sein de sa communauté. Étudiant cette division entre messianistes et anti-
messianistes, l’auteur ne nous renseigne pas seulement sur une page récente de l’histoire du judaïsme, mais – comme le sous-titre de l’ouvrage le laisse entendre – nous éclaire aussi sur toute forme de messianisme confronté à la non réalisation (ou à la réalisation partielle) de la prophétie. Cette même idée messianique est aussi l’objet d’étude de David Banon, directeur du Département des études hébraïques et juives de l’université de Strasbourg. Au travers de textes de penseurs médiévaux (Maïmonide, Abrava- nel), de la Renaissance (Maharal de Prague, Ménashé ben Israël), ou encore de la période contemporaine (Gershom Scholem, Moshe Idel, Israël Knohl), l’au- teur s’attache à cerner ce qui caractérise le messianisme juif – ce qu’il nomme sa structure d’attente –, mais il entend aussi, à l’occasion, montrer ce qui le distingue de l’espérance – ou faudrait-il dire de l’impatience – chrétienne. Trai- tant également du messie de Habad, il n’hésite pas, à la suite du rabbin améri- cain David Berger, à considérer cet épiphénomène et d’autres du même genre, comme une dérive hérétique malheureusement passée sous silence. Didier LUCIANI
Raimon PANIKKAR, Milena CARRARA, Pèlerinage au Kailash. Retour à la
Source. Paris, Cerf, 2011. 252 p. 20 ≈ 14. 29 /. ISBN 978-2-204-09597-6. Trois temps, brefs et intenses, ponctuent ce petit livre. En septembre 1994, Raimon Panikkar, en compagnie d’une amie et disciple italienne, réalise enfin, en dépit d’une santé fragile, le projet d’un pèlerinage au mont Kailash, cette masse de roche et de glace vers laquelle ont convergé, à travers les siècles, des pèlerins indiens et tibétains, hindous et bouddhistes. Il définit en quelques pages le sens de cette démarche: «chaque pas est le premier et le dernier»; elle relate plus au long les difficultés de la route, les rencontres, les découvertes, des bribes d’enseignement ou de conversation plus fami- lière. Trois ans plus tard, ils se retrouvent pour une retraite d’un mois dans un ashram, quelque part en Inde. Méditations et échanges prennent appui sur le classique taoïste La Voie et sa vertu ainsi que sur le Nuage de l’Inconnais- sance. Pour l’aider à faire le point, le maître engage la disciple à mettre par écrit quelques étapes de son itinéraire. Elle l’invite en retour à partager quelque chose de son propre parcours. La relation mûrit et s’équilibre, dans la reconnaissance des dons et des limites de part et d’autre. Durant l’été 2010, sachant que sa fin est proche, Raimon remet à Milena ses journaux intimes; elle note leurs derniers échanges. Le pèlerinage qui s’achève est vécu comme un retour à la Source. Ces pages intensément personnelles et cependant pudiques n’avaient pas été rédigées en vue d’une diffusion. Il convient de les aborder dans l’esprit qui inspira la décision d’une publication: «Nous nous adressons au lecteur qui ne cherche pas à satisfaire une simple curiosité, mais à celui qui, à son tour, est en chemin et, peut-être, désire être soutenu par l’expérience d’autres pèlerins» (p. 223). La parution de ce petit livre ouvre en quelque sorte la voie à la publication, chez le même éditeur, des Œuvres de R. Panikkar en langue française: l’ensemble devrait comporter une vingtaine de volumes. Jacques SCHEUER