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Phares

TRIO

Pour Violon, Violoncelle et Piano.


ANALYSE DE LA PIECE

A) INTRODUCTION
I) Genese de la pièce:
Cette pièce a été élaborée entre décembre 2018 et avril 2019 dans le cadre de la classe de
composition du Conservatoire de Bordeaux conduite par Mr Jean Louis Agobet. Elle s'inscrit
dans le cadre de ma 2ème année d'étude au sein de cette classe et compte conclure mon
cycle d'initiation en Composition Instrumentale.

L'origine generatrice de cette pièce se trouve être elle même un Trio avec une formation
instrumentale identique ( Violon, Violoncelle et Piano ). Ce dit Trio a été composé en début
d'année scolaire 2018 et consitue la base à partir de laquelle Phares a pu emerger. Il
s'agissait d'un pièce de commande de la classe de Déchiffrage " Ephemere " organisée par
Benjamin Carat et dont la nomenclature instrumentale nous était imposée.

En addition de la nomenclature instrumentale, un certain nombre de paramètres et de


contraintes ont été ajoutées :

- La pièce devait être tres courte ( entre 1 minute et 2min30' Maximum )

- Elle devait s'articuler autour d'UNE unique note ( le Sol de la corde à vide IV du violon )

- Devait contenir des difficultés et particularismes d'écriture qui obligeraient les musiciens
( qui se disposaient que de 20 min de déchiffrage avant de jouer ) à mettre en place un
systeme de filage efficace pour en venir à bout.

- La pièce devait avoir un idée génératrice globale parmis un certains nombres de


paramètres :

Le Silence était mon parametre de choix pour la conception du Trio " Ephemere " puis du
Trio Phares.

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II ) Le rapport au Silence comme point de départ
Il me semblait interressant d'aborder ce parametre à travers plusieurs dimensions. Penser le
silence comme l'absence pure de tout Son me semblait trop perilleux pour l'utiliser plus tard
comme generateur de materiau, il me fallut donc prendre du recul sur ce terme pour en
extraire la substantifique moelle créatrice.

En procédant par association d'idées, le terme silence s'est avéré avoir plusieurs formes:

- La forme strice d'une absence de frequence.

- La forme d'une stagnation, d'un état immobile et paradoxalement d'un état en constante
repetition ( le silence est il un ostinato infini ? ).

- La forme au contraire d'une frequence unique et immuable qui part cette derniere
propriété perd sa qualité " sonore " ?

- Et enfin la forme d'une attente, d'une tension et d'un contraste avec une saturation
frequentielle.

Le terme de silence a aussi su amener la question essentielle de l'émergence. Comment un


son apparait du " néant ", comment le faire évoluer de façon organique et le laisser
s'éteindre completement. Toutes ces questions de silence pur, de répétition et d'émergence
constituent la base pour la création du materiau musical de Phares et je developperai les
specificités avec lesquelles elle sont abordés ainsi que les moyens musicaux mis en place
pour "illustrer " ces differents concepts.

B ) Analyse
I) Analyse globale de la pièce
Phares s'articule en 3 grandes sections A, B et C. Bien que la pièce suive un cheminement
organique et sans rupture d'écriture vraiment notable, chacune de ces section porte un role
bien défini et sert en quelque sorte " d'étape " dans le déroulé du Trio. La note SOL
( contraire issue du Trio Ephemere ) mais avant tout la polarité quelle excerce autour d'elle
est un élément constitutif de la forme et du discours musical : c'est la direction globale de la
pièce. Le titre Phares est une illustration de ce principe : Le SOL est le point d'arrivée de la
piece, d'ailleurs l'ultime section C est celle qui prend le plus son inspiration en terme de
materiau dans le Trio Ephemere. Ce SOL ( apparaissant à tout les registres ) sert de point
d'ancrage à l'écriture du materiau, d'où le titre évocateur Phares : La note sol semble
émerger du silence et guider l'auditeur vers le point d'arrivée de la pièce.

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- La section A fait office d'introduction, à la fois d'introduction sonore a proprement parler
mais aussi d'introduction des différents materiaux qui seront developpés dans le reste de la
pièce. On y distingue se dessiner dans le registre extreme aigue une trame particulierement
éthérée et volatile, par une introduction aux cordes jouant sur differents types
d'harmoniques ( Tout les points musicaux précis seront developpés dans la partie II). La
densité du materiau musical y est minimale bien qu'elle n'aille qu'en se densifiant a
l'approche de la partie B.

- La section B ( la plus courte ) au contraire, explore dans la continuité de A, un aspect


beaucoup plus dense et mecanique du materiau musical. En forme d'antithese avec A, le sol
dans le registre grave du piano va permettre de faire emerger un complexe jeu d'intrication
du violon et du violoncelle ( détails à voir dans la partie II) ). S'en suivra un jeu de
combinatoire entre les 3 instruments en alternant differents groupes de timbres / groupes
d'instruments. Cet effet de " montage " assez surprenant va servir paradoxalement par un
effet de jeu sur les changements de registres à introduire l'utime section C.

- En effet, la section C est la resultante organique de toute l'organisation préalable de la


pièce, il s'agit d'une convergence des 3 instruments vers la même frequence. Il s'agira ici
d'explorer plus en profondeur la question de la polarité et du travail sur et autour d'une
note comme fait ulterieurement dans le Trio Ephemere. J'y aborde en particulier la question
du timbre, son evolution et la façon de le modeler par des techniques instrumentales
spécifiques. La question des ostinato et de la répétion prendra une part importante dans la
conclusion du Trio.

II) Analyse détaillée


Je ne developperai pas ici le déroulement formel et organique de la pièce, je joindrais avec
cette analyse un plan que j'ai élaboré avant l'écriture finale de Phares. Dans cette ultime
partie il sera plutôt question de revenir sur les differents aspect generateurs du materiaux
musical et de décrire les moyens musicaux et instrumentaux mis en place pour illustrer et
ou developper ces idées.

La question du silence en musique inclu ( presque ) forcément l'idée d'émergence sonore,


sinon l'existence même de la pièce est mise en péril. Dans cette pièce la question de
l'emergence sonore est traitée à divers niveaux ( L'emergence, la question du temps, la
direction/ le geste et enfin en derniere partie le silence et la densité ).

L'émergence

Des le commencement de Phares, il est demandé au musiciens de prendre la position de


départ de la première note qu'il auront a jouer et de maintenir un silence total avant que le
violon ne demarre sa partie. Ici c'est sous l'angle du geste non pas instrumental mais
physiquement que l'emergence et le silence sont approché : de cet immobilisme va naitre
une note dans une dynamique presque inaudible, cette note avant de prendre un aspect

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frequentiel passera par un instant bruité : d'abord un son etouffé puis une harmonique
artificielle suraigue.

A chaque instant de la piece, l'idée d'emergence d'un nouveau timbre et travaillé avec cette
meme approche " organique " :

La partie " Battuto " du violoncelle s'incrit sur une note qui apparaissait dejà dans les
instants precedents, et comme indiqué plus haut, le timbre a été modelé pour donner a
cette note plusieurs qualités sonores ( harmoniques naturelle / artificielle / étouffée ) avant
de lui appliquer la qualité " battuto ". Cette transformation du timbre me semble être un
outils essentiel pour illustrer l'emergence sonore. Voici d'autres exemples :

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Ici ( au Violon ) la tranformation de pizzicato harmoniques vers un tremollo avec archet puis
une pression faisant " emerger " la note réelle à la même position sur le manche.

Au contraire dans cet extrait c'est l'utilisation des subharmoniques qui permet l'emergence
d'une fréquence additionelle ainsi que d'une ligne fusée qui semble sortir du tremollo
incessant de sol.

Dernier exemple Illustrant l'émergence : c'est ici la qualité directionnelle de cette figure au
violoncelle qui par un effet " revers " ( la densité se fait VERS une note singuliere
contrairement à l'exemple précedent ) fait apparaitre la corde a vide IV en tremollo.

Le caractere stagnant / fluide et la question du Temps

Il me semblait interessant de travailler en association avec l'idée du silence et de


l'émergence sur une qualité sonore et une perception globale du temps et des durées. Il
était question de pouvoir mettre en place une trame temporelle extrement libre et fluide en
apparence même si celle ci est parfois reglée " au chronometre " :

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Le tempo n'est quasiment jamais indiqué, sauf dans la derniere section et d'autres
evenements particulier, la notation que j'ai utilisée ici est une notation en seconde : Elle n'a
pas vocation a etre lue strictement mais elle offre une echelle de temps pour les differents
evenement musicaux, cela permet d'associer une ecriture précise avec une perception assez
libre et lisse des durées.

Autre exemple:

Ici la superposition de notation en secondes ( 6" au violon et 8" au piano ) permet de se


faire develloper à l'interieur meme de ces durées des cellules mélodiques donc l'approche
reste libre en terme de tempo pour les musiciens. Cela aura pour effet une certaine
malléabilité du materiau musical pour les interpretes ainsi qu'une perception plus fluide des
durées pour l'auditeur.

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Comme montré ci dessus, les echanges de voix et differents effet de tuilage ( présents dans
l'entiereté de la pièce ) participent grandement au developpement organique du Temps
dans ce trio. De la même maniere que l'évolution du timbre peut etre traité sur un
instrument particulier, elle se trouve abordée a travers le tuilage des differents instruments.

Dernier Exemple concernant le temps :

Ici c'est assez directement un ralentissement du materiau musical qui est à la base de la
distortion de la perception des durées, la répétition des ostinatos bruités ayant deja installé
un climat de stagnation, un ralentissement permet ici sans changer le contenu de la pièce
de faire advenir un changement de perception chez l'auditeur. Le contenu ne change pas
pourtant l'effet de décalage de l'ostinato est accentué par la diminution du tempo et la
combinaison rythmique des differents groupes prend une qualité absolument differente.

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Direction, Geste, Trajectoire

La polarité autour de la note sol m'a permis d'explorer la question de la direction/la


trajectoire. Ces aspects sont d'ailleurs intimement liés au timbre et au geste instrumental
dans l'entiereté de la pièce. Exemples :

A ce moment charnière entre la partie B et C, la trajectoire le geste et le timbre ne fond


qu'un : l'ensemble des instruments se dirigent vers la note sol soit soit par glissandi vers le
haut, le bas, soit par stagnation. L'arrivée sur le SOL est marqué par une supression du jeu
d'archet chez les cordes resultant dans l'emmission d'une " sub-harmonique ". La qualité de
ce dernier geste n'est que la resultante de la trajectoire melodique et dynamique de la
phrase précedente.

Dans cet exemple( au violon ), bien que la trajectoire( mélodique ) soit rectiligne, c'est le
geste physique instrumental qui permet au timbre d'évoluer organiquement dans le temps :
note étouffée --- harmonique artificielle ---naturelle---note réelle.

Exemples plus précis de gestes et de trajectoire :

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- Echange des voix par un jeu de cordes et glissando au violon, glissando puis jeu sous le
chevalet au violoncelle.

- Ligne directionelle ( sul ponticello ) partagée entre le violon et le violoncelle, puis gliss
andi en tremollo par TOUT les instruments. S'en suit au piano un effet de trille suivit
de jeu de glissandi en oposition a une stagnation du SOL à la main gauche.

Le Silence et la Densité

Le silence pur, comme l'organisation du timbre est un élément essentiel et structurel du


discours musical de Phares. Comme indiqué en début d'analyse il est demandé aux
interpretes d'attendre le silence complet avant de commencer ainsi que de maintenir une
concentration pour une écoute active du silence en fin de pièce. L'apparition et la
disparition du son à l'interieur du discours musical est dans ce Trio intrinsequement liée à la
question de la densité :

En introduction, le Silence est un tremplin pour le démarrage de la pièce, il permet


d'installer progressivement la qualité sonore à venir ( harmoniques et sons bruités ) et
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permet le déroulement lisse des durées.

Le decrescendo des cordes puis leur extinction permet un transfert de timbre entre
l'harmonique du violon et la resonance de l'harmonique du piano.

Au contraire, certaines partie comme ci dessus evolue non pas autour du silence mais dans
l'absence total de silence : ici un jeu de densité extremement intriqué aux cordes permet de
saturer l'espace frequentiel ( Du Sol grave du piano aux harmoniques suraigues du violon )

Autres Exemples du rapport entre Silence et Densité :

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Opposition de densité entre les clusters de 2nd mineur au piano et les parties harmoniques
et suraigues des cordes.

Opposition entre perte de densité et augmentation du silence par diminution du tempo

C ) Conclusion / impressions personnelles sur la conception de


la pièce
La conception de cette pièce fut pour moi une grande source d'experimentations et de
découvertes. N'ayant auparavant jamais écrit pour violon ou violoncelle, la question des
techniques étendues et de l'organologie de ces instruments s'est rapidement imposée.
L'étude appronfondis d'abords des doigtés puis des techniques d'archet, des différents
modalité de créations des harmoniques etc m'ont permis une approche extrement
enrichissante de l'écriture specifique pour ces instruments. D'autres part, à la vue du projet
musical que je souhaitais mettre en oeuvre, la question extremement importante de la
notation a aussi pris part dans le processus créatif, j'ai pu cette année commencer à mettre
en place le commencement d'un systeme de notation personnel que j'espere pouvoir
developper dans les années à venir. Aussi, la composition de cette pièce m'a t elle permis
d'acquerir de bonnes bases méthodologique et une vision beaucoup plus pragmatique du
travail de compositeur.

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