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elon l’IUPAC, une émulsion est une dispersion de gouttelettes d’un liquide
S ou d’un cristal liquide dans une phase continue d’un autre liquide avec
lequel il est pratiquement non miscible. Ce système est thermodynamiquement
instable mais peut présenter une stabilité cinétique, parfois considérable, en pré-
sence de composés ou de particules amphiphiles localisés à l’interface des deux
phases.
Les propriétés microscopiques (répartition granulométrique, morphologie) et
macroscopiques (stabilité, viscosité, conductivité) des émulsions, dépendent de
trois types de variable :
— les variables de formulation (nature du surfactif et de l’huile, salinité, addi-
tifs plus ou moins hydrophiles, température, pression...) qui peuvent être ras-
semblées en une seule variable de formulation généralisée, le HLD ;
physico-chimique. Les grades industriels sont des mélanges d’alco- 2.2.2 Coupe verticale en γ (fish cut) obtenue
ols polyéthoxylés homologues comportant toujours un nombre à rapport E/H constant
variable de motifs Ej et, souvent, une longueur de chaîne Ci elle
aussi variable, mais dans un intervalle plus restreint. Leurs compor- La coupe verticale définie par E/H = 50/50 (figure 2 b) est souvent
tements physico-chimiques sont parfois plus complexes mais quali- appelée coupe en γ ou « fish cut » en raison de la forme de la fron-
tativement similaires à ceux des CiEj parfaitement définis. tière séparant les systèmes Winsor I, II, III et IV. La figure 5 montre
Le surfactif C12E5 est un composé typique de cette famille qui pré- un exemple d’une telle coupe obtenue avec le même système que
sente un rapport hydrophile/lipophile bien équilibré. Son dia- précédemment.
gramme de phase binaire (figure 3) montre que, à faible Le plan γ délimite deux zones biphasiques (Winsor I et II), une
concentration, il est soluble dans l’eau sous forme micellaire à tem- zone triphasique (Winsor III) et une zone monophasique (Winsor IV).
pérature ambiante (phase isotrope notée L1) [4]. Le point de rencontre de ces 4 zones est appelé « point critique »,
Lorsque l’on augmente la température de la solution aqueuse de c’est le point le plus caractéristique du système S/H/E auquel sont
C12E5, la chaîne polyéthoxylée devient de moins en moins hydro- associées une température critique (Tcrit = 48 ˚C) et une fraction cri-
phile, les micelles grossissent et, à partir d’une certaine tempéra- tique de surfactif (Scrit = 12,7 %). Cette dernière indique la propor-
ture, le système se sépare en deux phases, l’une concentrée en tion minimale de surfactif nécessaire pour solubiliser des quantités
C12E5 et l’autre très diluée. La température minimale à laquelle se égales d’huile et d’eau en formant une microémulsion bicontinue.
produit la démixtion s’appelle le point de trouble et constitue une
caractéristique essentielle de ce type de surfactifs. Dans le cas de
C12E5, elle est égale à 31,9 ˚C [4]. 2.2.3 Coupe horizontale en χ obtenue
Une autre propriété importante des surfactifs est leur aptitude à en maintenant le pourcentage de surfactif (S)
s’autoassocier en phases cristallines liquides. La figure 3 montre constant
que, lorsqu’on augmente progressivement la concentration en
C12E5 en maintenant la température constante, on traverse succes- Une autre façon particulièrement parlante d’effectuer une coupe
sivement plusieurs zones de cristaux liquides : une phase hexago- du prisme S/H/E/T consiste à maintenir la concentration en surfactif
nale (notée H1), une phase cubique (notée V1) et, enfin, une phase constante. On obtient ainsi un diagramme bidimensionnel où l’évo-
lamellaire (notée Lα). lution des phases est représentée en fonction de la température et
du rapport H/E. On l’appelle la coupe en χ en raison de la forme des
frontières séparant les différents systèmes de Winsor. La figure 6
2.2.1 Coupe transversale en ∆ (diagramme ternaire (page 6) montre deux exemples de coupes en χ obtenues avec des
S/H/E) obtenue à température constante concentrations en C12Ej (j = 4 ou 5) respectivement égales à 2 %
(figure 6 a) et 16,5 % (figure 6 b), c’est-à-dire respectivement
En effectuant des coupes à température constante du prisme inférieure ou légèrement supérieure à Scrit.
C12E5/tétradécane/eau/température, on obtient une série de dia-
grammes ternaires présentés figure 4.
Pour expliquer l’influence de la température sur un tel système, 2.3 Diagrammes représentatifs
on peut examiner comment évolue le comportement de phase de la
formulation A constituée d’un mélange à part égale d’eau et de des ternaires S/H/E émulsionnés
tétradécane et de 5 % de C12E5.
■ À basse température (40 ˚C), le système A se sépare en deux pha- Depuis près d’un siècle de recherche en physico-chimie colloïdale,
ses dont la composition correspond aux deux extrémités B et C de de nombreux chercheurs se sont efforcés de prédire la morphologie
la ligne de conjugaison passant par A. La phase C est principale- d’une émulsion préparée avec une composition donnée et les con-
ment formée de tétradécane en équilibre avec la phase B (micro- ditions pour lesquelles une inversion de phase E/H ↔ H/E se pro-
émulsion H/E notée µémH/E) où se trouve concentrée la plus grande duit. La complexité des phénomènes mis en jeu est telle qu’il n’y a
partie de l’amphiphile (C12E5) et de l’eau (système de type Winsor I). pas encore de modèle théorique capable de résoudre ce problème.
40 °C 45 °C 48 °C 51 °C 60 °C
Cristaux
liquides
D D D C
B A C A C C C
B B A B A B A
H2O Tétradécane H2O Tétradécane H2O Tétradécane H 2O Tétradécane H2O Tétradécane
Huile
µém E/H
µém
µé bic
µé H/E
µém
Eau
Figure 4 – Évolution du diagramme ternaire C12E5/tétradécane/eau et de l’aspect des formulations représentatives du point A en fonction
de la température (d’après [5])
35 1 000
30
600
W III
400
25
200
WI W IV
0
20
H 20 40 60 80 E 10 20 30 40 50
a C12E4/tétradécane/eau avec 2 % de C12E4 (d'après [6]) T (∞C)
20 Domaine
H 20 40 60 80 E PIT monophasique
b C12E5/tétradécane/eau avec 16,6 % de C12E5 (d'après [7])
Surfactif (%)
2.3.1 Inversion de phase dans le diagramme en γ Le trait noir horizontal correspond à la température
d'inversion de phase (PIT de Shinoda)
(fish cut)
Figure 8 – Évolution, en fonction de la température, du type
Dans un premier temps, nous nous affranchirons de l’effet du d’émulsion obtenu par agitation d’un système CiEj /alcane/eau
rapport E/H en étudiant un mélange eau/heptane : 50/50 additionné
de C12E5 (fish cut) et d’une faible quantité de sel pour assurer la
conductivité de la phase aqueuse. tion. Il existe donc une corrélation directe entre la position du sys-
tème S/H/E dans le diagramme de phase du système à l’équilibre et
Si l’on chauffe progressivement ce système sous agitation en sui- la morphologie de l’émulsion obtenue sous agitation.
vant l’évolution de la conductivité électrique, on observe deux types
de comportement (figure 7) [8]. Lorsque la concentration en surfac- On retrouve ainsi la règle empirique énoncée par Bancroft en 1913
tif est faible (ligne et flèche en tireté noir des figures 7 et 8), il ne se selon laquelle la phase dans laquelle le surfactif est le plus soluble
produit pas d’inversion de phase. En revanche, pour des concentra- tend à être la phase continue de l’émulsion [9]. L’interprétation, à
tions plus élevées (ligne et flèche continues cyan), on observe une l’échelle moléculaire, de la forte corrélation entre micro- et macro-
chute brutale de conductivité à 30 ˚C qui traduit la transformation émulsions fait encore l’objet de controverses. La théorie la plus
d’une émulsion H/E ayant une phase continue aqueuse (émulsion aboutie a été émise en 1996 par Kabalnov [10]. Il explique la forma-
directe) en une émulsion E/H ayant une phase continue huileuse tion privilégiée d’une émulsion H/E ou E/H par le signe et la valeur
(émulsion inverse). absolue de la courbure spontanée du film interfacial séparant la
phase aqueuse et la phase huileuse. En effet, chaque surfactif peut
Cette température d’inversion de phase (PIT de Shinoda) dépend être assimilé à un cône possédant une extrémité hydrophile de sur-
à la fois de la structure chimique du surfactif et de la nature de face a (en bleu) et un corps hydrophobe de longueur et de
l’huile. En comparant les zones d’existence des émulsions E/H et H/E volume v (figure 9). À partir de ces valeurs, on peut calculer le
au diagramme de phase en γ (figure 8), on constate que les formula- « paramètre d’empilement » appelé aussi packing parameter
tions situées dans la zone W I donnent des émulsions H/E, celles ( v ⁄ a ) qui résume, sous forme géométrique, la structure molécu-
situées dans la zone W II conduisent à des émulsions E/H, celles loca- laire du surfactif [11]. Lorsque les surfactifs s’agrègent en solution
lisées dans la zone W III forment des émulsions peu stables H/E ou E/ aqueuse, les cônes associés se juxtaposent en adoptant une cour-
H suivant que la température est approximativement inférieure ou bure spontanée qui favorise la formation de tel ou tel type de
supérieure à la PIT (figure 4). micelle (sphérique, cylindrique, cubique, lamellaire, inverse). Ainsi
Lorsque la température est exactement égale à la PIT (≈ Tcrit), la le dodécylsulfate de sodium (SDS), très hydrophile, donne des
séparation de phase est extrêmement rapide (quelques minutes) micelles directes sphériques tandis que l’AOT (di(éthylhexyl)sulfo-
dès que l’on cesse l’agitation (figure 4). Le système monophasique succinate de sodium), plutôt lipophile, donne des micelles inverses
W IV ne subit évidemment aucune modification visible sous agita- (figure 9).
Surface a
Volume v
H H E E
a b
a cône associé au SDS b cône tronqué inversé associé à l’AOT
La courbure spontanée du surfactif utilisé est bien adaptée à la courbure
du chenal en a , et opposée à celle du chenal en b
Figure 9 – Structures moléculaires et cônes associés de deux
surfactifs typiques, le dodécylsulfate de sodium (SDS)
et le di(éthylhexyl)sulfosuccinate de sodium (AOT) Figure 10 – Deux gouttelettes d’émulsions H/E a et E/H b
en cours de coalescence
p trole, 25 °C
1 % sulfonate de pétrole, S (% NaCl)
InS 3 % sec-butanol, kkérosène
kéros
rosène
ne
5
HLD 1,5
E/H e/H/E 4
B+ A+ C+
+ 1 3
B+ A+ C+
E/H e/H/E 2
0 0,5
1,5
B– A– C–
3 phases
–
0 1
2 4
1 % sulfonate de p trole, 25 ∞C
pétrole, S (% NaCl) 1,5 % acide laurique, 25 ∞C pH
HLD 3 % sec-butanol, kkérosène
kéros
rosène HLD 2 % sec-butanol
5 2 % n-pentanol, kérosène
k rosène
kéros ne 7,4
1,5 3
2,5 3 4 5 4
3 5 10 15
3 E/H 7,5
1 2
2
E/H
2
0,5 1 7,6
1,5
e/H/E
3 phases
0 1 0 7,7
3 phases
0,75
3
– 0,5 –1 7,8
4
5 0,5
h/E/H H/E
6 0,4
–1 –2 7,9
H/E
0,3 15 10 5 3 2
Contou d isostabilité
Contourss d’isostabilité
d’isostabilit Contours
Contou s d’isostabilité
d isostabilité
d’isostabilit
– 1,5 –3
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
feau feau
Les valeurs indiquées pour les courbes d'isostabilité représentent le logarithme décimal du temps nécessaire (en secondes) pour produire
2/3 de séparation de la phase interne. Les valeurs des courbes d'isoviscosité correspondent à la viscosité relative (en première
approximation la viscosité en centipoises)
à une forte viscosité et à un comportement rhéologique pseudoplas- 3.3 Facteurs influant sur la position
tique et même viscoélastique. Il faut noter que, dans ces milieux très
visqueux, l’agitation doit être lente pour être efficace, afin d’éviter des branches de la frontière
de provoquer des phénomènes de cavitation. d’inversion standard
L’effet du rapport E/H se fait sentir dans les régions A et l’on
obtient souvent des gouttes de taille maximale, c’est-à-dire un mini-
mum d’efficacité d’agitation, aux alentours de 30 à 60 % de phase La ligne d’inversion est extrêmement importante puisque c’est
interne à une valeur qui dépend, entre autres facteurs, de la visco- elle qui délimite les régions où l’émulsion obtenue possède une pro-
sité relative des fluides [16]. priété ou une autre. Tout facteur susceptible de déplacer l’une des
trois branches de la ligne d’inversion peut donc changer les condi-
La figure 15 résume ces tendances et met en évidence les zones tions dans lesquelles on obtiendra une émulsion d’un type donné et
de meilleure efficacité d’agitation (gris) et celles susceptibles de pré- présentant la stabilité, la viscosité et la taille de gouttes désirées.
senter une faible efficacité (cyan). Cette carte n’indique que des ten-
dances qui peuvent varier quelque peu suivant le procédé Les études réalisées sur le sujet montrent qu’aucun facteur n’est
d’agitation utilisé. susceptible de changer la position de la branche horizontale de la
ligne d’inversion standard qui se situe toujours à HLD = 0. Cela ne
signifie pas que l’on ne puisse changer la valeur de la salinité ou de
la température à laquelle se produit cette inversion, puisque l’on sait
HLD
E/H e/H/E que HLD est une somme algébrique de divers facteurs que l’on peut
faire varier à volonté [35].
B+ A+ C+
Surfactif ionique : HLD = σ + InS − k ACN + t∆T + aA
+1
Surfactif non ionique : HLD = α − EON + bS − kACN + t∆T + aA
0 avec EON nombre de groupes « oxyde d’éthylène » des
surfactifs non ioniques polyéthoxylés,
–1 S salinité de l’eau exprimée en pourcentage
B– A– C– massique de NaCl dans la phase aqueuse,
ACN nombre d’atomes de carbone de la molécule de
h/E/H H/E n-alcane (ou son équivalent EACN),
H Composition E
∆T différence de température par rapport à la
température de référence (25 ˚C),
Figure 15 – Régions où on peut former de fines gouttes (gris)
et régions où l’efficacité d’agitation est particulièrement mauvaise A pourcentage pondéral d’alcool éventuellement
(cyan) ajouté,
m ém m ém
mém
m ém
Température
E/H m ém
m ém
Diminution de la température
HLD = 0
(PIT)
H/E
H E
Système agité
H/E H + E/mém E/H
Figure 16 – Inversion transitionnelle par la méthode de la température d’inversion de phase applicable aux surfactifs non ioniques polyéthoxylés
Au voisinage de HLD = 0, la diminution de température s’accompa- gie polyédrique telle que celle observée dans une mayonnaise.
gne d’une augmentation de la solubilisation d’eau dans la microé- Cependant, une inversion de phase peut intervenir si le contenu en
mulsion et d’un relargage d’huile. La microémulsion, qui constitue phase interne devient très supérieur à celui correspondant aux bran-
la phase continue du système émulsionné, voit donc sa microstruc- ches verticales de la ligne d’inversion standard.
ture évoluer en partant d’une phase huileuse (HLD > 0) jusqu’à une En revanche, si l’émulsion de départ est située dans une des zones
phase aqueuse (HLD < 0) de façon continue et parfaitement réversi- B− ou C+, elle est « anormale » ; si bien que, lorsque l’on lui ajoute
ble, sans qu’il y ait changement de la phase externe de l’émulsion. Il de la phase interne sous agitation, les gouttes formées ne sont pas
s’agit en fait de la disparition par solubilisation d’une phase en protégées contre la coalescence et sont donc susceptibles de fusion-
excès et apparition, par démixtion, d’une autre phase en excès, les ner dès leur contact pour produire la nouvelle phase continue.
phases en excès étant toujours les phases internes des émulsions L’inversion est donc envisageable dès que la probabilité de contact
correspondantes. L’inversion transitionnelle correspond donc à une entre gouttes devient notable, c’est-à-dire à environ 50-60 % de
évolution graduelle du rapport E/H d’une microémulsion. L’inversion phase dispersée. De toute façon, cette valeur est toujours supé-
dynamique se produit au moment du changement de signe du HLD rieure à la valeur typique de 30 % où se trouve habituellement la
indiqué par des flèches sur la figure 16. branche verticale de la ligne d’inversion standard.
Comme le processus de démixtion s’apparente à une nucléation, De façon générale, quand l’inversion est induite par une augmen-
les gouttes formées peuvent être extrêmement fines et permettent tation du contenu de phase interne, elle intervient en un point de la
l’obtention de nanoémulsions. Toutefois, au voisinage de HLD = 0, la carte situé au-delà de la ligne d’inversion standard. Les flèches noi-
coalescence est très rapide et l’émulsion formée est donc très insta- res, représentées sur la figure 17, indiquent le chemin de variation
ble. Pour la stabiliser, il faut s’éloigner rapidement de HLD = 0 en de feau, la pointe de la flèche correspond au point d’inversion dyna-
changeant brutalement la formulation. Une autre méthode, pour mique et la ligne en tireté indique l’inversion standard. On voit clai-
éviter la coalescence, consiste à placer à la surface des gouttes une rement que la position de l’inversion dynamique dépend de la
barrière de protection stérique telle qu’une multicouche de cristaux direction de changement et que le retard à l’inversion dynamique
liquides. Les deux méthodes sont utilisées dans la pratique pour augmente en fonction de la distance à la formulation HLD = 0. Il
préparer des mini ou nanoémulsions stables. existe donc deux zones plus ou moins triangulaires appelées zones
d’hystérèse, où le type d’émulsion dépend de la direction du chan-
gement du rapport E/H. Chacune de ces zones étend la région de
3.4.3 Inversion catastrophique départ au-delà de la ligne d’inversion standard. L’étendue et la forme
des zones d’hystérèse sont variables suivant les cas et dépendent de
En ce qui concerne les changements de feau, il faut distinguer nombreux facteurs, en particulier du protocole utilisé pour modifier
deux situations. Soit on ajoute de la phase externe, ce qui ne fait que feau. Il est donc relativement facile de prolonger la persistance d’une
diluer l’émulsion sans changer son type. Soit on augmente, sous émulsion normale (A+ ou A−) jusqu’à un très fort contenu de phase
agitation, la proportion de phase interne, ce qui produit une aug- interne, si l’on dispose d’un surfactif nettement lipophile ou nette-
mentation du nombre ou du volume de gouttes et donc leur rappro- ment hydrophile en concentration suffisante et d’un système d’agi-
chement et leur probabilité d’entrer en contact. tation d’autant moins violent que l’émulsion devient plus
Si l’émulsion de départ est localisée dans les zones A+ et A−, elle viscoélastique.
est « normale » et donc stable, les gouttes peuvent venir au contact Le cas des émulsions de départ anormales (dans B− et C+) est
sans coalescer. On peut ainsi préparer une émulsion à très fort con- beaucoup plus compliqué, car elles peuvent être de type multiple
tenu de phase interne, avec des gouttes présentant une morpholo- avec un contenu de gouttes et de gouttelettes dépendant du proto-
Figure 17 – L’inversion dynamique dans le sens des flèches 3.4.4 Autres cas d’inversion de phase
se produit quand le point représentatif de l’émulsion se trouve
à la pointe de la flèche On a vu précédemment que les branches verticales de la ligne
d’inversion standard se déplacent lorsque l’on change la concentra-
tion en surfactif, l’énergie d’agitation ou la viscosité des phases. Ces
cole employé [22]. Par exemple, si la phase interne est ajoutée rapi- mêmes variables sont également susceptibles de modifier la posi-
dement, l’émulsion anormale obtenue est simple (gouttes tion des deux branches verticales d’inversion catastrophique qui
dispersées dans la phase continue) jusqu’à son inversion qui sur- délimitent la zone d’hystérèse. Par exemple, une augmentation de
vient rapidement. Par contre, si l’ajout de phase interne se fait très l’énergie d’agitation tend à réduire la largeur de la zone A
lentement, l’émulsion formée présente une morphologie multiple (figure 18). Ainsi, une émulsion H/E située dans la zone A− près de la
dans laquelle une partie de la phase continue s’incorpore peu à peu ligne d’inversion dans des conditions d’agitation faible (point carré
sous forme de gouttelettes incluses à l’intérieur des gouttes de dans la figure 18 a) peut se « retrouver » dans la zone B− si l’agita-
phase interne ajoutée. tion et la zone d’hystérèse correspondante augmentent et si le
déplacement de la branche verticale d’inversion B−/A− vers le centre
En conséquence, les gouttes de phase interne gonflent et leur
de la carte est suffisant.
volume augmente fortement, ce qui facilite leur contact et leur coa-
lescence qui provoque l’inversion de l’émulsion. En fait, après incor- Exemple : l’Orimulsion®, émulsion à 70 % de bitume dans l’eau,
poration de 10 à 20 % de phase interne, il n’y a même plus besoin de doit être pompée sous faible cisaillement pour éviter une inversion de
continuer à ajouter de la phase interne, car le processus d’incorpo- phase involontaire pendant son transport par oléoduc sur 300 km
ration de phase externe sous forme de gouttelettes incluses dans les depuis les bords de l’Orénoque jusqu’aux côtes de la mer des Caraïbes
gouttes de phase interne tend à dominer les autres. Ainsi, l’émul- [23].
HLD HLD
E/H E/H
0 0
H/E H/E
Figure 18 – Inversion d’une émulsion
(représentée par le carré noir) produite
H Composition E H Composition E
par une augmentation de l’agitation
a faible agitation b forte agitation qui déplace les branches verticales
de la frontière d’inversion
Il existe bien d’autres cas où l’inversion de phase constitue une 4.1 Émulsification dans des conditions
étape essentielle d’un procédé. Simples du point de vue du génie
des procédés, elles sont en revanche difficiles à interpréter et à maî- optimisées
triser sur le plan physico-chimique. Par exemple, la simple dilution
dans l’eau d’une microémulsion contenant un fort pourcentage
d’huile, de surfactif et d’alcool et une faible proportion d’eau salée, Dans le cas le plus simple, il suffit de se positionner dans une zone
occasionne à la fois un changement de feau et un changement de for- de la carte formulation-composition conduisant à une émulsion pos-
mulation, de par le transfert de l’alcool dans la phase aqueuse et la sédant les propriétés désirées (type, stabilité, granulométrie, rhéolo-
dilution de la saumure par l’eau. gie). Si plusieurs zones répondent aux critères prédéfinis, on choisira
celle pour laquelle l’agitation est la plus efficace en se référant à la
Un autre exemple d’inversion de phase complexe se rencontre figure 15. Lorsque le rapport E/H est proche de l’unité (feau = 0,5), il
avec les huiles de coupe ou de laminage qui sont souvent des émul- est préférable de sélectionner une valeur de la formulation pas trop
sions à base de surfactifs non ioniques et contenant 5 ou 10 % éloignée de HLD = 0 (par exemple 0,5 unité HLD) pour bénéficier
d’huile lubrifiante dispersée dans de l’eau. Au contact de la pièce d’une basse tension interfaciale H/E tout en évitant une
métallique chaude, l’eau s’évapore, feau diminue considérablement déstabilisation trop rapide. C’est le meilleur choix dans le cas où une
et le point représentatif de l’émulsion, initialement en C−, se déplace stabilité à long terme n’est pas requise. Une autre solution, moins
vers la gauche dans la zone A− de la carte. D’autre part l’élévation de évidente, consiste à se placer dans la zone normale A+ ou A− à proxi-
température provoque une augmentation de la valeur du HLD du mité de la branche verticale de la ligne d’inversion et à une distance
système et son inversion de signe, qui s’accompagne d’un déplace- suffisamment grande de la formulation optimale (≈ 2 unités HLD)
ment vers le haut de A− vers A+ dans la carte. Les deux effets cumu- pour assurer une bonne stabilité. L’émulsion obtenue possède alors
lés font passer le point représentatif de l’émulsion de la zone C− à la un fort contenu de phase interne qui lui confère souvent un compor-
zone B+, correspondant à une émulsion finale avec une phase tement viscoélastique. Dans ce cas, il est préférable d’agiter lente-
externe huileuse qui peut mouiller la pièce métallique et assurer la ment le mélange pour bénéficier au mieux du mécanisme
lubrification, alors que l’évaporation d’eau permet l’absorption de d’émulsification par cisaillement [25].
chaleur [24].
R [31]
17, p. 2076-2083 (2001).
N New York, chap. 15, p. 305-329 (1997). Procédés (2000). Génie des Procédés (2001).
Température
contact de l’eau lors de l’émulsification, la chaîne PEG s’hydrate et tout se
passe comme s’il apparaissait, à l’interface, un surfactif non ionique
R pseudo-adsorbé, dont la queue fait partie de la phase résine. La longue chaîne
de PEG hydratée forme à l’interface E/H une couche capable de stabiliser
l’émulsion résine-dans-eau par un phénomène de répulsion stérique.
HLD = 0
La méthode consiste à ajouter peu à peu de l’eau désionisée à la phase hui- Concentration en surfactif
leuse (résine + surfactif à l’état fondu) (figure A). Au départ le système est pau-
P vre en eau et possède un HLD < 0. Il se trouve donc localisé dans la région
anormale B− de la carte formulation-composition. L’addition d’eau déplace le
point représentatif vers la région A−. Par ce procédé, l’émulsion E/H initiale se
e/H/E