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brill.com/rds
PRÉSENTATION
Mathématiques et machines
* Liesbeth De Mol, née en 1977, a étudié l’archéologie, l’histoire de l’art et la philosophie à Gand.
Elle a soutenu sa thèse Tracing unsolvability: a Mathematical, Historical and Philosophical Analysis
with a Special Focus on Tag Systems en 2007. Depuis 2013, elle est chargée de recherche au CNRS
à l’université de Lille. Elle travaille sur la calculabilité, l’usage des premiers ordinateurs et les
connexions épistémologiques et historiques entre la formalisation et le génie informatique. Elle est la
présidente-fondatrice de la commission inter-divisionnaire du DHST/DLMPST pour l’histoire et la
philosophie de l’informatique (HaPoC). Elle dirige actuellement un projet de recherche financé par
l’A NR, PROGRAMme, sur la question « Qu’est-ce un programme informatique ? ».
** Maarten Bullynck, née en 1977, a étudié les mathématiques, la langue et la littérature alle-
mandes, ainsi que la théorie des médias à Gand et Berlin. Il a soutenu sa thèse, Vom Zeitalter der
formalen Wissenschaften. Parallele Anleitung zur Verarbeitung von Erkenntnissen anno 1800, en 2006.
Entre 2007 et 2008, il était boursier de la Alexander-von-Humboldt-Stiftung pour un projet sur
J. H. Lambert. Depuis 2009, il est maître de conférences au département de mathématiques et histoire
des sciences à l’université Paris 8. Ses recherches portent sur l’histoire de la théorie des nombres, du
calcul informatique et de la communication scientifique au XVIIIe siècle.
*** Marie-José Durand-Richard, née en 1944, est historienne des mathématiques. Elle a long-
temps enseigné à l’université de Paris VIII et elle est maintenant chercheuse associée du laboratoire
SPHERE (UMR 7219 CNRS & Université Paris-Diderot). Ses intérêts portent particulièrement sur les
algébristes et logiciens anglais de la première moitié du XIXe siècle, l’historiographie de l’algèbre et
de l’arithmétique, l’histoire de la cryptographie et la mécanisation du calcul et ses applications (pla-
nimètres, analyseur différentiel).
1 Ce dossier est issu d’un symposium organisé par Liesbeth De Mol, Marie-José Durand-Richard
et Maarten Bullynck lors du 24th International Conference for the History of Science and Technology
(ICHST) à Manchester en 2013. Ce symposium intitulé « Mathematics and machines: Explorations
ont pris de l’importance avec leur réalisation électronique, d’abord les tubes à vide,
puis les semi-conducteurs. Cette avancée technologique a conduit à une vitesse de
calcul cent à mille fois supérieure à toutes les techniques de calcul disponibles avant la
Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, cette augmentation de la vitesse, ainsi que l’au-
tomatisation des machines, a également imposé de développer de nouveaux moyens
matériels et conceptuels pour la programmation des processus de calcul, sans lesquels
les premiers ordinateurs manquaient d’efficacité.
Contrairement au tableau que propose l’historiographie classique de l’informatique,
l’émergence de l’ordinateur ne fait donc pas disparaître les anciens modes de calcul,
manuels ou analogiques. Au contraire, plusieurs modes de calcul continuent à coexis-
ter l’un à côté de l’autre, avec de nombreux transferts entre eux4. Ces transferts ne
concernent pas seulement les méthodes mathématiques, mais aussi l’organisation des
calculs ou certaines innovations conceptuelles. Qui plus est, des entrecroisements se
produisent très souvent entre ces trois modes de calcul, manuel, analogique et digital.
Les installations où une machine analogique communique avec un ordinateur digi-
tal, et qui sont gérées, complémentées et interprétées par un.e opérateur/opératrice
humain.e. sont en effet fréquentes.
Les quatre premiers articles de ce dossier témoignent de ces interactions entre
les trois modes de calcul entre les années 1920 et les années 1960. Ces études de cas
permettent de montrer comment, dans différents lieux de production, de nouvelles
technologies sont mises en œuvre pour le calcul numérique, ainsi que des méthodes
de calcul qui leur sont associées. Leur utilisation ouvre un champ interactif qui étaye le
développement parallèle des algorithmes et des premiers concepts de programmation.
Dans le premier article, Maarten Bullynck se concentre sur un seul lieu de pro-
duction, Aberdeen Proving Ground à Maryland (États-Unis). Il montre comment
l’organisation du calcul manuel mise en place après la Première Guerre mondiale sert
de base aux mécanisations ultérieures des calculs balistiques. Dans un premier temps,
le calcul analogique a été développé par l’armée parallèlement au calcul manuel. Avec
l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, l’évolution s’accélère. Au
fur et à mesure que la technologie balistique s’améliore et se complexifie, les besoins
en calcul augmentent, tant en quantité qu’en qualité. Pour pallier cette demande,
les machines commandées doivent pouvoir automatiser le processus de calcul, en
y incluant la manipulation des tables numériques et la prise des décisions. Avec ces
machines, électromécaniques comme le Bell Model III ou V, ou électroniques comme
l’ENIAC, commence alors une lente transformation de l’organisation du calcul. Au
lieu de reproduire l’organisation manuelle du calcul, une nouvelle organisation, auto-
nome et automatique, devient nécessaire. La planification d’un calcul complètement
automatisé s’avèrera un problème difficile et donnera naissance à la programmation
automatique.
Marie-José Durand-Richard examine ensuite une histoire très parallèle à celle du
premier article. Elle restitue dans son contexte le travail de Douglas R. Hartree, qui
joue un rôle de « passeur » entre le Royaume-Uni et les États-Unis en matière de calcul
scientifique. Hartree est physicien de formation, spécialisé en crystallographie et
4 Pour la coexistence du calcul analogique et digital, voir Small, 2001 et Mindell, 2003.
terminée et suscite toujours des débats – parfois très vifs – au sein de la communauté
des informaticiens et des historiens.
L’une des conséquences de cette évolution est que peu d’historien.ne/s ont tenté
d’étudier les interactions entre mathématiques et informatique, en raison de cette
orientation méthodologique et de l’analyse nécessaire en mathématiques. Le présent
dossier se veut une contribution aux présentes recherches, qui visent précisément à
combler cette lacune considérable de l’historiographie des mathématiques et de l’his-
toriographie de l’informatique.