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de Rome
Duval Paul Marie.Duval Paul Marie. Archéologie et histoire de la Gaule. In: Travaux sur la Gaule (1946-1986) Rome : École
Française de Rome, 1989. pp. 3-13. (Publications de l'École française de Rome, 116);
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1989_ant_116_1_3646
5 P. Jacobsthal, Early Celtic Art, 2 vol., Oxford, 1944. Voir p. 102, pi. 109, n° 172.
On traduit volontiers aujourd'hui par : l'Art celtique ancien.
8 I - CELTES ET GAULOIS
de l'esprit celtique tel qu'il se révèle à nous dans les œuvres d'art
créées par les Gaulois. Que ces tendances un peu dangereuses à
l'irréalité, que ces créations à mi-chemin entre le sensible et l'intelligible
n'apportent pas à l'homme tout ce qu'il demande à l'art, c'est
l'évidence même : mais qu'elles émanent d'une sensibilité très développée
et d'une vision suraiguë des êtres et des choses n'est pas moins
incontestable.
D'ailleurs ces caractères, par leur survivance en pleine époque
romaine, offrent un autre sujet d'études, dont on peut attendre
d'autant plus de profit que la notion d'art provincial s'est singulièrement
précisée depuis peu dans le cadre de l'Empire romain. On ne
reconnaissait jadis à la sculpture gallo-romaine que le mérite d'avoir
parfois réussi à bien imiter les modèles classiques. On ne distinguait pas,
des produits maladroits dus à des praticiens sans expérience - qui
relèvent de ce qu'on appelle aujourd'hui le «primitivisme» -, ces
œuvres, bas-reliefs, statuettes ou figurines, que leur inspiration
indigène défend d'une imitation servile et qui savent exprimer avec une
saveur de terroir, une gaucherie spirituelle, une naïveté parfois
charmante et une touche volontaire de caricature, non seulement des
sujets empruntés à la vie courante mais aussi les thèmes majeurs du
répertoire mythologique gréco-romain. Un récent congrès
international d'archéologie classique, tenu à Paris, a fait le point des recherches
actuelles sur les civilisations dites périphériques de l'empire romain;
il a montré leur fécondité. Les scènes de genre, par exemple, ont
connu en Gaule un succès prodigieux. Elles nous révèlent un goût de
l'activité, un culte de l'artisanat, un amour du travail, un sens du
bien-être, un art de vivre enfin qui, perpétuant avec finesse celui de la
Gaule indépendante, nous apprend que le «très doux pays» de France
remontait beaucoup plus haut que la Chanson de Roland. Et ce n'est
pas hasard si le «sourire» de tel bas-relief de Sens ou de Dijon
préfigure d'autres sourires du Moyen Age occidental, dont celui qui brille
à Reims n'est que le plus fameux.
* * *
6J. Carcopino, «Ce que Rome et l'Empire romain doivent à la Gaule», dans
Points de vue sur l'impérialisme romain (1934), repris dans Les étapes de
l'impérialisme romain (1961).
7 Voir plus loin «Pourquoi nos ancêtres les Gaulois», p. 199-217.
10 I - CELTES ET GAULOIS
que romaine : d'une part, des découvertes épigraphiques telles que les
cadastres de la ville et de la campagne d'Orange gravés sur marbre
sur l'ordre de Vespasien et qu'une édition magistrale vient de rendre
accessibles à tous, avec la dimension des lots, le nom des tenanciers et
même la valeur des terres10; d'autre part, les traces de plus en plus
nombreuses que la photographie prise d'avion décèle dans nos
campagnes autour des anciennes colonies romaines : les possibilités de
recherche sont ici d'une envergure inattendue. Tout aussi bien, cette
méthode renouvelle ce que nous savons de la quantité et de la
répartition des villas gallo-romaines, particulièrement dans le Sud-Ouest et
le Nord de la France, où elles se révèlent en quantité
impres ion ante.
La prospection accélérée risque aussi d'enrichir l'histoire
religieuse de la Gaule car des enclos cultuels ou funéraires apparaissent
en grand nombre dans diverses régions de la France. Nous savions
par César que les Gaulois étaient très religieux mais leurs temples,
d'un type si particulier, s'avèrent de plus en plus nombreux et l'étude
de leurs dieux doit être longue encore avant que tant de noms énig-
matiques, tant de sculptures apparemment inexplicables aient livré
leurs secrets. Que dire de l'horizon brusquement élargi que découvre
à ces recherches l'exploration hardie, entreprise depuis peu, de la
religion préhistorique?
Mais c'est d'une révision générale des sources, que me paraît
dépendre, désormais, le progrès de l'histoire de la Gaule. Ces sources,
en effet, ne cessent de s'enrichir par les découvertes épigraphiques et
archéologiques, dont la vertu singulière est de venir féconder les
textes. Il est indispensable maintenant de revenir à ces derniers avec la
lumière de tout ce que les fouilles nous ont offert et continuent de
nous apporter; et toujours il faut rejoindre la signification première
des témoignages écrits, au travers ou en dépit des altérations que leur
ont fait subir de trop nombreux commentaires : de même, en
musique, le rôle de l'interprète devrait être avant tout de rendre à l'œuvre
tant de fois rabâchée sa fraîcheur première avec l'élan créateur dont
elle est née, plutôt que de se conformer à une tradition, si bien fondée
qu'elle puisse paraître.
La période des origines helléniques et celtiques de la Gaule est de
loin la moins pauvre en textes grecs et latins et, sinon la plus riche en
découvertes archéologiques, du moins la mieux pourvue en
trouvail es particulièrement précieuses et significatives, puisque chacune
d'elles risque de jeter un peu de lumière sur l'époque la plus obscure