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des mangroves
Rédaction : Rachel E. Bitoun
Rapport du 30 septembre 2019
Table des matières
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................... 1
1. Etape 0 : Définir l’objectif et les motivations à agir sur les mangroves. ............................................... 15
5. Etape 4 : Enquêter les usagers, leurs traditions, perceptions et besoins en ressources de mangroves27
5.1. Le système socio-écologique mangrove ............................................................................................ 27
5.2. Des structures sociales au profit de la résilience socio-écologique .................................................... 28
5.3. L’enquête sociologique (Annexe 1) ................................................................................................... 29
2. La Guyane française.................................................................................................................................. 51
2.1. Caractéristiques physiques du système côtier vaseux à influence de l’Amazone et des mangroves
guyanaises ........................................................................................................................................................ 51
2.2. Contexte socio-économique guyanais ................................................................................................ 57
2.3. Hypothèses sur les états possibles du système socio-écologique mangrove guyanaise ..................... 58
3. Le Sénégal .................................................................................................................................................. 61
3.1. Caractéristiques physiques des mangroves de la Réserve d’Intérêt Communautaire de la Somone,
Petite-Côte ........................................................................................................................................................ 61
3.2. Contexte socio-économique local ...................................................................................................... 64
3.3. Hypothèses sur les états possibles des mangroves de la réserve de la Somone ................................. 67
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 87
1. Les mangroves
Les mangroves sont une formation arborescente se développant dans la zone intertidale des
espaces littoraux vaseux et lagunaires tropicaux et subtropicaux, entre les marges
approximatives 30° Nord et 30° Sud (Giri et al. 2007, Alexandris et al. 2013). Le terme de
mangrove est utilisé pour désigner à la fois les individus qui composent le massif forestier, et
à la fois l’écosystème dans sa globalité (McLeod and Salm 2006). Certains auteurs distinguent
l’espèce de l'écosystème. Par exemple, pour (Ellison 2000), « mangal » constitue l'écosystème
et « mangrove » l'espèce. Lewis (2005) utilise le terme de « forêt de mangrove » pour
désigner l'écosystème et « mangrove » pour désigner l'espèce. Dans les travaux de recherche
ci-dessous il a été fait le choix de conserver le terme de « mangrove » pour désigner
l’écosystème et l’individu. Les mangroves sont constituées de 60 à 70 espèces (Hamilton and
Snedaker 1984) appartenant à 16 à 19 familles d'halophytes tropicaux (Ellison 2000). Ces
espèces sont caractérisées par une plus ou moins grande tolérance à l’immersion temporaire et
à une salinité importante au-delà d’une température moyenne de 25°C.
L'intégrité d'un écosystème et la santé d'un écosystème sont des indicateurs de bon
fonctionnement d'un écosystème. L'intégrité est attestée lorsqu'un écosystème est en capacité
de maintenir un fonctionnement optimal et dispose d'une composition spécifique et d’une
structure communautaire en cohérence avec un autre écosystème en bon état écologique. La
santé de l'écosystème est jaugée au regard de son stade écologique de référence (SER, 2004)
en comparaison à un écosystème similaire considéré en bonne santé.
Tableau 1 : Catégories de Solutions Fondées sur la Nature et exemples associés (UICN 2018).
Type d’action Objectif Exemples de concepts associés
Protection Favoriser la préservation d’écosystèmes Aires protégées
fonctionnels en bon état écologique
Gestion Promotion d’une gestion et d’une utilisation par Gestion intégrée des zones
l’Homme durable des écosystèmes côtières
Restauration Restaurer les écosystèmes dégradés Restauration écologique,
ingénierie écologique
La protection des écosystèmes s'appuie notamment sur le concept d'aires protégées, définies
par l’UICN comme étant des « espaces géographiques clairement définis, reconnus, dédiées
et gérés, afin de favoriser la conservation à long terme de la nature, des services
écosystémiques et des valeurs culturelles qui y sont liées ». La protection s'appuie sur une
protection réglementaire (exemples : l'aire marine protégée, le cœur de parc national, une
réserve naturelle), contractuelle (parcs régionaux, par exemple), ou foncière (sites du
conservatoire du littoral). Par exemple, la création et la gestion d’une réserve naturelle pour la
gestion de mangroves peut contribuer à réduire les risques littoraux d’un territoire et protéger
les enjeux humains en arrière de celle-ci.
• Conservation et préservation
L’interprétation de la littérature étrangère mérite une attention particulière. Par exemple, aux
Etats-Unis, la conservation est moins stricte que la préservation (Depraz 2013). Selon ibid., le
préservationnisme constitue une approche radicale à la protection environnementale dans
laquelle la nature acquiert une valeur intrinsèque, nécessitant une protection pour elle-même
sans autre motif préalable. Tandis que le conservationnisme propose une non-exclusion de
l'Homme dans la nature, donc de ne pas altérer les usages fait de la nature par une protection
de celle-ci trop stricte. La conservation implique alors une gestion raisonnée de la nature,
respectueuse des équilibres naturels et selon un usage raisonnable des ressources.
Les techniques de restauration des écosystèmes font souvent appel à l’ingénierie écologique
(IE), dont l’objectif est de concevoir des techniques d’ingénierie durables fondées sur la
connaissance écologique des écosystèmes. L’ingénierie écologique implique l’utilisation de
matériaux naturels, d’organismes vivants et de leur environnement physico-chimique (UICN
2018) « pour résoudre des problèmes techniques liés aux activités humaines » (Aronson
2010). Elle vise à protéger (mesures de protection) des systèmes écologiques, à les restaurer
en les modifiant de façon à accroître la qualité, la quantité et la durabilité des services qu’ils
produisent, en créant (création) de nouveaux systèmes écologiques, ou en les réaffectant
(réaffectation) vers de nouveaux usages.
La Society For Ecological Restoration (SER) dans son rapport de 2004 a défini les grands
concepts, faisant aujourd’hui autorité, en matière de restauration écologique. Dans son
acception large, la restauration écologique, plus rarement appelée la restauration des
écosystèmes, est définie comme le processus d'assister l'auto-régénération des écosystèmes
qui ont été dégradés, endommagés ou détruits. Plus précisément, la restauration écologique est
une action intentionnelle qui initie, accompagne, ou accélère le rétablissement d’un
écosystème perturbé à une condition naturelle passée (Brown et al. 2014) au plan structurel,
fonctionnel et paysager (Aronson 2010).
• La dégradation
Pour orienter le plan de restauration, un état de référence doit être établi sur des bases
expérimentales ou théoriques basées sur des connaissances écologiques de l'écosystème. Cet
état de référence correspond à une trajectoire écologique, historique ou attendue, considérée
comme réaliste et souhaitable en raison de son aptitude à reproduire les caractéristiques et le
fonctionnement naturel de l’écosystème (Barnuevo et al. 2017). La SER (2004) définit la
trajectoire écologique comme un chemin évolutif d’un écosystème au cours du temps. La
trajectoire prend en compte tous les attributs écologiques d’un écosystème, c’est-à-dire les
facteurs biotiques et abiotiques, mais aussi la connectivité de l’écosystème avec le paysage.
La restauration écologique se met en œuvre à l'échelle du paysage afin de garantir un
recouvrement fonctionnel des flux avec les écosystèmes adjacents.
Dès 1995, la SER a proposé une distinction nette entre réhabilitation et restauration
écologique. La réhabilitation comme la restauration écologique, s’appuie sur une trajectoire
historique de l’écosystème. Mais, à la différence de la restauration écologique qui a pour
objectif de recouvrer l’intégrité écologique des écosystèmes, la réhabilitation insiste sur une
composante particulière ciblée dès la conception du projet (par exemple planter des
mangroves afin de maximiser les services de production de bois). La réhabilitation est la
« réparation jusqu’à un niveau déterminé de certains processus, de fonctionnalités et de
services écologiques propres à l’écosystème de référence » (Aronson 2010). La recherche
s'accorde à dire que la restauration écologique peut alors être perçue comme un cas particulier
de la réhabilitation, e.g. : Ellison (2000) ; Dale et al. (2014). En effet, la restauration répond à
un objectif de réhabilitation, mais inversement, ceci n'est pas vrai la réhabilitation ne répond
pas à un objectif de la restauration.
Pour que la gestion des mangroves soit efficace, elle doit être intégrative à l’échelle de la zone
côtière, en raison de l’interconnectivité et l’interdépendance entre les écosystèmes côtiers
(Quesada-Alpizar and Cortés 2006). Ce processus de prise de décision passe par la
connaissance, la zonation, la conservation et la réglementation des usages. Les études sur le
milieu physique doivent s’accompagner d’études socio-économiques puisqu’une bonne
stratégie de gestion doit aussi passer par l’éducation, l’adaptation de la législation
environnementale, la coopération et la coordination inter-institutionnelle entre secteurs privés
et publics.
Pour réhabiliter les mangroves efficacement, il est préconisé unanimement dans la recherche
(PR-ZH 2018, Hamilton and Snedaker 1984, Schmitt and Duke 2015) le suivi de plusieurs
étapes successives issues de la méthodologie Ecological Mangrove Restoration : EMR (Lewis
and Brown 2014) développé par le pionnier de la restauration écologique des membres, Dr. R.
R. Lewis au sein du groupe Mangrove Action Project.
Dans cette partie, sont discutés les différents objectifs pouvant être mis en avant pour la
gestion des mangroves ainsi que les mesures adaptées à la réponse de chacun de ces objectifs
(Figure 3). Si de multiples actions peuvent être entreprises en mangrove, la question est de
savoir ce qui dans un premier temps pousse à agir (motivations), puis de savoir l’intérêt d’une
gestion/réhabilitation sur un site en particulier. Dans son étude, Schöning (2014) fixe comme
première étape à toute réhabilitation la définition de « l’identité du système ». L’identité du
système (écologique et/ou social) doit être définie collectivement afin de parvenir à trois
accords : (1) un accord sur l’état désiré du système ; (2) un accord sur les limites physiques du
système ; (3) un accord sur les seuils critiques du système (basculement d’un régime
écologique vers un autre).
Figure 3 : Organigramme décisionnel des actions à entreprendre en mangrove en fonction de l'objectif visé et
des caractéristiques du site sélectionné, adapté et modifié d’après Schmitt and Duke (2015) et Eggermont et al.
(2015). La reforestation fait référence à la plantation de palétuviers sur une zone où la mangrove était
auparavant présente mais où elle peine à se régénérer alors même que les conditions environnementales sont
propices à son développement. L’afforestation quant à elle, est l’action de planter là où l’espèce ne se développe
pas ou là où elle ne peut plus se développer.
Les objectifs mis en avant dans les programmes dits de « restauration » sont parfois en
contradiction avec les principes de la restauration. Dans la revue de littérature d’Ellison
(2000), 37% des études analysées portent les intérêts de la silviculture en objectif principal de
restauration (Tableau 2), or une mangrove gérée pour l’extraction du bois n’aura pas des
caractéristiques écologiques qu’une mangrove dite « naturelle ».
Tableau 2 : Objectif principal des études portant sur la restauration des mangroves recensés par Ellison (2000).
Selon Ellison (2000), l'écologie des mangroves est bien connue mais trop peu mobilisée dans
la conception des programmes de réhabilitation. Dans sa revue de littérature, pour tous les
projets recensés, l’auteur observe l’absence d’évaluation de l’ensemble des critères
nécessaires à la mise en œuvre d’un tel programme, fondé souvent sur l’évaluation d’un ou
deux critères.
Selon la FAO (2007), entre 1980 et 2000 il est estimé que les mangroves régressent de
180 000 ha par an, soit une perte cumulée de 35% de la surface de l’écosystème. Les
mangroves, menacées notamment par leur conversion en fermes aquacoles et par
l’urbanisation, sont pourtant des écosystèmes côtiers d’importance pour l’Homme en raison
de la multitude de services qu’elles fournissent et pour leur rôle clé dans la mitigation des
effets du changement climatique.
La mangrove est une ingénieure de l’adaptation côtière (Cheong et al. 2013) jouant un rôle clé
dans l’atténuation des aléas littoraux et de l’élévation du niveau de la mer, corollaires des
changements climatiques. Cet écosystème côtier constitue une barrière naturelle (bioshield)
permettant de limiter l’impact mécanique de la houle et la propagation des submersions. Selon
Barbier et al. (2008), en présence de mangrove l’atténuation des effets des tempêtes est
significative jusqu’à 5 km à l’intérieur des terres. Tandis que selon Zhang et al. (2012), en
l’absence de mangroves les inondations auraient une surface de propagation 70% plus grande.
Les mangroves sont des organismes adaptés à la survie dans un environnement stressant en
continuel changement au rythme des marées (Lewis and Brown 2014). La colonisation des
mangroves est principalement conditionnée par le type du substrat, le degré d’exposition aux
vents et aux houles, le débit fluvial, l’inondation tidale, la salinité interstitielle et le type de
sédiment. Les mangroves se développent mieux où les précipitations sont abondantes et
distribuées de façon homogène tout au long de l’année. Ainsi, les massifs les plus larges se
retrouvent dans les régions équatoriales humides (e.g., Sunderbans au Bangladesh, Malaisie,
Indonésie, Papouasie Nouvelle-Guinée) bien que les mangroves puissent s’adapter à diverses
conditions climatiques, certaines mêmes arides (e.g., mangroves de désert au Mexique,
Figure 6). Les précipitations contrôlent la salinité dans l’environnement des mangroves et la
salinité quant à elle contrôle la zonation des espèces (Kjerfve 1990). En effet, les palétuviers
ont une résistance variable à la salinité mais la plupart étant des halophytes facultatifs, la
Tableau 3 : Salinité des eaux interstitielles par genre de palétuviers d’après Lugo and Snedaker (1974),
Hamilton and Snedaker (1984), Kjerfve (1990).
Genre Localisation Salinité
Avicennia Australie 90 ppt
Afrique de l’Est 90 ppt
Porto Rico 60-67 ppt
Le substrat principalement colonisé par les mangroves est composé d’importantes quantités de
sables alluvionnaires et de vases de faible granulométrie se déposant sur les vasières
intertidales, les deltas, les estuaires, lagons, et autres configurations littorales peu exposées
(Kjerfve 1990). Les deltas constituent les zones de prédilection pour le développement de
mangroves en raison de l’environnement de faible énergie qu’elle procure et de l’importance
des apports alluvionnaires sur la plaine deltaïque propice à l’ancrage des palétuviers. Au
contraire, les milieux à forte énergie comme certaines plages ouvertes sont moins propices à
leur développement. Les courants d’arrachement freinent la croissance des individus et les
dépôts sédimentaires marins favorisent l’asphyxie des pneumatophores.
Figure 4 : Profil d'une mangrove de Nouvelle-Calédonie avec indication des valeurs moyennes de salinité,
d'après EMR 2014, in. PR-ZH (2018).
L’étude du régime hydrologique doit fournir des éléments de réponses sur le potentiel de
survie des palétuviers. Il est nécessaire de comprendre les éléments suivants :
• La capacité des propagules à se disperser vers une nouvelle zone pour coloniser de
nouveaux terrains et ainsi promouvoir la diversité génétique régionale en palétuviers ;
• Les processus physiques à l’œuvre sur les zones intertidales pouvant affecter
l’établissement des palétuviers et leur croissance. Il s’agit notamment des conditions
d’inondation tidale (profondeur, durée, fréquence) et du régime de houle ;
• La tolérance des différentes espèces de palétuviers à ces processus physiques.
A partir des classes d’inondation, Lugo and Snedaker (1974) ont divisé les mangroves en cinq
catégories physionomiques fondées sur leur position géographique et l’inondation tidale
auxquelles elles sont soumises :
• Forêt fluviale (Riverine forest) : présentes sur les plaines d’inondation et le long des
bassins de drainage des rivières, inondées par la plupart des marées et entièrement
noyées en saison humide. Cette catégorie physionomique a été la plus endommagée
par la conversion en fermes aquacoles (Wolanski et al. 1992).
Figure 5 : Les mangroves du Rio Sierpe, Osa, Costa Rica, un exemple de forêt fluviale (Crédit : Pam Solano).
• Forêt de bassin (Basin forest) : présentes sur les dépressions humides partiellement
fermées, inondées par seulement quelques marées en saison sèche et inondées par la
plupart des marées en saison humide.
Figure 7 : Un exemple de mangrove littorale à Macouria, Guyane française (Crédit : Frédéric Larrey).
• Forêt submergée (Overwash forest) : présentes sur les îles de faible élévation et les
péninsules, entièrement submergées par toutes les marées.
Figure 8 : Exemple de forêt submergée aux Philippines (Crédit : Pohon Mangrove, IST).
• Forêt « naine » (Dwarf forest) : présentes sur des zones planes, inondées par les
marées qu’en saison sèche et sont ainsi majoritairement sèches au cours de l’année.
L’influence des externalités sociales sur les écosystèmes ont longtemps été occultées par les
gestionnaires (Schöning 2014). Pourtant, dans les faits, les externalités sociales influencent le
réseau social, les arrangements institutionnels, l’utilisation de la ressource naturelle, les
savoirs traditionnels et la mémoire sociale. Fent et al. (2019) dans leur étude sur l’influence
des instabilités politiques sur l’extraction illégale de bois de mangroves à la frontière entre le
Sénégal et la Gambie, notent que seules les approches de recherche pluridisciplinaires, à la
croisée entre le social, le politique, l’économique et les sciences naturelles permettent la
compréhension des causes de dégradation des mangroves. Herrero-Jáuregui et al. (2018)
ajoutent que l’ensemble des critères d’étude (socioéconomique, écologique et biophysique)
doivent être ramenés sur une échelle commune, ce qui pose des difficultés méthodologiques
importantes. L’ensemble de ces facteurs sont autant d’éléments à considérer lors de la
conception de programmes de réhabilitation afin de maximiser leur succès. Il s’agit
d’analyser, au moyen d’enquêtes sociologiques, quelles sont les structures et les interactions
sociales qui favorisent ou freinent le développement des mangroves, ainsi que les activités
humaines contribuant à leur récupération/destruction. De plus, et surtout lorsque la cause de
dégradation est anthropique, il est préférable que le programme de réhabilitation ait impliqué
les populations afin de promouvoir son acceptabilité (PR-ZH 2018). L’implication des
populations dans le processus décisionnel favorise la durabilité écologique, économique et
sociale des actions entreprises (Datta, Chattopadhyay and Guha 2012).
Les mangroves ne peuvent êtres pensés comme des systèmes écologiques fermés. A contrario,
un raisonnement en termes de système socio-écologique intègre et analyse conjointement les
interactions sociales et écologiques existantes sur un territoire donné (Bergamini et al. 2014,
Davies et al. 2016, Nemec et al. 2014). La résilience d’un tel système (résilience socio-
écologique) traduisant ainsi la capacité d’un écosystème à absorber les perturbations d’origine
naturelle ou anthropique et à se réorganiser, mais aussi la capacité d’une société à s’adapter à
la réorganisation de l’écosystème (Herrero-Jáuregui et al. 2018). Se pose ainsi la question du
La dégradation des mangroves impacte directement le système social selon un degré corrélé
positivement avec la dépendance à la ressource (Santos et al. 2017). Dans certaines régions du
monde, les populations peuvent être particulièrement dépendantes du devenir des mangroves.
Par exemple, il a été estimé qu’autour de l’estuaire de São Francisco (Brésil), près de 90% de
la population dépend économiquement des ressources en mangrove (ibid.).
Inversement, l’homme et les structures institutionnelles jouent aussi un rôle important dans la
résilience des mangroves. La gouvernance (acteurs et institutions) et les modes de gestion qui
en découlent (procédure, plan, stratégies) sont intrinsèquement liés au devenir des mangroves,
fortement influencées par les structures sociales les entourant. La gouvernance
environnementale est selon Salles and Leroy (2013) « un processus de négociation et de
décision qui […] favorise des interactions négociées entre une pluralité d’acteurs concernés
par la régulation d’un problème commun. » La gouvernance se veut décentralisée, avec une
action menée au plus près de la question à résoudre en promouvant une coopération
horizontale et verticale. La gouvernance environnementale est le reflet de l’organisation des
acteurs et les règles qui structurent leur relation en vue de la gestion d’un bien commun (ici,
les mangroves). La gouvernance peut se structurer spontanément avec l’émergence d’un
nouveau problème écologique à résoudre (e.g., aléas côtiers, pénurie en ressource naturelle),
mais elle est également dépendante du contexte historique socio-économique local et de la
relation préexistante entre les acteurs (López-Angarita et al. 2016). Le jeu d’acteurs est
marqué par deux extrêmes allant de la coopération au conflit se manifestant par deux
corollaires de la relation à l’environnement allant de la cohabitation à la domination
(Sébastien 2006). L’étude de ce rapport explicite les relations de pouvoir entre acteurs,
élément clé de l’action collective, de la négociation, et constituant une piste de réflexion
supplémentaire sur les raisons pour lesquelles les programmes de réhabilitation peuvent
En Annexe 1 est proposée une grille d’enquête réalisée durant la thèse. Cette grille a pour
objectif de mettre en évidence, par l’analyse du discours des utilisateurs et gestionnaires
territoriaux, les interactions à l’œuvre entre les parties. Les interactions sociales
constituent un cadre d’analyse des conflits et de modes de coopération existant entre
groupes formés autour de la gestion d’un écosystème. De plus, le droit coutumier et les
arrangements locaux peuvent prendre une place importante dans la gestion des ressources
naturelles dont les dispositions sont difficiles à analyser finement sans consultation
préalable des populations locales. L’enquête sociologique se veut en capacité à ouvrir
l’échange sur la réalité de la vie locale en zone de mangrove et amener à une analyse des
freins sociaux ou institutionnels pouvant exister localement.
Le site de restauration écologique doit être sélectionné avec précaution. Il est nécessaire de
vérifier si la zone pressentie était auparavant peuplée par les mangroves (Hamilton and
Snedaker 1984), mais aussi de définir la cause de leur perte et veiller à supprimer la source de
pression avant d’envisager tout programme de réhabilitation sur site (Schmitt and Duke
2015). Les zones dénudées de mangrove peuvent présenter des conditions environnementales
inadaptées au développement des mangroves pour plusieurs raisons (e.g., milieu hypersalin ou
topographie trop importante pour la croissance des palétuviers).
Dans de bonnes conditions environnementales, il est estimé une durée de 15 à 30 années pour
que la succession secondaire des mangroves soit achevée (GNF 2015, Ellison 2000). En
revanche, de la destruction des mangroves sur un site, s’en suit généralement une
modification sédimentaire et hydrologique accroissant le risque d’acidification du sol et
d’érosion côtière, pouvant ainsi rendre le site inadapté au développement des mangroves
(Ilman et al. 2016). Les dommages sont parfois irréversibles, auquel cas la réhabilitation ne
doit pas être envisagée. Le choix du site est donc fondé sur les résultats des étapes 1 à 4 afin
de parvenir à une prise de décision éclairée basée sur un ensemble d’éléments, tels que :
La reforestation (i.e., plantation) de palétuviers est une solution de dernier recours et doit être
employée seulement après avoir exécuté les étapes précédentes (Figure 2). Il convient d’abord
de supprimer les sources directes de pression sur l’écosystème, puis de rétablir des conditions
environnementales propices au développement des mangroves. Seulement enfin, s’il est
observé une absence de régénération naturelle des mangroves est-il possible d’envisager une
assistance supplémentaire par reforestation, après avoir identifié les causes de l’échec des
mesures précédentes. Généralement, la reforestation n’est pas nécessaire si les conditions
environnementales propices au développement des mangroves sont assurées (GNF 2015).
Pourtant, d’après Lewis (2005), "for the majority of papers written on mangrove restoration,
there is an immediate assumption that mangrove restoration means mangrove planting"
(p.409) (i.e., « la majorité des articles relatifs à la réhabilitation1 des mangroves prennent
comme hypothèse immédiate que la réhabilitation des mangroves signifie plantation de
mangroves »). La plantation peut être une étape nécessaire de la réhabilitation, dès lors que le
rétablissement de conditions hydrologiques et topographiques propices aux mangroves n’ont
pas permis une reprise de la croissance des palétuviers. Cependant, la plantation seule ne peut
être considérée comme une action restauration écologique, il s’agit de l’une des actions
possibles pour réhabiliter un milieu (Figure 3).
Le genre Rhizophorae est le plus économique et le plus facile à planter (Hamilton and
Snedaker 1984), si bien que de nombreux projets de reforestation ont planté de larges couverts
de Rhizophorae (Primavera et al. 2016) sans prise en compte de la structure des communautés
végétales locales. Les propagules peuvent être collectés et stockés pendant 20 jours dans un
conteneur humide avant d’être plantés. Les graines d’autres espèces peuvent aussi être
ensemencées manuellement (e.g., Avicennia, Heritiera, Laguncularia, Cynometra). Les
1
Dans la citation le mot « restoration » est traduit en « réhabilitation » car il ne s’agit pas spécifiquement de
restauration écologique (Cf. Partie 1). Dans son article, Lewis (2005) utilise la définition donnée dans Lewis, R.
& B. Brown (2014) Ecological mangrove rehabilitation—a field manual for practitioners. version 3. Mangrove
Action Project Indonesia, Blue Forests, Canadian International Development Agency, and OXFAM, 275. Il
s’agit d’un retour de l’écosystème perturbé ou altéré vers une condition naturelle ou altérée auparavant existante
à l’aide d’actions humaines volontaires dont le succès n’est pas mesuré par des critères quantifiables depuis un
état de référence.
Chaque espèce doit être plantée dans une zone conforme à l’influence de l’inondation tidale
qu’elle peut supporter et conformément avec le degré d’exposition aux houles à laquelle elle
résiste (Hamilton and Snedaker 1984). Cette information peut être déduite par l’observation
de la zonation des espèces sur un site de référence à proximité directe du massif à replanter. Si
une telle zone de référence ne peut être trouvée (e.g., destruction de toutes les mangroves
avoisinantes) il est nécessaire de modéliser les profondeurs tidales et les durées d’inondation
sur le site de reforestation. Les espèces les plus résistantes à la submersion (et en cohérence
avec les espèces présentes localement) doivent être placées sur le rebord maritime du site de
reforestation. Idéalement, la reforestation est à faire en arrière d’une mangrove frangeante ou
derrière une barrière de protection de palétuviers transplantés ou en arrière d’halophytes natifs
(e.g., Spartina) afin de préserver les semences de l’énergie des houles et des courants
Les plants plus âgés ont un système racinaire bien développé et peuvent
ainsi mieux s’ancrer dans la zone réceptrice. La protection côtière est
Avantages assurée plus rapidement par transplantation que par reforestation.
8.1. Le suivi
Etant donné la forte mobilité de l’écosystème, seul un suivi régulier sera en mesure d’analyser
la cause d’un changement (Schmitt and Duke 2015) et si ce changement constitue une
fluctuation cyclique régulière (e.g., activité cyclonique) ou anormale (e.g., déforestation
anthropique). En effet, il faut savoir distinguer ce qui ressort de la dynamique naturelle de
perturbation de l’écosystème et ce qui ressort de la perturbation exceptionnelle ou anthropique
(Twilley et al. 1999). Primavera et al. (2016) recommandent de faire un suivi systématique
après chaque événement météorologique. Ils proposent un délai de +18 mois pour un
événement de catégorie 5, puis un suivi de +5 ans afin d’évaluer la mesure dans laquelle les
mangroves sont localement résistantes et résilientes, le cas échéant, dans quelle mesure les
mangroves ont-elles besoin d’assistance anthropique. La perturbation naturelle est une
dynamique normale de l’écosystème et contribue au maintien de son bon état écologique en
accroissant la mortalité des arbres matures (Fromard, Vega and Proisy 2004), moins résilients,
et ainsi en accélérant la succession secondaire, la complexité structurale du massif, et donc
son équilibre (Lugo and Snedaker 1974).
Durant les travaux de thèse, ont été construits les prémices d’indicateurs pouvant servir à
l’évaluation du succès d’un projet de réhabilitation des mangroves et de la résilience des
structures sociales associées à l’écosystème. Ces indicateurs sont de trois types : les
indicateurs physiques, écologiques et sociaux.
A partir d’images satellites faciles d’accès, de type SENTINEL-2 de résolution 10m sur les
bandes 8, 4 et 3 sur USGS Earth Explorer par exemple, réaliser une classification sur image
par maximum de vraisemblance. L’objectif est de calculer la variation dans le temps de
chacune des classes étudiées. Une augmentation de la part des surfaces artificielles traduit
directement une perte en milieux agricoles ou naturels. L'analyse fine des données
d’occupation des sols permet de savoir quels sont les types d'occupation du sol qui ont été
artificialisées et leur part relative, et donc de connaître la pression exercée par
l'artificialisation sur les milieux naturels.
Etapes :
• Séparation des grandes unités paysagères : masses d’eau, naturel, agricole, urbain
• Classification sur chacune de ces unités
▪ Mangrove : mangrove mature, forêts d’arrière-mangrove et marécageuse à
végétation basse, mangrove pionnière selon les possibilités offertes par la
résolution, trous de canopée, tannes.
▪ Agricole : classification simple de l’évolution parcellaire des champs,
délimitation du cadastre parcellaire.
▪ Urbain : classification simple de l’emprise (les contours) de la tâche urbaine,
interprétation visuelle des formes urbaines (étalement, concentrique, patch
individualisés) et mesure de taux d’artificialisation du territoire.
Cet indicateur vise à discriminer les réponses des mangroves aux pressions liées à leur
variabilité naturelle de celles liées au changement climatique : submersions marines (niveau
d’exposition aux courants et au régime de houle dominant) et autres évènements
météorologiques exceptionnels (fréquence des ouragans2 et trajectoire probable, temps écoulé
2
Les données cycloniques sont à trouver sur la base de données IBTrACSv04 (Knapp, K. R., M. C. Kruk, D. H.
Levinson, H. J. Diamond, and C. J. Neumann, (2010) The International Best Track Archive for Climate
Stewardship (IBTrACS): Unifying tropical cyclone best track data. Bulletin of the American Meteor. Society, 91,
363-376. URL: ftp://eclipse.ncdc.noaa.gov/pub/ibtracs/v04r00/provisional/shapefiles/). Il est possible d’extraire
les événements ayant traversé le territoire régional ainsi que les informations pertinentes en vue de l’étude de
l’exposition territoriale au risque cyclonique (e.g. : année, bassin, nom de l’événement, nature et catégorie de
l’événement, coordonnées, vitesse du vent et de l’événement converties de nœuds en km/h, pression).
1/ Création de carroyage : A partir du polygone du site d’étude (région ou île entière), création
d’une grille de 1km*1km / outil Créer un quadrillage (Gestion de données) /. Convertir le
quadrillage en polygone, puis extraire les carreaux littoraux, / outil Entité vers polygone
(Gestion de données) /. Créer des points d’étiquettes / cell height and width = 0,01 /.
L’indicateur est calculé pour chaque cellule de la grille. C’est la somme des variables divisée
par le nombre de variables (Equation 1). Chaque variable est évaluée sur une échelle
normalisée de 0 à 5 (Tableau 5).
Equation 1
Forte Progradation Erosion Taux d'évolution du trait de côte sur une période d'au moins 50 ans. A évaluer
Evolution côtière Stable Forte érosion
e progradation modérée +1.0- moyenne à partir d'images satellites et de l'extension ArcGIS DSAS. S'assurer à garder
(mm.an-1) +0.9-0 <-2.0
>+2.00 1.9 -1.0- -1.9 un pas de temps régulier dans l'acquisition des images.
Niveau relative du
f niveau marin <0.0 0.0-0.9 1.0-2.0 2.1-3.0 >3.1 Données des marégraphes.
(mm.an-1)
H moyen vagues
g 0.0-0.5 0.6-1.0 1.1-1.5 1.6-2.0 >2.1 Données des marégraphes.
(m)
21-50 51-200 <201
h Démographie Inhabité <20 hab./km²
hab./km² hab./km² hab./km²
Dépressions Cyclones International Best Track Archive (IBTrACSv04) : l’analyse des changements
Territoire non Typhons Typhons
i Activité cyclonique humides tropicaux post-événements majeurs a pour objectif d’évaluer la résilience du système
touché annuels pluriannuels
annuelles annuels écologique aux événements météo-marins.
• Diversité écologique
C’est la diversité en espèces relative à la diversité de référence. Cet indicateur est fondé sur
les observations de terrain et la littérature scientifique. L’objectif est de calculer la richesse
spécifique et l’abondance relative afin de discriminer les mangroves plantées des mangroves
naturelles.
• Connectivité écologique
Elle vise à caractériser le niveau de connectivité paysagère en relevant toutes les entraves
hydrologiques faisant pression sur l’hydrologie, l’hydromorphologie et donc sur le potentiel
de dispersion des propagules (connectivité génétique) : localisation des ouvrages, des drains
agricoles.
• Régénération
L’écosystème est-il en capacité à se régénérer ? La régénération se mesure à partir du ratio
entre les arbres morts et les jeunes plants. Elle s’apprécie à partir d’un taux de régénération
(en %) de référence, mesuré sur le site de référence sélectionné pour chaque site de
réhabilitation.
• Protection de la mangrove
Cet indicateur sort du contexte limité de la région d’étude pour s’intéresser à la part de surface
nationale de mangroves protégées et évalue les moyens techniques mis en œuvre pour
atteindre les objectifs de conservation. Dans cet indicateur la motivation des acteurs à
préserver la mangrove et les objectifs qu’ils mettent en priorité (services productifs,
mitigation des effets du changement climatique) sont à apprécier à partir du questionnaire
développé en Annexe 1.
• Usage de l’écosystème
Il s’agit ici d’identifier les usages passés et actuels des mangroves et des paysages adjacents
de la zone d’étude et d’identifier avec les acteurs les alternatives économiques possibles. Les
usages adjacents à la mangrove présentent-ils un risque pour l’écosystème ?
Mode d’analyse : SIG, entretiens, étude des documents relatifs à la gestion des effluents
urbains. Analyse du régime foncier réglementaire et coutumier.
Au Costa, plus de 80 forêts de mangroves sont sous statut de protection, pour une surface
totale de 41 000ha, dont 99% sont situées sur la côte Pacifique (FAO 2005). Les zones
importantes de mangroves se situent autour du golfe de Nicoya, Tivives, Térraba-Sierpe au
sud du pays. Le régime de marée costaricien est de type semi-diurne avec un marnage méso-
tidal d’une moyenne de 3 mètres. Les courants côtiers affectent l’ensemble de la côte
Pacifique et prennent une direction du sud-est vers le nord-ouest avec une vélocité moyenne
de 30,1 à 51,4 cm.s-1 (Quesada-Alpizar and Cortés 2006).
Jiménez and Ricardo Soto (1985) décomposent la mangrove costaricienne en trois types de
structures : la mangrove nucléaire, la végétation marginale et la végétation marginale
facultative sur les zones de faible salinité. La mangrove nucléaire, détaillée dans le
Tableau 6, constitue la mangrove pure dominante des massifs du Pacifique.
Tableau 6 : Espèces de mangroves pures présentes dans la mangrove côtière du district de Chomes (Agraz
Hernández et al. 2018, Echeverría-Sáenz and Nelson 2011, Jiménez and Ricardo Soto 1985).
Famille Gène Espèce
Acanthaceae Juss., 1789 Avicennia L., 1753 Avicennia bicolor Standl., 1923
Avicennia germinans (L.) L., 1764
Combretaceae R., 1810 Laguncularia C.F. Gaertn., 1807 Laguncularia racemosa (L.) C.F. Gaertn., 1807
Conorcarpus Conocarpus erectus L., 1753
Rhizophoraceae Pers., 1806 Rhizophora L., 1753 Rhizophora harrisonii Leechman, 1957
Rhizophora mangle L., 1753
Rhizophora racemosa G. Mey., 1818
Tetrameristaceae Hutch., 1959 Pelliciera Planch & Triana, 1862 Pelliciera rhizophorae Planch. & Triana, 1862
La végétation marginale est adjacente à la végétation nucléaire sur les sols élevés et irrigués
par des eaux saumâtres. On y retrouve par exemple des mangroves pures comme Conocarpus
erecta L. sur toute la côte sur le bord interne de la mangrove ou la berme de plage, sur les
sites inondés seulement durant les pleines mers les plus hautes ; ou des espèces associées à la
mangrove comme Annona glabra, Hibiscus tilaceus L. ou Pavonia spicata ; ainsi que des
espèces herbacées : Acrostichum aureum, Crinum erubesceus, Hymenocalis littoralis,
En revanche, la zonation de ces espèces n’est pas uniforme le long de la côte Pacifique. Elle
est dépendante du régime climatique (pluviométrie) et du régime hydrologique (contrôle de la
salinité). Entre le Pacifique Nord (Figure 10) et le Pacifique Sud (Figure 11), il est possible de
discerner deux profils, alors que le Pacifique Central constitue une zone de transition. Les
mangroves du Pacifique Sud sont les plus développées, associées à de grands complexes
deltaïques. Tandis que les mangroves du Pacifique Nord sont moins développées en raison
des précipitations moins fréquentes et de la longue période sèche de décembre à avril (FAO
2005).
Figure 10 : Profil de mangrove typique des sites secs du Pacifique Nord (d'après Jiménez et al. 1985).
Figure 11 : Profil de mangrove typique des sites humides du Pacifique Sud (d'après Jiménez et al. 1985).
Une revue de littérature des publications nationales traitant de la mangrove a été réalisée afin
de répondre aux questionnements suivants :
• Dans quelles conditions les études scientifiques costariciennes traitent-elles de la
restauration écologique de la mangrove ?
• Que promeut la recherche scientifique nationale sur la conservation de la mangrove ?
L’idée étant alors de collecter l’ensemble des publications traitant des mangroves du Costa
Rica, afin de dégager la tendance de recherche nationale sur cet écosystème et ainsi se saisir
de l’importance donnée par les scientifiques costariciens à la restauration écologique des
mangroves.
La base de données Web of Science a été analysée pour rechercher les articles de journaux
scientifiques nationaux en utilisant la requête suivante :
Entre 1985 et 2019, 73 études nationales relatives à la mangrove ont été publiées très
majoritairement par l’Université Nationale du Costa (83.5%, N=61) dans la revue Revista de
Biología Tropical (60%, N=44), portant majoritairement sur la Biologie de la mangrove et
de la faune et flore associées.
C’est à partir de 2004 que des travaux scientifiques s'inscrivant dans les problématiques de
gestion de la mangrove (28%, N=21) apparaissent. Un seul article (Vargas-Fonseca 2015) a
été trouvé en rapport avec la restauration. Sur les 21 publications, 12 ont été exclues en raison
de leur problématique reliée à la faune ou la flore associée à la mangrove (e.g. Warkentin and
Hernandez (1996), Myers and Vaughan (2004) et, Jones et al. (2014) sur l’avifaune ; Gaos et
al (2017) et Chacon-Chaverri et al. (2015) sur les tortues ; Feutry et al. (2010) et Ortiz-Araya
et al. (2018) sur la structure des peuplements piscicoles), traitant donc de la mangrove dans sa
fonction d’habitat et non de fonctionnement. D’autres références ont été exclues car ne
plaçant pas la mangrove au cœur de la recherche, et ne traitaient donc de la mangrove que
marginalement. C’est le cas de l’article de Loria-Naranko et al. (2018), relatif à l’évolution
Les sources de pressions et de dégradation de la mangrove sont variées d’un massif à un autre.
Il est important de noter, dans un premier temps, que la mangrove costaricienne fait l’objet
d’un statut de protection devant, dans ses termes, prévenir, par une forte restriction de son
usage, toute dégradation future de l’écosystème. Dans les faits, la cartographie initiale de
l’écosystème est peu précise, si bien que certains massifs ne sont pas inclus sous le statut de
protection. Aussi, la définition même du périmètre sous protection fait débat dans la
recherche. Vargas-Fonseca (2015) observe une absence de protection sur 6.8% de la
mangrove d’Estero de Tortuga dans la Péninsule d’Osa, Puntarenas et une mauvaise
catégorisation de 18% de la mangrove restant, classée comme bosquet riparien, pour lequel la
réglementation est moins coercitive. Sanabria-Coto (2018) tirent des conclusions similaires et
de surcroît interrogent sur la suffisance de l’intégration restrictive des seuls massifs de
mangroves sans considération pour la dynamique naturelle de l’écosystème. En effet, les
écosystèmes littoraux évoluent au gré des saisons et des années selon l’évolution des
paramètres environnementaux et des aléas climatiques, et ceci est encore plus vrai pour la
mangrove, reposant essentiellement sur des sols vaseux particulièrement instables, mobiles,
pouvant disparaitre, se reformer ici ou là. Il s’en suit donc des phases naturelles et successives
d’accrétion et d’érosion desquelles il ne faut pas toujours s’alarmer mais qu’il est nécessaire
de comprendre afin de délimiter des zones de protection conformes à la dynamique de la
mangrove. Dans cette perspective, Sanabria-Coto (2018) propose d’inclure dans ces dites
zones, les zones de dépression, susceptibles d’être inondées en période de crue, modifiant
durablement le lit des chenaux de drainage, et donc affectant la distribution de la mangrove
sur le site. Autre phénomène associé à la mauvaise délimitation nationale de la mangrove, est
le grignotage par l’urbanisme et le tourisme des parties externes de l’écosystème (Alfaro-
Sibaja et al. 2015, Samper-Villarreal, Cortes and Benavides-Varela 2012), contribuant encore
davantage à contraindre physiquement cet écosystème mouvant.
Les recherches scientifiques au Costa Rica traitent peu des plantations de palétuviers. Il est
davantage fait état du potentiel de régénération naturelle de la mangrove, qui permet
même à certains endroits une expansion fulgurante. En effet, Cortés et al. (2010) notent une
expansion de la mangrove de Guandoca d’un facteur trois sur la période 1976-2000, grâce aux
processus sédimentaires naturellement à l’œuvre dans l’écosystème. Dans une moindre
mesure, Sanabria-Coto (2018) observe également une extension de la mangrove de Nosara,
Guanacaste. L’analyse diachronique sur 60 ans réalisée par Silva et al. (2015) à Boca Zacate,
au sein de la zone humide de Térraba-Sierpe met en évidence ces processus intenses de
sédimentation essentiels au maintien d’écosystèmes complexes et en bonne santé, par leur
caractère simultané de destruction et de création. Le potentiel de régénération est parfois tel,
qu’il peut être suffisant à résorber les pressions anthropiques pourvu que l’écosystème puisse
s’adapter via une migration géographique, comment observé par Alfaro-Sibaja et al. (2015)
sur le site de Palo Secos, dans la région de Quepos. L’analyse du potentiel de régénération est
donc pour la recherche costaricienne un prérequis à la définition d’un plan de gestion
approprié (Alfaro-Sibaja et al. 2015, Cortés et al. 2010, Sanabria-Coto 2018).
Les études analysées s’accordent sur l’importance d’anticiper les changements climatiques et
les évolutions démographiques en tant qu’éléments perturbateurs de l’écosystème. Cette
contrainte est multilatérale, s’exerçant sur toutes les marges de l’écosystème en ce qui
concerne la pression humaine, et davantage en front de mer et le long des chenaux pour ce qui
est des pressions climatiques. Cette perturbation devient dès lors une contrainte physique pour
l’écosystème risquant de s’effondrer face à l’étau physique limitant son potentiel de
résilience. Dans ce contexte, la recherche appelle à la redéfinition de zones de conservation de
la mangrove par la généralisation de zones tampons (Alfaro-Sibaja et al. 2015, Quesada-
Alpizar and Cortés 2006, Samper-Villarreal et al. 2012, Sanabria-Coto 2018, Silva et al.
2015) essentielles à l’adaptation migratrice de la mangrove au gré des modifications des
conditions environnementales et humaines. De plus, cette revue de littérature a mis en lumière
l’absence de la notion de restauration dans les recherches sur la mangrove du Costa Rica. A
l’exception de Vargas-Fonseca (2015) où les conditions environnementales ont été gravement
altérées en raison d’une utilisation non raisonnée et prolongée de la ressource, limitant le
recrutement des propagules et une mortalité accrue des propagules restant en raison de la
déconnexion du site avec le flux tidal.
Des années 60 aux années 90, l’exploitation de la mangrove pour le bois de chauffe et sa
conversion, souvent illégale, pour la production crevettière et saline ont causé une importante
détérioration de l’écosystème. En réaction, le Gouvernement s’est doté d’une réglementation
spécifique visant à la protection de la mangrove et à la réglementation de leur usage.
Aujourd’hui, ce sont 58% des mangroves nationales qui sont couvertes par un statut de
protection et une politique de « no-take » depuis 1998 (López-Angarita et al. 2018). Cette
prise de conscience institutionnelle a été facilitée par une fenêtre d’opportunité singulière
favorisant la prise en compte de l’environnement dans les politiques locales, celle des
élections de 2000 mettant au pouvoir central un parti d’affiliation écologiste. La récente
conscience environnementale autour de la préservation de la mangrove semble porter ses
fruits sur l’implication des populations connectées à ces milieux dans leur conservation, soit
pour sécuriser leur moyens de subsistance (Silva and Carrillo 2004), soit pour développer de
nouvelles opportunités économiques pérennes (Cortés et al. 2010).
La loi costaricienne définit la mangrove comme un Héritage Naturel National (Loi Forestière
art. 13 à 15), un bien public inaliénable et insusceptible d'appropriation privée bénéficiant
d'une zone tampon de 150 mètres (Ley de la Zona Terrestre Maritima, 1977 art. 11).
Les premières réglementations des mangroves ont eu lieu au 19ème siècle avec la « Ley de
Aguas » n°11 du 26 mai 1884 qui définit comme propriété nationale la bande littorale du
niveau le plus bas de la mer jusqu’à 1 Mn (mille nautique) dans les terres dénommée ZMT
(Zona Maritima Territorial). En 1940, la réglementation exige l’obtention d’un permis afin
d’exploiter les mangroves (Ley General sobre Terrenos Baldíos), processus finalisé par la loi
forestière fondatrice de 1996 : la « Ley Forestal n°7575 ». Elle interdit l’extraction du bois de
mangroves dans le pays (FAO 2005), la coupe et l’utilisation du bois de mangroves, et
l’utilisation de la ressource in situ se voit régulée par le décret 39411-MINAE-MAG qui
prévoit l'utilisation rationnelle. La Loi Organique sur l'Environnement et le Décret N°29.342-
MINAE interdisent les activités affectant le cycle naturel des zones humides comme la
construction de barrages et de toutes activités qui affectent la croissance de la mangrove
(N°22550-MINEREM). De même, il est interdit de drainer ou combler les zones humides, d’y
disposer des déchets ou de déverser des polluants ainsi que d’introduire des espèces non
natives en zone de mangrove.
La Loi sur les Concessions et Opérations de Marinas Touristiques N°7744 interdit l'attribution
de permis construction de marinas ou de dock touristiques dans les zones de mangroves.
Cependant, des permis d'exploitation peuvent être attribués sous la forme de concessions : le
décret N°29.342/MINAE dispose que toute demande de renouvellement de permis
d'utilisation des mangroves en relation avec la production de sel ou d'élevage de crevettes est
possible à condition qu'un plan de gestion soit proposé.
La coupe est, à ce jour, autorisée pour trois motifs : la recherche, l'éducation et l'écotourisme
après accord du Ministère de l'Environnement et de l'Energie et présentation d'une étude
d’impact environnemental.
• Le processus décisionnel
Les autorités environnementales ayant les mangroves sous leur juridiction sont le Ministère de
l'Environnement et de l'Energie (MINAE) et le Système National des Aires de Conservation
(SINAC).
Les côtes de Guyane française font partie d’un ensemble suprarégional allant de
l’embouchure de la rivière Amazone (Brésil) à l’embouchure de la rivière Orinoco
(Venezuela) pour un linéaire côtier de 1500 km (Anthony et al. 2010). Cette côte vaseuse a
une dynamique sédimentaire extrêmement variable, et présente une fluctuation de mobilité du
trait de côte la plus importante au monde (Brunier et al. 2019, Anthony et al. 2010, Proisy et
al. 2009).
En Guyane Française, les mangroves occupent 80% du linéaire côtier, soit 250 km de côte
pour une superficie de 700 km², et sont entrecoupées seulement par les affleurements rocheux
de la côte localisés au droit des communes de Kourou et de Cayenne, la capitale.
Le littoral guyanais bénéficie d’un climat de type équatorial humide marqué par deux saisons
lié à la position de la Zone Intertropicale de Convergence (AMP 2009), l’une sèche d’août à
novembre [40-120 mm par mois], l’autre pluvieuse le restant de l’année [220-440 mm par
mois], soit une moyenne annuelle de précipitations de 3025 mm. Les températures restent
stables le long de l’année avec une moyenne de 26,5°C ± 1,7°C et une légère hausse pendant
la période sèche (en moyenne 27,1°C ± 0,4°C d’août à septembre).
Le régime de marée est de type semi-diurne avec un marnage dégressif de macro- à mésotidal
à mesure que le plateau continental s’amincit vers l’Orinoco, pouvant atteindre jusqu'à
8 mètres de marnage à l'embouchure de l'Amazone (Gratiot, Gardel and Anthony 2007). Les
courants tidaux atteignant un maximum de 0,45 m.s-1 et les vagues les plus importantes
prennent des hauteurs significatives de 2 mètres en janvier (Gratiot et al. 2007).
Le principal courant littoral est le courant sud-équatorial en provenance des côtes africaines,
qui se divise à l’extrémité orientale du Brésil. Le courant Nord Brésil longe la côte vers le
nord-ouest pour devenir le courant des Guyanes, couvrant l’ensemble des plateaux de Guyane
(AMP 2009) entre l’Amazone et le Venezuela. En effet, la côte guyanaise est constituée d’une
plaine côtière large de plusieurs kilomètres formée par la sédimentation et la colonisation de
la mangrove au cours des 5 à 6 000 dernières années (Brunier et al. 2019).
Figure 12 : Courant des Guyanes alimenté par le courant Nord Brésil, à gauche en saison pluvieuse, à droite en
saison sèche, d'après (AMP 2009).
L’ensemble côtier est contrôlé par le système fluvial de l’Amazone avec un débit en
suspension de 106 x 754 t.an-1 [± 9 %] (Anthony et al. 2010) qui génère la formation de bancs
de vase successifs, migrant d’est en ouest le long des côtes. Les bancs peuvent atteindre 5 m
d’épaisseur, pour 10 à 60 km de longueur et 20 à 30 km de large. Ils causent une importante
instabilité littorale marquée par une alternance extrême entre phase d’accrétion par
sédimentation boueuse et colonisation rapide de la mangrove, puis d’érosion en période inter-
banc liée au déplacement du banc (près de 900 m par an) et de l’augmentation incidente de
l’énergie des vagues.
Les mangroves guyanaises sont très mobiles et évoluent au gré des phénomènes d’érosion et
d’envasement causés par les mouvements des bancs vaseux. Leur évolution est
schématiquement divisée en six stades pouvant transiter rapidement d’un stade vers
l’autre selon la variation topographique causée par le remaniement des sédiments superficiels
(Fromard et al. 2004) :
• Stade jeune : disparition des arbres les plus faibles compensée par une croissance
augmentée des individus restant, DBH 4.5cm et hauteur 5-6 m, densité plus faible
(10 000 individus par hectare).
Tableau 7 : Espèces de mangroves pures présentes dans la mangrove côtière de Guyane française (Anthony et
al. 2010, Fromard et al. 2004, Proisy et al. 2009, AMP 2009).
Famille Gène Espèce
Acanthaceae Juss., 1789 Avicennia L., 1753 Avicennia germinans (L.) L., 1764
Combretaceae R., 1810 Laguncularia C.F.G., 1807 Laguncularia racemosa (L.) C.F.G.., 1807
Conorcarpus Conocarpus erectus L., 1753
Rhizophoraceae Pers., 1806 Rhizophora L., 1753 Rhizophora mangle L., 1753
Rhizophora racemosa G. Mey., 1818
La mangrove de la région est très dynamique et évolue au gré des alternance entre phase banc
et phase inter-banc, souffrant d’érosion massive, puis récupérant avec une exceptionnelle
Depuis le début des années 1970, la Guyane française connait une croissance démographique
très forte, surtout sur la zone littorale. Spatialement, la société guyanaise s’organise de façon
très dense autour des pôles urbains de Kourou et Cayenne, puis développe une agriculture
intensive friande de pesticides (Roussel et al. 2009) dans un périmètre de trois à quatre
kilomètres autour de ces pôles (Tsayem Demaze 2008). Bien que la densité de population soit
très faible à l’échelle du pays (de l’ordre de 2 habitants par km²), celle-ci ne reflète pas
l’occupation réelle du territoire puisque ce sont près de 90% du territoire national qui relèvent
du domaine public de l’Etat. Ce faisant, la population doit s’organiser sur 10% du territoire.
La croissance démographique est encore en augmentation d’après le dernier recensement de
l’Insee, avec une population ayant atteint 259 865 habitants en 2015, soit 30 825 de plus
qu'en 2010 (INSEE 2018). Elle est liée à l’amélioration des conditions sanitaires et de santé
dans le pays, mais aussi à un important flux de migration en provenance notamment du
Suriname, d’Haïti et du Brésil.
Le mode de développement spatial actuel présente de façon générale très peu d’impacts sur la
mangrove. Quelques destruction sont observées très ponctuellement pour la construction
d’infrastructures routières et à proximité des pôles urbains mais n’entravent pas la vitalité de
la mangrove (Roussel et al. 2009). Bien qu’abondante, la mangrove guyanaise est peu utilisée
en raison de sa difficulté d’accès (Roussel et al. 2009) et de la présence de ressources
alternatives en bois. Avec une occupation du sol nationale composée à 80% de forêts, et une
mangrove dense et au réseau hydrographique interne peu chenalisé, l’exploitation forestière
de la mangrove ne se justifie pas économiquement. La région de Cayenne à Kourou est la plus
touristique du pays, mais l’absence de valorisation actuelle des mangroves pour le tourisme
laisse supposer un faible impact de l’activité sur l’écosystème.
La mangrove relève du régime forestier (L 141.1 Code Forestier) lorsqu’elle n’est pas incluse
dans le périmètre d’une aire marine protégé ou dans le domaine public maritime de l’état
délimité selon la règle des 50 pas géométriques. Cette règle a été définie en 1982 sur les zones
littorales présentant des enjeux d’occupation, à savoir : Cayenne, Macouria, Kourou et Mana.
Toutefois, la limite du rivage, fixée en 1950 n’a depuis pas été réactualisée, donc l’approche
fixiste de la délimitation des 50 pas géométriques est insuffisante au regard de l’importance
de la fluctuation du trait de côte dans le temps. En conséquence de ce vide juridique, une
partie du domaine public maritime se trouve désormais au-delà du trait de côte actuel, et
ressort alors de la responsabilité du code forestier, susceptible d’être autorisé à la destruction.
Une réactualisation de la règle des 50 pas géométriques s’avère nécessaire dans un contexte
de réglementation foncière peu coercitif. En effet, la législation foncière en zone naturelle
prévoit deux modes d’attribution gratuites de parcelles pour un usage agricole. Il s’agit de la
concession et du bail emphytéotique. La concession est l’attribution temporaire d’un terrain
d’une surface maximale de 5 hectares pour une durée de 5 années, au terme desquelles il est
possible d’obtenir des droits de propriété permanents sur la parcelle. Le bail emphytéotique
quant à lui permet l’attribution de terrains de superficie supérieure à 5 hectares pour une durée
de 30 années non renouvelables. Le droit foncier en Guyane fait l’objet d’un très faible
contrôle et les nouvelles implantations agricoles s’insèrent de façon anarchique et souvent en
marge de la légalité dans le paysage local (Tsayem Demaze 2008), causant un fort
émiettement territorial dans les 10% du territoire disponible au développement.
La Somone est un petit fleuve côtier sénégalais (14°29'35.64"N ; 17°5'14.63"O) se jetant dans
l’Océan Atlantique, traversant la communauté rurale de Sindia et la Commune de Somone
(département de Mbour) à 50 km au sud de Dakar. L’estuaire est couvert par le statut de site
Ramsar et par un statut Réserve d’Intérêt Communautaire géré par les communautés locales.
La Somone est soumise à un climat Atlantique soudanais de type tropical sec composé de
deux saisons bien marquées : une saison humide de juin à octobre contrôlée par le régime de
mousson en provenance de l’anticyclonique de Sainte-Hélène ; et, une saison sèche de
novembre à mai contrôlée par les vents secs et chauds en provenance du nord-est. Les
températures sont stables au cours de l’année grâce à l’influence marine. Ce climat est
caractérisé par une évaporation moyenne annuelle plus importante que les précipitations
moyennes annuelles (respectivement 70 mm.an-1 et 26 mm.an-1). Toutefois, la pluviométrie
A l’échelle nationale, la mangrove a décliné de 2 300 km² en 1990 à 1 760 km² en 2008, soit
23,4% de la surface (Cormier-Salem and Panfili 2016). La mangrove de la côte africaine
Atlantique est composée de 6 à 10 espèces de palétuviers selon les auteurs (Sakho et al. 2011,
Cormier-Salem and Panfili 2016), et de trois espèces dans la réserve de la Somone.
Tableau 8: Espèces de mangroves pures présentes à Somone (Faye, Ba and Diouf 2012, Sakho 2011, Sakho et
al. 2011).
Famille Gène Espèce
Rhizophoraceae Pers., 1806 Rhizophora L., 1753 Rhizophora mangle L., 1753
Rhizophora racemosa G. Mey., 1818
Acanthaceae Juss., 1789 Avicennia L., 1753 Avicennia africana P. Beauv., 1808
L’estuaire est composé de trois unités morphologiques (Figure 16) décrites par Sakho et al.
(2011) : (1) les vasières intertidales (mudflats) ; (2) les mangroves, dont la famille des
Rhizophoraceae est dominante mais moins halophile que la famille des Acanthaceae. En
conséquence, la première se développe sur les bancs tidaux et les bordures de chenaux, tandis
que les Avicennia se développent sur les zones les plus élevées et à proximité des tannes
(Carney, Gillespie and Rosomoff 2014) ; et, (3) les tannes (barren area). Ce sont des surfaces
désertiques stériles, hypersalines et acides, dépourvues de végétation, submergées en
conditions météorologiques extrêmes. Bien que courantes en arrière des mangroves
sénégalaises, leur expansion est un indicateur de dégradation des sols et de la mangrove.
Figure 16 : Profil des unités géomorphologiques du système laguno-estuarien de la Somone, Sakho et al. (2011).
Entre 1946 et 2006, 85% de la mangrove de la Somone a été perdue (Tableau 9, Figure 17) au
profit de vasières intertidales nues et de tannes sur la zone supratidale (Sakho et al. 2011).
Cette perte était liée à plusieurs facteurs :
• D’une part, les facteurs anthropiques : une intensive exploitation de bois de mangrove
a eu lieu jusqu’aux années 1990’s.
• D’autre part, l’action combinée de facteurs naturels ayant généré une hypersalinisation
et une acidification du milieu, faute de renouvellement suffisant de la masse d’eau :
une modification géomorphologique se traduisant par la sédimentation du cordon
sableux à l’embouchure de la Somone a causé la fermeture de l’estuaire sur la période
1967-1969. Cette fermeture a entraîné un changement profond de régime
hydrologique, faisant transiter l’écosystème d’un système lagunaire vers un bassin
d’évaporation dont les conditions environnementales augmentent considérablement la
mortalité de la mangrove.
• Période prolongée de sécheresse (épisode sahélien) depuis les années 1970’s qui a
causé un déficit sédimentaire d’origine continentale. Le déficit pluviométrique
prolongé a altéré les conditions physico-chimiques des sédiments et de la masse d’eau
(Conchedda, Durieux and Mayaux 2008, Cormier-Salem and Panfili 2016).
Depuis les années 1992, l’action simultanée d’une nouvelle politique de reforestation
interdisant toute coupe de bois de mangrove, un rétablissement de conditions climatiques
propices au développement des palétuviers avec un retour de pluviométrie abondante en
saison humide (Sakho et al. 2011), et la mise en œuvre de mesures de réhabilitation de
l’écosystème ont permis l’inversion de la tendance évolutive des mangroves de la Somone
(Tableau 2, Figure 10). De surcroît, l’embouchure de l’estuaire s’est réouverte à partir de
1987.
Tableau 9 : Evolution de la mangrove de la réserve de la Somone sur la période 1946 à aujourd'hui par analyse
diachronique, adapté d'après Sakho et al. (2011).
Période Surface Perte % Gain %
1946 1,5km² 0m².an 0
1946-1978 0,1km² -44 000m².an -95
1992-2006 1km² 63 000m².an +90
Somone, du mandingue « somono », signifie pêcheur. Selon la tradition orale, les pêcheurs
ont été les premiers habitants de la Somone. Quatre villages s’identifient particulièrement à la
Somone (Faye et al. 2012). Il s’agit des villages de Guereo, Thiafoura, Thiorokassap et la
Somone (Tableau 10), tous les quatre à l’initiative de la création de la Réserve Nationale
Intercommunautaire de la Somone en 1999 (N°003/CRS).
Dans leur article, Faye et al. (2012) rapportent la légende locale, au fondement de la
justification de la gestion communautaire de la Somone. D’après cette légende, la lagune est
dotée d’une force supranaturelle conférée par le génie protecteur et créateur, Kër Sang. En
raison de sa valeur religieuse, la Somone était gérée par les « lignées maternelles fondatrices :
yokam et yandol » dans les limites du territoire contrôlé par chaque village (kal). Une
reconnaissance mutuelle des droits de chaque village sur son kal, ainsi que la forte valeur
culturelle de la lagune, ont favorisé l’essor d’une coopération pour une gestion
communautaire des mangroves entre les quatre villages.
Le régime foncier sénégalais est peu structuré en l’absence de délimitations précises des
villages, et le développement urbain s’est longtemps effectué de façon anarchique. De
surcroît, "le chevauchement des droits juridiques, coutumiers et religieux rend la
3
FAO, http://www.fao.org/gender-landrights-database/country-profiles/listcountries/civilsocietyorganizations/fr
Le littoral transfrontalier togolais-béninois, long de 170 km est l’un des pays les plus
densément peuplés d’Afrique (Juhé-Beaulaton and Roussel 1998) avec par exemple en
moyenne 308 hab./km² dans la région Maritime au sud du Togo. Le littoral concentre 42% de
la population et 63% de la population urbaine du pays (RNEMC, 2007).
Le climat est de type tropical subéquatorial marqué par deux saisons de pluies en alternance
avec deux saisons sèches. « Les températures sont relativement constantes au cours de
l’année. Le minimum (25,2°C) et le maximum (28,6°C) de température sont respectivement
observés en août et en mars. La période de canicule se situe entre février et avril, mais la
moyenne annuelle des températures est de 26,95°C.
Le climat du littoral est dépendant de deux masses d’air : (1) l’Harmatan ou Alizé continental
du nord-est, sec et chaud en provenance du Sahara de décembre à janvier ; et, (2) la mousson
du sud-ouest de juin à septembre, chaud et humide, apportant la pluie. La confrontation entre
ces deux masses constitue le front intertropical dont la position détermine la saison sur le
littoral (RNEMC, 2007).
La mangrove togolaise est localisée au Sud-Est du pays entre 6°14' et 6°20' nord ; 1°36' et
1°49' est. Elle borde le chenal Gbaga et ses rivières affluentes (RNEMC, 2007). Elle est
envahie par les espèces opportunistes, cédant la place à des systèmes à prairies à Paspalum
distichum et des savanes à Andropogon gayanus. La régénération naturelle est perturbée par le
dépérissement périodique des jeunes plants du fait des inondations trop importantes causées
par le fonctionnement du barrage Nangbéto et par la dulcification des cours d’eau.
Nokoué est une lagune côtière tropicale eutrophique et peu profonde d'une surface de 150 km²
avec une longueur de 20 km pour 11 km de large (Villanueva et al. 2006). Le lac est connecté
à l’Océan Atlantique au Sud, les rivières de Ouémé au Sud-Est et de Sô au Nord et à la lagune
de Porto-Novo (Adite and Winemiller 1997). Avant 1960, la sédimentation fermait et ouvrait
successivement la passe vers la mer générant une isolation périodique du système pouvant
perdurer plusieurs années avant que les écoulements du bassin versant de Ouémé soient
suffisants pour percer la flèche sableuse. Depuis 1960, la construction du port de Cotonou a
endigué la passe, causant un approfondissement du chenal, une plus grande intrusion de l’eau
de mer et un accroissement rapide de la salinité (Djihouessi, Djihouessi and Aina 2019),
affectant l’écologie du système et la dégradation des mangroves.
Depuis la perte en mangrove, les effluents d’eau usées riches en nutriments sont rejetés
directement dans le milieu, générant une eutrophisation du lac et des blooms saisonniers de
jacinthe. Les stocks de poissons commercialisables ont diminué à la suite de la perte en
habitat pour les juvéniles (racines des palétuviers), à l’augmentation de la salinité de l’eau
(par l’ouverture permanente de la passe) et à l’enrichissement nutritif du milieu. Les
populations locales, devant faire face à cette perte économique ont davantage recours à la
pêche par Acadja, aggravant la déforestation de la mangrove et augmentant la quantité
détritique de la lagune (effet boule de neige). Les zones dénudées de mangrove ont été
progressivement investies en tant que décharges, augmentant l'eutrophisation, les blooms de
jacinthe, et donc le stock de poisson (42% de perte entre 1960 et 2000).
L’estuaire de Perancak (Prancak, Figure 13) d’une étendue de 7,5 km², est situé sur l’île de
Bali (8.395°S et 114.630°W), province indonésienne, à 80 km au nord-ouest de Denpasar. Sur
l’ensemble de l’estuaire ce sont environ 1 350 à 1 540 parcs à crevettes d’une surface
moyenne de 0,3 ha ± 0,2 ha qui ont été construits sur 69% de la surface originellement
occupée par la mangrove.
Le climat de Perancak est tropical, marqué par des fortes précipitations (moyenne annuelle de
1730 mm) dû à l’influence du système de mousson asiatique-australienne. De plus, les
influences combinées d’El Niño et de l’Oscillation australe (E.N.S.O), et du dipôle de l’Océan
Indien (anomalie de température de surface de l’océan) causent une forte variabilité
interannuelle de précipitations (Gusmawati et al. 2018).
Le thermomètre quant à lui, oscille peu au cours de l’année avec une moyenne annuelle de
26,6°C, le mois le plus chaud étant celui de décembre avec 27,5°C en moyenne, pour 25,1°C
en moyenne au cours du mois de juillet, le moins chaud de l’année.
Le régime de marée semi-diurne avec un marnage estimé à une moyenne de 1.5m en
l’absence de marégraphe à proximité (Rahmania 2016).
L’interprétation visuelle des images satellitaires à très haute résolution spatiale (en partie
disponibles sur Google Earth) disponibles sur ce site depuis 2001 permet l’identification d’un
large cordon de sable, fortement anthropisé (urbain, agricole) sur sa partie consolidée à
l’ouest, se terminant par une flèche sableuse resserrant l’embouchure du fleuve (≈ 220 m). La
formation d’une flèche laisse présumer l’importance de la dérive littorale et de l’influence des
vagues sur le site. Perancak est donc un estuaire microtidal à dominante de vagues.
L’amortissement de la houle sur la flèche limite l’influence tidale dans le système, ce qui est
confirmé par la présence de deux îles étroites et longues dont le couvert végétal permet de
supposer de leur stabilité relative, alors que les estuaires à dominante tidale se caractérisent
par la présence de barres sableuses à l’embouchure du fleuve.
La rivière Perancak, d’orientation sud-nord se divise deux kilomètres en amont en deux bras
orientés ouest et est, provenant de deux bassins versants. La salinité présente un gradient
d’aval en amont où les concentrations les plus fortes à l’embouchure atteignent un taux de
30‰, un taux de 27‰ dans la partie centrale de l’estuaire où la mangrove se développe,
jusqu’à atteindre un taux de 0-1‰ à l’amont du système estuarien (Proisy et al. 2014).
Dans les mangroves de Perancak, 16 espèces différentes de palétuviers sont rencontrées. Huit
sont dominantes. On distingue les espèces natives (Avicennia alba, Avicennia officinalis,
Avicennia marina, Sonneratia alba) des espèces plantés Rhizophora spp. (Proisy et al. 2018).
Figure 22 : (à gauche) surface de mangrove très restreinte en 2001, confinée en majeure partie sur deux anciens
parcs et présentant une canopée peu dense ; (à droite) même emprise spatiale en 2015 avec une dispersion
fulgurante de la mangrove à travers l'estuaire en la présence à la fois de plantation (parcelles rectilignes situées à
l’ouest et au nord-est) mais aussi de régénération naturelle à la canopée dense et de texture rugueuse, signe d'une
bonne complexité structurale, d’après Rahmania (2016).
Les résultats de Proisy et al. (2018) démontrent que chaque lagune aquacole a sa propre
histoire de la perturbation, ses propres conditions environnementales ainsi que son propre
potentiel de régénération de mangroves après abandon de l’activité. Ils évaluent à 1,3 km² la
zone potentiellement disponible pour la croissance naturelle de la mangrove, soit 21% de
l’estuaire de Perancak. Or, à mesure que les programmes de plantation étendent leurs travaux,
la surface disponible pour le rétablissement d’une mangrove naturelle et de ses espèces
associées diminue. Dans le cadre du programme national One Map Mangrove (2016),
l’Indonésie est en cours de remise à jour et d’harmonisation de la cartographie de la mangrove
nationale afin de fournir un support éclairer de décision, de développement et de mise en
œuvre de programmes de réhabilitation. D’ici à 2045, le pays s’est engagé à réhabiliter
1,82 million d’hectares de mangroves, soit un total de 60 000 ha/an. Un tel projet, ne se fera
sans programmes de plantation de mangrove. Les auteurs concluent qu’il en résulte une
nouvelle transformation de l’écosystème vers une trajectoire dont la durabilité est
imprévisible, potentiellement non résiliente tant aux impacts climatiques, qu’au niveau du
potentiel de régénération de la mangrove et sa possibilité à survivre aux attaques parasitaires
et autres nuisibles.
Le Delta de Mahakam (0°21'-1°10'S et 117°15'-117°40'E) est situé sur le bassin de Kutei sur
la côte est de Kalimantan, sur la ligne de l’équateur. Composé de 46 petites îles séparées par
d’étroits chenaux, le delta draine un bassin versant de 75 000 km².
Le delta, d’une superficie de 5 000 km² est composé (Figure 24) d’une partie submergée : le
prodelta (2 700 km²) et le front deltaïque peu profond (1 000 km²) ; et d’une partie immergée :
la plaine deltaïque (1 300 km², dont 300 km² de chenaux) où la mangrove croît (Dutrieux et
al. 2014).
Figure 25 : Image Landsat acquise le 10 mars 2010 sur laquelle il est aisé d’interpréter visuellement les trouées
de canopées et les structures rectilignes caractéristiques d’une déforestation causée par des fermes aquacoles
(Persoon and Simarmata 2014).
Cette destruction, constatée à la même période sur d'autres îles indonésiennes (e.g., Bali) s'est
faite en l'absence de tout contrôle et de régulation gouvernementale régissant l'utilisation de la
A la fin des années 1990 de nombreux parcs à crevettes ont été abandonnés (selon Bosma et
al. (2012), 54% de parcs actifs soit 58 000 ha) en raison de la dégradation de la qualité des
eaux (forte concentration en nutriments) générant d’importantes crises épidémiques (WSD,
Red Gill) ravageant la production (Dutrieux et al. 2014). Ce déséquilibrage économique a
généré une grande instabilité sociale dans la région où nombreux sont ceux dépendant
exclusivement de l’activité aquacole et croulant sous les dettes. Les épidémies baissent la
productivité des parcs, avec une récolte possible en moyenne seulement tous les quatre cycles
pour une production moyenne annuelle de 45 kg.ha-1, soit seulement 10% de ce que
produisent les parcs aquacoles extensifs ou naturels (Bosma et al. 2012).
Cette situation écologique et socioéconomique appelle à la formulation de nouveaux modes
de développement conciliant durabilité écologique, socioéconomique et institutionnelle
comme le soulignent Datta et al. (2012).
En Indonésie, l’évolution des politiques publiques est le reflet direct des pressions
anthropiques exercées sur le milieu. Dans leurs travaux, Ilman et al. (2016) analysent la
chronologie de la gestion nationale de la mangrove et du cadre de politiques publiques sur la
période 1800-2016, qu’ils structurent en quatre phases distinctes :
Le régime foncier en zone de mangroves n’est pas uniforme à travers l’Indonésie : certains
massifs sous protégés strictement, d’autres gérés conjointement par plusieurs autorités, et
certains gérés par arrangements communaux et coutumiers (Banjade et al. 2017). Depuis
2010, la règle générale est que les zones forestières relèvent de l’autorité du Ministère de la
Foresterie et sont classées en fonction de leur statut (propriété et droits) et de leurs fonctions
économiques et écologiques (Van Oudenhoven et al. 2014). Ainsi, la forêt domaniale gérée
par le gouvernement est subdivisée en :
• Forêt de conservation (Loi 5/1990 relative à la Conservation) : il s’agit de la forme la
plus restrictive n’autorisant que la recherche, l'éducation et les services
environnementaux (aucune définition donnée par les textes). La Régulation pour la
Tout indonésien dispose d’un droit à la propriété d’une parcelle de terre inaliénable pour
garantir ses moyens de subsistance (Basic Agrarian Act N°5/1990), alors que la terre, l'eau et
les ressources naturelles demeurent sous la juridiction du Gouvernement et doivent bénéficier
au plus grand nombre (art. 33). En revanche, toute utilisation de la forêt est soumise à
l'approbation du Ministère des Forêts (Act of the Republic of Indonesia N°5 1967). Les
mangroves peuvent être utilisées pour le développement de l'aquaculture conformément aux
conditions de l'art.3 de la régulation de 1984 sur les zones de développement agricole.
Toutefois la Stratégie Nationale sur la Gestion de l'Ecosystème Mangrove (Strategi Nasional
Pengelolaan Ekosistem Mangrove, Règlementation Présidentielle 73/2012) fixe l'obligation à
équilibrer la classification des mangroves entre protection, conservation et production. A ce
jour, aucune carte nationale de cette répartition en fonction du statut des mangroves n’a été
identifiée par les recherches ci-présentes.
Ce questionnaire ne vise pas à recueillir les réponses d’un échantillon large, mais d’un
échantillon restreint et bien ciblé. Selon la catégorie d’acteur, les questions seront à moduler
(voir rubriques). Les individus visés par l’enquête sont ceux ayant un certain niveau de
connaissance de l’écosystème car ils y pratiquent directement ou indirectement une activité in
situ ou à distance (premier filtre d’échantillonnage). Les enfants et les adolescents ne sont pas
un public cible (second filtre) ainsi que les individus vivant que temporairement sur place
(troisième filtre). Une attention toute particulière devra être portée aux personnes de plus de
60 ans et aux femmes. Les uns pour leur potentiel en matière de questions relatives à
l’historicité du village tant en termes d’évolution environnementale, que socio-économique,
que culturelle, les autres pour renseigner la question de l’égalité dans l’utilisation des
ressources naturelles entre les hommes et les femmes.
Durée approximative : 45 minutes pour la société civile, 1h30 pour les autres.
A l’issu de chaque entretien, un script détaillé devra être rédigé. Ce script doit prendre en
compte toute hésitation et confusion dans les termes. Si le répondant communiquait dans une
langue autre que l’anglais ou le français, une traduction du script dans l’une de ces deux
langues sera à effectuer. L’enquêteur pourra adjoindre ses impressions personnelles sur
l’enquêté : e.g. comportement anecdotique telle une gêne à échanger ou au contraire une
grande motivation, le niveau de compréhension perçu du questionnaire, l’avis sur la sincérité
des réponses, etc.
Pour la préanalyse il convient de renseigner les rubriques suivantes dès l’issue de l’enquête :
Problématique territoriale repérée par l’enquêté :
e.g., conflits, mauvaises pratiques, etc.
1.3. Introduction
Au début de chaque enquête, un propos introductif sera à annoncer pour donner l’objet de
l’étude, et la valorisation de l’importance de l’avis des répondants. Il sera laissé à la charge de
l’étudiant de rédiger l’introduction du questionnaire selon leurs affinités. Il s’agit ici d’adapter
son discours au répondant. Par exemple, pour une enquête auprès de la population il
conviendra d’adopter un discours peu formalisé avec une annonce très pragmatique de nos
objectifs et ce que leur réponse nous apportera, avec une possibilité de détailler davantage
l’objet de l’étude si jamais l’enquêté le désire. Cependant, une annonce formelle, rigoureuse
et concise sera demandée pour s’adresser aux ONG et aux acteurs gouvernementaux.
• Pouvez-vous présenter vos activités sur le territoire et leur relation avec la mangrove ?
May you present your activity and its implication on mangroves?
• Avec qui êtes-vous amené à travailler le plus fréquemment ?
With who do you work the most frequently with?
• Dans quelle mesure les mangroves contribuent à vos moyens de subsistance ?
To which extent do mangroves contribute to your livelihood?
• Avez-vous observé des changements sur la mangrove au cours de ces dernières dix
années (surface, état, changement négatifs ou positif) ? Quels sont à votre avis les
facteurs ayant généré ces changements ? Si observation de changement négatifs : Qui
selon vous a le plus impacté le plus la mangrove ? Quelles mesures ont été prises afin
d’inverser la tendance ?
Have you observed changes in mangroves over the past decade? According to you,
what has triggered these changes? If negative change, who according to you has the
most impacted mangroves? What has been done to inverse the trend to degradation?
• A votre avis, quels sont les principaux bénéfices obtenus de la mangrove ?
According to you, what main benefits do mangroves provide?
• Localement, pensez-vous que des actions doivent être entreprises pour améliorer leur
état de santé ? Lesquelles ?
Locally, do you believe actions should be taken to strengthen their health? Which
ones?
• A quoi ressemblera selon vous la mangrove dans 50 ans ? Expliquer.
What do you think the mangroves will look like in 50 years from now? Explain.
Selon les situations, sélectionner les questions le plus adéquates au contexte local.
• Quand a été créé le village/communauté ? Quand sont arrivés les premiers résidents ?
When was the village/community established? When did the first residents arrive?
• Comment les moyens de subsistance ont-ils évolué dans le temps ? Quelles étaient les
principales sources de revenus d’une période par rapport à une autre ? Changement
dans l’usage des ressources en forêt de mangrove. Changement dans le climat et les
événements climatiques (sécheresse, saisons humides, inondations, érosion, etc.).
How livelihoods have changed over time? What was the main source of income in one
period versus another? (Ask specifically about use of mangrove forest resources and
changes over time; changes in climate and climate-related events over time, for
example droughts, dry and wet seasons, floods, beach erosion etc.).
• Des conflits existent-ils ou ont-ils existé localement (avec les acteurs extérieurs, les
entreprises, le gouvernement, les communautés voisines) ? Comment ont-ils évolué ?
Are there any existing or past local conflicts (especially with outsiders, companies, the
government and neighbor communities)? How have these changed over time?
• Vous a-t-il été empêché d’utiliser les ressources naturelles en mangrove ? Par qui ?
Pour quelles ressources ? Quelles ont été les explications données pour justifier de
cette interdiction ? Et vous, quelle a été votre réponse à ces restrictions ?
Has any external actor (e.g., government, private company, NGO) kept you from
extracting products from mangrove forests? If yes, which external actor? For what
products? What were the reasons for imposing these restrictions? What were your
responses to these restrictions?
• Qui prend les décisions sur les pratiques de gestion de la mangrove (exploitation :
quoi, quand, quelle quantité, vente des produits ; plantation, restauration, conversion
des mangroves pour autre usage) ?
Who makes decisions about mangrove management practices (harvesting: what, when,
how much; sale of products; tree planting; restoration; conversion of mangroves to
other land uses)?
Sur une échelle de 1 à 3, quelle est votre niveau de satisfaction de vos droits en mangrove ?
Expliquer.
1 très peu satisfait
2 satisfait mais certains points sont à améliorer
3 entièrement satisfait
On a scale of 1 to 3, discuss and then vote individually your level of satisfaction with rights?
• Avez-vous observé des changements sur la mangrove au cours de ces dernières dix
années ? Dans quelles direction (négatif ou positif) ? Quels sont à votre avis les
facteurs ayant généré ces changements ? Si observation de changement négatifs : Qui
selon vous a le plus impacté le plus la mangrove ? Quelles mesures ont été prises afin
d’inverser la tendance ?
Have you observed changes in mangroves over the past decade? According to you,
what has triggered these changes? If negative change, who according to you has the
most impacted mangroves? What has been done to inverse the trend to degradation?
• A votre avis, quels sont les principaux bénéfices obtenus de la mangrove ?
According to you, what main benefits do mangroves provide?
• Localement, pensez-vous que des actions doivent être entreprises pour améliorer leur
état de santé ? Lesquelles ?
• Quels projets portant sur les mangroves et la gestion de leurs ressources naturelles
avez-vous mis en œuvre par le passé ? Ces projets impliquaient-ils d’autres groupes
d’acteurs ? Comment travailliez-vous avec ces différents acteurs ?
What projects have you implemented in the past that specifically target mangrove
forests or have implications for the use and management of mangrove forests and
related resources? Where other parties implicated into the project? How did you work
with these different actors? Please describe.
• Avez-vous eu des expériences de projet de restauration écologique des mangroves ?
Êtes-vous au courant des difficultés de mise en œuvre et des principes à respecter ?
Do you have experience in ecological restoration of mangroves? Are you aware of the
implementation difficulties and the principles to respect?
• Si vous deviez évaluer vos expériences passées en projets mangroves, quels sont à
votre avis vos succès et vos échecs les plus significatifs ? Expliquer.
What were your greatest successes and what were your greatest failures and why?
• Votre organisme promeut-il la participation communautaire dans la gestion des
mangroves ? Donner des exemples.
Does your organization encourage community participation in mangrove
management? Provide examples.
• Comment circule l’information sur les projets et les actions que vous menez auprès
des communautés et des agences gouvernementales et quelle information donnez-
vous ? L’information circule-t-elle fréquemment ?
What type of information does your office provide to community members and
governmental agencies? How frequently does the organization provide information?
• Existe-t-il des conflits ou des désaccords entre les pratiques de votre organisme et les
attentes des communautés locales ou des agences gouvernementales ? Expliquer.
Are there currently conflicts or disagreements between your organization’s practices
and what communities would like/expect in terms of mangrove management? Explain.
D’après vous comment ces facteurs facilitent ou empêchent la capacité de votre organisme à
mettre en œuvre des mesures ou des projets de gestion de la mangrove.
• Facteurs sociaux (pratiques religieuses, les croyances, les pratiques culturelles, les
affiliations ethniques, la stratification sociale) ;
• Facteurs politiques (changements gouvernementaux, les affiliations aux partis, la
décentralisation, les politiques environnementales, les accords internationaux) ;
• Facteurs économiques (difficultés économiques domestiques, problèmes budgétaires,
priorités économiques nationales, mécanismes économiques).
From your perspective, how do these factors promote or prevent your organization’s ability
to implement projects for mangrove management?
• Qui selon vous est l’institution chef de file en matière de gestion de la mangrove ?
Expliquer. Pensez-vous que cette institution soit efficace dans la mise en œuvre de
mesures de gestion de la mangrove ? Expliquer.
In your understanding, what is the lead institution for mangrove management?
Explain. How effective is this institution’s leadership in implementation? Explain.
• Certains acteurs constituent-ils des freins à vos actions ou sont en opposition à vos
missions ? Comment s’opposent-ils et comment cela affecte-t-il votre organisme ?
Please name the leaders or institutions opposing advocacy. How do they oppose and
how has this affected you/your organization?
• Qui selon vous devrait être responsable de la conservation des mangroves ? Qui
d’autre devrait être inclus dans la définition et la mise en œuvre des projets ?
According to you, who should be responsible for the preservation of mangroves? Who
else should be included in the definition and implementation of such projects?
• Qui sont les trois acteurs qui ont le plus d’influence sur l’état actuel ou le devenir des
mangroves ? Expliquer.
Who are the three main actors having the most influence on the actual state or the
future of mangroves? Explain.