fr
La « souveraineté » n’est pas entendue par Foucault comme l’exercice d’un pouvoir
massif et répressif, c’est un pouvoir qui se pense d’abord sur le modèle économique
de l’échange, ou encore du contrat. Il s’agit de constituer le droit de la puissance
publique à partir des droits sacrés ou naturels des sujets. L’individu est originellement
détenteur de droits, ontologiquement premiers par rapport à tout système juridique,
qu’il va céder ou déléguer pour fonder l’action de la puissance publique qui veillera
sur lui. C’est un « cycle du sujet au sujet » [4], du sujet naturel au sujet politique.
L’objet des interventions de ce pouvoir souverain est d’abord la terre et les produits
de la terre, par le biais de prélèvements sur les biens des individus et leurs
revenus [5]. Il s’agit, à travers un édifice juridique, de codifier ces interventions de
l’État en légitime/illégitime, exercice du droit/abus de pouvoir. Dans l’esprit des
juristes des xviie et xviiie siècles, en réaction aux excès de la monarchie, le droit est la
limite du pouvoir du souverain.
Précisons plus avant ces termes de « droit » et de « loi » pour éviter les généralités. Au
sein du dispositif juridique français issu de la Révolution, il est courant de distinguer :
Foucault exclut effectivement ce modèle pour analyser le pouvoir. Il le fait pour des
raisons d’abord méthodologiques : le pouvoir doit être analysé dans son exercice
concret où il est d’abord relation [8]. Ce n’est pas un bien que certains individus
posséderaient, tandis que d’autres l’auraient cédé ou perdu. C’est une interaction
entre individus, et c’est l’interaction qui va qualifier la position respective des
partenaires (gouvernant/gouverné), indépendamment des rôles que leur fixe la loi. La
condition de possibilité d’une relation de pouvoir est le maintien d’un bout à l’autre de
cette relation d’un champ ouvert d’action, qui rend interchangeables les positions
respectives et instable l’équilibre des forces en présence. La relation ne produit donc
pas nécessairement de l’affrontement ou de l’oppression, elle peut également dessiner
un certain gouvernement des libertés qui aménage l’espace des possibles sans lui
faire violence. Cette vision souple et polymorphe du pouvoir – mise en œuvre dès les
https://www.raison-publique.fr/article649.html 2/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
1) Son objet n’est pas les biens mais les corps des sujets, dont on va surveiller et
corriger le développement, la santé, la sexualité, la productivité.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 3/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
Faut-il en conclure que la loi est défaite, rendue inutile ou inefficiente par ce nouveau
pouvoir ? Non. Ce que pose Foucault, c’est le caractère hétérogène mais non exclusif
des deux dispositifs. La force de ses analyses consiste à toujours avancer par
différenciation, distinguant ici fermement deux régimes distincts de pouvoir, contre
l’image d’un pouvoir univoque et massif, grand corps homogène qui aurait l’État
souverain à sa tête et les fonctionnaires de la médecine et des prisons comme
membres inférieurs. Mais s’il n’y a pas exclusion, cela signifie que les deux dispositifs
se croisent sans cesse, pour s’appuyer, se relayer, ou, au contraire, s’opposer. La
théorie politique révolutionnaire et le pouvoir disciplinaire ont fait simultanément
apparaître « l’individu » – alors que le pouvoir féodal passait au-dessus ou en dessous
de ce dernier [14]. Mais ils lui ont donné deux sens radicalement différents : d’un côté,
« l’individu juridique […] comme sujet abstrait, défini par des droits individuels,
qu’aucun pouvoir ne peut limiter, sauf s’[il] y consent par contrat », et de l’autre,
« l’individu comme réalité historique, comme élément des forces productives, comme
élément aussi des forces politiques […] pris dans un système de surveillance et soumis
à des procédures de normalisation » [15].
Les deux individus n’en feront plus qu’un, quand les juristes à la fin du xviiie siècle
demanderont à un dispositif disciplinaire (la prison) de prendre en charge les criminels
pour les rétablir sujets de droit. Ils n’en feront plus qu’un quand la punition par la loi
prendra la forme d’un amendement et d’un redressement auxquels la psychiatrie
collaborera activement pour son propre bénéfice. Mais ils se distingueront à nouveau,
quand les avocats se plaindront de ne pas avoir droit d’assister leur client lors de
l’expertise psychiatrique pourtant décisive [16] ; ou quand la cour française de
cassation rappellera que l’autorité judiciaire n’est pas obligée par les résultats de
ladite expertise [17].
Cette rencontre, tantôt fusionnelle et tantôt conflictuelle, entres les deux individus
peut être illustrée par l’article 64 du Code pénal de 1810 (122-1 dans le nouveau
Code) qui stipule qu’il n’y a pas crime si l’individu était en état de démence au
moment de l’acte. La loi a ainsi pris l’habitude [18] de donner la parole au psychiatre
pour évaluer la capacité de discernement de l’inculpé, mais sans pouvoir recoder cette
parole en termes juridiques. Quand la loi s’adjoint un dispositif autonome de
production de la vérité, assuré par des experts qui ont leur propre règle de validation
des énoncés, elle prend le risque d’être constamment débordée et dominée par ce qui
devait simplement éclairer son jugement. Cet auto-désistement de la loi est bien
conforme à la théorie de la souveraineté qui repose sur l’union implicite des volontés
raisonnables : l’individu dément n’étant pas en état de comprendre le caractère
antisocial de son acte, ne peut être accessible à une sanction pénale. Mais en même
temps, c’est la loi elle-même qui demande à ce qui n’est pas elle (la médecine) de
statuer sur sa propre compétence. En 1958, sont définies de la sorte trois des
questions que le juge est appelé à poser au psychiatre : l’individu est-il 1) dangereux,
2) accessible à une sanction pénale, 3) curable ou réadaptable [19] ? Trois notions qui
ne sont, commente Foucault, ni psychiatriques ni juridiques, mais un effet de ce
https://www.raison-publique.fr/article649.html 4/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
En tant que pouvoir exercé non plus sur le corps individuel mais sur la naissance, la
mort, la maladie, pris comme des phénomènes globaux dont la science repère les
régularités, le biopouvoir s’articule plus difficilement sur le droit que le pouvoir
disciplinaire. Pour la simple raison qu’il perd ce qui constituait l’interface entre la loi et
la discipline : l’individu. Mais le biopouvoir n’a prise sur le vaste domaine de la vie
qu’en tant qu’il se couple toujours avec des contrôles au grain plus fin : c’est
l’exemple donné par Foucault de la cité ouvrière au xixe siècle comme croisement des
mécanismes de sécurité (règles d’hygiène, système d’assurance) et des mécanismes
disciplinaires (localisation des familles, contrôle policier) [22]. La grille d’analyse du
pouvoir comme connexion de dispositifs hétérogènes demeure donc pertinente. Au
lieu de chercher dans les éléments connectés la raison interne de leurs connexions,
Foucault nous invite au contraire à discerner les effets hybrides, les mixtes inédits que
produit aujourd’hui la rencontre casuelle des discours du droit, de la norme et de la
sécurité.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 5/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
Ce n’est pas parce qu’il y a des lois, ce n’est pas parce que j’ai des droits
que je suis habilité à me défendre ; c’est dans la mesure où je me défends
que mes droits existent et que la loi me respecte. C’est donc avant tout la
dynamique de la défense qui peut donner aux lois et aux droits une valeur
https://www.raison-publique.fr/article649.html 6/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
pour nous indispensable. Le droit n’est rien s’il ne prend vie dans la défense
qui le provoque [30].
Liberté effective et droit positif ne coïncident jamais immédiatement pour tous. Ils se
développent le long de deux lignes dont il faut guetter les rencontres possibles. En ce
point de rencontre, le droit devient un instrument dont on se saisit pour un résultat
auquel le législateur n’avait pas forcément pensé au départ. L’argumentation
strictement juridique dont use Foucault en 1977 pour s’opposer à l’extradition vers
l’Allemagne de l’avocat de la Fraction Armée rouge Klaus Croissant en fournirait un
bon exemple : le droit des réfugiés politiques, en particulier leur protection contre
l’extradition inscrite dans la Convention européenne de 1957, s’est développé à la
faveur tactique de la Guerre froide ; mais ce contexte politique particulier n’empêche
pas de le revendiquer « pour tous », pour Klaus Croissant comme pour les dissidents
de l’Est : « les libertés et les sauvegardes […] ne sont pas toujours conquises de haute
lutte, un matin triomphal. Elles se font jour souvent par occasion, surprise ou détour.
C’est alors qu’il faut les saisir et les faire-valoir pour tous » [31].
Un tel usage stratégique n’est pourtant pas le dernier mot de Foucault en matière
juridique. En mettant en série un certain nombre d’articles et de cours situés entre
1977 et 1982, il est également possible de retrouver chez lui les prémices d’une
approche à la fois positive et non-disciplinaire du droit.
Cette deuxième voie est celle du libéralisme, pensé d’abord comme technologie de
gouvernement, art de bien gouverner en gouvernant à l’économie. Foucault en définit
la rationalité singulière, des physiocrates du xviiie siècle aux écoles néolibérales
allemandes et américaines du xxe siècle. Mais si cette voie est clairement posée en
face de celle, tant honnie, de la souveraineté, faut-il y voir une alternative possible ?
L’édition en 2004 du cours Naissance de la biopolitique a surpris une partie du
lectorat traditionnel de Foucault et certains Jacobins pour qui « libéralisme » est un
mot à honnir absolument. L’article préalablement cité de 1977 pourrait cependant
appuyer cette hypothèse : en novembre de cette année, à l’occasion de la demande
d’extradition de l’avocat Klaus Croissant, Foucault signe une tribune dans le Nouvel
Observateur où il en appelle au « droit des gouvernés », droit « plus précis, plus
historiquement déterminé que les droits de l’homme » [34]. À peine plus d’un an plus
tard, au Collège de France, pour qualifier la conception nouvelle de la liberté qui naît
au sein de la gouvernementalité libérale et s’oppose point par point à la philosophie
révolutionnaire des droits de l’homme, Foucault use d’un syntagme sensiblement
proche : celui d’« indépendance des gouvernés » [35]. Peut-on alors mettre en série :
l’appel de 1976 à un « nouveau droit anti-disciplinaire », la référence militante à un
« droit des gouvernés » en 1977, et la notion libérale de « l’indépendance des
gouvernés » exposée en 1979 ?
Avançons prudemment. Dans un premier temps, si l’on suit les leçons des 14 et 21
mars 1979 consacrées à l’école de Chicago, il faut reconnaître que le type de
gouvernementalité défendu par les économistes libéraux de l’après-guerre comme
Theodore Schultz (1902-1998) ou Gary Becker (1930-) remplit en partie le cahier des
charges d’un droit qui ne serait pas disciplinaire :
1) Il n’y a plus d’unité de la loi, car n’est plus postulée une légitimité fondamentale de
l’appareil législatif ou constitutionnel ; celui-ci est sans cesse produit par le seul
exercice de la liberté des acteurs économiques [36] et sans cesse discuté dans tous
ses champs d’application, y compris le domaine interétatique. Quand Foucault en
appelle en 1981 au droit des gouvernés à s’inviter dans les questions de politique
internationale auparavant réservées aux États, il s’inscrit bien dans cette lignée [37].
Il n’y a plus d’unité du pouvoir, car son exercice est renvoyé autant que possible à des
instances locales, à la fois collectives (associations, entreprises, comités de quartier) et
individuelles (l’individu « entrepreneur de lui-même », agent actif d’une régulation
gouvernementale quand il consomme, choisit ses produits, fait attention à ses biens,
etc.). Entre ces entités autonomes, qui ne sont plus de simples ramifications de l’État,
il y a perpétuelle transaction. D’où le déplacement de la loi vers la jurisprudence, pour
arbitrer les différends entre les partenaires du jeu économique. On ne sera donc pas
étonné que dans l’article de 1977, Foucault pose comme droit « essentiel » des
gouvernés, celui d’être défendu en justice [38].
https://www.raison-publique.fr/article649.html 8/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
2) Il n’y a plus d’unité du sujet, car la gouvernementalité libérale n’a pas pour objet
l’individu, mais uniquement son environnement. Le crime ou la santé sont renvoyés à
des phénomènes globaux dont les lois statistiques dictent la gestion suffisante. Dans
cette conception, le criminel n’est plus anthropologiquement qualifié mais devient un
sujet économique comme un autre, qui « cherche en tout état de cause à maximiser
son profit, à optimiser le rapport gain/perte » [39]. La puissance publique doit
simplement calculer au plus juste l’efficacité de ses interventions sur ce sujet
économique, en fonction du dommage qu’il cause au libre jeu des intérêts, et sans
recourir à un coûteux dispositif disciplinaire. Ce qui veut dire que la loi peut tolérer
sans difficulté un certain taux d’illégalisme au sein de la société.
que l’on habite, l’équilibre mental des tout-petits, etc. Elles se situent ainsi dans le
prolongement direct du biopouvoir préalablement défini. D’où le paradoxe de la
gouvernementalité libérale souligné par Foucault : « la liberté dans le régime du
libéralisme n’est pas une donnée, la liberté n’est pas une région toute faite à respecter
[…]. La liberté, c’est quelque chose qui se fabrique à chaque instant » [49].
Dans ces conditions, ce qui ne réagit pas de manière prévisible aux modifications de
son environnement ou ce qui n’obéit pas à la rationalité de l’homo œconomicus, défini
comme l’homme qui cherche à faire fructifier son capital humain, social et culturel,
menace les dispositifs de sécurité inhérents aux politiques libérales. L’un des
fondateurs de la première école de Chicago, Frank H. Knight, avait à ce titre
soigneusement distingué « le risque » – mathématiquement mesurable donc
maîtrisable – de « l’incertitude », qui met en échec toute modélisation
probabiliste [50]. Il est donc cohérent que ce soit une question liée au terrorisme qui
amène Foucault à dénoncer en 1977 l’emballement de ces dispositifs devant ce que
l’État définit comme « accident dangereux » [51]. L’effort de certains économistes
contemporains pour réintégrer le kamikaze dans la théorie du choix rationnel guidé
par le self-interest montre bien leur désarroi face aux conduites n’obéissant plus à la
rationalité de l’échange 5 [52]. Si le terrorisme est l’ennemi principal du libéralisme, ce
n’est pas essentiellement parce qu’il représenterait un mal absolu – dire cela serait à
nouveau qualifier le crime et le criminel – mais parce qu’il est la forme la plus
manifeste de ce qui, échappant aux lois de l’économie, impose l’aléatoire de
l’événement :
L’État qui garantit la sécurité est un État qui est obligé d’intervenir dans
tous les cas où la trame de la vie quotidienne est trouée par un événement
singulier, exceptionnel. Du coup, la loi n’est plus adaptée ; du coup, il faut
bien ces espèces d’interventions, dont le caractère exceptionnel, extra-
légal, ne devra pas apparaître du tout comme signe de l’arbitraire ni d’un
excès de pouvoir, mais au contraire d’une sollicitude […]. Ce côté de
sollicitude omniprésente, c’est l’aspect sous lequel l’État se présente [53].
Le libéralisme ne réduit pas le rôle de l’État, il redistribue ses rôles : il lui demande
d’accepter un pluralisme toujours plus grand de comportements à l’intérieur de la
société (comme par exemple la consommation de drogues [54]), tout en conjurant
l’incertain. Ainsi, le caractère ouvert et négocié de la gestion du risque ne va pas sans
mesures d’exception, contournant les lois pour annihiler ce qui n’est pas quantifiable.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 11/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
Notre hypothèse serait alors la suivante : la notion de « droit des gouvernés », telle
que Foucault l’utilise dans ses écrits de combats, de l’affaire Klaus Croissant en 1977
à l’aventure de Solidarnosc en 1982 [55], est l’intrusion dans la seule indépendance
des gouvernés d’une dimension collective. « Nous sommes tous des gouvernés et, à ce
titre, solidaires » [56], déclare Foucault en 1981, alors même que cette proposition ne
va nullement de soi. Mais si cette solidarité n’est pas naturelle, elle n’est pas
impensable. Parce que toute protestation subjective n’a de sens qu’en tant qu’elle
peut rejoindre la concrétion d’un « nous », sous quelque forme que ce soit. Un
« nous » qui ne lui préexiste cependant pas de toute éternité, qui ne s’inscrit dans
aucune nature humaine particulière, aucun contrat ou bonne entente préalable entre
gouvernés, mais qui explique que Foucault s’intéresse à Klaus Croissant en 1977, aux
Iraniens en 1978 et à l’entrée des ONG sur la scène internationale [57] : « Nous ne
sommes ici que des hommes privés qui n’ont d’autre titre à parler, et à parler
ensemble, qu’une certaine difficulté commune à supporter ce qui se passe » [58]. Ce
« nous », jamais définitivement gagné ni institué, qui peut être au départ un groupe,
une minorité ou un peuple tout entier, permet de déjouer la gestion par l’État du
rapport entre intérêt individuel et intérêt collectif, car il n’est jamais complètement
l’un ou l’autre.
Quelle serait alors la condition pour qu’une protestation solitaire puisse rejoindre un
collectif ? À lire les articles des années 1978-1979 consacrés à l’Iran, semble ici
s’annoncer l’idée que l’homme qui se lève et dit « non », au-delà de la seule réaction
épidermique et circonstancielle, doit manifester en même temps une forme réfléchie
de subjectivité, c’est-à-dire de rapport à soi. Ce n’est pas seulement la vision d’une
cité plus juste qui rassemble les gouvernés dans une même protestation, mais
également, et peut-être surtout, une certaine manière de s’engager dans l’histoire, à
la croisée d’une transformation du monde et d’une transformation de soi [59].
Notes
[1] Alain Renaut & Lukas Sosoe, Philosophie du droit, Paris, PUF, 1991, p. 54-55 ; Yves-Charles Zarka,
« Foucault et l’histoire de la subjectivité. Le moment moderne », Archives de Philosophie, 2002, vol. 65,
p. 266. Les commentaires dans le monde anglophone sont plus nuancés sur la question. Citons la
communication de Paul Patton à la London School of Economics : « Governmentality, Power and Rights »,
le 16 septembre 2004.
[2] DE I, n° 132, « De la nature humaine : justice contre pouvoir », p. 1374. Nous citons le recueil des Dits
et écrits de Michel Foucault dans sa deuxième édition : Michel Foucault, Dits et écrits, t. 1 : 1954-1975, t.
2 : 1976-1988, éd. Daniel Defert et François Ewald, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001. Nous faisons
suivre l’abréviation « DE », du numéro de volume, suivi du numéro et du titre de l’article.
[3] Foucault, Michel, Il faut défendre la société. Cours au collège de France, 1975-1976, éd. Mauro
Bertani et Alessandro Fontana, Paris, Le Seuil & Gallimard, coll. « Hautes études », 1997, p. 31-36.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 12/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
[5] C’est pour cela que la participation à la vie politique après la Révolution française (droit de vote selon
la Constitution de 1791) dépend des revenus et de la qualité de propriétaire.
[6] À une seule reprise, dans le cours du 14 janvier 1976, Foucault emploie le terme « droit » en un sens
élargi à sa mise en œuvre concrète, jusque dans le moindre règlement institutionnel. Ce sens élargi
déborde alors clairement les rapports de souveraineté : « quand je dis le droit, je ne pense pas
simplement à la loi, mais à l’ensemble des appareils, institutions, règlements, qui appliquent le droit »
(Ibid., p. 24).
[7] À l’exception de la pensée d’Emmanuel Joseph Sieyès, que croise Foucault en 1976. Sieyès, selon
Foucault, retrouve sous les conditions juridico-formelles de la nation, des conditions historico-
fonctionnelles : une loi requise non pour garantir des droits idéaux, mais pour permettre des travaux
(agriculture, artisanat, industrie) et assurer des fonctions préexistantes (armée, justice, Église,
administration) : Ibid., p. 195-200.
[8] Ce qui suit se réfère au grand article méthodologique de 1981 : DE II, n° 306, « Le sujet et le
pouvoir », p. 1041-1062.
[9] Michel Crozier & Erhard Friedberg, L’Acteur et le système, Paris, Le Seuil, 1977.
[10] Michel Foucault, Le Pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France, 1973-1974, éd. Jacques
Lagrange, Paris, Le Seuil & Gallimard, coll. « Hautes études », 2003, p. 56-57.
[14] L’individu ne croisait le pouvoir féodal qu’occasionnellement, en tant qu’il était usager (passait un
péage, utilisait une route), membre d’une famille, d’une ville etc. (Le Pouvoir psychiatrique, op. cit., p.
45-46).
[18] L’expertise psychiatrique n’était pas considérée comme une obligation par le Code d’instruction
criminelle de 1810. Le Code de procédure pénale de 1958 pose seulement l’obligation d’une enquête de
personnalité. C’est donc l’usage qui a imposé l’expertise psychiatrique pour déterminer la capacité de
discernement de l’inculpé.
[19] Circulaire du garde des sceaux et article C345 de l’Instruction générale pour l’application du Code de
procédure pénale.
[21] Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978, éd. Michel
Senellart, Paris, Le Seuil & Gallimard, coll. « Hautes études », 2004, p. 24.
[22] Foucault, Il faut défendre la société, op. cit., p. 223-224. Il en va de même des questions de
sexualité ou d’urbanisme.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 13/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
[27] Foucault,Il faut défendre la société, op. cit, p. 36. C’est la reprise d’un thème développé dans Le
Pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 59.
[28] DE II, n° 205, « L’angoisse de juger », p. 287.
[29] Citons parmi les mesures récentes : le suivi socio-judiciaire avec ou sans injonction de soin (loi du
17 juin 1998), la création du fichier judiciaire automatisé des infractions sexuelles (loi du 9 mars 2004),
le placement sous surveillance électronique mobile (loi du 12 décembre 2005), la rétention de sûreté (loi
du 25 février 2008).
[30] DE I, p. 79-80 (Chronologie). Foucault est l’auteur, à la demande de l’avocat Christian Revon, de ce
texte non signé, préparant les assises « Pour la défense libre » de La Sainte-Baume (1980). Christian
Revon nous indique que ce mouvement n’a guère prospéré au-delà des assises, de profondes
divergences entre les participants s’étant manifestées (entretien avec C. Revon, mai 2006).
[31] DE II, n° 210, « Va-t-on extrader Klaus Croissant ? », p. 364, nous soulignons.
[39] Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 264, note***. On trouvera une présentation de
cette approche libérale du crime à travers l’exemple britannique dans David Garland, « Les contradictions
de la société punitive : le cas britannique », Actes de la recherche en sciences sociales, septembre 1998,
n° 124, p. 49-67.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 14/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
[43] Ce nouveau « droit des gouvernés », précise Foucault, « notre histoire récente en a fait une réalité
encore fragile mais précieuse » (DE II, n° 210, « Va-t-on extrader Klaus Croissant ? », p. 362). C’est en
tant que phénomène historique nouveau qu’il faut considérer les appels contemporains au respect des
droits de l’homme, et non comme la réactivation d’un droit traditionnel (Naissance de la biopolitique, op.
cit., p. 43).
[44] Certes, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 cite la « résistance à
l’oppression » parmi les droits naturels et imprescriptibles (article II). Mais l’article VII place aussitôt face
à la résistance les notions de Loi et de Société : tout Citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à
l’instant : il se rend coupable par la résistance ». Il y a un présupposé de légitimité concernant la Loi,
expression de la volonté générale » (article VI) qui interdit « les actions nuisibles à la Société » (article V).
Ce face-à-face délicat se retrouve dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales de 1950, celle-ci reconnaissant la légitime restriction de certains droits : ainsi,
l’ingérence de l’autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale est
possible si elle est « prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique,
est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d’autrui » (article VIII).
[46] Kant,Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784) et Projet de paix
perpétuelle (1795).
[47] Cette notion de « cadre » est fondamentale chez les ordolibéraux allemands : Foucault, Naissance de
la biopolitique, op. cit., p. 145.
[48] Ibid., p. 67.
[49] Ibid., p. 66.
[50] Frank H. Knight, Risk, Uncertainty and Profit, Boston, Hart, Schaffner & Marx, Houghton Mifflin Co.,
1921.
[52] Mark Harrison, « The Logic of Suicide Terrorism », Royal United Services Institute, Security Monitor,
2003, n° 2, p. 11-13.
[53] DE II, n° 213, « Michel Foucault : la sécurité et l’État », p. 385. Cet article de Foucault porte sur l’État
sécuritaire, non sur l’État libéral ; le premier ne se réduisant bien entendu pas au second. Rappelons
cependant que la France de 1977 est sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, contexte politique
qui marque pour Foucault l’introduction du néolibéralisme en France : Naissance de la biopolitique, op.
cit., p. 199-213.
[54] Ibid., p. 262-264.
https://www.raison-publique.fr/article649.html 15/16
14/1/2020 Michel Foucault et la question du droit - raison-publique.fr
[55] À son retour de Pologne en 1982, s’il n’emploie pas l’expression « droit des gouvernés », c’est bien
dans cette direction que Foucault propose d’interpréter la notion de droits de l’homme : « Mais les droits
de l’homme, c’est surtout ce qu’on oppose aux gouvernements. Ce sont des limites que l’on pose à tous
les gouvernements possibles » (DE II, n° 321, « Michel Foucault : “L’expérience morale et sociale des
Polonais ne peut plus être effacée” », p. 1168).
[56] DE II, n° 355, « Face aux gouvernements, les droits de l’homme », p. 1526.
[57] L’Île-de-lumière en 1979, Médecins du monde en 1980, le Comité international contre la piraterie en
1981.
[58] Ibid., p. 1526. Dans un entretien en 1984 avec Paul Rabinow, Foucault revient sur ce « nous » qui se
constitue seulement « à partir du travail fait » et espère former « une communauté d’action » (DE II,
n° 342, « Polémique, politique et problématisations », p. 1413).
[59] Sur le soulèvement comme impératif de se changer soi-même : DE II, n° 259, « L’esprit d’un monde
sans esprit », p. 749. Voir aussi DE II, n o 269, « Inutile de se soulever ? », p. 793 : c’est par le
soulèvement « que la subjectivité (pas celle des grands hommes, mais celle de n’importe qui) s’introduit
dans l’histoire ».
https://www.raison-publique.fr/article649.html 16/16