Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
les 15
Franc-Maghs
qui comptent dans
la littérature Chaque mois, nous vous
présentons un palmarès des
Franco-Maghrébins qui se sont
distingués dans leur domaine.
Ce mois-ci, place aux écrivains.
Par Siham Bounaïm
3 dates clés
1958 : naissance
à Oujda
Fouad Laroui
1996 : premier L’érudit
roman, Les Dents
du topographe Fouad Laroui est un ovni dans le monde professeur d’université. Après avoir ensei
2000 : l’année
où il n’a rien écrit de la littérature. Ingénieur, économiste, gné durant six ans l’économétrie et les
chroniqueur littéraire, professeur à sciences de l’environnement, il dispense
l’université d’Amsterdam, écrivain, poète, aujourd’hui des cours de littérature
ce brillant Marocain multiplie les française et d’épistémologie arabe.
casquettes. Tel un chat à plusieurs vies, il Ce touche-à-tout nourrit depuis
a su rebondir et imposer de nombreux toujours une passion pour la littérature.
tournants à sa carrière. Une passion qui l’amène à publier en
Après des études scient ifiques au 1996 son premier roman, Les Dents du
Maroc, Fouad Laroui s’installe à Paris, en topographe. Depuis, il a écrit 12 autres
1979. Il sort diplômé de l’Ecole nationale livres (romans, nouvelles et poèmes), dont
des ponts et chaussées et de l’Ecole des le dernier, L’Etrange affaire du pantalon
mines. A l’approche de la trentaine, après de Dassoukine, est paru en octobre 2012.
avoir dirigé une mine de phosphates Agé de 54 ans, Fouad Laroui aime
au Maroc, il change de vie une première cultiver sa polyvalence. “J’aime les maths et
Fred Dufour/AFP - Hannah
Abdellah Taïa
L’ennemi du mensonge
Ce n’est pas l’amour des lettres mais celui des
images qui conduit Abdellah Taïa à emprunter le
chemin de l’écriture. Avant-dernier d’une fratrie de
10 enfants, l’auteur marocain grandit à Salé au sein
d’une famille pauvre. Très tôt, ce cinéphile désire
étudier le cinéma à Paris pour devenir réalisateur.
Le jeune homme poursuit des études de littérature
française à l’université de Rabat afin d’acquérir un
bon niveau de français. C’est par ce biais qu’il
découvre l’écriture. Cette passion prend de l’ampleur
au sein du Cercle littéraire de l’Océan, un club
d’écriture qu’il fonda à 22 ans avec trois amis. “On se
retrouvait une fois par mois pour discuter, durant quatre
ou cinq heures, des nouvelles qu’on avait écrites. Cette
expérience fut un tournant dans ma vie”, raconte-t-il.
Dès lors, Abdellah Taïa ne lâchera plus sa plume.
Après un bref détour par l’université de Genève,
Abdellah Taïa pose ses valises à Paris en 1999. Alors
qu’il est étudiant à la Sorbonne, il décide de tenter sa
chance et d’envoyer à une maison d’édition une
3 dates clés nouvelle qu’il avait écrite au Maroc. Pari réussi pour
1973 : naissance à Rabat le jeune homme, qui voit ses premiers textes figurer
1999 : installation à Paris dans un ouvrage collectif intitulé Des nouvelles du
2010 : prix de Flore pour
Le Jour du roi
Maroc. L’année suivante, il publie son premier
recueil de nouvelles, Mon Maroc.
L’écrivain gagne la reconnaissance du milieu
littéraire français en 2010, en remportant le prix de
Flore pour son roman Le Jour du roi. Abdellah Taïa,
aujourd’hui âgé de 39 ans, est le premier écrivain
marocain et arabe à affirmer publiquement, dans ses
livres comme dans les médias, son homosexualité :
“Je ne cherche pas à être scandaleux mais à faire évoluer
le Maroc. Les homosexuels ont le droit d’exister et de
vivre dans la dignité et je pense que la littérature se doit
Abderrahim Annag
d’accompagner et défendre toutes les causes.”
Iman Bassalah
La prof reconvertie
A l’âge où les petites filles jouent à la poupée, l’écriture un moyen d’expression privilégié. En quête de stabilité professionnelle, la
Iman Bassalah écrit ses premiers poèmes. Née à Tunis, Iman Bassalah grandit à jeune femme décide de passer le concours de
“Un jour, mon instituteur de CE2 nous a Vincennes, en région parisienne. Elève l’Education nationale et devient professeur
demandé d’apporter des poèmes en classe. studieuse, elle obtient un DESS de lettres de français. Une expérience malheureuse qui
Plutôt que de travailler sur le texte d’un autre, appliquées aux métiers de l’édition et un lui inspirera le thème de son premier livre,
j’ai préféré apporter mes propres poésies. Mon doctorat de lettres modernes. Avant de se Profs Academy, sorti en 2007. “J’étais trop
professeur ne m’a pas cru et m’a accusée de consacrer au métier d’écrivain, elle met ses marginale pour me conformer à l’Education
plagiat”, se remémore-t-elle. D’un naturel qualités rédactionnelles au service de nationale. Un jour, j’ai décidé de tout quitter et
discret et timide, la jeune femme trouve en plusieurs magazines et maisons d’édition. d’écrire un livre relatant sur le ton de l’humour
Rachid Santaki
La plume de caillera
Promouvoir un livre tel un produit, c’est le secret de Rachid Imprégné de culture urbaine, l’ancien journaliste transpose
Santaki. L’écrivain de 39 ans a bien compris que, pour vendre les codes du hip-hop à la littérature afin de casser l’image
ses romans, il fallait avant tout créer le buzz. Expert du street classique du polar et de réconcilier ainsi les jeunes des quartiers
marketing, il a sillonné les banlieues de France et tapissé leurs avec la lecture. “Ce premier essai n’était pas vraiment construit
murs d’affiches pour faire connaître ses livres. “J’ai passé plus mais il m’a ouvert de nombreuses portes. Et surtout, il m’a poussé
de cinq cents heures dans les rues pour la promotion du roman à progresser et à me consacrer à l’écriture de romans noirs”, révèle
Des chiffres et des litres. Mon père était manutentionnaire, je n’ai l’enfant du 9-3. C’est d’ailleurs son département – et plus
jamais eu peur de mettre la main à la pâte”, déclare l’auteur précisément Saint-Denis – qui lui inspireront en 2011 Les
d’origine marocaine. Anges s’habillent en caillera.
Autodidacte, cet ancien éducateur sportif a aiguisé sa plume sur Si ce roman lui apporte la reconnaissance du public, c’est Des
le tas. Après avoir cofondé le site Hiphop.fr en 2000, il lance chiffres et des litres qui le consacrera en 2012 auprès de ses pairs,
trois ans plus tard le magazine 5 Styles. Une aventure de huit ans avec une sélection en finale du Grand Prix de littérature policière.
au cours de laquelle il développe son goût pour l’écriture et qui le En 2013, Rachid a une actualité chargée, avec la sortie de Flic ou
conduit à publier, en 2008, La Petite Cité dans la prairie. Caillera, dernier volet de sa trilogie, et d’un livre au Maroc.
Joël Saget/AFP - Nacym Bouras
3 dates clés
3 dates clés
Ecrivain, poète, essayiste et professeur de littérature comparée, Abdelwahab Meddeb anime depuis
1997 l’émission hebdomadaire Culture d’islam sur France culture. Né en 1946 à Tunis, il grandit dans
une famille conservatrice et pieuse. Son père, professeur et écrivain théologien, lui enseigne le Coran
dès l’âge de 4 ans. Après avoir étudié à l’école franco-arabe et à l’université de Tunis, il s’installe à Paris
en 1967 et s’inscrit en faculté de lettres et d’histoire de l’art. Après une courte de carrière de rédacteur
pour le dictionnaire Le Robert et de lecteur aux éditions du Seuil, il collabore durant quinze ans aux
éditions Sindbad en tant que conseiller littéraire puis directeur de collection. Durant ce laps de temps,
il publie trois livres dont le premier, Talismano, paraît en 1979.
Par ailleurs, Abdelwahab Meddeb fonde en 1995 une revue littéraire baptisée Dédale, qu’il dirige
encore aujourd’hui. Ses œuvres honorent ce qu’il appelle sa “double généalogie”, européenne et
islamique. “J’estime tirer le meilleur des deux cultures, c’est ce qui m’a prédisposé à être dans le siècle, dans le
monde, un écrivain, un poète et un penseur (…) Je suis hors des frontières, quelles qu’elles soient”, confiait-il
au Courrier de l’Atlas en décembre dernier. A partir des années 2000, cet auteur prolifique prend un
tournant et se met à l’essai, au pamphlet et à l’article. Très attentif à l’actualité (notamment en
provenance de Tunisie), il met sa plume au service d’un islam moderne et modéré.
Hédi Kaddour
L’architecte des mots
Ecrivain, traducteur et professeur, Hédi Kaddour est né
en 1945 d’un père tunisien et d’une mère pied-noire d’Alger.
Il passe les douze premières années de sa vie en Tunisie, puis
suit une scolarité sans faute au lycée Henri-IV, à Paris. En
1971, il part enseigner comme coopérant français au Maroc ;
il y restera treize ans, le temps d’y apprendre l’arabe. Reçu
major à l’agrégation des lettres, il rentre en France en 1984
pour enseigner la littérature du XXe siècle à l’Ecole normale
supérieure, où il officiera jusqu’en 2006.
Ce n’est qu’à l’approche de la quarantaine que l’enseignant
se met à l’écriture et plus précisément à la poésie : “Je publiais
mes textes dans des revues poétiques, jusqu’au jour où un éditeur
m’a repéré et m’a proposé de publier mes poèmes.” A partir de 1989,
ses recueils paraissent aux éditions Gallimard. En 1997, il se
met à l’écriture d’un roman, Waltenberg. Il lui faudra plus de
sept ans pour achever cette œuvre colossale de 720 pages, où
défile tout le XXe siècle. “Lorsque j’écris un texte, j’essaye de coller
au plus près à la définition du terme littérature : usage esthétique
de la langue écrite. Pour citer Flaubert, il s’agit d’obtenir un style
‘souple comme la soie et fort comme une cotte de mailles’”,
explique-t-il. Paru en 2005, Waltenberg est classé 2e meilleur
livre de l’année 2005 par le magazine Lire et reçoit le prix 3 dates clés
Rachid Djaïdani
Le précurseur
Premier écrivain dit “de banlieue”, Rachid
Djaïdani fait, en 1999, une entrée fra
cassante dans le monde de la littérature
avec son premier roman, Boumkœur, qui
retrace le quotidien des habitants d’une
cité. Rien ne laissait présager que ce jeune
homme d’origine algéro-soudanaise, élevé
dans une cité à Carrières-sous-Poissy
(Yvelines) deviendrait l’auteur d’un
véritable best-seller vendu à plus de
300 000 exemplaires.
Après avoir obtenu deux CAP (maçon et
plâtrier-plaquiste), Rachid travaille à partir
de 15 ans sur les chantiers. Après une
courte carrière de boxeur, il s’oriente vers
le métier d’acteur et enchaîne les rôles au
cinéma, à la télévision et au théâtre. Sa vie
bascule à 25 ans, lorsque la sortie de
Boomkœur le propulse brusquement sur le
devant de la scène. Il publiera par la suite
deux autres romans : Mon nerf, en 2004,
suivi de Viscéral, en 2007.
Las des préjugés sur les jeunes de ban
lieue, l’auteur utilise son art pour lutter
contre les clichés. “Quand j’écris un roman,
l’idée est de le rendre universel, de construire un
pont entre les beaux quartiers de Paris et
d’ailleurs avec l’autre côté du périph’. Le
problème c’est que les gens, les médias ou autre
cassent ces ponts. Ils pensent depuis toujours
que les jeunes des quartiers n’ont pas plus de
3 dates clés
trois mots dans leur vocabulaire. Ce qui est
extraordinaire aujourd’hui, c’est que des 1974 : naissance
1999 : premier roman,
écrivains issus de ces mêmes quartiers viennent Boomkœur
Ian Gavan/Getty Images pour BFI/AFP
avec des romans qui leur prouvent le contraire”, 2012 : premier long-métrage
déclarait-il en 2007 au site Afrik.com. de fiction, Rengaine
Devenu réalisateur et scénariste, Rachid
Djaïdani a mis la littérature entre paren
thèses pour se consacrer au documentaire.
En 2012, il a sorti son premier long-
métrage de fiction, Rengaine, qui a été
salué par la critique. L’avenir semble plus
que jamais sourire à cet autodidacte.
Azouz Begag
Le gone de Lyon
Romancier, politicien et chercheur en économie et
sociologie, Azouz Begag mène de front trois carrières.
En publiant plus d’une vingtaine de livres, l’ancien
ministre de la Promotion des chances est l’un des
écrivains maghrébins le plus prolifique de sa
génération. Issue d’un milieu défavorisé, cet
intellectuel d’origine algérienne grandit dans la
banlieue de Lyon. Il voue très tôt une passion à la
littérature, et plus particulièrement aux livres à
caractère social. Ernest Hemingway, Romain Gary,
Albert Camus et Stefan Zweig deviennent, entre
autres, ses auteurs de référence. Encouragé par sa
famille à faire de longues études, il obtint un doctorat
en économie à l’université de Lyon-II.
Venu à l’écriture par hasard, Azouz Begag publie, à
3 dates clés
29 ans, Le Gone de Chaâba, un livre autobiographique
1957 : naissance à Lyon qui raconte son enfance à Chaâba, un bidonville
1986 : premier roman, Le Gone du Chaâba
2012 : dernier roman, Salam Ouessant
de la banlieue lyonnaise. Paru en 1986, ce roman se
voit décerner l’année suivante le prix Sorcières et le
prix Bobigneries. Qu’ils soient autobiographiques ou
non, les écrits d’Azouz Begag évoquent les problèmes
liés à l’immigration, la difficulté d’intégration des
jeunes sans tomber dans le misérabilisme. L’auteur
Salim Jay y prend la défense des jeunes Français d’origine
maghrébine et valorise leur culture d’origine.
L’amoureux de la littérature Le chercheur au CNRS continue d’écrire ouvrages
pour la jeunesse mais aussi des romans et documen
Né d’un père marocain musulman et d’une mère française juive taires et des essais. En avril 2007, un mois avant
d’origine roumaine, Salim Jay a vécu les six premières années de sa l’élection présidentielle, il démissionne du
vie à Paris avant de s’installer à Rabat. “C’est sans doute le jour où j’ai gouvernement Villepin et publie Un mouton dans la
entendu pour la première fois mon père réciter l’un de ses poèmes que j’ai baignoire, un livre qui fustige les positions de Nicolas
mesuré le plaisir que cet homme avait à dire un texte qu’il avait composé. Sarkozy à l’égard des musulmans.
J’imagine que ça a été une révélation”, confie-t-il au journaliste Loïc
Barrière, lors d’un entretien en 2002. Féru de littérature, il passe son
adolescence à lire les œuvres d’auteurs maghrébins de langue
française. Précoce, il publie dès 14 ans des chroniques littéraires dans
la presse marocaine. En 1973, à l’âge de 22 ans, le jeune Salim décide Boris Horvat/AFP - Eric Teissedre/Photononstop/AFP
de quitter le Maroc pour tenter sa chance dans la ville des Lumières.
Il y pratique le journalisme et travaille, en parallèle, chez un éditeur
comme lecteur et comme nègre littéraire. 3 dates clés
Il faudra six ans au journaliste écrivain pour se résoudre à passer de
1951 : naissance à Paris
l’ombre à la lumière, avec la publication de son premier roman, 1979 : premier roman,
La Semaine où Madame Simone eut cent ans. Il a depuis rédigé une La Semaine où Madame
Simone eut cent ans
vingtaine de romans et d’essais critiques, dont le Dictionnaire des 2010 : dernier ouvrage,
écrivains marocains, paru en 2005. Il a consacré une partie de son Anthologie des écrivains
œuvre à des écrivains français comme Michel Tournier, Henri marocains de l’émigration
Thomas et Jean Freustié, et à la littérature maghrébine francophone
et aux œuvres romanesques de l’Afrique subsaharienne, rendant
ainsi à la littérature de l’autre rive ses lettres de noblesse.
Maïssa Bey
La voix des sans-voix
Le passage de la quarantaine est souvent un cap
difficile à traverser. Si, pour certains, il se traduit par
une crise existentielle, pour d’autres, il est l’occasion de
faire le point sur sa vie et de satisfaire de nouvelles
aspirations. Maïssa Bey – Samia Benameur de son vrai
nom – a choisi la seconde option. “Alors que je menais
une vie normale de femme algérienne, j’ai décidé de me
mettre à l’écriture à 40 ans. J’ai longtemps hésité avant de
passer de l’autre côté de la page. J’avais une telle exigence en
tant que lectrice que j’ai longtemps considéré que l’écriture
était un territoire trop sacré pour que je puisse m’y aventurer”,
confie la femme de lettres algérienne.
Fille d’instituteur, Maïssa suit des études univer
sitaires de lettres à Alger et devient à son tour, à 20 ans,
3 dates clés professeur de français à Sidi-Bel-Abbès (au sud
1950 : naissance
d’Oran). Ce n’est qu’à partir de 1996 qu’elle commence
à Ksar El-Boukhari à écrire secrètement sous le pseudonyme de Maïssa
(Algérie) Bey : “Durant des années, de l’autre côté de la Méditerranée,
1996 : premier roman,
Au commencement j’étais l’écrivaine Maïssa Bey, tandis qu’en Algérie, j’étais
était la mer Samia Benameur, enseignante. Cette double identité était un
2002 : participation moyen de me protéger car nous étions en pleine période noire
à un colloque
consacré à Albert du terrorisme. L’écriture était mon refuge.”
Camus, à Paris Auteure de romans, poèmes, nouvelles et pièces de
théâtre, ses œuvres tentent de briser les secrets et les
tabous de la société algérienne. Elle a reçu de nom
breuses distinctions, dont le Grand prix des libraires
algériens en 2005. Fondatrice et présidente d’une
association de femmes algériennes, Paroles et écritures,
3 dates clés
Lakhdar Belaïd 1964 : naissance à Roubaix
2000 : premier polar, Sérail Killers
elle poursuit parallèlement à sa carrière d’auteure son
activité de conseillère pédagogique en Algérie.
L’expert en faits divers 2008 : sortie de Mon père, ce terroriste