Toxicologie générale
L’organisme humain est en relation avec son milieu par un ensemble d’échanges qui
contribuent à maintenir un équilibre dynamique. Par exemple, la respiration permet
d’absorber l’oxygène de l’air et d’y rejeter du dioxyde de carbone. Quoi que nous fassions,
le milieu nous influence et nous l’influençons. Ce principe d’action-réaction signifie que
toute action a des conséquences. Le milieu ne constitue cependant pas un tout homogène,
mais plutôt un ensemble composé de nombreux éléments, comprenant les produits
chimiques qui peuvent affecter la santé des organismes vivants.
1. Définition de la toxicologie
Truhaut (1974) définissait la toxicologie comme « la discipline qui étudie les substances
toxiques ou poisons , c’est-à-dire les substances qui provoquent des altérations ou des
perturbations des fonctions de l’organisme conduisant à des effets nocifs dont le plus grave
est la mort de l’organisme ».
Donc la toxicologie est l’étude scientifique des poisons et des toxiques, ou bien c’est
l’étude des mécanismes par lesquels les substances toxiques exercent leurs effets.
Elle fait appel à une multitude de connaissances scientifiques et s’intéresse à plusieurs
secteurs de l’activité humaine : l’agriculture, l’alimentation, l’industrie pharmaceutique,
l’environnement, les milieux de travail, etc
Poison ou toxique : est une substance capable de perturber le fonctionnement normal d’un
organisme vivant. Il peut être de source naturelle (ex : poussières, pollen) ou artificielle (ex.
: urée formaldéhyde), ou de nature chimique (ex : acétone) ou biologique (ex : aflatoxines,
anthrax).
2. Mode d’exposition et de pénétration des toxiques dans l’organisme :
L’organisme doit être exposé à un produit toxique pour qu’un effet nocif se manifeste. Dans
ce cas, le produit peut agir au point de contact (effet local) ou pénétrer dans l’organisme
(effet systémique). Certains produits agissent pendant leur contact avec la surface exposée,
soit la peau ou les yeux, par exemple les acides qui causent des brûlures chimiques graves.
D’autres doivent pénétrer dans l’organisme pour provoquer des effets nuisibles.
Les principales façons de les absorber sont l’inhalation (voie respiratoire), l’absorption par
la peau(voie cutanée) et l’ingestion (voie digestive),
La voie respiratoire : Les poumons sont les organes où se font les échanges gazeux
entre l’air des alvéoles et le sang des vaisseaux capillaires qui tapissent les alvéoles
pulmonaires. Ils sont le siège de la respiration, qui permet l’absorption et l’élimination des
gaz. De nombreux facteurs sont à considérer dans l’absorption d’un produit ; Pour les gaz et
les vapeurs, il s’agira de la concentration, de la durée d’exposition, de la solubilité dans
l’eau et les tissus, de la réactivité et du débit sanguin, et, pour les particules (ex. :
poussières, fibres, fumées, brouillards, brume pollen, spores), il s’agira des caractéristiques
physiques (le diamètre, la forme, etc.) et de l’anatomie de l’arbre respiratoire.
Déposition des poussières dans les voies respiratoires
La réversibilité et l’irréversibilité
d’une atteinte résultant d’une
intoxication
Cancer Sang
benzène aniline
chlorure de vinyle benzène
5. Qu'est-ce que la dose et quelles sont ses relations avec les effets
toxiques ?
Principe en toxicologie toutes les substances chimiques sont toxiques.
Il existe toujours une dose pouvant causer un effet nocif. Mais le fait d’inhaler, de
toucher et même d’ingérer des substances chimiques n’entraîne pas nécessairement
l’apparition d’un tel effet.
La dose est la quantité d’une substance à laquelle un organisme est exposé. Des doses
croissantes résultent généralement en une augmentation de l’intensité et de la diversité des
effets toxiques. C’est ce qu’on appelle la relation dose-effet ou exposition-effet (relation
entre l’exposition et l’intensité d’un effet).
La notion de seuil toxique est importante, car elle peut servir à fixer des normes. La valeur
seuil représente la quantité minimale sous laquelle il ne se produit pas d’effet. Au-dessus de
ce seuil, l’effet observé dépend de la dose,
Relation entre la dose et l’effet
Le même principe s’applique à une population d’individus, car l’effet ou les nombreux
effets possibles peuvent se manifester différemment chez plusieurs personnes exposées à
une même dose d’un toxique. C’est ce qu’on appelle la relation dose-
réponse ou exposition-réponse, soit la relation entre l’exposition et le nombre d’individus
qui présentent un effet donné. La figure illustre bien qu’à certaines doses toutes les
personnes ne sont pas atteintes.
b. L’individu
La population humaine est un groupe hétérogène au sein duquel il existe une grande
variabilité entre les individus. Ceux-ci peuvent être affectés différemment par une même
dose toxique, et une personne peut y réagir différemment selon le moment (relation dose-
réponse).
Deux principales catégories de facteurs contribuent à expliquer la nature et l’intensité
des effets toxiques.
Facteurs génétiques :
Des différences génétiques peuvent intervenir dans la capacité des individus à transformer
des toxiques.
Facteurs physiopathologiques
L'âge : La sensibilité aux effets toxiques est habituellement plus grande chez les
enfants et les personnes âgées.
Le sexe : Il existe des différences entre les hommes et les femmes, notamment en ce
qui concerne le métabolisme des toxiques.
L'état nutritionnel : La toxicité peut être influencée par la masse de tissus adipeux,
la déshydratation, etc.
L'état de santé : Les individus en bonne santé sont plus résistants, car ils
métabolisent et éliminent les toxiques plus facilement que ceux qui souffrent de
maladies hépatiques ou rénales.
Il est souvent difficile, sinon impossible, d’évaluer la sensibilité d’un individu ou d’une
population et de prédire quelle sera la réponse biologique d’un organisme à une
exposition à un toxique.
c. L’environnement
Certains facteurs environnementaux (les éléments extérieurs à l’individu), peuvent
influencer la toxicité. La lumière et la température peuvent notamment modifier les effets
d’un toxique; exemple la réaction photo allergique au cours de laquelle la peau exposée à
l’éthylène diamine peut devenir plus sensible à la lumière.
7. Comment évaluer un effet toxique ?
L’évaluation de la toxicité s’appuie sur des études qualitatives (non mesurables)
ou quantitatives (mesurables) adéquates. Il existe plusieurs types d’études qui nous
permettent d’évaluer les effets d’un toxique. On peut les classer dans quatre catégories :
les études épidémiologiques, qui comparent plusieurs groupes d’individus ou les
études de cas.
les études expérimentales in vivo, qui utilisent des animaux (ex. : lapin, rat et
souris).
les études in vitro, effectuées sur des cultures de tissus ou des cellules, et
les études théoriques par modélisation (ex. : structure-activité)
On utilise fréquemment
une terminologie Les différents types d’études
pratique mais arbitraire
pour désigner les
diverses formes
d’intoxication selon la
fréquence et la durée de
l’exposition
Forme d'intoxication Fréquence d'administration Durée de l'exposition
Aiguë Unique < 24 heures
Subaiguë Répétée <= 1 mois
Subchronique Répétée e 1 à 3 mois
Chronique Répétée > 3 mois
a. La toxicité aigue
Une façon pratique de caractériser la toxicité d’une substance consiste à déterminer
sa dose létale 50 (DL50). Cette dose permet d’identifier les symptômes de l’intoxication et
de comparer les substances entre elles quant à leur potentiel toxique. Elle sert souvent de
point de départ des études de toxicité, car elle fournit un minimum de connaissances.
La DL50 correspond à la dose d’une substance pouvant causer la mort de 50 %
d’une population animale dans des conditions d’expérimentation précises. On administre
généralement le produit à des rats ou à des souris répartis en plusieurs groupes, et ce, à des
doses croissantes suffisantes pour obtenir un pourcentage de mortalité s’échelonnant entre 0
% et 100 % .
Détermination de la dose létale 50
L’indice DL50 sert fréquemment pour exprimer la toxicité aiguë ainsi que pour classer et
comparer les toxiques. Il a cependant une valeur très limitée, car il ne concerne que la
mortalité et ne donne aucune information sur les mécanismes en jeu et la nature des lésions.
Il existe d’autres méthodes d’étude de la toxicité, par exemple les tests d’irritation et de
corrosion de la peau et des yeux, qui font généralement partie d’un programme d’évaluation
toxicologique.
b. La toxicité chronique
Correspond à une exposition de longue durée (répétée) et à des concentrations plus ou
moins faibles.
Lorsqu’il s’agit d’un toxique qui est inhalé, on parle de concentration létale 50 (CL50) pour
exprimer la concentration du toxique dans l’air inspiré qui cause la mort de 50 % des
animaux.
Effet
AIGU CHRONIQUE
A Effet à court terme à la suite Effet à long terme à la suite d’une
I d’une exposition à court exposition à court terme (ex. :
E G
X U terme (ex. : irritation cutanée trouble respiratoire persistant à la
P E causée par le contact avec une suite d’une courte inhalation d’une
O solution très diluée d’acide forte concentration de chlore)
S sulfurique)
I
T
C Effet à court terme à la suite Effet à long terme à la suite d’une
H
I R d’une exposition à long exposition à long terme (ex. : cancer
O O terme (ex. : sensibilisation cutanée du foie, du poumon, du cerveau et du
N N
I
à l’éthylènediamine à la suite d’un système hématopoïétique causé par
Q contact pendant plusieurs années) l’exposition à des doses élevées de
U chlorure de vinyle pendant plusieurs
E
années)
Un polluant soluble
Ingéré Respiré
Bioaccumulation
Cette bioaccumulation est extrêmement importante car si un polluant s'accumule dans un
organisme, alors la concentration du polluant augmente dans cet organisme au cours du
temps et les effets toxiques qui ne se révèlent pas à dose très faible sont suceptibles
d'apparaître après accumulation. De plus, si un polluant reste plus longtemps dans un
organisme, il aura d'autant plus de probabilité d'induire des effets néfastes.
Mais quelles sont les substances bioaccumulables ? En gros, ce sont les substances
lipophiles. Ce caractère « lipophile » est exprimé par un paramètre que l'on nomme «
coefficient de partage octanol/eau », c'est le Kow (o pour octanol et w pour water).
Pour évaluer si une substance est lipophile ou non, on s'intéresse plus particulièrement au
logarithme du Kow : plus le log Kow de la substance étudiée est grand, plus cette substance
est lipophile.
Exemple: Bisphénol A, de l'Octylphénol et du Nonylphénol, 3 produits industriels qui sont
susceptibles d'avoir des effets sur la reproduction des animaux.
Processus de bioaccumulation
.
6.3. Quels sont les effets de ces polluants sur les écosystèmes ?
altérer la reproduction des animaux : le pesticide DDT est à l'origine d'un
amincissement de la coquille des œufs de grèbes (une espèce d’oiseaux) qui diminue
le succès de la reproduction avec une mortalité accrue des petits.
provoquer une augmentation de la mortalité : c'est le cas, par exemple au cours d'une
marée noire où de nombreux oiseaux et organismes aquatiques périssent.
modifier les conditions du milieu : certains polluants peuvent par exemple acidifier
un cours d'eau. Certaines espèces qui ne peuvent vivre dans un milieu trop acide,
disparaissent.
Quel est l’avantage d’un bioessai par rapport à une analyse chimique classique ?
Un bioessai consiste à exposer un organisme vivant (ou une cellule) à une substance
dont on souhaite évaluer la toxicité. Cette substance peut être ingérée (la substance est
ajoutée dans la nourriture), injectée directement dans l'animal, inhalée (c'est à dire
respirée) ou encore se trouver dans le milieu de vie de l'organisme (par exemple dans
l'eau d'un aquarium).
Par exemple, cela peut consister à disposer plusieurs aquariums contenant des poissons
et de l'eau avec différentes quantités d'un polluant. Un des aquariums ne contient pas de
polluant : c'est le témoin qui sert de référence pour détecter d'éventuels effets du
polluant.
6.4. Comment peut-on évaluer ces effets ?
L'écotoxicité peut se diviser et se caractériser en 2 grands biomes : aquatique et terrestre.
L'écotoxicité se mesure chimiquement et biologiquement :
6.4.1. L’écotoxicité aquatique :
La toxicologie aquatique L'écotoxicité aquatique (milieu aquatique)
L’évaluation des risques des polluants à différents niveaux de la chaîne trophique aquatique.
Expérience visant à évaluer les effets d'un polluant sur une espèce de poissons
La notion de toxicité aigüe ou chronique est relative à la durée de vie de l'organisme testé.
Ainsi, une durée de test de 14 jours chez le ver de terre et de 24h chez la daphnie
correspondent tout deux à une évaluation de la toxicité aigüe.
Dans notre exemple , nous allons prendre le cas d’une toxicité chronique : au bout d'1 mois(
toxicité chronique), les oeufs pondus par les poissons et le nombre de décès seront comptés.
L'expérience va permettre notamment de déterminer les valeurs de références d'un test
écotoxicologique : la CE50, la NOEC et la LOEC.
Si on s'intéresse aux décès des poissons, on peut déterminer une CL50 (Concentration
Léthale 50%) : la concentration en polluant qui tue 50% des individus en un temps donné.
Ces valeurs de référence que sont les NOEC, LOEC et CE50 sont très utiles car elles
permettent de déterminer les normes de rejet des différents produits potentiellement
polluants.
1. Tests d’ecotoxicité aquatiques :
a. Essai de toxicité aigüe (à court terme)
Essai de mobilité de daphnies
Les tests utilisant des daphnies sont les plus utilisés en écotoxicologie, du fait , de leur
facilité d’utilisation.
Objectif : évaluation de la
toxicité aigüe de produits sur
une espèce de poisson d’eau
douce (le poisson zèbre Danio
rerio) à différents stades de
son développement. Ainsi, les
concentrations en polluants
induisant une mortalité de 50
% des individus (CL50)
peuvent être déterminées pour
les poissons adultes mais aussi
pour les œufs de poissons.
b. Test de toxicité chronique (à long terme)
Essai de reproduction de daphnies
Ce test évalue la toxicité chronique du produit testé pour la faune aquatique (micro-
crustacés). Il consiste à mesurer la reproduction (nombres de jeunes produits) de daphnies
exposées à différentes concentrations d'un composé après 21 jours d'expérimentation.
Comme l'ensemble des essais de toxicité chronique, ce test s'intéresse en particulier à la
NOEC et à la LOEC :
la NOEC : dans ce test, c'est la plus forte concentration testée où la reproduction des
daphnies n’est pas différente de celle des témoins
LA LOEC : dans ce test, c'est la plus faible concentration testée où la reproduction
des daphnies est statistiquement différente de celle des témoins .
Test algues :
Objectif : évaluation de la
toxicité chronique du produit testé
pour la flore aquatique. Il consiste à
mesurer la croissance (sous
microscope) de l'algue d'eau douce
Pseudokirchneriella subcapitata
après 72h d'exposition au produit ou
au prélèvement d'eau testé : certains
composés auront pour effet
d'inhiber la croissance de l'algue,
révélant ainsi leur toxicité vis à vis Chaque croissant correspond à un
des végétaux aquatiques. individu