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La Parole de Dieu et la Morale

« Au commencement était le Verbe ». La Parole de Dieu est un don gratuit et une


source supérieure de lumière intellectuelle qui préside à toute recherche morale.
- Quels sont les rapports entre la Parole de Dieu et la morale au niveau
des textes scripturaires?
- Comment le chrétien, qui réfléchit, doit-il lire la Parole de Dieu pour
en retirer un enseignement moral?

Notre travail consiste à traiter cette question à partir des données et des
propositions du « synode » convoqué par l’Église sur la « Parole de Dieu » (24-8-
2008).
Tout en insistant sur l’originalité de la Bible comme source de toute morale et
de tout agir humain, le texte intégral du synode sur la Parole de Dieu reflète
implicitement des rapports entre la Parole et la Morale que nous avons pu les
dégager comme suite :

Parole de Dieu est la loi morale


Un des grands défis présents provoqué par la science, c’est la connaissance
de la nature. Paradoxalement, plus cette connaissance grandit moins l'on réussit à
voir le message éthique qui en émane. Le principe s’appelle la loi morale
naturelle. Cette expression, selon le pape Benoît XVI, semble aujourd'hui devenue
incompréhensible « à cause d'un concept de nature non plus métaphysique, mais
seulement empirique. Le fait que la nature, l'être même, ne soit plus transparent
pour un message moral, crée un sentiment de désorientation qui rend précaires et
incertains les choix de la vie quotidienne » (12 février 2007). L'apôtre Paul dans la
Lettre aux Romains (cf. Rm 2, 14-15) affirme que cette loi naturelle est écrite au
plus profond du cœur de chaque personne et que chacun peut y accéder. Elle
possède comme principe de base « le devoir de faire le bien et non le mal » ; une
vérité qui s'impose avec évidence à tous et d'où jaillissent d'autres principes qui
règlent le jugement éthique à propos des droits et des devoirs de chacun. Il est bon
de rappeler que c'est aussi en se nourrissant de la Parole de Dieu que l'on
développe la connaissance de la loi naturelle et que l'on progresse dans la
conscience morale (proposition, 13).
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L'expression Parole de Dieu se réfère avant tout à la Parole de Dieu en tant que
Personne qui est le Fils Unique de Dieu. Cette Parole divine déjà présente dans la
création de l'univers et de manière particulière de l'homme, se révèle au cours de
l'histoire du salut. L’Église garde cette Parole et la conserve dans sa Tradition
vivante (cf. DV 10) et l'offre à l'humanité comme la Règle suprême de la foi (cf.
DV 21) (proposition, 2-3).

Rapport entre Parole de Dieu et Morale selon le synode sur la Parole de Dieu

1. Écoute, observance
Chaque famille devra garder les valeurs bibliques et morales avec soin. Elle
devra proposer des formes et des modèles d'éducation orante, catéchétique et
didactique sur l'usage des Écritures, afin que les «jeunes hommes, et jeunes filles,
les vieillards avec les enfants!» (Ps 148, 12) écoutent, comprennent, louent et
vivent la Parole de Dieu. De même, cela doit être appliqué à la Morale. Les
nouvelles générations, les enfants et les jeunes, devront être destinataires d'une
pédagogie juste et spécifique qui les conduise à expérimenter la fascination de la
figure du Christ (synode, 12) et la grandeur de la dignité humaine à laquelle sont
liées d’autres dimensions; écologique, cosmique, etc.
Jésus, dans la parabole du semeur, nous rappelle qu'il y a des terrains arides,
rocheux, étouffés par les épines (cf. Mt 13, 3-7). Celui qui s'aventure sur les routes
du monde découvre également les foyers de souffrances et de pauvretés,
d'humiliations et d'oppressions, d'exclusions et de misères, de maladies physiques,
psychiques et de solitudes (synode, 13). Tout cela invite à une bonne écoute et une
observance des « normes » spirituelles, humaines, morales, communautaires, etc.
face aux guerres, aux violences, à la corruption, à l'injustice, etc.

2. L’exhortation et la persévérance dans le bien


L’homélie est le moment capital de la rencontre avec la Parole de Dieu.
Dans cet acte, le ministre devrait se transformer également en prophète. Par un
langage net, l’annonciateur «annonce les œuvres admirables de Dieu dans
l'histoire du salut» (SC 35), il doit également actualiser ces œuvres selon les temps
et moments vécus par ceux qui écoutent, et susciter dans le cœur des auditeurs la
demande de conversion et d'engagement vital: «Que devons-nous faire?» (Ac 2,
37) (synode, 8).
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À cause de leur fidélité à leur conscience et à leur foi, beaucoup seront


persécutés; c’est que nous atteste la Bible et l’histoire. Une telle situation fait
surgir le sentiment de l’absence de tout sens et de tout soutient ; beaucoup
ressentent même le silence de Dieu pesé sur eux, son apparente absence et son
indifférence : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Ps 22, 2).
Cette immense douleur représentée dans la Bible, comme le cas du de Job, du
Qohélet, propose précisément une foi historique et incarnée. En effet, le «mystère
d'iniquité» est présent et agit dans l'histoire, mais il est dévoilé par la Parole de
Dieu qui assure, dans le Christ, la victoire du bien sur le mal (synode, 13). Ainsi
un nouveau rapport entre Parole et Morale, celui de l’espérance.

3. L’espérance (synode, 13)


Dans les Écritures, le Christ débute son ministère public par une annonce
d'espérance pour les derniers de la terre: «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce
qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a
envoyé annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles la vue, aux opprimés la
liberté, et proclamer une année de grâce du Seigneur» (Lc 4, 18-19). Ses paroles
proclament la justice, donnent courage aux malheureux, et accordent le pardon
aux pécheurs. Jésus Christ a fait lui aussi l'expérience de la solitude par l'abandon
et la trahison de ses amis, il pénètre dans l'obscurité de la plus cruelle douleur
physique avec la crucifixion et parvient même jusqu'aux ténèbres du silence du
Père («Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?»), atteignant le
gouffre ultime de tout homme, celui de la mort («poussant un grand cri, il rendit
l'esprit»). Et pourtant, même en ce moment extrême, il ne cesse d'être le Fils de
Dieu: dans sa solidarité d'amour et par le sacrifice de lui-même, il dépose, dans la
limite et dans le mal de l'humanité une semence de divinité, à savoir un principe
de libération et de salut, en nous ouvrant à l'aube de la résurrection. Le chrétien a,
alors, la mission d'annoncer cette Parole d'espérance par son partage avec les
pauvres et les souffrants, par le témoignage de sa foi dans le Royaume de vérité et
de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d'amour et de paix, par sa proximité
amoureuse qui ne juge ni ne condamne mais qui soutient, illumine, conforte et
pardonne, dans le sillage des paroles du Christ: «Venez à moi, vous tous qui
peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai» (Mt 11, 28). Cette
attitude biblique et morale débouche sur un autre rapport celui de l’annonce.
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4. Complémentarité, sublimation et dialogue


Toutes les pages sacrées hébraïques éclairent le mystère de Dieu et de
l'homme. Elles révèlent des trésors de réflexion et de morale, tracent le long
itinéraire de l'histoire du salut jusqu'à son plein accomplissement, illustrent avec
vigueur l'incarnation de la parole divine dans les événements humains. Elles nous
permettent de comprendre en plénitude la figure du Christ qui avait déclaré:
«N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas
venu abolir, mais accomplir» (Mt 5, 17). Les grandes traditions religieuses de
l'Orient nous enseignent des critères spirituels, moraux, humains, etc. le
bouddhisme par exemple enseigne le respect de la vie, la contemplation, le
silence, la simplicité, le renoncement, etc. L'hindouisme exalte le sens du sacré, le
sacrifice, le pèlerinage, le jeûne, les symboles sacrés. Le confucianisme enseigne
la sagesse et les valeurs familiales et sociales. Toutes ces valeurs sont exprimées
dans des rites et dans les cultures orales et tissent un dialogue respectueux. Ces
cultures ne croient pas en Dieu mais elles s'efforcent «d'accomplir la justice,
d'aimer la bonté et de marcher humblement» (Mi 6, 8) en vue d'un monde plus
juste et pacifié. Ce qui nous pousse en tant que chrétien à offrir en dialogue notre
témoignage authentique de la Parole de Dieu qui peut leur révéler des horizons
(nouveaux et élevés) de vérité et d'amour (synode, 14).
Quand il se réfère à la révélation, le dialogue comporte le primat de la
Parole de Dieu adressée à l'homme. Dans son grand amour, en effet, Dieu a voulu
aller à la rencontre de l'humanité et a pris l'initiative de parler aux hommes en les
appelants à partager sa vie. Jésus Christ « qui nous a révélé Dieu » (cf. Jn 1, 18),
est la Parole unique et définitive donnée à l'humanité. Pour accueillir la
Révélation, l'homme doit ouvrir sa conscience et son cœur à l'action de l'Esprit
Saint qui lui fait comprendre la Parole de Dieu présente dans les Ecritures Saintes.
L'homme répond en pleine liberté à Dieu avec l'obéissance de la foi (cf. Rm 1, 5 ;
2 Co 10, 5-6 ; DV 5) (proposition, 4). Parole de Dieu et Morale s’avèrent être donc
universelles.

5. Universalité et moyens de communication


Le Seigneur déploie donc le manteau protecteur de sa bénédiction sur tous
les peuples de la terre, désireux que «tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité» (1Tm 2, 4) (synode, 14). Toute la Bible
est traversée d'appels à «ne pas se taire», à «crier avec force», à «annoncer la
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parole à temps et à contretemps» et les routes qui s'ouvrent à nous aujourd'hui ne


sont plus seulement celles sur lesquelles marchaient saint Paul. La
communication, de nos jours, s'étend en un réseau qui enveloppe le globe en son
entier (Mt 10, 27). Cette communication (de la morale comme celle de la Parole)
doit se diffuser à travers la radio, les canaux Internet de diffusion virtuelle en
ligne, les CD, les DVD, la télévision, le cinéma, la presse, au sein des événements
culturels et sociaux (synode, 11). De cette manière, l’inculturation se manifeste
indispensable.

6. Inculturation et inter-échange
Selon le synode, la Parole de Dieu dans la Bible était prise dans bien des
situations pour des paraboles existentielles, et tant des personnes ont traité et se
sont interrogés sur le mystère de l'esprit, de l'infini, du mal, du bien, de l'amour, de
la mort, de la vie, etc. qui animaient les pages bibliques. Même les penseurs, les
hommes de sciences et la société elle-même avaient fréquemment comme
référence, même par opposition, les conceptions spirituelles et éthiques (que l'on
pense par exemple au Décalogue) de la Parole de Dieu. C'est pourquoi la Bible est
nécessaire, non seulement au croyant mais à tous, afin de redécouvrir les
significations authentiques des différentes expressions culturelles et surtout pour
retrouver notre propre identité historique, civile, humaine et spirituelle. D’où
l’exigence d’une inculturation du message biblique dans de nouveaux contextes
culturels (morale); faire pénétrer la Parole de Dieu dans la pluralité des cultures et
l'exprimer selon leurs langages, leurs conceptions, leurs symboles et leurs
traditions religieuses, tout en conservant la véritable substance du contenu,
surveillant et contrôlant les risques de dégénération, faisant briller les valeurs que
la Parole de Dieu offre aux autres cultures afin qu'elles en soient purifiées et
fécondées. Comme l'avait déclaré Jean-Paul II : «l'inculturation sera réellement un
reflet de l'incarnation du Verbe quand une culture transformée et régénérée par
l'Évangile, produit dans sa propre tradition des expressions originales de vie, de
célébration et de réflexion chrétiennes» (synode, 15). Ainsi, Parole de Dieu et
Morale constituent une table de partage, un festin de rencontre, d’acceptation, de
réconciliation, de dialogue, d’union, etc. (synode, 10). Cette réconciliation
débouche sur un autre rapport entre Parole et Morale, celui de la communion
fraternelle.
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Dans tout cela, le synode cherche à mettre en relief l’indispensable rapport


entre Morale et Parole de Dieu. Cette dernière constitue la seule source de toute
morale visant le Bien et le salut du l’homme.

La lecture morale de la Parole de Dieu

Le synode fait timidement allusion, ainsi comme la question du rapport


entre Parole et Morale, à des manières de lecture de la Parole de Dieu pour en
dégager un enseignement moral. À partir du texte et des propositions nous avons
essayé de déduire des sortes de lecture.
Cette Parole, dans une deuxième phase, fut écrite; Moïse était descendu du
sommet du Sinaï tenant «en main les deux tables du Témoignage, tables écrites
des deux côtés ». Ainsi donc, les Saintes Écritures sont le «témoignage», sous
forme écrite, de la parole divine qui précède donc et dépasse la Bible. Et c'est
justement parce que l'horizon de la Parole divine s'étend au-delà de l'Écriture
qu'est nécessaire la constante présence de l'Esprit Saint qui «conduit à la vérité
toute entière» (Jn 16, 13) celui qui lit la Bible.

1) Lecture soutenue et guidée par du Saint-Esprit


La Bible s'exprime dans des langues particulières, dans des formes littéraires et
historiques, dans des conceptions liées à une culture antique. C’est pourquoi tout
lecteur des Saintes Écritures, même le plus simple, doit avoir une certaine
connaissance du texte sacré, se rappelant que la Parole est revêtue de paroles
concrètes auxquelles elle se plie et s'adapte pour être audible et compréhensible
par l'humanité. Outre, la nécessité de la «Tradition vivante de l'Église tout
entière» (DV 12) et de la foi pour comprendre de manière unifiée et pleine les
Saintes Écritures et en dégager un enseignement moral.
Cette Parole s'exprime dans la Bible selon un langage humain, qui doit être
déchiffré. L’inspiration divine n'a pas effacé l'identité historique et la personnalité
propre des auteurs humains. Mais la Bible est aussi Verbe éternel et divin, et c'est
pourquoi elle exige une compréhension autre, donnée par l'Esprit Saint qui
dévoile la dimension transcendante de la parole divine, présente dans les paroles
humaines (Synode, 6), (proposition, 5). Si l'on s'arrête à la «lettre» seule, la Bible
demeure uniquement un solennel document du passé, un noble témoignage
éthique et culturel. Si, par ailleurs, on exclut l'incarnation, on peut tomber dans
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l'équivoque fondamentaliste ou dans un vague spiritualisme ou psychologisme


(synode, 7).

2) La Lectio divina
C’est une lecture priante dans l'Esprit Saint, capable d'ouvrir au fidèle le trésor
de la Parole de Dieu, et par là de créer la rencontre avec le Christ, Parole divine
vivante en vue de l’imiter. Cette Lectio divina s'ouvre par la lecture (lectio) du
texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son
contenu réel: que dit le texte biblique en soi? S'en suit la méditation (meditatio)
qui pose la question suivante: que nous dit le texte biblique? L'on arrive ainsi à
la prière (oratio) qui suppose cette autre demande: que disons-nous au Seigneur
en réponse à sa parole? Et on termine par la contemplation (contemplatio), au
cours de laquelle nous assumons comme un don de Dieu son propre regard de
jugement qu'il porte sur la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de
l'esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il? Cela traduit donc
le fait de s’assoir, à la manière de Marie sœur de Marthe, aux pieds du Seigneur, à
l'écoute de sa parole, empêchant que les agitations extérieures n'absorbent
totalement notre âme, jusqu'à occuper l'espace libre pour «la meilleure part» qui
ne doit pas nous être enlevée (cf. Lc 10, 38-42) (synode, 9).

3) Une lecture dialogique, ouverte


Cette lecture prend en considération la présence et l’efficacité de la dimension
morale comprise dans les autres cultures et les autres religions. Le christianisme
ne monopolise pas l’agir moral. Un partage avec d’autres textes d’autres cultures
ou religions peut être rentable.

4) Une lecture d’écoute et de prophétisassions


Écouter avec efficacité la Parole du Seigneur afin qu’elle puisse continuer à
nous parler et à nous interpeller. Cette lecture sert à prévenir aux malfaisances,
renoncer les dérivations morales, les injustices, l’hypocrisie, etc. à la manière des
prophètes. Cette lecture cherche donc la conversion du cœur et de l’esprit, elle
interpelle l’homme dans son quotidien. D’où l’émergence d’une lecture toujours
renouvelée ou plutôt actualisée

5) Lecture renouvelée ou actualisée


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L’Église renouvelée par l'écoute religieuse de la Parole de Dieu puisse


entreprendre une nouvelle saison missionnaire, annonçant la Bonne Nouvelle à
tous les hommes (proposition, 2). La Bible risque de devenir pour les lecteurs
d'aujourd'hui un livre du passé uniquement, désormais incapable de parler à notre
monde actuel. Et la lecture croyante de la Parole cède la place pour une lecture
positiviste et séculariste qui nie la possibilité de la présence du divin et de l'accès
au divin dans l'histoire de l'homme (proposition, 26).

6) Lecture patristique
Pour l'interprétation du texte biblique, les pères du synode affirment dans la
proposition (no 6) qu’on ne doit pas négliger la lecture patristique de l'Écriture, qui
distingue deux sens : le sens littéral et le sens spirituel. Le sens littéral est celui qui
est signifié par la parole de l'Écriture et trouvé grâce à des instruments
scientifiques de l'exégèse critique. Le sens spirituel concerne aussi la réalité des
évènements dont parle l'Écriture, en tenant compte de la Tradition vivante de toute
l'Église et de l'analogie de la foi, qui comporte la connexion intrinsèque de la
vérité de la foi entre elles (tradition et Écriture) et dans la totalité du dessein de la
Révélation divine.

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