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L’Espace Politique

Revue en ligne de géographie politique et de


géopolitique
33 | 2017-3
Frontières de guerre, frontières de paix : nouvelles
explorations des espaces et temporalités des conflits
+ Varia

Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une


lecture géopolitique du complexe régional de
sécurité.
Security in the Arctic Region: a geopolitical read of Security Regional Complexes

Pauline Pic and Frédéric Lasserre

Electronic version
URL: http://journals.openedition.org/espacepolitique/4475
DOI: 10.4000/espacepolitique.4475
ISSN: 1958-5500

Publisher
Université de Reims Champagne-Ardenne

Brought to you by Université Paris-Est Créteil Val de Marne

Electronic reference
Pauline Pic and Frédéric Lasserre, « Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une lecture géopolitique
du complexe régional de sécurité. », L’Espace Politique [Online], 33 | 2017-3, Online since 08 March
2018, connection on 08 December 2018. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/4475 ;
DOI : 10.4000/espacepolitique.4475

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Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une lecture géopolitique du complexe... 1

Un paradigme arctique de sécurité ?


Pour une lecture géopolitique du
complexe régional de sécurité.
Security in the Arctic Region: a geopolitical read of Security Regional Complexes

Pauline Pic and Frédéric Lasserre

1 Jesper Berg, Premier Ministre norvégien, a décidé d’arrêter la production de pétrole de


son pays pour la remplacer par une énergie propre et renouvelable : le thorium. Face à
cette décision, la Russie prend, par la force, le contrôle des plateformes pétrolières
offshore du pays, avec l’assentiment de l’Union Européenne qui craint pour son
approvisionnement énergétique. Progressivement, la Russie prend le contrôle de tout le
pays mais se heurte à une résistance norvégienne de plus en plus organisée et l’escalade
des tensions finit par rendre la guerre apparemment inévitable. Le dernier épisode de
cette excellente série, Occupied, se termine d’ailleurs par un plan du Premier Ministre
norvégien, au moment de savoir s’il va, où non, déclarer officiellement la guerre
(Skjoldbjærg, Lund, 2015). Diffusée en Europe en 2015 et au Québec en 2016, cette série est
assez révélatrice de l’imaginaire dont est porteuse la région arctique à l’heure actuelle :
une région riche, en mutation, où les grandes puissances se livrent à une « course aux
ressources et aux territoires » (Breteau, 2015), où les tensions s’intensifient, jusqu’à
potentiellement mener au conflit (Huebert, Exnert-Pirot, 2016). Le générique est assez
révélateur à l’égard de cet imaginaire : on y voit notamment des images de la fonte des
glaces et la question de la montée des eaux est largement suggérée alors même que ce
thème est très secondaire dans l’intrigue. Les changements climatiques que connaissent
la région apparaissent ainsi intimement liés à une montée des tensions.
2 Une attention de plus en plus grande est portée à la région, médiatique certes, mais aussi
politique. Une recherche menée sur la relation entre médias et politique en lien avec les
changements climatiques arctiques montre que ce n’est pas seulement la fréquence des
reportages concernant l’Arctique, mais surtout la forme et le caractère très catastrophiste
de ce discours médiatique qui attire l’attention du lecteur (Christensen, Nilsson, Wormbs,
2013). La recherche sur cette couverture médiatique « de masse » souligne également le

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rôle central joué par les médias qui modèlent l’opinion publique et auraient ainsi un vrai
impact sur les décisions politiques (Christensen, 2013). Le scénario de cette série n’est
donc pas anodin, et la Russie n’a d’ailleurs pas manqué de réagir : un communiqué de
l’ambassade de Russie à Oslo indiquait qu’ « il est désolant qu'en ce 70e anniversaire de la
fin de la Seconde Guerre mondiale des scénaristes, agissant comme s'ils avaient oublié les
efforts héroïques de l'armée soviétique dans la libération de la Norvège, intimident les
téléspectateurs norvégiens avec une menace qui n'existe pas » . Mais la polémique ne
s’est pas arrêtée là et la crise ukrainienne est venue apporter un écho tout particulier à
cette occupation fictive, en refroidissant sévèrement les relations est-ouest, jusqu’à –
justement – causer des tensions en Arctique (Baev, 2015; Conley, Rohloff, 2015; Käpulä,
Mikkola, 2015; Rahbek-Clemmensen, 2017). Cet épisode révèle alors, en condensé, un
certain nombre des grands enjeux auxquels fait face la région Arctique aujourd’hui, « à
l’intersection de trois des plus grands défis du XXIème siècle : la recherche
d’hydrocarbures, le changement climatique et la tendance à sécuritiser1 les zones qui
contiennent ces ressources2 » (EASI, 2012) avec une Russie souvent perçue comme la ‘‘wild
card’’ de l’Arctique (Tamnes, Offerdal, 2014), facteur potentiel d’instabilité.
3 En effet, depuis la publication du rapport de l’US Geological Survey (2008) établissant une
estimation des réserves probables d’hydrocarbures dans la région arctique, les
préoccupations énergétiques sont devenues un élément majeur des discours sur la
région : dans les médias, qui évoquent souvent un nouvel eldorado et la possibilité d’une
« ruée sur l’Arctique, aussi inévitable qu’alarmante » (Bourne, 2016) ; dans les discours
politiques des États arctiques, qui en font souvent une priorité politique (Heininen, 2012) ;
dans les publications scientifiques qui viennent généralement nuancer ce potentiel
(Lasserre, 2010; Schram Stokke, 2011; Tamnes, Offerdal, 2014). Dans les discours comme
dans les médias, le lien est fait de manière presque systématique entre ce nouveau
potentiel énergétique et les changements climatiques (Heininen, 2012; Schram Stokke,
2011). Ces derniers sont ainsi identifiés comme l’un des enjeux majeurs de la région,
vecteur de toutes les autres transformations. Ils sont aussi à l’origine d’une vision élargie
de la sécurité dans la région (Haftendorn, 2011; Heininen, 2012) : J. Kraska publie ainsi un
ouvrage portant justement sur « la sécurité arctique à l’ère des changements
climatiques » (2011), quand B. S. Zellen invite à « repenser la sécurité dans un monde plus
chaud » (2013). L’autre grand élément récurrent dans le discours médiatique relatif à la
sécurité arctique concerne la Russie, identifiée dans la presse occidentale comme facteur
majeur d’instabilité, notamment depuis l’épisode du drapeau planté sur le pôle en 2007
(Lasserre, Le Roy, Garon, 2012). On esquisse ainsi l’idée d’un nouveau « rideau de glace »
(Conley, Rohloff, 2015), dans une région où se dessinent de « nouvelles lignes de front »
(Carter, 2007), où la Russie déploie une politique « agressive » (Schepp, Traufetter, 2009),
voire « méprisante pour les intérêts canadiens en matière de sécurité et
d’environnement » (Gordy, 2010).
4 La question de la sécurité de la région arctique revient alors sur le devant de la scène, et
les discours se multiplient. Il s’agira alors de les mettre en perspective en interrogeant
l’histoire de la conception de la sécurité en Arctique et les différents types de discours
scientifiques qui existent quant à cette question aujourd’hui, pour enfin mettre en
lumière la pertinence d’une approche territoriale du complexe régional de sécurité.

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La sécurité en Arctique : perspective historique


Avant le XXème siècle : une zone d’exploration

5 La littérature distingue trois grandes phases dans la conception de la ‘sécurité arctique’.


Avant le XXème siècle, la région était surtout terre d’explorations et l’enjeu consistait
essentiellement en la revendication de souveraineté sur les terres nouvellement
découvertes (Lasserre, 2010; Tamnes, Offerdal, 2014). En 1895, dans les Annales de
Géographie, on peut lire que « c’est en Amérique que l’on montre le plus d’ardeurs pour ce
genre d’explorations » (Zimmermann, 1895) et de fait, l’essentiel des découvertes sont
américaines et scandinaves (Lasserre, 2010) : Kaynes, Hayes et Hall sont ainsi les premiers
à passer par le chenal séparant le Groenland et l’île d’Ellesmere, alors qu’Otto Sverdrup,
un Suédois, est le premier à naviguer le long de la côte Ouest de l’île. En 1909, l’américain
Edwin Peary est le premier navigateur à atteindre le pôle Nord – après plusieurs
tentatives et projets plus ou moins fantaisistes : citons notamment l’audacieux projet du
suédois Andrée de rejoindre le Pôle Nord en ballon en 1896 (Zimmermann, 1895).
L’expédition de Peary est perçue par le Canada comme une atteinte à sa souveraineté : en
1907, deux ans avant cette expédition, le sénateur Poirier avait défini une revendication
sur toutes les terres émergées à l’intérieur d’un secteur arctique canadien défini par le
141e méridien à l’ouest et le 60 e méridien à l’est ; et dès 1903 le pays avait envoyé des
brise-glaces visant à asseoir sa souveraineté dans le nord, en réaction à l’évocation du
Pôle nord-américain dans la presse étatsunienne (Lasserre, 2010). Au-delà de la curiosité
scientifique, la logique d’une affirmation de la souveraineté des pays riverains de la
région s’affirme donc peu à peu.
6 Toutefois, avant la Première Guerre mondiale, l’Arctique avait globalement un rôle
politique marginal – en témoigne l’épisode du rachat de l’Alaska par les Etats-Unis à la
Russie en 1867 : le secrétaire d’État William H. Seward a agi sans l’appui de la population
pour qui cet achat était hautement impopulaire. Mais la volonté de la Russie de vendre
cette portion de son territoire témoigne aussi du relatif désintérêt que les deux pays
avaient pour la région dont l’importance stratégique était très limitée. La signature du
traité relatif au Spitzberg en 1920 s’inscrit dans la même veine : l’enjeu de souveraineté
est essentiellement motivé par l’accès aux ressources (Tamnes, Holtsmark, 2014). On voit
alors se dessiner lentement la thématique de la souveraineté dans toute la région
arctique : les explorations avaient aussi pour dessein une meilleure connaissance et une
meilleure maîtrise du territoire et malgré la faible intensité stratégique, un thème majeur
apparaît dès cette période.

Le XXème siècle et la Guerre Froide : un épicentre stratégique

7 Avec le XXème siècle s’opère un premier tournant stratégique, et pour la première fois
l’Arctique devient le terrain de rivalités géopolitiques (Tamnes, Holtsmark, 2014).
Pendant la Seconde Guerre mondiale notamment, les eaux arctiques servaient de corridor
entre l’Union Soviétique et ses alliés de l’Ouest. Après le déclenchement de l’attaque
allemande de 1941, des affrontements ont eu lieu en Arctique, justement pour protéger
cette voie de communication cruciale pour les alliés (Ibidem). Ces derniers ont par ailleurs
relancé le projet de route de l’Alaska, qui relie les Etats-Unis avec l’Alaska en passant par

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le Canada (Sneyd, Charron, 2010). La création de bases militaires alliées en Islande et au


Groenland témoigne ainsi de l’intérêt stratégique du grand nord dans le conflit (Tamnes,
Holtsmark, 2014).
8 Le vrai tournant reste cependant celui de la Guerre Froide qui fait de l’Arctique
l’épicentre de la confrontation (Åtland, 2008; Heininen, Southcott, 2010; Hossain, Zojer,
Greaves, Roncero, Sheehan, 2017; Huebert, 2013; Lasserre, Arnold, 2010; Murray, 2012;
Rahbek-Clemmensen, 2017; Tamnes, Holtsmark, 2014). La région était divisée entre les
deux rivaux : l’OTAN, dont font partie cinq États arctiques – les États-Unis, le Canada, le
Danemark, l’Islande et la Norvège – et l’organisation du traité de Varsovie dirigée par
l’Union Soviétique. La Finlande et la Suède étaient neutres. L’Arctique était alors vue
essentiellement au travers du prisme de la rivalité militaire entre les États-Unis et l’Union
Soviétique, avec plusieurs opérations dans les Svalbard et la mer de Barents notamment
(Lasserre, 2010). C’est donc une phase de militarisation majeure avec l’implantation de
bases militaires en Islande et au Groenland notamment (Sneyd, Charron, 2010), mais aussi
sur la péninsule de Kola qui devint l’une des zones les plus militarisées de la planète
(Tamnes, Holtsmark, 2014). Les infrastructures d’écoute, de surveillance et de détection
se sont aussi développées, avec un important réseau d’écoutes sous-marines pour
détecter le passage de sous-marins russes et une ligne de défense aérienne, la ligne DEW (
Distant Early Warning) pour parer à la menace de missiles intercontinentaux (Lasserre,
2010). En transformant la géographie de la défense continentale, cette menace a fait du
nord un laboratoire militaire, via le développement rapide de nouvelles technologies de
défense. Dans ce contexte, la sécurité régionale ne pouvait être envisagée que sous l’angle
traditionnel de la sécurité étatique et militaire : la préservation de souveraineté
territoriale et de l’intégrité de l’État était la préoccupation centrale des politiques des
deux camps. La littérature n’envisageait alors la sécurité arctique que sous cet angle
(Hossain et al., 2017).

La sécurité arctique au XXIème siècle : un discours renouvelé

9 Le second tournant essentiel du XXème siècle est celui du discours de Mourmansk de


Gorbachev en 1987 (Åtland, 2008; Heininen, 2004; Heininen, Southcott, 2010; Hossain et
al., 2017; Huebert, Exnert-Pirot, 2016; Keskitalo, 2004; Murray, 2012; Young, 2012) :
The Soviet Union is in favor of a radical lowering of the level of military
confrontation in the region. Let the North of the globle, the Arctic, become a zone
of peace. Let the North Pole be a pole of peace. We suggest that all interested states
start talks on the limitation and scaling down of military activity in the North as a
whole, in both the Eastern and Western Hemispheres. (Gorbachev cité dans Åtland,
2003)
10 Tant du côté occidental qu’oriental, ce discours a été considéré comme n’étant « rien de
moins qu’une révolution dans la politique arctique soviétique » (Purver, 1988). Il a ouvert
la porte à une redéfinition des enjeux de sécurité dans l’Arctique (Hossain et al., 2017) et
les récits de la sécurité ont alors évolué de manière significative (Haftendorn, 2011;
Heininen, Southcott, 2010; Watson, 2013).
11 Après la fin de la Guerre Froide, la question qui se pose dans la littérature est celle de la
pertinence des grilles d’analyse des relations internationales. Un certain nombre de
travaux s’interrogent ainsi quant à la permanence de grilles de lectures héritées de la
Guerre Froide. Celles-ci continuent d’envisager la sécurité dans le « nouvel Arctique »
(Haftendorn, 2011; Knecht, Keil, 2013) sous le seul prisme de l’État, sans prendre

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suffisamment en compte les acteurs non-étatiques. Quelques chercheurs soulignent par


ailleurs que la persistance de ces grilles de lecture invite à considérer l’acteur russe
comme un adversaire, dans une lecture très partiale des relations internationales
(Lasserre et al., 2012; Wilson Rowe, 2013; Zysk, 2010). Un grand nombre de travaux
montre ainsi que la fin de la Guerre Froide et de la menace militaire en territoire arctique
permet d’envisager la question de la sécurité de façon plus large. Il s’agit désormais de
prendre en compte une grande diversité d’acteurs, de situations et d’enjeux, allant de la
sécurité humaine à la sécurité environnementale sans nécessairement négliger la sécurité
traditionnelle (Berkman, Vylegzhanin, 2013; Exner-Pirot, 2013; Haftendorn, 2011;
Heininen, 2013; Hossain et al., 2017; Knecht, Keil, 2013; Schram Stokke, 2011; Scopelliti,
Conde Pérez, 2016; Watson, 2013). En 2007, deux éléments majeurs se produisent,
illustrant ce changement : d’une part, les russes plantent un drapeau sur le Pôle Nord ;
d’autre part, l’étendue de la banquise estivale atteint un record minimum depuis
l’existence de la surveillance satellitaire (Tamnes, Offerdal, 2014). Ces évènements
accentuent la tendance à l’élargissement des études de sécurité, qui envisagent désormais
en Arctique des enjeux beaucoup plus variés (Exner-Pirot, 2013; Haftendorn, 2011;
Heininen, 2013; Hossain et al., 2017; Knecht, Keil, 2013; Schram Stokke, 2011).
12 Cette mise en perspective historique souligne l’évolution de la perception de la région
arctique dans les discours et donc la façon dont la sécurité est envisagée sur ce territoire.
Cette question fait l’objet de nombreux travaux aujourd’hui et il s’agit alors de voir
comment la littérature envisage et définit la question de la sécurité arctique.

Carte 1 – La sécurité en Arctique : Perspective historique

Sources : Lasserre, 2010, 2011 ; NSIDC, 2017 ; OTAN, 2017

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Les enjeux de sécurité en Arctique au XXIème siècle :


quelle définition ?
13 Sciences politiques et Relations Internationales sont les deux disciplines qui règnent sur
les études de sécurité (Balzacq, 2003, 2011; Bourbeau, 2015; Buzan, Wæver, Wilde, 1998;
Rotschild, 1995). Naturellement, il existe de nombreuses recherches portant sur la
sécurité arctique et relevant de ces disciplines. Il est possible de les regrouper selon deux
grandes approches : une approche réaliste voire néoréaliste, et une approche
constructiviste. Mais l’élargissement du concept va de pair avec un élargissement du
champ disciplinaire, notamment vers la géopolitique (Tamnes, Offerdal, 2014), puis vers
une approche pluridisciplinaire affirmée (Bourbeau, 2015; Hossain et al., 2017).

La persistance d’un discours réaliste

14 Dans l’acception réaliste de la sécurité, celle-ci relève du domaine réservé de l’État


(Balzacq, 2003; Rotschild, 1995), s’inscrivant alors dans une longue tradition. Hobbes
définissait ainsi la sécurité comme le mécanisme par lequel « les citoyens s’affranchissent
de la misérable condition de la guerre » (Hobbes cité dans Herrington 2015) quand Leibniz
écrivait que « la définition de l’État, […] ce que le latin appelle la République, c’est […] une
société dont l’objectif commun est la sécurité » (Leibniz, cité dans Balzacq, 2003-2004). La
sécurité n’est alors envisagée comme ne pouvant être garantie que par une autorité
politique : l’État. La tradition réaliste envisage l’État comme garant de la sécurité, mais
aussi comme unique référent : « la sécurité des individus est subsumée, en tant
qu’épigramme politique, à la sécurité de la nation » (Rotschild, 1995).
15 Dans ce contexte, la sécurité internationale est envisagée essentiellement au travers du
prisme des relations interétatiques, relations où les États auraient pour première priorité
la « maximisation de leur sécurité » (Murray, 2012). Le système de relations
internationales est conçu comme anarchique et les États sont entendus comme entités
autonomes et indépendantes luttant pour leur survie (Ibid.). On peut alors faire un
parallèle avec la tradition géopolitique matérialiste qui envisage les États comme des
êtres vivants, en compétition les uns avec les autres pour leur espace vital (Lasserre,
Gonon, Mottet, 2016) : une telle conception de la sécurité envisage les évolutions
arctiques comme potentiellement génératrices de conflits. La bipolarité qui caractérisait
la Guerre Froide garantissait aussi la sécurité de la région, le système bipolaire étant
considéré comme le plus stable dans la tradition réaliste (Mearsheimer, 1990).
L’unipolarité qui a suivi était également facteur de stabilité : aucune autre puissance
n’était en mesure de rivaliser avec les Etats-Unis (Wohlforth, 1999). Mais la multipolarité
qui semble se profiler est envisagée comme un véritable vecteur d’instabilité, sinon de
conflit (Murray, 2012).
16 Ainsi, tout un pan de la littérature étudiant la sécurité arctique s’inscrit dans cette
tradition et continue de se focaliser largement sur les enjeux traditionnels de sécurité
(Byers, 2009; Huebert, 2013; Kraska, 2011; Murray, 2012; Wilson Rowe, 2013). Le planter du
drapeau russe en 2007 sur le Pôle Nord est par exemple interprété comme une
provocation de la part du gouvernement russe (Huebert, 2013) qui continue de multiplier
ces provocations via notamment des vols de reconnaissances pouvant frôler les frontières
aériennes (Byers, 2009). Avec un tel parti pris, les relations entre États sont en fait

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envisagées comme naturellement conflictuelles (Murray, 2012) sans véritablement


considérer la question de la coopération (Huebert, 2013). Par ailleurs, l’analyse des
questions de sécurité se fait d’abord au travers de l’étude des investissements militaires et
la récente annonce d’investissements russes conséquents dans des infrastructures
militaires dans le nord (« Russia to Launch 100 Arctic Military Infrastructure in 2017 »,
2017) a relancé ces interprétations dont les médias sont friands, acquis à une lecture du
monde héritée de la Guerre Froide et toujours prompts à considérer la posture russe
comme agressive (Lasserre, Têtu, 2016). Mais si ce discours domine souvent dans les
médias, la littérature scientifique adopte généralement un ton plus nuancé.

L’approche renouvelée de la sécurité non traditionnelle

17 Deux grandes tendances bien établies se distinguent dans la littérature qui considère la
sécurité non traditionnelle dans sa conception de la sécurité en Arctique : une tendance
institutionnelle néolibérale et une tendance constructiviste, dominante. Dans l’école
institutionnelle néolibérale, les intérêts économiques des différentes parties sont
considérés comme les « forces directrices des affaires arctiques internationales »
(Knecht, Keil, 2013). De fait, la sécurité n’est plus envisagée à l’échelle de l’État, mais à
l’échelle interétatique ; elle n’est plus conçue pour une entité au détriment des autres
mais comme une problématique commune. Elle n’est alors plus interprétée comme
vecteur de conflit mais comme vecteur de coopération (Heininen, Southcott, 2010). Cette
vision accorde une importance centrale aux institutions de gouvernance qui permettent
aux différents acteurs de voir les problèmes et opportunités qui émergent au travers d’un
prisme régional plutôt que national (Schram Stokke, 2011). Dans cette acception de la
sécurité, les référents sont perçus de manière plus large : puisque l’échelle de base de
l’analyse n’est plus nécessairement l’échelle nationale, cela permet de prendre en compte
un certain nombre d’enjeux transnationaux, à commencer par les enjeux
environnementaux, puisque c’est d’abord autour d’eux que s’est construite la coopération
arctique (Heininen, 2013; Schram Stokke, 2007; Young, 2012). Sur le fond, cette tradition
néoinstitutionnelle, en se focalisant sur la coopération et les institutions en place, ne se
pose la question de la sécurité que de manière très indirecte.
18 Le courant constructiviste qui domine actuellement est porté initialement par l’école de
Copenhague, même si certains auteurs considèrent cette école de pensée comme
« inclassable » (Macleod, 2004). Elle propose un élargissement des secteurs concernés par
la sécurité, mais aussi une analyse de processus, considérant la sécurité comme un acte
discursif : « on peut considérer la sécurité comme ce qui est appelé dans la théorie du
langage un acte du discours. C’est l’articulation elle-même qui est l’acte […]. En disant
‘sécurité’, un représentant de l’État déplace le cas particulier dans un espace défini,
exigeant des moyens spéciaux pour mettre un terme à ce développement » (Waever,
1989). La perspective de l’école de Copenhague n’étudie donc pas tant la sécurité qu’elle
n’étudie la « sécuritisation » : elle met en exergue les structures et processus qui
constituent les problèmes de sécurité (Balzacq, 2011). En d’autres termes, la sécuritisation
transforme un sujet donné en question de sécurité : elle précède la sécurisation et donc la
sécurité. Il n’y a donc pas une sécurité mais des sécurités, en lien avec différents réseaux
d’acteurs et différents territoires ; c’est là un point de divergence majeur avec les
réalistes. Ce processus est fréquemment étudié dans le cadre de la région arctique et de
nombreux travaux se livrent à une analyse de discours politiques notamment, afin

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d’identifier les priorités mises en avant en termes de sécurité, les moyens alloués et
mettre alors en exergue le processus de sécuritisation de la région (Brosnan, Leschine,
Miles, 2013; Heininen, 2012). L’énergie et l’environnement arctique sont ainsi
fréquemment identifiés comme les deux grands enjeux à sécuritiser dans la région
(Brosnan et al., 2013; Exner-Pirot, 2013; Heininen, 2013; Hossain et al., 2017; Knecht, Keil,
2013; Kraska, 2011; Schram Stokke, 2011; Watson, 2013). Avec cette approche, le territoire
redevient une unité d’analyse pertinente et nécessaire et l’approche critique émergente
dans la littérature actuelle vient renforcer cette tendance.

L’Émergence d’un discours critique

19 Une nouvelle approche émergente vient se préoccuper de la question de la sécurité dans


la région en adoptant une perspective critique. Essentiellement porté par la géopolitique
critique, ce courant se structure autour de l’idée que l’on est entré dans une « nouvelle
ère de la géographie arctique » (Brigham, 2012) et que la construction régionale en œuvre
autour de l’océan Arctique, mise en évidence par plusieurs auteurs (Heininen, 2004;
Keskitalo, 2004), est un nouvel élément structurant pour la mise en place de politiques
dans la région. La géographie n’est plus envisagée comme une caractéristique
déterminante parmi d’autres mais comme un processus structurant essentiel pour la
construction de politiques cohérentes – et l’une des raisons principales de la
spatialisation de l’étude et des pratiques politiques est, justement, la sécurité (Knecht,
Keil, 2013). Cette approche propose de remettre au centre le territoire plutôt que l’État et
adopte donc une posture très critique vis-à-vis du paradigme réaliste, dénonçant
notamment la vision d’une délimitation de la gouvernance arctique en blocs, sans vision
globale, et sous-estimant alors la complexité et les enchevêtrements d’échelles
caractéristiques de la région.
20 La sécurité est vue comme un processus complexe par les auteurs qui mobilisent de
nombreux outils et concepts utilisés par l’école constructiviste, en élargissant cependant
beaucoup le spectre d’analyse. L’approche constructiviste reste en effet très classique
dans son approche, notamment sur un point fondamental :: « [elle] met toujours l’État au
centre de ses analyses, même si [elle] refuse le modèle de l’État unitaire et rationnel du
néoréalisme » (Macleod, 2004). Le principal reproche adressé à l’école constructiviste par
le courant critique repose dans la réduction de la sécurité à un acte de langage qui fait fi
du processus qui a « mené à la décision de déclarer tel ou tel domaine objet référent de la
sécurité ou pourquoi on l’accepte si facilement » (Idem). L’approche géopolitique critique
a alors ceci d’intéressant qu’elle propose d’analyser le territoire et ceux qui le pratiquent
comme partie du processus. Les enjeux de sécurité identifiés relèvent eux aussi d’une
sécurité envisagée comme élargie, étudiant ainsi la sécurité humaine, sociétale,
environnementale, économique ou encore énergétique à l’échelle de la région (Tamnes,
Offerdal, 2014). En ce sens, l’approche ne se démarque pas fondamentalement de
l’approche constructiviste – et c’est surtout dans l’analyse des processus et acteurs que la
distinction apparaît (Macleod, 2004). En redonnant toute son importance au territoire,
cette approche apparaît alors éminemment pertinente, compte tenu du contexte régional
arctique.

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La sécurité arctique : un enjeu globalisé


Globalisation et régionalisation : une région arctique ?

21 En Arctique, les priorités en matière de sécurité ont longtemps été liées à des conceptions
occidentales de la sécurité, basées sur une interprétation nord-américaine et européenne
des menaces et réalités de la région : en ce sens, la sécurité n’était donc pas arctique
(Zellen, 2009) puisqu’elle ne répondait pas à une logique régionale spécifique. Mais la
littérature suggère un changement en ce sens, au travers de la mise en évidence d’un
processus de construction régionale. Là encore, ce processus est majoritairement étudié
sous l’angle des sciences politique et des relations internationales (Heininen, Southcott,
2010; Keskitalo, 2004), alors que la géographie dispose d’outils nombreux pour étudier la
construction régionale. Toujours est-il que la question du processus de construction
régional se pose et qu’il est essentiel quand il s’agit d’étudier la sécurité selon une
perspective géopolitique critique.
22 Il n’existe pas une, mais plusieurs délimitations de l’Arctique, la variation s’opérant selon
le champ disciplinaire. Quand l’astronome choisit la limite du cercle polaire arctique, les
climatologues préfèrent délimiter ce territoire à l’aide de l’isotherme +10°C en Juillet. Les
géographes, quand ils étudient la géographie physique, choisissent souvent la ligne de
Köppen mais ceux qui s’inscrivent dans le champ de la géographie humaine peuvent
s’appuyer sur le degré de nordicité des groupements de population (Lasserre, 2010). Le
scientifique choisit la limite qui servira au mieux sa démonstration ; il en va de même
pour le politique qui dessine la région la plus pertinente pour la mise en œuvre de sa
politique. Ainsi, le processus de construction régionale doit être mis en relation avec
celui, plus large, de globalisation : les espaces du globe sont de plus en plus reliés et
interconnectés si bien que l’on voit émerger un nouveau niveau d’échelle global, celui du
« Monde avec une majuscule » (Grataloup, 2015), où les acteurs interagissent à un niveau
qui va au-delà des catégories existantes de nation ou d’État. Dans ce contexte particulier,
il apparaît plus viable d’envisager des institutions de coopération à rayonnement régional
plutôt que global – en termes d’efficacité structurelle (Keskitalo, 2007, 2004).
23 Ainsi, différents éléments indiquent que ce processus est notamment à l’œuvre en
Arctique, à commencer par l’existence du conseil de l’Arctique, « symbole de l’émergence
de l’Arctique en tant que région distincte sur la scène internationale ». Mais les initiatives
témoignant d’une construction régionale sont nombreuses et s’opèrent à tous les
niveaux : si le conseil de l’Arctique ou la stratégie de protection de l’environnement
arctique (AEPS) relèvent effectivement d’accords intergouvernementaux, la mise en place
du forum nordique en 1991 implique des acteurs subnationaux, la formation de la
conférence circumpolaire Inuit (ICC) en 1977 fait intervenir des acteurs locaux, quand le
lancement de l’Université de l’Arctique prend la forme d’accords non gouvernementaux,
spécialisés sur un enjeu spécifique (Heininen, 2004; Young, 2005, 2016). Ces multiples
coopérations permettent de mettre en lumière le processus de construction régionale à
l’œuvre. Keskitalo (2004) identifie deux principales raisons qui expliquent l’émergence de
l’Arctique en tant qu’échelle régionale politique pertinente : le processus de globalisation
déjà évoqué, et la fin de la Guerre Froide en ce qu’elle permet d’organiser une coopération
sur une base circumpolaire, allant au-delà des problèmes de sécurité traditionnels. Ainsi,
l’Arctique entendu en tant que région n’existe pas a priori : il s’agit d’une construction

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Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une lecture géopolitique du complexe... 10

politique opérée par certains acteurs en particulier, pour servir des intérêts spécifiques et
ciblés (Keskitalo, 2007). La volonté est dans ce cas celle de créer une nouvelle approche
pour la géopolitique du Nord (Heininen, 2004).

Un débat épistémologique : sécurité environnementale et sécurité


nationale.

24 A l’origine du regain d’intérêt pour l’Arctique, nombreux sont les auteurs qui identifient
comme paramètre majeur – bien que non isolé – les changements climatiques. On peut en
effet évoquer de nombreux changements écosystémiques qui ont permis l’ouverture de la
région (Heininen, 2013; Huebert, Exnert-Pirot, 2016; Kraska, 2011; Lasserre, 2010; Schram
Stokke, 2011; Scopelliti, Conde Pérez, 2016; Young, 2016; Zellen, 2009, 2013). Les
mutations sont rapides, radicales, si bien que certains n’hésitent pas à parler de « la fin de
l’Arctique » (Zellen, 2009). Sans nécessairement adopter un formulation aussi tranchée,
les auteurs sont nombreux à envisager les changements climatiques et leur implication en
termes de sécurité. Quatre grands éléments sont notamment mis en avant en tant que
problématique environnementale potentiellement génératrice de tensions en Arctique :
la gestion des pêcheries, la question nucléaire en lien avec la pollution radioactive, les
conflits d’usage du territoire et les changements climatiques (Heininen, 2013). Cette
question de l’environnement fait l’objet d’un focus spécifique dans les politiques
arctiques nationales et étrangères (Brosnan et al., 2013) et plusieurs rapports
institutionnels étudient par ailleurs le rapport entre changements climatiques et sécurité
(Center for Naval Analysis, 2007; Commission Européenne, 2008 ; Berkman, Vylegzhanin,
2013; Finger, 2008).
25 Toutefois la question du rapport entre sécurité et environnement est loin d’être évidente,
ce qui n’est pas sans soulever un certain nombre de questions. Plusieurs travaux
remettent notamment en question le lien de quasi cause à effet qui est souvent établi
entre environnement et conflits (Clausen, Clausen, 2013; Deudney, 1990). Ces travaux
montrent en premier lieu qu’en termes purement statistiques, on ne peut établir de
corrélation entre dégradation environnementale et apparition de conflit (Clausen,
Clausen, 2013). Ils soulignent par ailleurs quatre raisons qui font que le lien entre sécurité
nationale et dégradation environnementale n’est pas un cadre analytique satisfaisant :
d’abord, la dégradation environnementale et la violence sont deux types de menaces très
différentes. La source et le champ d’application d’une menace environnementale ou d’une
menace de conflit sont également très différents. Le degré d’intention entre les deux n’est
pas le même et, enfin, les organisations en charge de la sécurité nationale sont très
différentes de celles en charge de la protection de l’environnement (Deudney, 1990).
Envisager la question des changements climatiques et de la sécurité environnementale
dans la région arctique requiert alors une prise en compte de ces limitations.

Un complexe régional de sécurité original ?

26 Relativement peu d’études envisagent le caractère systémique de la sécurité en Arctique.


Plusieurs travaux mettent en avant une nécessaire approche pluridisciplinaire de la
sécurité (Bourbeau, 2015; Hossain et al., 2017) et insistent sur son caractère processuel et
dynamique (Bourbeau, 2015; Buzan et al., 1998) et donc évolutif. Il ne s’agit pas de
considérer la sécurité comme une propriété individuelle ou étatique mais bien comme

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une relation entre les individus, leur communauté et l’État (Rotschild, 1995). On peut
alors faire le lien avec la théorie des « complexes de sécurité » initiée par l’école de
Copenhague, définie ainsi par Buzan (2007) : « un ensemble d’unités dont les processus
majeurs de sécuritisation, désécuritisation ou les deux sont si inter-reliés que leurs
problématiques de sécurité ne peuvent raisonnablement pas être analysés
indépendamment les uns des autres ». Appliquée au système international, cette théorie
permet d’envisager sa division en unités régionales, où les interactions sécuritaires
peuvent être de deux natures. Conflictuelles, d’une part, à travers la sécuritisation et la
mise en œuvre de politiques de défense ou d’hostilité ; coopératives d’autre part, à travers
la construction de communautés de sécurité et de politiques communes de
« désécuritisation » (Djebbi, 2010). Il devient dès lors intéressant de se poser la question
du fonctionnement de ce système sur un territoire particulier : celui de la région arctique.
27 La littérature évoque fréquemment la tension qui existe entre conflit et coopération dans
la région arctique (Brosnan et al., 2013; Huebert, 2013; Lasserre, 2010; Murray, 2012;
Young, 2012, 2016). Elle souligne le très fort degré de coopération régionale, mais met
également en avant un millefeuille sécuritaire en arctique impliquant un très vaste panel
d’acteurs à des échelles variées se préoccupant de questions diversifiées : la sécurité est
alors décrite comme un équilibre entre cette forte stabilité permise par la coopération et
une présence militaire en expansion (Schaller, 2014; Scopelliti, Conde Pérez, 2016). La
coopération qui prévaut s’est d’abord organisée autour de la question environnementale
(Heininen, 2013; Young, 2012), et c’est la question qui continue de guider la coopération
aujourd’hui (Exner-Pirot, 2013). Le territoire arctique présente de nombreuses
particularités et, à ce titre, fait l’objet d’un système de gouvernance parfois qualifié
d’unique (Young, 2012), ce qui pose également la question de la complexe construction de
la sécurité dans la région.
28 Le territoire arctique connaît aujourd’hui de profondes mutations qui transforment son
fonctionnement et ses interactions avec le reste du monde. C’est désormais un territoire
globalisé, intégré aux réseaux mondiaux et nombre d’enjeux arctiques sont liés à d’autres
parties du globe : les changements locaux ont des conséquences globales. C’est vrai pour
la question climatique, mais aussi pour la question de la sécurité – en témoigne la crise
ukrainienne, qui a réveillé des inquiétudes dans la région (Rahbek-Clemmensen, 2017;
Schaller, 2015). Cela interroge alors le système de gouvernance, mais aussi – et surtout –
la construction de la sécurité dans la région. Les outils d’analyse de la géographie se
révèlent alors particulièrement intéressants pour étudier les particularités de la sécurité
arctique. Au niveau conceptuel d’abord, puisque l’élargissement de la sécurité et le
processus de sécuritisation posent la question du risque et de sa gestion (Williams, 2008).
Un certain glissement conceptuel s’opère, d’une sécurité définie par la gestion de la
menace vers une sécurité définie par la gestion du risque (Mcdonald, 2008) – or la
question du risque est aussi un vrai enjeu géographique. Au niveau politique ensuite,
l’intégration progressive du territoire dans des logiques régionales souligne une
interdépendance croissante entre les acteurs régionaux dans plusieurs aspects clé de la
sécurité arctique : gestion des pêches, de la pollution, de la navigation, de la recherche et
sauvetage (Byers, 2017)… La région se transforme rapidement, ce qui souligne
l’importance d’une analyse en profondeur de la question de la sécurité dans la région.
L’expédition avortée du brise-glace scientifique canadien Amundsen en témoigne. Alors
que le navire de la garde-côte canadienne devait permettre à plusieurs équipes de
recherche de récolter des données à propos du changement climatique dans la baie

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d’Hudson, le brise-glace a dû être réquisitionné. Au début de l’été 2017, les courants ont
fait dériver des morceaux de glace pluriannuelle vers l’entrée du passage du Nord-Ouest –
une glace bien plus épaisse que celle que l’on trouve à cet endroit à ce moment de l’année.
Plusieurs bateaux de pêcheurs ont fait naufrage, mal préparés à faire face à ce type de
conditions. La garde-côte n’avait pas de navires pour parer à ce type d’aléas et ne pouvait
pas assumer ses responsabilités de recherche et Pauline
PIC2017-11-23T15:42:00PPFranck2017-11-18T18:25:00Fsauvetage et a dû réquisitionner le
brise-glace, annulant alors l’expédition scientifique. On voit là l’évolution de la question
de la sécurité à l’échelle de la région, mais aussi un glissement qui s’opère vers la gestion
du risque – même s’il est évident que les considérations traditionnelles ne disparaissent
pas. Ces réalités renforcent le besoin d’une vision régionale et multidimensionnelle de la
sécurité.

Carte 2 – La sécurité arctique : un enjeu à plusieurs échelles

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NOTES
1. Il existe une différence conceptuelle entre la sécurisation et la sécurisation. La sécurisation est
entendue comme le fait de « rendre plus sûr un objet, un espace, un sujet donné » (Balzacq, 2003).

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Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une lecture géopolitique du complexe... 17

Il y a donc une différence sensible avec la sécuritisation, qui met en exergue les structures et
processus qui constituent les problèmes de sécurité (Balzacq, 2011) . En d’autres termes, la
sécuritisation transforme un sujet donné en question de sécurité : elle précède la sécurisation et
donc la sécurité.
2. Traduction libre de l’anglais : “The Arctic is where three of the twenty-first century’s greatest
challenges intersect: the pressing need for hydrocarbon resources, climate change, and the
tendency to securitize areas containing these resources”.

ABSTRACTS
Security in the Arctic is regularly mentionned as a major issue. It was a strategic hotspot during
the Cold War, but inherited analitycal frames tend to be less relevant. Terrestrial boundary issues
are now limited to the small unhabited rock that is Hans Island, maritime boundaries are being
negociated under the legal frame of the Montego Bay Convention. Yet, new security challenges
are emerging now that the region is undergoing major transformations. The progressive
opening-up of the ocean opens new perspectives, both economic and political. From climate
change to a progressive economic integration to global networks, security issues are therefore to
be completely rethought. Analyzing litterature tackling security issues in the Arctic, this paper
aims at understanding what are the main drivers to srategic shifts in security policies in the
Arctic region. Following a brief historical overview of security issues in the region, the paper
analyzes security discourses in the region through the main analytical frames of Security studies.
It finally underlines that even tough security studies usually belong to the realm of International
Relations and Political Science, however, some recent publications are starting to put forward a
territorial approach to security issues. This paper would like to underline the relevance of a
geopolitical approach regarding the Arctic region specifically, given the major changes that the
region is going through currently.

La question de la sécurité en Arctique fait régulièrement la une des journaux. Ancien épicentre
stratégique, la région peine à se départir de cadres d’analyse traditionnels qui ne prennent pas
en compte ses mutations récentes : changements climatiques, bien sûr, mais aussi ouverture
progressive aux activités, intégration aux grands réseaux mondiaux… Ces mutations viennent
largement renouveler les enjeux de sécurité dans la région. Alors que les sciences politiques et les
Relations Internationales dominent les études de sécurité, un pan de littérature commence
toutefois à émerger, s’attachant à remettre le territoire au cœur de l’analyse. Ce travail vient
alors souligner la pertinence d’une analyse géopolitique de la sécurité dans la région, à la lumière
des enejux actuels.

INDEX
Mots-clés: géopolitique, sécurité, Arctique, complexe régional de sécurité, changements
climatiques
Keywords: geopolitics, security, Arctic, regional security complex, climate change

L’Espace Politique, 33 | 2017-3


Un paradigme arctique de sécurité ? Pour une lecture géopolitique du complexe... 18

AUTHORS
PAULINE PIC
Doctorante en géographie
Université Laval, Québec
Pauline.pic.1@ulaval.ca

FRÉDÉRIC LASSERRE
Professeur titulaire
Département de Géographie, Université Laval, Québec
Frederic.Lasserre@ggr.ulaval.ca

L’Espace Politique, 33 | 2017-3

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