Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ces motifs renforcent mon regret de ne pas être des vôtres physiquement,
ce qui m'aurait gratifiée d'un triple plaisir : connaître ce site mythique qu'est
Stanford qui concilie l'excellence du savoir et une réputation méritée;
participer à un débat portant sur mon pays; enfin apporter ma contribution à
un échange dont je ne doute pas qu'il aurait pu être fort gratifiant pour moi.
Ces précisions biographiques ont pour but, par delà une présentation sous
forme de Curriculum Vitae abrégé, de souligner le fait que je suis une
observatrice engagée de la vie de mon pays, ce qui n'affecte ni mon
objectivité, ni ma capacité d'analyse.
Il va de soi que cette question doit s'inscrire dans un cadre général et elle
représente une importance primordiale dans la mesure où toute politique
à cet égard impose la nécessité préalable de penser d'abord les bases de
la relance, les objectifs à court et à long terme, la stratégie appropriée et
les méthodes à mettre en oeuvre, avec une double perspective intégrée en
tenant compte des nécessités de chaque niveau, et articulée en liaison avec
les différents programmes envisagés qui doivent s'emboiter logiquement
afin de produire un résultat positif et surtout durable. Dans cette perspective,
il s'agit de considérer la relance de l'activité universitaire comme un levier
susceptible de déclencher un effet cumulatif, je dirais à rebours car, car elle
se trouve placée au bout et au sommet de la chaine éducative, et son intérêt
est de stimuler les niveaux inférieurs, le primaire et surtout le secondaire qui
lui sert de source directe.
A- L'alternative public/privé.
Elle place au cœur de la problématique de l'enseignement supérieur le rôle
de l'Etat d'une part et des entreprises privées de l'autre. Certes, d'un point
de vue moral et par référence à la Constitution de 1987 laquelle, malgré
ses faiblesses, commande encore le destin du pays, l'éducation à tous les
niveaux relève de la responsabilité de l'Etat chargé d'en assurer l'accès au
plus grand nombre. C'est un impératif qui est édictée en termes de justice
sociale et de nécessité démocratique, particulièrement en ce qui concerne
l'enseignement primaire.
A côté d'une nécessaire subvention par l'Etat des centres les plus
performants, il y a lieu de verser au dossier de la reconstruction la question
du crédit universitaire, une formule déjà utilisée dans d'autres pays, qui
permettrait aux jeunes de financer leurs études grâce à une avance
consentie par des banques privées, dont le remboursement à terme serait
garanti aussi bien par l'Etat que par les familles. J'ai déjà proposé cette
formule lors de conférences et je crois que l'occasion se présente pour
relancer le débat sur la question. Une telle formule permettrait de concilier
l'accès à l'éducation universitaire des citoyens appartenant à des couches
défavorisées et l'allègement de la charge de l'Etat.
En d'autres termes, s'il est opérationnel de tenir compte des besoins pour
orienter une politique nationale en matière d'éducation, il faut se garder
d'introduire un rapport trop rigoureux entre les deux. Pour le moment, le
pays souffre de précarité professionnelle alors que des études sérieuses
démontrent qu'il ne manque pas de cadres compétents sur place et dans la
diaspora qui dispose d'un vivier de professionnels désireux de servir et qu'il
ne peut pas utiliser faute de structures d'accueil adéquates.
D- L'alternative massification/élitisme.
Cette présentation que le format dicté par les circonstances a rendu brève
et schématique a posé succinctement les principaux problèmes de
l'éducation supérieure en Haiti dans le contexte des conséquences de la
tragédie du 12 janvier 2010. Je voudrais la compléter par quelques propos
qui placent la problématique dans un cadre de réflexion plus large.
Enfin, avec conviction mais sans arrogance, je postule que nous sommes
trop accablés de précarités de toutes sortes pour nous contenter de projets
immédiatement réalisables mais médiocres. Notre dénuement,
paradoxalement, nous autorise à être exigeants d'abord envers nous-
mêmes mais aussi dans notre manière de traiter avec les amis étrangers.
Parce que nous vivons la situation qui est la nôtre, fruit de nos carences
passées et de l'action d'une nature impitoyable, nous avons le droit d'être
orgueilleux.
Je vous remercie.