1. Sonie............................................................................................................. E 5 120 - 3
1.1 Seuil différentiel d’intensité......................................................................... — 3
1.2 Influence de la fréquence............................................................................. — 3
1.2.1 Seuils auditifs ...................................................................................... — 3
1.2.2 Courbes isosoniques........................................................................... — 3
1.3 Croissance de la sensation de sonie en fonction du niveau physique .... — 4
1.4 Sonie et pathologie cochléaire : le recrutement ........................................ — 4
1.5 Sonie et audition binaurale ......................................................................... — 5
1.6 Facteurs temporels influant sur la sonie .................................................... — 5
1.7 Codage de la sonie dans le système nerveux auditif ................................ — 6
1.8 Sonie des sons complexes. Notion de bande critique .............................. — 7
1.8.1 Seuil auditif et contenu spectral......................................................... — 7
1.8.2 Sonie et contenu spectral ................................................................... — 7
2. Notion de hauteur..................................................................................... — 8
2.1 Codage(s) de la fréquence dans le nerf auditif
et dans les voies auditives........................................................................... — 8
2.2 Seuil différentiel de fréquence .................................................................... — 9
2.3 Propriétés de la hauteur selon la nature du son considéré ...................... — 9
2.3.1 Sons purs ............................................................................................. — 9
2.3.2 Sons complexes périodiques ............................................................. — 10
2.3.3 Conséquences pour le codage de la hauteur.................................... — 10
2.4 Cas des sons harmoniques avec fondamentale absente.......................... — 10
2.5 Cas des sons inharmoniques ...................................................................... — 10
3. Notion de timbre....................................................................................... — 11
3.1 Définition....................................................................................................... — 11
3.2 Rôle du profil énergétique du spectre ........................................................ — 11
3.3 Rôle des fluctuations temporelles............................................................... — 11
4. Conclusion .................................................................................................. — 11
Références bibliographiques .......................................................................... — 12
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Pour de plus amples renseignements sur les mécanismes auditifs, le lecteur pourra
consulter les références [1] [2].
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1. Sonie
Seuil différentiel (dB)
10
Par définition, la sonie est l'intensité subjective d'un son,
autrement dit, elle correspond à la sensation de force sonore.
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80
200
100
50 S = k p 0,6 60
20
10 40
5
20
2
1
0,5 0
0 20 40 60 80
0,2 Niveau oreille sourde (dB HL)
0,1 Le test de Fowler consiste à tracer un diagramme dans lequel l’abscisse
0,05 et l’ordonnée de chaque point représentent les niveaux nécessaires,
respectivement dans chacune des deux oreilles, pour obtenir la même
sonie. Un sujet normal présente un diagramme diagonal (tireté).
0,02 Un sujet porteur d’une surdité cochléaire unilatérale donne une courbe
00,1 sous la diagonale : pour le niveau seuil dans l’oreille saine, le niveau
correspondant du côté sourd est décalé d’une valeur égale à la perte
0 20 40 60 80 100 120
auditive (ici 40 dB). Pour des niveaux de plus en plus supraliminaires,
Niveau (phones) le niveau du côté sourd se rapproche de celui du côté normal, de sorte
qu’ici, à 80 dB HL, les sonies sont identiques des deux côtés.
1 sone correspond à 40 phones et une augmentation de niveau Ce phénomène illustre le fait que la sonie du côté sourd augmente
de 10 phones entraîne un doublement de la sonie. anormalement rapidement, témoignant d’un recrutement.
Au-dessous de 30 phones, la sonie décroît plus rapidement.
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Seuil
0
1.7 Codage de la sonie dans le système 0 20 40 60 80 100
nerveux auditif Niveau (dB SPL)
PA : potentiel d’action
Les données actuelles sur la physiologie de la cochlée et du nerf Deux catégories de neurones apparaissent, ceux à bas seuil (qui ont
auditif permettent de proposer quelques éléments en ce qui con- aussi un taux d’activité spontanée assez élevé), et ceux à haut seuil (qui
cerne la manière dont les paramètres physiques du son sont codés saturent plus tard, et ont un taux d’activité spontanée assez bas).
dans les neurones auditifs. Un neurone, quel qu'il soit, véhicule
l'information sous forme de potentiels d'action, de forme stéréoty- Figure 5 – Neurones auditifs répondant à une excitation d’intensité
pée, obéissant à la loi du tout ou rien. Par exemple, le fait qu'un neu- croissante (en abscisse) en augmentant leur taux de potentiels
rone du nerf auditif réponde à une excitation sonore signifie que le d’action par unité de temps (en ordonnée)
niveau d'excitation dont a bénéficié la cellule ciliée interne
cochléaire reliée à ce neurone a dépassé un certain seuil. Celui-ci est
fonction de propriétés, notamment membranaires, propres à cette
cellule ciliée et à ce neurone. Au point de vue du codage, la tonoto- des informations exploitables pour déterminer la sonie: celle-ci
pie cochléaire, qui associe à chaque endroit le long de la cochlée pourrait alors être codée par les neurones hors résonance.
une fréquence de résonance différente, joue un rôle déterminant
dans l'identité des neurones franchissant leur seuil de réponse : un Deuxièmement, les neurones issus de la région accordée à f0 sont
codage tonotopique de la fréquence est envisageable. nombreux : environ 10 par cellule ciliée interne. Chacun de ces neu-
rones possède un seuil d'entrée en action différent. Ceux qui possè-
En revanche, la cadence des potentiels d'action ne représente en dent un taux spontané de décharges élevé sont plutôt groupés du
rien la périodicité des vibrations acoustiques, lorsque la fréquence côté interne de la base de leur cellule ciliée interne d'origine, et leur
associée dépasse une limite de l'ordre de 1 kHz environ : les neuro- seuil de réponse est bas (proche de 0 dB HL). À l'inverse, ceux qui
nes présentent toujours une période dite réfractaire qui interdit à possèdent un faible taux spontané de décharges sont plutôt grou-
deux potentiels d'action de se succéder en moins de quelques milli- pés du côté externe de la base de leur cellule ciliée interne d'origine,
secondes. (Cela est à nuancer pour les basses fréquences, nous le et leur seuil de réponse est élevé (entre 40 et 80 dB HL). Alors que
reverrons dans le paragraphe 2.1.) En fait, on constate que la chacun des neurones peut coder pour une dynamique réduite, la
cadence des potentiels d'action des neurones auditifs primaires prise en compte de l'ensemble du groupe de neurones issus d'une
augmente régulièrement avec le niveau acoustique, selon les cour- zone de la cochlée devrait permettre de coder sans ambiguïté la
bes représentées sur la figure 5. Au-dessous du seuil, les neurones sonie pour un son de niveau compris entre 0 et 120 dB : les neuro-
présentent une activité dite spontanée, variable, et l'on distingue les nes de seuil bas informeraient sur les sonies faibles, puis devien-
neurones à faible et fort taux spontané (dans le silence) de déchar- draient saturés ; les neurones de moindre sensibilité prendraient
ges. Au-dessus du seuil, l'augmentation de cadence des potentiels alors le relais pour coder les sonies supérieures (figure 6).
d'action est de forme sensiblement linéaire (en fonction du niveau
en dB), et une saturation est finalement observée, lorsque le niveau Sur chaque diagramme de la figure 6, les traits gras bleus repré-
acoustique dépasse le niveau seuil d'environ 40 dB : à plus forts sentent l'enveloppe des vibrations de la membrane basilaire en
niveaux, le taux de décharge du neurone devient indépendant du réponse à un son pur de fréquence donnée (à gauche, la base de la
niveau. cochlée, à droite, l'apex). L'amplitude de cette enveloppe augmente
de haut en bas, au fur et à mesure que le niveau de stimulation (indi-
Ces observations conduisent à proposer que la sensation de force qué à droite) augmente. Les deux traits fins marqués « seuil BS » et
sonore peut être codée par la cadence des potentiels d'action dans « seuil HS » représentent l'amplitude locale de vibration minimale
les neurones auxquels la loi de tonotopie permet de répondre, susceptible d'activer les neurones auditifs de bas seuil et de haut
compte tenu de la fréquence du stimulus. Toutefois, il est également seuil, respectivement. À l'intérieur des deux cartouches est repré-
très clair qu'un neurone donné ne peut coder pour la sonie qu'avec sentée l'activité éventuelle des neurones de bas seuil et de haut
une dynamique restreinte. Il est donc nécessaire d'envisager un seuil, respectivement. L'activité des neurones de bas seuil est
codage de la sonie, certes par la cadence des potentiels d'action, d'abord limitée à la zone accordée à la fréquence utilisée, et elle est
non pas d'un neurone mais plutôt par un ensemble de neurones. non saturée (zone en bleu). Lorsque l'intensité de stimulation aug-
Une observation de nature physiologique, jointe à une autre, de mente, les neurones de bas seuil de fréquence caractéristique pro-
nature neuroanatomique, permet d'apporter des éléments supplé- che de la fréquence utilisée saturent les premiers (zone en gris),
mentaires de débat. tandis que le profil d'excitation neurale s'étale, surtout vers la base
Premièrement, l'augmentation de niveau acoustique d'un son, à de la cochlée (zones en bleu). Aux plus hautes intensités, les neuro-
fréquence fixée f0, se traduit non seulement par une augmentation nes de haut seuil entrent en action, sans saturation au début, au voi-
de l'excitation à l'endroit tonotopiquement associé à f0, mais aussi sinage de la zone accordée à la fréquence utilisée (en blanc).
par un étalement de l'excitation qui intéresse une largeur de mem- Étalement du profil, saturation des neurones de bas seuil et entrée
brane basilaire de plus en plus large, pouvant dépasser plusieurs en action des neurones de haut seuil sont des indices utilisables
octaves. Des neurones de fréquence caractéristique différente de f 0, pour coder la sonie, continûment de 0 à 120 dB.
non excités à bas niveau, se mettent à répondre avec des taux de La première hypothèse a été affaiblie par une observation de
potentiels d'action moindres que ceux accordés à f0. On a pu émet- Moore et Raab [5] qui ont encadré, dans le domaine spectral, un
tre l'hypothèse que la manière dont cet étalement se produit fournit bruit à bande étroite, centré sur une fréquence donnée f0 et de
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50 dB SPL
HS
1.8 Sonie des sons complexes.
Notion de bande critique
BS
HS
1.8.1 Seuil auditif et contenu spectral
BS
Pour aborder l'influence de la composition spectrale d'un son sur
sa détection, on peut procéder de la manière suivante (figure 7). Le
Figure 6 – Groupe de trois diagrammes illustrant les façons seuil auditif est d'abord déterminé pour un son pur de fréquence f0
dont la sonie pourrait être codée dans les neurones auditifs donnée. Supposons qu'il corresponde à une puissance acoustique
surfacique W0 W/m2, ou à un niveau L0 en dB SPL. Évaluons alors le
seuil auditif d'un doublet de composantes de mêmes niveaux, espa-
cées de Df autour de la fréquence moyenne f0. Le seuil est alors
niveau variable, par des bandes latérales de bruit continu. Celles-ci obtenu pour une puissance individuelle W0/2 (soit L0 – 3 dB). De
jouent un rôle de « masques », interdisant donc aux neurones non même, un n-uplet de composantes de mêmes niveaux, espacées de
accordés à f0 d'être activés grâce à l'étalement de l'excitation à f 0 Df autour de la fréquence moyenne f0, donnera un seuil pour une
lorsque son niveau augmente. Or, la sonie du son f0 reste correcte- puissance individuelle W0/n, donc une puissance totale toujours
ment codée en fonction du niveau. La deuxième hypothèse a été égale à W0, tant que la largeur spectrale totale du complexe, n Df,
renforcée par les observations de Yates et coll. [6] montrant qu'entre reste assez petite. Lorsque celle-ci finit par dépasser une largeur dite
les neurones de bas et de haut taux spontanés de décharge existent largeur de bande critique, tout se passe comme si seule la puissance
de nombreux intermédiaires dont les dynamiques de codage recou- contenue dans cette largeur, donc dans la bande critique centrée sur
vrent largement l'intervalle de niveaux utile. Il semble que l'élargis- f0, comptait pour déterminer le franchissement du seuil, et non la
sement du profil d'excitations sur la membrane basilaire, lorsque le puissance totale du complexe. Les composantes extrêmes du com-
niveau de stimulation augmente, donne des indices supplémentai- plexe, sorties de la bande critique f0, sont prises en compte dans les
res qui aident à identifier la sonie, mais ne sont pas indispensables. bandes critiques voisines, mais ne possèdent pas une puissance
Dans la perspective d'un codage de la sonie par l'entrée en action totale suffisante au sein de ces bandes pour donner lieu à la percep-
progressive de neurones de seuils différents, il est particulièrement tion d'une sensation (figure 7). La largeur des bandes critiques est
important que la variation d'excitation mécanique avec le niveau suffisamment fixe d'un sujet à l'autre pour faire l'objet de normes.
soit elle-même assez progressive. Cela est assuré par le fonctionne- Elle est de 160 Hz à 1 000 Hz, et de largeur sensiblement proportion-
ment de l'organe de Corti qui, à l'état normal, présente une caracté- nelle à la fréquence centrale au-dessus de 1 000 Hz.
ristique fondamentale : un comportement mécanique compressif.
Au-dessous de 60 à 70 dB SPL, les mouvements de la membrane
basilaire, au voisinage de la résonance, n'augmentent que de 0,2 à 1.8.2 Sonie et contenu spectral
0,3 dB par dB d'augmentation du stimulus, grâce au jeu de certaines
cellules sensorielles, les cellules ciliées externes (cf. [1]). Lorsque la On retrouve la même notion de bande critique lorsque l'on évalue
cochlée est pathologique, cette compression disparaît. la sensation de force sonore produite par un complexe de deux sons
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tout parce que les fibres nerveuses connectées aux endroits proches
de la résonance saturent, tandis que leurs voisines finissent par être
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de perception qu'ils entraînent. Tout d'abord, l'échelle musicale dans la zone normale de l'audiogramme, la sensibilité de ces der-
occidentale considère que le même intervalle de hauteur existe niers pouvant être meilleure, même pour la fréquence f inférieure à
entre deux sons purs de fréquences f1 et f2, et deux autres sons purs leur meilleure fréquence ; ces neurones répondent alors par la partie
de fréquences f3 et f4, lorsque f1/f2 = f3/f4, ce qui revient à dire que la basse fréquence de leur courbe d'accord. Un codage tonotopique
hauteur varie comme le logarithme de la fréquence. L'octave est un exclusif de la hauteur donnerait au son f une hauteur, correspondant
intervalle particulièrement privilégié correspondant à f1/f2 = 2. La à F, trop aiguë. Or, ce n'est pas ce qui est observé ; la hauteur corres-
précision des ajustements entre deux notes distantes d'une octave pond bien à f. Cette observation privilégie donc le principe d'un
est élevée, aussi bien chez des musiciens que chez des auditeurs codage de hauteur en fonction de la synchronisation temporelle des
quelconques. neurones qui répondent à la fréquence du stimulus.
Une autre méthode repose sur la recherche d'un ajustement arbi- ■ A l'opposé, Zwicker [10] a présenté de manière prolongée un
traire entre un son pur de référence et un son de hauteur moitié. La bruit à spectre encoché, c'est-à-dire comportant de l'énergie dans
notion de moitié est ici aussi arbitraire que pour la sonie présentée les intervalles de fréquences inférieurs à une certaine limite fmin et
au paragraphe précédent. Cependant, une échelle de hauteur peut
supérieurs à une autre limite fmax, susceptible d'induire une fatigue
être définie de proche en proche et représentée en fonction de la fré-
quence. Cette échelle, graduée en mels, ne coïncide pas avec auditive dans ces intervalles. À l'arrêt de ce son et en l'absence de
l'échelle musicale. Cela a alors conduit à introduire deux notions toute stimulation auditive, il a observé qu'un son résiduel fantôme
apparemment séparées pour décrire la hauteur tonale, celle de est perçu avec une hauteur tonale correspondant à une fréquence
chroma en relation avec la capacité d'apparier des sons lorsque le intermédiaire entre fmin et fmax, sans doute en relation avec une
rapport de leurs fréquences est égal à deux, et celle liée au classe- cadence spontanée de décharge plus élevée dans les neurones
ment selon une échelle grave/aigu. accordés aux fréquences non stimulées précédemment, les autres
neurones étant l'objet d'une fatigue ou d'une adaptation. On ne peut
expliquer cette perception fantôme par une activité neuronale syn-
2.3.2 Sons complexes périodiques chrone puisque le stimulus inducteur n'a aucune structure tempo-
relle ordonnée. Seul un principe tonotopique peut donc être
impliqué ici.
Le théorème de Fourier permet de montrer que ces sons ont un
spectre constitué d'une fréquence fondamentale f0 et d'harmoni- Au vu de ces observations, il semble donc qu'une synthèse entre
ques aux fréquences nf0 multiples entiers de la fréquence fonda- principes de codage temporel et tonotopique doive être recherchée.
mentale. Les notes de musique jouées par un instrument de On retrouve d'ailleurs une semblable dualité lorsque l'on s'intéresse
manière soutenue, ainsi que les voyelles dans les sons de parole, à la localisation des sources sonores [13].
constituent une bonne approximation de sons périodiques. Dès le
milieu du XIXe siècle, Helmholtz a mis en évidence le fait que
l'écoute la plus naturelle de tels sons est synthétique, c'est-à-dire
consiste à percevoir globalement l'ensemble des harmoniques et 2.4 Cas des sons harmoniques avec
permet d'apparier sans difficulté un son complexe harmonique de
fondamental f0 et un son pur f0 sur la base de hauteurs identiques. fondamentale absente
En réalité, quelques erreurs peuvent se produire lorsque l'énergie
de la composante f0 du son complexe est très faible, et ces erreurs
conduisent à une erreur d'appariement à une octave près, cet inter- L'utilisation pour la transmission de la parole par téléphone met
valle se retrouvant dans un rôle privilégié. en évidence un phénomène curieux : bien que la bande passante
Toutefois, la sonorité de sons complexes périodiques de même utilisée soit limitée à un intervalle de 300 à 3 000 Hz, éliminant ainsi
fréquence fondamentale mais de profils spectraux différents est per- la fréquence fondamentale de la voix des hommes et de la plupart
çue comme différant par le timbre, et nous reverrons cette notion au des femmes, qui varie entre 100 et 250 Hz, la hauteur de la voix
paragraphe suivant. Dans les tentatives pour donner une définition transmise est perçue comme strictement normale (bien que le tim-
plus spécifique du timbre, le terme hauteur brute a été introduit bre soit modifié, cf. § 3). Cela illustre le paradoxe dit de la fondamen-
pour décrire une telle différence lorsqu'elle est basée sur le centre tale absente, connu depuis longtemps. Helmholtz avait tenté
de gravité du spectre fréquentiel d'un son. d'expliquer ce paradoxe de manière ingénieuse en proposant que,
lorsqu'un son complexe comporte des harmoniques 2f, 3f, etc, mais
pas la fondamentale f, celle-ci peut être reconstituée dans l'oreille
moyenne grâce à l'existence de distorsions qui engendrent des sons
2.3.3 Conséquences pour le codage de la hauteur de combinaison (par exemple, à la fréquence 3f – 2f). En fait, l'oreille
moyenne ne distord pas dans les conditions normales. Bien que la
Comme nous l'avons vu au paragraphe 2.1, il existe deux princi- cochlée, pour sa part, engendre bien ce type de distorsions quand
pes donnant chacun une possibilité de codage de la hauteur dans le elle est normale, elle n'est pas non plus à l'origine du phénomène. Il
nerf auditif. a été montré que l'intégrité du cortex auditif est nécessaire à la per-
ception de la hauteur correcte [14] et que la présentation dichotique
■ Le premier repose sur la tonotopie et est à coup sûr le seul dispo- de composantes harmoniques de f permettait l'émergence d'une
nible pour des fréquences dépassant quelques kHz. Le deuxième perception de hauteur associée à f.
exploite la synchronisation partielle des fibres nerveuses auditives
avec les vibrations acoustiques pour les fréquences inférieures à
quelques kHz. Chez l'homme, l'intervalle intermédiaire où les deux
principes de codage sont théoriquement possibles est particulière- 2.5 Cas des sons inharmoniques
ment pertinent pour la perception de nombreux stimulus utiles à la
communication. Des arguments expérimentaux susceptibles de
trancher en faveur de l'un ou l'autre principe ont donc été recher- Enfin, mentionnons brièvement qu'une sensation de hauteur plus
chés. Par exemple, on peut étudier la perception de la hauteur chez ou moins nette peut être présente à l'écoute de sons complexes,
des sujets porteurs d'une surdité touchant préférentiellement les même lorsqu'ils sont constitués de composantes spectrales non
basses fréquences. Un son pur de fréquence f, dans l'intervalle de multiples d'une fondamentale f : par exemple, nf + Df (avec n entier
fréquences affecté par la surdité, devrait être d'abord détecté, non variable) engendrent une sensation de hauteur proche de f. Certains
pas par les neurones accordés à f, parce que leur seuil de réponse types de bruits peuvent également donner lieu à une sensation de
est élevé, mais par ceux codant pour des fréquences plus élevées F, hauteur assez bien définie.
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3. Notion de timbre timbre des voyelles, montre que la prise en compte de trois dimen-
sions suffit pour permettre, d'après Plomp, d'englober environ 82 %
de la variance des jugements de timbre portés sur ce type de sons.
3.1 Définition
3.3 Rôle des fluctuations temporelles
La définition du timbre repose sur une sorte de constatation par Les fluctuations temporelles d'un son non stationnaire permet-
défaut. Lorsque l'on tente d'effectuer la comparaison de deux sons, tent de définir certains aspects liés au timbre. Par exemple, on peut
on peut aisément juger qu'il sont différents lorsque leurs sonies dif- attribuer une qualité tonale ou de bruit selon l'existence ou non
fèrent ou lorsque leurs hauteurs diffèrent, même si les conditions de d'une périodicité même approximative. Les fluctuations de l'enve-
présentation sont par ailleurs identiques. En termes de paramètres loppe influent aussi sur la perception du timbre, comme l'illustre
physiques des stimulus, ces différences ont une signification sim- l'expérience consistant à jouer à l'envers une note de musique
ple, comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents. enregistrée : en dépit de caractéristiques temporelles et spectrales
moyennes inchangées, le timbre en est totalement altéré. Les chan-
gements intervenant dans le spectre à court terme sont également
Lorsque conditions de présentation, sonie et hauteur sont essentiels. Les progrès en synthèse musicale ont permis, par exem-
identiques mais que les sensations auditives produites diffèrent, ple, d'identifier clairement le rôle des transitoires d'attaque. Une
on dit que le timbre diffère. note de trompette présente un timbre brillant très particulier car,
dans son spectre fréquentiel, les harmoniques élevés ont une éner-
gie qui augmente très rapidement à l'attaque, au détriment des har-
Cette définition pèche par beaucoup de côtés, puisque des sons moniques plus bas initialement présents. Un son de synthèse de
dépourvus de hauteur peuvent aussi avoir des timbres différents ou même spectre à long terme qu'un son de trompette, mais ayant subi
similaires, et que la notion de conditions de présentation est très la suppression de cette caractéristique d'attaque, perd son timbre de
floue. Pour éviter ce dernier écueil, une autre définition plus restric- trompette, pour éventuellement sonner comme un hautbois ou une
tive est proposée par Plomp [15] : clarinette [17]. Par ailleurs, on a bien acquis la notion que, pour
reproduire correctement le timbre d'un instrument par synthèse, il
est souvent nécessaire de tenir compte de l'existence dans le son
Le timbre est cet attribut de la sensation permettant de juger naturel d'irrégularités ou bruits transitoires coexistant avec des
que deux sons complexes stables de mêmes sonie, hauteur et composantes plus stationnaires, dont la reproduction seule condui-
durée de présentation, sont dissemblables. rait à des résultats médiocres et à des sonorités plates. Enfin, on sait
que le timbre d'un son n'est pas totalement indépendant de la
nature des sons qui le précèdent, et aussi de ceux qui le suivent.
Les conditions requises pour appliquer cette dernière définition L'enregistrement de neurones auditifs corticaux permet effective-
ne permettent guère de préciser pourquoi la même note jouée avec ment d'objectiver l'existence de réponses dépendantes du contexte,
la même force par un piano, un violon et une trompette n'ont pas le qui sont vraisemblablement à la base de cette dernière observation
même timbre, ce qui lui fait perdre beaucoup d'intérêt pratique. perceptive quelque peu surprenante.
En fin de compte, la définition proposée par Bregman [16] résume Il faut noter que, lorsqu'il s'avère que la caractéristique de timbre
ces difficultés de manière humoristique : considérée est associée à une manière particulière de jouer d'une
« On ne sait pas définir le timbre, mais on sait que ce n'est ni la catégorie d'instruments de musique, on aura tendance à lui attri-
sonie, ni la hauteur ». buer un nom précis, par exemple le vibrato, distinguant ainsi cette
caractéristique de la notion plus floue ou plus globale de timbre.
Quelques idées semblent cependant émerger à ce sujet, de
manière indiscutable : le timbre attribué à un son dépend du spectre
fréquentiel, éventuellement de la manière dont celui-ci varie avec le
temps, et le timbre est une notion associée de manière multidimen-
sionnelle à la nature physique du son considéré : les comparaisons 4. Conclusion
de sons de timbres différents ne peuvent se faire en utilisant une
seule échelle, comme c'était le cas lorsque la différence portait sur
la sonie ou la hauteur. L'analyse psychoacoustique de sons simples ou complexes per-
met de mettre en évidence plusieurs dimensions perceptives, en
relation avec les paramètres physiques de ces sons (intensité, spec-
tre et enveloppe temporelle, notamment). Celles basées sur l'inten-
sité et la fréquence (au moins pour les sons purs ou complexes
3.2 Rôle du profil énergétique du spectre périodiques) aboutissent à définir les notions de force sonore et de
hauteur, de type unidimensionnel, et dont les relations avec inten-
sité et fréquence sont relativement simples. Les données physiolo-
Le profil d'énergie d'un spectre en fonction de la fréquence joue giques actuelles suggèrent certaines grandes lignes des principes
un rôle majeur dans la définition d'un timbre. Deux sons stationnai- neurologiques de codage de la sonie et de la hauteur ; toutefois, les
res, par exemple complexes périodiques, de même fréquence fonda- détails de ces codages restent inconnus. Les progrès récents des
mentale et de même énergie totale, se distinguent perceptuellement connaissances en matière de physiopathologie permettent de
par leur timbre selon le profil de leur spectre. On peut préciser par mieux comprendre les troubles perceptifs dus à une surdité et de
exemple que, lorsque les harmoniques élevés (d'ordre supérieur à 6) tenter de mieux y remédier. Toutefois, la plupart des tests quantita-
sont riches en énergie, cela contribue à donner un timbre qualifié de tifs susceptibles de fournir une évaluation de ces troubles restent
brillant, tandis qu'une augmentation d'énergie dans les harmoni- cantonnés au laboratoire, car ils demandent un temps et une con-
ques plus bas donne un timbre plus sourd ou plus doux. Pour décrire centration qui excluent leur utilisation clinique. Les développements
le timbre selon le profil spectral, on peut théoriquement faire entrer technologiques actuels en matière d'aides auditives devraient sti-
en ligne de compte autant de dimensions qu'il existe de bandes cri- muler durablement cette branche de recherches à la fois fondamen-
tiques dans le système auditif (cf. § 1.8). Cependant, l'application tales et appliquées, née il y a plus d'un siècle et encore loin de son
d'analyses de type factoriel à ce problème, dans le cas particulier du terme.
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