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Gauchissement non-uniforme avec prise en

compte des effets de torsion et d’effort


tranchant

Théorie de poutre et applications

Rached El Fatmi
Laboratoire de Génie Civil, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis
B.P. 37, 1002 Le Belvédère, Tunis, Tunisie.
rached.elfatmi@enit.rnu.tn

RÉSUMÉ. Une théorie de gauchissement non uniforme prenant en compte les effets de la tor-
sion et des efforts tranchants est présentée. Cette théorie de poutre est basée sur un modéle
cinématique utilisant trois paramètres de gauchissement associés aux trois fonctions de gau-
chissement de torsion et d’efforts tranchants de St Venant. La comparaison aux résultats de St
Venant permet aussitôt de dégager les effets induits par la non-uniformité du gauchissement.
En particulier, cette théorie permet de préciser la contribution de chacun des efforts intérieurs
et l’effet de la non-symétrie de la section sur le comportement mécanique de la poutre. Les
applications présentées traitent de la torsion ou de la flexion-simple de poutre consoles; elles
sont effectuées pour différents types de section.
ABSTRACT. A non-uniform warping beam theory including the effects of torsion and shear forces
is presented. The theory is based on a displacement model using three warping parameters
associated to the three St Venant warping functions corresponding to torsion and shear forces.
The additional effects due to the non-uniformity of the warping are highlighted by compari-
son with St Venant beam theory. The closed form results obtained for the stresses show the
contribution of each internal forces, and the effect of the non-symmetry of the cross-section on
the structural behavior of the beam is specified. The theory is applied to analyze torsion and
shear-bending of cantilever beams made of different kind of cross-sections.
MOTS-CLÉS : gauchissement, torsion, effort tranchant, St Venant, couplage, contrainte axiale,
cisaillement.
KEYWORDS: warping, torsion, shear force, St Venant, coupling, axial stress, shear.

L’objet. Volume X – nY/2007, pages 1 à 6


2 L’objet. Volume X – nY/2007

1. Introduction

Dans la plupart des théories du gauchissement non-uniforme (GNU) de poutre,


les effets de torsion et d’effort tranchant sont traités séparément. Il est par ailleurs
admis, dans ces travaux, que les modes naturels de gauchissement de section sont
bien représentés par les fonctions de gauchissement associées à la solution du pro-
blème de St Venant : ψ x pour la torsion et (ψ y , ψ z ) pour les efforts tranchants (x et
(y, z) étant relatifs à l’axe de la poutre et aux axes d’inertie de la section). Toute-
fois, ces fonctions de gauchissement de St Venant n’étant généralement accessibles
que numériquement, des approximations sont consenties. Ces théories de poutre, dites
d’ordre supérieur sont basées sur une modélisation du déplacement (ξ) sous la forme :
ξ(v, θ, η)=v(x) + θ(x) ∧ X + η(x)φ(X )x, où X est un vecteur de section, x le vec-
teur unitaire de l’axe de la poutre, η le paramétre de gauchissement, et φ un mode de
gauchissement censé représenter ψ x , ψ y ou ψ z . Par ailleurs, le paramètre de gauchis-
sement η y est considéré indépendant ou bien lié aux déformations associées à (v, θ),
ce qui permet réduire le nombre des degrès de liberté (e.g., pour la torsion, η est choisi
comme le taux de rotation (θx0 ) (Vlasov, 1961), et pour la flexion-simple dans le plan
(x, y), η est représenté par la déformation d’effort tranchant (γz = vz0 +θy ) (Dufort L.,
2001)).
Les résultats générés par ces théories restent fortement liés au type de section étu-
dié, au choix du mode de gauchissement et au choix du paramètre de gauchissement
(indépendant ou pas). Par ailleurs, ces travaux qui séparent torsion et effort tranchant
ne peuvent apporter de réponse quant à un éventuel couplage des différents gauchis-
sements. A ce propos, (Kim et al., 2005) montre qu’il existe, pour une section non-
symétrique, un couplage torsion-flexion dû au GNU.
L’objectif de cette communication et de présenter, pour une section homogéne,
élastique, isotrope et de forme quelconque, une théorie générale du GNU prenant si-
multanément en compte les effets de torsion et des efforts tranchants. Pour cela, la
modélisation du déplacement est la suivante :
ξ(u, θ, η)=v(x) + θ(x) ∧ X + (ηx (x)ψ x (X) + ηy (x) ψ y (X) + ηz (x)ψ z (X)) x
où les trois paramètres de gauchissement (η = [ηx , ηy , ηz ]) sont respectivement as-
sociés aux trois fonctions de gauchissement (ψ x , ψ y , ψ z ) qui sont exactement celles
de St Venant. Pour les applications numériques, cette théorie nécessite au péalable de
disposer, pour une section donnée, des fonctions de gauchissements de St Venant et de
toutes les constantes classiques de section. Ces calculs de section sont assurés par le
programme SECOPE (SECtional OPErators) qui utilise le code déléments finis CAS-
TEM. SECOPE a été développé conformément à la méthode numérique proposée par
(El-Fatmi et al., 2004) pour le calcul de la solution de St Venant dans le cadre de la
théorie exacte des poutres établies par (Ladevèze et al., 1998).

2. Rappel : solution 3D du problème de St Venant


Le problème de référence Figure-1 concerne l’équilibre 3D linéarisé d’une poutre
de longueur L, soumise aux forces surfaciques H 0 et H L appliquées sur les sections
Gauchissement non-uniforme 3

z
Slat
S
H0 x HL y
G

S0 SL

Figure 1. Probleme de référence

extrêmes S0 et SL . Le matériau est homogène elastique isotrope : E et G sont les


modules de Young et de cisaillement (pour simplifier, le coefficient de Poisson est
supposé nul). Pour donner l’expression de la solution de St Venant, il est commode
d’introduire les notations suivantes :
– La position d’un point est repéré par M =xx+X, où X appartient à S.
Z h un vecteur de
– Soient  S et (yc , zc ) les coordonnées de C, on définit :
X = (0, (y − yc ), (z − zc ))
h(·)i = (·) dS and
S m(h) = (h(y-yc i)hz -(z-zc )hy , hzhx i, h − yhx i)
– σ désignant le tenseur contrainte, on introduit les actions intérieures (R, M )
définies par : R = hσ · xi = (N, T y , T z ) et M = m(σ · x) = (M x , M y , M z ).
(N, T y , T z ) sont l’effort normal et les efforts tranchants, M x est le moment de torsion
exprimé par rapport au centre de cisaillement C et (M y , M z ) sont les moments de
flexions exprimés par rapport au centre d’inertie G de la section.
La solution de St Venant est donnée par :

ξsv = u(x) + ωx (x)x ∧ X + (ωy (x)y + ωz (x)z) ∧ X+


[1]
(M x φx (X) + T y φy (X) + T z φz (X)) x

sv N My Mz
σxx = + z− y
A Iy Iz [2]
τ sv sv
= σxy sv
y + σxz z = M xτ x + T yτ y + T z τ z
N Ty Tz Mx My Mz
γx = γy = γy = χx = χy = χy = [3]
EA GAy GAz GJ EIy EIz
où (γ=u0 +x ∧ ω, χ=ω 0 ) sont les dèformations généralisés, (A, Ay , Az , Iy , Iz , J) les
constantes de section et (φi , τ i , les fonctions de gauchissement de St Venant et les
cisaillements de St Venant. Dans cette solution, (R, M ) sont supposés vérifier les
équations d’équilibre 1D (R0 =0; M 0 +x ∧ R=0) et sont reliés à (γ, χ) par le compor-
tement (Eq.(3)). L’équilibre 1D, le comportement 1D et les conditions aux limites sur
S0 et SL forment le problème 1D qui définit la théorie de poutre (TP-SV) associée à
la solution 3D de St Venant.

3. Théorie de gauchissement non-uniforme

La théorie est basée sur le modèle de déplacement (similaire à Eq.(1))


4 L’objet. Volume X – nY/2007

ξ(v, θ, η) = v(x)+θx (x)x∧X +(θy (x)y+θz (x)z)∧X +ηi (x)·ψ i (X)x [4]
où la somme ηi ψ i utilise la convention des indices répétés (i ∈ {x, y, z}). (v, θ) sont
les déplacements de section, ηi (η=(ηx , ηy , ηz )) les paramètres de gauchissement, et
ψ i les fonctions de gauchissement de torsion et des efforts tranchant reliés à celles de
St Venant par : ψ x =GJφx , ψ y =GAy φy and ψ z =GAz φz . La théorie associée à cette
cinématique parametrée par (v, θ, η) est établie de manière classique en utilisant le
principe des travaux virtuels. Soit ξb = ξ(b bη
v , θ, b) un déplacement virtuel ; les compo-
santes non nulles du tenseur de déformation associé ε b = ε(ξ) b s’écrivent :
 
2b
εxy
εbxx =b
γx +z χ
by -y χ ηi0 ψ i
bz +b γy y+b
=b γz z+bχx (x ∧ X)+ηbi ∇ψ i [5]
2b
εxz
R
Le travail virtuel intérieur Wi = − L hσ : ε(ξ)idx b peut se mettre sous la forme :
Z Z 
Wi = − (R.b 0
γ + M .χ + M ψ .η + M s .η) dx=
b b b R0 .(b
v + x ∧ θ)b
L  h L iL [6]
+M 0 .θb + (M 0ψ − M s ).ηb dx − R.b v + M .θb + M ψ .ηb
0
i i i
où R=hσ · xi, M =m(σ · x), M ψ =hσxx ψ ixi et M s =hσxy ψ,y+ σxz ψ,z ixi
avec (xi ∈ {x, y, z}). Ceci définit les actions intérieures R, M , M ψ etM s . Les
deux derniers termes dont les composantes seront notées M ψ =(Mψx , Mψy , Mψz ) et
M s =(Msx , Tsy , Tsz ) définissent le vecteur bimoment et le vecteur des actions secon-
R R
daires1 . Le travail virtuel extérieur We = S0 H 0 · ξb dS+ H L · ξb dS. s’écrit :
SL

b0 + C 0 · θb0 + Q0 · ηb0 + P L · v
We = P 0 · v bL + C L · θbL + QL · η
bL [7]
où (P I =hH I i; C I =m(H I ); QI =hHIx ψ x ix+hHIx ψ y iy+hHIx ψ z iz) definissent,
pour la théorie 1D, les actions extérieures asociées aux actions H I , I ∈ {0, L}.
Grace au principe des travaux virtuels les Eqs.(6)-(7) permettent de déduire les
équations d’équilibre et les conditions aux limites suivantes :
R0 =0
0 x=0 : {R, M , M ψ }0 = −{P 0 , C 0 , Q0 }
M + x ∧ R=0 [8]
x=L : {R, M , M ψ }L = {P L , C L , QL }
M 0ψ − M s =0
En partant de l’énergie R de déformation élastique pour le probleme 3D :
Wel3D (ε(ξ(v, θ, η)))= 21 L hEε2xx + 4G(ε2xy + ε2xz )idx, on peut déduire que le com-
portement 1D s’écrit sous la forme découplée suivante : :
    
N A 0 0 0 0 0 γx
 My   Iy 0 0 0 0   
     χy 
 Mz   Iz 0 0  
0   χz 
   
 Mψx  =E  xx
Iψ xy
Iψ Iψxz   ηx0  [9]
 y   yy yz   
 Mψ   Iψ Iψ   ηy  0

Mψz Iψzz ηz0

1. Msx est homogène à un moment et (Tsy , Tsz ) sont homogènes à des forces.
Gauchissement non-uniforme 5

    
Mx Ix J − Ix zc A −zc A −yc A yc A χx
 Msx   Ix − J −zc A zc A yc A −yc A  ηx 
    
 Ty   A Ay − A 0 0  γy 
  =G    [10]
 Tsy   A − Ay 0 0  ηy 
    
 Tz   A Az − A  γz 
Tsz A − Az ηz
où les constantes de sections Iψij = hψ i ψ j i definissent la matrice de gauchissement
notée I ψ , et Ix =Iy +Iz +A(yc2 + zc2 ). Ce comportement 1D montre que, pour une sec-
tion quelconque, les mouvements de torsion et de flexion se retrouvent couplés. Cela
est dû à la non symétrie de la section caractérisée ici par les constantes (Iψxy , Iψxz , Iψyz )
et (yc , zc ).
Contraintes. Les expressions des déformations (Eq.(5)) et les relations inverses du
comportement 1D (Eq.(9)-(10)) permettent de déduire l’expression des contraintes en
fonction des efforts généralisés. L’expression ci-dessous, qui concerne les sections
bi-symétriques, montre clairement les contraintes additionnelles dûes au caractère
non uniforme du gauchissement et indique la contribution de nouveaux efforts
intérieurs qu’il introduit.
Mψx Mψy Mψz
GN U
σxx = σxxsv
+ xx ψ x + yy ψ y + zz ψ z
Iψ Iψ Iψ
x
M s Tsy Tsz
τ GN U = τ sv + (Ix τ x -x ∧ X) + (Aτ y -y) + (Aτ z -z)
(Ix − J) (A − Ay ) (A − Az )

4. Applications : quelques résultats numériques

On considére une poutre console encastrée en S0 et chargée en SL par un couple


de torsion ou un effort transversal. Les sections considérées sont rectangulaire pleine
(S1 ), mince ouverte en I (S2 ) et mono-symétrique (en U) afin d’illustrer le couplage
torsion-flexion. La Figure-2 donne les gauchissements de torsion et d’efforts tran-
chants pour S1 et S2 . Les tableaux 1 et 2 comparent respectivement pour le cas de la
torsion et de la flexion simple, les valeurs extrêmes des contraintes axiales obtenues
au droit de l’encastrement calculées par éléments finis tridimensionnels (3D-FEM,
3D) et par la présente théorie (TP-GNU, 1D). La Figure-3 concerne la torsion de la

Figure 2. Gauchissements de St Venant des sections S2 et S2 .


6 L’objet. Volume X – nY/2007
1D 3D
3D 1D σxx −σxx
σxx σxx σxx 3D %
S1 29.104 20.690 28.91
S3 1499.8 1234.0 15.10
max
Tableau 1. Torsion : comparaison 3D-FEM/TP-GNU de σxx .

3D sv

3D w
3D w
(σxx )
3D-FEM σxx σxx σxx sv
σxx %
S1 34.306 30.000 4.306 14.35 1D 3D
σxx −σxx
S2 122.720 87.234 35.486 40.68 σ3D %
xx

1D w
1D w
(σxx )
TP-GNU 1D
σxx sv
σxx σxx S1 2.80
σsv %
xx
S2 10.75
S1 33.346 30.000 3.346 11.15
S2 135.909 87.234 48.675 55.77
max
Tableau 2. Flexion-simple : comparaison 3D-FEM/TP-GNU de σxx .

x (m) 6 12 18
TP-SV θx 14.443 28.887 43.330
Vlasov θx 0.617 2.144 4.119
Kim θx 0.669 2.233 4.236
vy 0.762 1.475 2.163
TP-GNU θx 0.648 2.203 4.203
vy 0.835 1.615 2.369

Figure 3. Torsion d’une poutre console de longueur L=18m et de section en U.

poutre console en U traitée par (Kim et al., 2005)). Le tableau qui y figure compare
les rotations θx et les déplacements vy obtenus par les diiférentes théories : St Venant
(TP-SV), Vlasov, Kim et la présente théorie (TP-GNU).

5. Bibliographie

Dufort L. Drapier S. G. M., « Closed-form solution for the cross-section warping in short beams
under three-point bending », Composite Structures, vol. 52, p. 233-246, 2001.
El-Fatmi R., Zenzri H., « A numerical method for the exact elastic beam theory. Applications
to homogeneous and composite beams », Int. J. of Sol. and Struct., vol. 41, p. 2521-2537,
2004.
Kim N., Kim M., « Exact dynamic/static stifness matrices of non symmetric thin-walled beams
considering coupled shear deformation effects », Thin-Walled Structures, vol. 43, p. 701-
734, 2005.
Ladevèze P., Simmonds J., « New concepts for linear beam theory with arbitrary geometry and
loading », Eur. J. of Mechanics, vol. 17, n◦ 3, p. 377-402, 1998.
Vlasov V., Thin walled elastic beams, Israel Program for Scientific Transactions, 1961.

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