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Françoise Laurent
2010/2 N° 22 | pages 47 à 67
ISSN 1625-7480
ISBN 9782848351940
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-libres-cahiers-pour-la-psychanalyse-2010-2-page-47.htm
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Grands hommes
et femmes puissantes
FRANÇOISE LAURENT
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1. J.-C. Rolland, Avant d’être celui qui parle, chap. V « Parler, renoncer », Gallimard, 2006.
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3. Le thème des jumelles, ou de deux sœurs, est récurrent chez Marie Ndiaye, thème du
double, inquiétant ; les sorcières de son roman du même nom sont deux sœurs jumelles.
Quelque chose qui défie la castration, dans un couple de sœurs ?
émanent d’un même et unique auteur, Marie Ndiaye, une femme ; c’est
le privilège de l’écrivain, le Dichter, de s’affranchir, comme en rêve, des
limites étroites de l’identité, de s’octroyer toutes les libertés, toute la
mobilité identificatoire du fantasme. Mais le fantasme lui-même reste
assujetti au désir de son auteur et ne se déploie que dans les limites de
celui-ci. Si, donc, comme un rêve, la scène accomplit le désir de Norah,
quel est ce désir ?
« Je ne suis plus spectatrice exclue de la relation privilégiée de mon
père et de mon frère, je suis seule avec mon père, il pense à moi et se
réjouit de ma présence ; ils sont séparés l’un de l’autre et je détiens, par
mon savoir juridique, une puissance phallique qui me rend indispensable
à eux ; je suis au centre de la scène, entre eux, “entre hommes”. »
Et en allant un peu plus loin dans la construction de l’infantile :
« J’ai moi aussi un pénis que mon père admire… et “comme un
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Dans les lettres à Fliess, Freud est entre sa sorcière et son tyran.
On connaît le respect de Freud devant la justesse des intuitions du
poète, et l’envie qu’il professe envers cette voie rapide, intuitive. C’est
portée par la puissance du fantasme, et du désir qui l’anime, que l’intui-
tion ouvre la pensée à l’inconnu, la propulse dans des directions nou-
velles, surplombantes, hasardeuses. Dans un second temps seulement,
les exigences du principe de réalité s’imposent à l’esprit scientifique.
C’est pourquoi Freud aimait appeler familièrement sa métapsychologie
« la sorcière ».
On trouve dans « Analyse sans fin, analyse avec fin » ces mots sou-
vent cités :
Toutes les nuits, entre onze et deux heures, je n’ai fait qu’imaginer, trans-
poser, deviner pour ne m’interrompre que lorsque je me heurtais à une
absurdité ou que je n’en pouvais plus.
5. S. Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904, Puf, 2006. Lettre du 25 mai 1895. Paul-
Laurent Assoun rapproche ces deux moments dans son Introduction à l’épistémologie
freudienne, Payot, 1981.
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9. S. Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, op. cit., lettre du 4 décembre 1896 : « J’ai en tête
quelque chose qui agglomèrera nos travaux, assoira ma construction sur ton socle. »
10. K. Abraham, Œuvres complètes, I, Payot, 1965 ; Rêve et mythe, 1909, p. 110.
11. S. Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, op. cit., lettre du 17 décembre 1896 : « Quand me
venait une idée, la joie intérieure que j’éprouvais n’était évidemment pas liée à des
preuves latentes, elle tenait plutôt au fait de découvrir un terrain de travail qui nous soit
commun. Espérons qu’on parviendra à y construire en commun quelque chose de définitif
et à unir ainsi nos contributions jusqu’à méconnaître ce qui est propre à chacun. »
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C’est à croire qu’une pareille relation n’était pas restée inconnue des
Anciens ! [Il s’agit de] la légende selon laquelle Alexandre le Grand naquit
la nuit même où un certain Érostrate, par vain désir de gloire, mit le feu au
temple si admiré d’Artémis à Éphèse… vous savez à quel point le fait
d’uriner est en rapport avec le feu et l’extinction du feu.
13. « La plus faible est soumise à la violence d’un Dieu : n’est-ce pas à elle, la psychopathe,
de se prêter, que dis-je, de s’offrir à pareil sadisme ? Prométhée, est-ce elle ? », écrit
M. Gribinski, commentant « Personnages psychopathiques à la scène », « À l’italienne »,
in Le trouble de la réalité, Gallimard, 1996, p. 67.
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14. Freud s’est intéressé à Éphèse, en 1911 dans « Grande est la Diane des Éphésiens ».
Après Diane, c’est Marie qui sera l’objet de la dévotion des Éphésiens.
15. « Une particularité étrange de la légende de Prométhée : c’est une légende purement mas-
culine. L’homme qui conçoit apparaît tant sous une forme personnalisée (Pramantha)
que symboliquement. La femme n’est représentée que par le disque de bois et n’est men-
tionnée que tout à fait accessoirement dans la légende. Nous avions conclu que dans sa
couche la plus ancienne la légende de Prométhée était l’apothéose de la puissance virile…
La forme la plus ancienne de la légende de Prométhée tend à proclamer la puissance pro-
créatrice de l’homme comme le principe de toute vie. C’est là, jusqu’à aujourd’hui, le
délire de grandeur sexuel de tout sujet masculin. », K. Abraham, op. cit., p. 110.
17. S. Freud (1905), Les trois essais, chap. IV : « Les manifestations sexuelles masturba-
toires », Folio essais, Gallimard, 1962 : « L’organe génital est encore rudimentaire et
l’appareil urinaire fait fonction de tuteur » (p. 85).
18. J. Laplanche, Problématiques 3, « La sublimation », Puf, 1980, p. 189.
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Que veut nous dire Marie Ndiaye, dans son troisième récit « Khady
Demba » ? Veut-elle, à travers le destin objectivement effroyable de sa
troisième héroïne, dénoncer la négligence meurtrière, la violence faite
aux femmes, plus ouvertement dans certaines cultures que dans
d’autres ? Sûrement ; mais encore ? Où est donc la puissance ?
Françoise Laurent