cours du Cdt G.Figuière « once in demurrage, always in demurrage »
136
Art.11 du décet 66-1078 du 31décembre1966.
53
Le fréteur peut, en principe, valablement exercer le privilège offert par l’art.2 de
la loi de 1966.
Le temps gagné par l’affréteur peut lui être partiellement (50%) ou totalement
(rare) crédité : c’est la prime de célérité. « Despatch money ».
Enfin, alors même que le décret de 1966 prévoit le contraire 137 , le temps
gagné au chargement pourra abonder le temps de planche du déchargement;
c’est la clause de réversibilité.
Les staries sont donc un élément important du contrat ; les litiges sont fréquents.
137
Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966, art. 9 al.2 : » Si celle-ci (la charte-partie) établit
distinctement un délai pour le chargement et un délai pour le déchargement, ces délais ne sont
pas réversibles et doivent être décomptés séparément [*computation*]. »
54
L’affréteur peut utiliser les staries à sa convenance. Ainsi n’a pas été jugé
abusive l’immobilisation d’un vracquier du samedi midi au lundi matin, heure de
reprise du travail pour achever le déchargement d’un reliquat de marchandise
ne nécessitant qu’une heure de travail. 141
Par contre la clause « always afloat »interdira l’affréteur de charger pendant les
périodes de basse mer menaçant la libre flottabilité du navire 142 .
Certains temps d’attente peuvent être assimilés à des staries. Doit-on dès lors y
intégrer les suspensions de staries contractuellement définies (samedis,
dimanches et jours fériés si non utilisés) ?
138
Miramar v. Holborn Dmf 2004 n°684 commentaires Y.Tassel.
139
Camp sentence 1139 du 09 mai 2007
140
Camp sentence 1075 du 13 décembre2002
141
Idem ci-dessus
142
Scrutton Carlton SS Co. V. Castle (1898)
143
Camp sentence 1089 du 23 octobre 2003
55
144
Camp sentence 1120 du 12 septembre 2005,dmf n°673 09-2006
145
Contre surestaries ou sur surestaries : taux majoré se substituant aux surestaries passé un
certain délai.
146
Dmf 2007 n° 680- Dominic O’SULLIVAN (Avocat Essex Court Chambers – Brisbane)
56
La « Conoco weather clause » prévoit un partage par moitié entre armateurs
et affréteurs des risques de mauvais temps, le retard pour mauvais temps
comptant pour la moitié du temps de planche ou la moitié des surestaries »
La « cesser clause »
147
Camp sentence 1096 du 14 juin 2004
148
Camp sentence 1097 du 17 juin 2004
149
Camp sentence 1138 du 27 juillet 2007
57
Elle est d’une application logique dans l’hypothèse habituelle d’un affréteur-
vendeur et d’un destinataire- acheteur et justifiée par les obligations qu’a
contractées, via le connaissement, le fréteur à l’égard du destinataire. Là
encore ressurgit la question de l’opposabilité des clauses de la C/P au tiers
porteur du connaissement.
Il est dangereux de dissocier la « cesser clause » du privilège du fréteur :
En l’absence de ce privilège contractuellement accordé au fréteur, les tribunaux
anglais se montrent peu enclins à autoriser l’exonération de la responsabilité de
l’affréteur.
Mais s’ils concluent, après analyse des clauses de la charte, que telle était la
volonté des parties, ils accorderont le bénéfice de l’exonération à l’affréteur,
même si cette décision laisse le fréteur sans recours 150 .
La saisie du navire
Ce risque pèse lourdement sur les épaules du fréteur ; les litiges nés de
créances alléguées sur le navire surviennent généralement au pire moment :
marchandise déchargée et livrée, donc fin du contrat, navire en route pour un
nouvel affrètement.
150
Scrutton on charter parties p.175.
151
Art 3, § 4, al.1&2 Dans le cas d'un affrètement d'un navire avec remise de la gestion
nautique, lorsque l'affréteur répond seul d'une créance maritime relative à ce navire, le
demandeur peut saisir ce navire ou tel autre appartenant à l'affréteur..., mais nul autre navire
appartenant au propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette créance maritime (§ 4, al. 1er).
L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne autre que le
propriétaire est tenue d'une créance maritime (§ 4, al. 2).
58
Il faut et il suffit que la créance porte sur le navire et non pas sur le fréteur. (Le
non-paiement de la « despatch money » n’autoriserait pas une telle saisie.)
Mainlevée de la saisie est assez facile à obtenir ; une lettre de garantie établie
par le P&I club de l’armateur suffit en général. La saisie abusive expose le
saisissant à des dommages intérêts conséquents.
La clause compromissoire
Rares sont les litiges nés des contrats d’affrètement atterrissant sur le bureau
d’un juge d’Etat.
Abraham Lincoln disait:” Discourage litigation. Persuade your neighbors
compromise whenever you can . . . the nominal winner is often a real loser in
fees”.
152
Camp sentence( second degré) n°1132 du 3 octobre 2006
153
Conv. de 1952,art.1,lettre e
154
Rennes,23 décembre 1993 dmf 1995. 301.Pr. P. Bonassies, Traité de Droit maritime, LGDJ, éd. 2006
p.394.
59
Toutes les grandes nations maritimes disposent de telles chambres
arbitrales. 155
L’arbitre, souvent unique, est seul maitre de ses choix ; il n’est pas tenu de
suivre la jurisprudence ou d’appliquer les décisions de la Cour de Cassation.
L’appel est possible, mais rare.
155
www.arbitrage-maritime.org/ (Paris)
www.lmaa.org.uk (Londres).
www.cmac-sh.org/en/home.aspris) (Shanghai).
www.scma.org.sg/ (Singapour).
www.kernkamp.nl/arbitration.html (Rotterdam)
www.allbusiness.com/business-services/miscellaneous-business-services/4030892-1.html
(New york)
www.mararbpiraeus.eu/ (Le Pirée)
156
camp sentence n°1028 du 8 mars 2000
157
Camp sentence 1082 du 14 mars 2003
158
Camp sentence 1099 du 25 juin 2004
60
Bien que le porteur du connaissement autre que l’affréteur soit, par définition,
exclu du contrat, on remarque que l’imbrication des clauses de la C/P avec
celles des connaissements émis peuvent faire « entrer » les ayants-droit
marchandises dans les relations fréteur-affréteur.
159
Principe réaffirmé par la 1ère Chambre civile ,C. Cass 16 mars 2004
61
Le Congenbill 1994 est encore plus explicite, y est ajouté « including the law
and arbitration clause ».
160
Sentence 1045 du 31 Janvier2001
161
Art.1165 c.civ
162
Sentence 1044 du 16 janvier 2001
62
Le destinataire averti peut-il donc, au gré de ses intérêts faire valoir ou non
l’applicabilité des clauses de la C/P, notamment la clause compromissoire et
ainsi déséquilibrer la C/P au profit du connaissement ? 163
Conclusion
163
Voir en ce sens « vues sur mer, charte partie et connaissement » éditorial par François
Arradon, président de la CAMP, Gazette de la Chambre, automne 2003 n°2.
164
O. Cachard . « Honi soit qui mal y pense ! L’opposabilité de la clause compromissoire au
cessionnaire du tiers porteur du connaissement de charte-partie
En sens contraire, voy. Cass. com., 8 octobre 2003, Rev. arb. 2004, p. 77, note O. Cachard ;
DMF, 2004, p.339, note Mme M. Rémond-Gouilloud.
63
Malgré le soin apporté à la rédaction des chartes-parties, sans cesse
remaniées pour coller le mieux aux conditions actuelles, tout ne peut être prévu.
___________________________________________
64
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
OUVRAGES SPECIALISES
- On Charter-parties and Bills of Lading 18ème éd. Sweet & Maxwell 1974,
Scrutton.
-Handy book for shipowners & Masters, The United Kingdom mutual steamship
assurance association (Bermuda) limited. 16ème éd. By M.R. Holman, 1964.
ANNEXES
Préambule
1. « PORT »
2. « POSTE »
3. « ACCESSIBLE A SONARRIVEE » OU « TOUJOURSACCESSIBLE »
4. « STARIES »
5. « PAR PANNEAU PAR JOUR »
6. « PAR PANNEAU TRAVAILLEPAR JOUR » OU « PAR PANNEAU
TRAVAILLABLEPAR JOUR »
7. « JOUR »
8. « JOURS FRANCS »
9. « JOUR FERIE »
10. « JOUR OUVRE »
11. « JOURS COURANTS » OU« JOURS CONSECUTIFS »
12. « JOUR OUVRE DE TEMPS TRAVAILLABLE» OU « JOUR
OUVRE DE 24 HEURES DE TEMPS TRAVAILLABLE » OU« JOUR OUVRE
DE 24
HEURES CONSECUTIVES DE TEMPS TRAVAILLABLE»
66
13. « TEMPS PERMETTANT »
14. « EXCEPTE » OU « EXCLU »
15. « SAUF SI COMMENCE PLUSTOT »
16. « SAUF SI UTILISE »
17. « COMPENSER LES STARIES »
18. « STARIES REVERSIBLES »
19. « AVIS DE MISE ADISPOSITION »
20. « PAR ECRIT »
21. « TEMPS PERDU DANS L’ATTENTE D’UN POSTE COMPTANT COMME
TEMPSDE CHARGEMENT OU DEDECHARGEMENT » OU« COMME
STARIES »
22. « NAVIRE A POSTE OU NON »OU « POSTE OU NON »
23. « NAVIRE AYANT REÇU LALIBRE PRATIQUE » ET/OU« AYANT ETE
ENTRE ENDOUANE. »
24. « SURESTARIES »
25. « PRIME DE CELERITE » OU« DESPATCH »
26. « PRIME DE CELERITE SUR (TOUT) LE TEMPS OUVRE
ECONOMISE » OU « SUR (TOUTES) LES STARIES ECONOMISEES »
27. « PRIME DE CELERITE SUR TOUT LE TEMPSECONOMISE »
28. « GREVE »
REGLES
1. « PORT » signifie une zone dans laquelle les navires chargent ou déchargent
des marchandises à un poste, un mouillage, une bouée ou un autre lieu
similaire, et englobe aussi les lieux habituels où les navires attendent leur tour
ou reçoivent l’ordre d’attendre leur tour ou y sont contraints, quelle que soit la
distance entre ceux-ci et le port. Si le terme « PORT » n’est pas employé, mais
que le port est (ou doit être) identifié par son nom, cette définition reste
applicable.
13. « TEMPS PERMETTANT » signifie que toute période durant laquelle les
conditions météorologiques empêchent le chargement ou le déchargement du
navire ne compte pas comme staries.
17. « COMPENSER LES STARIES » signifie que des calculs distincts doivent
être
faits pour le chargement et le déchargement et que tout temps économisé dans
une de ces opérations doit être déduit de tout dépassement du temps alloué
dans l’autre.
Préambule ........................................................................................................3
Introduction .....................................................................................................4
Les données économiques ...........................................................................4
• Les besoins en transport maritime .....................................................4
• Une activité liée aux cycles économiques ..........................................6
• Le tramping ........................................................................................8
Obligation de décharger..............................................................................47
• Désignation du port de déchargement ...................................................47
• Le déchargement ...................................................................................49
La clause compromissoire..........................................................................58
• Les chambres arbitrales .........................................................................58
• Validité de la clause compromissoire .....................................................60
• Recevabilité de l’action du tiers porteur du connaissement...................60
Conclusion .....................................................................................................62
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Bibliographie ..................................................................................................64
Annexes ..........................................................................................................65
• Règles d’interprétation des staries .........................................................65
• Abréviations et glossaire du shipping .....................................................70
•
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