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palmarès ‫ ان‬

les 15
Franc-Maghs
qui comptent dans
la littérature Chaque mois, nous vous
présentons un palmarès des
Franco-Maghrébins qui se sont
distingués dans leur domaine.
Ce mois-ci, place aux écrivains.
Par Siham Bounaïm

Tahar Ben Jelloun


L’incontestable
Tahar Ben Jelloun est sans conteste l’un des écrivains les plus
illustres et prolifiques de sa génération. Véritable boulimique
du travail, l’écrivain marocain a plus de 40 livres à son actif
(romans, poèmes et ouvrages pédagogiques).
Né à Fès en 1944, il suit des études de philosophie et devient
enseignant à Casablanca. Ses premiers textes, il les écrit en
cachette dans un camp disciplinaire de l’armée où il est détenu
pour avoir participé à des manifestations étudiantes. De cette
3 dates clés
expérience douloureuse naîtra cette nécessité d’écrire. Deux ans
après sa libération, il publie son premier recueil de poésie,
1944 : naissance à Fès
1971 : arrivée à Paris Hommes sous linceul de silence. Installé à Paris depuis 1971, Tahar
1987 : prix Goncourt Ben Jelloun sort son premier roman, Harrouda, en 1973. Il
pour La Nuit sacrée enchaîne ensuite les ouvrages avec régularité et devient célèbre
en 1985, grâce au roman L’Enfant de sable.
En 1987, c’est la consécration : Tahar Ben Jelloun décroche le
Vittorio Zunino Celotto/Getty Images/AFP

prestigieux prix Goncourt pour La Nuit sacrée, qui sera traduit


en 44 langues. “C’est la Palme d’or de l’écrivain. Ce prix a changé
ma vie et m’a apporté une ouverture vers le grand public.
Parallèlement, cela m’a poussé à redoubler d’exigence envers moi-
même”, commente l’écrivain. Travailleur acharné, l’homme de
68 ans s’impose une rigueur drastique depuis ses débuts :
“J’écris tous les matins. Je me prépare, je m’habille et je m’installe à
mon bureau afin de travailler dans de bonnes conditions. L’inspiration
n’existe pas… elle vient avec le travail et la persévérance.”

58 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 67 Février 2013


Faïza Guène
L’anti-héroïne
Simple et discrète, Faïza Guène a été propulsée sous les
feux des projecteurs un peu malgré elle… La médiatisation, la
célébrité, la reconnaissance, elle n’y avait jamais pensé. Elle
ne l’a même jamais cherché. Issue d’un milieu modeste, la
jeune femme d’origine algérienne a grandi dans une cité à
Pantin (Seine-Saint-Denis).
Passionnée d’écriture et de cinéma, elle fréquente, entre 13 et
17 ans, un atelier d’écriture audiovisuelle, où elle affûte sa
plume. C’est son professeur qui détecte sa fibre d’écrivain. “Il
3 dates clés
m’avait surprise en train d’écrire et il m’a demandé s’il pouvait lire
mon histoire. Après avoir lu les 30 premières pages, il a décidé de 1985 : naissance
à Bobigny
l’envoyer à sa sœur, qui travaillait aux éditions Hachette. A ma 2004 : premier roman,
grande surprise, elle m’a contactée pour me demander si je pouvais Kiffe kiffe demain
finir l’histoire pour que l’on puisse en faire un roman. J’étais une 2013 : sortie de
Rééducation, son
simple lycéenne de 17 ans et tout cela me paraissait irréel. Jamais je prochain roman
n’aurais pu imaginer ce qui allait suivre”, explique-t-elle.
Vendu à plus de 400 000 exemplaires et traduit dans plus
de 26 langues, Kiffe kiffe demain est l’une des meilleures ventes
de 2004. Ce livre bouleverse la vie de Faïza et lui permet de
voyager à travers le monde. Avec Du rêve pour les oufs (2006)
puis Les Gens du Balto (2008), celle qu’on surnomme “la Sagan
des cités” confirme son talent et impose son style empreint
d’humour. “Lorsque j’écris, je garde en tête que je fais du diver­
tissement (…) Je m’inspire de la réalité afin de la sublimer et de
transformer des gens ordinaires en héros.” Après une pause de
quatre ans, l’auteure devenue maman travaille sur son
quatrième livre intitulé Rééducation, qui sortira en 2013.

3 dates clés

1958 : naissance
à Oujda
Fouad Laroui
1996 : premier L’érudit
roman, Les Dents
du topographe Fouad Laroui est un ovni dans le monde professeur d’université. Après avoir ensei­
2000 : l’année
où il n’a rien écrit de la littérature. Ingénieur, économiste, gné durant six ans l’éco­no­métrie et les
chroniqueur littéraire, professeur à sciences de l’envi­ronnement, il dispense
l’université d’Amsterdam, écrivain, poète, aujourd’hui des cours de littérature
ce brillant Marocain multiplie les française et d’épistémologie arabe.
casquettes. Tel un chat à plusieurs vies, il Ce touche-à-tout nourrit depuis
a su rebondir et imposer de nombreux toujours une passion pour la littérature.
tournants à sa carrière. Une passion qui l’amène à publier en
Après des études scien­t ifiques au 1996 son premier roman, Les Dents du
Maroc, Fouad Laroui s’installe à Paris, en topographe. Depuis, il a écrit 12 autres
1979. Il sort diplômé de l’Ecole nationale livres (romans, nouvelles et poèmes), dont
des ponts et chaussées et de l’Ecole des le dernier, L’Etrange affaire du pantalon
mines. A l’approche de la trentaine, après de Dassoukine, est paru en octobre 2012.
avoir dirigé une mine de phosphates Agé de 54 ans, Fouad Laroui aime
au Maroc, il change de vie une première cultiver sa polyvalence. “J’aime les maths et
Fred Dufour/AFP - Hannah

fois en 1994. Un doctorat d’économie en la littérature, j’adore l’astrophysique et la


poche, il part au Royaume-Uni travailler poésie, je suis content de savoir construire un
en tant que chercheur en économétrie. pont et de pouvoir écrire une nouvelle. Si je
Quelques années plus tard, nouveau pouvais jouer du piano et dribbler comme
virage. Fouad Laroui retraverse la Manche Messi, je serais au comble du bonheur”,
et s’installe à Amsterdam où il devient conclut-il avec amusement.

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Abdellah Taïa
L’ennemi du mensonge
Ce n’est pas l’amour des lettres mais celui des
images qui conduit Abdellah Taïa à emprunter le
chemin de l’écriture. Avant-dernier d’une fratrie de
10 enfants, l’auteur marocain grandit à Salé au sein
d’une famille pauvre. Très tôt, ce cinéphile désire
étudier le cinéma à Paris pour devenir réalisateur.
Le jeune homme poursuit des études de littérature
française à l’université de Rabat afin d’acquérir un
bon niveau de français. C’est par ce biais qu’il
découvre l’écriture. Cette passion prend de l’ampleur
au sein du Cercle littéraire de l’Océan, un club
d’écriture qu’il fonda à 22 ans avec trois amis. “On se
retrouvait une fois par mois pour discuter, durant quatre
ou cinq heures, des nouvelles qu’on avait écrites. Cette
expérience fut un tournant dans ma vie”, raconte-t-il.
Dès lors, Abdellah Taïa ne lâchera plus sa plume.
Après un bref détour par l’université de Genève,
Abdellah Taïa pose ses valises à Paris en 1999. Alors
qu’il est étudiant à la Sorbonne, il décide de tenter sa
chance et d’envoyer à une maison d’édition une
3 dates clés nouvelle qu’il avait écrite au Maroc. Pari réussi pour
1973 : naissance à Rabat le jeune homme, qui voit ses premiers textes figurer
1999 : installation à Paris dans un ouvrage collectif intitulé Des nouvelles du
2010 : prix de Flore pour
Le Jour du roi
Maroc. L’année suivante, il publie son premier
recueil de nouvelles, Mon Maroc.
L’écrivain gagne la reconnaissance du milieu
littéraire français en 2010, en remportant le prix de
Flore pour son roman Le Jour du roi. Abdellah Taïa,
aujourd’hui âgé de 39 ans, est le premier écrivain
marocain et arabe à affirmer publiquement, dans ses
livres comme dans les médias, son homosexualité :
“Je ne cherche pas à être scandaleux mais à faire évoluer
le Maroc. Les homosexuels ont le droit d’exister et de
vivre dans la dignité et je pense que la littérature se doit

Abderrahim Annag
d’accompagner et défendre toutes les causes.”

Iman Bassalah
La prof reconvertie
A l’âge où les petites filles jouent à la poupée, l’écriture un moyen d’expression privilégié. En quête de stabilité professionnelle, la
Iman Bassalah écrit ses premiers poèmes. Née à Tunis, Iman Bassalah grandit à jeune femme décide de passer le concours de
“Un jour, mon instituteur de CE2 nous a Vincennes, en région parisienne. Elève l’Education nationale et devient professeur
demandé d’apporter des poèmes en classe. studieuse, elle obtient un DESS de lettres de français. Une expérience malheureuse qui
Plutôt que de travailler sur le texte d’un autre, appliquées aux métiers de l’édition et un lui inspirera le thème de son premier livre,
j’ai préféré apporter mes propres poésies. Mon doctorat de lettres modernes. Avant de se Profs Academy, sorti en 2007. “J’étais trop
professeur ne m’a pas cru et m’a accusée de consacrer au métier d’écrivain, elle met ses marginale pour me conformer à l’Education
plagiat”, se remémore-t-elle. D’un naturel qualités rédactionnelles au service de nationale. Un jour, j’ai décidé de tout quitter et
discret et timide, la jeune femme trouve en plusieurs magazines et maisons d’édition. d’écrire un livre relatant sur le ton de l’humour

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les 15
Franc-Maghs
qui comptent dans
la littérature
3 dates clés

1973 : naissance à Saint-Ouen


1991 : décès de son frère, un tournant de sa vie
2011 : sortie des Anges s’habillent en caillera

Rachid Santaki
La plume de caillera
Promouvoir un livre tel un produit, c’est le secret de Rachid Imprégné de culture urbaine, l’ancien journaliste transpose
Santaki. L’écrivain de 39 ans a bien compris que, pour vendre les codes du hip-hop à la littérature afin de casser l’image
ses romans, il fallait avant tout créer le buzz. Expert du street classique du polar et de réconcilier ainsi les jeunes des quartiers
marketing, il a sillonné les banlieues de France et tapissé leurs avec la lecture. “Ce premier essai n’était pas vraiment construit
murs d’affiches pour faire connaître ses livres. “J’ai passé plus mais il m’a ouvert de nombreuses portes. Et surtout, il m’a poussé
de cinq cents heures dans les rues pour la promotion du roman à progresser et à me consacrer à l’écriture de romans noirs”, révèle
Des chiffres et des litres. Mon père était manutentionnaire, je n’ai l’enfant du 9-3. C’est d’ailleurs son département – et plus
jamais eu peur de mettre la main à la pâte”, déclare l’auteur précisément Saint-Denis – qui lui inspireront en 2011 Les
d’origine marocaine. Anges s’habillent en caillera.
Autodidacte, cet ancien éducateur sportif a aiguisé sa plume sur Si ce roman lui apporte la reconnaissance du public, c’est Des
le tas. Après avoir cofondé le site Hiphop.fr en 2000, il lance chiffres et des litres qui le consacrera en 2012 auprès de ses pairs,
trois ans plus tard le magazine 5 Styles. Une aventure de huit ans avec une sélection en finale du Grand Prix de littérature policière.
au cours de laquelle il développe son goût pour l’écriture et qui le En 2013, Rachid a une actualité chargée, avec la sortie de Flic ou
conduit à publier, en 2008, La Petite Cité dans la prairie. Caillera, dernier volet de sa trilogie, et d’un livre au Maroc.
Joël Saget/AFP - Nacym Bouras

3 dates clés

1975 : naissance à Tunis


1993 : entrée à la Sorbonne
2012 : premier roman, Hôtel Miranda

ma vision contrastée de la vie de professeur. J’écris


pour soigner mes douleurs intérieures”, dit-elle.
Suivront Les Femmes au miel et autres histoires
joyeuses de l’immigration, Comment réussir sa
dépression et le recueil A la plage, puis son
premier roman, Hôtel Miranda, sorti en
mai 2012. Ecrivain, journaliste et intervenante
dans des ateliers d’écriture, Iman Bassalah est
heureuse, à 37 ans, de vivre de sa passion.

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3 dates clés

Abdelwahab Meddeb 1946 : naissance à Tunis


2002 : prix François-Mauriac pour La Maladie de l’islam
Le penseur des temps modernes et prix Max-Jacob pour Matières des oiseaux
2010 : prix Doha capitale culturelle arabe pour toute son œuvre

Ecrivain, poète, essayiste et professeur de littérature comparée, Abdelwahab Meddeb anime depuis
1997 l’émission hebdomadaire Culture d’islam sur France culture. Né en 1946 à Tunis, il grandit dans
une famille conservatrice et pieuse. Son père, professeur et écrivain théologien, lui enseigne le Coran
dès l’âge de 4 ans. Après avoir étudié à l’école franco-arabe et à l’université de Tunis, il s’installe à Paris
en 1967 et s’inscrit en faculté de lettres et d’histoire de l’art. Après une courte de carrière de rédacteur
pour le dictionnaire Le Robert et de lecteur aux éditions du Seuil, il collabore durant quinze ans aux
éditions Sindbad en tant que conseiller littéraire puis directeur de collection. Durant ce laps de temps,
il publie trois livres dont le premier, Talismano, paraît en 1979.
Par ailleurs, Abdelwahab Meddeb fonde en 1995 une revue littéraire baptisée Dédale, qu’il dirige
encore aujourd’hui. Ses œuvres honorent ce qu’il appelle sa “double généalogie”, européenne et
islamique. “J’estime tirer le meilleur des deux cultures, c’est ce qui m’a prédisposé à être dans le siècle, dans le
monde, un écrivain, un poète et un penseur (…) Je suis hors des frontières, quelles qu’elles soient”, confiait-il
au Courrier de l’Atlas en décembre dernier. A partir des années 2000, cet auteur prolifique prend un
tournant et se met à l’essai, au pamphlet et à l’article. Très attentif à l’actualité (notamment en
provenance de Tunisie), il met sa plume au service d’un islam moderne et modéré.

Hédi Kaddour
L’architecte des mots
Ecrivain, traducteur et professeur, Hédi Kaddour est né
en 1945 d’un père tunisien et d’une mère pied-noire d’Alger.
Il passe les douze premières années de sa vie en Tunisie, puis
suit une scolarité sans faute au lycée Henri-IV, à Paris. En
1971, il part enseigner comme coopérant français au Maroc ;
il y restera treize ans, le temps d’y apprendre l’arabe. Reçu
major à l’agrégation des lettres, il rentre en France en 1984
pour enseigner la littérature du XXe siècle à l’Ecole normale
supérieure, où il officiera jusqu’en 2006.
Ce n’est qu’à l’approche de la quarantaine que l’enseignant
se met à l’écriture et plus précisément à la poésie : “Je publiais
mes textes dans des revues poétiques, jusqu’au jour où un éditeur
m’a repéré et m’a proposé de publier mes poèmes.” A partir de 1989,
ses recueils paraissent aux éditions Gallimard. En 1997, il se
met à l’écriture d’un roman, Waltenberg. Il lui faudra plus de
sept ans pour achever cette œuvre colossale de 720 pages, où
défile tout le XXe siècle. “Lorsque j’écris un texte, j’essaye de coller
au plus près à la définition du terme littérature : usage esthétique
de la langue écrite. Pour citer Flaubert, il s’agit d’obtenir un style
‘souple comme la soie et fort comme une cotte de mailles’”,
explique-t-il. Paru en 2005, Waltenberg est classé 2e meilleur
livre de l’année 2005 par le magazine Lire et reçoit le prix 3 dates clés

Goncourt du premier roman 2006. 1945 : naissance à Tunis


1974 : agrégation de lettres modernes
Actuellement rédacteur en chef adjoint de la plus impor­ 2005 : premier roman, Waltenberg
tante revue française de poésie (Po&sie), professeur à l’Ecole
de la Communication de Sciences Po Paris et à l’antenne
française de la New York University, Hédi Kaddour travaille
sur un projet de roman-monde, qui devrait se dérouler dans
les années 1920 entre les Etats-Unis, le Maghreb et l’Europe.
DR

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Rachid Djaïdani
Le précurseur
Premier écrivain dit “de banlieue”, Rachid
Djaïdani fait, en 1999, une entrée fra­
cassante dans le monde de la littérature
avec son premier roman, Boumkœur, qui
retrace le quotidien des habitants d’une
cité. Rien ne laissait présager que ce jeune
homme d’origine algéro-soudanaise, élevé
dans une cité à Carrières-sous-Poissy
(Yvelines) deviendrait l’auteur d’un
véritable best-seller vendu à plus de
300 000 exemplaires.
Après avoir obtenu deux CAP (maçon et
plâtrier-plaquiste), Rachid travaille à partir
de 15 ans sur les chantiers. Après une
courte carrière de boxeur, il s’oriente vers
le métier d’acteur et enchaîne les rôles au
cinéma, à la télévision et au théâtre. Sa vie
bascule à 25 ans, lorsque la sortie de
Boomkœur le propulse brusquement sur le
devant de la scène. Il publiera par la suite
deux autres romans : Mon nerf, en 2004,
suivi de Viscéral, en 2007.
Las des préjugés sur les jeunes de ban­
lieue, l’auteur utilise son art pour lutter
contre les clichés. “Quand j’écris un roman,
l’idée est de le rendre universel, de construire un
pont entre les beaux quartiers de Paris et
d’ailleurs avec l’autre côté du périph’. Le
problème c’est que les gens, les médias ou autre
cassent ces ponts. Ils pensent depuis toujours
que les jeunes des quartiers n’ont pas plus de
3 dates clés
trois mots dans leur vocabulaire. Ce qui est
extraordinaire aujourd’hui, c’est que des 1974 : naissance
1999 : premier roman,
écrivains issus de ces mêmes quartiers viennent Boomkœur
Ian Gavan/Getty Images pour BFI/AFP

avec des romans qui leur prouvent le contraire”, 2012 : premier long-métrage
déclarait-il en 2007 au site Afrik.com. de fiction, Rengaine
Devenu réalisateur et scénariste, Rachid
Djaïdani a mis la littérature entre paren­
thèses pour se consacrer au documentaire.
En 2012, il a sorti son premier long-
métrage de fiction, Rengaine, qui a été
salué par la critique. L’avenir semble plus
que jamais sourire à cet autodidacte.

NUMÉRO 67 Février 2013 LE COURRIER DE L’ATLAS 63


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Azouz Begag
Le gone de Lyon
Romancier, politicien et chercheur en économie et
sociologie, Azouz Begag mène de front trois carrières.
En publiant plus d’une vingtaine de livres, l’ancien
ministre de la Promotion des chances est l’un des
écrivains maghrébins le plus prolifique de sa
génération. Issue d’un milieu défavorisé, cet
intellectuel d’origine algérienne grandit dans la
banlieue de Lyon. Il voue très tôt une passion à la
littérature, et plus particulièrement aux livres à
caractère social. Ernest Hemingway, Romain Gary,
Albert Camus et Stefan Zweig deviennent, entre
autres, ses auteurs de référence. Encouragé par sa
famille à faire de longues études, il obtint un doctorat
en économie à l’université de Lyon-II.
Venu à l’écriture par hasard, Azouz Begag publie, à
3 dates clés
29 ans, Le Gone de Chaâba, un livre autobiographique
1957 : naissance à Lyon qui raconte son enfance à Chaâba, un bidonville
1986 : premier roman, Le Gone du Chaâba
2012 : dernier roman, Salam Ouessant
de la banlieue lyonnaise. Paru en 1986, ce roman se
voit décerner l’année suivante le prix Sorcières et le
prix Bobigneries. Qu’ils soient autobiographiques ou
non, les écrits d’Azouz Begag évoquent les problèmes
liés à l’immigration, la difficulté d’intégration des
jeunes sans tomber dans le miséra­bi­lisme. L’auteur
Salim Jay y prend la défense des jeunes Français d’origine
maghrébine et valorise leur culture d’origine.
L’amoureux de la littérature Le chercheur au CNRS continue d’écrire ouvrages
pour la jeunesse mais aussi des romans et documen­
Né d’un père marocain musulman et d’une mère française juive taires et des essais. En avril 2007, un mois avant
d’origine roumaine, Salim Jay a vécu les six premières années de sa l’élection présidentielle, il démissionne du
vie à Paris avant de s’installer à Rabat. “C’est sans doute le jour où j’ai gouvernement Villepin et publie Un mouton dans la
entendu pour la première fois mon père réciter l’un de ses poèmes que j’ai baignoire, un livre qui fustige les positions de Nicolas
mesuré le plaisir que cet homme avait à dire un texte qu’il avait composé. Sarkozy à l’égard des musulmans.
J’imagine que ça a été une révélation”, confie-t-il au journaliste Loïc
Barrière, lors d’un entretien en 2002. Féru de littérature, il passe son
adolescence à lire les œuvres d’auteurs maghrébins de langue
française. Précoce, il publie dès 14 ans des chroniques littéraires dans
la presse marocaine. En 1973, à l’âge de 22 ans, le jeune Salim décide Boris Horvat/AFP - Eric Teissedre/Photononstop/AFP
de quitter le Maroc pour tenter sa chance dans la ville des Lumières.
Il y pratique le journalisme et travaille, en parallèle, chez un éditeur
comme lecteur et comme nègre littéraire. 3 dates clés
Il faudra six ans au journaliste écrivain pour se résoudre à passer de
1951 : naissance à Paris
l’ombre à la lumière, avec la publication de son premier roman, 1979 : premier roman,
La Semaine où Madame Simone eut cent ans. Il a depuis rédigé une La Semaine où Madame
Simone eut cent ans
vingtaine de romans et d’essais critiques, dont le Dictionnaire des 2010 : dernier ouvrage,
écrivains marocains, paru en 2005. Il a consacré une partie de son Anthologie des écrivains
œuvre à des écrivains français comme Michel Tournier, Henri marocains de l’émigration
Thomas et Jean Freustié, et à la littérature maghrébine francophone
et aux œuvres romanesques de l’Afrique subsaharienne, rendant
ainsi à la littérature de l’autre rive ses lettres de noblesse.

64 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 67 Février 2013


Nina Bouraoui
La déracinée
Née à Rennes d’un père algérien et d’une mère
bretonne, Nina Bouraoui (Yasmina de son vrai
prénom) a vécu les quatorze premières années de sa vie
à Alger, avant de passer son adolescence entre Paris,
Zurich et Abou Dhabi. A 45 ans, elle a publié une
dizaine de romans, traduits dans plus d’une quinzaine
de langues. Largement autobiographiques, ses œuvres
sont à l’image de son existence faite de déchirements et
de paradoxes. Plus que les livres, c’est la vie qui a donné
à Nina Bouraoui l’envie d’écrire. Mêlant à la fois poésie,
nostalgie et déracinement (elle a vécu son départ
d’Algérie comme un drame), ses livres abordent des
thèmes intimes qui lui sont chers tels que la quête
amoureuse, le déchirement, son homosexualité ou
encore l’identité et ses troubles.
Publié alors qu’elle est âgée de 24 ans, le premier 3 dates clés
roman de Nina Bouraoui, La Voyeuse interdite, remporte
1967 : naissance à Rennes
le prix du Livre Inter et un succès international 1991 : premier roman,
immédiat. Quatorze ans après cette première La Voyeuse interdite
2005 : prix Renaudot pour
distinction, elle obtient en 2005 le prestigieux prix Mes mauvaises pensées
Renaudot, pour son neuvième roman, Mes mauvaises
pensées. Au fil des années et des œuvres, l’écriture de
l’auteure évolue, imposant un style qui lui est propre.
Parallèlement, la romancière se fait un nom dans le
milieu de la musique et met ses talents d’écriture au
profit d’artistes français. Elle a notamment écrit des
chansons pour Céline Dion, Garou ou encore Sheila.
Actuellement en pleine rédaction d’un nouveau roman, Mabrouck Rachedi
l’écrivaine semble avoir de beaux jours devant elle. Le conteur d’histoires
De la Bourse à la littérature, Mabrouck Rachedi n’a eu qu’un
pas à franchir. Titulaire d’un DEA d’analyse économique, l’auteur
a commencé sa carrière en tant qu’analyste financier : “Plus jeune,
j’étais en quête de richesse matérielle. Mes modèles étaient Tony
Montana dans Scarface et Gordon Gekko dans le film Wall Street.
Issu d’un milieu modeste, j’étais animé par le désir de réussir et c’est ce
qui m’a conduit à travailler en bourse. Au bout de quatre ans, j’ai
décidé de tout plaquer car je ne m’épanouissais pas dans ce milieu. J’ai
écouté mon cœur et je me suis consacré à l’écriture.” Une passion
qu’il a développée vers 13-14 ans, après avoir lu Le Père Goriot, de
Balzac. “J’ai été bouleversé et touché par le caractère universel de ce livre.
L’écriture me parut si belle que cela me donna envie d’écrire des histoires.
L’une d’entre elles est l’ébauche de mon premier livre”, confie-t-il.
En 2006, l’écrivain d’origine algérienne concrétise son rêve et
publie, à l’âge de 30 ans, Le Poids d’une âme. Bien accueilli par la
critique, le roman reçoit plusieurs distinctions littéraires.
Suivront Eloge du miséreux. De l’art de bien vivre avec rien du tout
(2007) et Le Petit Malik (2008), un roman parfois comparé au
Petit Nicolas. Cette chronique de la vie d’un jeune de banlieue
Anne Ferrier - Benjamin Chelly

de 5 à 26 ans connaît un tel succès qu’il en écrira la version


féminine avec sa sœur Habiba Mahany, La Petite Malika.
3 dates clés Traduits en plusieurs langues, ses ouvrages sur fond de banlieue
1976 : naissance à Vigneux- rencontrent un bel écho à l’étranger. Editorialiste – il tient
sur-Seine (Essonne)
2006 : premier roman,
notamment une chronique au Courrier de l’Atlas –, écrivain et
Le Poids d’une âme scénariste, l’ex-golden boy a réussi son pari audacieux et vit
2012 : Le Petit Malik sort désormais de sa plume.
au Japon

NUMÉRO 67 Février 2013 LE COURRIER DE L’ATLAS 65


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qui comptent dans
la littérature

Maïssa Bey
La voix des sans-voix
Le passage de la quarantaine est souvent un cap
difficile à traverser. Si, pour certains, il se traduit par
une crise existentielle, pour d’autres, il est l’occasion de
faire le point sur sa vie et de satisfaire de nouvelles
aspirations. Maïssa Bey – Samia Benameur de son vrai
nom – a choisi la seconde option. “Alors que je menais
une vie normale de femme algérienne, j’ai décidé de me
mettre à l’écriture à 40 ans. J’ai longtemps hésité avant de
passer de l’autre côté de la page. J’avais une telle exigence en
tant que lectrice que j’ai longtemps considéré que l’écriture
était un territoire trop sacré pour que je puisse m’y aventurer”,
confie la femme de lettres algérienne.
Fille d’instituteur, Maïssa suit des études univer­
sitaires de lettres à Alger et devient à son tour, à 20 ans,
3 dates clés professeur de français à Sidi-Bel-Abbès (au sud
1950 : naissance
d’Oran). Ce n’est qu’à partir de 1996 qu’elle commence
à Ksar El-Boukhari à écrire secrètement sous le pseudonyme de Maïssa
(Algérie) Bey : “Durant des années, de l’autre côté de la Méditerranée,
1996 : premier roman,
Au commencement j’étais l’écrivaine Maïssa Bey, tandis qu’en Algérie, j’étais
était la mer Samia Benameur, enseignante. Cette double identité était un
2002 : participation moyen de me protéger car nous étions en pleine période noire
à un colloque
consacré à Albert du terrorisme. L’écriture était mon refuge.”
Camus, à Paris Auteure de romans, poèmes, nouvelles et pièces de
théâtre, ses œuvres tentent de briser les secrets et les
tabous de la société algérienne. Elle a reçu de nom­
breuses distinctions, dont le Grand prix des libraires
algériens en 2005. Fondatrice et présidente d’une
association de femmes algériennes, Paroles et écritures,
3 dates clés
Lakhdar Belaïd 1964 : naissance à Roubaix
2000 : premier polar, Sérail Killers
elle poursuit parallèlement à sa carrière d’auteure son
activité de conseillère pédagogique en Algérie.
L’expert en faits divers 2008 : sortie de Mon père, ce terroriste

Agé de 48 ans, Lakhdar Belaïd exerce depuis plus de vingt ans le


métier de journaliste. Traitant l’actualité judiciaire et les faits divers
pour l’édition lilloise de La Voix du Nord, l’écrivain puise son
inspiration dans son métier. Auteur de cinq polars, il a choisi à
chaque fois sa ville natale, Roubaix, comme toile de fond de ses
intrigues. “C’est une ville chère à mon cœur. C’est un lieu chargé d’histoire militant du Mouvement national algérien (MNA) décédé en 1996.
propice à l’imagination. Roubaix a, en effet, été traversé par toutes les “J’ai été très marqué par le passé de mon père. A sa mort, j’ai ressenti le
guerres et les immigrations”, affirme l’écrivain d’origine algérienne. besoin d’écrire. Durant la guerre d’Algérie, il a combattu dans le Nord de
Passionné par les guerres civiles nationalistes (Algérie, Irlande, etc.) la France, au côté de Messali Hadj, contre le FLN. Cette guerre fratricide,
et la Seconde Guerre mondiale, Lakhdar insuffle une dimension très sanglante, a constitué un chapitre douloureux de sa vie. Il n’a jamais
historique à ses romans noirs. Avant d’entamer l’écriture d’un livre, voulu en parler à ses enfants et nous avons grandi avec le poids de ce secret.
il entreprend un minutieux travail d’enquête. Il a notamment C’est sûrement ce qui m’a poussé à l’écriture et au roman noir. Ecrire ce
consacré une trilogie fictive (Sérail Killers, en 2000, Takfir Sentinelle, bouquin était un moyen de tourner la page et de rendre hommage à mon
en 2002 et World Trade Cimeterre, en 2006) aux résurgences de la père”, confie-t-il. Après avoir publié en 2011 Les Fantômes de Roubaix,
guerre d’Algérie à Roubaix. Dans la même veine, il a publié en un roman historico-fantastique, il souhaite désormais se consacrer au
2008 Mon père, ce terroriste, un roman dédié à son père, ancien polar pur et quitter le registre politique.
DR

66 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 67 Février 2013

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