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Pour écrire ses pièces, Molière puise dans les sources de la comédie antique : il a lu les pièces
de Plaute et de Térence.
Plaute et Térence sont deux dramaturges comiques de l’Antiquité romaine. Ils proposent un
théâtre très différent.
Plaute a mené une vie mouvementée : il a été acteur, s’est ruiné, et, après avoir exercé
différents métiers, a fini par s’imposer comme auteur de comédies.
Il écrit pour gagner sa vie : c’est pourquoi il produit beaucoup (on lui attribue 130 pièces, dont
21 seulement sont conservées). Pour aller plus vite, il s’inspire de pièces existantes.
Pour plaire au peuple et vendre ses pièces, il propose des intrigues simples, multiplie les
quiproquos, les fourberies, les bouffonneries et favorise les chants.
Térence est un ancien esclave affranchi, devenu le protégé des Scipions, une illustre famille
de la Rome antique. Sa courte carrière ne lui permet que d’écrire 6 pièces. Il n’est guère
apprécié par le peuple qui reproche à son théâtre d’être ennuyeux ; il est admiré par un public
cultivé pour les situations qu’il invente, la subtilité de ses caractères, et son comique tempéré
et délicat.
Le théâtre de Molière
Dans son théâtre, Molière réalise une synthèse du théâtre de Plaute, destiné à faire rire en
présentant une image caricaturale du monde, et de celui de Térence, destiné à corriger les
mœurs grâce à une peinture fidèle de l’homme.
Pour rédiger L’Avare, Molière s’est inspiré de l’Aulularia de Plaute : le poète latin a fourni à
Molière le thème de sa pièce, ainsi que certaines situations comiques.
Le vieil Euclion possède un trésor dont il cherche à cacher l’existence ; il ait preuve, envers
tout le monde, d’une méfiance maladive dont l’excès nourrit le comique de la pièce.
Le voisin d'Euclion, le riche Mégadore, suivant le conseil de sa sœur Eunomie qui vit avec
lui, décide de prendre pour femme Phédrie, la fille d'Euclion, pour ne pas laisser sa maison
sans enfants.
La situation se complique par le fait que Lyconide, fils d'Eunomie, aime Phédrie, et que cette
dernière attend un enfant de lui, qu'elle mettra au monde pendant l'action de la pièce.
Lyconide a conscience qu'il n'aura aucune chance d'obtenir la fille de l'avare Euclion. Mais le
hasard permet à son esclave de voler le trésor de l'avare. Lyconide le rend à son propriétaire et
on suppose, qu'en guise de récompense il obtient Phédrie pour femme (la fin est aujourd'hui
perdue...).
LE MAÎTRE SOUPÇONNE L’ESCLAVE
L’Aulularia, Plaute, I, 1 et IV, 4
L’Avare, Molière, I, 3
EUCLION, STAPHYLA
(Eu)-Exi, inquam, age exi! Exeudumhercle tibi hinc est foras, circumspectatrix cum oculis emissiic!
(St)-Nam cur me miseram verberas?
(Eu)-Ut misera sis!
(St)-Utinam me divi adaxint ad suspendium potius quidem quam hoc pacto apud te serviam! (Eu)-at ut scelcta sola secum murmurat! Oculus
hercle ego istos, improba,ecfodiam tibi. ( ... )
EUCLION, STAPHYLA
(EU)-Sors, te dis-je, allez, sors! Il faudra bien que tu sortes, par Hercule, maudite espionne, avec tes yeux sans cesse à l'affût!
(ST)-Hé, pourquoi me bats-tu, malheureuse que suis-je?
(EU)-Pour que tu sois malheureuse ! (...)
(ST)-Que les dieux me poussent au suicide, plutôt que d'être ton esclave dans ces conditions !
(EU)- Mais voyez comme la scélérate murmure entre ses dents ! Par Hercule, je t'arracherai ces yeux maudits, coquine! ( ...)
(EU) Exi, inquam, age exi ! Exeundum hercle tibi hinc est foras, circumspectatrix cum oculis emissiciis.
(ST) Nam cur me miseram verberas?
(EU) Vt misera sis !
(ST) Utinam me divi adaxint ad suspendium potius quidem quam hoc pacto apud te serviam.
(EU) At ut scelesta sola secum murmurat. Oculos hercle ego istos, improba, ecfodiam tibi.
EUCLION - Sors de là, ver de terre, qui rampais là, en douce, à mes pieds, sans te montrer ! Maintenant que tu te montres, tu es un homme
mort ! Par Pollux, l’ensorceleur, je vais t’arranger de la belle manière !
STROBILE - Quel tourment t’agite ? Qu’ai-je à faire avec toi, vieillard ?
EUCLION - Pose ça, si tu veux bien. Garde tes plaisanteries ; je ne ris pas, moi.
STROBILE – Que je pose quoi ? Non, par Hercule, je le jure, je n’ai rien pris ni rien touché.
EUCLION - Montre-moi tes mains !
STROBILE - Hé bien, je te les montre : les voici.
EUCLION - Je vois. Allez, montre-moi la troisième.
STROBILE - Fantômes, fantasmes, et idées folles tourmentent ce vieillard. [...]
EUCLION – Allons donc, enlève donc ton manteau !
STROBILE – A ta guise.
EUCLION- Que tu ne gardes rien entre tes tuniques.
STROBILE - Tâte où tu veux. […]
EUCLION – Tu l’as, c’est sûr.
STROBILE- Moi ? Je l’ai ? J’ai quoi ?
EUCLION- Je ne le dis pas : tu désires l’entendre dire. Ce qui est à moi, que tu as, rends-la.
STROBILE- Tu es fou.
Harpagon - Hors d’ici tout à l’heure, et qu’on ne réplique pas ! Allons, que l’on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence !
La Flèche, à part - Je n’ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard et je pense, sauf correction, qu’il a le diable au corps.
Harpagon - Tu murmures entre tes dents ?
La Flèche - Pourquoi me chassez-vous ?
Harpagon - C’est bien à toi, pendard, à me demander des raisons ! Sors vite, que je ne t’assomme.
La Flèche - Qu’est-ce que je vous ai fait ?
Harpagon - Tu m’as fait, que je veux que tu sortes.
La Flèche - Mon maître, votre fils, m’a donné ordre de l’attendre.
Harpagon - Va-t’en l’attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe et
faire ton profit de tout. Je ne veux point avoir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître dont les yeux maudits assiègent
toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furètent de tous côtés pour voir s’il n’y a rien à voler. (...) Sors d’ici, encore une fois.
La Flèche - Hé bien, je sors.
Harpagon - Attends. Ne m’emportes-tu rien ?
La Flèche - Que vous emporterais-je ?
Harpagon - Viens çà, que je voie. Montre-moi tes mains.
La Flèche - Les voilà.
Harpagon - Les autres.
La Flèche - Les autres ?
Harpagon - Oui.
La Flèche - Les voilà. (...)
Harpagon - Allons, rends-le-moi sans te fouiller.
La Flèche - Quoi ?
Harpagon - Ce que tu m’as pris.
La Flèche - Je ne vous ai rien pris du tout. (...)
Molière, L’Avare, Acte I, scène 3
LE MAÎTRE SOUPÇONNE L’ESCLAVE
L’Avare, Molière, I, 3
L’Aulularia, Plaute, I, 1 et IV, 4
Le maître Le valet
Le comique chez Molière vient en général de ce que le valet prend l’ascendant sur leur maître et que les rôles
sont inversés.
Ordre de sortir
Yeux fureteurs
La fouille, absurde
Le comique vient du caractère obsessionnel de l’avarice du protagoniste, qui donne lieu à un comique de mots et
de gestes évident.
On retrouve le même genre de personnage, un maître et son esclave. Le temps de parole est réparti de façon
équivalente et les types et formes de phrase utilisés sont identiques. Les deux scènes ressemblent à celle de
Molière.
Reprendre les thèmes évoqués précédemment et justifier sa réponse en relevant des mots du texte.
b- Le maître et l’esclave
Les deux extraits de Plaute ont largement inspiré Molière : le personnage de l’avare et les thèmes abordés
sont les mêmes et certaines expressions sont reprises presque à l’identique.
Molière Plaute
Harpagon fouille les « hauts de chausse » de La Flèche. La tunique est le vêtement des esclaves.
Lorsque l’esclave se parle à lui-même, répétition du Lorsque l’esclave se parle à lui-même, répétition du
son « m » : « je n’ai jamais rien vu de si méchant que son « ae » : « larvae, intemperiae, insaniae».
ce maudit vieillard ».
LE MONOLOGUE DÉSESPÉRÉ DES AVARES
L’Avare, IV, 7
Aulularia, IV, 9
Dans l'extrait ci-dessous, Euclion découvre le vol de son trésor... Strobile en est à l'origine.
EUCLION
Périi, intérii, occidi! Quo curram? Quo non curram? Téne, téne! Quem? Quis? Néscio, nihil video, caecus eo
atque équidem quo éam, aut ubi sim, aut qui sim, néqueocum animo cértum investigare. Obsécro égo vos, mi
auxilio, oro, obtéstor, sitis et hominem demonstrétis quis éam abstulerit. Quid ais tu? Tibi crédere cértum est;
nam esse bonum ex voltu cognosco. Quid est? Quid ridétis?novi omnes: scio furesésse hic complures, Qui
vestitu et créta occultant sése atque sédent quasi sint frugi. Hem, nemo habet horum? Occidisti. Dic igitur, quis
habe? Néscis? Heu me misere miserum, perii! Male pérditus, pessime ornatus éo, Tantum gemiti et mali
maestitiaeque hic dies mi optulit, fanem et pauperiem! Perditissimus égo sum omnium in térra. Nam quid opust
vita? Tantumauri perdidi quod concustodivi sédulo! Egomet me defraudavi aninumque néum geniumque néum;
nunc érgo alii laetificantur méo malo et damno. Pati nequeo.
EUCLION, seul.- Je suis mort ! Je suis égorgé ! Je suis assassiné! Où courir ? Où ne pas courir ? Arrêtez !
Arrêtez ! Au voleur ! Qui ? Lequel ? Je ne sais ; je ne vois plus, je marche dans les ténèbres. Où vais-je ? Où
suis-je ? Qui suis-je ? Je ne sais ; je n'ai plus ma tête. Au secours ! Ah ! je vous prie, je vous en conjure, montrez-
moi celui qui me l'a ravie ... Vous autres cachés sous vos robes blanchies, et assis comme des honnêtes gens ...
Parle, toi, je veux t'en croire ; ta figure annonce un homme de bien... Qu'est-ce ? Pourquoi riez-vous? On vous
connaît tous. Certainement, il y a ici plus d'un voleur... Eh bien ! Dis ; aucun d'eux ne l’a prise ? Tu me donnes le
coup de la mort. Dis-moi donc qui l'a pris ? Tu l'ignores ! Ah! Malheureux, malheureux! C'est fait de moi ; plus
de ressource, je suis dépouillé de tout ! Jour déplorable, jour funeste, qui m'apporte la misère et la faim ! Il n'y a
pas de mortel sur la terre qui ait éprouvé un pareil désastre. Et qu'ai-je à faire de la vie, à présent que j'ai perdu
un si beau trésor, que je gardais avec tant de soin? Pour lui, je me dérobais le nécessaire, je me refusais toute
satisfaction, tout plaisir. A présent j'ai tout perdu ! Et il fait la joie d'un autre qui me ruine et qui me tue! Non, je
ne puis supporter cette idée.
- Au voleur, au voleur, à l'assassin, au meurtrier. Justice, juste Ciel. Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé
la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être? qu'est-il devenu? où est-il? où se cache-t-il? que ferai-je
pour le trouver? où courir? où ne pas courir? n'est-il point là? n'est-il point ici? qui est-ce? Arrête. Rends-moi
mon argent, coquin... (Il se prend lui-même le bras.) Ah, c'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis,
qui je suis, et ce que je fais. Hélas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toi; et
puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour moi, et je n'ai plus que
faire au monde. Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus, je me meurs, je suis mort, je
suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui
l'a pris? Euh? que dites-vous? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de
soin on ait épié l'heure; et l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux
aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi
aussi. Que de gens assemblés! Je ne jette mes regards sur personne, qui ne me donne des soupçons, et tout me
semble mon voleur. Eh? de quoi est-ce qu'on parle là? de celui qui m'a dérobé? Quel bruit fait-on là-haut? est-ce
mon voleur qui y est? De grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l'on m'en dise. N'est-il
point caché là parmi vous? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part, sans doute, au
vol que l'on m'a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences,
et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même
après.
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