Neal Nae
Perspectives et
stratégies dans
Vunivers du cacao |
Nicotas Maittot, MEMBRE CORRESPONDANT DE LACADEMIE
FRANCAISE DU CHOCOLAT ET DE LA CONFISERIE, COORDINATEUR
DE LA « FINE COCOA ASSOCIATION » ET PLANTEUR AU BRESIL, A
REALISE UNE ETUDE, INTERESSANTE REFLEXION SUR « LES STRATEGIES
DES PAYS PRODUCTEURS ET LEURS PERSPECTIVES DE MARCHES ».
«Lamajeure partie des producteursde
cacao cherche avant tout & subsster,
Salimenter, Avec une superficie
moyenne mondiale de 5 hectares les
familles concernées vivent majoritaire-
ment en dessous du seul de pauneté,
et concentrent ainsi leurs effors sur
des cultures vivrigres imméciates,
de subsistence : tubercules, fruits et
parfois céréales,
Exemple en Cote d'Ivoire
Superficie de 02 Hectares en
moyenne.
Productivité moyenne de 0,6 Tonne/
hectare.
Cotation moyenne du cacao & New
York en 2009 : 2800 USD / Tonne.
Rémunération moyenne du produc-
‘teur : 60 % de la cotation 4 New York
(coca0 « bord de champ »).
Revenu Total annuel familial = 2016
USD.
Reyenu journaler par famille = 5,52
USD /Jour
Famille de 5 personnes.
Revenu moyen par personne et par
jour = 410 USD jour
Le seuil de pauvreté défini par
UNESCO est de 2 USD par jour et
par personne.
‘Avec 0S hectares (moyenne mondiale)
Lesmeneleases grines
et une rémunération moyenne de
80% de la cotation de New York
(meileuremoyenne AmériqueLatie),
le revenu moyen journaler est de 3,68
USD par personne.
Les rares options de valorisation du
cacao résident dans Pacc’s aux fire
courtes certfées, qui proposent une
prime en relation aux circuits tradi~
tionnels, et un prix plancher
article sur les labels de juin 2008 de
Chocolat @ Canfserie Magazine (n°
426) détaille les conditions d'accés
aux différents labels biologiques, équi-
tables, qualité
Cependant, les volumes considérés
des fiiéres courtes restent encore
faibles au regard de la. production
mondiale de cacao, avec moins de
10%, et les primes proposées aux
producteurs restent encore medestes
(entre 15 % et 30 % du marché local,
et tr8s exceptionnellement 50% ou
100%).
Plusieurs stratégies ont ainsi 616
implantées par les gouvernerents
des pays producteurs, dans une vision
rmacrogconomique
1/ Partenariats de certification avec
les Etats producteurs (Ghana, Céte
d'ivoire)
Le groupe « Cadbury » a ainsi deja
implanté au Ghana le programme «
Cadbury Cocoa Partnership » avec une
centaine de communauté de produc
teurs, pour un montant de 43 millions
de dollars, selon Hobjectif déclaré de
«cgarantir le développement éconc-
rmique, social et Ecologique des exploi-
tations Ghanéennes »
Avec Fappui des ONG « Care » et «
World Vision », le programme prévoit
de faire bénéficier prés de 500 000
familles de producteurs d'ici 2018.
‘Axes du programme
‘GAOCOLAT ET CONFSERIE MAGAZINE N439 //7 hulle AooL2010* Augmentation des revenus & travers
augmentation de la productivité par
hectare
* Micro-crécit
+ Polyculture de subsisance
+ Education communautaire
* Construction de résenvoirs d'eau
potable
La situation humaine des producteurs
cestainsi contemplée, au-delé ce aug,
mentation des volumes de produc:
tion.
Les droits fondamentaux définis par
la Charte de Droits de fhomme de
VONU (alimenter, avoir acces eau
potable, aux services d'éducation)
seront ainsi assurés par un partenariat
public privé, entre industre et Etat
En Céte dvoire, fa situation admi-
ristrative est plus complexe, avec la
rénovation de fancienne CAISTAB, le
FCC (fonds cacao café) et les tensions
paitgues des dernires années,
Encore récermment, une bonne partie
du cacao iirien produit au nord de
la ligne de séparation des beligérants
Giait exportée dlandestinement au
Nord (Burkina-Faso) ou surtout @ Est
(frontigre avec le Ghana),
La rénovation de la filgre-cacao divil-
guée par le gouvernement de Céte
divoire conceme principalement &
ce jour la libéralisation graduelle des
exportations, avec maintenant plus
dune trentaine entreprises dexpor
tations immatriculées par le gouver-
nement.
Par ailleurs le prix minima aux produc
teursdéfinit parle gouvernement ivok
rien a augmenté,
950 Franc CFA/Kg contre 640 Franc
CFA/Kg , ce qui représente environ
63 Sb dela cotation de New York pour
larécolte 2009/2010.
Ceprixminimaest cependant appliqué
comme prix unique par les acheteurs
dans les zones de production
ur les programmes de certifications,
beaucoup moins développés qu’au
Ghana, la tendance demeure ctois
sant.
Lintiatve pilote de restructuration
de filére menée par la coopérative
Lapesée
des producteurs du département de
Daloé (coopérative agricole Fiécifoue)
est destinée 8 s'étendre aux autres
districts
‘Avec le label « Rain Forest Alliance»,
dont le cahier des charges définit
des standards qualitatifs, humains et
écolog ques décents et accesibles les
472 producteurs du programme ont
produits 1 255 tonnes de cacao certs
lors de a campagne 2008/2009,
Cette année, lebjecif est detteindre
815 producteurs.
2/ Exporter des produits semi-fnis
(Equateur, Venezuela, Pérou..)
Schéma logistique traditionnel de
production des grands broyeurs
rmondiaux (Barry, ADM, Cargill), ce
rmodéle est maintenant suivi par des
usines nationales créées dans les pays
producteurs de cacao,
La pite de cacao et le beurre sont
ECONOMIE!
‘|
AN
transformés au plus prés des zones
de production des feves. Les produits
semi-fris sont plus faclement stoc-
kables et transportables, et les risques
phytosanitares sont réduits.
‘Au Venezuela, la fabriquex Cacao
deri & Barlovento a été développée
par le Gouvernement. Au Pérou, la
coopérative « Naranjilo » de Tingo
Maria a 6t6 mise en place & travers
des financements de FONU, dans les
années 1990.
Cependant, le savoir faire national
est encore & confirmer auprés des
marchés importateurs Les principaux
reproches concement la mafrise de
la température de torréfaction, les
résidus de coques qui brent lors de
la torréfaction, la granulométve aléa
toire du broyage de la pate de cacao,
s citéres microbiologiques et enfin
thhomogénéité aromatique des ot
‘CHOCOLAT ET CONFISERIE MAGAZINE N39 /// Jala Aoit 2010ECONOMIE (suite)
Lestage
Des travaux danalyse sensorielle ont
ainsi été développés ces demigres
années par les centres de recherches
des pays producteurs. Toutefois, es
panels locaux de dégustation nont
pas la méme sensibiité, la méme
‘expérience ni la méme exigence que
les marchés clients,
Les profs sensoriels diffrent, et frei-
nent sérieusement la commercalisa-
tion.
3/. Développement du marché
érieur (Cameroun, Equatewr,
Venezuela...)
lexste plusieurs programmes dinves
tissements dans des fabriques dtat
de grande capacité (10 000 a 20 000,
tonnes par an). Is'agitla dun modele
de développement de parc indus-
‘rie! alimentaire, en substitution aux
importations
Ces febriques sont avant tout dest:
nes & fourir les entreprises privées
rationales pour alimenter les biscui-
teres et confiseries des gondoles de
supermarché:
Par ailleurs, les grands broyeurs
internationaux installs dans les pays
producteurs recentrent leurs activités
sur 'export et vendent leurs unités de
chocolateries destinges & la clientéle
régionale,
Ainsia été cdée, ily a peu, la fabrique
« Chococam » de Douala au Came-
oun qui emploie 300 personnes
et commercialise déja dans les pays
voisns
Cette dynarrique apportée par les
nouveaux acteurs est soutente par
Vurbanisation croissante des popu-
lations, ce qui devrait accélérer
la consommation de confiseries et
produits chocolatés,
La partde production de cacao consa-
cre aux marchés intérieurs est en
phase crossante
Un transfert qualitatif sopére aussi,
lorsqu’un pays producteur exporte
sa production nationale de cacao et
importe des lots de caczo de moindre
qualité pour alimenter son-marché
national
‘Au Brésil et au Venezuela, certains
broyeurs importent ainsi des lots de
cacao décotés en provenance d'Indo-
niésie ou dAfrique de FOuest, lorsque
leuts productions alimentent les
rmarchés Européens et Américans.
augmentation de production néces-
sairerne serapas foreément aussi repide
pour assurer les volumes 8 export, au
Sud et au Nord,
Une période de transition peut se
dessiner & moyen terme, et rendre
les cotations du cacao beaucoup plus
volatiles.
Dans une autre mesure, certaines
marques de chocolats plus élaborés
ont été créées, en Equateur qui expor
tent une petite parte de leur produc-
tion.
Les résultats techniques sont encore
souvent insuffsants (températures,
débris, granulométrie) et les diffé
rences sensorielles dereurent les
principaux obstacles pour les marché
importateurs
4/ Fabriquer dans les pays produc-
teurs les machines de transforma-
tion de petite capacité (Indonésie,
Brésil)
Les fabricants de machines de tans-
formation des feves de cacao sont peu
nombreux et essentiellement euro-
péens (Mac Intyre, Carle Montanari,
Novelas..
Ces fabricants équipent_ principa-
lement es grands broyeurs, et ne
proposent pas ou peu de machines
adaptées aux transformations locales
de petite échelle. Par ailleurs, es codits
Cinvestissernent et cfeniretien sont
inabordables pour les pays produc-
teurs.
Ans, les gouvernements Brésiien et
Indonésien ont développé chacun
de leur cBté une stratégie nationale
similaire, de développement techno-
logique et industriel
Des lignes de crélt& taux préféren-
tiels ont été oréées pour financer la
recherche-développernent des proto-
types auprés de certaines industries
de pointe (fourisseur automobiles,
fourrisseursaéronautiques..), toujours
rationales.
Les tests de transformation des feves
ont ensuite été réalsés en partenariat,
avec les centres de recherches agro-
nomiques nationaux. Cew-ci ont pu
montrer aux productews, dans leurs
bassins de production, laréelle possibi-
lite de transformer les feves en masse
de cacao, et celle-ci en chocolat
‘Au Brési, ces petites unités de trans-
formation ont une capacité de $00 Kg
de feves de cacao par tour de 8H. La
ligne compléte de fabrication (feves,
masse, chocolat en tabette) avoisine
300 000 euros.
Des lignes pour transformer 1.500 Kg,
de féves (par tour de BH) sonten cours
de production, pour équiper quelques
coopératives dea structurées
Lorsque les bonnes technologies
‘GROCOLAT ET CONFISERIE MAGAZINE NBD /7T pale Podea010ont &é choisies, notamment pour
le raffinage de la pate de cacao, ces
nouveaux petits modéles offrent. de
118s bons résuats
Les outils de contréle modernes
permetient de surveller en temps
continu les températures de torréfac-
tion et de conchage, Par ailleurs, des
instruments électroniques permet-
tent de conserver une granulométrie
précise et hornogene,
Concues pour étre utilisées par des
cemployés encore peu qualifés, Yen
twetien des machines est simple, abor
cable, et surtout rapide: des pidces
de rechanges standardisées, produites
dns le pays, avec un manuel util
sation bien ilustré et rédigé dans la
méme langue matemelle des fabri-
cants et utiisateurs
La production de chocolat artisanal
issu de ces petites units sera destinée
clans un premier tempsaumarché local
imméclat des bassins de productions,
puis aux grandes vlls nationales.
Plusieurs tapes resent &franchir
+ implanter une unité-pilote destinée a
former les opérateurs des fabriques ;
* Définir des recettes adaptées au
marché local 5
‘ Implanter un réseau de logistique
réfrigerée capable de distribuer rapi
‘dement et dans de bonnes conditions
les principaux marchés, plus distats
Les routes devront étre asphaltées et
lesréseaux ectriques bien entretenus
pour permettre le bon fonctionne
ment des chambres froides et des
plateformes de camion réfrigérés
Leenjeu dépasse ainsi la fire cacao, et
stintégre dans les politiques de déve-
loppement des différentes régions
productrices : Infrastructures, trans-
ferts de technologies, financements
publics, éducation.
6/ Recherche de Véquilibre entre
ajout de valeur et augmentation des
rendements.
Lexpérience de plusieurs projets de
ment des 10 dernigres
firme les risques des solur
Certaines initiatives se concentrent
sur la création d’un pare industriel
de ‘transformation, cependant. sans
prévoir la rénovation de plantation
et faméiiration de la qualité post
récolte des eves.
Diautres programmes se concentrent
sur Yaugmentation des rendements
par hectares, sans considérer la qualité
‘organoleptique des cacaos,
Ainsi, en Equateur et au Pérou,
augmentation des rendements des
cacaoyers indlut la propagation de
cacaos hybrides plus résistants, detype
CCN 51, et modife le patrimoine
génétique orginel du bassin amazo-
rien
Graduellerent, les primes de marché
du cacao diorigine Equateur ont
diminué.
Des efforts de contrdle ont alors été
entrepris par le gouvernement Equa
torien pour diminuer les mélanges de
lots de Cacao Nacional et de CCN,
pour ralentila décote
Une solution pour améliorer le revenit
des producteurs est done de mesurer
la valeur et non le volume produit par
hectare, Le rendement. économique
exprimé en USD/Hectare permet
céquilbrer les efforts entre qualtatif
et quantiatif.
Préserver le patrimoine génétique
des cacaoyeres selon des tertoirs
distincts permet de donner une valeur
intrinsdque au caceo, pour ensuite
ECONOMIE (suite)
pasitionnement sur les marchés. de
niche. En exemple, les programmes
de l'association AVSF au Pérou, en
partenariat avec le CICDA, ou encore
le partenariat entre GTZ et Koaka en
Equateus
7/ Les Flléres Courtes Associatives.
Le modéle développé par les filéres
courtes associatives consiste 8 nouer
des partenariats diects entre produc
‘teurs et artisans cowerturiers indé&
pendants en Europe.
Ces réseaux artsanaux concernent de
petits volumes, et permettent ainsi
d'@aborer des chocolats dorigine ou
de bassins hydrographiques. précis,
typés, sur mesure. La certification
des féves en amont et les protocoles
européens de transformation en
aval permettent cloffrir des produits
cconformes aux attentes des consom-
mateurs,
Les producteurs partcipent au mieux
de la chaine de valeur, en vendant
directement aux chocolatiers qui
programment ans! leurs commandes
annuelles,
Les transitares et couverturiers parte
naires iravallent selon une grille tar
‘eire prédefinie.
La part de valeur ainsi transférée aux
producteurs permet de rémunérer
dignement la qualité de leur traval,
avec des primes de 30% & 100%, en
relation au marché local du cacao.
Lesproducteurs percoiventainsiéqui-
valent de 35 %340 % du prixdeverie
des chocolats de couverture & travers
les flies courtes, contre 'équivalent
cde 10 % 8 15.% en moyerine dans les
filigres industrielles traditionnelles.
Cependant, le parc des acheteurs
industrels préfére encore majoria:
rement diminuer le coit d'achat des
rmatiéres premigres, pour financer le
marketing et la commercalsation des
produits fins.» m
Avril 2010
Nicolas Maillot / Coordnateur FCA ~
Fine Cocoa Association
ustine Chesnoy / FCA -Pérou et FCA
Venezuela